Dans ces 19 nouvelles, Sylvain Tesson agit en maître. Car la nouvelle est un art différent du roman ou du récit. Elle doit être courte, suggérer des personnages en quelques traits, les limiter à un nombre restreint pour ne pas disperser l’attention, planter un décor en quelques lignes – et inventer une chute qui ponctue le propos comme une friandise. Ce n’est pas donné à tout le monde.
Les personnages sont tous d’aujourd’hui et ils agissent dans le monde, surtout en Europe, Russie incluse. Sylvain Tesson garde ancré en lui cet amour des grands espaces et du stoïcisme un brin mystique du peuple des steppes. Le destin n’est pas tendre en général et lorsqu’un personnage subit un coup du sort, Tesson en fait une nouvelle : va-t-il se battre ou va-t-il s’abandonner. Où est la sagesse en effet ? Lutter lorsque l’on n’y peut de toutes façons rien – ou tout simplement vivre, durer, subir – laisser faire ?
Ainsi de la jeune diplômée russe qui n’a aucun avenir et qui croit quitter une vie de chienne pour une vie de rêve en se mariant à un commercial français qui vit sur la côte d’Azur ; elle ne fait que quitter une prison pour une autre, restant tout aussi inerte, inutile, abandonnée (même si c’est au fond de sa faute : pourquoi ne veut-elle pas travailler ? prendre un amant ? participer à la vie locale ?). Ainsi de cet employé ex-soviétique qui se retire dans une cabane au bord d’un lac pour vivre naturellement, mais qui est rattrapé par la société en la personne d’une journaliste qui le décrit comme l’ermite sage, incitant les touristes à venir voir l’ours russe en saint reclus ; en faisant le pitre tout nu pour faire fuir les gens, il sera rattrapé par la société d’une autre façon, terminant dans la solitude la plus absolue, mais subie, à l’asile psychiatrique.
Il n’y a pas que des Russes, il y a aussi cette racaille mâle de banlieue française, irrécupérable sauf par Allah sous la forme d’un imam qui l’embrigade pour Daech en Syrie. Il se venge à distance au fusil Dragunov, comme sniper pour les déments de la charia. Justement, il reconnait au bout de sa lunette un ex-condisciple blanc blond devenu para : de quoi jouir à le dézinguer en éjaculant une balle à haute vitesse dans sa tronche jalousée – car il lui avait piqué une fille belle, blanche, libérée. Où Dieu va-t-il se nicher…
Mais il y a surtout les Russes que Sylvain, au prénom de forêt, affectionne par-dessus tout. Il n’hésite pas à toucher juste car l’ami est celui qui dit vrai. « Le pays n’a pas son pareil pour écraser l’existence » p.71, écrit-il du climat sibérien. « Ce génie des Russes pour saccager les choses » juge-t-il de l’architecture de Riga p.216. « Le pofigisme est une résignation joyeuse, désespérée, face à ce qui advient », énonce-t-il du tempérament russe. C’est un mot typiquement russe, intraduisible en français p.219.
Noël n’est pas fêté à la même date qu’en Occident en Russie, d’où la méprise d’un expatrié qui croyait faire un cadeau à sa petite amie russe en arrivant déguisé dans sa famille le soir du 25 décembre. Noël dénaturé, Noël détourné, Noël marchandisé est celui de chez nous : « Noël était la plus parfaite entreprise de détournement spirituel de l’histoire de l’humanité. On avait transformé la célébration de la naissance d’un anarchiste égalitariste en un ensevelissement des êtres sous un tombereau de cadeaux » p.226. Car il a le sens de la formule, Sylvain Tesson, la phrase ciselée fait mouche.
Je ne peux résister à l’envie de vous en citer une autre, bien parisienne, souvent vécue : « l’une de ces inaugurations de photoreportage dans les galeries de la rive gauche à Paris où des dames en vison buvaient du champagne devant des photos de négrillons assis sur le ventre gonflé de leur mère morte » p.229.
Le Desproges des steppes mérite d’être lu pour son regard acéré sur les travers humains.
Sylvain Tesson, S’abandonner à vivre, 2014, Folio 2020, 244 pages, €8.10 e-book Kindle €7.99
Sylvain Tesson déjà chroniqué sur ce blog
Croisière en Floride et fin du périple
En mer, gymnastique, salsa, tennis de table, ventes de sacs à main, bingo, guitare et voix ; au théâtre ce soir Les Pampas Devils qui proposent du tango d’Argentine, un spectacle gaucho, découverte du porto (il doit encore rester des bouteilles !) – et casino. Pour le restaurant, on est prié de se vêtir en tenue de gala ou d’aller finir les restes au buffet !
Aujourd’hui on vend des t-shirts BCRF pour la recherche du cancer du sein, le Norovirus est toujours présent à bord de l’Infinity, casino, préparer vos valises, encore du vin (français cette fois) à tester, encore des émeraudes à vendre… Des achats à faire encore et toujours à partir de 1$ et jusqu’à 75% de rabais sur certaines marchandises. Profitez, profitez, demain débarquement à Fort Lauderdale.
Fort Lauderdale, Floride, arrivée 7h, débarquement régimenté.
La distance totale que nous avons parcourue est de 4 523 milles nautiques (1 mille nautique = 1,85 km)
Pour rejoindre la sortie, il faudra patienter plus de deux heures pour accéder aux guichets de la police américaine, pour se faire prendre les empreintes des deux mains et photographier. Grâce à S. de Monaco nous pourrons prendre un taxi, à nos frais, et rejoindre notre hôtel à Miami. M. et moi ne sommes pas en forme du tout, V. qui était malade durant toute la croisière semble aller un peu mieux mais elle demeure très faible. Nous avions prévu de faire plus ample connaissance avec Miami, nous n’oserons qu’un petit tour le long du port avant de regagner notre chambre. Demain il faudra prendre l’avion pour Los Angeles. Le fenua nous manque.
L’avion est surbooké, en retard, il n’y a pas même de place pour le bagage à main de 3 kilos… une vraie pétaudière. Heureusement nous retrouvons J. et le chien Freddy. Le beau temps nous a quitté, il fait froid, quoi de mieux pour se réchauffer que d’aller dans un centre commercial ? C’est bientôt Noël, les gens font la queue pour manger, pour se faire prendre en photo, pour acheter. Alors les crèmes glacées, tout en couleurs, sont les bienvenues pour les faire patienter !
Pour terminer le voyage avec Air Tahiti Nui, le repas spécial que j’avais commandé n’était pas dans l’avion ! Pour le prochain voyage sur ATN, je me munirai d’un panier-repas avec poisson cru au lait de coco, riz chaud, quart de vin blanc (les boissons sont-elles à nouveau autorisées à apporter au-dessus de 100 ml ?), au moins je pourrai me restaurer normalement.
Nos commentaires ne seront pas trop élogieux :
L’agence de voyages de Monaco de S. n’est pas absolument pas capable de faire un travail correct, puisqu’elle propose un San Diego-Miami elle est à notre avis indigne de représenter la compagnie de navigation Celebrity.
Le bateau est très confortable mais nous conseillons d’éviter sur le pont 8 les cabines près de la bibliothèque comme les n°8123 et suivants car il y règne un froid sibérien. L’ingénieur requis avoue que cela a toujours été ainsi, que le froid vient du pont 10. OK, mais le pont 9 ne souffre pas de cet air glacial et il est bien entre le 8 et le 10, non ? Nous avions pensé qu’un tupapau avait investi les lieux.
La nourriture est insipide, au restaurant Treillis, on sert un cocktail de crevettes, crevettes dont on a omis d’enlever le filament noir donc retour en cuisine, je commande une salade de roquette on me sert de la salade iceberg, le menu indique un poisson de profondeur, ici en Polynésie on le nomme paru, c’est délicieux, très fin, ce poisson arrivé dans l’assiette de V. est servi sur des pois chiches et ce n’est pas du tout celui annoncé, les noms ronflants du menu en français sont sensés embellir les assiettes mais rien n’a de goût, ni les entrées, ni le plat, ni le dessert – rien n’a de goût. Certes, on peut commander toute la carte mais le premier plat, le troisième ou le dernier ont tous le même goût, plutôt la même absence de goût… Pour un bateau qui se voulait à la pointe de la cuisine…
Mais j’y pense : ne serait-ce pas un problème de carte de paiement ? Au self, un jour lentilles à la nage, le lendemain lentilles essorées, le surlendemain lentilles séchées, il n’y a pas eu de quatrième jour sinon cela aurait été certainement lentilles amidonnées ou tas de lentilles lessivées. J’ai commandé un ceviche, il y avait du poisson… mais pas une goutte de citron ! Pour les desserts, c’était la pavlova… un truc collant loin des entrechats de la danseuse, une autre fois avec toujours un nom pompeux on aurait dit du fromage blanc, non, non, un carré de Kiri, posé dessus du vernis rouge et encore au-dessus une feuille de menthe, de la vraie menthe ! Nos estomacs se sont refermés et plus rien ne passait sinon un thé…
Si V et moi-même additionnions les croisières effectuées sous des cieux différents, jamais au grand jamais nous n’avons aussi mal mangé sur l’une d’elle. Même sur la felouque du Nil où notre accompagnateur nous a servi du kitkat. Quand nous dialoguons avec Tahiti par mail, on nous apprend qu’un grand nombre de personnes ont été malades sur un des Princess, le Crown, je crois. C’est grâce certainement aux prières de mes amies adventistes que nous n’avons pas été malades comme ceux du Princess. Merci Seigneur comme disent les Polynésiens.
Pour celles et ceux qui seraient tentés par une croisière, choisissez bien, ayez aussi beaucoup de chance… ou un compte carte bleue bien approvisionné !
Hiata de Tahiti