Nous nous levons à six heures comme d’habitude pour un petit-déjeuner à 6h15. Le départ est fixé tôt, à sept heures, avant que le soleil ne soit trop haut car nous avons trois heures de marche plus une heure et quart de visites. Nous allons voir deux temples décorés, colorés, et une tombe de prêtre important. Tous ces monuments ont été démontés et remontés au-dessus du Nil lors de l’élévation du barrage Nasser.
Nous partons depuis le bateau avec nos sacs marcher sur le sable ocre parsemé de pierres noires volcaniques et d’inclusions de grès. La marche est vite pénible aux genoux et au bas du dos car les chaussures chassent sur le sable et mettent en tension la position du corps. Avec la chaleur qui monte et devient vite accablante, plus de 35° au soleil. Mo a senti que le groupe était d’un âge certain, nous avons tous dépassé l’âge de la retraite, et fait sa première pause au col après une montée d’où nous pouvons voir le lac et sa descente vers les temples. Nous ferons deux autres pauses avant d’entamer la descente finale, plus facile aux genoux, dont une pour faire des photos à la mode comme sauter en l’air devant le paysage ou lancer une poignée de sable, le genre de niaiserie qui plaît sur les réseaux. Le paysage est désertique, fort semblable au Sahara des Tassili. Des traces se lisent bien sur le sable où l’on voit même quand le fennec se met à courir.
Lors de la première pause au col, Mo a parlé du militaire qui aurait dû nous accompagner mais dont il est bien content qu’il ne l’ait pas fait. Cela fait bizarre aux touristes de se voir maternés par un homme armé. Lui n’a pas fait son service militaire, ni Prof, ni le mari non plus. Je suis donc le seul à l’avoir fait dans le groupe. En Egypte, l’engagement est possible dès l’âge de 16 ans pour les garçons comme pour les filles. La conscription est normalement à 18 ans et dure de 14 à 36 mois, suivie d’une période de réserve obligatoire de 9 ans. La longueur du service actif dépend de son niveau d’éducation. L’armée est souvent une promotion sociale pour les peu éduqués ; elle gère (comme au Pakistan) des banques, des entreprises, des compagnies de navigation et de travaux publics.
Nous avons droit à un bref repos musculaire à l’ombre du premier temple de Derr en attendant que Prof, en short et sandales mais T-shirt, ait fini de discuter des paramètres de son dernier mobile Samsung avec Mo, appareil qui capte enfin dans sa province et qu’il a acheté en début d’année.
Le temple d’Amada se dresse dans un paysage entre désert et Nil ; il est le seul vestige des temples construits en Nubie lors de la XVIIIe dynastie. Il a été érigé sous les règnes de Thoutmôsis III, Amenhotep II puis agrandi par Thoutmôsis IV afin d’y faire son propre temple des millions d’années. Les scènes sculptées dont la couleur a été préservée par le plâtrage des chrétiens, représentent un bandeau supérieur pour Thoutmôsis III vénérant Amon et un bandeau inférieur pour Amenhotep II devant Rê-Horakhty. Le temple ne pouvant être démonté a été déplacé en son entier avec des cerclages de fer, des poutrelles en béton sous son assise, et son dépô
t sur une plate-forme munie de roues sur des rails. Cela sur 2,6 km et plus haut de 65 m.
Je l’ai plusieurs fois noté, l’intérieur des temples sent la goyave et je comprends pourquoi : ce sont des produits pour chasser les scorpions et les serpents que les gardiens répandent avant notre arrivée. Un gros scorpion jaune a d’ailleurs été capturé par le gardien qui lui a ôté sa queue à venin. Il ne pourra plus se nourrir et mourra.
Juste avant le bateau, la tombe de Pennut, officiel important probablement prêtre sous Ramsès VI (1143-1136 avant). Le pharaon est peint sur le mur est, ce qui est un honneur. D’autres murs contiennent des passages du Livre des morts.
À notre retour, ce n’est pas du karkadé cette fois mais du tamarin qui nous est servi glacé et sucré. Je trouve cela très bon. Le déjeuner est végétarien mais beaucoup trop copieux, comme si nous avions marché non pas trois heures mais trois jours : sur une assiette de riz sont posées en dôme des pâtes puis des spaghettis, le tout surmonté de lentilles sauce tomate, ail et piment, et d’oignons frits carrément brûlés. En dessert, c’est encore un farineux, une banane des rives du Nil. Une formation du cuisinier égyptien à la diététique, même sommaire, serait la bienvenue.
Nous bullons sur le pont supérieur abrité en lisant ou en écrivant. Une hirondelle du Nil vient lancer sa trille aiguë, posée sur le bastingage du pont supérieur où nous sommes. Elle réclame des miettes ; il y en a tous les après-midis à l’heure du thé avec le cake, et elle semble s’en souvenir d’un voyage à l’autre.
Au sud d’Assouan, sur une île, un fort romain n’a pas été déplacé ; il se nomme Kasr Ibrim. Il est en ruines et nous nous contentons de le longer sans nous y arrêter. A l’époque, avant le barrage, il était situé sur une falaise qui surplombait de 60 m le site d’Aniba où siégeait le gouverneur de la province. Sur la rive, les pitons sont en forme de pyramide, les Égyptiens n’ont rien inventé et ont copié les abords du désert de Nubie.
La crique sur une île du lac Nasser près de Toshka est occupée par des pêcheurs, amis du capitaine. Ils rentrent d’ailleurs en barque de leur travail du jour et s’installent devant leurs cabanes montées comme des bidonvilles ; ils y font du feu et la cuisine tout en discutant jusque fort tard dans la soirée. Avec notre équipage, bien entendu. Le cuisinier fou nous refait un repas plantureux : soupe des restes de midi, trop salée, boulettes de viande, poivrons et courgettes farcies, dessert à la noix de coco.








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