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Locmariaquer

Nous revenons à la jetée où nous pique-niquons juste après l’hôtel qui est au bord. Une bande d’ados de 15 ou 16 ans torse nu passe pour se baigner en plongeant directement de la jetée. BCBG en goguette, ils nous saluent et nous souhaitent une bonne route. Le menu n’est pris qu’après l’apéritif de kir au cidre et émietté de thon à la tomate et au basilic de marque Hénaff. Il y a ensuite deux salades, une nordique, saumon et pommes de terre Lidl, et une sucrine champignons, fêta et noix Les goélands sont intéressés mais C., qui fond devant tout animal, se fait rabrouer parce qu’elle attire leur gros bec. Il ne faut pas les encourager.

Le sentier côtier suit le bord de la plage, parfois sous la pinède, parfois dans les ajoncs. Nous marchons même une bonne heure sur le sable, tout au bord de l’eau, ce qui fatigue les mollets. Derrière les lunettes noires, nous pouvons observer les corps étalés des adultes, pas toujours plaisants, les jeux intéressants des petits, les peaux bronzées et le mouvement des muscles sur les poitrines. Un ado chahute avec son père. Il lui lance une balle en dansant devant lui, debout, tous muscles dehors, alors que son géniteur reste allongé sur sa serviette, sans bouger, comme recevant l’hommage de la jeunesse. Un bon tableau psychologique. Les femmes nous observent passer, comparent. Nous formons un groupe bizarre sur la plage, cheminant en sac à dos et grosses chaussures au lieu d’être pieds nus en slip ou en T-shirt comme tout le monde.

Le tumulus de Mané er Hroek (pierre de la vieille – ou de la fée) borde les maisons dans un bois. La fée aurait fait monter une mère qui guettait le retour de son fils unique dans la baie et elle aurait été exaucée. C’est un « tumulus géant » comme celui de Saint-Michel à Carnac. Il fait 100 m de long, 60 m de large et 10 m de haut. L’escalier qui s’enfonce dans le sol et permet de le visiter a été aménagé au XIXe. La chambre est basse de plafond et étroite mais contenait des haches polies en roches des Alpes ou des Pyrénées, des perles en variscite. Aucun os humain n’a été retrouvé, peut-être évacué dans les millénaires ou dissous par le sol acide. Il est classé Monument historique en 1889 après des fouilles de Galles ; il sera refouillé par Le Rouzic. Il a été restauré en 2015 et ouvert au public.

Une chambre funéraire en bord de plage, un dolmen près d’un village, le sentier nous conduit sur le site de Locmariaquer et son aménagement à la Disney habituel. Un petit film pour nous redire ce que l’on sait déjà et c’est directement le site, sans conférence. Le cairn d’Er Grah reconstitué était un parking dans les années 1970. Vers -4500, de très petits cairns ont été érigés, surmontant quelques fosses, et vers -4000, deux extensions au nord et au sud portent la longueur totale du monument à 140 m. Ce n’est qu’en 1991 qu’a débuté la restauration que nous voyons aujourd’hui ; elle reste un tas de cailloux pour les profanes.

Le dolmen dit de la Table des marchands a été construit en -3900 et utilisé jusque vers -2000. La dalle du fond est plus ancienne que le dolmen lui-même. Elle a été conservée à son emplacement d’origine lorsque l’alignement du grand menhir a été détruit. L’entrée de la chambre est basse et le plafond du couloir s’élève peu à peu, comme pour marquer la progression vers le sacré. Des symboles en forme de croissant seraient un rayonnement spirituel divin et les crosses sculptées représenteraient le pouvoir de la divinité. Même le plafond est gravé : une hache emmanchée, une crosse, la partie inférieure d’un bovidé. L’autre partie, nous l’avons approchée ce matin à 4 km de là ; elle recouvre le plafond du dolmen de Gavrinis.

Le grand menhir brisé atteignait 18,5 m au-dessus du sol lorsqu’il était dressé, 21 m au total ; il comprenait 2m50 dans le sol. Il a été taillé dans un granit venu d’ailleurs et pesait 280 tonnes. Il a dû être transporté sur plusieurs kilomètres sans que nous sachions quelle était la technique réelle, en raison de son poids. Une fois dressé, il a été entièrement poli. 18 autres emplacements de menhirs ont été relevés derrière lui, en un ensemble rectiligne détruit vers -4200. Il semble que le menhir n’ait pas été abattu par les hommes mais plus probablement par un séisme car les cassures sont nettes sans traces d’outils, les tremblements de terre étant courants sur ce massif ancien. Il va de soi qu’une telle prouesse architecturale n’a pu être effectuée que dans une société hiérarchique, un peu comme en Égypte antique. Il fallait un chef, des architectes, des maîtres d’œuvre et une main-d’œuvre servile ou volontaire – et probablement une croyance au sens de la construction.

L’archéologue Serge Classen, dans le film, suggère que le transport de ces énormes blocs s’effectuait pour la partie navigable sur des barges, sans pour l’instant que les calculs n’aient été effectués pour savoir si c’était possible sans couler, et par voie de terre sur des pistes graissées car les rondins n’auraient pas suffi à leur poids.

À la sortie, l’inévitable boutique à picole, bijoux celtes, livres pour enfants, chants bretons, T-shirts et casquettes estampillés. Quelques livres sérieux sur la préhistoire et le néolithique du site permettent à la culture de subsister.

Sur le parking, reviennent du tennis tout proche quatre ou cinq gamins accompagnés de grandes sœurs. Ils sont tous en débardeur bleu marine numérotés, sauf un qui l’a ôté. Il se la joue déjà viril à 11 ans, c’en est touchant. Une jeune fille autour de 18 ans androgyne, passe devant nous, ses petits seins à peine marqués sous le T-shirt porté sans soutien-gorge. Avec son short de jean coupé et ses cheveux coiffés garçon mais un peu long, elle a l’air d’un ado effarouché.

Nous retournons à l’hôtel juste après 18 h, ce qui est à peine suffisant pour une douche et se retourner. Nous avons en effet rendez-vous à la crêperie de la Pompe dans le bourg à 19 heures tapantes. Le menu est composé de trois crêpes au beurre salé, un menu plutôt lourd, bien que touristique et breton. La première est simple avec une salade verte, la seconde complète avec jambon, œuf et tomate, la dernière en dessert avec du caramel au beurre salé. Nous buvons du cidre, le brut de Carnac pour les hommes et le doux en bouteille pour les femmes (c’est leur choix).

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