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Musée Frans Hals de Haarlem

Il est situé dans un hospice de 1608 aux salles dallées de marbre lisse, racheté en 1908 par la municipalité pour y loger les collections d’art néerlandais des XVIe et XVIIe siècles, dont les biens des couvents, congrégations ou institutions religieuses catholiques de la ville, confisqués après 1578.

Frans Hals a fait le portrait des administrateurs, ou régents, un homme pour les vieux et une femme pour les vieilles. Le peintre s’était spécialisé dans ce que voulait sa clientèle : du portrait, le plus souvent collectif.

Les officiers des arquebusiers sont attablés pour leur banquet annuel et le peintre les a rendus vivant grâce aux couleurs de leurs habits, à la diversité de leurs expressions et aux bonnes choses à manger sur la nappe.

Les régents et régentes de l’hospice de vieillards sont au contraire en vêtements noirs et ont l’air austère. Un gamin à la bonne bouille ronde s’esclaffe dans un recoin.

Le guide nous donne quelques clés de lecture des tableaux. Les personnages qui regardent le spectateur sont les notables. Les gens les plus importants sont ceux qui sont assis. La diagonale guide le regard et la perspective est donnée par la table ou par la position des pieds de ceux qui sont représentés. Les mains sont assurées sur les accoudoirs et en bord de table, ou bien accueillantes et ouvertes, dirigées vers le spectateur pour l’inviter à participer, ou encore affectives, placées sur le cœur pour témoigner de sa bonne foi.

Les Douze membres de la Fraternité des pèlerins de Jérusalem, peints par Jan Van Scorel en 1528, alignent leurs têtes. Celles-ci étaient peintes et disposées au dernier moment selon la hiérarchie des Importants : ceux qui vous regardent le sont plus que ceux qui ne vous regardent pas. Chacun est surmonté de son blason pour bien les reconnaître.

Frans Hals, en peignant en 1541 les Régents de l’hôpital St Elisabeth, a fait qu’aucun des personnages ne regarde le spectateur, ni ne se préoccupe du dernier arrivé ; tout se concentre sur le Régent assis en bout de table, toutes les mains vont vers lui et les siennes ont un mouvement d’enfermement sur sa personne. C’est un instant suspendu, comme surpris, un instantané. Le tableau est beaucoup plus vivant que l’alignement de têtes pur et simple.

Ces tableaux étaient exposés soit à l’entrée des hospices pour inspirer confiance, soit à l’entrée des guildes de commerçants pour donner une idée de l’importance et de la prospérité de ceux avec qui l’on venait signer des contrats commerciaux. Chacun connaissait les codes et pouvait ainsi savoir à qui il avait à faire avant même de le rencontrer.

Frans Hals n’a par exemple pas été tendre avec les vieilles régentes de sa fin de vie lorsqu’il a peint, à plus de 80 ans, les Régentes de l’hospice des vieillards en 1664. Il a dû se retirer à l’hospice lorsqu’il fut tombé dans la misère et a peint un tableau commandé par les régentes. Il ne les aime pas et les peint de façon très réaliste, sinon lucide : elles sont plutôt un repoussoir.

Outre les Frans Hals, on y voit aussi le Triptyque de la Naissance, de la Flagellation, de la Crucifixion et de la Résurrection du Christ d’un suiveur d’Hans Memling.

Une Madone au Bambin blond.

Le Mariage de Thétis et Pélée avec profusion de personnages à poil de Cornelis Cornelisz van Haarlem

Le Moine et la Béguine où un moine pince le sein d’une nonne devant le raisin et le vin (tous deux de 1591).

Un Massacre des Innocents montre de jeunes enfants torturés et égorgés, hurlant, tandis que les corps musculeux nus des mâles qui les massacrent arborent des fesses et des torses en pleine euphorie sexuelle. Le contraste est un raffinement de sadisme, mêlant la cruauté au plaisir dans un paganisme tourmenté.

Une Tentation de saint Antoine de Jan Mandijn (1555) est, à la Jérôme Bosch, un grouillement de bestioles infernales issues de l’imagination enfiévrée de l’ermite continent qui peine à se concentrer sur sa Bible.

Jan de Braij peint en 1663 Peter de Braem et sa famille, accueillis par le Christ qui déclarait : « laissez venir à moi les petits enfants. » Il y a en effet profusion de petites filles blondes, outre deux garçons adultes.

La mère et l’enfant de Peter de Grebber (1622) reprend les codes de la Vierge à l’Enfant, mais version protestante, terre-à-terre : il s’agit d’une véritable mère qui donne le sein à son bébé déjà grand, tout en lisant un livre. Le démarquage du catholicisme se fait avec le livre – petit pour une Bible – et la coiffe de la femme – qui évoque l’auréole de Marie.

J’aime bien l’Accueil des enfants à l’hospice de charité pour les orphelins de Jan de Braij en 1663. Il figure trois des sept vertus de charité : nourrir les affamés, abreuver ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus. Un robuste gamin de 12 ans, en premier plan sur la droite, a déjà ôté toutes ses guenilles pour commencer à enfiler une culotte ; son copain vis-à-vis, déjà vêtu, s’enfile avidement de la nourriture dans la bouche.

La Partie à l’intérieur de Dirk Hals en 1628 met en garde le spectateur contre le libertinage, la gaieté et la fièvre du jeu en présentant des personnages rigolards, paillards et soiffards qui braillent, éclusent et se bâfrent dans un tintamarre de plats heurtés et de viole. Pendant ce temps, un couple de petit garçon et petite fille, tous deux vêtus comme les adultes, se prennent la main au-dessus d’un gros chien placide aux yeux fatalistes. C’est truculent et plein de vie.

Pieter Brueghel II, en 1625, peint ses fameux Proverbes hollandais dans un village imaginaire : humains et animaux font ce qu’il ne faut pas faire et mettent le monde sens dessus-dessous. Près de 90 proverbes moralisateurs sont ainsi illustrés et l’on passe plusieurs minutes à les chercher et les deviner. Il y a : jeter l’argent par les fenêtre, tenter de faire de l’ombre au soleil, qui trop embrasse mal étreint, tondre la laine sur le dos, et ainsi de suite.

En face, la Maison de poupée de Sara Rothé van Amstel, du XVIIIe siècle, donne une idée des Intérieurs de maison dans la bourgeoise marchande prospère. Au rez-de-chaussée la cuisine d’un côté de l’entrée, la salle à manger de l’autre, au premier étage le salon et la bibliothèque, au second étage les chambres, au dernier étage les cellules des bonnes et nurses.

Les natures mortes me ravissent par leur minutie et par le traitement de la lumière. Elles ont un sens moralisateur, montrant la brièveté de la vie qu’il faut saisir à pleines dents, l’huître encore vivante offerte à la mort sans coquille, un citron à demi-épluché doux en apparence mais astringent aux gencives, comme la vie. Les fleurs vives se fanent, la nourriture se gâte, la belle argenterie se ternit. La tarte aux mûres de la nature morte peinte par Willem Claeszoon Heda (1660) est crevée et dégouline de fruits cuits parfaitement morts. Les harengs sont fumés et le gibier faisande. Parfois est ajouté un crâne pour insister sur le symbole.

La nature morte aux fruits, noix et fromages de Floris van Dijck, peinte en 1613, offre du dessus un empilement de fromages flanqués de fruits et de pain, une épluchure pendante au premier plan. Le tout soigneusement coloré, de façon à sentir la texture de chaque bonne chose. Le guide nous fait remarquer que souvent les plats sont en déséquilibre, on dirait qu’ils vont tomber. C’est une façon de happer le spectateur qui a le réflexe immédiat de tendre la main pour le rattraper.

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Chapelle Sainte-Barbe de Plouharnel et chapelle Saint-Antoine

Sainte-Barbe a été bâtie au XVIe siècle en « un lieu de grand péril », comme on disait alors : les vagues qui venaient battre le pied de la fontaine d’eau douce, les tempêtes qui échouaient les naufragés. Le clocher a servi aux Bleus de Hoche à surveiller la côte et le débarquement des Émigres, puis aux nazis en 1940 à surveiller Lorient.

Le vitrail latéral du chœur symbolise les naufrages, celui de la nef rappelle les combats des Bleus et des Blancs, tous réalisés par Gérard Milon en 1985. La façade de la chapelle a été classée Monument historique en 1925 ; le clocher a été partiellement détruit en 1944 et reconstruit tronqué, la tour carrée abrite la cloche. Les bancs de pierre situés au nord et au sud, permettaient aux paroissiens de s’asseoir pour papoter après la messe.

La fontaine proche est réputée… protéger des incendies ! Il est vrai que sainte Barbe est la patronne des artificiers et des pompiers. Sainte Barbe est sainte Barbara : enfermée dans une tour par son père parce qu’elle avait épousé le Christ et refusait de se marier (l’éternel conflit du spirituel et du temporel), elle en fut sortie pour l’accouplement. Refusant toujours, son père la tua en brandissant son épée et fut immédiatement frappé par la foudre – d’où le patronage sur tout ce qui rappelle le feu, la foudre, la poudre. Malheureusement, c’est une légende : la sainte n’a jamais existé et elle a été retirée du culte en 1969 par l’Église.

Saint Antoine, en revanche, a plusieurs occurrences. Pas moins d’une cinquantaine ! Le plus connu est Antoine le Grand, père de tous les moines, ermite de Haute Égypte au IVe siècle avant d’organiser une communauté à Fayum. Saint Athanase a écrit sa biographie car il est mort à plus de 90 ans. Il est représenté avec une croix en T et un porc, symbolisant à l’origine le diable.

Sa chapelle a le plafond de sa nef en forme de coque de bateau renversée ; elle est peinte du bleu de la Vierge (et de la mer), et cloutée d’étoiles. Un Christ en bois longiligne pend sur sa croix en faisant saillir ses côtes, la tête ronde et la bouche amère.

Nous reprenons un taxi pour rejoindre l’hôtel à Carnac.

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Gustave Flaubert, La tentation de saint Antoine version 1874

« C’est l’œuvre de toute ma vie » dit Flaubert de cette « vieille toquade » qui a duré trente ans. A Gênes, le tableau de Pieter Breughel le Jeune l’a fasciné ; il est grouillant de luxure et de sadisme, toute la chair et la matière torturée de souffles et de désirs – tout ce qui remuait aux tréfonds de l’auteur. Il a déjà réalisé deux versions de cette œuvre « héneaurme », comme il aurait dit, en 1849 et en 1856 – les deux déjà chroniquées sur ce blog. Celle-ci est la troisième, la plus aboutie mais pas vraiment plus lisible, malgré des fulgurances de style qui rappellent parfois la Légende des siècles de Victor Hugo ; mais il manque le souffle qui ferait de cette compilation de l’esprit, qui se tord dans l’ignorance comme un ver sur le sable, une œuvre.

C’est qu’Antoine, anachorète de la Thébaïde (le pays montagneux autour de Thèbes en Égypte – aujourd’hui Louxor) dialogue avec des apparitions. Il est tourmenté par la chair, Antoine, faute de lui avoir donné sa part, et il croit que Satan le tente alors que ce n’est que lui-même. Le luxe et la luxure, le pouvoir, la volupté le séduisent tour à tour, grouillants d’images ricanantes, mais il revient sans cesse à la réalité de sa couche dure et des cailloux tranchants. Son disciple Hilarion, à qui il a enseigné lorsque l’adolescent avait 15 ans, offre une tentation plus haute : celle de l’intellect. Le savoir n’est-il pas un orgueil aux yeux de Dieu ? Hilarion prend un malin plaisir à lui présenter « tous les dieux, tous les rites, toutes les prières, tous les oracles » et de mettre l’accent sur les contradictions de la Bible. Peut-on croire de telles inepties ou faire confiance à des écrits qui se contredisent ? Le « grotesque triste a pour moi un charme inouï », écrivait Flaubert à Louis Colet. Il y voit « le ridicule intrinsèque de la vie humaine. » Cela au moment où sévit la boucherie de la guerre de 1870 et la barbarie de la Commune qui s’ensuit. Comme une dislocation d’empire romain et les batailles idéologiques des débuts de la chrétienté remises au goût du jour. Et si nous vivions aujourd’hui une telle époque déboussolée ?

La Science, divinisée au siècle de Flaubert, ce XIXe de la vapeur et de l’électricité, de l’exploration enthousiaste à la Jules Verne, n’est-elle pas illusion, comme la croyance ? Le démon va jusqu’à tenter Antoine en lui montrant les secrets de l’univers et l’anachorète ascétiquement chrétien aspire à se fondre dans la matière… jusqu’à ce qu’il aperçoive, tout comme les anciens Égyptiens, le soleil qui se lève. Alors resplendit le visage du Christ. L’effervescence du monde antique et cosmopolite d’Alexandrie l’incline à une réflexion sur les dogmes, les croyances et le monde. Hilarion est son miroir et le fait réfléchir – en sept parties – des tentations aux séductions, de l’effondrement des dieux à la tentation métaphysique, de la vision de figures imaginaires nées de l’esprit enfiévré de l’homme à l’infinie fécondité de la nature.

Flaubert, qui a craint les foudres de la censure d’Église et un nouveau procès devant les tribunaux de la bourgeoisie conservatrice, voulait garder pour lui sa Tentation, terminée en 1870 ; c’est son ami Tourgueniev qui l’a convaincu de la publier en 1874. Il a entre temps poussé en avant son autre projet, Bouvard et Pécuchet, tout aussi « héneaurme », tout aussi encyclopédique, demandant tout autant de travail de lectures et de fiches, mais moins polémique, orienté vers la satire sociale et la comédie. On ne touche pas aux croyances sans se brûler les doigts ; on peut toucher aux travers sociaux car cela amuse. Aujourd’hui n’est pas différent d’hier.

Gustave Flaubert, La tentation de saint Antoine, version 1874, Folio 2006, 352 pages, €7,20 e-book Kindle €2,49

Gustave Flaubert, Oeuvres complètes tome V – 1874-1880 (La tentation de saint Antoine, Trois contes, Bouvard et Pécuchet, Dictionnaire des idées reçues), Gallimard Pléiade, 2021, 1711 pages, €73,00

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Flaubert, la Tentation de saint Antoine 1849

flaubert tentation de saint antoine 1849
Cette œuvre baroque et peu lisible aujourd’hui est une première Tentation. Œuvre de toute une vie, remise inlassablement sur le métier, une autre paraîtra en 1874, plus réfléchie et plus posée. Mais, en ce premier jet, Flaubert déverse tous ses sentiments sur la vie et la mort, la croyance et la science, les passions et leur néant.

Dieu est-il possible ? S’il est le Créateur de tout ce qui existe, pourquoi le mal ? pourquoi la liberté ? pourquoi la mort ? S’il a créé les désirs, pourquoi les a-t-il aussitôt interdits ? S’il est Dieu unique, pourquoi les trois personnes ? « La Logique : Et où était le Fils [lors de la Création du monde] ? à ses côtés ? en lui ? en-dessous ? Dans ce temps-là, était-il le Christ ? Puisque le Christ était homme et qu’il n’y avait pas d’hommes… et l’Esprit, que faisait-il ? » Le jeune Gustave, à 28 ans, sort à peine d’un orage de passions ; il livre dans cette œuvre les désirs dont il veut se méfier.

brueghel jeune tentation de saint antoine a inspire flaubert

L’idée d’écrire une pièce de théâtre (la grande mode du temps) lui est venue lors de son voyage en Italie, devant le tableau de Bruegel le jeune intitulé La tentation de saint Antoine. Il a aimé le spectacle de tous ces monstres juxtaposés et ces femmes forcément nues, chacun dans leur logique propre – tous créés par le même Créateur, mais agissant dans un chaos diabolique. « Antoine : Le mal, c’est ce qui est défendu par Dieu. La Logique : A coup sûr ! tel que l’homicide, l’adultère, l’idolâtrie, le vol, la trahison et la rébellion contre la loi. C’est pour cela qu’il a ordonné à Abraham de sacrifier Isaac qui était son fils, à Judith d’égorger Holopherne qui était son amant, à Jahel d’assassiner Sisara qui était son hôte, à tout le peuple d’exterminer les autres peuples, de massacrer les animaux, d’éventrer les femmes enceintes ; c’est pour cela qu’il a fait forniquer Abraham avec Agar, Osée avec la courtisane, le serpent avec Eve, le Saint-Esprit avec Marie ». Flaubert se lâche, l’anticléricalisme ne fera que monter avec le siècle contre les catholiques conservateurs. Une leçon pour aujourd’hui contre les islamo-sectaires.

De retour à Paris, il achète une gravure de Callot représentant elle aussi la Tentation. Il songe devant elle aux antithèses de l’existence : l’enfant et le vieillard, la vie et la mort, Dieu et le diable, le temps qui passe et use. La réponse de la religion est aussi elliptique qu’insatisfaisante : « Croire toujours. Prier encore. Souffrir beaucoup ».

callot Tentation de Saint Antoine

Ce déversoir qu’il méditera longtemps, documentera des mois en bibliothèque et passera quatre mois à coucher et raturer, est aussi une étape de sa propre vie. Il hésite entre les tentations du monde et la vie en marge de l’artiste, entre les salons et la réclusion, les frivolités sociales et le nécessaire recul pour créer une œuvre. Puisque ses désirs sont démesurés (comme tous les désirs, sans limites ni fin), seule l’imagination peut les assouvir, bridée par rien, à peine par la décence (mais on peut trouver des périphrases ou suggérer sans le dire).

Antoine est donc l’humanité désorientée qui croit au ciel sans vivre pleinement sur la terre, qui se veut pure et tempérante mais que la folle du logis tourmente sans cesse. Pourquoi aimer ? pourquoi savoir ? pourquoi agir ? « Le chrétien n’est pas sur la terre pour en cultiver les joies, pour les donner, ni les recevoir, sa vie à lui est large et détachée. Il a la foi pour épouse, le monde pour famille, la pénitence pour patrimoine. Il doit continuellement sentir dans son âme quelque chose de béant et d’inassouvi, quelque chose qui déborde l’existence et qui n’y puisse appartenir. Affamé du ciel, il perdrait le désir de Dieu si la terre une seule fois pouvait rassasier son espérance ».

flaubert a 25 ans

L’ascète égyptien Antoine a fondé l’érémitisme chrétien au IVe siècle ; ses reliques, ramenées de Terre sainte, sont à Saint-Antoine-l’Abbaye en Dauphiné. L’antiquité tardive offrait à Flaubert une époque de transition foisonnante entre l’ancien monde païen et notre nouveau monde chrétien. Une époque de doutes, de réflexions intenses, de débats passionnés. Il met en scène les Hérésies pour argumenter, les sept péchés capitaux plus deux qu’il ajoute avec la modernité : la Logique et la Science. Il crée des hallucinations comme transitions entre l’ancien et le nouveau, le monde de la matière où tout était à sa place et le monde de l’esprit où tout va dans tous les sens. La Science contre la Foi : « Tu es la négation, l’étouffement, la haine. Moi je suis le grand amour inquiet qui s’avance pas à pas dans le chemin de l’esprit que tu plais à bouleverser ».

Pour le style, il choisit la couleur, il suggère par l’excès. Sa profusion baroque se déroule en phrases clamées, ciselées avec une gourmandise dont il se délecte à la lecture. Le texte est confus, symboliste, indigeste. Le jouer serait complexe et lassant, le cinéma pourrait peut-être en tirer quelque effet avec une débauche d’effets spéciaux, en raccourcissant et simplifiant…

Mais Flaubert était de son temps et avait un tempérament. Avant d’être critique envers le premier et de dompter le second, il s’est laissé aller à une rêveuse exubérance, cette tentative de Tentation. Pas facile à lire aujourd’hui, j’ai sauté de nombreuses pages. Mais c’est du Flaubert, toujours intéressant car rien n’est à jeter de son œuvre.

Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine, 1849, Forgotten Books 2016, 350 pages, €12.81
Format Kindle

Gustave Flaubert, Œuvres complètes tome 2 – 1845-1851, Gallimard Pléiade 2013, 1680 pages, €72.00

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