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Réserve d’animaux du parc national d’Udawalawe

Le lodge où nous arrivons la nuit tombée est l’Athgira River Camp, aux bungalows en dur sur pilotis ouvert d’un côté comme une tente. Il fait chaud, tropical, humide ; nous avons changé de région. Le camp, proche du centre de sauvetage des éléphants, est au bord de la rivière Rakwana, où l’on entend quelques locaux se jeter à l’eau nus à grandes éclaboussures. Nous n’avons pas le temps de dîner qu’il se met à pleuvoir en averse tropicale, nous voici obligés d’aller sous les paillotes, plus serrés qu’à l’extérieur, tandis que les garçons bruns aux chemises blanches très ouvertes virevoltent entre les tables.

Athgira River Camp sri lanka

Départ 6h10, le jour à peine pointé, pour 2h30 de 4×4 Toyota sur les pistes du parc national d’Udawalawe de 310 km². Il y aurait plus de 500 éléphants, des léopards et une grande variété d’oiseaux. Nous montons à quatre ou cinq par bétaillère, un banc de chaque côte sous une armature métallique, pour les quelques 7 kilomètres de route qui nous séparent de l’entrée dans la réserve. Le chauffeur de notre 4×4 est svelte et très souriant. Il conduit pieds nus, avec prévenance pour les touristes, leur évitant les cahots les plus forts, les branches traitresses et les ornières déstabilisatrices.

chauffeur parc national udawalawesri lanka

Nous observons la faune du pays : éléphants aux aguets, buffles broutant, un chacal tirant sur sa charogne, plusieurs aigles collés au tronc desséché d’un arbre mort comme pour se dissimuler, sur le lac des ibis, un héron, des crocodiles digérant immobiles au soleil, entre les arbres un vol de perroquets, des caméléons qui se fondent.

buffles parc national udawalawesri lanka

Les 4×4 passent sur la même piste arpentée plusieurs fois par jour, les animaux ne se dérangent même plus au bruit ; ils se suivent, ce qui gêne parfois la vue.

oiseau parc national udawalawesri lanka

Nous prenons des photos mais nous en avons au final plein des fesses en raison des chaos et plein les yeux en raison de la lumière ; je ne suis pas prêt pour un safari africain, les grosses bêtes de la jungle ne m’intéressent plus comme à l’âge des peluches au temps des dessins animés. Nous n’avons pas vu le léopard, seul gros félin de l’île : il se planque. Au retour du safari, il pleut… Il est à peine tombé quelques gouttes dans la réserve alors que la route qui mène au camp était toute mouillée. Y aurait-il un microclimat au-dessus des éléphants ?

oiseaux parc national udawalawesri lanka

Nous revenons au camp pour un petit-déjeuner de thé et de fruit, d’œufs brouillés. Pour une fois, il y a du bacon croustillant. Mais le café, bon dans le premier pot, a du repasser dans la même mouture au second tant il est fade. Mieux vaut en rester au thé. Il nous faut encore parcourir des kilomètres le long de l’océan, la vue trop souvent bouchée par les hôtels reconstruits après le tsunami avec les fonds d’aide internationale, pour passer Mirissa et atteindre enfin notre hôtel bord de mer, l’Insight Resort Ahaugama.

paon parc national udawalawesri lanka

La mer demeure forte, pas moins de cinq rangs de rouleaux viennent s’écraser sur le sable, mais il ne pleut plus. Notre premier soin, après la dépose des bagages dans les chambres, est de nous y tremper. Las ! On ne peut pas nager. Un courant traître vous emporte vers le large tout en vous déportant sur la droite. Le conseil est de ne pas quitter la zone entre les deux drapeaux rouges, une jetée artificielle de gros rochers faisant barrage.

mer a mirissa sri lanka

La lumière sur l’océan est comme souvent superbe, un dégradé de gris bleu vert du plus beau métal. Le ciel reste plombé de nuages lourds, même s’il ne pleut plus depuis quelques heures. Le sable est blanc jaune avec quelques brins de coraux arrachés par le ressac.

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Monastère de Kirants

Le bus nous mène à l’orée d’un parc national où nous randonnerons jusqu’au monastère perdu de Kirants.

Toute la randonnée, de 19 km aller-retour, se déroulera dans un chemin boueux dans la gorge Samson. Nous rentrerons mollets crottés, muscles fatigués d’avoir eu à rétablir l’équilibre en permanence sur la terre glissante. La matière est café au lait, semi-liquide et toute chaussure même crantée ne peut que déraper si elle ne se pose pas solidement. De pénibles ornières sont tracées dix fois par jour par les camions du village qui continuent à exploiter sans vergogne le parc national, coupant le bois, cultivant des parcelles. Un camion Zil et un gros Oural nous dépassent en ahanant.

Toute la journée nous accompagne le chien Simba, bien que son maître, notre guide local du jour, lui ait ordonné au début de retourner. Le gros chien baisse la tête, s’écarte doucement, va se cacher dans les buissons, puis reprend sa marche derrière nous une fois la troupe repartie et son maître qui l’oublie. Il réussit ainsi à s’imposer contre un jeune chien admis au début, mais qui a rebroussé chemin dès qu’il a vu un molosse à l’attache aboyer sur le chemin. Jalousies canines.

Humidité, odeurs de plantes, boue omniprésente. Évidemment planté sur un sommet, le monastère se mérite. Son nom de Kirants signifie « briques » car il est bâti non de pierres, difficiles à monter jusqu’ici, mais de briques avec la terre cuite sur place. Des mosaïques colorées subsistent sur le clocher octogonal de l’église mais, pour le reste, c’est une grande coquille vide. Dans les salles désertes, quand on est seul, les étroites fenêtres ruinées laissent entrevoir le vert de la végétation délirante à l’extérieur. C’est comme un parfum d’aventure qui rappelle quelque jungle.

Le camping du soir, prévu sous la tente, a été remplacé par une nuit chez l’habitant à Dilidjan pour cause de boue et d’humidité permanente. Les filles sont ravies : elles vont pouvoir faire sécher leurs affaires.

Nous accueille impromptu une grande maison encore en travaux. Elle est sur les hauteurs et à l’écart du centre, au rebours de la veille. L’hôtesse est un peu hystérique parce que ses draps ressemblent à des serviettes de toilette et que certains s’y trompent en allant à la salle de bain… Ses chiottes fuient et elle doit en condamner une.

La famille se débrouille toute seule pour construire et aménager leur petit hôtel et le bricolage se voit : la plomberie est en dépit du bon sens et l’électricité placée au petit bonheur. Le bouton pour allumer la pièce centrale de l’étage se trouve derrière la porte d’accès et pas à main immédiate. Le porte-savon de la douche se trouve à deux mètres de la pomme, c’est pratique ! Le robinet mal fixé ne permet pas d’obtenir de l’eau chaude sans dévisser la plomberie entière, qui tombe… Tous les matériaux de construction et sanitaire viennent de Turquie via la Géorgie, mais le bricolage est du soviétique tout pur ! Cela dit, nous sommes contents de prendre une douche, même si nous devons attendre notre tour car il n’y en a que deux pour quinze.

Le dîner comprend du pourpier cuit et de l’épeautre aux filaments de poulet, le tout faisant bouillie. Je n’aime pas trop ces plats de bébé qui tiennent au corps sans guère de saveur, mais les autres apprécient. Tendance d’époque aux saveurs neutres industrielles ? Retour à l’enfance des bouillies ? Je préfère quant à moi les légumes grillés au four avec leur très léger goût de brûlé : aubergine, tomate, poivron. J’en fais une ventrée.

Nous dormons assez bien malgré les matelas défoncés comme dans les collèges. A croire que des générations d’ados s’y sont vautrées. Nul ne pouvait bouger que tout le monde l’entende, tactique de pensionnat pour savoir qui se branle. Nous sommes encore, volontairement ou non, dans le contrôle social de type soviétique. L’hôtellerie arménienne des gîtes a du chemin à parcourir pour accueillir les touristes comme partout ailleurs.

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Marche en forêt et monastère de Gochavank

Le bus nous conduit au début de la marche du jour. Journée de contraste, d’un côté le soleil méditerranéen du lac Sivan et son paysage de plage à la végétation sèche, de l’autre des forêts de hêtres et du brouillard dans une ambiance de Jura. Il suffit de passer un tunnel…

La région qui borde la frontière azerbaïdjane est verdoyante, plus haute en altitude. Riche en faune et en flore, on la nomme évidemment « la Suisse arménienne ». Elle a vu fleurir les maisons de repos à l’ère soviétique, grands bâtiments collectifs aujourd’hui péniblement reconvertis en hôtels ou en colonies de vacances. Il s’agissait hier de distinguer les ouvriers méritants, mais surtout de s’attacher les dirigeants par des privilèges. L’hôtellerie moderne n’a que faire de ces casernes mal conçues et nous voyons se construire des bâtiments plus design, en un complexe de petits chalets disséminés dans la forêt.

Notre guide arménienne nous a fait ce matin un historique de l’Arménie. Insistant sur la période récente, elle a réglé son sort au système soviétique. « Le tout collectif engendre l’irresponsabilité et aboutit au jemenfoutisme. Si aucun intérêt personnel n’est sollicité, nul ne se préoccupe de préserver ou d’économiser, l’inefficacité règne à tous les niveaux, de la gestion d’une cantine aux atteintes à l’environnement. » L’homme maître et possesseur de la nature gaspille sans compter puisque tout est à tous – sans restrictions – donc à personne. La charge de qui a vécu l’ancien système est sans appel. Elle peut être acide, notre guide arménienne. N’empêche : de l’Ourartou antique au Brejnev contemporain, le socialisme est toujours l’État d’abord.

Elle nous a décrit aussi les premières années de l’indépendance, le blocage du gaz russe. L’Arménie avait arrêté sa seule centrale nucléaire par crainte de voir sa technologie faillir comme à Tchernobyl. Mais le gaz n’arrivant plus pour cause de scission arménienne de la CEI à domination russe, la guerre avec l’Azerbaïdjan pour le Haut-Karabagh bloquant les frontières azérie et turque, le pays a vécu plusieurs hivers de rationnement extrême. L’électricité n’était délivrée que quelques heures par jour. Or le climat est rude puisque l’altitude moyenne est au-dessus de 1000 m. A Erevan, la capitale, les habitants brûlaient dans des poêles à bois tout ce qui pouvait se brûler, « à commencer par les œuvres complètes de Marx et de Lénine (plusieurs dizaines de volumes inutiles) » selon notre guide, puis les bancs des squares. On a accentué la déforestation à cette époque, le temps de remettre la centrale nucléaire en route, révisée aux normes de sécurité avec l’aide technique des Français. Ce n’est qu’en 1995 que la situation est redevenue normale. D’où la hantise arménienne de se voir couper d’une frontière commune avec l’Iran, poumon d’échanges si le monde russe fait pression sur elle. Désormais l’Arménie connaît un excédent d’électricité. Elle l’échange contre du gaz iranien et en donne à la Géorgie qui paye directement la Russie en remboursement des dettes arméniennes.

Nous partons à pied du lac de Parz Litch qui signifie « lac clair ou transparent ». Le sentier au bord du lac est fait de pouzzolane aux trois couleurs, rouge sombre, grise et noire. Notre objectif est le monastère de Gochavank.

Pour cela, il nous faut traverser la forêt européenne composée de hêtres, chênes et charmes principalement. Des fleurs bordent le chemin fort boueux des pluies d’hier. Les jeeps locales ont creusé de profondes ornières et il nous faut souvent passer dans les broussailles sur le côté. Certaines voitures se sont même raclées le ventre à voir les traces. Dans ces grandes forêts transcaucasiennes vivent encore le loup, l’ours et le lynx. Nous voyons d’ailleurs une trace de plantigrade sur le chemin. Je crois y reconnaître la trace d’un pied nu d’enfant mais la trace suivante, en avant, montre de fortes griffes dans la boue. Nous imaginons dans la conversation une randonnée de préadolescents heureux d’avancer pieds nus dans cette boue grasse, nez au vent, excités par les odeurs d’humus et d’herbe écrasée, la peau hérissée de rosée tombée des feuilles, les yeux ravis des fleurs de milieu humide. Il y a même quelques champignons. Mais il s’agit probablement des traces d’un petit ours. Tout est moite, dégoulinant d’eau. Il a plu cette nuit et le ciel reste couvert.

Une rude montée nous fait sortir de la forêt pour culminer dans les champs du plateau. Du foin en meules sèche ici ou là. Un vieux bus Kamaz, de l’ère soviétique, a achevé sa vie dans un tournant puisqu’il n’existe pas de décharge publique en ce pays. On l’a simplement poussé dans un fourré le long du chemin. Nous avons fait une boucle et la voie de terre qui redescend nous ramène au village, là où s’élève le monastère. Il ne s’agissait cet après-midi que de prendre l’atmosphère du pays en marchant dans le paysage, ce qui n’est pas une mauvaise manière d’explorer. Avant la visite, je prends une bière au bar d’en face. C’est une bière Ararat de 4.5° d’alcool ; la bière la plus courante est la Kilikian.

Le monastère construit dès 1188 doit son nom à Mekhitar Goch qui l’a fondé, auteur du premier code civil et pénal du pays. L’église Saint Grigor Loussavoritch est l’un des meilleurs exemples de l’architecture arménienne médiévale.

Elle est ornée de croix très ajourées de style tardif, sculptées par Poghos. Ses bâtiments ont des soubassements cyclopéens de pierres sèches, agencées antisismiques par imbrications. Les pierres ne sont pas rectangulaires mais biseautées pour s’ajuster en angles. D’autres murs, énormes, ont été conservés comme limites, ils dateraient de 3000 ans. Des puits de lumière octogonaux délivrent une lumière chiche dans les salles obscures.

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