Bretagne

Locmariaquer

Nous revenons à la jetée où nous pique-niquons juste après l’hôtel qui est au bord. Une bande d’ados de 15 ou 16 ans torse nu passe pour se baigner en plongeant directement de la jetée. BCBG en goguette, ils nous saluent et nous souhaitent une bonne route. Le menu n’est pris qu’après l’apéritif de kir au cidre et émietté de thon à la tomate et au basilic de marque Hénaff. Il y a ensuite deux salades, une nordique, saumon et pommes de terre Lidl, et une sucrine champignons, fêta et noix Les goélands sont intéressés mais C., qui fond devant tout animal, se fait rabrouer parce qu’elle attire leur gros bec. Il ne faut pas les encourager.

Le sentier côtier suit le bord de la plage, parfois sous la pinède, parfois dans les ajoncs. Nous marchons même une bonne heure sur le sable, tout au bord de l’eau, ce qui fatigue les mollets. Derrière les lunettes noires, nous pouvons observer les corps étalés des adultes, pas toujours plaisants, les jeux intéressants des petits, les peaux bronzées et le mouvement des muscles sur les poitrines. Un ado chahute avec son père. Il lui lance une balle en dansant devant lui, debout, tous muscles dehors, alors que son géniteur reste allongé sur sa serviette, sans bouger, comme recevant l’hommage de la jeunesse. Un bon tableau psychologique. Les femmes nous observent passer, comparent. Nous formons un groupe bizarre sur la plage, cheminant en sac à dos et grosses chaussures au lieu d’être pieds nus en slip ou en T-shirt comme tout le monde.

Le tumulus de Mané er Hroek (pierre de la vieille – ou de la fée) borde les maisons dans un bois. La fée aurait fait monter une mère qui guettait le retour de son fils unique dans la baie et elle aurait été exaucée. C’est un « tumulus géant » comme celui de Saint-Michel à Carnac. Il fait 100 m de long, 60 m de large et 10 m de haut. L’escalier qui s’enfonce dans le sol et permet de le visiter a été aménagé au XIXe. La chambre est basse de plafond et étroite mais contenait des haches polies en roches des Alpes ou des Pyrénées, des perles en variscite. Aucun os humain n’a été retrouvé, peut-être évacué dans les millénaires ou dissous par le sol acide. Il est classé Monument historique en 1889 après des fouilles de Galles ; il sera refouillé par Le Rouzic. Il a été restauré en 2015 et ouvert au public.

Une chambre funéraire en bord de plage, un dolmen près d’un village, le sentier nous conduit sur le site de Locmariaquer et son aménagement à la Disney habituel. Un petit film pour nous redire ce que l’on sait déjà et c’est directement le site, sans conférence. Le cairn d’Er Grah reconstitué était un parking dans les années 1970. Vers -4500, de très petits cairns ont été érigés, surmontant quelques fosses, et vers -4000, deux extensions au nord et au sud portent la longueur totale du monument à 140 m. Ce n’est qu’en 1991 qu’a débuté la restauration que nous voyons aujourd’hui ; elle reste un tas de cailloux pour les profanes.

Le dolmen dit de la Table des marchands a été construit en -3900 et utilisé jusque vers -2000. La dalle du fond est plus ancienne que le dolmen lui-même. Elle a été conservée à son emplacement d’origine lorsque l’alignement du grand menhir a été détruit. L’entrée de la chambre est basse et le plafond du couloir s’élève peu à peu, comme pour marquer la progression vers le sacré. Des symboles en forme de croissant seraient un rayonnement spirituel divin et les crosses sculptées représenteraient le pouvoir de la divinité. Même le plafond est gravé : une hache emmanchée, une crosse, la partie inférieure d’un bovidé. L’autre partie, nous l’avons approchée ce matin à 4 km de là ; elle recouvre le plafond du dolmen de Gavrinis.

Le grand menhir brisé atteignait 18,5 m au-dessus du sol lorsqu’il était dressé, 21 m au total ; il comprenait 2m50 dans le sol. Il a été taillé dans un granit venu d’ailleurs et pesait 280 tonnes. Il a dû être transporté sur plusieurs kilomètres sans que nous sachions quelle était la technique réelle, en raison de son poids. Une fois dressé, il a été entièrement poli. 18 autres emplacements de menhirs ont été relevés derrière lui, en un ensemble rectiligne détruit vers -4200. Il semble que le menhir n’ait pas été abattu par les hommes mais plus probablement par un séisme car les cassures sont nettes sans traces d’outils, les tremblements de terre étant courants sur ce massif ancien. Il va de soi qu’une telle prouesse architecturale n’a pu être effectuée que dans une société hiérarchique, un peu comme en Égypte antique. Il fallait un chef, des architectes, des maîtres d’œuvre et une main-d’œuvre servile ou volontaire – et probablement une croyance au sens de la construction.

L’archéologue Serge Classen, dans le film, suggère que le transport de ces énormes blocs s’effectuait pour la partie navigable sur des barges, sans pour l’instant que les calculs n’aient été effectués pour savoir si c’était possible sans couler, et par voie de terre sur des pistes graissées car les rondins n’auraient pas suffi à leur poids.

À la sortie, l’inévitable boutique à picole, bijoux celtes, livres pour enfants, chants bretons, T-shirts et casquettes estampillés. Quelques livres sérieux sur la préhistoire et le néolithique du site permettent à la culture de subsister.

Sur le parking, reviennent du tennis tout proche quatre ou cinq gamins accompagnés de grandes sœurs. Ils sont tous en débardeur bleu marine numérotés, sauf un qui l’a ôté. Il se la joue déjà viril à 11 ans, c’en est touchant. Une jeune fille autour de 18 ans androgyne, passe devant nous, ses petits seins à peine marqués sous le T-shirt porté sans soutien-gorge. Avec son short de jean coupé et ses cheveux coiffés garçon mais un peu long, elle a l’air d’un ado effarouché.

Nous retournons à l’hôtel juste après 18 h, ce qui est à peine suffisant pour une douche et se retourner. Nous avons en effet rendez-vous à la crêperie de la Pompe dans le bourg à 19 heures tapantes. Le menu est composé de trois crêpes au beurre salé, un menu plutôt lourd, bien que touristique et breton. La première est simple avec une salade verte, la seconde complète avec jambon, œuf et tomate, la dernière en dessert avec du caramel au beurre salé. Nous buvons du cidre, le brut de Carnac pour les hommes et le doux en bouteille pour les femmes (c’est leur choix).

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Gavrinis

Nous avons une demi-heure de taxi depuis l’hôtel pour joindre le bourg de Locmariaquer d’où nous prendrons une navette pour l’îlot de Gavrinis. Nous en n’aurons autant le soir au retour. Le bateau à moteur pour Gavrinis et son tumulus ne comprend pas seulement notre groupe mais aussi plusieurs autres touristes.

Nous accueille un jeune Clément, étudiant en Master d’anthropologie à Toulouse, venu faire ici de petits boulots. Son sujet était les rites funéraires bouddhistes au Vietnam mais le Covid et l’absence de bourse l’ont empêché de le poursuivre. Il s’est replié sur un sujet français, la comparaison des rites funéraires et des croyances en l’au-delà. Il est gentil, Clément, un peu timide et délicat d’expression.

Le tumulus de Gavrinis comprenait une chambre funéraire en forme de dolmen à couloir destinée à un personnage important, recouverte de pierres et de terre de façon à former un tertre visible de loin, marquant la puissance du personnage dans le paysage. Si la chambre fait environ 2m50 sur 2m50, le couloir de 13m10 est très long, supporté par 23 dalles support dont la plupart complètement ornées. Une hache pendeloque votive en jadéite a été découverte ici, désormais au musée de Carnac.

Le niveau de la mer était 8 m plus bas qu’aujourd’hui et le climat moins propice à l’éclosion d’arbres de grande hauteur. Ce genre de tumulus était donc visible à la ronde et marquait le pays et la société de son empreinte. L’îlot d’er Lanic, situé en face de Gavrinis, montre un hémicycle de monolithes dont une partie se trouve sous l’eau aujourd’hui. La mer, qui remontait lentement depuis -11000 ans aurait brutalement remonté lors de tempêtes, ce qui aurait cassé vers -4300 la civilisation prospère de Carnac fondée sur l’extraction et le commerce du sel.

Deux haches en jade trouvées dans la baie de Morlaix par un gamin et son père, plantées verticalement sur le rivage d’époque, montrent peut-être la fonction de limite symbolique opposées à la montée des eaux ; mais leur pouvoir sacré n’a pas agi. Les élites auraient dépéri et le système de signes qui formaient une pré-écriture comme dans l’Egypte antique, allant jusqu’à essaimer dans le massif de Fontainebleau selon Serge Cassens, n’aurait pas abouti. Peu à peu, les grands tertres tumulaires ont laissé la place à des allées couvertes, puis à de simples dolmens, montrant la moindre importance des rois mages et une certaine égalisation sociale faute de richesse échangeable.

Le principal attrait de Gavrinis est ses dalles gravées du couloir et de la chambre. L’archéologie expérimentale a montré que la gravure était un artisanat spécialisé. Il fallait préparer la surface du granit au percuteur de quartz avant de graver par percussion indirecte. Pour 1 cm de gravure, il faut à peu près 2 mn de travail, c’est dire le nombre d’heures qu’a nécessité la gravure sur les dalles de Gavrinis ! Nous pouvons voir la sinuosité des vagues et les tourbillons des courants, le serpentin des rivières, et sur la dalle L6 (6ème gauche) un arc, un carquois et des flèches, l’eau calme ondulée, les barges chargées d’homme accolées en miroir comme une porte vers l’autre monde. Il y avait les deux rivières d’aujourd’hui, celle venue d’Auray et celle venue de Vannes qui empêchaient les transports purement par la terre : le transport par grandes barges était donc probable. Mais sont gravées aussi des haches, un arc, des pointes de flèche. Tout est rempli comme par horreur du vide, ce trou noir inhumain qui caractérise la mort.

Des troncs de bois creusés en forme de pirogue monoxyles sont disposés le long du sentier menant à la jetée. Ils sont une reconstitution d’archéologie expérimentale des barques du néolithique.

La dalle la plus grosse qui couvre la chambre est un réemploi d’un menhir brisé de Locmariaquer. Sa face cachée, visible par un puits creusé depuis le sommet (réservé aux archéologues) comprend une partie d’une gravure qui subsiste à plusieurs kilomètres de là sur une stèle de couverture de la Table des marchands réemployée à Locmariaquer. Le style ne convenait pas aux nouveaux tombeaux. La stèle reconstituée montre un ovin et un bovin tournés vers la gauche, tout comme la hache emmanchée, et un cachalot tourné vers la droite, comme s’il fallait séparer symboliquement le monde terrestre des humains et celui infini de la mer.

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La Trinité-sur-Mer

Après avoir largué A. qui rentre en bus pour cause de grande fatigue, nous passons le pont de Kerisper sur la rivière de Crach, construit en 1956. Auparavant, seuls les passeurs permettaient d’aller d’une rive à l’autre des marais de Kerdual. Nous pouvons voir depuis le tablier du pont le port de plaisance de la Trinité-sur-Mer et ses innombrables bateaux, voiliers, multicoques et promène-couillons à moteur. Des navigateurs célèbres en font leur port d’attache comme aujourd’hui Thomas Coville ou Francis Joyon. Nous traversons le port et les stands montés pour les courses et distractions de l’été. Beaucoup de frime et de bronzage étalés.

Nous quittons ce fracas pour gagner le chemin aménagé dit « sentier des douaniers ». Sur 8 kilomètres, il mène de criques en plages jusqu’à la Pointe de Kerbihan et les plages de la baie de Quiberon. Nous sommes toujours sur le GR 34. Des baigneurs sont régulièrement rencontrés, échoués sur les bords sableux ou rocheux avec leur serviette, mais ils ne sont pas serrés.

La marée descend et un kid de 8 ans, pieds nus mais dûment shorté, T-shirté, casquetté et lunetté, court jouer ici ou là avec l’un ou l’autre de son âge, fouillant les rochers à la recherche de crabes ou grimpant aux échelles de corde installée en aire de jeu. Ses parents discutent, se posent un moment puis repartent, laissant le gamin se débrouiller à les rejoindre ou non. Il reste en face de nous un moment et commence à jouer aux agrès mais ses parents partent sur le sentier. Il doit les suivre, ce qu’il ne fait qu’avec retard et réticence. Dommage, son copain vigoureux dans les agrès du bord de plage venait d’ôter son T-shirt pour faire des exercices et l’inciter à l’imiter.

Nous pique-niquons sous les pins maritimes au bord d’une villa en reconstruction dont les camions et engins commencent à retravailler après la pause. Nous sommes en bord de plage mais à l’ombre, sur des tables et des bancs aménagés par la commune. Cette fois, apéritif de muscadet au cassis (pour ceux qui aiment) ou nature pour moi, avec des petits artichauts confit italiens et des chips bretonnes de sarrasin. Nous avons ensuite de la salade de chou Lidl aux dés de jambon cru et de fromage, du porc confit, du « camembert » breton (vraiment sans goût) et des pommes (très acides).

Nous poursuivons le sentier des plages. Quelques beaux corps de filles, d’adolescents et de gamins. Les petits sont toujours attendrissants à bâtir des châteaux de sable contre la mer, les fillettes étant les plus obstinées. Pour les garçons surtout, la sensation de la peau contre le soleil, l’eau, le sable, le vent, est une véritable sensualité présexuelle. Ils aiment à se frotter à la grève, à leurs copains, au papa. Ils sont libres à la plage, libres de leur corps et d’explorer toute la gamme de leurs sensations. Avant de monter rejoindre le sentier depuis le sable où nous marchions, juste avant la digue de Kerdual, un jeune Allemand blond d’or bruni de 13 ou 14 ans surgit, magnifique, un vrai prince Éric. Il est l’aîné d’une portée de petits blonds allemands dont le bronzage n’est pas encore égal au sien. Nous sommes plusieurs à envier son papa d’avoir créé cette merveille.

Nous passons devant les salines en face de la plage de Kervillen. Ces marais salants délaissés durant un demi-siècle ont été rénovés en 2010. Des tas de sel blancs font autant de pyramides sur le fond glauque. Des gravettes, avocettes, canards tadornes et autres bécasseaux s’ébattent dans l’eau stagnante et sur les rives herbues.

Suit une pinède de Monterey, pin californien à trois aiguilles au lieu de deux, qui mène à un parking d’où viennent régulièrement papys et mamies avec gamins. Sur un tronc abattu, la pause permet une discussion vive à l’ombre sur les chasseurs-cueilleurs en quête de bouffe et les néolithiques devenus propriétaires. C. cite même Rousseau dans le texte, le Discours sur l’inégalité concernant la propriété. Mais il y a l’éternelle confusion des faux savants entre l’espérance de vie et l’âge moyen au décès, le matriarcat et la matrilinéarité, le désir de croire plutôt que de vérifier. Je renonce, il suffit de regarder sur Wikipédia ou autres sites reconnus. Ce n’est pas parce que l’on désire y croire que c’est attesté dans les faits. Le pouvoir des femmes (matriarcat) qui reste un mythe, est différent de l’héritage par les femmes (système matrilinéaire) qui est attesté.

Double navette jusqu’à l’hôtel, l’une jusqu’à l’office du tourisme de la plage, l’autre jusqu’à l’office de tourisme du bourg. Quatre filles restent à la plage, quatre autres rentrent à l’hôtel, comme moi. Il est presque 18 h. Cette journée plage nous a flapis, par excès de chaleur plus que par la marche sans doute.

Au dîner à l’hôtel, le dernier du séjour, nous avons quatre huîtres en entrée (pas six !), un filet de bar beurre nantais avec ses petits choux-fleurs, champignons, et tomate en dés, et une crème brûlée. En général, les repas sont bons à l’hôtel, même si le cuisinier, le grand Noir que nous avons rencontré dans le hall, met souvent trop de sauce.

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Saint-Philibert

Nous prenons le taxi jusqu’à Saint Philibert après le petit déjeuner de huit heures et la répartition du pique-nique. Nous visitons la chapelle Saint Philibert qui se nomme en vrai Notre-Dame de la Nativité. Elle est construite au bord de l’eau en 1648 sur le modèle d’une maison de pêcheur, sur la rive du Ster.

Une petite fontaine aux bêtes la flanque dès 1649. Comme beaucoup de chapelles, le plafond de la nef est recouvert d’une boiserie en forme de coque de bateau, peinte en bleu de mer et ornée d’étoiles.

Est notable un retable. Il est du XVIIIe siècle, un tableau romantique dans la partie centrale représente Saint Philibert débarquant dans l’anse du Ster sur une auge de pierre, brandissant la croix d’une main et la crosse de l’autre – pas vraiment bienveillant. Les caraques venues d’Angleterre et d’Irlande étaient chargées de pierres comme lest mais elles différaient des pierres de Bretagne d’où l’assimilation du bateau à la roche étrangère. Les vitraux évoquent les activités agricoles et ostréicoles du village.

Dans la nef sont suspendus des ex-voto de navires à voiles, y compris un catamaran récent, pour implorer la protection su saint lieu. Une statue de Sainte-Anne et de la Vierge enfant est érigée à droite du cœur ; c’est assez rare.

Philibert le saint venait de Gascogne. Élevé à la cour de Dagobert 1er (celui qui mettait sa culotte à l’envers), il se fit moine à 20 ans puis devint abbé avant de fonder des monastères selon la règle de saint Benoît, sur le modèle de saint Colomban. Il a fondé l’abbaye de Jumièges puis celle de Noirmoutier. Il est mort en 684 à 76 ans.

La rivière de Saint Philibert mène jusqu’à Auray. Nous la suivons jusqu’à la pointe de Kerpenhir. Il s’agit d’une ria, ses rives ont été creusées par les marées. Les vasières se découvrent à marée basse. Le GR 34 suit la plage bordée de pins d’un côté et les villas chic en bordure de l’autre. Le libre passage a été âprement négocié, beaucoup de riches en résidences secondaires refusant la promiscuité. Ils représentent plus de la moitié de la population du lieu. Nous voyons en effet des familles se prélasser, les ados déjà grands marquant la réussite sociale du père qui a les moyens de louer la maison.

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Plages de Carnac

Nous partons vers Carnac à pied, puis en navette gratuite devant le musée, en direction des plages. Il y a quelques baigneurs, mais ce n’est pas le principal. Un 12 ans à lunettes au torse encore étroit mais aux muscles secs bien dessinés, en seul bermuda de jean, joue au ballon avec un copain. Ici fleurissent des foils et des wing, toutes activités qui n’existaient pas lorsque je suis venu au début des années 1990. Seule la planche à voile et le surf étaient en vogue. L’atmosphère est très familiale, ce que je ne ressentais pas au même degré quand j’étais avec Alexis et François, Petit Pierre et sa sœur.

Les villas de vacances sont un peu en retrait de la mer, avenue des Druides, villégiatures de l’entre-deux-guerres pour riches personnes, idéalement placées. Deux pépés ramassent des huîtres sauvages accrochées au rocher affleurant à marée basse.

Une croix des Émigrés et sa plaque commémorative ont été érigées il n’y a pas si longtemps en souvenir du débarquement le 27 juin 1795 des nobles revenus d’Angleterre, accueillis par les chouans réfractaires de Georges Cadoudal et Jean Rohu. « A l’aube du 27 juin 1795, les régiments d’Émigrés foulent le sable des plages de Carnac », est-il écrit sobrement – sans jugement politique ni historique sur leurs motivations ni sur leur sort. Ils ont été repoussés par les armées révolutionnaires dirigées par le général Hoche dans la nasse de Quiberon et, pour la plupart, massacrés.

Nous revenons par les terres, la chapelle de Saint Colomban, classée Monument historique en 1928, avec sa fresque en traits rouges redécouverte en 1963 sous la chaux. On distingue une caraque de fin XVIe et un galion du XVIIe. Saint Colomban fut un moine irlandais de Bangor qui émigra en 580 avec un groupe de compagnons pour évangéliser en Angleterre puis en Bretagne avant de gagner les Vosges où il fondé l’abbaye de Luxeuil. Il prônait une religion austère qui ne plaisait pas aux cours franques. Un Christ sans bras est accroché au mur tel un cadavre voué à l’adoration. Il symbolise la chair périssable, tout comme le bois et sa destruction, contre l’Esprit toujours vivant – croit-on. Mais si nous sommes Esprit, quel était-il pour nous avant notre naissance en « ce » monde ?

Un peu plus loin, nous passons entre les champs de chanvre aux feuilles semblables à celle du cannabis. La fibre de la tige est utilisée pour tresser des cordes et des textiles, notamment les voiles très solides qui faisaient la réputation des marins bretons. Abandonnée depuis des décennies, la culture de chanvre revient. De nombreux vélos nous croisent sur le sentier. Le soleil est bien bronzant mais un petit vent rafraîchit l’atmosphère autour de 23°.

Nous rentrons à l’hôtel peu après 18 h après une journée bien remplie. Le dîner est bruyant avec un cidre offert par C. qui a eu à 14 h pile ses résultats au diplôme d’infirmière ; elle est reçue mais ne parvient pas à avoir ses notes. Le menu est une terrine de poisson avec salade, de la joue de porc aux pommes de terre grillées et aux haricots verts, et un fondant de chocolat très fort en épaississant, accompagné de crème anglaise.

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Tumulus Saint-Michel de Carnac

Nous poursuivons sur la passerelle de bois vers Kermario mais n’allons pas au bout des alignements car nous bifurquons dans la forêt, vers le tumulus Saint-Michel.

Un hommage au poète breton Guillevic est disséminé par quelques pierres dressées dans les bois, gravées de ses poèmes. Tel celui-ci :

« La feuille,

Amie du silence,

Laisse le vent

Parler pour elle. » 

Le tumulus Saint-Michel surgit, long de 125 m et large de 58 m. Il domine Carnac de sa chapelle à 12 m de hauteur. Il a été classé Monument historique en 1889. Deux tout jeunes ados expulsant leur énergie, probablement frères ou cousins, courent depuis le bas de la forêt jusqu’au sommet avant de prendre une photo avec leur téléphone, puis de redescendre par le chemin d’où ils sont venus, courant toujours. Un défi ? Une expiation ? Un jeu entre eux ?

Il n’y a rien à voir que le site car la chapelle – reconstruite en 1926 – est fermée, délaissant les croyants. Un bar-crêperie se tient à son pied, avide de touristes. Un jeune Espagnol de 10 ans joue au foot avec des plus petits, un ado de 15 ans lance une balle à son chien hirsute ; comme la balle est retenue par un élastique, le chien ne parvient pas à anticiper le retour et ne l’attrape jamais. Pas très futés, les chiens.

La tombe d’un seul personnage (donc considérable) a été fouillée une première fois en puits de 1862 à 1864 par René Galles puis refouillée cette fois en tranchée par Zacharie Le Rouzic de 1900 à 1906. Elle daterait de -4500 environ. Nous pouvons voir la porte métallique fermant le couloir qui a permis d’aller jusqu’au caveau central. Sa position au point culminant du paysage, visible à plusieurs kilomètres à la ronde, indiquait le rang social, peut-être une sorte de roi-prêtre de la trifonction indo-européenne.

Je me souviens avoir eu le petit neveu Le Rouzic comme client en gestion de patrimoine au début des années 1980. Voilà ce que c’est d’avoir une vie et une mémoire longue. J’ai d’ailleurs en marchant l’impression d’avoir beaucoup vécu, et comme plusieurs vies. Ce matin, à la Maison des Mégalithes, j’ai repéré dans le générique du film le nom d’Edward de Lumley comme directeur de la communication. Je l’ai connu petit, à 9 et 10 ans en 1976 et 1977, sur les chantiers de son père Henry au Lazaret à Nice et à Tautavel près de Perpignan. Je lui racontais la légende d’Ulysse et je l’aimais bien. C’est le souvenir de 1969 à mes 14 ans, une semaine à Carnac avec les parents en caravane, le camping situé près des alignements avec cidre, air salé et bruine vivifiante. Hier soir, c’était le souvenir d’Anne-Elisabeth et du chantier d’Etiolles, ainsi que les réminiscences des petits François et d’Alexis au musée, que je retrouverai encore sur les plages un peu excentrées de Carnac où nous allions nous baigner en juillet 1992, probablement Men Du ou Beaumer. Nous les arpentons à pied cette après-midi. Plus tard, ce sera le golfe du Morbihan, ses courants, ses amers et ses odeurs, que j’ai fréquentés il y a plus de quarante ans comme moniteur aux Glénan, sur l’île d’Arz. Cette semaine est un vrai pèlerinage vers le passé et vers moi-même.

Nous pique-niquons au pied de la chapelle, sous un chêne, à l’opposé du bar. Cette fois, il s’agit d’une salade de pâtes Lidl, d’une tomme bretonne aux algues sans guère de goût (comme tous les fromages inventés en Bretagne par le marketing actuel), et de melon.

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Alignements de Carnac

Nous quittons l’Hôtel des Alignements pour nous rendre aux alignements réels, à un quart d’heure de marche. Le temps est gris, venteux, frais. À la Maison des Mégalithes, un court film nous explique quand et quoi. Menhirs et dolmens datent du néolithique de -5000 à -2500. Il s’agissait d’une société d’agriculteurs, hiérarchisée comme le prouve la tombe de chef du tumulus Saint-Michel découvert à Carnac sous la chapelle élevée sur la butte artificielle qui a nécessité des milliers d’heures de travaux. Des haches votives en jadéite et des perles de colliers en variscite, matériaux venus des Alpes italiennes et d’Andalousie lui servaient de parures. Ces haches n’étaient pas destinées au travail car trop fragiles et précieusement taillées puis polies ; elles avaient une fonction symbolique de pouvoir, une « magie ».

Avec une jeune conférencière du coin très brune, probablement étudiante, nous visitons les alignements du Ménec, juste en face, de l’autre côté de la route de Kerlescan. Le Ménec est le principal alignement, les autres s’étendant sur environ 4 km jusqu’aux dolmens de Kerlescan, au-delà du cromlech du même nom, que nous ne verrons pas. Se succèdent les alignements de menhirs du Ménec, ceux de Kermario, enfin de Kerlescan. Des passerelles en bois permettent de voir les alignements sur leur pourtour, sans piétiner dedans. La terre en effet se tasse et, comme une gencive les dents, déchausse les menhirs. Seules les visites guidées en groupe sont autorisées. Les guides nous demandent d’ailleurs de marcher sur les ajoncs, plantes invasives qui prennent trop de place.

Les alignements du Ménec, avec leurs 1050 menhirs dressés sur 11 lignes, vont en dégradé des plus hauts menhirs d’environ 4 m de haut aux plus petits de 30 cm, du sud-ouest au nord-est sur 950 m de long et 100 m de large. Ils sont terminés par un cromlech, demi-cercle de 71 menhirs au ras des maisons du hameau du Ménec. Beaucoup ont été détruits, récupérés, retaillés, servant à bâtir l’église et quelques maisons. La roche, la granulite, affleure dans les environs et a été utilisée sur place, dans la meilleure lignée du consommer local qui est le fantasme écolo de notre post-modernité. On l’extrayait en utilisant ses fissures naturelles (diaclases) et en y enfonçant des coins de bois mouillés qui faisaient gonfler la pierre, puis des écarteurs en pierre, jusqu’à l’éclater.

L’intérêt pour ces pierres dressées naît au XIXe siècle dans la lignée du romantisme avec l’Écossais James Miln (né en 1819) et le tout jeune Carnacois de 10 ans, Zacharie Le Rouzic (né en 1864). Il a quitté l’école pour suivre son maître archéologue déjà âgé de 45 ans et sensible à la curiosité du jeune garçon. Zacharie s’est formé tout seul et a pris sa suite, effectuant des fouilles, faisant appel à l’opinion érudite afin de protéger les sites, ce qu’il parviendra à faire en 1928 en les faisant classer Monuments historiques. Il est décédé en 1939. Carnac, sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, n’a toujours pas obtenu le label.

Les menhirs en granit du coin ont été transportés sur des rondins. Une expérience de juillet 1979 sous la direction de Jean-Pierre Mohen a prouvé que 250 hommes pouvaient tirer 32 tonnes. Cet exploit social était un événement collectif qui soudait la communauté et s’effectuait peut-être avec des cérémonies. Pour leur érection, il fallait creuser dans le sol un calage profond d’une trentaine de centimètres à deux mètres selon la taille du menhir, y installer quelques pierres de retenue, tirer la pierre dans un berceaux de bois sur des rondins posés sur des rails de bois pour éviter au maximum les frottements, dresser le menhir à l’aide d’une chèvre, de leviers et de câbles en chanvre depuis son sommet, enfin de caler la base avec des pierres, de la terre, du sable et des cendres. Les cendres au pied des menhirs ont été datées par le carbone 14 de -3500.

L’étudiante nous énumère les différentes hypothèses sur leurs fonctions.

• La légende de Saint Cornély qui aurait figé l’armée de soldats païens à sa poursuite n’est plus crue par personne.

• L’hypothèse du marquis de Robien en 1755 que les menhirs étaient des stèles de sépulture ne tient pas car aucun os n’a été trouvés à leur pied.

• Le culte druidique de La Tour d’Auvergne en 1805 n’a rien qui l’atteste

• Le culte phallique des pierres « dressées » milieu XIXe est plus un fantasme de mâle en rut ou de femmes en mal d’enfant qu’une hypothèse crédible

• Le culte solaire ou du zodiaque du celtomane Jacques Cambry début XIXe est marqué par le nationalisme mais attesté par rien

• L’observatoire sismographique de Pierre Méreau en 1992 suggère que, placés sur les failles, les menhirs alignés seraient des détecteurs de tremblement de terre. Pourquoi pas ?

• L’idée d’un observatoire astronomique des étoiles et des astres pour calculer les équinoxes et les solstices afin de régler les semailles et les fêtes religieuses reste la plus probable, car des calculs permettent de le vérifier.

• L’hypothèse du passage symbolique vers l’autre monde comme les torii japonais, dernière née en raison de la mode ésotérique, n’est pas incompatible avec l’hypothèse astronomique mais ne permet pas d’être prouvée. Elle est celle de Serge Cassen, directeur de recherche au CNRS. Les espaces entre les pierres seraient des passages, des « seuils ». Il insiste sur la notion de limites posées par les humains dans le paysage : limite entre ce qui vient de la mer et ce qui vient de la terre, entre le monde des morts et celui des vivants. Le mot limite est, là encore, à la mode en notre période de migrations et de « frontières » remises en cause, sans que l’on s’interroge sur son bien-fondé à chaque cas.

• L’attraction populaire, antique pour la spiritualité et le culte funéraire comme contemporaine pour le tourisme et le patrimoine, n’est pas négliger…

Dans le groupe d’à côté, j’observe un kid blond de 7 ans en mini-short et T-shirt sans manches. Il a froid avec le vent et l’immobilité, j’ai moi-même endossé mon coupe-vent. Comme tous les enfants, il rentre ses bras sous son léger vêtement pour enserrer sa poitrine nue. Mamie n’avait rien prévu pour les enfants. D’autres parents n’avaient pas non plus prévu de chaussures, une petite fille était en claquettes dans les ajoncs piquants. À quoi pensent donc les adultes ?

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Musée de préhistoire de Carnac

Au sortir de l’église, le musée n’est pas loin, juste au-delà de l’office du tourisme. Il occupe une grande bâtisse ancienne, un presbytère du XIXe, montrant combien les curés étaient des personnages considérables à l’époque. J’ai le souvenir de l’avoir visité avec des amis en août 1993, commenté par Anne-Élisabeth Riskine, une copine des fouilles d’Étiolles née à Carnac et devenue conservateur du musée en 1980 après avoir été admissible deux fois au très difficile concours de la conservation. Elle a donc obtenu un poste secondaire, aidée par sa connaissance du maire de la commune. Elle est décédée brusquement en 2001 un matin dans son garage, à 54 ans ; elle était forte et cardiaque.

J’entre pour 8 € et visite les vitrines rénovées d’objets archéologiques découverts dans la région et bien mis en valeur. Le paléolithique est représenté par le site de la Pointe de Saint-Colomban daté de -450 000 ans. Galets aménagés, choppers et outillage sur éclats de quartz étaient l’œuvre de l’Homo erectus d’Heidelberg.

Au mésolithique, vers -10 000, ce sont les hommes modernes qui s’installent en baie de Quiberon et taillent des microlithes en silex pour chasser. Les tombes sont individuelles ou collectives sous amas coquilliers, ce qui a préservé les ossements de l’acidité du sol breton. La dame de Téviec a été retrouvée en position repliée et parée de perles en coquillages.

Mais c’est le néolithique qui est le plus intéressant car évoquant directement les mégalithes de la région. La néolithisation intervient en Europe vers -8000 par deux courants d’est en ouest. Le premier par les terres le long du Danube jusqu’en Normandie (danubien ou rubané) ; l’autre par la mer le long des côte méditerranéennes (cardial). L’Armorique (ar mor = en bord de mer ; ar couet = dans les terres) se situe à la jonction de ces deux courants et a vu probablement la naissance du mégalisthisme vers -5 500. Les tombes sont décorées de gravures à vocation probablement spirituelles. Elles tournent autour de trois grands thèmes universels : la femme – maîtresse de la fécondité et déesse des morts ; la nature sauvage – via le taureau ; le pouvoir – religieux ou politique – des hommes.

L’agriculture est véritablement la grande césure de l’humanité jusqu’à l’ère numérique : elle a anthropisé le paysage, il est devenu façonné par l’homme et les mégalithes en sont le premier témoignage. Les humains se sédentarisent, deviennent producteurs plutôt que prédateurs ; la société se hiérarchise avec l’essor démographique ; les hommes aménagent le paysage et élèvent les tombes tumulus pour leur élite comme des monuments.

La hache polie en pierre rare, surtout de couleur verte, est symbole de prestige et constitue un trésor aux pouvoirs sacrés – elle n’était pas utilisable pour le travail. Le tertre avec sa chambre cachée figure la caverne, sein maternel fantasmé pour l’au-delà et la terre Mère. Plusieurs dolmens peuvent se regrouper sous un même cairn, peut-être une tombe de clan ou de famille de haut niveau social. Et les menhirs, en alignements, pourraient participer au départ symbolique de ces morts vers l’au-delà – sans avoir besoin d’évoquer les extraterrestres – tout en marquant les limites symboliques des vivants et des morts.

A l’âge du bronze, vers -2000, ce sont des haches à douilles qui servent de monnaie d’échange et d’armes pour tuer. Les poignards, dont un exemplaire magnifique est reconstitué en vitrine, brillant de tous ses feux, complètent la panoplie d’armes létales.

A l’âge du fer vers -750, les Celtes venus de la région située entre Bohême et Bavière vont submerger les populations du bronze par leurs armes encore plus solides et meurtrières, la fameuse épée longue en fer. Les monnaies gauloises s’inspirent des monnaies grecques dès la fin du IVe siècle avant et le bracelet en verre, importé d’Égypte ou du Proche-Orient devient objet précieux car rare et montrant la richesse par l’échange.

À l’étage, une animation sur les outils et leur utilisation est une attractivité pour les familles. Notamment l’arc qui n’est ici pas une arme mais une hélice pour un perçoir à coquilles minuscules. L’ensemble du musée est assez rapide à voir et donne une bonne initiation aux monuments mégalithiques alentour et à leur civilisation, bien loin de la nôtre.

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Église Saint Cornély de Carnac

L’église est au carrefour des rues principales du bourg.

Elle est très chargée, essentiellement du XVIIIe siècle avec des vitraux de la fin XIXe. Elle est dédiée à saint Cornély (Cornélius en latin, Corneille en français), 21ème pape et martyr du troisième siècle, de 251 à 253. Il a été « persécuté » par l’empereur romain Trébonien Galle qui ne l’a pas mis à mort mais simplement exilé à Civitaveccia où il se serait éteint de mort naturelle. On connaît pire comme « martyre » chrétien… Sa légende, selon laquelle il aurait été poursuivi par des soldats romains jusque sur la côte de Carnac et les aurait changés en pierre, est une fausse vérité de la religion. Il est représenté en façade par une statue en pierre colorée du XVIIe entourée d’une vache et d’un bœuf, il est le protecteur des bovins et aussi, dit-on je ne sais pourquoi, des enfants.

L’intérieur de l’église est surchargé de boiseries peintes et de tableaux. Les anges potelés nus hantent les lambris au-dessus des saints personnages, ce qui donne une ambiance païenne et très charnelle à la foi. Le désir est un enfant innocent, évanescent, une pure nuée née de l’Esprit.

Ce qui est rare est une représentation de Dieu le Père dans la nef tenant le Fils dans ses bras sous la Trinité du Saint Esprit au-dessus d’eux.

Le plafond de bois peint raconte des scènes de la vie du Christ et de la Vierge. L’orgue classé de 1775 permet des concerts, assez nombreux en cette période estivale.

L’intérieur de l’église connaît un va-et-vient incessant de touristes, quelques-uns agrippés par des jeunes catholiques bénévoles qui s’empressent d’expliquer sa fonction et ses décors religieux à une masse déchristianisée de plus en plus inculte.

Le marketing n’est pas absent car une boite aux dons est proposée pour « participer aux travaux de rénovation de l’éclairage » avec, raffinement psychologique, la possibilité de « planter un clou » doré dans un tronc d’arbre pour manifester son don. Comment refuser ce plaisir aux petits ?

Des familles vont et viennent, dont un petit blond en combinaison de surf noir qui moule son torse étroit mais bien dessiné et met en valeur ses épaules carrées. La combi noire qui cache pudiquement le corps se veut une sorte de burkini pudique pour cathos. Mais elle moule la poitrine comme le ventre de façon intime ; ceux qui passent en short et T-shirt sont moins exposés. Le gamin est accompagné de son frère un peu plus jeune vêtu de même, espiègle comme la sœur. Leur mère ou tante est un grand échalas anorexique à la robe fleurie trop courte pour ses pattes de héron et une coiffure en pétard de la dernière mode cool-chic ridicule.

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Chapelle Sainte-Barbe de Plouharnel et chapelle Saint-Antoine

Sainte-Barbe a été bâtie au XVIe siècle en « un lieu de grand péril », comme on disait alors : les vagues qui venaient battre le pied de la fontaine d’eau douce, les tempêtes qui échouaient les naufragés. Le clocher a servi aux Bleus de Hoche à surveiller la côte et le débarquement des Émigres, puis aux nazis en 1940 à surveiller Lorient.

Le vitrail latéral du chœur symbolise les naufrages, celui de la nef rappelle les combats des Bleus et des Blancs, tous réalisés par Gérard Milon en 1985. La façade de la chapelle a été classée Monument historique en 1925 ; le clocher a été partiellement détruit en 1944 et reconstruit tronqué, la tour carrée abrite la cloche. Les bancs de pierre situés au nord et au sud, permettaient aux paroissiens de s’asseoir pour papoter après la messe.

La fontaine proche est réputée… protéger des incendies ! Il est vrai que sainte Barbe est la patronne des artificiers et des pompiers. Sainte Barbe est sainte Barbara : enfermée dans une tour par son père parce qu’elle avait épousé le Christ et refusait de se marier (l’éternel conflit du spirituel et du temporel), elle en fut sortie pour l’accouplement. Refusant toujours, son père la tua en brandissant son épée et fut immédiatement frappé par la foudre – d’où le patronage sur tout ce qui rappelle le feu, la foudre, la poudre. Malheureusement, c’est une légende : la sainte n’a jamais existé et elle a été retirée du culte en 1969 par l’Église.

Saint Antoine, en revanche, a plusieurs occurrences. Pas moins d’une cinquantaine ! Le plus connu est Antoine le Grand, père de tous les moines, ermite de Haute Égypte au IVe siècle avant d’organiser une communauté à Fayum. Saint Athanase a écrit sa biographie car il est mort à plus de 90 ans. Il est représenté avec une croix en T et un porc, symbolisant à l’origine le diable.

Sa chapelle a le plafond de sa nef en forme de coque de bateau renversée ; elle est peinte du bleu de la Vierge (et de la mer), et cloutée d’étoiles. Un Christ en bois longiligne pend sur sa croix en faisant saillir ses côtes, la tête ronde et la bouche amère.

Nous reprenons un taxi pour rejoindre l’hôtel à Carnac.

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Carnac, Baie de Plouharnel

Une courte semaine à Carnac pour revoir les menhirs et me replonger dans la récente préhistoire. Au premier jour, le petit-déjeuner est à 7h30, à l’ouverture, exceptionnellement pour un départ tôt en raison de la chaleur, bien que la température ait chuté depuis hier soir. La Bretagne a un climat qui change très vite. D’ailleurs le ciel est gris et un orage se lève, il n’est pas question de marcher avec le risque de foudre.

L’orage passé, nous partons à pied de l’hôtel évidemment nommé « Les alignements » vers la baie de Plouharnel et ses ostréiculteurs à touche-touche le long de la mer, dans l’anse du Pô. À force de voir des huîtres, nous avons envie d’en manger. Ce que nous faisons pour ceux qui aiment, vers 11h30 au soleil qui revient et à la marée qui descend. Ce sont six numéros deux pour moi pour 8,50 €. A., que cela répugne, se décide à goûter et elle découvre qu’elle aime. Elle qui a, depuis des années, refusé à Noël les plateaux d’huîtres, se dit qu’elle pourrait désormais y céder ; elle est un peu chochotte. C., en revanche, prend un plateau de rillettes de poisson. Cette pause nous occupe bien trois quarts d’heure.

Nous poursuivons le sentier GR 34 au-dessus des vasières et de l’étang du Moulin en observant les mouettes rieuses à capuchon noir, les gros goélands aux ailes argentées, les sternes fines qui plongent au ras de l’eau. Les mouettes trépignent des pattes sur le bord pour faire sortir les vers. Des moutons noirs aux cornes recourbées broutent l’herbe d’un pré salé minuscule en bord de sentier ; c’est une race rustique réintroduite ici, le mouton des landes.

Au pied d’une propriété secondaire s’élève un « baromètre breton », construction humoristique que le propriétaire n’a pas inventée, à ce qu’il nous avoue en revenant en vélo. C’est tout simple : galet sec = beau temps ; galet mouillé = pluie ; galet mouvant = vent ; galet invisible = brouillard ; galet blanc = neige ; pas de galet = il a été volé.

Nous passons entre les maisons neuves ou retapées, surtout destinées aux vacances. Enfants et adolescents peuvent s’initier au kite surf, au paddle, à la voile, au wing – une planche à voile avec une voile légère sans mât – ou d’autres activités. Une théorie de jeunes adolescents en colonie de vacances passe en vélo, tous casqués et habillés et portant le gilet jaune de rigueur. Nous croisons quelques randonneurs adultes en couple, mais ils ne marchent qu’autour de leur maison, en promenade apéritive. Plus tard, un adulte torse nu défait son sac de ses épaules en nous voyant pour le porter sur sa poitrine. Curieuse pudeur puritaine venue des États-Unis.

Nous pique-niquons sur une table et des bancs en bois aménagés sur le GR, dans un parc communal ombragé de grands chênes. Un ancien lavoir, d’où sourd encore l’eau de la fontaine malgré la pellicule de lentilles d’eau qui recouvre la surface, rafraîchit l’atmosphère. Outre la salade nous avons de la variété : le pâté de cochon du cousin charcutier en Bretagne (et pas du cochon de cousin), le fromage frais de brebis du coin, le fromage blanc mi yaourt de marque Saint-Malo, des cerises et de la confiture de fraises aux poivrons. Je note deux doses de fraise pour une de poivron rouge.

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De Locmaria au Palais

C’est notre partie la plus facile du tour, mais le dernier jour et sur 17 km quand même. Le vent a tourné au nord, ce qui nous permet de l’avoir dans le nez, mais moins fort qu’hier et sans grains cette fois-ci.

Dans une anse près de Locmaria est installé un camp scout. La plage de sable dans la crique est juste au-delà de la route. Les gamins, que l’on voit en chemise par ce matin venteux, doivent être excités par le vent et l’eau froide vu qu’ils sont peu boutonnés. Le climat breton incite à discipliner sa libido.

À la pointe de Kerdonis, le phare qui culmine à 37,90 mètres au-dessus de la mer fait l’objet d’une légende contemporaine. Une famille était gardien de phare et le père, le soir du 18 avril 1911 est mort en nettoyant la lentille. Comme le mécanisme était démonté, sa femme et ses enfants ont fait tourner le phare toute la nuit à la main, avec le cadavre à leurs côtés, pour ne pas que les marins soient privés du feu annonçant les abords de Belle-Île et l’entrée dans le golfe du Morbihan. Le chanteur Théodore Botrel les a appelés « les Petits Gardiens du feu » et la veuve Matelot a reçu la médaille d’honneur des Travaux publics.

À Port An Do, tout près de là, est la plage où ont débarqué les Anglais en 1761.

Nous marchons parmi les fougères avec quelques criques en dénivelée, mais moins accentuées que sur la côte sud. La maison idéale de Sandrine est tout en pierre de granite, une plage au pied dans sa crique. Il faut simplement clôturer le terrain avant la pente si l’on a des enfants petits.

Nous passons le hameau de Samzun, qui me rappelle Anaïck portant ce même nom de famille, une archéologue que j’ai bien connue. Puis surgit la plage des Grands sables, la plus grande de l’île, où la chienne court et aboie aux vagues mais surtout au kit-surfeur dont la voile lui fait peur. Un ado s’essaie à la planche mais il y a moins de rouleaux que sur la Côte sauvage.

Nous avons laissé nos affaires à la bagagerie des Cars bleus ce matin et nous les récupérons pour prendre le ferry de 16 heures qui nous mènera à Quiberon. Sur le pont supérieur du Bangor, j’observe un père aux trois fils ; il les cajole et leur parle à tour de rôle. Celui du milieu, 7 ans, vêtu d’un blouson de simili cuir, d’un pull et d’un polo, veut absolument se mettre sur son ventre nu, sous le T-shirt. Le plus petit, 4 ans et tout blond, l’imite, puis veut jouer l’avion à bout de bras. Un papa poule.

Les adieux sont très brefs, le Tire-bouchon part trois quarts d’heure plus tard et, si je tente d’attendre quelques minutes la navette qui ne vient pas, je décide très vite d’aller à la gare à pied. C’est éprouvant pour mon ampoule sous le pied droit mais efficace, car j’arrive vingt minutes avant le départ. Une fois installé, je suis sur le siège d’à côté où deux frères s’aiment d’amour tendre. Cela semble de plus en plus courant comme si le monde hostile incitait aux câlins. Le plus grand a 13 ans et écoute sa musique avec des oreillettes tandis que le petit a 6 ou 7 ans. Il pose sa tête sur le torse de l’aîné et se laisse câliner distraitement par la main. Un autre garçon plus grand et un cousin ou un ami, ou deux cousins, sur le siège derrière, écoutent eux aussi la musique de leur téléphone portable. La mère est assise sur le siège derrière moi et s’occupe de distribuer les vivres, un sachet de pomme pressée et un mini cake emballé pour chacun. Lorsque le train arrive à Auray, elle demande au petit frère de réveiller l’aîné « en lui faisant une caresse pour ne pas le brusquer ».

Dans le TGV pour Paris, un bobo qui lit Le Monde sur un siège parallèle face à moi est sans cesse sollicité par ses deux filles. La plus jeune a 8 ans, la plus grande 10 ans. Si la cadette fait très fille, l’aînée est un garçon manqué comme la Claude du Club des cinq. Fagotée d’un short de foot, d’un t-shirt vert pomme et d’un k-way rouge, elle porte des tongs. Je l’ai cru garçon avec ses cheveux blonds dans le cou, ses longues jambes nues et sa vêture foutraque, mais ses tongs sont roses et papa l’appelle Pépita. Lui casse la croûte avec une boite de sardines et une boite de thon. Il y a du pain et des crêpes, rien de plus. Les filles doivent s’en contenter ou « demander à Juliette », une amie, une tante ou une belle-sœur du wagon voisin, « si elle a du fromage ». Passe alors celui que le père appelle aussitôt « Cupidon chéri », un mignon petit blond de 5 ou 6 ans qui se prénomme en réalité Paul.

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La conteuse du Palais

Ce soir, d’ailleurs, après le dîner, la guide nous invite à venir écouter pour huit euros (chacun) une conteuse. Pourquoi pas ? C’est original et breton. Mais dans quelle aventure nous sommes-nous engagés ? Nous sommes en retard, la nuit est tombée, le rendez-vous est incertain dans un lieu que personne ne connaît. Il faut passer une passerelle, mais laquelle ? On nous dit la Poste, mais la Poste n’est pas facile à trouver, surtout de nuit. Enfin nous trouvons la personne au GPS (pas très traditionnel) : c’est une Solange en falbalas bleu et vert, haute d’un mètre cinquante peut-être. Ce qui agace d’emblée est qu’elle demande les prénoms et ajoute aussitôt : « oui, j’en connais un ». Sa mère fera de même avec les lieux où nous habitons : « Paris ? je connais ». Comme si c’était important d’avoir tout vu, tout rencontré, tout vécu… Est-ce un « truc » d’acteur pour se concilier la personne ?

Solange Nunney (elle se révèle sur Internet) ne veut pas dire son âge mais elle a 54 ans ; elle fait plus jeune, surtout dans la semi pénombre. Le groupe une fois réuni, sauf le couple de Poitevins qui n’est pas venu, elle nous emmène par le Chemin des fées dans un dédale de ruelles au pied de la citadelle, parmi les bois et les maisons à peine éclairées. Elle nous conduit dans une cabane construite dans un terrain vague rempli de plantes plus ou moins cultivées, qu’elle rassemble pour faire des tisanes et autres potions. C’est sa « cabane magique d’Aël-Hëol », construite il y a vingt ans avec des copains sur un terrain appartenant à sa grand-mère. Lorsque nous entrons, tout est noir. Elle doit allumer plusieurs bougies. Elle nous dit qu’un conte réclame le feu, car les anciens conteurs parlaient à la veillée devant la cheminée. Ce pourquoi les bougies sont aujourd’hui obligatoires pour les conteurs (bretons). Cela participe surtout à rendre un brin mystérieuse et changeante l’atmosphère comme le savaient déjà les peintres de Lascaux.

Elle déclame un peu, en celto-mystique des années 70 entourée de drapeaux de prières tibétains, de figurines en céramique qu’elle fait elle-même et de ses peintures plutôt croûtes qui illustrent les contes. Elle croit aux êtres fantastiques que sont les fées, les elfes et les korrigans, aux forces obscures de la nature, aux « pouvoirs » de communiquer avec « les énergies ». Elle se verrait bien en druidesse moderne. Les Romains ont vaincu les Celtes et les ont forcés à la logique, croit-elle, mais les anciennes croyances ressurgissent avec « les crises ». Sa mère, 80 ans, est très fardée, une grande Castafiore encore en représentation comme du temps où elle était actrice. Les parents étaient en effet baladins et bijoutiers ; le groupe de musique de son père s’appelait le Belligroupe (pour Belle-Île). Le fils Henry a repris l’activité de bijoux et la fille Solange les contes.

En Bretonne bretonnante, issue d’une vieille famille du Palais – en partie d’origine indienne aime-t-elle à penser par idéologie mystique, soit issue des Français revenus d’Acadie qui étaient réputés s’être mélangés – la Solange s’installe sur son fauteuil et commence à conter. Non sans avoir ramassé les sous « versés d’avance ». Il est vrai qu’une centaine d’euros pour deux heures en soirée est une aubaine pour elle ; cela doit être rare.

Elle nous parle du Triskèle, la spirale de l’infini, puis de la légende de Yann et Yanna (Jean et Jeanne), ces deux amoureux transformés en menhirs que l’on peut voir encore au centre de Belle-Île. Yann devait étudier vingt-et-un an pour être druide et Yanna connaissait les herbes et les plantes. Ils étaient jeunes, ils s’aimaient, mais la jalousie du chef qui voulait baiser la fille lui tout seul a tout gâché ; il péchait par « jalousie, égoïsme et orgueil, ces trois défauts humains les plus laids » selon Solange. Il a interdit le mariage par ses pouvoirs de chef, un abus manifeste qui ne pouvait rester impuni selon la sagesse balancée des nations. Les amoureux se voyaient donc en cachette, la nuit, dans la lande déserte de Kerlédan. Un jour, une mauvaise langue les a dénoncés et le chef, d’une jalousie exacerbée, a engagé une sorcière de Locmaria pour les empêcher de s’unir. Il suffisait de composer une potion et d’en verser trois gouttes dans leurs narines durant leur sommeil. Lorsqu’ils se sont rencontrés ensuite comme si de rien n’était sur la lande déserte, ils se sont transformés en roches, dressés l’un vers l’autre sans pouvoir se toucher. Mais on dit qu’une bonne fée est passée par là, et qu’à la pleine lune, ces deux êtres de pierre redeviennent chair et s’unissent – une fois par mois donc. Nul ne les a encore vus mais on aime à le croire.

Pour ceux que cela intéresse, la réservation est au 02 97 31 51 95.

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De la plage d’Herlin à celle de Locmaria

Les falaises de la côte sont plus hautes qu’hier et la Pointe de Saint-Marc, la Pointe de Pouldon, la Pointe du Skeul, nous offrent des perspectives sur l’île qui s’étend vers le nord, ainsi que sur le grand large. Le vent vient directement face à nous. Il nous apporte plusieurs grains successifs, dit « orageux » par la météo. Le grain monte et la pluie claque la cape dans un tourbillon d’atmosphère. Un vrai déluge qui ne dure pas. Je retiens notamment le grain de 12h18, qui marque cinq minutes d’arrêt sous cape avant de laisser passer le soleil.

Les montées et descentes des criques sont moins nombreuses mais plus accentuées. Nous avons fait environ 18 km aujourd’hui. Nous pique-niquons au soleil et au vent sur la falaise. L’écume des vagues qui se jettent sur les rochers en bas vole jusqu’en haut comme s’il neigeait. Les grains reprennent, très violents et avec un fort vent, mais sont éphémères ; ils laissent la place aux suivants vingt ou trente minutes plus tard. Alternance de soleil et de pluie qui se déverse en trombe avant de s’éloigner pour un temps, ce qui nous permet de sécher. Nous n’arrêtons pas de mettre et d’ôter la cape de pluie. Le sentier est bordé de ronces et d’ajoncs qui aimeraient bien occuper le terrain foulé par les marcheurs. Par revanche, elles nous griffent les mollets dès qu’elles le peuvent.

Nous atteignons Port Blanc, la plage de Locmaria, petit village tout au bout de l’île à l’opposé de Sauzon. Le soleil donne, des gens se baignent, un petit gamin et sa sœur en slip travaillent le sable à la pelle, dorés comme des brioches. Mais brusquement le grain se lève et voilà toute la famille rapatriée au ras du rocher en train de se rhabiller. Nous nous sommes réfugiés sous les tamaris qui bordent la falaise.

Puis le soleil revient, et la moitié du groupe va se baigner. On me dit que l’eau est plus froide qu’au Palais mais supportable. La chienne Pixie est ravie, elle nage à la poursuite un morceau de bois lancé par sa maîtresse, puis se sèche en se roulant dans le sable. Les enfants rhabillés trop tôt ont envie d’aller explorer les rochers avec papa au grand soleil revenu et le petit, en débardeur, se mouille la culotte, il faut lui mettre une serviette en paréo car il n’a plus rien de sec. J’aime à regarder les familles. Papa mignote ses enfants pendant que maman lit. Voilà un spectacle « anti sexiste » suivant la mode, mais cette fois positive.

Le village de Locmaria recèle l’église la plus ancienne de l’île, construite en 1714. On dit que ce village isolé au bout du bout, aurait été jadis un lieu de sorcellerie. Les endroits isolés, que l’on connait moins, font peur et suscitent la paranoïa. Une légende veut qu’un orme ait été abattu par des Hollandais pour remplacer un mât de leur bâtiment mais que le tronc s’est tordu, terrifiant les marins. Cela fait partie des histoires consolatrices en cas de défaite. Les Hollandais venaient en effet d’envahir Belle-Île.

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De la plage de Donnant à la plage d’Herlin

Donnant-Donnant, nous revenons en car jusqu’à la plage poursuivre à pied notre côte sauvage vers le sud. Nous n’aurons pas manqué un mètre du sentier qui fait le tour de l’île. Le temps cette fois est gris et plus frais qu’hier. Il est trop tôt et les surfeurs sont absents sauf les pros, plus âgés que ceux d’hier. Certains se débrouillent bien.

Sous le grand Phare de Port-Goulphar, et face aux îles Baguenères, s’étendent sur la mer les aiguilles de Port Coton. Le nom vient de cette écume projetée par les vagues de la houle sur les rochers, qui ressemble à des boules de coton et que le vent porte parfois jusqu’au sommet de la falaise. Claude Monet les a peintes, amoureux du site comme de l’exaltation du climat, même les jours de tempête. Nous prenons la photo de l’endroit précis où l’impressionnant impressionniste posa son chevalet.

La terre est piétinée par les touristes qui s’avancent au bord du vide pour prendre la même photo que le peintre, en souvenir du même tableau : Les Pyramides de Port-Coton – mer sauvage, tableau peint en 1886. J’espère qu’ils ne font quand même pas un selfie dos au vide… Il y a de tels cons ! Monet habitait une auberge à Kervilahouen, le village un peu en retrait dans les terres, et allait toujours écouter au bistrot le soir ce que racontaient les paysans et les marins-pêcheurs. L’un d’eux l’accompagnait par tous les temps avec son matériel de peintre.

Nous passerons ensuite Port Goulphar, avec une belle perspective sur la pointe du Talud, le sémaphore tenu par l’armée, avant Port Kérel et sa vue sur l’île de Bangor. Le bangor, au nom qui sonne indien (on pense à Bangalore) était « le monastère » en breton ; on trouve des lieux-dits Bangor dans tous les pays celtiques. De là nous attendrons enfin la plage d’Herlin puis le village de Kervangeon où le bus nous attendra. Cette énumération n’a l’air de rien, donnée pour environ 20 km alors qu’elle en fait un peu plus, mais nous sommes fatigués. C’est le troisième jour de marche. La journée est très différente de celle d’hier, elle est moins longue mais le temps est gris et venteux. Nous nous sommes pris des gifles ou des bouffées de nimbus très souvent, avec un vent sud-ouest grand frais directement sur nos falaises. La pluie a souvent essaimé sur nos capes, nous laissant à peine le temps de les mettre, d’autant que le vent violeur s’entêtait à nous les arracher du corps.

Nous rencontrons du monde sur le sentier, mais surtout des adultes. Le temps n’est pas propice aux enfants avec les risques du vent et des bords de précipice. Sauf une famille, qu’Isabelle qualifie de baba cool, mais en qui je vois plutôt le prototype nouvel écolo : jean, sandales, sweat à capuche orange. Des vêtements dépareillés de récup, les enfants cheveux mi-longs coiffés maison, élevés à la diable, vacances nature face au large.

Le jeune chauffeur du car qui nous ramène à l’hôtel avoue à Sandrine que, durant l’hiver, il s’ennuie dans l’île. Les touristes sont absents, la vie ralentie. Même les ferries sur le continent sont limités et il faut réserver un mois d’avance car les rares qui font la traversée sont pleins ! La culture dans l’île est quasi absente, hors les contes et les bars. Il y a une vie sociale car tout le monde se connait plus ou moins, mais les jours sont courts et chacun rentre chez soi à la nuit tombée. Lui fait meccano dans une station-service du Palais et son patron lui a fait passer le permis pour conduire les minibus en été, lorsque la demande explose.

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Plage de Donnant

Lorsque nous repartons sur le sentier, nous croisons un couple avec deux jeunes garçons. La mère, en tête, tient dans sa main le T-shirt de l’aîné, brun et déluré, tandis que le père ferme la marche avec le cadet dans le même appareil, plus timide petit blond à mèche sur l’œil. Les enfants sont très blancs et ont besoin de bronzer. Ils ont peut-être 7 et 5 ans.

Nous passons devant l’éperon barré de Koh Kastell (vieux château). Il est appelé le camp de César parce qu’occupé par les Romains en 56 avant JC (non, pas Jacques Chirac, l’Autre), mais était d’abord une forteresse naturelle des Vénètes entre -700 et -450.

Il est désormais réserve ornithologique et, dans la bruyère rase aux tons déjà d’automne, se cache un courlis cendré que m’indique Sandrine pour la photo. Mouettes tridactyles, goélands bruns et argentés, cormorans huppés, huîtriers pie colonisent aussi le site. Le bec de l’huîtrier pie sert à ouvrir des mollusques ; malgré son nom donné par l’homme, l’oiseau préfère les moules et les coques, moins dures, aux huîtres elles-mêmes.

Nous atteignons la grotte de l’Apothicairerie, une falaise verticale sur la mer où les cormorans étaient jadis alignés comme des bocaux en pharmacie. Les cons s’amusaient à les dégommer aux cailloux. Ce fut interdit mais il n’y a plus de cormorans. Des marches dans la roche permettaient d’accéder à deux grottes au ras de l’eau. Un hôtel s’était bâti mais plusieurs accidents mortels dus à la proximité du vide les ont fait fermer. Il faut toujours que l’on prenne soin des gens malgré eux.

Nous croisons de nombreux touristes sur cette portion facile accessible en voiture, à cheval, en vélo, et bien sûr à pied. Dont un père et sa fille d’environ 14 ans qui fait la tronche. Typique des ados : mieux vaut la bande de potes en ville que les vacances avec papa à l’air libre !

La plage de Donnant, fort célèbre, l’une des trois grandes plages de sable de l’île, est noire de monde. Elle est le paradis des surfeurs débutants avec ses rouleaux venus du large. Les jeunes ados sont aussi nombreux que des pingouins et s’essaient mais n’osent, nageant à côté de leur planche comme des gars à côté de leurs pompes.

Sur la plage de sable, que nous traversons, des gamins construisent des châteaux comme pour se protéger de ce large que les ados préfèrent défier – question d’âge. Une fille seins nus, toute bronzée et en slip rouge, me regarde avec un air de défi. Ses seins sont pommés et se tiennent, fort esthétiques ; elle n’a pas à s’en faire. Je lui souris, bienveillant. Un peu plus loin, un frère de 15 ans crème le dos nu de son frère de 13 ; puis c’est au tour du plus jeune. Ces garçons ados chaleureux entre eux, sans jalousie, sont la fierté et le défi des nouveaux pères.

Venue tourner ici en 1947 le film La Fleur de l’âge sur la chasse aux enfants évadés de la colonie pénitentiaire, Arletty (Léonie Bathiat) achète une maison de pêcheur près de la plage du Donnant pour Hans Jürgen Soehring, l’officier allemand dont elle est amoureuse et qui lui a valu d’être arrêtée en 1944. Pour cette collabo horizontale, « mon cœur est français, mais mon cul est international ». Le Jean Georges ne viendra jamais mais des amis de l’actrice si.

Le minibus des Cars bleus nous attend déjà à 17h10 quand nous arrivons enfin, fourbus, ayant traversé la plage, remonté la piste jusqu’au parking, puis parcouru le kilomètre et demi de route jusqu’au cœur du village de Kervellan.

Au menu du Grand hôtel de Bretagne ce soir, le dessert est un « tiramisu breton ». Je me demande quelle en est l’originalité : il s’agit d’un gâteau aux pommes formant base, sur le lequel est coulé du mascarpone battu saupoudré de cannelle. C’est très bon. L’assiette de charcuterie en entrée est en revanche très banale et le poisson en sauce répétitif.

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De Sauzon à la plage de Donnant

Longue étape ce jour, nous sommes prévenus. Plus de 21 km à faire en montée et descente. Nous prenons le bus des Cars bleus à neuf heures en direction de Sauzon d’où nous poursuivons le circuit là où nous nous sommes arrêtés hier.

Nous montons et descendons les criques par la plage de Deuborch jusqu’à la pointe des Poulains où se dresse la maison-phare blanche à tête rouge. Nous faisons une pause devant le spectacle offert par le panorama. Quelques personnes dont un préado se baignent dans la crique au pied du phare. Le garçon rentre et sort de l’eau plutôt fraîche, 19° selon Meteocity.

Un zodiac vient du large avec un bruit de mixeur, il a peut-être longé la côte ou est venu d’un bateau à l’ancre. Il contient six personnes, papy, mamie, papa et deux gamins. Le plus grand a 6 ou 7 ans et, avant même d’arriver, se met déjà torse nu. Papa ôte son T-shirt à son tour et plonge directement. Le gamin hésite, puis se lance à l’encouragement paternel « 1, 2, 3 ! ». Il barbote plutôt que nage mais n’a pas peur de l’eau ni de n’avoir pas pied. Le zodiac a jeté l’ancre à une cinquantaine de mètres de la crique, dans l’anse protégée. Papa crawle, gamin plonge, puis tout le monde remonte sur le bateau, la peau hérissée, se rhabille à la diable et repart ; cela n’a pas duré dix minutes. Le plus petit des enfants est resté en gilet de sauvetage et ne s’est pas baigné, tout comme les grands-parents. Il était trop jeune pour nager.

Nous faisons le tour du phare des Poulains, sur la lande rase, observant les goélands posés sur une arête, et voyons l’ancien fort devenu la maison de Sarah Bernhardt en 1894.

Cette fille de pute éduquée par l’amant de sa tante, le duc de Morny, un peu pute elle-même, est morte en 1923 d’une insuffisance rénale. Grande tragédienne emphatique de Ruy Blas, de Phèdre et d’Hernani, elle adorait les tempêtes et les orages à la Victor Hugo, séduite par les jets et bouillonnements de la vague sur les rocs et entre les blocs. Ce genre de climat empli de mouvements et d’ions négatifs m’exaltait dans mon adolescence. Il fait calme et beau aujourd’hui mais il faut imaginer les jours d’ouragan. Les branches desséchées des cyprès marquent combien le vent peut être violent et constant.

Nous poursuivons vers la côte sud sur un plateau à l’herbe rase qui me rappelle le Club des cinq. L’action se passait au sud de l’Angleterre mais le paysage est très proche de celui de la Bretagne. Trous de ver, de campagnol, de lapin, de renard, c’est le gruyère breton sur lequel la chienne Pixie court allègrement. Un golf s’est installé sur la falaise de la Pointe du Vieux château et certains pratiquent malgré le vent.

Nous pique-niquons sur une plage de sable bordé de tamaris vers Bortifaouen. Nous nous trempons les pieds dans l’eau.

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Sauzon

Pixie la chienne est étonnamment sage ; elle suit sa maîtresse sans gémir ni aboyer. Elle tend cependant à aller voir trop au bord, ce qui lui vaut des rappels à l’ordre réguliers. Habituée des randonnées, elle se couche dès que l’on s’arrête : pas d’effort inutile. Elle aime à chasser le lapin et explore les trous mais n’en lève aucun ; nous devons faire du bruit. Elle a levé un renard la semaine dernière, paraît-il.

Nous déjeunons d’un sandwich sur l’une de ces plages, entre deux grains. La garniture a détrempé le pain, une mauvaise baguette industrielle. Mais c’est le premier jour et, avec les protocoles de sécurité pour le Covid, la guide ne peut plus aller préparer ses propres salades dans les cuisines de l’hôtel, elle doit improviser.

Le petit port de Sauzon, dans son anse très abritée, me rappelle quelques souvenirs lointains de voile. Nous avions mouillé, je crois, dans ce petit port de plaisance à Noël 1979. Les façades ont des couleurs pastel qui donnent un air pimpant au soleil comme sous la grisaille.

Nous allons à pied jusqu’à la pointe en traversant le village situé rive gauche après l’avoir longé rive droite où pousse l’obione ; cette plante se mange, elle a une teneur en sel supérieure à celle de l’eau de mer et peut donc prospérer là où l’eau est trop saumâtre pour les autres. Un paysan plante ou ramasse je ne sais quoi dans la vase.

Au port, des jeunes à bière et des gamins pêcheurs. Jolies couleurs des bouées de casier dans une annexe amarrée. Nous prenons une boisson à la terrasse de l’hôtel du phare, pour moi une bouteille de 75 cl de Plancoët gazeuse et minéralisée – ils n’avaient pas d’eau de Vichy ! J’avais fini ma gourde d’un litre et il me restait une soif à six euros.

Nous ne faisons aujourd’hui qu’environ 13 ou 14 km mais je n’ai pas trouvé trop dur de me remettre à la marche après les confinements, bien que les montées soient pénibles au souffle et les descentes aux genoux. Elles s’arrêtent cependant vite, la falaise n’étant guère haute. Nous terminons vers 15h30. Le bus privé des Cars bleus vient nous chercher à 17 heures. Le port du masque est obligatoire à l’intérieur, nous l’avions oublié tout le jour durant la randonnée.

Après douche, carnet et repos, le rendez-vous pour le dîner est à 19h30, mais cette fois à la crêperie La Chaloupe, dans la rue principale du Palais, au 10 avenue Carnot. Pour 8,90 €, la galette salée est très copieuse et, bien que nous ayons droit à deux galettes, je n’en prends qu’une, me bornant au sorbet citron pour la suite.

À la table face à la nôtre, un vieux bourge bon chic bon genre attend ses enfants et petits-enfants. Connu de la patronne, il commande une première crêpe parce qu’ils sont en retard. Lorsqu’arrive la bande de filles qui compose sa progéniture, de la quarantaine à en dessous de la dizaine, il se met à pérorer comme s’il était au salon. Il cite l’avenue Rapp, commente son périple rapide pour la gare Montparnasse, et ainsi de suite. Isabelle, assise à côté de moi et qui habite à Paris dans le 12e, s’en gausse ouvertement. Ce vieux est la caricature du catho bourgeois bobo parisien.

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Du Palais jusqu’à Sauzon

Les bruits de la nuit ou du matin sont ceux de la mer, du premier bateau qui lance un coup de sirène, d’un couple qui s’engueule, des scooters des jeunes le soir ou très tôt le matin, et de l’arroseuse municipale. Le petit-déjeuner est au premier étage de l’hôtel en face de notre bâtiment, avec masque jusqu’à la place et pince pour saisir tout ce que l’on prend. Le verre de jus de fruits est tellement riquiqui, autour de 5 cl, que je prends une seconde tasse à café pour la remplir de jus. Il y a du fromage blanc mais pas de yaourt. On sent l’économie dès que c’est en libre-service.

Notre rendez-vous n’est qu’à neuf heures et nous avons tout le temps. Pour ce premier jour, nous effectuons une étape d’environ 13 km qui monte et qui descend beaucoup, depuis Le Palais jusqu’à Sauzon. Nous partons donc de l’hôtel à pied.

Nous longeons la citadelle dite « de Vauban », construite en 1549 sous Henri II et agrandie par le surintendant Fouquet puis par Vauban à la fin du 17ème siècle. Nous passons au bord du marché quotidien où l’étal de poissons est très appétissant avec ses bars et ses dorades énormes tout frais, ses araignées de mer et ses langoustes robustes.

Nous allons rejoindre le sémaphore de la pointe de Taillefer, Port-Fouquet, la pointe de Kerzo, et enfin la crique de Sauzon qui s’enfonce assez largement dans les terres. Nous allons la suivre pour gagner la ville, de l’autre côté de l’aber, jusqu’à la pointe du Cardinal. Un minibus des Cars bleus viendra nous chercher au parking à l’extrémité de Sauzon pour nous ramener à notre hôtel par la D30 en quelques minutes, puisque Le Palais n’est qu’à 5 km de Sauzon par la route de l’intérieur.

Le temps est variable, le soleil le plus souvent voilé avec quelques grains de cinq minutes. Ce n’est pas de la grande pluie mais plutôt du crachin breton, de quoi passer les capes pour les enlever juste après. Elles seront sèches à la fin de la journée.

Notre itinéraire est en haut et bas le long du sentier côtier, le GR 340, une variante îlienne du GR34. Nous sommes aujourd’hui au nord-est de l’île, le plus protégé des vents dominants. Les moutons au large nous indiquent un vent de force quatre ou cinq, parfait pour les voiliers qui sont nombreux sur l’eau ce matin. Le bateau de croisière de la compagnie du Ponant reste ancré face au palais depuis le confinement Covid.

Je retrouve dans mes narines le parfum des sentiers de Bretagne. C’est une odeur de terre humide et de plantes, bruyère, fenouil. Les mûres des ronciers, rosacées à confiture, sont tentantes aux rapineuses sur les buissons. Les aubépines sont en fruits, prêts pour compotes et confitures ; les fleurs de l’aubépine régulent le rythme cardiaque. Les pruneliers donnent leurs sphères rondes dont on fait un vin pétillant appelé troussepinette en Vendée, peut-être parce qu’il est raide ? La recette est simple : laver, sécher et hacher finement 200 g. de pousses de prunelliers ; verser 1 litre de vin rouge et 20 cl d’eau de vie dessus avec 200 g. de sucre ; faire chauffer le tout à 70° maximum et laisser infuser jusqu’au jour suivant ; filtrer la préparation et votre apéritif est prêt pour la nuit qui suivra. Nous sommes dans le domaine du pin maritime, du cyprès desséché côté au vent, et des ajoncs. Sandrine nous apprend que tous les noms qui se terminent en -ic en Bretagne sont des diminutifs : Pierrick veut dire petit Pierre Pierrot.

Les autres randonneurs que nous croisons sont en général des couples jeunes ou des individuels ; nous ne voyons pas vraiment de familles avec enfants, plutôt scotchées sur les plages des criques où l’eau paraît transparente, d’un turquoise qui se fonce dans la profondeur vu du sommet de la falaise. La petitesse des lieux et leurs abords abrupts, font qu’il s’agit presque de plages privatives, connues des initiés. On y est tranquille pour se tremper, jouer et pique ou niquer sur le sable.

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Quiberon

La station balnéaire de Quiberon est composée d’une rue à boutiques qui descend vers la mer et d’une promenade ou les restaurants et les glaciers se côtoient coude à coude. Beaucoup de jeunes style école de commerce ou d’ingénieurs, propres sur eux et riches, descendent en même temps que moi du train. Le soleil est lourd, le masque obligatoire dans la ville.

Je regarde le spectacle des couples, des familles, des jeunes. Des gamins en slip tout blonds et tout dorés vont de l’appartement à la plage avec mamie, d’autres rentrent pieds nus, du sable jusqu’aux genoux, leurs chaussures à la main. Un couple arabe avec la fatma, tous voilés – l’homme aussi – m’apparaît comme un comble ; j’en souris sous le masque. Trois jeunes filles aux seins nus qui pointent sous un haut laissant à découvert le nombril se promènent, ballottant des seins et balançant du cul en guitare. « J’ai pas mes lunettes », dit un jeune mâle à son copain qui l’incite à regarder le spectacle, pas si courant de nos jours. Dommage pour lui. Passent des vieux aux cheveux courts, genre bateau en vacances et directeurs au civil, et des amis septuagénaires qui se reconnaissent et se congratulent, échangeant des adresses de boutiques ou de restaurants. « Quand j’ai besoin de quelque chose, je vais dans telle boutique », déclare une ridée aux cheveux blanc parlant fort, pour affirmer sa haine du net trop moderne. Les glaces continuent à faire recette malgré les masques, mais surtout auprès des kids, même si le soleil se voile. Un petit Noir passe torse nu comme s’il voulait bronzer.

Je suis sur le banc de pierre devant la crêperie à l’enseigne de L’île verte. La ruelle qui monte à côté de moi est décorée de poissons qui ont beaucoup de succès auprès des smartphones petit-bourgeois. La station balnéaire est recherchée pour sa plage de sable fin où joue, en cette fin d’après-midi voilée, une bande d’ados en slip. Pour le reste, des adultes se baignent ou se dorent, allongés sur des serviettes à ne rien faire, tandis que les enfants quasi nus terrassent le sable ou pêchent on ne sait quoi dans les creux de rochers.

Le groupe se constitue à Port Maria devant la gare maritime. Nous sommes quatorze, dont trois gars seulement, un en couple. Les âges s’étagent entre 50 et 65 ans. Notre guide est probablement la plus jeune, elle s’appelle Sandrine, d’origine bretonne mais qui randonne surtout dans les Pyrénées et aux Canaries. Elle est accompagnée d’un chien border colley noir de 9 ans. Mais le nombre de mâles ne s’élève pas pour autant : même le chien est une chienne ; elle répond au nom de Pixie.

Nous embarquons sur le Bangor qui fait la navette entre Quiberon et Le Palais. Sur le pont supérieur, un petit Lubin blond bouclé de 3 ans court partout. Il appartient à une famille de trois enfants dont deux sœurs aînées de 9 et 7 ans. Derrière moi, une bande de cinq filles dans les 20 ans jacasse comme des mouettes. Un goéland jeune au plumage brun plane au même niveau que le bateau ; quand il bat des ailes, il va plus vite que lui. Dans un groupe de quatre, un grand jeune homme porte un sweat-shirt au logo de la SCEP – la Société cairote d’élevage de poulets. Cette société est fictive, pas issue d’un stage d’école de commerce. Elle sert de couverture à OSS 117… Le garçon n’a qu’une raquette de tennis et un mini sac à dos pour tout bagage. Il a dû aller voir des copains sur le continent.

Je trouve l’arrivée du ferry bien rapide dans le port du Palais. Il envoie de grands coups de sirène pour signaler sa présence et le fait qu’il ne s’arrêtera pas. Beaucoup de plaisanciers grouillent encore autour de la cale dont deux petits en gilet de sauvetage sur un canot boudin.

Lorsque nous débarquons, notre hôtel est juste en face. Le Grand hôtel de Bretagne, quai de l’Acadie, a dû acheter le bâtiment de l’autre côté de la rue pour créer une annexe, tant la demande de lits est forte en été. Les chambres sont petites avec deux couches jumelles serrées mais une grande salle de bain qui fait la moitié de la chambre. C’est propre et neuf mais étroit et sombre. La seule fenêtre ouvre au niveau de la ruelle qui monte sur le côté du bâtiment ; nous voyons sans cesse passer les pieds des touristes. Le groupe est d’ailleurs très varié avec deux Marseillaises et deux Bordelaises, un couple de Poitevins, une Messine d’Afrique du Nord, une fille du Pays basque et deux Parisiens.

Le rituel de l’apéro consiste en une bière blanche de Belle-Île, la Morgate, qui est le nom breton de l’os de seiche. Nous prenons le dîner à l’hôtel, en terrasse fermée mais où nous pouvons (évidemment) enlever le masque pour manger. Il faut simplement le remettre pour tout déplacement, même pour aller chercher une cuillère. Le menu est simple et goûteux : gaspacho qui fait plutôt purée, très parfumé au basilic et au thym, servi bien frais ; un duo de deux poissons pas terribles, lieu noir et cabillaud, probablement congelés, avec du quinoa écolo-austère mais une sauce aux agrumes très appétissante ; une panacotta pistache en dessert.

La nuit tombe, la foule a disparu, le dernier bateau ne partira que vers 22 heures.

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Cap sur Belle-Île

Un grand bol d’air en ces temps de Covid, voilà ce que fut ma semaine sur Belle-Île, la plus grande des îles bretonnes qui s’élève jusqu’à 63 m de hauteur et fait 84 km² sur 5 à 10 km de large pour 17 km de long. Où aller, en effet, alors que la pandémie contamine toutes les destinations et que le risque rôde ? Sur une île. Le sentier côtier longe la mer au plus près sur 82 km – mais avec près de 2000 m de dénivelée cumulée tant les montées et descentes dans les criques sont nombreuses sur cette côte schisteuse déchiquetée.

L’île de Fouquet de 1650 à 1661 sera donnée à Porthos dans Les Trois mousquetaires. C’est en effet d’Artagnan qui, sur ordre de Louis XIV, arrêta le surintendant Fouquet pour « malversation » – mais surtout pour avoir blessé l’orgueil de celui qui se prenait pour le Soleil sur la terre. Vauban va fortifier la citadelle du Palais de 1683 à 1689 mais ses préconisations sur le reste de l’île restèrent lettre morte, ce pourquoi les Anglais ont pu débarquer à l’opposé et envahir Belle-Île en 1761. Les lenteurs et impérities de l’Administration ne datent pas d’aujourd’hui.

La Compagnie des sentiers maritimes propose à son programme le tour de Belle-Île à pied par les sentiers côtiers et cela me séduit cette année où l’on ne peut aller loin. Je suis venu à Belle-Île pour la dernière fois il y a quarante ans, en voilier avec les Glénan puis avec des amis lors d’une croisière privée à Noël 1980.

Je choisis le train car moins cher, plus court et plus sûr que l’auto, pour une fois. Il est vrai que Quiberon est la destination privilégiée des bobos parisiens très catho-famille et que « récupérer la clientèle » après les grèves et le confinement exige de faire un effort sur les prix. Le billet Paris Montparnasse-Auray en TGV puis Auray-Quiberon par le Tire-bouchon régional ne coûte que la moitié du trajet en auto et 6h30 en comptant le carburant, les péages et le parking pour cinq jours à Quiberon.

À Auray, la Micheline diesel deux wagons s’appelle le Tire-bouchon parce que les rails qui passent dessinent le filetage d’un tire-bouchon dans le goulot que forme la presqu’île. Il ne fonctionne qu’en saison, il va à vitesse lente et s’arrête très souvent.

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Conte d’été d Eric Rohmer

Tout commence le 17 juillet et se termine le 4 août ; le film est rythmé par des inserts de dates comme si le temps des vacances s’égrenait, inexorable. Gaspard (Melvil Poupaud) sort d’une maîtrise de mathématiques à Rennes, un peu perdu et guitariste amateur. Il débarque seul de la vedette sur la Rance et s’installe dans la maison d’un « ami » (les fils de bourgeois ont toujours beaucoup d’« amis »). Durant deux jours, il déambule, solitaire, sur la plage, au bord de la mer. II n’a pas de problème d’argent, ne fait rien, il attend.

Un soir qu’il va manger une crêpe et avaler un bol de cidre comme le veut la mode, la serveuse Margot (Amanda Langlet), est touchée par sa fragilité et sa solitude. Elle le revoit sur la plage où il va se baigner, pâle et mince, le torse lisse sans muscle apparent, et l’interpelle. Il fait plus juvénile que son âge et son instinct maternel qui commence à la travailler en est remué. Ils sympathisent et elle s’installe dans le rôle de confidente, une « amie » non amoureuse.

Gaspard attend Léna (Aurélia Nolin) qui a promis de le rejoindre « vers Saint-Lunaire » (nom évocateur !) vers la fin juillet. Elle est partie en Espagne avec sa sœur et le copain de celle-ci. Mais elle n’arrive pas, n’écrit pas, ne téléphone pas. Gaspard s’en croit amoureux mais elle ? Lorsqu’elle apparaît enfin, c’est une virago contente d’elle-même tenant par-dessus tout à sa liberté personnelle qui se révèle. Elle n’aime que les garçons soumis, pas ceux qui souhaitent imposer quoi que ce soit, même par négociation réciproque. Gaspard est fort en math mais nul en sentiments. Il laisse « le hasard » choisir, c’est-à-dire la loi des grands nombres et la provocation des circonstances.

Margot, ethnologue des marins bretons qui attend son petit ami archéologue parti à l’étranger, le traîne en discothèque un soir. Une Solène décidée (Gwenaëlle Simon) n’a d’yeux que pour lui, séduite par son côté pâle ténébreux. Elle n’apprécie pourtant que les sportifs musclés, selon les deux petit-amis successifs qu’elle « largue » en une semaine. Solène le mène en bateau avec son oncle, mais refuse de coucher « la première fois ». Il n’y aura pas de seconde fois intime car Léna qui refuse l’ENA, saute sur Gaspard alors qu’il erre à bicyclette, lunaire à Saint-Lunaire.

Le voilà, lui le solitaire, avec trois filles pour l’été. Il a promis à chacune « d’aller à Ouessant » avec elle, sorte de mirage et de bout du monde pour « se trouver », mais aucune n’ira, car il ne sait pas choisir, donc accomplir. Il ne veut pas quitter Léna, intello égocentrée qui ne l’aime pas, ni Solène qui préfère de plus virils et déterminés. Il ne voit pas que Margot commence à tomber amoureuse de lui, bien qu’il « se sente bien avec elle » et elle avec lui. Il a composé une chanson de marin à la guitare pour Léna mais la donne à Solène qui ne la mérite pas, juste parce qu’elle est là. Alors que Margot fait sa thèse sur les chants de marins et qu’elle aurait probablement aimé en être destinataire.

Gaspard est un étrange jeune homme, matheux qui préfère la musique, amoureux qui ne sait pas dire non, breton qui ne connait rien à la Bretagne. Il « ne fait pas le poids » auprès de Léna, selon les cousins, et Léna est très sensible à l’opinion des cousins. Eux ont laissé le grattage de guitare pour faire des études de commerce et voient d’un mauvais œil la bohème prolongé de l’adolescent taciturne, homme sans qualités. Lui ne voit rien : ni le faux « amour » de la fille intello, ni l’attrait purement sexuel de la fille pour l’été qui lui tâte sans cesse la poitrine, ni la tendresse qui naît de l’adéquation des tempéraments avec Margot. Seul le hasard le sauvera, les coups de fil qui se succèdent un après-midi en accéléré se terminant par la proposition d’un « ami » de le mettre en relation avec un vendeur de magnétophone d’occasion huit pistes pour « sa musique » – à condition de faire affaire loin de Dinard et dès le lendemain. Gaspard n’a pas à choisir, il se défile, trop heureux, laissant la construction de sa maturité en suspens.

Le film a du charme et Melvil Poupaud, à 23 ans, de la présence. Il réussit à en faire une absence en distillant avec une diction nette des sentences définitives et contradictoires que l’on sent écrites. Il apparaît extérieur à son enveloppe de banale endive qu’il vêt d’une collection de tee-shirts à col en V uniquement dans les noir, blanc et gris, surmontée d’une touffe de boucles dans tous les sens. Il craint les groupes car il a peur de s’y perdre, de prendre un masque qui n’est pas lui mais un peu quand même, imposé. D’ailleurs il le dit : « je suis transparent, je n’existe pas » – et le spectateur tend à le croire. Au fond, la plus vraie et la plus vivante est bien Margot (29 ans), la seule fille avec laquelle Gaspard ne se croit pas obligé de jouer le rôle du sexuellement actif en tâtant les seins et embrassant la bouche, croyant que c’est ce qu’elles veulent toutes ou que c’est le masque obligatoire de l’ado mâle normal.

Les mots ne sont pas les actes et, si les adolescents s’en grisent, ils en sortent malheureux. Les familles en vacances alentour, les couples qui se promènent et les enfants qui se baignent, forment un contraste éclatant entre la vraie vie et la vie rêvée, entre la maturité adulte et l’illusion jeune. Gaspard n’est pas aimable, il est touchant ; il n’est pas beau, il est inachevé. Le parfait croisement de l’étudiant matheux qui se croit musicien, du futur fonctionnaire qui se voit en poète. En bref un bobo des années 1990.

DVD Conte d’été, Eric Rohmer, 1996, Potemkine films 2018, 1h43, €12.97

DVD Contes des quatre saisons, coffret Eric Rohmer, Potemkine films 2013, standard €34.90 blu-ray 49.99

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L’Hôtel de la Plage de Michel Lang

Qui veut comprendre ce qu’a produit Mai 68 doit se débarrasser des toiles gluantes du mythe, fantasmes manipulatoires d’une génération qui va bientôt lâcher la main, atteinte par la limite d’âge. La « révolution » 68 ne fut pas celle du pouvoir ; tout juste a-t-on remplacé dans les années qui ont suivi un vieux général né à l’ère victorienne par un prof intelligent (Pompidou), puis par un jeune fort en thème (Giscard) avant de renouer avec le vieux de la vieille Mitterrand (né en 1916). Mais l’emprise des élites grandes écoles, sélectionnées par les maths et la cooptation sociale, n’a pas été bouleversée. En revanche, les mœurs le furent bel et bien.

En témoigne ce film indéracinable, primesaut et véritable document d’époque : L’Hôtel de la Plage de Michel Lang, sorti en 1977.

Oh, certes, les critiques de ‘l’Hâârt’ font toujours la fine gueule devant un succès populaire ; le tropisme de ‘gôch’ a le réflexe du dédain contre tout ce qui ne ressemble pas au militantisme orienté, sérieux bon poids ; et le fait que l’histoire ait plu à Marcel Dassault (ex-Bloch, patron d’armement et pilier du gaullisme) ne peut que susciter un mouvement réactionnaire chez toute la frange ‘anti’. Il n’en reste pas moins que cette bluette d’une heure quarante-cinq est enlevée, drôle, et qu’elle brasse toute une sociologie de la France moyenne des années post-68.

Le thème en est l’amour : le flirt, le jeu, les caresses, le baratin, la drague, les sentiments, la baise – mais celle-ci en dernier, à sa place, entre consentants.

Tous les âges sont concernés, du petit blond de 10 ans (Lionel Mellet beau comme une poupée) au quadragénaire pré-calvitie (Daniel Ceccaldi), avec leurs copines ou épouses respectives. Après Mai 68 et avant 1986 et le SIDA, ce qui reste révolutionnaire est l’amour. Pas seulement le sexe, même s’il a été libéré par l’autorisation du divorce, de l’avortement, de la pilule. Mais l’amour sous toutes ses formes, du spleen poétique aux liaisons dangereuses.

Un hôtel de bord de mer, dans une contrée encore un peu sauvage (Locquirec en Bretagne), durant cette parenthèse libertaire des ‘vacances’, voilà un lieu clos hors du temps propice à tous les échanges. De bateau ivre en Titanic, tous et toutes vont faire connaissance, jouer, permuter, conclure ou remettre. Il y a de la tendresse, du non-dit, une certaine légèreté française.

L’approche du petit 10 ans envers la blonde de son âge est touchante ; le spleen de la vamp de 15 ans lâchée par son petit ami snob de 16 est poignant ; la défaite du dragueur (Daniel Ceccaldi) pour cause intestine est hilarante ; lorsque le macho type (Guy Marchand) aperçoit sa femme (réputée froide) embrasser le jeune Cyril de moitié son âge, c’est vache ; et lorsque la soirée se conclut par un cadeau… pour son anniversaire, c’est émouvant. L’écart de Léonce, vieux garçon quinqua avec sa maman, dont le seul loisir est non pas le flirt mais le jacquet, est le contrepoint absolu de ces années-là. Ce qui était « normal » avant (respect aux anciens, relations sociales réservées, jeux innocents) ne l’est plus.

Il y a aussi cette pesanteur petite-bourgeoise du statut procuré par ‘la bagnole’ (symbole de cette époque), par les vêtements (belles chemises et robes moulantes), par le fait de parler anglais (scène désopilante du train), par le chic citadin de la chine aux vieux objets campagnards. Les quadras et quinquas installés dans la vie avec bobonne et mioches, halètent en cadence au matin sur la plage, entraînés par un athlète pour faire fondre leurs formes empâtées de vin blanc et bonne bouffe. Le machisme tranquille des années 70 se poursuit, loin des « femmes en lutte » des barricades de Mai. Guy Marchand, prototype du beauf pré-68, avoue un matin de pêche qu’on « n’est bien qu’entre mecs ». Il prépare les « coups » des autres mais ne raconte rien des siens, croyant qu’on ne le voit pas. Sa fille lui avoue placidement que tout le monde est au courant, à commencer par elle.

C’est avec une force tranquille que femmes et filles prennent leur liberté neuve, sans le dire, par les actes. De la petite blonde de 10 ans qui rend jaloux son boy pour l’appâter, à la vamp de 15 ans qui caresse l’un et l’autre avant de prendre le plus séduisant d’apparence (aussi léger qu’elle), l’épouse surveillée qui s’en laisse conter par téléphone avant d’accepter un rendez-vous à l’hôtel, et la moitié du macho qui se laisse attirer, enfermer en lit clos… par un gamin de l’âge de sa fille. Chacun joue, entre divertissement et roulette selon le degré où il s’implique. On aime toujours qui vous préfère un autre. Être seul est la pire des choses. La bonne fortune vous tombe dessus quand on ne s’y attend pas.

L’après-68, c’est surtout cette libération des mœurs, ces gens tout occupés au flirt comme des gosses devant un présentoir de friandises. Les petits imitent les grands et ce soupir de 10 ans devant la ‘boum’ des jeunes et des adultes a tout le poids de l’espoir : « ah ! je voudrais avoir quelques années de plus ! » Nous sommes avant l’ère SIDA qui verra le retour de la morale et bercés par la chanson de Richard Anthony So hard to forget.

La réaction victorienne survenue depuis empêche la génération trentenaire d’imaginer ce que fut cette liberté légère, ce jeu de l’amour et du hasard, cette proximité affective et poétique qui pouvait naître entre presque inconnus, dans ces lieux clos hors du temps. Il y a le mythe 68 – et il y a la réalité. Mais pourquoi cette dernière devrait-elle être moins belle ?

DVD L’Hôtel de la Plage de Michel Lang, 1977, avec Sophie Barjac, Myriam Boyer, Daniel Ceccaldi, Michèle Grellier, Guy Marchand, Gaumont 2008, 1h50, €13.00

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Soupe aux artichauts

Les artichauts sont de saison ; la région du Léon en produit de très bons. Mais lorsque vous les aurez servis à la traditionnelle, à l’œuf poché entouré de saumon fumé, gratinés, farcis, en salade, et que vos enfants – devenus grands – vous demanderont de varier un peu, que vous reste-t-il ? Durant ces soirs d’été contre-caniculaires, où le thermomètre descend sous les normales de saison : la soupe.

J’ai cherché vainement une recette de soupe aux artichauts ; les livres sont muets sur le sujet et Internet trop basique. J’ai donc pris le parti d’en inventer une, sur les bases de la soupe. Si l’on appelle classiquement « soupe » un bouillon au pain et « potage » la même chose mais avec des légumes du potager, ce que je vous propose serait plus proche du potage. Mais la connotation du terme est plus relevée, le potage plus « riche » que la soupe, aliment des pauvres. Ma composition est simple et épaisse, d’où le terme de soupe. Si vous voulez transformer cette soupe aux artichauts en « potage », divisez par deux le poids de pomme de terre et multipliez par deux la dose d’eau : vous aurez du plus léger, plus discret, plus assimilable à des estomacs urbains délicats. Mais en moins velouté.

Pour la soupe, prenez un gros artichaut entier par personne, un oignon, une demi-grosse pomme de terre de type Bintje à purée, une cuillerée à soupe de crème fraîche, une poignée de lardons.

Soit, pour 4 personnes : 4 gros artichauts, 2 gros oignons (ou 4 petits de la taille d’une grosse bille appelée calot), 2 pommes de terre grosses comme le poing, 150 g de lardons et 2 cuillerées à soupe bombées de crème fraîche épaisse.

Cuisez les artichauts en cocotte-minute plus que le temps indicatif, soit environ 30 mn : il faut qu’ils soient tendres à cœur. Laissez tiédir pour les éplucher. Ne gardez que le cœur et raclez à la cuiller à soupe chaque base de feuille ; c’est assez long mais vous permet d’obtenir l’équivalent d’un autre cœur d’artichaut, et d’un goût plus relevé.

Pendant ce temps, épluchez les oignons et faites-les revenir dans un peu de beurre, d’huile neutre ou (mieux) d’huile de noix. Ne chauffez pas trop fort et mêlez-y 2 cuillerées à soupe d’eau, il faut juste que les oignons deviennent translucides.

Ajoutez les pommes de terre épluchées, lavées et coupées en gros dés. Mélangez et laissez cuire une à deux minutes.

Puis ajoutez les lardons (frais ou congelés), les cœurs d’artichauts coupés en morceau et la crème des feuilles. Versez de l’eau à hauteur (soit environ 1 litre pour 4 personnes).

Laissez cuire 25 à 30 mn.

Ensuite mixez bien et ajoutez la crème fraîche, salez (pas si vous mettez des lardons !), poivrez. C’est prêt et velouté à souhait.

En place des lardons, vous pouvez n’ajouter qu’un jus de citron ou 10 cl de vin blanc une fois la soupe mixée. Ou des lamelles de bacon frites à la poêle au dernier moment sur l’assiette. Vous pouvez aussi mettre lardons ET bacon, les uns cuits dans la soupe pour la saveur, l’autre pour la présentation et le contraste de l’onctueux et du croustillant.

En place de la crème, vous pouvez mettre une portion de Vache-qui-rit par personne ou un reste de gruyère râpé.

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Mes huîtres gratinées

Certains l’aime crue, d’autres ne peuvent le supporter ; les Américains, pour des raisons d’hygiène, ont pris l’habitude de cuire l’huître. Et il est vrai que le goût n’est plus le même. Pour ma part, j’apprécie l’huître crue avec son goût iodé, surtout lorsqu’elle sort tout juste des bassins. Mais je l’ai tentée cuite, et une autre saveur incomparable naît au palais. Voici ma recette ; chacun peut ajuster la sienne à ces grandes lignes.

Pour quatre personnes, deux douzaines d’huîtres. Prenez des « spéciales » (creuses), numéros 2 ou 3 selon les provenances, plus elles sont charnues, mieux c’est – sauf les numéros 0 et 1 qui sont vraiment trop grosses – et tiendraient mal dans le plat.

Ouvrez-les selon les rites : le cul vers vous, l’huître fermement tenue dans un torchon ou un gant spécial pour éviter de vous blesser au cas où, le couteau simple ou « à huîtres » dans la main droite (si vous êtes droitier – si vous êtes gaucher, inversez tout, cela n’a aucune importance). Insérez la pointe du couteau dans le cerne de la coquille qui vous paraît faire la limite entre les valves (il faut parfois tâtonner un peu), puis coupez le muscle intérieur. L’huître s’ouvre alors.

Videz-la de son eau et décoquillez-la en casserole. Faites attention aux esquilles, désagréables sous la dent. Vous pouvez pour cela laver les huîtres avant de les remettre dans leur eau filtrée au cul de poule, et laver les coquilles avant de le mettre sur le plat. Gardez la coquille renflée, jetez la partie supérieure plate.

Disposez chaque coquille vide dans un plat métallique à grosses madeleines (le silicone plie trop avec le poids des huîtres). Certains préconisent le « lit de gros sel », mais cela vous en fait consommer des kilos ; d’autres un « lit d’algues », mais si vous n’êtes pas en Bretagne… Il existe aussi de petites billes métalliques pour maintenir les pâtes à cuire, ce qu’on appelle des « haricots », mais elles se salissent et pèsent bien lourd. J’ai essayé tout cela, mais le plat métallique destiné aux grosses madeleines reste à mon avis le plus pratique (d’autant que vous pouvez l’utiliser pour confectionner AUSSI des madeleines).

Chauffez vos huîtres décoquillées dans leur eau filtrée une minute – pas plus – et arrêtez la cuisson lorsque la chair commence à perdre sa transparence. Cette opération a pour but de terminer la sécrétion d’eau par les huîtres, qui noierait votre sauce si vous les laissiez crues (j’ai essayé).

Mettez les huîtres dans une passoire et jetez leur eau : si les huîtres sortent à peine du bassin, vous pouvez la garder et vous en servir pour la sauce, sinon il ne vaut mieux pas, elle contient trop d’impuretés. Placez chaque huître pochée dans une coquille.

Hachez au mixeur deux échalotes avec un jus de citron, quelques pluches de basilic (fraîches ou sèches), un soupçon de curry. Il faut que cette préparation soit sans grumeaux.

Préparez ensuite une béchamel : pesez 40 g de beurre que vous faites fondre en casserole, puis 45 g de farine que vous ajouterez une fois le beurre fondu (je mets volontairement un peu plus de farine que la norme, pour que la béchamel soit épaisse). Une fois la farine assimilée par le beurre, laissez cuire une trentaine de secondes avant d’ajouter le liquide : le bol d’échalotes hachées au jus de citron – mélangez au fouet – puis le liquide qui vous convient (lait, vin blanc, pineau, eau + 2 cuillérées à soupe de Calvados, eau + 2 cuillérées à soupe de crème…).

Laissez cuire en tournant au fouet jusqu’à une consistance lisse. Vous verrez parfaitement si vous avez mis suffisamment de liquide ou pas, si la béchamel colle trop, ajoutez simplement un peu d’eau, mélangez tout en cuisant encore, puis recommencez jusqu’à ce que vous soyez satisfait. Votre béchamel doit avoir la consistance d’une crème fraîche épaisse, elle ne doit pas être trop liquide.

Versez cette béchamel sur chaque coquille contenant son huître pochée.

Lorsque les convives sont prêts (vous pouvez attendre jusqu’à une heure avec la préparation), allumez le grill du four et placez successivement chacun des deux les plateaux de 12 huîtres dans leurs alvéoles à madeleines pour 5 à 6 mn à 10 cm du grill. Pas plus, cela cuirait trop les huîtres.

Il ne vous reste plus qu’à déguster, avec un vin blanc un peu acide comme le Muscadet pour renforcer le goût des huîtres – ou un peu rond comme le Coteau du Layon si vous avez mis du pineau dans la sauce. Les plateaux métalliques et le passage sous grill vous permettent d’attendre une dizaine de minutes avant que les huîtres ne refroidissent.

J’ai testé au préalable d’autres recettes « éprouvées » : au sabayon de jaune d’œuf, en épaississant à la maïzena – mais cette recette via une béchamel reste encore pour moi la meilleure et la mieux réussie à tous les coups.

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Flaubert et Du Camp, Par les champs et par les grèves

flaubert du camp par les champs et par les greves
Du 1er mai à fin juillet 1847, Flaubert a 25 ans et quitte sa jeunesse. Il entreprend avec son ami Du Camp un périple à pied, en bateau, en voiture de trois mois en Anjou, Bretagne et Normandie. Gustave écrit les chapitres impairs et Maxime les chapitres pairs de cette relation de voyage faite pour ne pas être publiée. Car nous sommes dans les derniers mois du règne bourgeois de Louis-Philippe et, comme sous François Hollande, la bienséance et la pudibonderie règnent en maître. Les journaux et les salons sont volontiers « choqués » par toute inconvenance et ostracisent toute idée hors de la ligne, soit anticléricale, soit antiroyaliste. Flaubert, parce qu’il sait ne pas publier, se lâche souvent sur la « bêtise » du goût et sur l’hypocrisie du sexe de ceux qu’il rencontre.

Le voyage en France était à la mode, issu du courant romantique qui revalorisait le peuple des campagne et « l’âme nationale » des paysages et monuments – tout comme les pré-écolos du Larzac ont relancé la mode des randos dans la France profonde dans les années 70. Gustave et Maxime ont sacrifié à ce rite, mais à leur mode, un brin persiffleuse et aristocratique. Ce qui fait la verve de leur récit, au-delà des descriptions d’églises nourries des livres d’histoire potassés avant le départ par nos deux compères.

itineraire flaubert du camp 1847

Le voyage commence à Blois, suit la Loire jusqu’à Nantes, explore les côtes sud et nord de la Bretagne, aboutit au Mont Saint-Michel, revient sur Rennes, passe par Dives, Trouville, et se termine à Honfleur. Il aura duré trois mois sur 640 km.

Nous y lisons un Flaubert d’avant le style, un Gustave plus près du ton spontané de sa Correspondance que des affres de ses romans futurs à « rendre » la couleur. Un Flaubert en liberté : de corps, d’esprit, d’écriture. Il se trouve en accord avec le monde, en accord avec l’amitié, en accord avec la langue. « Poitrine nue et la chemise bouffant à l’air, la cravate autour des reins, le sac à l’épaule, blancs de poussière, hâlés par le soleil, avec nos habits déchirés, nos chaussures usées, rapiécées, nous avions une belle allure vagabonde, insolente et pleine d’orgueil » (chap. IX).

Il exprime ses goûts et ses émotions plus que Maxime, le contraste est net entre les chapitres entrelacés. Gustave s’attache à des détails, seuls supports vrais, pour lui, qui permettent de rendre compte de ce qu’il éprouve à l’instant. On pourrait parler « d’impressionnisme » en littérature, tant le réalisme des détails est submergé par l’impression d’ensemble, l’empreinte de l’instant sur l’âme, l’esprit, le cœur et les reins de l’auteur. « Ainsi se passe une journée de voyage ; il n’en faut pas plus pour la remplir : une rivière, des buissons, une belle tête d’enfant, des tombeaux. On savoure la couleur des herbes, on écoute le bruit de l’eau, on contemple les visages, on se promène parmi les pierres usées, on s’accoude sur les tombes ; et le lendemain on rencontre d’autres hommes, d’autres pays, d’autres débris… » (chap. VII).

pointe-du-raz fleurs

Il contemple la douceur du paysage de Loire, la fureur de la mer à la pointe du Raz, la grande tristesse du soleil qui se couche au Grand-Bé, l’exubérance du gazon des sentiers et la vivacité des ravenelles qui poussent sur les ruines ; il est rendu « presque furieux » par la sauvagerie exaltante des rochers de Belle-Île et de ses grottes marines. Et des vagues : « Nous les regardions venir. Elles écumaient dans les roches à fleur d’eau, tourbillonnaient dans les creux, sautaient comme des écharpes qui s’envolent, retombaient en cascades et en perles, et dans un long balancement ramenaient à elles leurs grandes nappes vertes » (chap. V).

Il décrit les abattoirs de Quimper, les bordels de Brest, le métier de marchand d’hommes ; il raille volontiers la bêtise d’une peinture, trop édifiante et trop chargée comme celle de l’évêque mort, les fioritures du gothique repeint et enluminé, la lourdeur des montreurs d’ours ou le bavardage narcissique et inconsistant des représentants de commerce ; il ridiculise les théories plus fumeuses les unes que les autres des archéologues du temps sur les alignements de Carnac… Il vilipende la manie sexuelle des conservateurs sur les statues antiques : « je donnerai tout cela de bon cœur et sur l’heure pour savoir le nom, l’âge, la demeure, la profession et la figure du monsieur qui a inventé pour les statues du musée de Nantes des feuilles de vigne en fer-blanc, qui ont l’air d’appareils contre l’onanisme. L’Apollon du Belvédère, le Discobole et un joueur de fifre sont enharnachés de ces honteux caleçons métalliques qui reluisent comme des casseroles. On voit d’ailleurs que c’est un ouvrage médité de longtemps et exécuté avec amour. C’est escalopé sur les bords et enfoncé avec des vis dans les membres des pauvres plâtres, qui s’en sont écaillés de douleur. Par ce temps de bêtises plates qui court au milieu des stupidités normales qui nous encombrent, il est réjouissant de rencontrer au moins une bêtise échevelée, une stupidité gigantesque ! » (chap. III).

enfant breton cheveux blonds

Il s’attendrit sur la foi naïve des paysannes, sur le cœur des fidèles, sur le sentiment de communauté des Bretons à l’église ; il médite sur la petite chambre de Chateaubriand à Combourg ; il s’émeut aussi sur les enfants qui se baignent nus sous les remparts de Saint-Malo et se contorsionnent pour enfiler leur chemise, sur le petit guide en guenilles agile sur les rocs du Raz, sur la Vénus en granit de Quinipily « à la sensualité à la fois barbare et raffinée » (chap. VII), sur le jeune garçon chanteur de l’église Sainte-Croix à Quimperlé (« il était robuste et beau » chap. VII) ou sur cette petite fille qui vient livrer des fraises et repart en sautillant avec pour paiement un gros pain.

Combourg chateau

Il est remué de sensualité par les femmes, servante à qui il demanderait bien autre chose qu’une assiette, femme fièrement embijoutée qui expose sa brocante, hardie gitane de 14 ans au corps cambré.

Par tout son être, Gustave Flaubert participe à la vitalité universelle. Il boit le paysage, analyse les œuvres humaines, a de l’empathie pour les êtres simples, des élans pour la joyeuse santé du féminin et de l’enfance.

Plus qu’un récit de voyage, c’est déjà une œuvre en germe, intéressante à lire. Nous y trouvons certes le pittoresque des monuments et paysages d’avant l’industrialisation (à comparer avec aujourd’hui), mais aussi l’expression d’une sensibilité cosmique qui ne peut que remuer.

Gustave Flaubert et Maxime Du Camp, Par les champs et par les grèves, 1847, publié 1885, Livre de poche 2012, 288 pages, €6.10
Format Kindle, €5.99
Gustave Flaubert et Maxime Du Camp, Par les champs et par les grèves (texte complet), éditions La part commune 2010, 480 pages, €19.00
Gustave Flaubert, Œuvres complètes tome 2 – 1845-1851, Gallimard Pléiade 2013, 1680 pages, €72.00

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Fleurs de Bretagne

J’aime les fleurs du Finistère. Il ne gèle presque jamais en bord de mer et il pleut suffisamment : les fleurs s’y épanouissent à loisir. Elles sont grasses, gorgées d’eau et de minéraux, « florissantes »…

Gloire en premier à l’hortensia : il en est de roses comme ailleurs, mais aussi bleus et mauves !
hortensias bleus et mauves

Les hortensias bleus sont mes préférés, de couleur veloutée, profonde.

fleurs hortensia bleu

Ils aiment à pousser au bord de l’eau, ou contre un mur qui garde le frais et l’humide plus longtemps.

hortensias bleus

Les roses s’étalent sous la rosée…

rosee sur rose

Elles sont roses, jaunes, autres.

rose rose rose jaune

Les pétunias font comme une peau de jeunesse.

petunias

Les asters vous regardent de leurs longs cils.

asters

L’hémérocalle est délicate.

hemerocalle

Et le palmier papyrus pousse aussi bien que dans les pays chauds.

palmette

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Brest Océanopolis

Rien de tel, par temps de pluie et de tonnerre de Brest, que d’emmener les gamins au Parc de découverte des océans, comme s’intitule le lieu, situé rue des Cormorans en bordure du port de plaisance du Moulin blanc.

Océanopolis se présente en forme de crabe et a pour devise d’être « unique en Europe » !

plan brest oceanopolis

Il offre un tour du monde au cœur des océans en trois pavillons, le tempéré, le tropical et le polaire. On peut commencer par celui que l’on veut.

Un quatrième pavillon est dit « événementiel » ; il abrite des expositions et animations temporaires, en cet été 2015 Cyclops, à destination des petits de 6 à 10 ans. On peut toucher, faire bouger, dessiner. C’est vraiment pour école ou pour très petits, même les 10 ans sont peu intéressés. Ce n’est pas parce que c’est dit « inventif, interactif et innovant » (ces scies du marketing d’époque) que c’est intéressant… Le Sentier des loutres, ouvert en 2013, est plus vivant.

Il reste cependant plus de 8000 m² d’espaces de visite, 68 aquariums, près de 10 000 animaux de 100 espèces différentes dans 4 millions de litres d’eau de mer.

Et vous voyagez par en-dessous, dans l’obscurité bleutée des aquariums, lisant les panneaux lumineux explicatifs.

Nous avons commencé par le pavillon tempéré.

requin scie brest oceanopolis

Les requins sont l’attraction, le gros et les moins gros, six espèces sont présentées dont le requin-scie. On dit que certains peuplent les mers bretonnes mais il ne faut pas le répéter aux enfants, ils ne voudraient plus se baigner.

requin scie nageant brest oceanopolis

Il existe de centaines de poissons différents. J’aime par-dessus tout les Vieilles coquettes (pour leur nom).

poissons brest oceanopolis

Certains par bancs.

banc de poissons brest oceanopolis

Même des rascasses !

rascasse brest oceanopolis

Et l’on peut voir les anémones de mer toutes rouges, les langoustines pas cuites dans leur terrier, toucher les crabes et caresser (doucement) les homards dans le vivier aux enfants.

enfants oceanopolis

Le pavillon tropical offre des poissons très colorés, magnifiques à voir « voler dans l’eau » comme des papillons.

poisson colore brest oceanopolis

poissons tropicaux brest oceanopolis

Certains se nomment même perroquets.

poisson perroquet brest oceanopolis

Ou de gros mérous à la face lippue dédaigneuse.

merous brest oceanopolis

Mais des anémones de couleur s’ancrent sur les fonds rocheux.

anemones brest oceanopolis

Même des vertes !

anemones vertes brest oceanopolis

Le pavillon polaire a pour attraction les phoques. Même si vous êtes accueillis par une énorme peluche d’ours blanc, celui-ci reste empaillé. Mais les phoques, eux, nagent avec bonheur dans les bassins. Ils ondulent de tout le corps et jaillissent de l’eau en ballets joyeux. Ils ont l’air content de voir du monde.

phoque brest oceanopolis

Un trou de fausse glace leur permet d’émerger comme sur la banquise.

phoque emergeant brest oceanopolis

Tandis que d’autres nagent en surface doucement, toutes moustaches dehors, comme de gros chats sans oreilles.

phoque nageant brest oceanopolis

Un film présente des oiseaux marins et les colonies de manchots ; on peut en apercevoir de vrais sur des rochers du pavillon polaire.

manchots brest oceanopolis

Le crabe géant asiatique qui peuple les boites de conserve Kamtchatka existe aussi en vrai : un aquarium permet de mesurer sa masse.

crabe geant kamchatka brest oceanopolis

Pour les pêcheurs, il y a même, en extérieur, une vraie cabane lapone de Finlande dans laquelle on peut entrer !

cabane laponie brest oceanopolis

Le site www.oceanopolis.com

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Cathédrale de Saint-Brieuc

Vers 485, le moine gallois Brieuc débarque avec 84 compagnons. Le comte Rigwal leur offre un terrain où construire un monastère. Ainsi naît Saint-Brieuc ville, érigée en 848 en évêché. A l’époque, la cathédrale est en bois, dédiée à saint Étienne.

elevation st brieuc cathedrale

La première construction en pierre ne date que de 1050, une fois les incursions vikings terminées.

st brieuc cathedrale

La nef à sept travées ne date que du XVIIIe.

st brieuc cathedrale choeur

st brieuc cathedrale exterieur
Les reliques de saint Brieuc, exilées à Angers durant l’époque viking, sont retransférées à la cathédrale. J’ai connu un garçon qui s’appelait Brieuc… Le transept et le chœur ne sont achevés qu’en 1248. Il est reconstruit en 1354 après incendie…

st brieuc cathedrale gisant
Les chapelles ne datent que du XVe siècle. Le gisant, Monseigneur Cafarelli, fut le premier évêque concordataire, dans une petite chapelle du transept nord.

st brieuc cathedrale vitrail bapteme du christ
Ce qui séduit sont les détails. Comme ce vitrail du baptême du Christ.

st brieuc cathedrale christ
Ou le retable du Saint-Sacrement, de 1745.

st brieuc cathedrale archange michel terrassant satan
L’archange Michel qui terrasse Satan.

st brieuc cathedrale ange protecteur
Et saint Vincent de Paul en ange protecteur, le coeur offert, dénudé, la main droite prenant la menotte du petit tandis que la gauche désigne le ciel. Un ange transistor, qui amplifie le signal pour faire communiquer l’ici-bas avec l’en-haut.

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Plougasnou

Sur la côte des bruyères, près de la pointe de Primel dans le Finistère, la bourgade de Plougasnou, environ 3000 habitants, dresse son église dédiée à saint Pierre. Elle est près de la mer mais pas sur ses bords, pour éviter les pirates saxons, les hautes marées et l’humidité trop grande. Le plou est une paroisse en breton, ce qui a probablement donné « plouc » dans l’argot français, terme dépréciatif pour désigner le paysan émigré à la ville de sa paroisse rurale.

plan eglise plougasnou

Gasnou est une déformation de Cathnou, nom de personne qui signifierait « combat célèbre » (Ploi Cathnou dans les textes de 1040). Les gens du pays en ont fait un saint catholique, alors qu’il était celte païen – mais toute une tribu de saints sont réputés avoir débarqués ici (Mériadec, Primel, Samson). Toute une tribu de résistants sera embarquée durant l’Occupation et servira de base au réseau Var, qui permet le retour de François Mitterrand qui débarque en février 1944 à Plougasnou. Mais le personnage célèbre du village est Michel Le Bris, fondateur du festival Étonnants voyageurs.

chapelle kericuff eglise plougasnou

L’église paroissiale dédiée à saint Pierre a été bâtie dès le XIe siècle mais remaniée et complétée largement depuis. Le clocher est de 1582, le porche latéral de 1616. Avec un élégant baptistère.

baptistere eglise plougasnou

Ce que j’aime en cette église est sa voûte bleutée au-dessus des arcades romanes.

eglise st pierre plougasnou

Si le retable du Rosaire d’époque baroque (1668) est précieusement ridicule pour les goûts modernes, tout chargé d’or et de bondieuseries contournées, le grand vitrail de Clech (1850) colore l’autel de lumières venues d’en haut.

vitrail eglise plougasnou

Le trésor de l’église montre la richesse de ses paroissiens plutôt que leur foi.

tresor eglise plougasnou

Que veut dire en effet une Vierge à l’enfant toute d’argent ?

vierge a enfant eglise plougasnou

Les ciboires sont de meilleur effet, utiles à contenir de pain une fois devenu chair du Christ.

ciboire tresor eglise plougasnou

La Piéta du XVe en bois expose la douleur d’une Mère en même temps qu’elle ouvre sur ce monde de chair et d’éphémère.

pieta 15e eglise plougasnou

Deux saint Sébastien percés de flèches un peu partout, l’un portant linge, l’autre un slip moulé, évoquent les tourments de la chair mâle en jeunesse, évocation qui parle fort aux rudes mousses confrontés à la mer. Comment expliquer autrement ce goût du corps de jeune homme martyrisé qu’ont les Bretons dans les églises ? Une flèche dans le plexus, une dans chaque téton…

st sebastien plougasnou

Le Vœu de Charles de Blois, peint par le révérend père Édouard Le Grand en 1890, montre l’humilité du grand seigneur duc allant porter en chemise et pieds nus les reliques de saint Yves de la roche Derrien à Tréguier. Il sera tué par les Anglais à la bataille d’Auray en 1364 et élevé au rang de Bienheureux en 1904 pour raisons politiques – au moment de la querelle entre l’Église et l’État… Ce qui me plaît est le réalisme des costumes et des expressions.

voeu de charles de blois par edouard le grand 1890 plougasnou

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