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Noël renaissance

Noël, nouveau cycle, renaissance, Bambin – tout cela est symboles. Avant d’être récupérée par l’église chrétienne, Noël était la fête païenne du solstice d’hiver, le moment où le soleil au plus bas allait reprendre de la hauteur. Les êtres devaient l’aider en empathie, tout comme les Egyptiens chaque jour lorsqu’Osiris sur sa barque, dieu qui a vaincu la mort, remontait des profondeurs de la terre pour irradier le ciel.

D’où les bougies qu’on allume, moins pour faire joli dans la nuit que pour inciter le soleil à revenir l’an prochain, à chauffer la terre et ses vivants. D’où le sapin, arbre toujours vert donc les aiguilles ne roussissent que lorsqu’il est mort. D’où le houx et ses boules rouges, vivace en hiver, couleur sur la neige glacée, vivant parmi les morts. D’où le gui qui ne connait aucun cycle de déclin mais reste identique à lui-même sur la branche.

L’enfant est pour les hommes le symbole même de la vie qui renaît, à chaque génération, comme le soleil chaque fin d’année. Ce furent Osiris rené de ses morceaux épars, l’enfant de Cybèle, le Jésus de la crèche- le Bambin, comme l’appelait Voltaire, mi-ironique, mi-affectueux. L’enfant comme symbole de vie, signe d’espoir, foi sur l’avenir.

Noël est devenu en Occident une fiesta commerciale ; la masse se rue sur les « jouets » venus de Chine, les gadgets électroniques marketés aux USA et assemblés au Vietnam, assoiffée de champagne tout en se goinfrant de foie gras, chapons fins, huîtres et autres homards (du mousseux, de la ballotine, du poulet, des moules et des crevettes pour les pauvres).

L’avenir n’est plus qu’à court terme : le prochain confinement, la prochaine dose de rappel, les prochaines élections.

L’espoir n’est plus qu’en la barricade, la frontière, le repli ; un espoir régressif du « c’était mieux avant ».

La vie se meurt, on se capote, on se pilule, on s’avorte, on s’aime entre soi et sans l’autre sexe. Si le désir d’enfant est trop fort, on adopte un chien de poche comme jouet ou un petit métèque. C’est se donner bonne conscience, dans le suicide des siens. Le petit blond est en voie de disparition et la petite blonde vouée à épouser faute de grives un crépu coloré. Non que les métèques et les colorés soient moins dignes ni moins aimables, mais enfin : qui sommes-nous ? Voués à nous diluer sans combattre ?

C’est faute de le savoir, baignés dans l’irresponsabilité commerciale et la niaiserie papale du « tous frères » (la bonne blague ! dites-ça aux victimes du Bataclan !), que la foule démissionne dans l’ambiance Disney du melting pot et la grande samba du divertissement à bas prix. Le fric, le sexe et le pouvoir, il n’y a pas à sortir de là. Creusez Noël et vous les trouverez. Sans plus aucune transcendance.

Bien loin de « la fête » populaire traditionnelle.

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La conteuse du Palais

Ce soir, d’ailleurs, après le dîner, la guide nous invite à venir écouter pour huit euros (chacun) une conteuse. Pourquoi pas ? C’est original et breton. Mais dans quelle aventure nous sommes-nous engagés ? Nous sommes en retard, la nuit est tombée, le rendez-vous est incertain dans un lieu que personne ne connaît. Il faut passer une passerelle, mais laquelle ? On nous dit la Poste, mais la Poste n’est pas facile à trouver, surtout de nuit. Enfin nous trouvons la personne au GPS (pas très traditionnel) : c’est une Solange en falbalas bleu et vert, haute d’un mètre cinquante peut-être. Ce qui agace d’emblée est qu’elle demande les prénoms et ajoute aussitôt : « oui, j’en connais un ». Sa mère fera de même avec les lieux où nous habitons : « Paris ? je connais ». Comme si c’était important d’avoir tout vu, tout rencontré, tout vécu… Est-ce un « truc » d’acteur pour se concilier la personne ?

Solange Nunney (elle se révèle sur Internet) ne veut pas dire son âge mais elle a 54 ans ; elle fait plus jeune, surtout dans la semi pénombre. Le groupe une fois réuni, sauf le couple de Poitevins qui n’est pas venu, elle nous emmène par le Chemin des fées dans un dédale de ruelles au pied de la citadelle, parmi les bois et les maisons à peine éclairées. Elle nous conduit dans une cabane construite dans un terrain vague rempli de plantes plus ou moins cultivées, qu’elle rassemble pour faire des tisanes et autres potions. C’est sa « cabane magique d’Aël-Hëol », construite il y a vingt ans avec des copains sur un terrain appartenant à sa grand-mère. Lorsque nous entrons, tout est noir. Elle doit allumer plusieurs bougies. Elle nous dit qu’un conte réclame le feu, car les anciens conteurs parlaient à la veillée devant la cheminée. Ce pourquoi les bougies sont aujourd’hui obligatoires pour les conteurs (bretons). Cela participe surtout à rendre un brin mystérieuse et changeante l’atmosphère comme le savaient déjà les peintres de Lascaux.

Elle déclame un peu, en celto-mystique des années 70 entourée de drapeaux de prières tibétains, de figurines en céramique qu’elle fait elle-même et de ses peintures plutôt croûtes qui illustrent les contes. Elle croit aux êtres fantastiques que sont les fées, les elfes et les korrigans, aux forces obscures de la nature, aux « pouvoirs » de communiquer avec « les énergies ». Elle se verrait bien en druidesse moderne. Les Romains ont vaincu les Celtes et les ont forcés à la logique, croit-elle, mais les anciennes croyances ressurgissent avec « les crises ». Sa mère, 80 ans, est très fardée, une grande Castafiore encore en représentation comme du temps où elle était actrice. Les parents étaient en effet baladins et bijoutiers ; le groupe de musique de son père s’appelait le Belligroupe (pour Belle-Île). Le fils Henry a repris l’activité de bijoux et la fille Solange les contes.

En Bretonne bretonnante, issue d’une vieille famille du Palais – en partie d’origine indienne aime-t-elle à penser par idéologie mystique, soit issue des Français revenus d’Acadie qui étaient réputés s’être mélangés – la Solange s’installe sur son fauteuil et commence à conter. Non sans avoir ramassé les sous « versés d’avance ». Il est vrai qu’une centaine d’euros pour deux heures en soirée est une aubaine pour elle ; cela doit être rare.

Elle nous parle du Triskèle, la spirale de l’infini, puis de la légende de Yann et Yanna (Jean et Jeanne), ces deux amoureux transformés en menhirs que l’on peut voir encore au centre de Belle-Île. Yann devait étudier vingt-et-un an pour être druide et Yanna connaissait les herbes et les plantes. Ils étaient jeunes, ils s’aimaient, mais la jalousie du chef qui voulait baiser la fille lui tout seul a tout gâché ; il péchait par « jalousie, égoïsme et orgueil, ces trois défauts humains les plus laids » selon Solange. Il a interdit le mariage par ses pouvoirs de chef, un abus manifeste qui ne pouvait rester impuni selon la sagesse balancée des nations. Les amoureux se voyaient donc en cachette, la nuit, dans la lande déserte de Kerlédan. Un jour, une mauvaise langue les a dénoncés et le chef, d’une jalousie exacerbée, a engagé une sorcière de Locmaria pour les empêcher de s’unir. Il suffisait de composer une potion et d’en verser trois gouttes dans leurs narines durant leur sommeil. Lorsqu’ils se sont rencontrés ensuite comme si de rien n’était sur la lande déserte, ils se sont transformés en roches, dressés l’un vers l’autre sans pouvoir se toucher. Mais on dit qu’une bonne fée est passée par là, et qu’à la pleine lune, ces deux êtres de pierre redeviennent chair et s’unissent – une fois par mois donc. Nul ne les a encore vus mais on aime à le croire.

Pour ceux que cela intéresse, la réservation est au 02 97 31 51 95.

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La falaise mystérieuse de Lewis Allen

Le rêve et l’effroi sont filmés en 1937, dans cette Cornouailles fouaillée par la mer et propice à toutes les légendes.

Un couple improbable d’un frère et d’une sœur adultes, en villégiature pour fuir la vie trépidante de Londres, se balade sur les falaises. Lorsqu’ils escaladent l’une d’elles, à marée basse, ils entrent dans le parc d’une belle demeure ancienne, semble-t-il à l’abandon.

Leur petit chien poursuit un écureuil qui s’engouffre par une fenêtre mal fermée et le couple les suit. Ils explorent la maison, vaste, solide et à la vue imprenable sur l’océan. Pamela, la sœur (Ruth Hussey), en tombe immédiatement amoureuse.

 

Roderick (Ray Millaud) est plus sceptique mais il consent avec réticence à céder aux instances de sa sœur et à envisager une carrière de compositeur et d’écrivain sur la musique loin de la capitale. Il pourrait ainsi mieux approfondir son œuvre. Une pièce en particulier lui plaît, dont il pourrait faire son bureau, le « studio » sous les toits, avec une vaste verrière ouverte sur la mer.

Ils s’enquièrent au village de pêcheurs de qui est le propriétaire et s’invitent en sa demeure. Il est en promenade et sa petite-fille les reçoit (Gail Russel). Lorsqu’elle apprend qu’ils envisagent l’achat de la maison, elle les met presque à la porte. C’était la demeure de sa mère et elle y est mystérieusement attachée. Le grand-père (Donald Crisp) arrive à point pour calmer la jeunette, nerveuse et fragile malgré ses 20 ans. Le couple ne peut réunir que 1200 £ mais il accepte ; il veut vendre à tout prix et les acheteurs ne se pressent pas. Pour justifier le rabais, il évoque les locataires précédents qui sont partis précipitamment pour avoir entendus des sons bizarres durant la nuit. Mais c’était peut-être le vent ou la mer sous la falaise. En tout cas, il les aura prévenus.

Le couple s’obstine, rebelle à tout irrationnel. Ils s’installent. Le chien terrier n’aime pas la maison et fugue ; le chat de la gouvernante (Barbara Everest) refuse de monter à l’étage, le poil hérissé. Mais ces signes ne troublent pas la jeune fratrie, ravie d’installer un nouveau foyer. Comme ce pacs avant la lettre n’est guère moral, Roderick fait la connaissance de la petite-fille Stella lors d’un achat de tabac au village. Elle présente ses excuses pour les avoir mal reçus et raconte comment sa mère est morte en tombant de la falaise un soir lorsqu’elle avait 3 ans. Son père l’a peinte en majesté dans le studio avant sa mort, alternant avec son modèle favori Carmen, une gitane espagnole.

Roderick veut sortir la jeune fille de ce milieu morbide et de la vieillerie du grand-père qui la traite encore en fillette. Il l’emmène faire un tour en voilier, curieusement vêtu d’un costume cravate et d’un chapeau qui ne tremble même pas au vent de la course ; quant à la jeune fille, elle barre en chaussures à hauts talons ! Toujours est-il que la glace est brisée et que Stella est invitée au manoir pour dîner. Malgré l’interdiction de son commandant de grand-père qui veut l’éloigner de l’influence néfaste de la maison, elle s’y rend (bien qu’elle ne soit pas encore majeure à cette époque). Elle commence à rire avant que des sons lugubres comme des sanglots de femme ne se manifestent, comme ce fut le cas quelques nuits auparavant. Terrifiée, éperdue, Stella fuit et se précipite vers la falaise en état second. Roderick la rattrape in extremis avant qu’elle subisse le même sort que sa mère.

Dès lors, l’intrigue se noue. Roderick est amoureux de Stella mais celle-ci est sous une emprise mystérieuse liée à ses origines et au traumatisme de sa vie d’enfant. Le fantôme des deux femmes qui vivaient avec son père hantent le manoir en vue d’on ne sait quelle vengeance. Le docteur du village (Alan Napier), un « nouveau qui n’est là que depuis douze ans », conjugue ses efforts avec le frère et la sœur pour comprendre et dénouer le drame qui se joue. Il s’agit d’un secret de famille sur lequel pèse l’omerta, sauf dans les notes de l’ancien docteur. Stella est considérée comme à demi-folle et est envoyée se soigner à la fondation Meredith, du nom de sa mère, tenue par l’ancienne infirmière de la famille amie de la défunte, la redoutable et impérieuse Miss Holloway (Cornelia Otis Skinner). L’amour et la raison triompheront du mal et des superstitions.

Le fantastique faisait ses débuts dans l’Angleterre de la guerre, en équilibre entre rêve et terreur, entre amour et fantômes, mêlé à une intrigue quasi policière. Le film est tiré d’un roman irlandais de la militante républicaine Dorothy Macardle paru en 1942. Les images noir et blanc de Charles Lang sont somptueuses, notamment les vues sur la mer, et l’éclairage aux bougies du manoir particulièrement angoissant. L’imaginaire est plus sollicité que les sens, les effets spéciaux étant quasi inexistants et l’interrogation des esprits trop cocasse. Les moments comiques contrastent avec les moments de peur et, si les acteurs nous semblent aujourd’hui bien désuets, le spectateur les suit dans leur naïf optimisme contagieux. Car le parfum du mimosa, chéri de la mère morte, s’impose, tout comme le froid glacial de la pièce à peinture.

Et Gail Russell, “introducing” Stella, est bien jolie, surtout lorsqu’elle pointe ses seins comme des obus dans la maison obscure.

DVD La falaise mystérieuse (The Uninvited), Lewis Allen, 1944, avec Ray Milland, Ruth Hussey, Donald Crisp, Gail Russell, Cornelia Otis Skinner, Dorothy Stickney, Barbara Everest, Alan Napier, Wild Side 2017, 1h33, €7.96

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