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Saint-Philibert

Nous prenons le taxi jusqu’à Saint Philibert après le petit déjeuner de huit heures et la répartition du pique-nique. Nous visitons la chapelle Saint Philibert qui se nomme en vrai Notre-Dame de la Nativité. Elle est construite au bord de l’eau en 1648 sur le modèle d’une maison de pêcheur, sur la rive du Ster.

Une petite fontaine aux bêtes la flanque dès 1649. Comme beaucoup de chapelles, le plafond de la nef est recouvert d’une boiserie en forme de coque de bateau, peinte en bleu de mer et ornée d’étoiles.

Est notable un retable. Il est du XVIIIe siècle, un tableau romantique dans la partie centrale représente Saint Philibert débarquant dans l’anse du Ster sur une auge de pierre, brandissant la croix d’une main et la crosse de l’autre – pas vraiment bienveillant. Les caraques venues d’Angleterre et d’Irlande étaient chargées de pierres comme lest mais elles différaient des pierres de Bretagne d’où l’assimilation du bateau à la roche étrangère. Les vitraux évoquent les activités agricoles et ostréicoles du village.

Dans la nef sont suspendus des ex-voto de navires à voiles, y compris un catamaran récent, pour implorer la protection su saint lieu. Une statue de Sainte-Anne et de la Vierge enfant est érigée à droite du cœur ; c’est assez rare.

Philibert le saint venait de Gascogne. Élevé à la cour de Dagobert 1er (celui qui mettait sa culotte à l’envers), il se fit moine à 20 ans puis devint abbé avant de fonder des monastères selon la règle de saint Benoît, sur le modèle de saint Colomban. Il a fondé l’abbaye de Jumièges puis celle de Noirmoutier. Il est mort en 684 à 76 ans.

La rivière de Saint Philibert mène jusqu’à Auray. Nous la suivons jusqu’à la pointe de Kerpenhir. Il s’agit d’une ria, ses rives ont été creusées par les marées. Les vasières se découvrent à marée basse. Le GR 34 suit la plage bordée de pins d’un côté et les villas chic en bordure de l’autre. Le libre passage a été âprement négocié, beaucoup de riches en résidences secondaires refusant la promiscuité. Ils représentent plus de la moitié de la population du lieu. Nous voyons en effet des familles se prélasser, les ados déjà grands marquant la réussite sociale du père qui a les moyens de louer la maison.

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Chapelle Sainte-Barbe de Plouharnel et chapelle Saint-Antoine

Sainte-Barbe a été bâtie au XVIe siècle en « un lieu de grand péril », comme on disait alors : les vagues qui venaient battre le pied de la fontaine d’eau douce, les tempêtes qui échouaient les naufragés. Le clocher a servi aux Bleus de Hoche à surveiller la côte et le débarquement des Émigres, puis aux nazis en 1940 à surveiller Lorient.

Le vitrail latéral du chœur symbolise les naufrages, celui de la nef rappelle les combats des Bleus et des Blancs, tous réalisés par Gérard Milon en 1985. La façade de la chapelle a été classée Monument historique en 1925 ; le clocher a été partiellement détruit en 1944 et reconstruit tronqué, la tour carrée abrite la cloche. Les bancs de pierre situés au nord et au sud, permettaient aux paroissiens de s’asseoir pour papoter après la messe.

La fontaine proche est réputée… protéger des incendies ! Il est vrai que sainte Barbe est la patronne des artificiers et des pompiers. Sainte Barbe est sainte Barbara : enfermée dans une tour par son père parce qu’elle avait épousé le Christ et refusait de se marier (l’éternel conflit du spirituel et du temporel), elle en fut sortie pour l’accouplement. Refusant toujours, son père la tua en brandissant son épée et fut immédiatement frappé par la foudre – d’où le patronage sur tout ce qui rappelle le feu, la foudre, la poudre. Malheureusement, c’est une légende : la sainte n’a jamais existé et elle a été retirée du culte en 1969 par l’Église.

Saint Antoine, en revanche, a plusieurs occurrences. Pas moins d’une cinquantaine ! Le plus connu est Antoine le Grand, père de tous les moines, ermite de Haute Égypte au IVe siècle avant d’organiser une communauté à Fayum. Saint Athanase a écrit sa biographie car il est mort à plus de 90 ans. Il est représenté avec une croix en T et un porc, symbolisant à l’origine le diable.

Sa chapelle a le plafond de sa nef en forme de coque de bateau renversée ; elle est peinte du bleu de la Vierge (et de la mer), et cloutée d’étoiles. Un Christ en bois longiligne pend sur sa croix en faisant saillir ses côtes, la tête ronde et la bouche amère.

Nous reprenons un taxi pour rejoindre l’hôtel à Carnac.

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Le tour de Notre-Dame

La cathédrale Notre-Dame est plus qu’un lieu de culte catholique, elle est un symbole, l’incarnation d’un imaginaire dans l’histoire longue, ce qui fait toute société selon l’anthropologue Maurice Godelier.  Le tweet raciste de l’inculte nomade diversitaire de l’UNEF nommée Hafsa montre que « faire société » n’est pas l’objectif de tous dans notre pays. Or Notre-Dame est le cœur de la France. Pour le comprendre, il faut en faire le tour.

Depuis son parvis sont calculées les distances de tous les lieux du pays. Le point zéro des routes est ici, sur l’île où vogue Notre-Dame comme une nef renversée. Car cette église est un vaisseau échoué, ses deux tours comme un château arrière, sa flèche (aujourd’hui détruite) comme un beaupré haubané d’arches fines, tendant les mâts de sa toiture. Elle vogue à la rencontre du soleil et de Jérusalem, lieu de la naissance du Christ. Ce vaisseau de ligne est la foi qui passe et qui protège.

Elle recèle un trésor : celui ramené par Saint-Louis des croisades, « la » Couronne d’épines qui a martyrisé Jésus, attestée par les récits des pèlerins au 4ème siècle et négociée par le roi Louis en 1239. Chaque premier vendredi du mois et le Vendredi Saint, elle est présentée à la vénération des fidèles. L’accompagnent un clou de la Passion et un fragment du bois de la « vraie » Croix, découverte par Hélène, impératrice devenue Sainte, à Jérusalem en 326. L’authenticité de ces reliques est rien moins que prouvée mais cela n’importe pas aux croyants.

La cathédrale par le quai Saint-Michel surgit au-dessus des éventaires des bouquinistes comme une élévation de la culture, une sorte de temple qui justifie le savoir et la philosophie. Sa façade ouest fait face au soleil de l’après-midi. Elle est carrée, claire, apollinienne. Elle est force sereine, même la nuit. Sa façade est un visage : ses deux yeux sont les tours de 69 m de haut, son nez la rosace de la Vierge, son sourire les trois portails en demi-lune comme des dents. Elle présente sa puissance aux vents venus du large comme aux Vikings et autres ennemis venus par la Seine. Sur son île, elle trône comme la Foi, le Savoir et la Sagesse. Elle est la France éternelle dont l’esprit survit sous d’autres aspects.

Elle a été bâtie en ce beau treizième siècle de réchauffement climatique, d’essor démographique et de formidable optimisme des hommes. Un lieu de culte gaulois, puis romain, existait sur cette partie de l’île – des vestiges datant de Tibère (+14 et +37) ont été découverts. Une basilique mérovingienne les avait remplacés vers le 5ème siècle. Mais c’est le mouvement gothique qui a incité l’évêque Maurice de Sully à lancer ce projet en 1160. La première pierre a été posée en 1163 il y a presque mille ans. La consécration du maître-autel a eu lieu en 1182 et la cathédrale a été déclarée achevée en 1345 – jusqu’aux restaurations du 19ème siècle après les déprédations révolutionnaires.

Louis VII a fait un don en 1180, mais la cathédrale n’a pas été un « chantier royal » ; elle a été financée par les bourgeois de la ville et par le peuple. Comme aujourd’hui où les dons, même défiscalisés à 60 ou 75%, seront les principaux financements du chantier, « l’Etat » n’apportant que peu au pot, hors les impôts qu’il ne prélèvera pas (il est donc faux de dire que la défiscalisation appartient au budget de l’Etat : il ne donne rien, il ne ponctionne pas).

Le vaisseau doit être contourné pour l’examiner sous tous ses angles. Son portail sud, bâti en 1257 au-dessus du petit jardin du presbytère, est lumineux, au centre exact de ses 127,5 m de longueur. Au centre du portail Saint-Etienne trône de part et d’autre des portes la rosace des Vierges sages et des Vierges folles, thème issu de l’évangéliste Matthieu: « Les folles, en prenant leurs lampes, ne prirent point d’huile avec elles; mais les sages prirent, avec leurs lampes, de l’huile dans des vases » (25:3-4). Celles qui sont prêtes dans l’Au-delà entrent dans la salle des noces avec l’Epoux ; les autres sont laissées à la porte. La leçon de morale est que fou est celui ou folle est celle qui méprise la sagesse, qui ne craint pas le Seigneur, qui ne respecte pas sa volonté ni les commandements de Dieu.

Sur le pont de l’Archevêché, des peintres du dimanche composaient jusqu’à l’incendie des Notre-Dame d’amateurs. Ils tentaient ainsi de s’approprier cet élan et cette beauté qui, partout, font vivre.

Côté est, la flèche gracile prévue à l’origine mais installée en bois au 19ème siècle par Viollet-le-Duc a brûlé et s’est effondrée ce lundi soir 2019. Elle pointait comme une aiguille aimantée vers la lointaine Ville sainte qui sert de méridien zéro. Elle pesait quand même 750 tonnes : faut-il la reconstruire en bois à l’identique ? Ou en matériaux contemporains ? Ce qui compte est le symbole, pas la lettre, et « conserver » la restauration 19ème ne me semble pas forcément le meilleur. Ce chevet respire par la verdure du square Jean XXIII, espace dégagé par les travaux du baron Haussmann sous Napoléon III. Un ange de l’ère romantique frissonne au coin de la fontaine.

La façade nord est sombre et froide, coincée par l’étroite rue du Cloître Notre-Dame. Elle est toute hérissée de contreforts qui dardent leurs gargouilles monstrueuses. L’ennemi est bien l’obscurité, le gel, l’obscurantisme. La barbarie vient de ces endroits sombres d’où ressurgissent toutes les terreurs, les non-dits, l’informulé. Le retour vers le parvis est un soulagement. Toute religion, en nos pays tempérés, semble liée d’une façon ou d’une autre au soleil : à sa chaleur qui apaise, à ses facultés germinatives, à sa lumière qui chasse les fantômes.

Il y a la queue à la tour nord. 387 marches à monter et une vue sur tout Paris. Le tout Paris médiéval car depuis, la ville s’est trop étendue pour la saisir d’un regard. Même la tour Eiffel n’y suffit plus. Mais il faut se remettre dans les conditions du 13ème siècle pour mesurer le tranquille orgueil de qui pouvait contempler toute la ville capitale du royaume d’Occident d’un seul coup d’œil. La Foi, le Savoir et la Sagesse dominaient le monde alentour comme l’esprit humain dominait le corps. Ce temps d’optimisme, nous l’avons perdu.

Est-ce pour cela que 11 millions de visiteurs viennent ici chaque année ? Sont-ils en pèlerinage pour implorer cette source de vitalité ? Est-ce pour cela que courent encore ces petits Scouts de France dont la chemise bleu de ciel est un rappel du manteau bleu de la Vierge ?

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Notre-Dame est l’inconscient français

Quand il fait beau, la façade de Notre-Dame de Paris resplendit de cet ocre un peu gris de pollution du calcaire parisien. Par contraste, l’intérieur apparaît bien sombre. Autant le bâtiment se dresse sur son île, fier et serein au soleil, autant l’intérieur paraît une caverne où rôdent les non-dits et les tabous de l’inconscient. Les vitraux clairs et les grandes rosaces ne suffisent pas à éclairer le ventre du bateau malgré ses 48 m de large et ses 35 m sous la voûte. La grand porte a même été ouverte pour assurer plus de lumière.

C’est que, si la nef a été bâtie durant le 13ème siècle optimiste, le décor intérieur date de la restauration fin 19ème, une époque à la fois rationaliste et mystique, à peine sortie de trois tourmentes révolutionnaires et de deux empires, à la démographie déclinante, victime de sa première grave défaite face à son voisin prussien, aspirant de tous ses pores à la stabilité et au conservatisme.

Les chapelles qui défilent de part et d’autre de la nef – il y en a 14 – sont un catalogue des bondieuseries dont raffolait la bourgeoisie bien-pensante des débuts de la République troisième. Dans les chapelles de droite, c’est le coin des hommes : un saint Pierre de bois, un saint François-Xavier se penchant pour baptiser un très jeune Annamite presque nu, un Monseigneur se pâmant devant la mort proche avec une belle maxime oratoire pour Chambre des députés, une peinture « gothique » à la Walter Scott pour saint Denis.

Les chapelles de gauche, côté portail de la Vierge, rassemblent les femmes : une sainte Clotilde, une Sainte-Enfance, une Vierge noire de la Guadalupe, une Vierge de Bonne-Grâce. Nous sommes presque en Amérique latine tant les particularités des dévotions se ramifient. A chacun son intercesseur, comme s’il n’existait pas de Dieu unique ou qu’il fallait une mère différente pour chacun. Le visiteur croyant fabrique sa petite mixture votive d’une bougie allumée, accompagnée ou non d’un « vœu », d’une prière vite murmurée ou d’un grand silence de contemplation, certains les yeux fermés. Il y a de la superstition et du théâtre dans ces dévotions-là.

Nous sommes loin de l’illumination mystique qui a saisi Paul Claudel en cette nuit de Noël 1886, à 18 ans, près « du deuxième pilier à l’entrée du chœur, à droite de la sacristie ». Tout près de la statue dite « de Notre-Dame de Paris ». Déchiré entre son lyrisme hormonal-poétique (il admirait Rimbaud) et « le bagne matérialiste » de son lycée où officiait Mallarmé, entre l’amour de la chair et l’amour de Dieu, il transposera cette crise morale et mystique dans Tête d’Or. Ne plus douter, ne plus avoir à décider, ne plus être responsable de son destin, quel soulagement !

Je respecte infiniment ces révélations intimes et la foi tranquille qu’elle génère par la suite. Mais je ne peux qu’observer qu’il s’agit d’une démission de l’existence ici et maintenant, d’une peur de la liberté et d’une angoisse du tragique, d’un déni de responsabilité pour équilibrer les contraires de la nature et de l’homme. Claudel : « Ô mon Dieu (…) je suis libre, délivrez-moi de la liberté ! » (2ème des cinq Grandes Odes). Il a envisagé un temps de recevoir le sacrement de l’Ordre pour devenir prêtre ou de se soumettre à la Règle monastique.

Je ne vois pas autre chose dans la France d’aujourd’hui, comme quoi le catholicisme est tellement ancré dans la culture française qu’il ne s’en distingue plus. La liberté « libérale » fait peur, entreprendre apparaît un calvaire, le grand large « mondial » angoisse, la responsabilité existentielle est trop lourde : « au secours l’État ! Que fait le gouvernement ? » La majeure partie des jeunes Français rêve d’être fonctionnaire, les partisans du « non » à l’Europe rêvent d’une mythique forteresse publique France, toute la gauche naïve s’est effondrée dans la démagogie unibversaliste plutôt que de se confronter aux autres Européens réels et aux problèmes concrets du quotidien, toute la droite se cherche dans un « gaullisme » qui s’affadit d’année en année.

La France est-elle ce pays « laïc » qu’elle revendique ? La laïcité ne nie pas la foi, elle la place à côté, dans l’ordre de l’intime ; le public se doit d’être neutre, rationnel, équilibré. Mais nombreux sont les Français imbibés de catholicisme sans le savoir, depuis les Révolutionnaires jusqu’aux derniers écolo-gauchistes. Les rationalistes de 1789 ont fait de Marianne le symbole de la République : Marie-Anne, le prénom de la Vierge et le prénom de sa mère accolés, quel beau pied de nez à ces « radicaux » qui ont coupé la tête de son représentant de droit divin sur terre – comme naguère les Juifs ont crucifié Jésus – mais n’ont pas remis en cause la décision de Louis XIII de placer son royaume sous la protection de la Vierge Marie ! Et qui ont des trémolos dans la voix aujourd’hui devant « la catastrophe » de Paris, s’appropriant Notre Drame.

Rappelons les lourdeurs d’Aragon à la gloire de Staline, pesantes et bien-pensantes. Rappelons aussi l’hystérie émotionnelle qui a suivi la mort du même Staline auprès de laquelle celle de Jean-Paul II a fait pâle figure. Rappelons encore l’adoration de Mao par les catho-progressistes du quartier Latin, le Grand Timonier terrassant l’hydre capitaliste tel saint Michel. Puis ce fut le Che Guevara christique des forêts boliviennes, écrivant chaque jour son évangile de bonne parole et crucifié torse nu sur la porte de bois où les militaires qui l’ont abattu l’ont placé pour la photo. Nous avons aujourd’hui l’invocation à Gaïa-Notre-Mère des écologistes mystiques qui se sont battu pour Notre-Dame des Landes, l’Enfer climatique qui menace de nous griller et la Vertu outragée comme le Christ, recyclée en gauchisme moral où la pose l’emporte sur l’idée.

Le recours à Dieu, comme à son substitut récent, l’Etat, est un refus de la concurrence, de l’émulation, de la comparaison, de la confrontation à l’autre ; un refus de sa propre culture, la culpabilité de son identité historique, un repli sur l’Absolu comme refuge – le Dieu sauveur à la fin des temps (qui sont proches depuis mille ans). La « démocratie » fatigue parce qu’elle est discussion publique où il faut débattre, vote citoyen où il faut convaincre, marché ouvert où il faut négocier et s’allier pour faire force. Comme tout cela épuise ceux qui voudraient simplement jouir ! Comme si leur niveau de vie était un acquis intangible, leur bonheur intime un droit immuable – et qu’il ne faudrait jamais faire effort, s’investir, prouver.

Toutes ces croyances soi-disant « progressistes » apparaissent comme les avatars du vieux culte catholique dans sa variante française, un peu gallican mais pas trop, révérencieux de la hiérarchie et des pompes du pouvoir, soucieux d’ordre et de statuts, recréant la monarchie et sa cour d’énarques ou de caciques de parti dans la République même. Les contradictions sont dans l’homme mais certaines cultures leur trouvent une tension positive ; pas la France, toujours portée à la scolastique et à l’abstraction théologique, que ce soit pour interpréter la Bible, les textes de Foucault ou Lacan, les actes de Sartre, les articles du projet européen, les mesures d’Emmanuel Macron ou le concours pour reconstruire ou non la flèche de Notre-Dame.

Devant les bondieuseries du ventre de Paris en sa cathédrale, ce sont ces réflexions qui me sont venues à l’esprit, du temps encore proche où l’on pouvait pénétrer à l’intérieur. Il faudra désormais attendre des années pour y revenir. Les platitudes de l’art sulpicien conformiste et bien-pensant qu’on y voit font peut-être rire les gens de gauche naïfs de notre temps. Ils se croient bien au-delà mais ils ne s’aperçoivent pas que leurs discours ressortent les mêmes platitudes de pensée et les mêmes arguties « subtiles » utilisées par la foi catholique décrites à Cluny au 11ème siècle par Dominique Iognat-Prat, Ordonner et exclure, et pour notre temps par Marc Lazar, Le communisme, une passion française. De biens beaux livres sur l’inconscient religieux français.

Seules, les rosaces élèvent un peu l’esprit. Elles sont des trous de lumière dans ce trou noir de la nef.

La rose nord est légèrement inclinée, les verres à dominante violette montrent de très haut des scènes de l’ancien Testament. Le violet est signe de l’attente du Messie.

La rose sud est droite dans ses bottes, plus sereine car elle évoque depuis 1270 le nouveau Testament au soleil rayonnant de l’extérieur qu’elle filtre de ses tesselles colorées.

La rose ouest de la façade a été refaite par Viollet-le-Duc fin 19ème et la Vierge y trône en majesté, entourée des Travaux, du Zodiaque, des Vices et des Vertus. Je n’y vois pas le capitalisme, ni le « service public » – serait-ce pour la prochaine restauration ?

Ces Français convertis par l’Europe au nationalisme-social sous la férule ordo libérale allemande savent-ils qu’Henry VI, roi d’Angleterre, a été couronné ici ? C’était il y a plus de cinq siècles, en 1430. L’Europe se formait déjà et malgré tout.

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Notre-Dame de Chartres

Il faut la voir de loin, la cathédrale, élever ses deux flèches de 115 et 106 m au-dessus des blés comme un vaisseau de haute mer sur la plaine sans relief de la Beauce. La forêt des Carnutes, qui résistèrent aux Romains, n’est plus qu’un champ productif de céréales, sanctifiées à chaque messe comme « corps » sublimé du Christ, selon ses vœux.

chartres dans les bles

Édifiée sur un ancien puits gaulois creusé dans l’éperon rocheux qui domine la ville, la foudre l’a frappée souvent, doigt tonnant du dieu, croyait-on. Dès que la gallo-Rome devient chrétienne, pour faire comme les grands, le premier édifice est construit, vers 350. Il est détruit par les Vikings, ces mécréants réalistes, en 858. Ils remontaient l’Eure depuis la Seine sur leurs snekkars à fond plat.

Chartres cathedrale

En 1020 est montée la grande crypte, encore visible, puis après nombre d’incendies débute en 1194 la construction de l’actuel monument, en pierres des carrières de Berchères, non loin de la ville. Il ne sera partiellement achevé qu’en 1233.

Chartres annonciation cloture du choeur

En 1529 seulement aura lieu la clôture du chœur, mais ses bas-reliefs ne seront posés qu’en 1789 ! La cathédrale a laissé du temps au temps, comme disait Mitterrand, dans cette province agricole où tout pousse lentement.

Chartres christ fouette cloture du choeur

La voûte s’élève à 37 m de la surface, célébrant la joie d’être sauvé, la puissance de la ville et l’orgueil de l’Église dont le message religieux se décline en pierre et en verre au-dehors et au-dedans pour édifier les âmes.

Chartres choeur

Tout est symbole dans cet édifice de pierre. Du plan en croix dont le chevet, à 130 m du portail, pointe au soleil levant du solstice d’été, qui est aussi l’orientation du tombeau du Christ. Jusqu’à l’élévation de la voûte par trois étages, comme une trinité. Les fenêtres basses disent l’Église dans le siècle, prosélyte, les fenêtres hautes l’Église mystique, éternelle. De puissants arcs-boutants contrent la poussée de la voûte et permettent ces ouvertures vers la lumière.

Chartres vitrail bleu de chartres

Car « le beau XIIIe siècle », selon l’expression des historiens, valorise la raison, la lumière et la foi, l’une conduisant à la suivante, jusqu’au ciel par-dessus. Nef, transept et chœur, la cathédrale en plein jour, vers le sud, est spectacle de lumière. Ses vitraux au fameux « bleu de Chartres » enchantent le regard et donnent un ton riant, énergique, aux scènes symboliques. Nous sommes déjà, dans la nef, hors du monde, dont les rumeurs et les soucis viennent battre ses murs. Les malades étaient logés dans la crypte, galerie nord et la nef était emplie de pèlerins qui venaient y dormir, sur le chemin de Saint-Michel à Saint-Jacques.

Chartres portail nord

Au-dehors, les trois portails conduisant de l’Ancien au Nouveau testament depuis le nord (obscur et ancien) jusqu’au sud (lumineux et d’avenir). Le portail nord impressionne par ses statues hiératiques de prophètes anciens. Ils gardent la rigueur austère du roman tout en prenant quelques boucles gothiques, déjà.

Chartres prophetes portail nord

Le portail royal, par lequel on entre dans la nef en sa plus grande longueur, impose depuis le XIIe siècle le Christ régnant entouré des évangélistes et de personnages qui imposent.

Chartres portail royal

La cathédrale est vouée à la Vierge Marie et nul n’y est enseveli pour préserver la pureté du non-conçu et du corps non-putréfié. Le chœur arbore une Vierge en Assomption qui se voit de loin dans la nef. Henri IV y fut couronné roi le 27 février 1594.

Chartres vierge du pilier

L’entourent sept chapelles satellites, plus populaires et mieux accessibles aux fidèles, dont celle de la Vierge du pilier, qui contient une relique : ce fameux « voile » de la Vierge obtenu en Terre sainte et donné à Chartres par Charles le Chauve en 876.

Chartres christ

Huysmans et Péguy ont célébré la cathédrale, et ce dernier, homme de gauche mystique, entreprend en 1912 la première marche de Notre-Dame de Paris à Notre-Dame de Chartres, qui inspirera le pèlerinage annuel des étudiants lors de chaque Pentecôte.

« Et la profonde houle et l’océan des blés
Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
Voici votre regard sur cette immense chape… »

(Charles Péguy, Notre-Dame de Chartres in La tapisserie de Notre-Dame)

Chartres clochers cathedrale

Cérémonie d’initiation chrétienne, fête du printemps pour jeunesse urbaine, démarche spirituelle épurée par l’effort physique, cet événement est un moyen d’être ensemble et de dire son message de foi.

Chartres regard

Même non croyant et sorti de la culture catholique, tout Français ne peut qu’être sensible à ce patrimoine vivant, qui témoigne des élans, des efforts et des espérances. Un regard de gamin surpris en direction des hauts de la cathédrale incite à la fraternité et rend de suite joyeux l’avenir.

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Cathédrale de Saint-Brieuc

Vers 485, le moine gallois Brieuc débarque avec 84 compagnons. Le comte Rigwal leur offre un terrain où construire un monastère. Ainsi naît Saint-Brieuc ville, érigée en 848 en évêché. A l’époque, la cathédrale est en bois, dédiée à saint Étienne.

elevation st brieuc cathedrale

La première construction en pierre ne date que de 1050, une fois les incursions vikings terminées.

st brieuc cathedrale

La nef à sept travées ne date que du XVIIIe.

st brieuc cathedrale choeur

st brieuc cathedrale exterieur
Les reliques de saint Brieuc, exilées à Angers durant l’époque viking, sont retransférées à la cathédrale. J’ai connu un garçon qui s’appelait Brieuc… Le transept et le chœur ne sont achevés qu’en 1248. Il est reconstruit en 1354 après incendie…

st brieuc cathedrale gisant
Les chapelles ne datent que du XVe siècle. Le gisant, Monseigneur Cafarelli, fut le premier évêque concordataire, dans une petite chapelle du transept nord.

st brieuc cathedrale vitrail bapteme du christ
Ce qui séduit sont les détails. Comme ce vitrail du baptême du Christ.

st brieuc cathedrale christ
Ou le retable du Saint-Sacrement, de 1745.

st brieuc cathedrale archange michel terrassant satan
L’archange Michel qui terrasse Satan.

st brieuc cathedrale ange protecteur
Et saint Vincent de Paul en ange protecteur, le coeur offert, dénudé, la main droite prenant la menotte du petit tandis que la gauche désigne le ciel. Un ange transistor, qui amplifie le signal pour faire communiquer l’ici-bas avec l’en-haut.

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Commana

L’auge de sainte Anne a donné son nom à cette commune du haut Léon. Selon la légende, la construction de l’église vers 1350 a eu du mal (« sortilège », croyait-on) ; laissant faire les bœufs du chariot de pierres pour les fondations, l’attelage s’est arrêté au sommet du mamelon à l’arrondi féminin. Une fois le trou creusé, une auge de pierre contenait la statue d’une femme avec enfant – Vénus probable aussitôt attribuée à sainte Anne. D’où Com-Anna, l’auge d’Anne (ou la vallée d’Anne pour les laïcs, cum signifiant vallée et komm auge)… les scientifiques penchent même pour la linguistique, coummanha voulant dire donner une terre en fief !

eglise commana

Le clocher pointu de l’église Saint-Derrien, daté de 1592, se dresse à 57 m. Il appelait à la messe 2664 habitants en 1793, 3976 en 1846, 1108 aujourd’hui, dont beaucoup athées ou agnostiques.

calvaire eglise commana

L’un des calvaires date de 1742.

choeur eglise commana

L’église elle-même date de 1645 et l’enclos paroissial de 1592. La nef a cinq travées a les bas-côtés aussi larges que la nef centrale.

retable ste anne eglise commana

Le retable de Sainte-Anne est l’un des plus travaillés de Bretagne, tout en or et couleurs baroques sur bois. Datant de 1682, il mesure 6.2 m de large et 8 m de haut. Il a été financé par les bénéfices de l’industrie de la toile de lin, florissante depuis le 16ème siècle grâce à l’humidité qui évite au fil tendu sur le métier de casser. Sans parler des foires et marchés, célèbres dans la région, dont la dernière eut lieu en 1968. La Vierge et sainte Anne regardent l’enfant Jésus. Les niches contiennent les saints Joseph et Joachim.

charite et esperance commana

Le baptistère est flanqué de statues féminines comme la Charité et l’Espérance.

ange eglise commana

Un ange d’autel, rose et décolleté comme un adolescent, incite les fidèles à aimer leurs semblables.

retable des 5 plaies christ et st sebastien commana

Le retable des cinq plaies, de 1852, montre le Christ et Sébastien, tous deux tourmentés de percements. Pour le Christ, deux anges couronnés tiennent les épines et les clous.

porche eglise commana

Le porche d’entrée est riant.

sculptures porche commana

Bien que les sculptures du granit qui l’ornent soient diverses, vent ou souffle…

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