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La conteuse du Palais

Ce soir, d’ailleurs, après le dîner, la guide nous invite à venir écouter pour huit euros (chacun) une conteuse. Pourquoi pas ? C’est original et breton. Mais dans quelle aventure nous sommes-nous engagés ? Nous sommes en retard, la nuit est tombée, le rendez-vous est incertain dans un lieu que personne ne connaît. Il faut passer une passerelle, mais laquelle ? On nous dit la Poste, mais la Poste n’est pas facile à trouver, surtout de nuit. Enfin nous trouvons la personne au GPS (pas très traditionnel) : c’est une Solange en falbalas bleu et vert, haute d’un mètre cinquante peut-être. Ce qui agace d’emblée est qu’elle demande les prénoms et ajoute aussitôt : « oui, j’en connais un ». Sa mère fera de même avec les lieux où nous habitons : « Paris ? je connais ». Comme si c’était important d’avoir tout vu, tout rencontré, tout vécu… Est-ce un « truc » d’acteur pour se concilier la personne ?

Solange Nunney (elle se révèle sur Internet) ne veut pas dire son âge mais elle a 54 ans ; elle fait plus jeune, surtout dans la semi pénombre. Le groupe une fois réuni, sauf le couple de Poitevins qui n’est pas venu, elle nous emmène par le Chemin des fées dans un dédale de ruelles au pied de la citadelle, parmi les bois et les maisons à peine éclairées. Elle nous conduit dans une cabane construite dans un terrain vague rempli de plantes plus ou moins cultivées, qu’elle rassemble pour faire des tisanes et autres potions. C’est sa « cabane magique d’Aël-Hëol », construite il y a vingt ans avec des copains sur un terrain appartenant à sa grand-mère. Lorsque nous entrons, tout est noir. Elle doit allumer plusieurs bougies. Elle nous dit qu’un conte réclame le feu, car les anciens conteurs parlaient à la veillée devant la cheminée. Ce pourquoi les bougies sont aujourd’hui obligatoires pour les conteurs (bretons). Cela participe surtout à rendre un brin mystérieuse et changeante l’atmosphère comme le savaient déjà les peintres de Lascaux.

Elle déclame un peu, en celto-mystique des années 70 entourée de drapeaux de prières tibétains, de figurines en céramique qu’elle fait elle-même et de ses peintures plutôt croûtes qui illustrent les contes. Elle croit aux êtres fantastiques que sont les fées, les elfes et les korrigans, aux forces obscures de la nature, aux « pouvoirs » de communiquer avec « les énergies ». Elle se verrait bien en druidesse moderne. Les Romains ont vaincu les Celtes et les ont forcés à la logique, croit-elle, mais les anciennes croyances ressurgissent avec « les crises ». Sa mère, 80 ans, est très fardée, une grande Castafiore encore en représentation comme du temps où elle était actrice. Les parents étaient en effet baladins et bijoutiers ; le groupe de musique de son père s’appelait le Belligroupe (pour Belle-Île). Le fils Henry a repris l’activité de bijoux et la fille Solange les contes.

En Bretonne bretonnante, issue d’une vieille famille du Palais – en partie d’origine indienne aime-t-elle à penser par idéologie mystique, soit issue des Français revenus d’Acadie qui étaient réputés s’être mélangés – la Solange s’installe sur son fauteuil et commence à conter. Non sans avoir ramassé les sous « versés d’avance ». Il est vrai qu’une centaine d’euros pour deux heures en soirée est une aubaine pour elle ; cela doit être rare.

Elle nous parle du Triskèle, la spirale de l’infini, puis de la légende de Yann et Yanna (Jean et Jeanne), ces deux amoureux transformés en menhirs que l’on peut voir encore au centre de Belle-Île. Yann devait étudier vingt-et-un an pour être druide et Yanna connaissait les herbes et les plantes. Ils étaient jeunes, ils s’aimaient, mais la jalousie du chef qui voulait baiser la fille lui tout seul a tout gâché ; il péchait par « jalousie, égoïsme et orgueil, ces trois défauts humains les plus laids » selon Solange. Il a interdit le mariage par ses pouvoirs de chef, un abus manifeste qui ne pouvait rester impuni selon la sagesse balancée des nations. Les amoureux se voyaient donc en cachette, la nuit, dans la lande déserte de Kerlédan. Un jour, une mauvaise langue les a dénoncés et le chef, d’une jalousie exacerbée, a engagé une sorcière de Locmaria pour les empêcher de s’unir. Il suffisait de composer une potion et d’en verser trois gouttes dans leurs narines durant leur sommeil. Lorsqu’ils se sont rencontrés ensuite comme si de rien n’était sur la lande déserte, ils se sont transformés en roches, dressés l’un vers l’autre sans pouvoir se toucher. Mais on dit qu’une bonne fée est passée par là, et qu’à la pleine lune, ces deux êtres de pierre redeviennent chair et s’unissent – une fois par mois donc. Nul ne les a encore vus mais on aime à le croire.

Pour ceux que cela intéresse, la réservation est au 02 97 31 51 95.

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De la plage de Donnant à la plage d’Herlin

Donnant-Donnant, nous revenons en car jusqu’à la plage poursuivre à pied notre côte sauvage vers le sud. Nous n’aurons pas manqué un mètre du sentier qui fait le tour de l’île. Le temps cette fois est gris et plus frais qu’hier. Il est trop tôt et les surfeurs sont absents sauf les pros, plus âgés que ceux d’hier. Certains se débrouillent bien.

Sous le grand Phare de Port-Goulphar, et face aux îles Baguenères, s’étendent sur la mer les aiguilles de Port Coton. Le nom vient de cette écume projetée par les vagues de la houle sur les rochers, qui ressemble à des boules de coton et que le vent porte parfois jusqu’au sommet de la falaise. Claude Monet les a peintes, amoureux du site comme de l’exaltation du climat, même les jours de tempête. Nous prenons la photo de l’endroit précis où l’impressionnant impressionniste posa son chevalet.

La terre est piétinée par les touristes qui s’avancent au bord du vide pour prendre la même photo que le peintre, en souvenir du même tableau : Les Pyramides de Port-Coton – mer sauvage, tableau peint en 1886. J’espère qu’ils ne font quand même pas un selfie dos au vide… Il y a de tels cons ! Monet habitait une auberge à Kervilahouen, le village un peu en retrait dans les terres, et allait toujours écouter au bistrot le soir ce que racontaient les paysans et les marins-pêcheurs. L’un d’eux l’accompagnait par tous les temps avec son matériel de peintre.

Nous passerons ensuite Port Goulphar, avec une belle perspective sur la pointe du Talud, le sémaphore tenu par l’armée, avant Port Kérel et sa vue sur l’île de Bangor. Le bangor, au nom qui sonne indien (on pense à Bangalore) était « le monastère » en breton ; on trouve des lieux-dits Bangor dans tous les pays celtiques. De là nous attendrons enfin la plage d’Herlin puis le village de Kervangeon où le bus nous attendra. Cette énumération n’a l’air de rien, donnée pour environ 20 km alors qu’elle en fait un peu plus, mais nous sommes fatigués. C’est le troisième jour de marche. La journée est très différente de celle d’hier, elle est moins longue mais le temps est gris et venteux. Nous nous sommes pris des gifles ou des bouffées de nimbus très souvent, avec un vent sud-ouest grand frais directement sur nos falaises. La pluie a souvent essaimé sur nos capes, nous laissant à peine le temps de les mettre, d’autant que le vent violeur s’entêtait à nous les arracher du corps.

Nous rencontrons du monde sur le sentier, mais surtout des adultes. Le temps n’est pas propice aux enfants avec les risques du vent et des bords de précipice. Sauf une famille, qu’Isabelle qualifie de baba cool, mais en qui je vois plutôt le prototype nouvel écolo : jean, sandales, sweat à capuche orange. Des vêtements dépareillés de récup, les enfants cheveux mi-longs coiffés maison, élevés à la diable, vacances nature face au large.

Le jeune chauffeur du car qui nous ramène à l’hôtel avoue à Sandrine que, durant l’hiver, il s’ennuie dans l’île. Les touristes sont absents, la vie ralentie. Même les ferries sur le continent sont limités et il faut réserver un mois d’avance car les rares qui font la traversée sont pleins ! La culture dans l’île est quasi absente, hors les contes et les bars. Il y a une vie sociale car tout le monde se connait plus ou moins, mais les jours sont courts et chacun rentre chez soi à la nuit tombée. Lui fait meccano dans une station-service du Palais et son patron lui a fait passer le permis pour conduire les minibus en été, lorsque la demande explose.

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Plage de Donnant

Lorsque nous repartons sur le sentier, nous croisons un couple avec deux jeunes garçons. La mère, en tête, tient dans sa main le T-shirt de l’aîné, brun et déluré, tandis que le père ferme la marche avec le cadet dans le même appareil, plus timide petit blond à mèche sur l’œil. Les enfants sont très blancs et ont besoin de bronzer. Ils ont peut-être 7 et 5 ans.

Nous passons devant l’éperon barré de Koh Kastell (vieux château). Il est appelé le camp de César parce qu’occupé par les Romains en 56 avant JC (non, pas Jacques Chirac, l’Autre), mais était d’abord une forteresse naturelle des Vénètes entre -700 et -450.

Il est désormais réserve ornithologique et, dans la bruyère rase aux tons déjà d’automne, se cache un courlis cendré que m’indique Sandrine pour la photo. Mouettes tridactyles, goélands bruns et argentés, cormorans huppés, huîtriers pie colonisent aussi le site. Le bec de l’huîtrier pie sert à ouvrir des mollusques ; malgré son nom donné par l’homme, l’oiseau préfère les moules et les coques, moins dures, aux huîtres elles-mêmes.

Nous atteignons la grotte de l’Apothicairerie, une falaise verticale sur la mer où les cormorans étaient jadis alignés comme des bocaux en pharmacie. Les cons s’amusaient à les dégommer aux cailloux. Ce fut interdit mais il n’y a plus de cormorans. Des marches dans la roche permettaient d’accéder à deux grottes au ras de l’eau. Un hôtel s’était bâti mais plusieurs accidents mortels dus à la proximité du vide les ont fait fermer. Il faut toujours que l’on prenne soin des gens malgré eux.

Nous croisons de nombreux touristes sur cette portion facile accessible en voiture, à cheval, en vélo, et bien sûr à pied. Dont un père et sa fille d’environ 14 ans qui fait la tronche. Typique des ados : mieux vaut la bande de potes en ville que les vacances avec papa à l’air libre !

La plage de Donnant, fort célèbre, l’une des trois grandes plages de sable de l’île, est noire de monde. Elle est le paradis des surfeurs débutants avec ses rouleaux venus du large. Les jeunes ados sont aussi nombreux que des pingouins et s’essaient mais n’osent, nageant à côté de leur planche comme des gars à côté de leurs pompes.

Sur la plage de sable, que nous traversons, des gamins construisent des châteaux comme pour se protéger de ce large que les ados préfèrent défier – question d’âge. Une fille seins nus, toute bronzée et en slip rouge, me regarde avec un air de défi. Ses seins sont pommés et se tiennent, fort esthétiques ; elle n’a pas à s’en faire. Je lui souris, bienveillant. Un peu plus loin, un frère de 15 ans crème le dos nu de son frère de 13 ; puis c’est au tour du plus jeune. Ces garçons ados chaleureux entre eux, sans jalousie, sont la fierté et le défi des nouveaux pères.

Venue tourner ici en 1947 le film La Fleur de l’âge sur la chasse aux enfants évadés de la colonie pénitentiaire, Arletty (Léonie Bathiat) achète une maison de pêcheur près de la plage du Donnant pour Hans Jürgen Soehring, l’officier allemand dont elle est amoureuse et qui lui a valu d’être arrêtée en 1944. Pour cette collabo horizontale, « mon cœur est français, mais mon cul est international ». Le Jean Georges ne viendra jamais mais des amis de l’actrice si.

Le minibus des Cars bleus nous attend déjà à 17h10 quand nous arrivons enfin, fourbus, ayant traversé la plage, remonté la piste jusqu’au parking, puis parcouru le kilomètre et demi de route jusqu’au cœur du village de Kervellan.

Au menu du Grand hôtel de Bretagne ce soir, le dessert est un « tiramisu breton ». Je me demande quelle en est l’originalité : il s’agit d’un gâteau aux pommes formant base, sur le lequel est coulé du mascarpone battu saupoudré de cannelle. C’est très bon. L’assiette de charcuterie en entrée est en revanche très banale et le poisson en sauce répétitif.

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De Sauzon à la plage de Donnant

Longue étape ce jour, nous sommes prévenus. Plus de 21 km à faire en montée et descente. Nous prenons le bus des Cars bleus à neuf heures en direction de Sauzon d’où nous poursuivons le circuit là où nous nous sommes arrêtés hier.

Nous montons et descendons les criques par la plage de Deuborch jusqu’à la pointe des Poulains où se dresse la maison-phare blanche à tête rouge. Nous faisons une pause devant le spectacle offert par le panorama. Quelques personnes dont un préado se baignent dans la crique au pied du phare. Le garçon rentre et sort de l’eau plutôt fraîche, 19° selon Meteocity.

Un zodiac vient du large avec un bruit de mixeur, il a peut-être longé la côte ou est venu d’un bateau à l’ancre. Il contient six personnes, papy, mamie, papa et deux gamins. Le plus grand a 6 ou 7 ans et, avant même d’arriver, se met déjà torse nu. Papa ôte son T-shirt à son tour et plonge directement. Le gamin hésite, puis se lance à l’encouragement paternel « 1, 2, 3 ! ». Il barbote plutôt que nage mais n’a pas peur de l’eau ni de n’avoir pas pied. Le zodiac a jeté l’ancre à une cinquantaine de mètres de la crique, dans l’anse protégée. Papa crawle, gamin plonge, puis tout le monde remonte sur le bateau, la peau hérissée, se rhabille à la diable et repart ; cela n’a pas duré dix minutes. Le plus petit des enfants est resté en gilet de sauvetage et ne s’est pas baigné, tout comme les grands-parents. Il était trop jeune pour nager.

Nous faisons le tour du phare des Poulains, sur la lande rase, observant les goélands posés sur une arête, et voyons l’ancien fort devenu la maison de Sarah Bernhardt en 1894.

Cette fille de pute éduquée par l’amant de sa tante, le duc de Morny, un peu pute elle-même, est morte en 1923 d’une insuffisance rénale. Grande tragédienne emphatique de Ruy Blas, de Phèdre et d’Hernani, elle adorait les tempêtes et les orages à la Victor Hugo, séduite par les jets et bouillonnements de la vague sur les rocs et entre les blocs. Ce genre de climat empli de mouvements et d’ions négatifs m’exaltait dans mon adolescence. Il fait calme et beau aujourd’hui mais il faut imaginer les jours d’ouragan. Les branches desséchées des cyprès marquent combien le vent peut être violent et constant.

Nous poursuivons vers la côte sud sur un plateau à l’herbe rase qui me rappelle le Club des cinq. L’action se passait au sud de l’Angleterre mais le paysage est très proche de celui de la Bretagne. Trous de ver, de campagnol, de lapin, de renard, c’est le gruyère breton sur lequel la chienne Pixie court allègrement. Un golf s’est installé sur la falaise de la Pointe du Vieux château et certains pratiquent malgré le vent.

Nous pique-niquons sur une plage de sable bordé de tamaris vers Bortifaouen. Nous nous trempons les pieds dans l’eau.

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Quiberon

La station balnéaire de Quiberon est composée d’une rue à boutiques qui descend vers la mer et d’une promenade ou les restaurants et les glaciers se côtoient coude à coude. Beaucoup de jeunes style école de commerce ou d’ingénieurs, propres sur eux et riches, descendent en même temps que moi du train. Le soleil est lourd, le masque obligatoire dans la ville.

Je regarde le spectacle des couples, des familles, des jeunes. Des gamins en slip tout blonds et tout dorés vont de l’appartement à la plage avec mamie, d’autres rentrent pieds nus, du sable jusqu’aux genoux, leurs chaussures à la main. Un couple arabe avec la fatma, tous voilés – l’homme aussi – m’apparaît comme un comble ; j’en souris sous le masque. Trois jeunes filles aux seins nus qui pointent sous un haut laissant à découvert le nombril se promènent, ballottant des seins et balançant du cul en guitare. « J’ai pas mes lunettes », dit un jeune mâle à son copain qui l’incite à regarder le spectacle, pas si courant de nos jours. Dommage pour lui. Passent des vieux aux cheveux courts, genre bateau en vacances et directeurs au civil, et des amis septuagénaires qui se reconnaissent et se congratulent, échangeant des adresses de boutiques ou de restaurants. « Quand j’ai besoin de quelque chose, je vais dans telle boutique », déclare une ridée aux cheveux blanc parlant fort, pour affirmer sa haine du net trop moderne. Les glaces continuent à faire recette malgré les masques, mais surtout auprès des kids, même si le soleil se voile. Un petit Noir passe torse nu comme s’il voulait bronzer.

Je suis sur le banc de pierre devant la crêperie à l’enseigne de L’île verte. La ruelle qui monte à côté de moi est décorée de poissons qui ont beaucoup de succès auprès des smartphones petit-bourgeois. La station balnéaire est recherchée pour sa plage de sable fin où joue, en cette fin d’après-midi voilée, une bande d’ados en slip. Pour le reste, des adultes se baignent ou se dorent, allongés sur des serviettes à ne rien faire, tandis que les enfants quasi nus terrassent le sable ou pêchent on ne sait quoi dans les creux de rochers.

Le groupe se constitue à Port Maria devant la gare maritime. Nous sommes quatorze, dont trois gars seulement, un en couple. Les âges s’étagent entre 50 et 65 ans. Notre guide est probablement la plus jeune, elle s’appelle Sandrine, d’origine bretonne mais qui randonne surtout dans les Pyrénées et aux Canaries. Elle est accompagnée d’un chien border colley noir de 9 ans. Mais le nombre de mâles ne s’élève pas pour autant : même le chien est une chienne ; elle répond au nom de Pixie.

Nous embarquons sur le Bangor qui fait la navette entre Quiberon et Le Palais. Sur le pont supérieur, un petit Lubin blond bouclé de 3 ans court partout. Il appartient à une famille de trois enfants dont deux sœurs aînées de 9 et 7 ans. Derrière moi, une bande de cinq filles dans les 20 ans jacasse comme des mouettes. Un goéland jeune au plumage brun plane au même niveau que le bateau ; quand il bat des ailes, il va plus vite que lui. Dans un groupe de quatre, un grand jeune homme porte un sweat-shirt au logo de la SCEP – la Société cairote d’élevage de poulets. Cette société est fictive, pas issue d’un stage d’école de commerce. Elle sert de couverture à OSS 117… Le garçon n’a qu’une raquette de tennis et un mini sac à dos pour tout bagage. Il a dû aller voir des copains sur le continent.

Je trouve l’arrivée du ferry bien rapide dans le port du Palais. Il envoie de grands coups de sirène pour signaler sa présence et le fait qu’il ne s’arrêtera pas. Beaucoup de plaisanciers grouillent encore autour de la cale dont deux petits en gilet de sauvetage sur un canot boudin.

Lorsque nous débarquons, notre hôtel est juste en face. Le Grand hôtel de Bretagne, quai de l’Acadie, a dû acheter le bâtiment de l’autre côté de la rue pour créer une annexe, tant la demande de lits est forte en été. Les chambres sont petites avec deux couches jumelles serrées mais une grande salle de bain qui fait la moitié de la chambre. C’est propre et neuf mais étroit et sombre. La seule fenêtre ouvre au niveau de la ruelle qui monte sur le côté du bâtiment ; nous voyons sans cesse passer les pieds des touristes. Le groupe est d’ailleurs très varié avec deux Marseillaises et deux Bordelaises, un couple de Poitevins, une Messine d’Afrique du Nord, une fille du Pays basque et deux Parisiens.

Le rituel de l’apéro consiste en une bière blanche de Belle-Île, la Morgate, qui est le nom breton de l’os de seiche. Nous prenons le dîner à l’hôtel, en terrasse fermée mais où nous pouvons (évidemment) enlever le masque pour manger. Il faut simplement le remettre pour tout déplacement, même pour aller chercher une cuillère. Le menu est simple et goûteux : gaspacho qui fait plutôt purée, très parfumé au basilic et au thym, servi bien frais ; un duo de deux poissons pas terribles, lieu noir et cabillaud, probablement congelés, avec du quinoa écolo-austère mais une sauce aux agrumes très appétissante ; une panacotta pistache en dessert.

La nuit tombe, la foule a disparu, le dernier bateau ne partira que vers 22 heures.

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Cap sur Belle-Île

Un grand bol d’air en ces temps de Covid, voilà ce que fut ma semaine sur Belle-Île, la plus grande des îles bretonnes qui s’élève jusqu’à 63 m de hauteur et fait 84 km² sur 5 à 10 km de large pour 17 km de long. Où aller, en effet, alors que la pandémie contamine toutes les destinations et que le risque rôde ? Sur une île. Le sentier côtier longe la mer au plus près sur 82 km – mais avec près de 2000 m de dénivelée cumulée tant les montées et descentes dans les criques sont nombreuses sur cette côte schisteuse déchiquetée.

L’île de Fouquet de 1650 à 1661 sera donnée à Porthos dans Les Trois mousquetaires. C’est en effet d’Artagnan qui, sur ordre de Louis XIV, arrêta le surintendant Fouquet pour « malversation » – mais surtout pour avoir blessé l’orgueil de celui qui se prenait pour le Soleil sur la terre. Vauban va fortifier la citadelle du Palais de 1683 à 1689 mais ses préconisations sur le reste de l’île restèrent lettre morte, ce pourquoi les Anglais ont pu débarquer à l’opposé et envahir Belle-Île en 1761. Les lenteurs et impérities de l’Administration ne datent pas d’aujourd’hui.

La Compagnie des sentiers maritimes propose à son programme le tour de Belle-Île à pied par les sentiers côtiers et cela me séduit cette année où l’on ne peut aller loin. Je suis venu à Belle-Île pour la dernière fois il y a quarante ans, en voilier avec les Glénan puis avec des amis lors d’une croisière privée à Noël 1980.

Je choisis le train car moins cher, plus court et plus sûr que l’auto, pour une fois. Il est vrai que Quiberon est la destination privilégiée des bobos parisiens très catho-famille et que « récupérer la clientèle » après les grèves et le confinement exige de faire un effort sur les prix. Le billet Paris Montparnasse-Auray en TGV puis Auray-Quiberon par le Tire-bouchon régional ne coûte que la moitié du trajet en auto et 6h30 en comptant le carburant, les péages et le parking pour cinq jours à Quiberon.

À Auray, la Micheline diesel deux wagons s’appelle le Tire-bouchon parce que les rails qui passent dessinent le filetage d’un tire-bouchon dans le goulot que forme la presqu’île. Il ne fonctionne qu’en saison, il va à vitesse lente et s’arrête très souvent.

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