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Soupe aux artichauts

Les artichauts sont de saison ; la région du Léon en produit de très bons. Mais lorsque vous les aurez servis à la traditionnelle, à l’œuf poché entouré de saumon fumé, gratinés, farcis, en salade, et que vos enfants – devenus grands – vous demanderont de varier un peu, que vous reste-t-il ? Durant ces soirs d’été contre-caniculaires, où le thermomètre descend sous les normales de saison : la soupe.

J’ai cherché vainement une recette de soupe aux artichauts ; les livres sont muets sur le sujet et Internet trop basique. J’ai donc pris le parti d’en inventer une, sur les bases de la soupe. Si l’on appelle classiquement « soupe » un bouillon au pain et « potage » la même chose mais avec des légumes du potager, ce que je vous propose serait plus proche du potage. Mais la connotation du terme est plus relevée, le potage plus « riche » que la soupe, aliment des pauvres. Ma composition est simple et épaisse, d’où le terme de soupe. Si vous voulez transformer cette soupe aux artichauts en « potage », divisez par deux le poids de pomme de terre et multipliez par deux la dose d’eau : vous aurez du plus léger, plus discret, plus assimilable à des estomacs urbains délicats. Mais en moins velouté.

Pour la soupe, prenez un gros artichaut entier par personne, un oignon, une demi-grosse pomme de terre de type Bintje à purée, une cuillerée à soupe de crème fraîche, une poignée de lardons.

Soit, pour 4 personnes : 4 gros artichauts, 2 gros oignons (ou 4 petits de la taille d’une grosse bille appelée calot), 2 pommes de terre grosses comme le poing, 150 g de lardons et 2 cuillerées à soupe bombées de crème fraîche épaisse.

Cuisez les artichauts en cocotte-minute plus que le temps indicatif, soit environ 30 mn : il faut qu’ils soient tendres à cœur. Laissez tiédir pour les éplucher. Ne gardez que le cœur et raclez à la cuiller à soupe chaque base de feuille ; c’est assez long mais vous permet d’obtenir l’équivalent d’un autre cœur d’artichaut, et d’un goût plus relevé.

Pendant ce temps, épluchez les oignons et faites-les revenir dans un peu de beurre, d’huile neutre ou (mieux) d’huile de noix. Ne chauffez pas trop fort et mêlez-y 2 cuillerées à soupe d’eau, il faut juste que les oignons deviennent translucides.

Ajoutez les pommes de terre épluchées, lavées et coupées en gros dés. Mélangez et laissez cuire une à deux minutes.

Puis ajoutez les lardons (frais ou congelés), les cœurs d’artichauts coupés en morceau et la crème des feuilles. Versez de l’eau à hauteur (soit environ 1 litre pour 4 personnes).

Laissez cuire 25 à 30 mn.

Ensuite mixez bien et ajoutez la crème fraîche, salez (pas si vous mettez des lardons !), poivrez. C’est prêt et velouté à souhait.

En place des lardons, vous pouvez n’ajouter qu’un jus de citron ou 10 cl de vin blanc une fois la soupe mixée. Ou des lamelles de bacon frites à la poêle au dernier moment sur l’assiette. Vous pouvez aussi mettre lardons ET bacon, les uns cuits dans la soupe pour la saveur, l’autre pour la présentation et le contraste de l’onctueux et du croustillant.

En place de la crème, vous pouvez mettre une portion de Vache-qui-rit par personne ou un reste de gruyère râpé.

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Velouté de chou-fleur simple et goûteux

Rien de plus simple que d’utiliser un chou-fleur. Si vous en avez assez de le manger à l’eau ou à la vapeur (c’est triste), si vous voulez varier la béchamel (pour raisons diététiques), pensez au potage. Le chou-fleur est naturellement crémeux, avec une saveur suave quand il est bien frais – autant la mettre en valeur.

Prenez donc un chou-fleur bien pommé, dans ses feuilles pour garder son humidité le temps de l’après-courses. Coupez les feuilles (elles sont tout à fait mangeables mais donneraient un goût plus âcre) et réduisez le trognon (assez dur et moins savoureux). Détachez les bouquets et lavez-les.

Epluchez une pomme de terre de type bintje (patate à purée) pour accentuer le velouté et faire une base de potage. Il faut environ un quart à un tiers du poids du chou-fleur en pomme de terre, pas plus.

Dans une casserole, mettez soit un fond de beurre (mais la graisse animale est diététiquement déconseillée), soit deux cuillerées d’huile d’olive, ou encore (je préfère) deux cuillerées d’huile de noix.

Chauffez dedans deux gros oignons émincés et quatre grosses gousses d’ail (la cuisson enlèvera toute conséquence sur l’haleine et les intestins, rassurez-vous, mais donnera un goût incomparable au velouté).

Au bout de deux à trois minutes (avant coloration), mettez la pomme de terre en morceaux, puis mélangez encore deux minutes. Mettez ensuite les bouquets de chou-fleur puis couvrez d’eau à hauteur. Un peu de sel ou un cube de bouillon de légume (surtout pas de bœuf, j’ai testé et cela donne mauvais goût), une cuiller à café (rase) de poivre moulu (si possible blanc pour éviter les petits points noirs dans le velouté cuit – et laissez mijoter 35 à 40 mn.

Mijoter, pas cuire à gros bouillons, les arômes se volatiliseraient et le potage deviendrait soupe à l’odeur caractéristique d’immeubles soviétiques ou de HLM français des années 1950.

Une fois le potage cuit, mixez. Soit au mixeur plongeant, soit au mixeur à remplir, l’important est que le potage soit bien lisse et crémeux. Si vous n’avez pas mis assez d’eau, vous pouvez en rajouter.

Je mets au final deux grosses cuillerées de crème fraîche épaisse directement dans la soupière, mais si vous craignez toute graisse animale, vous pouvez éviter. Ce sera moins bon et plus brut, mais écolo.

Il ne vous reste plus qu’à déguster. Certains ajoutent – suprême raffinement – des morceaux de bacon grillés, des copeaux de foie gras cuit, ou encore des langoustines pochées au court-bouillon et décortiquées, mais c’est réservé à mon avis aux dîners en grand tralala.

Un vin blanc pas trop sec, type Coteaux du Layon ou Gewurztraminer, ou encore Bourgogne aligoté, sera excellent avec le potage. A servir à température ambiante, ni frais ni glacé !

Après ce solide en-cas (un bol représente l’équivalent d’une assiette de légume), cuisinez léger. Ou ne servez que de petits bols de ce potage, juste pour savourer.

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Claude Simon, Triptyque

claude simon triptyque
Je ne vous dirai rien de La Bataille de Pharsale, publié en 1969, qui est à mes yeux illisible. Triptyque l’est un peu plus, mêlant trois histoires afin de « déconstruire » le concept même d’histoire, de récit cohérent avec un début et une fin. Cette affectation de rébellion, tellement à la mode chez les auteurs du « nouveau » roman des années 1960, est une impasse littéraire. J’aimerais être contredit, mais qui lit aujourd’hui Robbe-Grillet ou Claude Simon ? Chez ce dernier, certains lecteurs peuvent être envoûtés par certains textes. Pour ma part, Triptyque fait partie de ceux-là.

Car le lien entre ces histoires disparates est l’érotisme. Que resterait-il du roman sans cette fièvre érotique qui mène quasiment tous les personnages ? La scène commence par une gravure, qui deviendra puzzle à la fin, où deux garçons observent sur un pont les truites nageant dans le courant, dont le mouvement ondulant est analogue au membre viril dans la vulve de femme. Alentour, un paysage champêtre où un gamin aux cheveux filasse ramène ses vaches, une vieille paysanne qui écorche un lapin, dont l’agonie produit les mêmes soubresauts qu’un orgasme de femme.

Les deux garçons, qu’on imagine avoir 13 et 14 ans puisque l’un est « plus jeune », prennent prétexte de la pêche pour se baigner et aller nus observer une fille qui se déshabille. Ils frissonnent du bain récent autant que d’excitation, lorsqu’ils manquent d’être surpris par un gros en marcel et sa moitié de retour de pêche en un meilleur endroit. Fuite dans les maïs, pieds nus croulant les mottes, traversée de la rivière, de l’eau au ras des mamelons, rhabillage rapide sans slip, trop mouillé, enfin, l’air de rien, pêche là où rien ne vient. La nature dans ce roman engloutit l’humain dans un découpage cinématographique volontaire.

Passe une jeune domestique tenant à la main une fillette. Ils ont surpris auparavant son regard vers un beau motard viril, chasseur dont la chemise ouverte laisse entrevoir la poitrine velue. Lorsqu’elle leur demande de garder l’enfant pendant qu’elle s’éloigne un peu, ils comprennent : les deux vont baiser dans la grange. Ils laissent la gamine à trois petites filles qui passent le long des berges (laissée une fois de plus, il est à peine évoqué que la gamine va se noyer). Eux vont mater le couple effréné aux coïts multiples par un trou de la grange. Ils ne ratent rien de la vulve touffue comme un buisson ni du pénis dur comme un marteau. La chair même, chez Simon, est nature.

Une affiche sur la grange évoque un film, prétexte au second paysage, intercalé sans mise à la ligne ; les deux garçons sortent en effet de la poche poitrine de leur chemise des bouts de pellicule, images sur lesquelles ils se caressent sous la culotte : dans un palace méditerranéen, une mère s’efforce d’aider son fils impliqué dans un trafic de drogue, elle est femme nue sur un lit, un homme mûr assis qui regarde, un adolescent bouclé en blue-jean qui claque la porte, convulsé de fureur. Un troisième paysage s’intercale encore, prétexte à fantasmes : dans une banlieue industrielle où l’on boit le genièvre, une noce tourne mal et le beau jeune marié saute la serveuse à hauts talons dans une ruelle en face de l’estaminet. Des scènes de clown s’associent à tout cela en version grotesque. L’ensemble repose sur les descriptions maniaques des décors, des personnages et des choses – l’histoire n’est plaquée qu’ensuite, pour tenter de lier le tout bout à bout.

Peut-on en inférer, selon la sociologie de Marx, que Simon produit une littérature qui émane tout droit de la société bureaucratique des années 50 et 60 ? Littérature descriptive, moralement neutre, quasi comptable. Heureusement que le sperme sert de liant à ce procédé qui autrement serait chiant ! Les peintres Paul Delvaux, Jean Dubuffet et Francis Bacon ont servi de support pictural au montage cinéma des différents paysages.

Il n’y a que matière et mouvement, aucun jugement édifiant, c’est ce qui fait la modernité de l’œuvre – et sa lisibilité malgré les obstacles. Pas de bons sentiments, ni de leçon de morale, les faits bruts, décrits minutieusement comme un peintre, montés en kaléidoscope comme un cinéaste. Ce n’est pas réaliste mais est en même temps hyperréaliste : aucun enchaînement logique ou psychologique, mais des états successifs de fantasmes et de sensualité bien réels, supports libres à l’imaginaire de chacun.

Plus de phrases interminables ni d’incidentes entre parenthèses, le texte se lit facilement, même s’il saute du coq à l’âne sans arrêt. Un peu difficile à lire pour qui a perdu l’habitude des livres, mais un fabuleux efficace.

Claude Simon, Triptyque, 1973, éditions de Minuit 1973, 225 pages, €19.25
Claude Simon, Œuvres 1, Pléiade Gallimard 2006, 1583 pages, €63.50
Les œuvres de Claude Simon chroniquées sur ce blog

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Réserve d’animaux du parc national d’Udawalawe

Le lodge où nous arrivons la nuit tombée est l’Athgira River Camp, aux bungalows en dur sur pilotis ouvert d’un côté comme une tente. Il fait chaud, tropical, humide ; nous avons changé de région. Le camp, proche du centre de sauvetage des éléphants, est au bord de la rivière Rakwana, où l’on entend quelques locaux se jeter à l’eau nus à grandes éclaboussures. Nous n’avons pas le temps de dîner qu’il se met à pleuvoir en averse tropicale, nous voici obligés d’aller sous les paillotes, plus serrés qu’à l’extérieur, tandis que les garçons bruns aux chemises blanches très ouvertes virevoltent entre les tables.

Athgira River Camp sri lanka

Départ 6h10, le jour à peine pointé, pour 2h30 de 4×4 Toyota sur les pistes du parc national d’Udawalawe de 310 km². Il y aurait plus de 500 éléphants, des léopards et une grande variété d’oiseaux. Nous montons à quatre ou cinq par bétaillère, un banc de chaque côte sous une armature métallique, pour les quelques 7 kilomètres de route qui nous séparent de l’entrée dans la réserve. Le chauffeur de notre 4×4 est svelte et très souriant. Il conduit pieds nus, avec prévenance pour les touristes, leur évitant les cahots les plus forts, les branches traitresses et les ornières déstabilisatrices.

chauffeur parc national udawalawesri lanka

Nous observons la faune du pays : éléphants aux aguets, buffles broutant, un chacal tirant sur sa charogne, plusieurs aigles collés au tronc desséché d’un arbre mort comme pour se dissimuler, sur le lac des ibis, un héron, des crocodiles digérant immobiles au soleil, entre les arbres un vol de perroquets, des caméléons qui se fondent.

buffles parc national udawalawesri lanka

Les 4×4 passent sur la même piste arpentée plusieurs fois par jour, les animaux ne se dérangent même plus au bruit ; ils se suivent, ce qui gêne parfois la vue.

oiseau parc national udawalawesri lanka

Nous prenons des photos mais nous en avons au final plein des fesses en raison des chaos et plein les yeux en raison de la lumière ; je ne suis pas prêt pour un safari africain, les grosses bêtes de la jungle ne m’intéressent plus comme à l’âge des peluches au temps des dessins animés. Nous n’avons pas vu le léopard, seul gros félin de l’île : il se planque. Au retour du safari, il pleut… Il est à peine tombé quelques gouttes dans la réserve alors que la route qui mène au camp était toute mouillée. Y aurait-il un microclimat au-dessus des éléphants ?

oiseaux parc national udawalawesri lanka

Nous revenons au camp pour un petit-déjeuner de thé et de fruit, d’œufs brouillés. Pour une fois, il y a du bacon croustillant. Mais le café, bon dans le premier pot, a du repasser dans la même mouture au second tant il est fade. Mieux vaut en rester au thé. Il nous faut encore parcourir des kilomètres le long de l’océan, la vue trop souvent bouchée par les hôtels reconstruits après le tsunami avec les fonds d’aide internationale, pour passer Mirissa et atteindre enfin notre hôtel bord de mer, l’Insight Resort Ahaugama.

paon parc national udawalawesri lanka

La mer demeure forte, pas moins de cinq rangs de rouleaux viennent s’écraser sur le sable, mais il ne pleut plus. Notre premier soin, après la dépose des bagages dans les chambres, est de nous y tremper. Las ! On ne peut pas nager. Un courant traître vous emporte vers le large tout en vous déportant sur la droite. Le conseil est de ne pas quitter la zone entre les deux drapeaux rouges, une jetée artificielle de gros rochers faisant barrage.

mer a mirissa sri lanka

La lumière sur l’océan est comme souvent superbe, un dégradé de gris bleu vert du plus beau métal. Le ciel reste plombé de nuages lourds, même s’il ne pleut plus depuis quelques heures. Le sable est blanc jaune avec quelques brins de coraux arrachés par le ressac.

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