Articles tagués : avion

La mort aux trousses d’Alfred Hitchcock

Roger Thornhill (Cary Grant) est un publiciste connu et pressé, deux fois divorcé. Il est élégamment vêtu d’un costume gris bien coupé avec une cravate dans le même ton. Drôle, direct, chic, il dicte à sa secrétaire les tâches qu’elle a à faire et à lui rappeler dans le taxi qui l’emmène au Plaza Hotel, grand palace de New York où il a un rendez-vous d’affaires. La dernière consigne, la plus urgente, est de rappeler sa mère pour un rendez-vous le soir même au théâtre. Mais le taxi est déjà reparti lorsque Thornhill se rend compte que sa mère va être injoignable, jouant au bridge à cette heure-ci.

Sitôt entré dans l’hôtel et assis devant ses hôtes, il mande un chasseur pour faire porter un message mais celui-ci lui indique la personne adéquate un peu plus loin derrière le comptoir. Thornhill se lève et se dirige vers l’endroit. A ce moment est diffusée une annonce qu’on demande un certain Monsieur Georges Kaplan au téléphone. Ceux qui guettaient Kaplan croient donc en toute bonne foi que Thornhill est leur homme et ils l’enlèvent carrément en plein hall en le menaçant sous la veste d’un pistolet.

Embarqué dans une puissante voiture péniche de ces années-là, le trio et le chauffeur se dirigent vers une imposante demeure sur la côte nord de Long Island, appartenant à un certain Mr Townsend. Kaplan est tenu de révéler comment il a connu l’organisation de ceux qui l’ont enlevé – sauf que Thornhill n’est pas Kaplan et ne voit pas de quoi ils veulent parler. Il résiste, maniant l’humour avant les poings, mais est terrassé. Puisqu’il ne veut pas avouer, il doit au moins disparaître. On lui fait avaler de force le contenu d’une bouteille de whisky avant de le coller, bourré, dans une décapotable et de le lancer sur la route en bord de falaise. Il va se crasher au prochain virage et la police croira à un accident.

Sauf que le conducteur est un grand gaillard qui résiste aux effets de l’alcool tant qu’il peut. Cary Grant effectue une performance d’acteur en roulant des yeux et en maniant le volant comme s’il était schlass. Heureusement, le capot des Mercedes ont un utile viseur en plein centre, ce qui permet de garder la route dans le collimateur. Thornhill évite donc le virage, tangue sur le ruban asphalté mais ne quitte pas la route. Les autres le poursuivent et il doit foncer. Jusqu’à ce qu’une voiture de police le prenne en chasse et l’arrête en état d’ivresse avancée. Il est sauvé, provisoirement.

Il appelle « maman » (Jessie Royce Landis) et son avocat qui va le tirer de là après « une nuit » de dégrisement. Le juge charge la police d’enquêter sur le soi-disant enlèvement dont Thornhill aurait été victime. A la demeure Townsend, personne, le maître des lieux prononce un important discours aux Nations-Unies et sa femme (Josephine Hutchinson) prétend que Roger s’est bien murgé et qu’il a pris par erreur la voiture d’une amie alors qu’il n’aurait même pas dû conduire. Tout le monde est alors persuadé qu’il affabule. Mais Roger Thornhill ne l’entend pas de cette oreille, il veut en avoir le cœur net. Il retourne à l’hôtel Plaza pour rencontrer le mystérieux George Kaplan mais constate que personne ne l’a jamais vu. Il laisse des messages, se fait livrer ses bagages, nettoyer ses costumes. Thornhill peut aisément demander sa clé en se faisant passer pour lui et fouille sa chambre mais ne trouve pas grand-chose, sauf que les costumes sont trop petits pour lui et qu’une photo représentant ceux qui l’ont enlevé traîne sur le bureau.

Il se rend donc aux Nations-Unies, après avoir échappé de justesse à ceux qui le traquent une fois de plus. Il rencontre là le « vrai » Mr Lester Townsend (Philip Ober), le diplomate, qui n’est pas celui qui s’est présenté sous son nom à la villa. Car elle est censée être vide, sous la garde du seul jardinier – et Mr Townsend est d’ailleurs veuf depuis des années ! A ce moment, comprenant qu’ils vont être en danger, l’un des sbires qui ont suivi Thornhill lance un poignard dans le dos du diplomate qui s’effondre. Thornhill a le stupide réflexe de le soutenir et d’empoigner le manche pour l’ôter : un photographe le prend à ce moment-là, l’air hagard, le couteau à la main. Cette photo fera le tour des journaux en première page et Thornhill sera accusé et activement recherché.

Il fuit donc la police jusqu’à la gare où il veut prendre un train pour la prochaine destination programmée de Kaplan, comme le lui ont appris ses ravisseurs, confirmé par le portier d’hôtel : Chicago. La blonde Eve Kendall (Eva Marie Saint), l’aide à échapper aux policiers en le cachant dans son compartiment couchette. Ils se retrouvent au wagon-restaurant, où elle a soudoyé le maître d’hôtel pour qu’il soit dirige vers sa table. En fait, elle craque pour lui et lui-même n’est pas insensible à cette femme maîtresse d’elle-même, pleine de ressources et qui sait ce qu’elle veut. Une femme bien différente des personnages féminins habituels d’Hollywood, hystériques, émotives et sans cesse en faiblesse. Surtout qu’elle joue triple jeu, le spectateur l’apprend en quelques minutes : si elle a aidé le faux Kaplan, c’est pour mieux l’attirer dans les filets des ravisseurs ; sauf qu’elle est infiltrée par les services secrets des États-Unis pour confondre les espions au service de l’Est ; et qu’elle joue au fond son propre jeu en cherchant à sauver la personne qui l’a si bien baisée dans le compartiment (le film ne montre que des embrassades, mais la suite donne une version plus ambiguë…).

Déguisé en porteur des bagages Kendall, Thornhill passe sans encombre la surveillance de la police et va se changer dans les toilettes tandis qu’Eve téléphone pour obtenir un rendez-vous avec Kaplan. Elle donne par écrit les instructions qu’elle a notées à Thornhill qui peut donc prendre le car pour descendre à un croisement de routes désertes en pleine cambrousse de l’Indiana et attendre. Suspense : il ne se passe rien et les rares véhicules qui traversent ne s’arrêtent pas. Soudain un homme descend d’un pick-up et attend, en face de Thornhill – mais ce n’est qu’un péquenaud qui va prendre le car en sens inverse. Dans la discussion, il s’étonne de voir un petit avion épandre ses pesticides au-dessus d’un champ qui n’est pas planté. D’ailleurs, une fois le champ libre, l’avion biplan fonce sur Thornhill avec l’intention de le tuer. C’est un grand moment de spectacle qui reste dans les anthologies. Thornhill se réfugie dans un champ de maïs pour ne pas être vu mais l’avion le déloge en épendant un nuage chimique. L’homme se précipite alors sur la route à la rencontre d’un camion d’essence qui freine in extremis, alors qu’il passe juste sous le capot. L’avion, qui cherchait à dézinguer Thornhill ne peut éviter la citerne et se crashe.

Le publiciste peut donc voler une voiture de badauds arrêtés devant le spectacle et rejoindre Chicago et l’hôtel de Kaplan. Mais le réceptionniste lui apprend qu’il a quitté les lieux le matin même à 7 h. C’est curieux, deux heures avant le soi-disant coup de téléphone à Kaplan par Eve… Laquelle réside dans le même hôtel. Thornhill monte à sa chambre et elle a l’air surprise bien qu’heureuse de le voir en vie, même si elle avait passé son amant chic par pertes et profits. Elle reçoit un appel qui lui confirme un rendez-vous, qu’elle note sur le calepin mais ôte la page. Elle convie Thornhill à prendre une douche – froide – et à faire nettoyer son costume plein de poussière et de pesticide par le groom. Cela lui fait gagner du temps. Mais Thornhill retrouve aisément l’adresse en noircissant la feuille pour faire apparaître ce qui est écrit en relief. Il s’agit d’une salle des ventes, dans laquelle la bande sous la direction du faux Townsend nommé Vandamm (James Mason) enchérit pour une statuette. Les issues sont surveillées par les sbires armés et Thornhill, décidément inventif et plein d’humour, n’a d’autre choix que de susciter un esclandre afin d’être exfiltré par la police. A qui il révèle son identité réelle, et il est libéré.

Sur les instances du Professeur (Leo G. Carroll), chef d’une agence de renseignements du gouvernement, lequel confie à Thornhill que Kaplan n’existe pas et qu’Eve est un agent ami infiltré dans l’organisation au péril de sa vie. Thornhill, qui avait pour elle des sentiments et s’est trouvé bafoué, comprend et pardonne. Malgré les ennuis que cela va encore lui valoir, il veut la sauver. Le Professeur prend avec lui un vol de la Northwest Airlines (d’où le titre américain du film) pour Rapid City au Dakota du Sud. C’est la prochaine destination programmé du fictif Kaplan, où Vandamm possède une demeure et d’où il envisage de fuir en avion vers le Canada.

Thornhill a donné rendez-vous à Vandamm et Kendall dans une cafétéria en contrebas du monument du mont Rushmore. Pour lever les soupçons sur elle et parfaire sa couverture, Eva abat Roger de deux coups de feu… à blanc. Dans la séquence, le spectateur peut apercevoir un gamin en chemise bleu roi en arrière-plan qui se bouche les oreilles AVANT le coup de feu, signe que la scène a été répétée plusieurs fois. Eve fuit et Thornhill, laissé pour mort, est emmené en ambulance par le Professeur. Ils se rencontrent dans un bois où chacun avoue à l’autre qu’il tient à lui. Mais Eve doit retourner auprès de Vandamm, qui a le béguin pour elle, et s’envoler avec lui pour en savoir encore plus sur l’organisation. Roger refuse car elle risque sa vie, et le chauffeur, sur ordre du Professeur, le met KO ; ils vont l’enfermer plusieurs jours dans l’hôpital, pour la vraisemblance.

Mais Roger s’enfuit et rejoint la villa de Vandamm où il surprend une conversation entre lui et Leonard (Martin Landau), son sbire numéro deux. Ce dernier a découvert que le pistolet d’Eve ne portait que des balles à blanc et les espions décident de l’éliminer en le jetant du haut de l’avion dans les flots lorsqu’il seront partis. Thornhill fait alors des pieds et des mains, au sens littéral acrobatique, pour grimper à la chambre, écrire un petit mot sur la pochette d’allumettes à ses propres initiales, et avertir Eve qu’elle ne doit surtout pas monter dans l’avion. Celle-ci, in extremis, s’empare de la statuette qui contient en fait les microfilms des documents récoltés par les espions, et fuit en direction de Roger. Il a dû s’extirper d’une matrone intendante de la villa qui braquait un pistolet sur lui… qu’il a reconnu être celui d’Eve chargé à blanc.

Le couple fuit donc avec les documents, poursuivi par les espions, jusqu’au sommet des fameuses têtes de présidents sculptées dans la roche du mont Rushmore. Valerian le sbire numéro un (Adam Williams) dérape de lui-même et s’écrase en bas tandis que Leonard saute sur Thornhill et récupère la statuette. Mais Eve est en difficulté et Roger lui tend la main, qu’elle attrape in extremis, le reste de son corps pendant dans le vide. C’est alors que la godasse du sbire vient écraser la main du sauveur pour les précipiter tous deux dans l’abîme. Une balle providentielle, commanditée par le Professeur sur la rive d’en face, met fin au suspense et le couple est sauvé, ainsi que les microfilms. Ils furent heureux et eurent (peut-être) de beaux enfants.

DVD La mort aux trousses (North by Northwest), Alfred Hitchcock, 1959, avec Cary Grant, Eva Marie Saint, Jessie Royce Landis, Leo G. Carroll, James Mason, Warner Bros Entertainment France 2011, 2h11

DVD Alfred Hitchcock : La Collection 6 Films, Le Grand alibi, Le Crime était presque parfait, La Loi du silence, La Mort aux trousses, L’Inconnu du Nord-Express, Le Faux coupable, Warner Bros Entertainment France 2012, 10h27

Catégories : Cinéma | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Hervé Le Tellier, L’anomalie

Un roman original qui a eu le prix Goncourt il y a deux ans. Je lis rarement les prix Goncourt l’année même de leur sortie, j’attends plutôt quelques années, le temps de voir s’ils resteront dans la littérature ou s’ils rejoindront, comme beaucoup de Goncourt, l’oubli. L’anomalie, à mon avis, reste. Le roman est original, bien composé, écrit avec habileté en différents styles selon les personnages, et avec une certaine ironie.

Il se décompose en trois parties un peu scolaires mais indispensables : une première de présentation des personnages, une seconde sur l’anomalie qui se produit dans le monde, enfin une troisième sur les conséquences sur chacun. L’auteur ne manque pas, dans un ultime chapitre, de se moquer lui-même de ce qu’il écrit lui-même et d’analyser son livre. Il note ainsi commencer par une resucée de Mickey Spillane, le célèbre auteur de romans policiers mettant en scène un tueur nommé Hammer, le marteau. C’est le cas de son Blake, le seul personnage à s’en sortir sans dommage, car anonyme.

Il y a presque autant de femmes que d’hommes, mais l’auteur n’est pas tendre avec la partie femelle. Il les montre dans leur réalité égoïste, prêtes à baiser mais pas à s’engager, voulant un enfant pour elles toute seules, refusant la tendresse pour vivre leur vie comme elles disent. Ce qui étouffe Louis qui, à 10 ans, aimerait bien un peu d’air et un « papa » qui l’ouvre au reste du monde, pour briser enfin la coquille de l’œuf fusionnel dans lequel l’enferme sa mère Lucie (bien peu lumineuse). Ce qui navre l’architecte de la cinquantaine André, tout comme un certain Raphaël, tous deux amoureux de cette Lucie qui prend tout (notamment son pied) sans rien donner. Ce qui désole l’écrivain Miesel, auteur d’un roman posthume (enfin presque) intitulé L’anomalie, car son Anne le fuit manifestement. Il n’y a guère que le jeune nigérian Slimboy qui soit heureux – parce que justement il n’aime pas les femmes.

L’anomalie est quelque chose de physique qui se produit dans ce monde comme s’il était un gigantesque jeu vidéo dont les ficelles sont tirées par des intelligences extérieures. Un vol Paris-New York d’Air France atterrit en mars après un gigantesque orage, puis le même atterrit de nouveau en juin de la même année, après un même gigantesque orage, avec le même commandant de bord et les mêmes passagers. Affolement des officiels américains qui soupçonnent tout d’abord les Chinois, ensuite les extraterrestres, enfin une anomalie de la physique.

Nul ne saura jamais ce qui s’est vraiment passé, d’autant que la CIA apprend que la Chine a eu elle-même son propre vol dupliqué – dont toute les traces d’ailleurs été effacées – ainsi que l’équipage et tous ses passagers. On ne badine pas avec la normalité dans la Chine de Xi Jin Ping : on éradique ce qui dérange. Ce n’est pas le cas aux États-Unis où l’avion est dérouté sur un aérodrome militaire, tous ses passagers et son équipage confinés dans un hangar où des agents du FBI et des psys cherchent à en savoir plus. Car chaque individu présent dans l’avion de juin est le double exact de ceux dans celui posé en mars. Il faut savoir si ce sont des simulateurs, des clones, ou de parfaits jumeaux mystérieusement apparus.

Les observations, les interrogatoires et les enquêtes prouvent que chacun est bien celui qu’il dit être, ce qui fait qu’il existe désormais deux personnes identiques de par le monde. Ce sont des hommes, des femmes, des enfants. Les physiciens évoquent la possibilité d’un repli du temps percé d’un trou de ver qui permettrait de passer d’un monde à l’autre ; ou une gigantesque simulation intergalactique qui ferait de notre monde humain une expérience in vivo de quelque intelligence incomparablement plus vaste que la nôtre (tout comme nos savants simulent leurs expériences à leurs petits niveaux).

Les conséquences ne se font pas attendre, elles sont personnelles à chacun des doubles et sociales avec ce poison de Dieu qui agite tous les ignorants et les fait croire en Satan. Le petit Louis a désormais deux mamans et, très intelligemment, il refuse de choisir et les tire au sort pour chaque jour de la semaine. Joanna l’avocate s’est trouvé un petit ami durant ces trois mois entre mars et juin et est tombée enceinte, tandis que sa duplication de juin ne l’est pas ; celle-ci va donc prendre une autre identité et disparaître. L’écrivain Miesel, qui s’est suicidé entre-temps après avoir écrit L’anomalie, renaît et découvre le monde après sa mort, quel était son « meilleur ami » qu’il connaissait à peine, et sa « fiancée éplorée » avec qui il avait rompu neuf mois auparavant ; il jouit désormais de sa réputation et de ses droits d’auteur mérités, et continue à écrire, soutenu par son éditrice Clémence, l’une des femmes sympathiques du roman. André décide, au vu de son expérience vécue par l’autre André durant trois mois, de tenter de renouer avec Lucie – l’une des deux Lucie seulement – en ne faisant pas les mêmes erreurs. Blake a résolu le problème de son double à sa manière, « chinoise ».

Il n’y a que Daniel, le pilote de l’avion, qui succombe une seconde fois au même cancer, malgré les trois mois de répit et l’expérience des traitements. Slimboy est heureux de se découvrir un jumeau, malgré la superstition africaine qui veut que ce soit un démon – sauf chez les yorubas ; ils vont pouvoir chanter ensemble. Quant à la jeune Adriana, qui voulait faire du théâtre, elle rencontre son double dans un show télévisé décrit avec une froide ironie par l’auteur en verve, et cela se termine mal à cause des chrétiens apocalyptiques qui voient en ces doubles soi-disant « non créés par Dieu » l’œuvre du diable. L’ignorance suscite toujours la peur, et la peur la violence fanatique.

Mieux vaut croire que penser, c’est plus rapide et plus facile, on se sent moins seul dans l’opinion commune et conforté dans tous ses actes par « Dieu ». L’auteur n’hésite pas à écrire : « Et au cœur de cet incendie sans fin qui de tout temps a dévoré l’Amérique, dans cette guerre que l’obscure mène à l’intelligence, ou la raison recule pas à pas devant l’ignorance et l’irrationnel, Jacob Evans [le baptiste ignare fanatisé par sa croyance] revêt la cuirasse d’ombre de son espérance primitive et absolue. La religion est un poisson carnivore des abysses. Elle émet une infime lumière, et pour attirer sa proie, il lui faut beaucoup de nuit » p.356.

Hervé Le Tellier n’est pas tendre avec les États-Unis, montrant leur bureaucratie en action, leurs décisions brutales, leur président en « mérou avec une perruque jaune » (un portrait irrésistible du précédent élu), et la décérébration de l’Internet : « la liberté de pensée sur Internet est d’autant plus totale qu’on s’est bien assuré que les gens ont cessé de penser » p.363.

En bref, ce n’est certes pas un roman à se prendre la tête, ni écrit avec grand style, ni frappé de formules à retenir, mais c’est un roman un peu policier, un peu science-fiction, lisible et divertissant. Il fait réfléchir sur soi et sur le monde, il rabaisse notre orgueil d’Homo sapiens maître et possesseur de la nature, et sa fin est un coup de théâtre en forme de coup de pied de l’âne. Un peu court, mais pas si mal.

Hervé Le Tellier, L’anomalie, 2020, Folio 2022, 404 pages, €8.90, e-book Kindle €8.49

Catégories : Livres, Romans policiers, Science fiction | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Y a-t-il un pilote dans l’avion de Jim Abrahams et des frères Zucker

Un film catastrophe, qui sera doublé d’un petit frère deux ans plus tard. Il est traité au plus haut comique, voilà ce qui a détonné dans le panorama ciné 1980 aux Etats-Unis. Que le pilote, le copilote et le navigateur aient été intoxiqués par le même plat de poisson au point de tomber dans le coma, ce n’est guère rassurant. Mais les passagers sont chacun dans leur bulle d’égoïsme et ne voient midi qu’à leur porte. Quand l’hôtesse leur annonce d’une voix suave que l’avion est sans pilote et qu’ils en recherchent un parmi les passagers, pas de réaction ; qu’il a perdu un réacteur par surchauffe, pas de réaction ; mais quand elle leur dit qu’il n’y a plus de café, c’est la révolution !

Chaque personnage est soigneusement caractérisé et le drame se double d’une romance qui s’achève entre une hôtesse et un ancien pilote de guerre traumatisé par sa dernière mission. Ted (Robert Hays) et sa femme Elaine (Julie Hagerty) sont tirés tout droit du film A l’heure zéro de 1957 . Elle veut le quitter et il la suit, cherchant à la convaincre de lui donner une autre chance, au point d’abandonner son taxi sur le trottoir – avec un passager dedans – et d’acheter un billet pour Chicago afin de monter dans l’avion. Pendant ce temps le passager attend et le compteur tourne. Le pilote du Boeing Clarence Oveur (Peter Graves) – « over » signifie « à vous » à la radio – s’avère pédophile, caressant le jeune Joey qui vient admirer le cockpit tout en lui demandant s’il aime les films de gladiateurs ou s’il a déjà vu un homme tout nu (on pouvait tourner en dérision ces troubles désirs, en 1980).

Le copilote Roger (Kareem Abdul-Jabbar) qui répond à chaque fois que l’on dit « roger » à la radio (il signifie « reçu ») s‘avère un joueur de basketball connu des Lakers de Los Angeles mais qui a des faiblesses de jeu, comme le révèle le gamin. L’hôtesse Elaine se révèle une blonde évaporée qui aime la fête et l’amour mais n’a pas grand-chose dans le ciboulot, sinon d’adorer les héros. Le rescapé de guerre Ted stresse post-traumatiquement depuis des années en ressassant « la décision » qu’il a dû prendre pour son escadrille et qui a conduit à sa perte. Il ne se réveille que lorsqu’il est valorisé… et sauve le Boeing 767 de Los Angeles à Chicago en plein brouillard en le faisant atterrir sans savoir le piloter.

Mais c’est l’ensemble des gags qui ne cessent de surgir dans le scénario qui font le succès du film, certains en arrière-plan. Le gamin lit un magazine sur les nonnes tandis que la nonne lit un magazine sur les garçons, inversion comique de ce qui devrait être. Le post-traumatisé raconte interminablement son histoire aux passagers assis successivement à ses côtés qui finissent par se pendre, se faire hara-kiri ou se flinguer. La scène de rencontre entre lui et sa femme devenue hôtesse de l’air, dans un bar de guerre, montre une bagarre de jeux… entre deux femmes qui se boxent et se font des prises de catch. Une petite fille dans l’avion, très collet monté, accepte qu’un garçon de son âge du même genre Moral Majority lui offre un café mais affirme qu’elle le prend noir, « comme les hommes »… à 12 ans ! L’épouse du pilote pédo, prévenue du drame en pleine nuit, réveille son amant qui se trouve être un étalon – au sens littéral – et demande au cheval de sortir par derrière. Une femme hystérique (scie habituelle des films yankees depuis des décennies) se voit secouée et baffée par une suite de femmes et d’hommes qui se succèdent pour « la calmer ».

L’hôtesse qui voit le pilote automatique se dégonfler – au sens strict car c’est un ballon gonflable – le regonfle par un tuyau à sa ceinture mais le docteur Rumack (Leslie Nielsen) qui entre dans le poste de pilotage pour lui donner des nouvelles des passagers malades la croit en train de tailler une pipe et se détourne discrètement. Une fillette, transportée à Chicago pour une transplantation cardiaque urgente, est distraite par une hôtesse qui emprunte la guitare de la nonne pour lui chanter une chanson entraînante ; ce faisant, elle détache la perfusion et la petite fille agonise sans que personne ne s’en rende compte… La position d’atterrissage d’urgence est la tête entre les genoux – mais pas ceux de sa voisine, « n’est-ce pas révérend ? ». Je ne me souviens pas de tout tant il y en a, mais tout est comme ça !

Le clone tourné deux ans plus tard par Ken Finkleman, Y a-t-il enfin un pilote dans l’avion en français, reprend les personnages et les acteurs, à l’exception de quelques-uns, et rejoue les gags pas toujours dans le même sens – et en plus lourd. Il est moins réussi.

Cette fois la catastrophe se passe dans la navette spatiale qui décolle pour la lune. Un ordinateur HAL 9000 à la 2001 Odyssée de l’espace devient fou parce que la navette a été lancée pour motifs financiers sans avoir été vraiment homologuée (le vol inaugural de la navette spatiale américaine remonte au 12 avril 1981, différents incidents ayant repoussé son lancement). L’ex-pilote de guerre, réhabilité après son sauvetage du Boeing, a été chargé de la tester mais il s’est crashé avec en déclarant que les circuits avaient faillis. Il a été viré et le procès intenté par les bailleurs de fonds l’a condamné à un séjour en hôpital psychiatrique, l’hôpital Ronald Reagan qui « soigne à l’ancienne ».

On se souvient que Reagan s’est fait élire fin 1979 sur un « c’était mieux avant » et le retour à la morale traditionnelle. L’Amérique se demande d’ailleurs à l’époque, si, avec cet ancien acteur, il y a un pilote dans l’avion gouvernemental. Les soins à l’ancienne sont une suite de coups de matraque et d’électrochocs. Ted Striker (Crochet en VF) peint une toile de fleurs tandis que son modèle est… une fille à poil. En arrière-plan, une infirmière vérifie le niveau d’huile d’un patient avec la tige habituelle aux automobiles et rajoute de l’huile de moteur dans la perfusion au-dessus du lit. La petite fille qui n’a jamais baisé mais voudrait le faire avant de mourir dans le crash programmé de la navette est plus âgée (de deux ans ?) et invite tous les passagers mâles à la monter, y compris un étalon (un cheval, évidemment). Le gamin visiteur du cockpit est brun et cravaté, au lieu du blond col ouvert du premier opus, mais ouvre sa chemise à mesure que la température grimpe car la navette est dirigée par l’ordi fou droit vers le soleil.

C’est en bref un festival de rire !

Coffret 2 DVD, avec Kareem Abdul-Jabbar, Lloyd Bridges, Peter Graves, Julie Hagerty, Robert Hays, Paramount Pictures 2021, €13,39

Y a-t-il un pilote dans l’avion ? (Airplane), Jim Abrahams et les frères Zucker, 1980, 1h20,

Y a-t-il enfin un pilote dans l’avion ? (Airplane 2 – The Sequel), Kim Finkleman, 1982, 1h16

Catégories : Cinéma | Étiquettes : , , , , , , , , ,

Cancun – Mexico

Nous arrivons à la nuit à Cancun, peu avant 20h. Nous sommes fatigués de cette longue journée de route et de visites. Par rapport à celles que nous avons traversées, la ville nous paraît artificielle, fêtarde, moderne. Minettes et minets déambulent sur les trottoirs. Cancun est une ville sans histoire, créée de toute pièce en 1970 par le gouvernement pour faire du cordon dunaire entre les lagunes et la mer des Caraïbes une station balnéaire à la mode. « Sea, sex and sun » sont au programme, dans toutes les positions et selon toutes les combinaisons. Les simulations sur ordinateur ont associé le climat, les marées, la température de l’eau, les courants, les communications, les possibilités d’approvisionnement – sauf les ouragans. Le fameux Gilbert au prénom de « fofolle » du 14 septembre 1988 a emporté plusieurs hôtels de luxe et le sable blanc des plages…

Nous ne verrons de la ville que ses artères de nuit et la rue de l’hôtel Xbalanque. Sitôt arrivés et les bagages déposés dans les vastes chambres, nous nous préoccupons d’aller dîner. Luis, le chauffeur, conseille un bar à grillades à quelques centaines de mètres. Il est très long à servir mais fait une promotion sur la bière : 10% de réduction si nous les prenons par deux ! Nous n’hésitons pas. L’après-dîner, dans le hall de l’hôtel décoré de scènes mayas, nous disons adieu à Luis.

Nous nous réveillons à 5h30 pour prendre l’avion Cancun-Mexico deux heures plus tard. La ville est presque vide ; elle vit le soir. Des taxis en maraudent cherchent les clients du petit matin mais ne semblent pas en trouver beaucoup. Les premiers employés de service se hâtent vers leur poste. A l’aéroport, embarquent sur le même vol que nous deux Américaines. Elles se veulent jumelles en apparence, elles sont mère et fille en réalité, ce que l’on distingue parfaitement de près. Mais toutes deux ont ce blond décoloré, ce maquillage rose, ces vêtements « décontracté » en blanc et bleu clair, ce jean artistement reprisé mais maniaquement lavé, ces ongles des mains et des pieds passés au vernis rose nacré, cet anneau d’orteil et ces sacs Vuitton pour poupée qui sont la quintessence de l’esprit Disney. Elles sont les Peter Pan version fille, la Mater Pan perdues dans un rêve sucré, naïf, innocent, enfantin, immaculé, où « tout va bien » toujours, comme chez les très petites filles. Potelées, il en faut peu pour qu’elles basculent obèses, n’étant pas du genre à faire effort pour pratiquer quelque « sport ». La plus jeune mâchonne un chewing-gum depuis des heures avec cet air bovin que donne la ruminance. De son sac émerge encore une boite de Nuts aux trois quarts terminée. Tout est prévu pour se contenter en permanence, pour diffuser du plaisir en continu comme une drogue paradisiaque. Dans ces esprits de gamines de deux ans, la moindre frustration serait insupportable.

Catégories : Mexique, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , ,

Jacques Attali ou l’écologie pour les autres

Jacques Attali livre un bien intéressant article dans le journal les Échos du 5 mars. Il relate son expérience personnelle d’un voyage en avion aller-retour à l’autre bout de l’Asie. Ce témoignage est doublement intéressant en ce qu’il montre concrètement le laxisme des contrôles et des gestes barrières de la part de ceux qui prennent l’avion, et combien l’écologie est toujours pour les autres mais surtout pas pour les élites qui se croient le sel de la terre.

Les contrôles des multiples documents demandés à Roissy se font à la va-vite, sans regarder. Cet état de fait me rappelle les « contrôles » à l’embarquement pour les Etats-Unis juste après les attentats du 11-Septembre. Ils étaient effectués à Roissy par… des Arabes ! Il est vrai que les sociétés de sécurité attirent les sans-diplômes et que la perspective d’avoir un petit pouvoir attire les délaissés des banlieues. Les Américains, pas idiots, complétaient ce soi-disant « contrôle » anti-islamiste par des musulmans par un second contrôle avec du personnel à eux. Ils se méfiaient, à juste titre, du laxisme français qui édicte des Règles et croit que leur seul énoncé fait peur à tout contrevenant. Les protestants n’ont pas cette crainte révérencieuse du Dieu tonnant qui assène ses Commandements sous peine de griller en enfer pour l’éternité : ils vérifient.

Selon Attali, les queues à l’embarquement de Roissy, pourtant quasi vide depuis un an, seraient dignes du métro parisien juste avant 18 heures (heure du couvre-feu), les « papiers » passant de mains en mains sans gel ni gant avant d’être rendus à leurs propriétaires, tandis que la promiscuité des sièges d’avion côte à côte et des repas servis à bord qui permettent de manger sans masque et de converser comme si de rien n’était à trente centimètres de la tablette qui renvoie les postillons sont considérés comme « normaux ». Pas question d’un siège sur deux ni de masque obligatoire. Les compagnies aériennes, si elles veulent sortir du marasme suscité par la pandémie et attirer à nouveau des clients, devront sans tarder se mettre sérieusement à faire respecter les mesures désormais banales contre la pandémie de Covid-19 (et des suivantes) : la distance permanente, l’organisation de l’embarquement, le gel et le masque systématiques. Pour ma part, au vu de ces témoignages, je ne suis pas prêt de reprendre l’avion !

Jacques Attali avoue ingénument avoir fait un aller-retour en deux jours pour aller à une réunion en Asie, c’est-à-dire à l’autre bout de la terre. Lui qui prône l’écologie pour tout le monde, il s’en dispense manifestement. Ce voyage probablement inutile, qui aurait pu être remplacé par une visioconférence, a consommé du carburant fossile qui devient rare et engendré des kilos de gaz carbonique qui dégrade le climat. Mais Jacques Attali n’en a cure, l’écologie, c’est pour les autres. Lui se targue d’appartenir à une élite hors-sol d’hypernomade – c’est lui qui le dit en 2010 –, probablement élu par Dieu lui-même pour commander par leur intelligence supérieure aux autres hommes et leur indiquer la « bonne » voie à suivre. Mais ces Commandements ne s’adressent qu’aux autres, pas au prophète lui-même. L’écologie c’est donc très bien, cela fait quinze ans que Jacques Attali la prône en économie et pour la planète, mais lorsqu’il s’agit d’agir concrètement dans sa vie personnelle, pas question.

Cet homme expert, sur éduqué et très influent qui a écrit un nombre étonnant de livres, souvent composé à partir de fiches de lecture concoctée par des petites mains qui l’admirent, a accouché de trois présidents en moins de dix ans. Sherpa de François Mitterrand, il est devenu ami avec Nicolas Sarkozy, a eu sous ses ordres François Hollande et Emmanuel Macron. C’est d’ailleurs lui qui a présenté l’actuel président au précédent, dans son propre appartement. Ces états de service le dispensent probablement, à ses yeux, de mettre en conformité ses actes quotidiens avec la morale qu’il prône. Un voyage aller et retour en avion en Asie sur deux jours n’a rien d’écologique, loin de là – un trajet aller-retour Paris-Pékin correspond à un bilan carbone d’une année de chauffage d’un foyer moyen – mais peu importe. Jacques Attali fait partie de ces hypernomades qui croient penser le monde global et se dispensent ainsi de penser leurs actes quotidiens, sans doute trop triviaux pour l’importance de leur mission.

Son témoignage dans les Échos, que je vous invite à lire, prouve deux choses : que les avions sont infects et que l’écologie c’est pour ceux qui y croient.

Catégories : Economie | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , ,

Dernier jour au Cap vert

De la musique a retenti une partie de la nuit dans la maison d’en face, le disco habituel qui remue les corps. Ici, comme en Afrique ou au Brésil, les gens sont pris physiquement par le rythme. Ce matin, l’une des jeunes serveuses de l’hôtel paraît nue sous sa robe. Je suis sûr qu’elle l’est. Ses seins menus pointent sous la toile brute et tressautent au mouvement. On dirait des cabris qui luttent pour se libérer et ces bonds fascinent. Elle a une peau de miel avec cet aspect presque translucide de la jeunesse ; pourtant elle a bien 18 ans.

L’harmattan impose toujours son voile de poussière sur le paysage. Les avions ne décollent ni n’atterrissent plus de l’île depuis quatre jours. « On » dit que demain les vols reprendront… Ce matin, très tôt, nous avons entendu un bruit d’hélices dans le ciel.

Après un petit-déjeuner tardif de pain grillé et de chèvre élastique, vamos a la playa sur le coup de onze heures. Pas la plage de la ville comme hier, mais une autre plus sauvage – et même carrément déserte – au bout d’une piste tracée dans un paysage lunaire à plusieurs kilomètres de Mindelo. Rocs noirs, plantes rares que broutent, incongrues, trois vaches, des cabanes indigènes qui se regroupent autour de quelques palmiers. La plage est belle, l’une des rares avec du sable jaune pâle, dans un écrin de rochers noirs usés par l’eau. Flotte dans l’air une odeur d’algues et de sel. L’eau turquoise est fraîche sans l’être trop. Le soleil tape dur et exige vêtements et protection lorsque nous ne sommes pas dans l’eau.

Nous pique niquons de « pan bagna » à composer soi-même sur la plage. Xavier se contente d’ail et d’huile dans son pain : un peu fort pour moi qui rajoute des tomates. Il nous invite à rendre visite au volcan qui se dresse tout près de là. « Tout près » est d’ailleurs vite dit. Il faut arpenter les champs de lave solidifiée, se tordre les chevilles dans les scories où ne poussent que les coloquintes d’âne. Une demi-heure plus tard nous abordons les pentes du volcan, pierrier glissant où deux pas en avant sont payés d’un pas en arrière avant d’atteindre le roc solide. Au sommet s’ouvre la récompense : le cratère. Au fond, les visiteurs locaux ont tracé leur prénom à l’aide de pierres alignées. On peut lire Aldida, Deniza, Jesus, Nelson, et ainsi de suite.

De retour à la plage, nous reprenons les aluguer (« à louer »), le nom des taxis ici, pour rentrer à Mindelo. L’apéritif est pris sur la terrasse de l’hôtel et réunit progressivement tout le monde pour une discussion impromptue. Il paraît qu’il y a déjà des danses dans la ville. Chacun choisit le poisson qu’il veut entre morue, thon et garupa, du « poisson rouge » selon Xavier, et qui se révèle dans l’assiette… un rouget !

Quelques personnes du groupe sont allées dans les bars avant de se coucher. Au Café Musique se donnait une « nuit exceptionnelle » avec chants et danses de groupes dans le vent, gays et travelos pour faire américain branché. Il y avait un « grand spectacle », des « peintures de corps », c’était le carnaval et le « cabaret sauvage » ! Encore une fois « la fête », la fiesta permanente avec ses trémoussements, ses battements, ses cadences, entre euphorie physique et hébétude sexuelle, dans un bruit immense et des rythmes effrénés. Il s’agit de « s’éclater », d’oublier tout présent et toute individualité pour fusionner dans le rythme et avec la foule, dans un dérèglement de tous les sens.

L’ATR 42 pour Sal, tiré par ses deux hélices ronflantes, décolle inexplicablement à l’heure, sept heures, instant où le soleil se lève. Plus de brume, pas de retard, vol sans histoire – il est toujours futile et vain de s’en faire à l’avance ! Nous apercevons l’astre émerger de l’horizon au décollage, d’abord pâle comme une lune dans les nuages du lointain, puis luisant comme une pièce d’or, enfin vermeil liquide, en fusion, vite insoutenable à l’œil. Sal la désertique s’étend sous les ailes, 6500 habitants.

FIN du voyage au Cap Vert.

Catégories : Cap Vert, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Cap Vert d’un coup d’ailes

Le Boeing 757 des Transportes Aereos do Cabo Verde – TACV – est à l’heure. Il se remplit de familles sang-mêlé et de jeunes blancs mâles aux carrures californiennes. C’est à cet instant que je découvre que certaines îles du Cap Vert sont un paradis à quelques heures d’Europe pour les mordus de planche à voile.

Le vent constant des alizés et la houle atlantique en font un haut lieu sportif. Les costauds emmènent pour la plupart leurs compagnes. Elles ne font pas de planche mais tentent de se faire une raison. Elles consultent les guides touristiques, comme celle qui commente les « autres activités » derrière moi. Elle en aura vite marre des flots bleus et de la plage immense, des autres nanas enduites d’huile et du vent éternel. Mais elle suit les muscles adorés pour les voir se dorer.

Deux sièges devant moi causent et remuent des jumeaux français de 5 ans. A l’arrivée sur les îles, alors que l’avion survole une terre sèche et jaune, à peine plantée de rares buissons ras, l’un d’eux élève la voix : « maman, on est au Cap Vert ? Mais pourquoi c’est pas vert, maman ? On n’est pas au Cap Vert ! »

Je n’imaginais pas qu’il fallait autant de temps pour venir d’Europe : 5h40 de vol ! Nous changeons d’avion à Sal pour joindre l’île de Sao Vicente au nord. L’aéroport « international » est tellement vide que nous traversons les pistes à pied pour gagner l’aérogare. Grand soleil et grand vent. Odeur salée inimitable des îles atlantiques.

Nous avons à peine le temps de faire connaissance avec un Xavier à l’allure de titi provincial en sandales, rougi par les tropiques, que nous rembarquons dans un avion à deux hélices et deux dizaines de sièges. Une famille mêlée nous suit dans notre périple. Difficile d’attribuer les enfants aux parents. Il y a un père blanc, une mère métisse, une mère blanche. Les enfants vont du café au lait au blanc blond. L’aîné, le garçon, peut avoir huit ans, la charpente fine, les cheveux crépus presque blonds, les yeux gris bleu, il a surtout un profil délicat de gazelle, le nez allongé aux narines bien dessinées. Métis de noir, de portugais, de français, un peu d’arabe et d’autres origines encore, il est superbe. Il cajole et embrasse la plus petite des trois fillettes qui lui ressemble un peu, en plus rond.

Un touriste feuillette le guide Olizane sur le Cap Vert. Une locale de la haute, un siège en arrière, s’y reconnaît en photo aux côtés de Cesaria Evora, la célèbre chanteuse de morna aux pieds nus. Elle engage la conversation. Le touriste dirige un groupe de presse professionnelle sur le tourisme ; la Capverdienne travaille à la compagnie aérienne.
Sao Vicente pointe ses sommets rocheux et laisse apparaître ses falaises découpées.

L’avion pique vers le sol. A cent mètres au-dessus des flots, il s’engage entre les falaises, dans une anse. Le vent qui fait moutonner la mer secoue la carlingue. A voir une tour blanche défiler par le hublot sur la gauche, j’ai l’impression d’un bateau entrant au port. Il s’agit d’ailleurs du phare de Ponta Machado. La piste est installée dans l’échancrure de San Pedro, orientée à l’ouest face aux vents dominants venus d’Afrique. Et l’on se pose en douceur.

Nous sommes douze dans le groupe, avec Xavier, presque la moitié de l’avion à nous tous seul. Nous récupérons les bagages et nous nous entassons dans trois taxis, trois larges Mercedes 240TD qui datent. La nôtre affiche déjà 236 431 km au compteur et dépasse difficilement les 90 km/h. Après une dizaine de kilomètres pour rejoindre la ville, le totalisateur kilométrique n’aura pas bougé…

Catégories : Cap Vert, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , ,

Cartes postales

Depuis que l’Etat-papa autorise ses enfants à sortir de la maison et, pour les plus grands, à aller vaguer au-delà de 100 km autour du domicile, un air de vacances a saisi les Français. Ce n’est pas encore l’étranger, mais presque : les frontières européennes sont plus ou moins ouvertes (avec quatorzaine pour entrer dans certains pays), pas encore le grand large.

C’est le moment de se replonger dans le passé pour voir comment les voyages ont été vécus. Pour cela, la collection familiale de cartes postales est un trésor inépuisable. Certaines datent de la fin du XIXe siècle déjà ! Mais oui, on écrivait en ce temps-là et la Poste fonctionnait.

C’était la grande époque du chemin de fer, pas très brillant ni confortable, pas vraiment rapide malgré les noms qui le laissaient espérer : « express », « rapide », « direct » … En réalité, ils s’arrêtaient moins mais n’allaient pas plus vite. En 1939, un oncle de mon père notait même qu’il pleuvait dans les wagons et que l’averse avait fait ralentir le train Paris-Lille à 30 km/h ! La culture de l’excuse SNCF ne date pas d’aujourd’hui. Je reste toujours étonné que le Canada, la Suède ou la Russie fassent rouler des trains par -30° centigrades alors que notre franchouille ferroviaire connait immédiatement des « retards » et des « encombrements » par -5°. « On ne l’avait pas prévu ! » Ah bon ? Pareil pour la chaleur, les trains roulent en Espagne par +45° mais pas en France où le fer a le rail qui s’dilate, la caténaire en galère et le chauffeur en touffeur. Je m’en foutisme ou fonctionnariat syndical adepte du perpétuel petit travail tranquille ?

Les vues envoyées, en sépia ou en noir et blanc sur cartoline assez forte, montraient presque exclusivement la France (quelquefois le nord de l’Italie), et principalement des villes de garnison (pour les jeunes envoyés au « service »), des villes d’eau (pour les bourgeoises adeptes de la « cure »), ou les provinces traditionnelles des vacances à l’hôtel : Normandie (car pas trop loin de Paris), Bretagne (plus exotique et surtout vivifiante), la Provence (pour le soleil, malgré l’ail et l’assent). Un déjeuner tout compris (service et boissons) revenait à 353 francs 1953, soit 3.53 francs 1958, soit 8.02 euros compte-tenu de l’inflation. Aujourd’hui, avec les taxes et charges sociales, en France t’as plus rien.

L’évolution des textes avec les années est révélatrice. Au début du précédent siècle, on parle surtout nourriture puis, après-guerre (la Première), climat : il fait beau, il pleut, il y a du vent – donc de la chance ou pas de chance. Sautons une guerre (la Deuxième) et surgissent le grand air, l’air pur, le calme ; le scoutisme est passé par là, et les maquis de la Résistance. Les gens sont plus nature, dégagés des soucis matériels (Sécurité sociale, emploi de reconstruction des Trente glorieuses, première automobile) et lassés de la ville ou de la villa banlieue.

Les années 1970 élargissent l’horizon. Les cartes sont de plus en plus envoyées de l’étranger comme si l’on avait presque honte de passer ses vacances en France (comme les vieux). Sauf les familles avec enfants petits qui adorent la plage comme on adore la Vierge Marie chez les cathos, quoiqu’avec la pointe de sensualité supplémentaire d’aller en habit de peau un mois durant. Les commentaires sont sur le bain, le garçon qui nage comme un poisson et ne porte jamais de vêtement, les copains de la plage qui font pareil « même sous la pluie ! », la fille qui ne veut pas porter de haut de bain à 12 ans comme les garçons ou qui s’obstine à faire de la balançoire sans avoir mis de culotte sous sa robe courte à cause de la chaleur, « vous vous rendez compte ! ». Mais c’est l’Espagne qui a la cote, pas trop loin, pas chère, avec des plages immenses et un exotisme quasi arabe dans le grand sud. L’Italie remporte les suffrages des adultes qui se cultivent en visitant Venise, Florence, Rome, Naples et Pompéi. La Grèce fait son apparition avant L’Egypte puis la Turquie.

Le Royaume-Uni est la destination des ados en séjour linguistique ; ils se disent en général contents (mais la bouffe et la conduite à gauche en vélo les désorientent). Ils sont aussi surpris que les Anglais fassent souvent coucher les garçons dans le même lit. La même carte précise que le mois d’août est très chaud et, surprise ! qu’il ne pleut pas tout le temps.

Je retrouve sur les cartes postales des anecdotes familiales très anciennes, datant des grands-parents, lorsqu’ils étaient jeunes et pas encore mariés et se traitaient de « mon chéri » en 1911. Durant la guerre de 14, ils montraient le souci de savoir qui de connu au village avait été blessé ou si l’on avait bien reçu le colis. Beaucoup de soldats ou de jeunes partis en ville annoncent leur venue par carte postale vite écrite bien longtemps à l’avance car, avec les trains, même une fois la guerre finie, on ne sait jamais.

Au début des années 1950, c’est le temps des stages pour les parents – loin des maisons familiales. Caen est en ruines et des bâtiments neufs surgissent de terre, comme à Brest ou au Havre. Cela fait « moderne » et nouveau monde… avant de devenir triste et entassé. Les fins de semaine (du samedi après-midi au dimanche soir) sont l’occasion de visiter les alentours et d’aller « manger une omelette de la mère Poulard » au Mont Saint-Michel ! Le voyage de noces se fait en car, moins cher et plus souple que le train, pour aller visiter la grande bleue en passant par toutes les villes intéressantes : Limoges, le barrage du Castillon, les gorges du Verdon, Avignon, Aix, Nîmes, Cannes, Menton – et même une incursion d’une journée à Gênes (sans passeport), quelle audace !

On apprend que le père n’avait jamais pris le bateau avant d’aller de Marseille à l’île d’Aix, ni ne savait nager avant de s’être plongé en Méditerranée. On apprend que la mère a voyagé seule en Algérie (alors département français) et qu’elle a pris l’avion, un Dakota Douglas DC3 non pressurisé de Marseille à Alger qui volait à 2300 m d’altitude ; qu’elle a vécu en camp de toiles puis en auberge de jeunesse avant d’aller visiter en car Philippeville où les femmes « arabes » étaient rares dans les rues – et voilées. On apprend que le jeune oncle à l’époque enchaînait les colos pour se faire de l’argent de poche durant les vacances tandis que l’autre, officier du génie, détournait les mineurs (en bouchant une entrée de mine mal stabilisée). Que les grands-pères emmenaient les grands-mères systématiquement en vacances dans la maison familiale de leurs propres père et grand-père, « retapée » en vue de la retraite. Dans leur nouvelle 4CV Renault dont le moteur faisait bzzt ! bzzt ! comme une abeille, ou en Dyna Panhard, véhicule que j’ai toujours trouvé fort laid avec un bruit de casserole. Curieusement, j’ai toujours eu le mal de la route en Panhard, rarement dans les autres véhicules.

Dans les années 2000, la famille décrit la pousse des petits, offre des nouvelles des vieux, s’informe des jeunes qui étudient ou commencent à travailler, dit qui envisage de se marier. Les liens se distendent, la correspondance fait moins recette que le téléphone, en attendant l’Internet. Le virtuel ne laisse que peu de traces, rares sont ceux qui enregistrent leurs communications Skype ou autres. L’aujourd’hui se méfie même des réseaux sociaux et ne dit plus rien d’intime ni de compromettant, ne publie plus de photos qui soient interprétables (par une ex, un patron, un juge, un ennemi). La Poste devient aussi en retard et peu fiable que le train, toujours par ce même je m’en foutisme de « service » public (qui « sert » surtout à être payé, être garanti d’emploi et de retraite). D’où l’invention de la « lettre suivie » pour ne pas qu’elle se perde ! Avec un tarif plus cher, comme de bien entendu.

L’envoi des cartes postales se raréfie depuis des années. Avec la télé et le net, à quoi cela sert-il de montrer des vues du pays ou du monde ? Avec le téléphone mobile et les courriels, à quoi cela sert-il de correspondre par carte ou lettre ? L’écrit se perd et la parole est d’or, mais surtout l’écrit reste et la parole s’envole. En notre époque de zapping et en notre pays de particulière méfiance envers les autres, mieux vaut écrire le moins possible et en dire peu.

Catégories : Société | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Argo de Ben Affleck

La prise d’assaut de l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran le 4 novembre 1979 reste une épine dans l’orgueil des Etats-Unis ; Trump et les trumpistes ne l’ont toujours digérée quarante ans après. Ben Affleck, sentant le vent patriote, en a fait un excellent thriller politique. Je l’ai vu trois fois depuis sa sortie et je l’ai à chaque fois apprécié. C’est une « belle histoire » avec héros sans peur et sans reproche, cow-boy des temps modernes, et glorification patriotique quoiqu’ait fait le pays (Right or wrong, my country, ont coutume de réciter les Anglais). Ainsi qu’une rébellion anti-bureaucratie traditionnelle chez les pionniers yankees volontiers libertariens.

Pas grand-chose n’est « vrai » dans le film mais tout est plausible. Le sens du détail met l’action en haleine et reconstitue les cheveux mi-longs, les lunettes carrées aux grands verres, les moustaches de machos homos un brin ridicules de cette fin des années 70. Quelques scènes sont mêmes drôles dans le drame.

Ce 4 novembre (jour de Thanksgiving au pays), les « étudiants » iraniens poussés par les « gardiens » de la révolution, avec la bénédiction de l’ayatollah Khomeiny, sautent les murs de l’ambassade américaine perçe comme « un nid d’espions ». Espions qui n’ont cependant rien vu de la révolution islamiste et n’ont rien prévu de la colère « populaire » (manipulée par le pouvoir). Durant les deux heures de résistance des Marines à l’aide de gaz lacrymogènes, six diplomates de faible rang décident de sortir par la porte de derrière dans une rue où il n’y a personne (les gardiens gardent mal « la révolution »).

Ils seront hébergés ici ou là par les ambassades amies, mais le film balaye ces digressions en concentrant toute l’histoire sur l’ambassadeur du Canada. Ken Taylor (Victor Garber) héberge ses six « invités » dans sa résidence durant soixante-neuf jours, le temps que la bureaucratie de Washington trouve laborieusement une solution.

Le secrétariat d’Etat (qui s’occupe des affaires étrangères) n’a jamais vu ça, n’a jamais rien prévu, et envisage des options folkloriques comme un périple de 500 km en vélo jusqu’à la frontière turque en plein hiver, ou la requalification des diplomates en professeurs d’anglais alors que les écoles sont fermées depuis 8 mois en Iran. La CIA mandate un expert ès exfiltrations Antonio Mendez (Ben Affleck) pour trouver un plan.

Alors que celui-ci, séparé parce qu’il est trop souvent en mission, parle au téléphone avec son fils de 10 ans, il se cale sur la même chaine de télé que le gamin regarde à des centaines de kilomètres de là et il lui vient une idée (comme quoi la famille, la filiation…). Le film est l’un de la série Planète des singes et le décor désertique ressemble à certains paysages d’Iran. Pourquoi ne pas déguiser les six de l’ambassade en pros du cinéma canadiens cherchant un lieu de tournage pour un film de science-fiction ? Sans femmes à demi-nues et neutre politiquement.

Commence alors une intoxe classique de services secrets : mandater un imprésario, se mettre en accointance avec un producteur connu, acheter un script, lancer la publicité à Hollywood pour que la presse en parle, éditer une affiche, trouver un bureau de production avec carte de visite officielle. Cela prend quelque temps, d’autant plus que les fonctionnaires des affaires étrangères sont dubitatifs, préférant le droit (dont le Khomeiny se fout, n’obéissant qu’à la loi d’Allah, soit celle du plus fort). Le président Carter, jamais réputé pour son allant, hésite, renonce, préfère une version militaire Delta Force (qui échouera dans le désert car le sable en tempête n’était pas prévu…).

Dans le film, l’agent de la CIA a tout minutieusement préparé, avec ce sens du détail qui fait le sel d’une intoxe réussie. Il a pris des cartes de débarquement vierges, obtenu l’autorisation du ministre de la culture iranien de faire des repérages avec sa fausse équipe, falsifié les authentiques passeports canadiens (donnés bénévolement par Ottawa) pour leur donner le tampon de sa propre arrivée deux jours avant, motivé les otages sur leur bio fictive. Lorsqu’on lui annonce par fil crypté, la veille du départ, que tout est annulé par ordre présidentiel (invention du scénario), il réfléchit au whisky avant de se décider : il le fera quand même. Il prévient son patron et raccroche avant que celui-ci ne puisse rétorquer.

La CIA doit donc en urgence absolue recontacter le secrétaire d’Etat (en vrai célibataire mais dans le film flanqué d’enfants par l’école desquels on parvient à passer le barrage téléphonique), et enfin faire « confirmer » les billets d’avion. L’histoire ne serait pas bonne si cela ne survenait pas in extremis, alors que le premier passager est devant l’hôtesse.

La suite de l’exfiltration est de la même eau : captivante et sans cesse au bord du gouffre, mais sans un brin de vrai dedans. Le dernier contrôle des gardiens de la révolution dégénère en farce, les gros balourds barbus se laissant charmer par la belle histoire du film que leur conte en farsi l’un des otages, tandis qu’un autre va téléphoner au bureau du producteur à Los Angeles, où les deux compères qui doivent répondre en sont empêchés par un tournage merdique jusqu’à la seconde fatidique. Une fois dans l’avion, la stupidité d’un bureaucrate d’ambassade ayant réalisé un trombinoscope de tous les diplomates américains présents qui a été reconstitué après déchiquetage par des gamins exploités par la révolution, permet de visualiser les évadés. Un chef des gardiens s’aperçoit que l’un d’eux est l’un des pseudo-réalisateurs du film ! La milice armée se précipite, course en pick-up le Boeing 747 qui a eu l’autorisation de décoller… et échoue d’un rien en fin de piste. La technologie Boeing vaut quand même mieux que les 4×4 miteux des mollahs !

Si non e vero, e ben trovato, disent les Italiens : si c’est faux, c’est bien trouvé. L’Amérique reconstitue l’histoire à son profit afin de compenser ses manques et ses échecs. C’est un brin pitoyable mais un beau spectacle pour nous qui sommes autres. Prenons-le comme un thriller réussi, il le mérite.

DVD Argo, Ben Affleck, 2012, avec Ben Affleck, Bryan Cranston, John Goodman, Alan Arkin, Kyle Chandler, Tate Donovan, Clea DuVall, Christopher Denham, Rory Cochrane, Scoot McNairy, Kerry Bishé, Victor Garber, Warner Bros 2013, 1h55, €7.45 blu-ray €2.77

Catégories : Cinéma | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Jules Roy, La vallée heureuse

Jules Roy avait 33 ans – l’âge du Christ à sa mort – en 1940. Officier d’aviation, il conte ici sous forme romancée ce que fut sa vie de capitaine de bombardier Halifax B dans les Forces françaises libres en Angleterre à partir de 1943 dans le groupe de bombardement Guyenne.

Les bombardiers Halifax B sont de gros bourdons (30 tonnes en charge) bruyants, lents (426 km/h maxi) et peu manœuvrant qui volent en essaims et se font descendre soit par la chasse adverse, soit par les canons au sol. Sur 1200 ou 1500, quelques pourcents ne reviennent pas. 82 773 opérations de Halifax B ont largué 224 207 tonnes de bombes sur les nazis et ont perdu 1 833 unités durant toute la guerre sur 6000 avions construits, soit environ un sur trois. Mais il arrive qu’un avion parvienne à atterrir, endommagé et avec des morts à bord. Les pièges sont la flak bien-sûr, les chasseurs ennemis, mais aussi les pannes au décollage ou à l’atterrissage et les collisions en vol avec les collègues qui volent aux instruments, en formation serrée. Ou parfois une colline, sur le sol anglais au retour, mal estimée dans le brouillard…

Lui est guerrier de métier mais nombre des pilotes, mécaniciens, navigateurs ou mitrailleurs sont des civils engagés pour résister. Tous forment une équipe de bombardement, soumis au même avion, aux mêmes missions, aux mêmes aléas de la chance. Au sol, ils ne copinent pas ; en vol, ils sont une famille. La treizième mission est particulièrement angoissante en raison de la superstition christique de la Cène où le treizième compagnon a trahi. La trentième mission est la pire car elle est théoriquement la dernière, les études ayant montré que les volants connaissaient trop de stress au-delà. Bien-sûr, la pénurie de relève oblige parfois à dépasser ce cap… L’auteur effectuera 36 missions dans le Squadron 346 Guyenne créé le 15 mai 1944 sur la base de RAF Elvington, dans le Yorkshire. Le groupe effectuera 118 missions entre juin 1944 et avril 1945 et 18 équipages seront perdus, soit 15%.

Chevrier est Roy en son domaine, chef du Halifax B, quadrimoteur Rolls Royce conçu en 1937 et actif pour la première fois en mars 1941. L’avion restera opérationnel dans l’Armée de l’air française jusqu’en 1952. S’il a bombardé Le Havre en sa toute première mission, cet avion était destiné à surtout bombarder la Ruhr – surnommée « la vallée heureuse » – avec ses 2000 km de rayon d’action. Ce seront Mannheim, Stuttgart, Berlin parfois, Goch près de Clèves, à la princesse bien connue des profs après Sarkozy. A chaque fois, le bombardant ne se préoccupe pas des bombardés, il accomplit son travail comme un ouvrier dans l’industrie de la guerre. Il ne voit pas l’ennemi, ni les corps déchiquetés, ni les civils pris au piège ; il veut la fin de la guerre contre la barbarie et, pour cela, accepte la barbarie de toute guerre. Croit-il en Dieu ? Oui, mais guère en l’Eglise. Doute-t-il du bien-fondé de sa mission ? Oui, mais que faire lorsque votre pays est aux mains de l’ennemi, sinon combattre ?

Ce sont ces doutes, ces actes de courage pour faire son métier malgré tout, ces relations humaines attentives aux autres hommes et aux quelques femmes lors des permissions, qui font de ce roman vrai une œuvre de la littérature de guerre.

Prix Renaudot 1940, décerné en 1946

Jules Roy, La vallée heureuse, 1946, J’ai Lu leur aventures 1967, 187 pages, €3.89 occasion

Catégories : Livres | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , ,

Adultes mais diminués

De temps à autre, au détour d’une conversation, je me rends compte que les gens que je peux côtoyer tous les jours ne vivent pas dans le même monde que le mien, ni au même rythme. L’histoire peut avoir plusieurs vitesses.

À l’occasion d’un emménagement, les deux hommes qui ont monté les meubles et les cartons dans le camion ont déclaré qu’ils n’avaient jamais pris l’avion. Djamel, Algérien d’origine élevé à Marseille, devait justement le prendre pour la première fois de sa vie, d’Orly à Marseille–Marignane, la semaine suivante. Il avoue : « j’ai la trouille… on m’a dit, c’est surtout au décollage, mais à l’atterrissage aussi ». L’autre, un franchouillard de banlieue, a acquiescé : « oui, moi non plus je n’aime pas. Je n’ai pas envie de commencer ». Djamel : « je crois qu’avant, je vais me prendre quelque bières, histoire de dormir pendant le vol, quoi ».

Ces gros machos qui en rajoutent, roulant tout à l’heure des mécaniques en soulevant l’un de mes cartons remplis de livres d’art : « ouf ! Ça, c’est pas un carton de pédé ! », ont la trouille de simplement prendre l’avion. C’est le fait de la télé et de l’amplification de l’opinion. Je découvre un pan du monde où la frilosité naît de l’ignorance, où le conservatisme est viscéralement une réaction de peur devant l’inconnu et la nouveauté.

On pourrait me rétorquer qu’il faut avoir les moyens de prendre l’avion. Erreur : ce n’est plus le cas aujourd’hui, et cela depuis quelque temps déjà. Les tarifs promotionnels d’Air France sur Marseille, par exemple, sans parler des compagnies low cost, rendent le voyage moins cher que le train et à peine plus qu’à deux en voiture par les autoroutes à péage. Encore faut-il le savoir, s’informer, donc écouter ou lire. Les agences de voyages sont désormais partout, y compris en banlieue, mais il faut faire la démarche de chercher. Tout le monde n’a pas accès ou ne sait comment prendre Internet encore aujourd’hui.

Car ce processus cumulatif de vouloir et de savoir chercher commence dès l’enfance. Les mauvais élèves resteront des adultes diminués, craignant tout ce qui change. La curiosité, l’ouverture au monde, l’attrait du nouveau ou du neuf sont un apanage de l’enfance dont les petits cancres sont pourvus comme les autres, et peut-être plus que les autres. Mais cela s’amenuise dès l’adolescence je l’ai constaté moi-même au service militaire, et disparaît complètement dès l’entrée dans le couple et dans la vie professionnelle. Un garnement plein d’initiative et de vie devient un adulte falot trop rangé.

Est-ce un trait national français, issu d’une culture d’origine paysanne ? Faut-il incriminer l’organisation éducative qui récompense la conformité et le caractère placide ? Ou l’esprit national fonctionnaire, hostile à toute prise de risque et à toute aventure ? Ou encore l’enracinement catholique, envieux de toute « inégalité », jaloux de tout « tempérament », cupide devant toute « fortune » ?

Plus profondément, ne pas savoir, c’est craindre. Réflexe de survie : l’angoisse naît de l’ignorance. La mort est l’ignorance suprême or, en avion, le passager est complètement dépendant des conditions météo, de la mécanique, de l’équipage, d’éventuels terroristes. Lorsque l’angoisse devient insupportable, les illusions offrent un refuge commode : l’idée de paradis, la vie communautaire de secte, les croyances occultes, l’alcool, la drogue, les somnifères, etc.

Pour moi, rien ne vaut un bon livre ou encore Internet pour creuser la question et raisonner sur le sujet. Mais l’éducation nationale produit peu de personnalités assez sûres d’elles-mêmes pour se forger une opinion hors du bouche-à-oreille et du conformisme ambiant.

Catégories : Société | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

En avion vers Santa Elena de Uairen

L’avion est moins éprouvant qu’hier ; les turbulences sont plus faibles. Le temps, pourtant, est plus nuageux. Le Cessna entre même entièrement dans le coton, au grand dam de Françoise qui se demande si l’on ne va pas brusquement rencontrer un autre avion. Le paysage est de forêts et de tepuys. L’avion suit la rivière en la remontant, puis franchit un plateau. Cap à l’ouest. Suivent des plaines ; ces llanos sont verdoyants mais peu habités. Parfois s’élève du sol la fumée d’un brûlis. Javier nous dira qu’il s’agit aussi de messages de chasseurs qui signalent ainsi leur retour au camp.

L’aéroport de Santa Elena de Uairen est à la frontière du Brésil. Il n’accueille que de petits avions sur sa piste en terre. Il fait, au sol, une chaleur lourde. Deux Toyota land cruiser puissants nous attendent. Ce seront nos montures. Elles nous conduisent quelques kilomètres plus loin dans l’immédiat, pour prendre le déjeuner dans un restaurant en bord de rue. Chacun se sert au buffet sous vitrine et le plat se paie suivant son poids. Javier se sert copieusement ; il a faim. Je goûte une saucisse cuite du Brésil ; elle est un peu grasse et salée pour mon goût mais elle a du parfum. Nous allons à l’heure de la sieste acheter du rhum par cartons de trois bouteilles dans la liquoreria du coin. Il nous en faut pour une semaine !

Nous reprenons la route, presque toujours droite et bien goudronnée. Le chauffeur y fonce à 120 km/h, parfois jusqu’à 140 ! Dans cette plaine, selon le chauffeur, ont été tournées des scènes du film Jurassic Park (mais le principal au Costa Rica). Sur le chemin, nous bifurquons vers une cascade, bien faible en saison sèche comme en ce moment, mais au lit de roches rouges aux dépôts métalliques noirs de toute beauté. Serait-ce du jaspe ? La roche est semblable à de la laque chinoise, dense et satinée. Le jaspe est issu de quartz dissout par une eau riche en gaz carbonique, il se recristallise en calcédoine une variété de couleur rouge est appelée jaspe. Rien d’étonnant à ce que la rencontre de massifs anciens, quartzifères, et de la végétation équatoriale riche en décomposition carbonique, donne cette précipitation cristalline. Nous nous dévêtons pour nous mouiller sous la faible cascade. L’eau est froide mais fait du bien.

Les 4×4 poursuivent la route jusqu’au « village des porteurs », San Francisco, où nous retrouvons nos sacs numéro deux, laissés avant de prendre tous les avions ces derniers jours. Ils sont dans une pièce de la maison du chef des porteurs. Il ne nous accompagnera pas, au contraire des groupes précédents, car il s’est foulé la cheville avec le dernier groupe. La pièce principale qui contient nos sacs est envahie de meubles de cuisine en bois peint avec des jouets d’enfants exposés dessus : poupée, char, camion. Nous y buvons une bière Polar Ice. Sous les auvents des maisons voisines jouent de toutes petites filles, sous la surveillance d’une femme et d’un jeune garçon qui sculpte une sarbacane au couteau. En nous voyant débarquer à une dizaine de mètres de là, il quitte son travail pour rentrer dans la maison. Quand il ressort, une minute plus tard, il a enfilé un tee-shirt. Il veut paraître « civilisé » à nos yeux venus du nord. Gheerbrant décrit la même attitude dans les années 40 : les Indiens de la forêt vivent quasi nus mais ils enfilent un pantalon et une chemise lorsqu’ils rencontrent des Blancs. Ce n’est sans doute pas le meilleur legs des missionnaires depuis la découverte de l’Amérique…

Nous remontons dans les 4×4, bagages sur le toit, et c’est la piste en terre sous une petite pluie qui heureusement ne dure pas car elle rendrait le chemin nettement plus difficile aux voitures avec ses profondes ornières. Le chauffeur pousse des pointes jusqu’à 80 km/h quand l’horizon est dégagé. L’aide-chauffeur regarde la route au loin et signale d’un geste du doigt les obstacles ou les meilleures voies.

Le premier campement est installé sur une hauteur, à proximité d’un point d’eau, non loin du village de Paratepuy. Nous sommes dans un parc national, celui du Roraïma. Nous apercevons le plateau massif au loin. Nous le grimperons bientôt.

Les tentes sont plus petites qu’à l’habitude mais suffisantes pour deux – sans les sacs. Le décalage horaire se fait encore sentir. Il nous donne sommeil vers 21 h ici pour nous éveiller vers 5 h le matin. Mais une « bonne nuit » n’est pas seulement question de rythme, sa durée compte aussi. Nous nous levons peu avant le soleil, tirés du duvet par l’agitation des autres. C’est un peu vain car les inhabitués des treks mettent un temps fou à fouiller dans leurs sacs puis à ranger leurs affaires. Ce premier jour est d’ailleurs tout en désordre. Chacun – moi y compris – cherche à rééquilibrer les choses entre les trois sacs décrits par Javier le premier soir : celui d’avion, celui de jungle et le grand sac à porteurs. Ces derniers doivent soupeser et pondérer leur charge, transportée sur une claie d’osier. Chacun prend un sac de touriste et ajoute quelques ustensiles de cuisine ou quelques boites de conserve. Le total de la charge doit approcher les 40 kg.

Les nuages, sur le plateau du Roraïma, se lèvent avec la chaleur qui monte, dégageant pour nous la forme en table caractéristique du tepuy. Cette élévation brusque et incongrue dans le paysage de collinettes fait des tepuys des lieux sacrés pour les Indiens. Le Roraïma étant le plus élevé et l’un des plus vastes en superficie, il en est d’autant plus sacré.

L’autre tepuy qui l’accompagne, séparé par une vaste faille, est encore plus sauvage et porte le nom de Kukenan, mais il est interdit au tourisme depuis qu’un petit garçon s’y est perdu, il y a quelques années. Malgré les secours qui ont arpenté le terrain plusieurs jours, son corps n’a même pas été retrouvé. C’était un petit Vénézuélien des villes venu là avec son grand frère et la fiancée de celui-ci. Nul ne sait ce qui s’est passé et la version officielle est celle qu’a déclarée le couple : le gamin n’a pas retrouvé le chemin et s’est perdu. On dit qu’il était peu probable qu’il se perde à cet endroit et qu’il avait accompli l’itinéraire plusieurs fois. Alors, a-t-il eu un accident dont le frère est responsable, par imprudence ou volontairement ? Toujours est-il que personne n’est plus autorisé à y monter.

Catégories : Venezuela, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

El Salto de Angel

Nous nous levons facilement dans le petit jour brumeux car il est plus tard que tu ne penses – décalage horaire oblige. La favela a produit de la musique encore plus tôt, quelqu’un qui se levait avant l’aube, mais les rues sont désertes lorsque nous sortons : c’est dimanche. Nous allons petit-déjeuner dans une boulangerie-café qui se comme Flor da Castilla en souvenir de l’Espagne. Les croissants y sont des monstres, tout comme les pavés de bœuf hier. Il semble qu’au Nouveau monde tout se doit d’être gigantesque, symbole d’abondance, de nouveauté radicale. Mais le jambon qui accompagne les œufs est en boite : on ne produit pas de cochonnerie au Venezuela ; on ne produit pas grand-chose, d’ailleurs.

Sur la route de l’aéroport, domestique cette fois, un « accident » crée un bouchon. Les Latins sont particulièrement badauds et toutes les files ralentissent pour regarder avidement « le malheur ». Il n’y a de fait que des tôles froissées et de grandes discussions. Aucun blessé. Les badauds sont déçus, ce qui se sent parce qu’ils accélèrent aussitôt après. Dans les bennes des pick-up à l’américaine qui roulent vers la mer, des enfants sont le plus souvent assis. En débardeurs ou le torse nu à la poussière, ils rient de la vitesse. Ils vont sans doute à la plage, en pique-nique dominical – évidemment sans aucune ceinture de sécurité. Cela ne fait rien : s’ils ont un accident et meurent, on en refera d’autres.

A l’aéroport, une vitrine de librairie-kiosque présente toute une série de livres en espagnol sur les niños indigo. Je me demande de quelle race d’extra-terrestres il s’agit. Javier me dit qu’il s’agit de ces « nouveaux gamins aux pouvoirs de l’esprit plus évolués. » C’est très à la mode, ici en 2004, pas moins de quatre titres différents sur le sujet. Encore une fois, l’Amérique du sud est en retard. Je me souviens avoir lu des articles sur ces interrogations dans les années 1960 ! Nous ne connaissons plus en France que les numéros indigos, pas les gamins. En fait, il faut songer au télescopage des générations. Les enfants d’ici, comme ceux de l’Europe des années 1960, ont des parents encore élevés à la terre, devenus citadins depuis peu. Leurs enfants, eux, ont été complètement immergés dans la ville, confrontés très jeunes à toute cette modernité : télévision, jeux vidéo, ordinateurs, internet. Quoi de plus normal qu’ils n’aient pas la lenteur d’esprit de leurs parents, le côté emprunté de ceux qui doivent d’abord lire un manuel avant de toucher un matériel ? Les enfants « indigo » ne sont que les enfants du monde d’aujourd’hui. Je note d’ailleurs que le Venezuela n’est pas un pays très « littéraire » : l’anthologie de nouvelles sud-américaines que je lis, Les histoires d’amour de l’Amérique latine (Métailié 1992), rassemblées par Claude Couffon, grand traducteur des années 1970 et 80, mentionne des auteurs de l’Equateur et même du Paraguay mais aucun du Venezuela. Le pays produit-il plus de machos mineurs que de sensibles écrivains ?

Les caractères de l’enfant « indigo » sont relevés dans les livres. Il suffit de compter au moins sept indices de ce qui suit. Il mange peu ou est allergique à certains aliments. Il a un ami imaginaire avec qui il communique. Il présente des signes de déficit d’attention ou d’hyperactivité. Il apprend plutôt par l’expérience que par l’étude. Il peut mettre son attention sur plusieurs choses à la fois par exemple lire et regarder la télé. Il se lasse facilement, quand il a fait le tour d’un sujet, il passe à autre chose. Il est réfractaire à l’autorité. Il demande souvent « pourquoi ? ». S’il ne sent pas une attitude compréhensive de la part de son entourage, il peut être très introverti. Il se comporte comme un « petit adulte ». Il se sent  » étranger  » à son milieu. Il préfère la compagnie de plus grands. S’il a de l’énergie en surplus, il va la décharger à l’extérieur avec violence ou par les jeux vidéo. Bébé, il comprenait tout ce qu’on lui disait, il savait très bien communiquer par le regard avant de savoir parler. Ses capacités télépathiques sont développées, il « lit dans les pensées ». Emotionnellement, il présente une maturité au-delà de son âge. Il peut être perçu facilement comme un perturbateur en groupe car il a du charisme, il est leader. Il a une façon personnelle de faire les choses et ne se conforme pas à la norme Il a un fort sentiment de sa propre valeur qu’il va toujours garder à moins que l’entourage ne le modèle autrement. Ces caractéristiques sont extraites du livre de José Manuel Piedrefita Moreno, Enfants Indigo – la nouvelle génération, manuel pratique pour parents et éducateurs, aux éditions Vesica Piscis du Venezuela. Arthur Colin en France, dans L’Enfant indigo paru en 2003 préfère insister sur les « pouvoirs étranges » de ces nouveaux enfants « capables de distinguer les auras des gens, ou encore de lire dans leurs pensées ».

Nous prenons un antique DC 9 d’Aeropostal, la compagnie intérieure qui commémore par son nom le franchissement des Andes par les pionniers de l’aviation obstinés à faire passer le courrier. Je suis assis à côté d’un Anglais qui vit depuis treize ans aux Etats-Unis où il travaille dans les mines. Depuis Denver, Colorado, il vient au Venezuela pour deux semaines, avant d’aller au Canada, puis ailleurs encore. Il prépare en même temps un MBA pour devenir directeur. Et le voici qui lit un livre sur l’éthique des affaires où les chapitres évoquent le darwinisme social et les idées de Marx. Il m’avoue que c’est pour lui de l’hébreu qu’il ingurgite comme un pensum. Il n’est pas, comme nous Français élevés dans les années 70, qui sommes tombés dans le marxisme étant petits.

Nous ne quittons l’avion à Puerto Ordaz que pour en prendre un autre, un tout petit Cessna 206 à cinq places, cette fois. Nous allons dans le sud, par-delà les llanos, cet océan d’herbes géantes qui va des Andes à l’Orénoque, par-delà les affluents du fleuve immenses et les lacs. Pas de piste, ou presque – et il faudrait des jours. L’avion saute par-dessus tous ces obstacles. Nous survolons le rio Paragua, puis le Caroni.

Ils sont beaux vus d’en haut, brillants et dessinés comme des rubans. Les eaux paraissent noires ou brunes et les petites îles ocres. Nous survolons un bon moment un gigantesque lac intérieur, à l’échelle du pays : l’embalse de Guri. Un barrage produit de l’électricité à l’une de ses extrémités, là où un rio violent vient s’y jeter. Suit la selva monotone, moutonnant de vert printemps. Quelques têtes mauves d’arbres fleuris tranchent sur les nuances du vert. Parfois, un rio jaune d’or serpente entre les arbres avec des paresses de serpent qui se love.

El Salto de Angel – le saut de l’ange – est une cascade célèbre qui tombe de haut. Elle est la plus grande du monde, 979 m ! Son nom vient en fait du nom de famille de l’aviateur américain qui l’a découverte. Jimmy Angel, chercheur d’or, a posé son avion en panne sur le plateau au sommet en 1937. Notre avion vrombit en piquant sur la chute, amorce un virage sur l’aile qui fait tourner la tête, revient en une longue boucle pour que l’on prenne la photo sous un autre angle. La chevelure d’eau blanche s’effile sur le roc d’un noir-brun. En bas, autour, s’étend la forêt, la sempiternelle forêt impénétrable, inexplorée. Nous sommes entrés dans la région des tepuys, ces vastes plateaux anciens de grès érodé, taillés comme des falaises au-dessus de la jungle et plats comme des tables à leur sommet. Ce sont les restes d’un massif précambrien qui évoquent Le monde perdu, le roman d’Arthur Conan Doyle paru en 1912.

L’air, plus chaud sur les roches durant la journée, crée des turbulences qui font sauter l’avion et bondir l’estomac. La piste du minuscule aéroport en pleine jungle est écrasée de chaleur.

La CIA, sur son site web accessible au public, relève 373 aéroports au Venezuela, dont 246 sans piste goudronnée, dont encore 97 « de 914 à 1523 m » (conversion des pieds) : nous venons d’atterrir sur l’un de ceux-là, celui de Canaïma. Sous les paillotes qui bordent l’unique piste – bien trop longue pour les petits Cessna – femmes et enfants indiens, au nez en bec de faucon, vendent aux touristes des colifichets artisanaux. L’énorme gardien du parc ne nous permet pas de pénétrer à l’ombre sans avoir dûment acquitté la taxe d’entrée dans le parc National du Canaïma. Il est gros et ressemble à un crapaud.

Catégories : Venezuela, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Il faut quitter le garage du père Noël

Notre guide français s’appelle Bernard et ne doit plus être de ce monde, trente ans plus tard. Il a 67 ans et le côté ronchon de cet âge. Corse de Zicavo, il s’est marié à 19 ans, a suivi des études de théologie pour devenir pasteur protestant. Il a exercé cette profession 27 ans dans le Queyras.

Il est toujours resté proche de la nature, comme son compère Théodore Monod, mais lui a préféré le parapente au Népal et le raid à ski en Laponie aux sables trop chauds du désert.

Il est venu en cette région pour la première fois en 1964 et a imaginé ce raid aventures dans les années 1980. Nous serons l’un des derniers groupes à bénéficier de son histoire car il se dit désormais trop vieux pour continuer à ce rythme. Et aucun jeune ne veut reprendre ce circuit plutôt rude.

Le dernier jour nous préoccupe. Il va nous falloir joindre l’aéroport en skis, le seul véhicule 4×4 ne pouvant prendre que nos bagages et les rennes étant réservés à cette période pour le service après-vente du père Noël.

La distance est d’un peu plus de 40 km et l’avion en fin d’après-midi. Serons-nous assez vaillants pour parvenir jusque-là dans les temps ? Bernard nous rassure. Nous avons une semaine d’entraînement dans les jambes et, si n’avions pas vu la distance écrite noir sur blanc, nous ne nous serions douté de rien.

Partant vers 10 h du matin avec un pique-nique, nous serons arrivés largement pour nous changer et nous reposer avant l’embarquement. Souvent, l’esprit occidental calcule trop ; son imagination l’affole. Il suffit de faire tout simplement le trajet pour que la réalité s’impose à vous.

Et nous laissons la vie naturelle derrière nous, les éléments glacés, la chaleur sous la tente autour du feu, l’obscurité alentour qui rapproche. Chacun aura fait provision de souvenirs et d’air frais.

Bon, avouons-le, le père Noël n’existe pas : nous ne l’avons pas rencontré. Ses véhicules sont disponibles, broutant les lichens et les écorces des bouleaux. Il y a belle lurette que les Finlandais ont remplacé ces montures ancestrales par des autos ultramodernes. Mais ils aiment bien les enfants, tout comme le mythique père Noël.

L’avion décolle en skis et nous pose à Helsinki.

A l’arrivée, nous avons passé une nuit dans cette capitale. Nous étions étonnés de voir dans les rues autant de voitures Peugeot, notamment des 205. Mais c’est bien sûr ! Le pilote de rallye Ari Vatanen est finlandais – et il pilote des Peugeot 205 pour gagner ses rallyes ! Ce pays est bien loin du garage à rennes du père Noël que nous croyions enfant.

Catégories : Finlande, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Hugo Pratt, Saint-Exupéry – Le dernier vol

Antoine est l’aîné des garçons d’une famille nombreuse élevée par la mère à Saint-Maurice-de-Rémens dans l’Ain. Son père est mort à 41 ans d’une hémorragie cérébrale quand Antoine a 4 ans. Son seul frère meurt lui aussi d’une péricardite quand Antoine a 17 ans. Voilà de quoi troubler une vie.

Poète, rêveur, indiscipliné et casse-cou, Antoine de Saint-Exupéry n’a jamais pu se faire aimer d’une vraie femme, sauf sa mère. Il ne se fiancera ou n’épousera que des envolées, Louise de Vilmorin, Consuelo – qui dilapidera en fanfreluches sa modeste fortune. Peut-être parce que l’homme ne touchait plus terre. Il a volé pour la première fois à 12 ans, sur un vieux coucou Berthaud Wroblewski de 1912, puis a fait son service militaire comme mécanicien d’avions à 21 ans. Le vol est devenu sa vie parce qu’ils permettait de ne plus toucher terre et de s’isoler des malappris comme des ennuis. Il obtient son brevet de pilote à Casablanca, où il découvre le désert. Cette étendue fait le pendant au ciel étoilé et ouvre au monde intérieur. Pique-la-lune – son surnom militaire, aime à planer.

L’Aéropostale lui offre à 26 ans le métier de ses rêves : pilote du courrier. A Dakar, au Maroc, en Amérique du sud, autant d’étapes de ses livres. L’Aventure des airs était la dernière colonie à conquérir pour donner ses ailes à la France.

Hugo Pratt met en image les derniers rêves de vol qu’il imagine au pilote lors de sa dernière mission au service des Alliés. C’est un résumé des traces qu’il a laissées, sœur, femmes, amis – et les liens que tisse le courrier entre les continents.

Son P 38 fut descendu le 31 juillet 1944 au-dessus de la Méditerranée par la chasse allemande. Pour de multiples raisons, Antoine de Saint-Exupéry n’aurait pas dû voler. L’épave de son avion a été découverte au large de Marseille en 2003 et, en 2008, le pilote de Messerschmitt Horst Rippert, frère du chanteur Ivan Rebroff (faux russe parce qu’il était politiquement incorrect d’avoir été incorporé dans l’armée allemande entre 1940 et 45), a déclaré avoir descendu un P 38 ce même jour près de Marseille. Hugo Pratt ne reprend pas ces informations, gardant le flou du mythe.

L’écrivain ne laisse pour fils qu’un Petit Prince et pour viatique des temps futurs que Citadelle, la somme qu’il préparait, restée inachevée. Une forteresse intérieure qui lui permettait de s’ouvrir à tous les autres – ceux qu’il avait choisis.

Hugo Pratt, Saint-Exupéry – Le dernier vol, Casterman 2010, 80 pages, €19.00

Catégories : Bande dessinée, Livres | Étiquettes : , , , , , , , , , ,

Retour à Pise et envol

Adio à la casa familiale de Simone et des gamins. La nonna surveille leur sommeil tandis que Simone met au four les croissants et les boules de pain surgelés pour notre petit-déjeuner avancé à L’Ogliera.

Nous prenons près de l’église le bus de 7h40 pour Portoferraio : 1h30 de virages avec le soleil dans l’œil. Nous repassons par Zanca puis par Marciana, sur nos traces. Puis nous allons directement au ferry de 9h30, Un Moby nommé Kiss. Il est rempli de familles sur le retour.

A l’arrivée, avec retard, nous avons juste le temps de courir pour attraper le train qui nous mènera à Campiglio, d’où nous changerons pour le « rapide » de Florence qui s’arrête à Pise. Sur le quai de Campiglio est élevée une statue de pierre au chien Lampo, plus une peinture à l’intérieur du bar. Ce fameux chien était celui du chef de train, il le suivait partout. Un jour, il s’est fait écraser dans une manœuvre.

En attendant à la gare, je vois une fille de 15 ans au short en coton souple couleur chair si court et si tiré qu’il dessine le pli de la vulve comme le pli des fesses. Cette blonde a un joli visage mais met tellement en valeur ses jambes de pin-up que s’en est gênant.

Dans le train, outre deux Albanais gras et vulgaires, une bande de garçons de 16 ans accompagnés de leur coach vont à Milan. Ils rentrent semble-t-il d’un stage de voile et sont tout dorés par le soleil et blondis par le sel. Un costaud bouclé lit La case de l’oncle Tom en italien, un gros pavé dont il a laborieusement regardé deux pages avant de le refermer. Est-ce la mode ? Est-ce au programme ? Son copain Riccardo, appelé par ses copains Riki, écoute la musique téléchargée sur son smartphone ; il a la voix grave et roule les r à la perfection. Son italien est très agréable à entendre.

Nous ne sommes plus que cinq à prendre le vol EsayJet de 19h20 – qui sera en retard d’une bonne demi-heure. En attendant, nous faisons un petit tour dans Pise, des courses. Les filles cherchent du parmesan, de l’huile d’olive et du vin de Toscane. Au Coop, d’énormes barils de spaghetti de marque La Molisana attirent mon attention.

Les boutiques regorgent de charcutaille artistement présentées, de fromages divers, de pâtisseries.

Je retrouve le restaurant de l’autre jour et nous y mangeons des pizzas. Un caboulot spécialisé dans le tout-cochon, juste en face, nous fait acheter des sandwiches pour le soir. Ils sont assez bourratifs et de fait pas très utiles.

Pour rentrer, huit moyens de transport successifs sont requis : le bus, le ferry, le train 1, le train 2, la navette, l’avion, l’Orlybus, enfin le métro ligne 4 jusqu’à Odéon. L’une des filles me dit que cela fait partie du voyage, elle qui doit encore rejoindre La Rochelle, puis Surgères, puis le bled à côté où elle habite…

F I N du voyage sur l’île d’Elbe

Voyage réalisé avec l’agence Chemins du sud

Catégories : Italie, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Lima, capitale du Pérou

L’avion d’Aeroperu part à l’heure de l’aéroport de Cuzco. Le temps est dégagé, la météo bonne. Mais comme le poids dépasse le maximum autorisé pour les conditions de portance de l’air à cette altitude, tous les bagages ne suivent pas. Les nôtres arriveront par le vol suivant, nous dit-on. Nous attendons donc une heure et demie à Lima, en savourant quand même un double expresso au bar de l’aéroport.

Plusieurs groupes de jeunes écoliers passent, dans leurs survêtements de sortie. Chaque collège a sa couleur : jaune poussin, bleu roi, rouge bordeaux. Certains garçons – ils ont 8 ou 9 ans – portent le survêtement fermé jusqu’en haut, d’autres la veste entièrement ouverte sur le polo. De même, le col est boutonné ou débraillé, il n’y a pas de règles. Les visages frais lavés de ces petits citadins nous changent des paysans des montagnes.

Comme il se fait tard, le minibus garde nos bagages jusqu’à l’hôtel mais nous dépose en route au musée archéologique de Lima que nous voulions tous voir. Il est installé dans un grand palais dont les salles ouvrent sur un patio planté de fleurs et de palmiers. La période inca ne tient qu’une salle, ce qui relativise sa durée historique même si elle ne valorise pas son importance culturelle dans la vie du pays. Les cultures qui ont précédé, mal connues du grand public, sont bien mises en valeurs : les Incas apparaissent ainsi plus comme une synthèse des cultures passées que comme une invention originale.

Nous sortons de tout cela avec l’idée – probablement juste d’ailleurs – d’un sérieux foisonnement d’entités régionales. Le relief sépare les civilisations de la côte de celles de l’altiplano, puis de celles de la forêt. Ces mondes-là ne se rencontrent durant des siècles que pour se battre. Ce sont les conquérants incas qui mettront presque tout le monde d’accord, avant que les Espagnols ne profitent de l’ouverture ainsi créée pour coloniser l’ensemble. Pissarro est considéré le fondateur du Pérou. Les Incas ont pris ici la tradition textile, là les techniques céramiques, ailleurs l’art de l’architecture. La population et l’économie se développant, les échanges de produits ont permis l’ouverture culturelle. C’est l’éternelle histoire humaine, mais elle prend parfois du temps. Des chercheurs de Yale viennent de prouver que la métallurgie dans les Andes avait mille ans de plus que l’on ne pensait. Ils ont trouvé à 25 km au sud de Lima de minces feuilles de cuivre de 0,1 mm. Le métal naturel a été réchauffé et martelé. Les datations au carbone 14 indiquent une date vers 3400-3100 avant le présent. La véritable fonte du métal n’apparaîtra que 2000 ans plus tard.

Nous pouvons voir de belles stèles de granit aux têtes félines ou aux dieux géométriques. Les vitrines de poteries sont classées par thèmes, ce qui a le mérite d’attirer l’attention sur la vie et le réalisme des productions humaines. On trouve peints des fruits, une pomme de terre à tête humaine, divers animaux et coquillages marins. Une raie au flanc bombé d’un vase étale sa beauté plastique qui épouse la forme. Les représentations sexuelles sont loin d’être oubliées : un vase a un bec verseur en forme de gros pénis, des femmes en gésine sont modelées avec soin, une statuette présente un accouplement. Les rituels religieux, la hiérarchie sociale, la guerre, y sont aussi représentés. L’art céramique mochica est fidèle et réaliste pour dominer le temps. Une reproduction exacte fige le moment. Les vases portraits sont les véritables doubles des personnalités.

Chez les Incas, une vitrine note que des sacrifices humains existaient. Avec leurs divinités, les Incas avaient des rapports d’échanges réciproques. Aux dieux l’énergie, aux hommes les productions de la terre. Les ancêtres avaient besoin des offrandes des vivants comme les vivants des faveurs des ancêtres qui sont la force vitale du lignage, des cultures, des objets façonnés. On mettait à mort rituellement tous des quatre ans de petites filles de 10 à 12 ans en cas de famine ou de misère. On cite aussi le sacrifice de petits garçons : offrandes aux dieux, à la nature, à l’équilibre cosmique du meilleur que l’homme peut produire – ses enfants. Pour cela, on choisissait les petits parmi les plus beaux et les mieux nés. Les victimes étaient ensevelies dans des grottes ou précipitées dans les gorges. L’Inca participait activement à la cérémonie, dans son rôle d’intermédiaire entre les hommes et les divinités. Il désignait lui-même les quelques fillettes offertes en sacrifice, les autres étant renvoyées dans les régions pour subir localement le même sort et multiplier ainsi les bénédictions dans un processus de décentralisation bien pensé. Elles apportaient aux quatre coins de l’empire un peu du sacré royal de la cérémonie de la capitale. Malgré l’interdiction des sacrifices humains dès l’arrivée des Espagnols, on dit que ces pratiques se sont poursuivies dans les régions reculées du pays jusqu’au début du XXe siècle !

Une fois sortis des Incas, on passe logiquement – mais cela représente un saut culturel toujours étrange – aux souvenirs de l’époque espagnole. Ils sont maigres et relégués dans une galerie annexe. On sent qu’ils ne présentent aucun intérêt politique pour l’autorité actuelle du Pérou qui préfère « oublier » cette période de dépendance coloniale. En nombre de salles, on préfère glorifier l’indigénéité. Les salles post-espagnoles sont ainsi fort complaisamment étendues. Il s’agit de l’histoire nationale de l’indépendance à la gloire de la gent militaire encore il y a peu aux commandes du pays. Sont ainsi étalées des collections d’armes diverses, des vitrines entières de décorations, des portraits de héros en vieilles badernes, et quelques meubles et instruments d’époque. On sent la volonté d’exalter un patriotisme militaire de fraîche date, bien désuet à l’ère de la mondialisation. Les écoliers qui allaient de salle en salle, sous la conduite de leurs maîtres, n’ont d’ailleurs pas paru passer beaucoup de temps dans ce conservatoire du conservatisme, restant bien plus dans la salle inca. Frais minois et joli sourire, l’un d’eux nous demande si nous sommes français. La coupe du monde de foot, nous a au moins fait connaître de la jeunesse du monde entier.

Retour en taxi, à cinq, dans une circulation de sortie des bureaux. L’air est lourd, moite ; le ciel bas change de Cuzco et de son atmosphère aérienne. L’océan, au bout du quartier, fait sentir tout son poids climatique sur la ville. La pollution automobile en rajoute aussi. Nous réglons 7 sols pour une course de 25 minutes.

Le Grán Hotel Bolivar nous accueille une fois de plus dans son hall de gare et ses couloirs interminables. Les chambres ont le parfum désuet du début du siècle avec leurs salles de bains vastes comme des studios. Choisik nous a photocopié des cartes de la région de Cuzco, en laser couleur. Ces cartes sont rarement éditées (un reste de « secret militaire ») et servent surtout aux touristes. Les Français sont en général fascinés par les cartes, comme s’ils pouvaient s’approprier ainsi le pays tout entier, dans son abstrait. Colonialisme de la raison. Pour moi les cartes sont jolies, leurs couleurs et leurs symboles me parlent ; mais elles sont surtout utiles pour reconnaître le chemin et situer le paysage dans son relief. Une fois la randonnée terminée, la carte est une image morte à laquelle je préfère la photo ou le récit. Je comprends mal ce fétichisme des cartes et plans.

Au dîner, Diamantin cite Marguerite Yourcenar pour son seul Alexis, Julien Green mort à 97 ans, et Gabriel Matzneff qu’il « a connu à 18 ans. » Il ne précise pas si cette connaissance fut platonique ou « biblique », modum puerile comme aime à dire le Gabriel. Adolescent, il nous avoue que Rimbaud était son maître à penser (j’insinuerai plutôt maître à sentir, mais…) ; il préfère désormais Lautréamont. Il a bu du pisco, il va bientôt retrouver la grande ville, il est en forme ce soir, Diamantin. Au repas, il fait la conversation à lui tout seul dans notre bout de table. Ayant « vécu longtemps dans une petite ville de province », « où il faut planquer sa voiture si l’on couche chez quelqu’un, sinon toute la ville ne tarde pas à le savoir », il préfère de beaucoup « l’anonymat parisien ». Il est évidemment homo mais pas bien gai.

Salomé et son compagnon, excités à l’idée de retrouver « la civilisation », jouent les « agités ». Traqué par l’effervescence, les flashs, les mouvements de mode, l’Agité papillonne. Il hante les aéroports tout en téléphonant sur son portable pour trouver un créneau dans son planning ; il lit le journal tout en regardant la télévision et surfant sur son Smartphone, feuillette trois livres à la fois et a forcément vu tous les films. Il s’angoisse devant une après-midi « à ne rien faire » ; il a l’esthétique futuriste de la vitesse et du toujours plus. Face cachée d’un état dépressif ? Peur panique du vide ? Inexistence qui se fuit dans le tourbillon ?

Catégories : Pérou-Bolivie, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Arrivée au Pérou

La nuit est belle sur les Andes, vue d’avion. Le ciel est clair, Quito et ses lumières sont comme une pelletée de verre brisé répandu sur les reliefs. Contraste des perles orange délimitant les grandes artères rectilignes et des amas blancs des éclairages publics dans les rues secondaires. A Lima, l’avion plonge dans les nuages. Il bruine un peu – la fameuse « garua » – et il fait 14°C. Nous survolons un habitat plat de béton artisanal. Seul le centre-ville a un cachet colonial espagnol. Nous descendons dans le grand hôtel antique de la ville, Place San Martin, le Le Grán Hotel Bolivar.

Nous faisons connaissance sur place avec notre accompagnatrice qui a fait vœux d’apparaître originale ce premier soir : elle porte un chapeau symbole, entièrement brodé sur la coiffe, et se fait connaître sous un prénom peu courant, « Choisik », qui a un air breton. Mais nous voici au Pérou, pays deux fois grand comme la France, entre flots pacifiques et moutonnements amazoniens, 24 millions d’habitants, 2000 $ de revenus annuels par tête. Il y a beaucoup d’enfants, mais ils meurent aussi beaucoup : 64 sur mille n’atteignent pas l’âge d’un an.

A six heures, à l’aéroport les vols internationaux ne sont pas encore ouverts, mais les guichets d’Aeroperu, la compagnie intérieure, sont déjà pleins. Les billets ne donnent droit à aucune réservation, on embarque comme on enregistre, au fur et à mesure. L’avion décolle lorsqu’il est plein.

Arrivant de Lima, il faut monter sur la gauche de l’avion pour voir la ville de Cuzco avant l’atterrissage. Les nuages ont eu le temps de se lever, il fait grand soleil. L’avion surgit d’une vallée et effectue un virage très serré autour d’un piton avant de prendre l’alignement de la piste. Cris de frayeur dans l’assistance, habituée au ronronnement de l’assistanat permanent. Nous sommes ici dans un monde sauvage, mesdames et messieurs, les Andes ne sont pas les plaines de Beauce ou du Middle-West.

L’aéroport de Cuzco perche à 3248 m d’altitude (ainsi qu’il est écrit sur un panneau de bienvenue) et les turbulences atmosphériques sont rudes dans l’air raréfié qui porte moins les ailes. L’atterrissage nous donne un avant-goût. A la sortie, nous sommes un peu ivres, fatigués déjà par l’air pauvre en oxygène. Des minibus nous conduisent à l’hôtel Royal Inka. Le patio à l’espagnole à l’intérieur est d’une grande paix après les turbulences du voyage. Nous y prenons le maté de coca devant un puits de pierres à la margelle de fer forgé, les plantes vertes, et la maquette d’église en terre cuite aux cent personnages.

Je commence la lecture des Commentaires royaux sur le Pérou des Incas, écrits vers 1600 par le métis hispano-indien Garcilaso de la Vega. Il écrit que Cuzco « prend naissance sur les versants d’une haute colline, et s’étend de toutes part sur une plaine grande et spacieuse. Elle a des rues longues et larges, et des places très grandes. » Il la compare à Rome. « Le climat de (Cuzco) est plutôt froid que chaud, mais pas au point que l’on soit obligé d’avoir recours au feu pour se chauffer. » Cela reste vrai pour nous qui venons de débarquer !

Nous partons déjeuner dans la ville, de soupe ou de pâtes arrosées de maté de coca ou de bière, selon que l’on supporte la haute altitude ou non en ce premier jour. Une fille a un malaise et s’écroule évanouie sous les arcades de la place. Tel est la puissance de ce soroche mystérieux qui a saisi les Espagnols de la conquête. Chacun peut sentir dans tout son corps qu’au moindre effort il a moins d’oxygène disponible à respirer. Il faut s’économiser, austérité physique qui rencontrait le tempérament puritain des catholiques venus ici expier leurs péchés. Ce pourquoi ils se sont accrochés à ce pays, tandis que les Anglais, pragmatiques et soucieux de confort, préféraient les grandes plaines riches du nord. Mais le corps apprend ; lorsque l’on se rend chaque année en altitude, l’adaptation se fait plus vite.

Nous faisons le tour de la Plaza de Armas avec ses églises, ses arcades, nous longeons les rues vers le marché. Nous ne cherchons pas à visiter mais plutôt à humer l’ambiance, à aborder un lieu vivant où s’imprégner du pays. Le marché est l’un de ces sas d’accueil. On trouve de tout dans de marché de Cuzco, des changeurs officiels à la carte accrochée en évidence sur la poitrine, des vêtements, des sacs de charge pour isoler les sacs à dos dans le reste du voyage, des pulls et couvertures en laine d’alpaca, si douce au toucher. Des indiennes sans âge, informes sous leurs robes sacs qui cachent leur fortune accrochée à la ceinture, trônent parmi les légumes qu’elles viennent vendre depuis leur village de la campagne. Des gamins cuivrés toujours très habillés tiennent la caisse dès qu’ils ont l’âge de savoir compter, ou vadrouillent à deux ou trois, marchandant un fruit ou une sucrerie à quelque étal. « Buenas tardes, seniores, compra me ! », achète-moi, sont les complaintes qui nous accompagnent. Choisik nous a bien recommandé de faire attention à nos portefeuilles, appareils photos et bijoux facile à voler dans une bousculade.

La fille qui a le mal d’altitude reste au lit et Peter, un jeune homme venu directement de San Francisco ce matin, a sommeil. C’est donc un groupe croupion qui traverse simplement la place pour aller dîner dans une gargote à l’enseigne internationale : « restaurante pizzeria ». Mais cela n’est fait que pour attirer l’Américain moyen. On peut y trouver sans problème les mets typiques du pays, que nous nous empressons de goûter. L’on y trouve la crème de maïs (soupe légère), l’avocat farci aux légumes (goût très fin), le bœuf émincé sauté aux oignons servi avec de grosses frites (choix moins heureux). La table est longue, les conversations partielles. Choisik est perpétuellement excitée comme si elle avait bu. Nous découvrirons que c’est son tempérament habituel, enthousiaste et boute en train. Elle nous explique qu’elle vit dix mois sur douze en Amérique du sud, de la Bolivie à la Terre de Feu. Elle accompagne des treks, est équipière de bateau à voile vers le Cap Horn, fait des reportages, texte et photos, pour des magazines français. Elle mène une existence bien remplie. Le vin rouge de Tacama est bon, le pisco sour d’entrée offert par le patron enivre très vite les précaires de l’altitude. Il a toujours ce goût acide de citron vert et la force du marc de raisin en arrière-goût. Le blanc d’œuf colle le tout. Il est difficile d’en boire du très bon car la préparation est délicate et la qualité des ingrédients primordiale

Dans le petit parc en face du restaurant, des étudiants amoureux se tiennent par couples, sur chacun des bancs. Cuzco est une ville universitaire. Deux solitaires attendent leur moitié. Un gros chien s’approche d’un couple qui s’embrasse en silence. Curieux, il s’assoit sur son train et regarde la scène.

Catégories : Pérou-Bolivie, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Vers le Pérou

Pour rejoindre le chemin des Fils du Soleil je commence par avoir des difficultés à bâtir mon sac. Le séjour sera en altitude, pulls et chemises prennent de la place. Avec ce que je porte sur moi, cela fait près de 30 kg de bagages pour trois semaines dans les solitudes andines. Il faut bien cela pour aller sur les traces de Tintin dans Le temple du soleil, cette bande dessinée qui ont fait rêver mon enfance, ces histoires aux Amériques qui ont cultivé mon goût de l’aventure.

A Roissy, une fille tête en l’air qui va aussi au Pérou a perdu sa carte bleue à quelques places de l’endroit où je suis assis. Ses copains lui disent : « vite, téléphone pour faire opposition ! l’avion va partir dans une demi-heure ». Malgré tout, ils ont des doutes : « tu es bien sûre de l’avoir perdue, tu ne l’aurais pas rangée quelque part ? – non, non, j’ai regardé partout ! » Elle se précipite à la cabine téléphonique pour faire opposition. Bien sûr, elle retrouve la carte dix minutes plus tard en cherchant sa gourde ! L’imbécile se précipite alors à nouveau vers le téléphone pour annuler son opposition mais la banque, entre temps, a fermé. Elle doit appeler ses parents pour qu’ils tentent de lever l’opposition signalée bien légèrement quelques minutes auparavant. Il est faux de croire que certaines personnes « attirent » les ennuis : elles ne font que les susciter par inattention, gaucherie, réactions sans réflexion. Une carte bancaire, ce n’est pas un kleenex que l’on fourre dans un coin du sac, que diable ! On la garde sur soi, avec son passeport et ses billets d’avion. Cela n’a même pas effleuré l’esprit de cette nunuche qui accusera « les autres », l’Etat, « le capitalisme », « le système » ou que sais-je encore si un jour elle n’a plus de travail ou si elle fait un placement malheureux. La France crée une société d’assistés permanents, d’irresponsables congénitaux.

Dans le Boeing d’Avianca, la compagnie colombienne qui nous véhicule par-dessus l’Atlantique, je me retrouve entouré d’enfants piaillards, tous colombiens. Je les entends en quadriphonie. Un bébé reste sage jusqu’à ce que sa mère, maladroite, le remue et excite sa colère. Un autre gamin de trois ans a une tête qui me rappelle au même âge le frère de mon filleul. Un braillard de deux ans prépare ses gammes pour l’avenir. Je remarque une fois de plus combien certaines mères peuvent être abusives, agaçantes pour leurs bébés. Ils se tiennent tranquilles et voilà que, par perfectionnisme, ou par souci d’assurer son pouvoir, la mère tourne le petit, lui colle un ourson sur la figure, l’asphyxie de poutous, lui rectifie son pull, et autres dérangements intempestifs. Derechef le bébé braille, et la mère s’agite plus encore pour le calmer, ayant retrouvé un rôle vis-à-vis du public. Les pères sud-américains ont l’air plus tranquilles avec leurs enfants – au point de les laisser faire à peu près ce qu’ils veulent.

Je profite de ces moments pour lire entièrement un roman de l’écrivain péruvien Vargas Llosa, Lituma dans les Andes. (Je l’ai d’ailleurs chroniqué sur ce blog). Il conte une histoire d’amour, de pauvreté et de superstition : le Pérou d’il y a dix ans à peine. Frissons : un couple de français très typé naïf (catho reconvertis tiers-mondiste et « de gôche », croyant en la bonté du monde) s’y fait assassiner à coups de pierres par les paysans du Sentier Lumineux. C’est un professeur de philosophie de l’université d’Ayacucho, Abimael Guzman qui a fondé le parti communiste maoïste. Il revenait d’un voyage en Chine. Le premier attentat a eu lieu le 17 à mi 1980 au Pérou ; en dix ans il y a eu près de 25000 morts. Il reste quelque chose d’étrange à vouloir faire « le bonheur » des peuples par la voie du massacre. Guzman a été arrêté à Surco, au sud de Lima, le 13 septembre 1992 et condamné (seulement !) à la prison à vie. Depuis, les sentiers ne sont plus lumineux au Pérou, mais praticables.

Catégories : Pérou-Bolivie, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , ,

Hot shots ! de Jim Abrahams

Un film culte sorti l’année où George Bush 1er déclenche la guerre du Golfe contre un Saddam Hussein qui a envahi le Koweit et où Gorbatchev est séquestré par une tentative de putsch de la vieille garde communiste en Union soviétique. Nous sommes dans la bouffonnerie lourde, le pire des travers yankees et le meilleur des gags. Ce pastiche de Top gun mandate un autre jeune premier, Charlie Sheen, pour jouer au pilote virtuose mais psychologiquement névrosé.

Viré de sa base quinze mois plus tôt pour acrobatie dangereuse, Topper Harley (Charlie Sheen) est rattrapé par son commandant (Kevin Dunn) qui va le chercher dans sa réserve indienne où il se terre pour être en communions avec la terre. Cric-crac ! fait la peau à l’entrée du tipi lorsque le commandant sonne à la porte comme s’il s’agissait d’une maison normale. Ce n’est que le début d’une série de gags désopilants qui mettent à mal tout héroïsme et toute tentative de se prendre au sérieux.

Le nom du pilote féru d’avion et de moto est par exemple issu du scooter Harley-Davidson Topper des années 1960. L’amiral Benson (Lloyd Bridges) est une baderne incapable et réparée de bric et de broc de ses blessures de guerre depuis quarante ans, une sorte d’homme diminué plutôt qu’augmenté. Car tout est inversion dans les sketches : un loup apprivoisé erre dans le campement indien mais c’est un ridicule clebs qui glapit à chaque fois que quelqu’un s’assoit quelque part, car il est toujours sur la chaise. Le copilote Pas d’bol (William O’Leary) rencontre un chat noir, passe sous une échelle, brise le miroir de sa femme (Heidi Swedberg) qui lui raconte que ses deux gosses tout joyeux de leur nouvelle maison commencent à gratter les murs pleins d’amiante cancérigène, avant de ne pas signer l’assurance-vie en reportant cela à plus tard – il se crashe à l’entraînement. Lorsque Topper donne ses économies (600 malheureux dollars) à l’épouse éplorée lors de l’enterrement, celle-ci lui déclare que ce sera juste, avec le chèque de 3 millions qu’elle vient de gagner au loto, pour financer sa croisière. Tout est de la même veine…

Topper enfourche donc sa moto pour revenir à la base et reprendre le manche. Il ne se fait pas faute de rencontrer sur la route une belle femelle (Valeria Golino) chevauchant son cheval et faisant des acrobaties dessus. Il la retrouvera comme psy de la base et sera réglementairement obligé d’aller la voir régulièrement. Car il garde en lui le souvenir douloureux de son père, responsable de la mort de son coéquipier lors d’une mission d’entraînement. En fait, il ne l’a pas tué mais l’avion s’est crashé et des tarés de chasseurs de cerf l’ont descendu en prenant les branches prises dans son casque pour des bois d’animal. Dans la chambrée à la base, chacun d’ailleurs se trouve plus ou moins fils, cousin ou nièce des protagonistes. Une femme vit d’ailleurs comme un homme dans le baraquement, tandis que le sergent noir aboyeur comme dans Full Metal Jacket lui demande de faire saillir ses pectoraux.

Mais l’absurde n’irait pas loin s’il n’y avait une sombre histoire de magouille du lobby de l’armement pour fourguer leur dernier avion. Une mission en Irak depuis un porte-avion en Méditerranée en donne l’occasion. Le commandant, soudoyé par les lobbyistes, compose une improbable équipe de bras cassés pour faire échouer la mission, tandis que le meccano sabote les armements. Le guide radar est atteint d’un strabisme divergent qui l’a fait virer du pilotage, Topper le casse-cou est choisi comme chef de mission. Pas d’bol aurait été le meilleur pilote pour cette mission mais il n’est plus là. C’est peut-être cela qui va sauver le coup – et l’influence femelle de la psy, qui en pince pour le Topper et arrive à le convaincre que l’histoire de son père n’est pas de sa faute.

Les jets ont à bombarder une centrale atomique en Irak, dans la piscine de laquelle Saddam Hussein (Jerry Haleva) aime à se tremper. Leurs bombes sont sabotées, leurs missiles aussi, mais Topper détourne en virtuose les missiles des ennemis à ses trousses pour faire tout exploser dans un feu d’artifice à la Hollywood. Les chasseurs ennemis sont noirs et chaque pilote, en visière noire, porte un nom de dérision : Couscous, Kebab, Houmous… Tout à leur traque, ils percutent tous une montagne tandis que Topper passe un col étroit en braquant son jet à la perpendiculaire.

Le commandant félon est blessé dans l’opération mais avouera à Topper que son père n’a pas démérité et que c’est lui qui a tu la vérité par jalousie et envie de prendre sa place. Mission réussie, père réhabilité, ego restauré, Topper n’aura plus qu’à couler des jours heureux avec la psy, que son ex-fiancé (Cary Elwes) lui laisse, autre inversion improbable dans le machisme yankee. Mais elle est si « chaude » : on peut faire griller du bacon et frire un œuf sur son bas-ventre, après avoir fait sauter une olive plantée dans son nombril jusque dans sa bouche !

L’exagération des rôles et l’inversion systématique des attitudes normales, avec le comique de répétition et les trouvailles des dialogues est un peu difficile à assimiler à la fois à la première vision, ce pourquoi certains n’aiment pas. Mais si vous faites attention aux détails, vous prendrez beaucoup de plaisir. Allez par exemple jusqu’au bout du très long générique, parsemé de recettes de cuisine et de gags insérés ici ou là ; vous y serez aidé par une bonne musique. Il se termine d’ailleurs par ce message « Si vous étiez parti au début du générique vous seriez déjà chez vous ». L’époque était encore à la parodie : qui, aujourd’hui, oserait se moquer aussi ouvertement des travers de l’armée, du lobby militaro-industriel et des héros pilotes de l’aéronavale ?

Il existe une suite, Hot shots 2, que je n’ai pas vue mais qui paraît aussi drôle.

DVD Hot shots ! de Jim Abrahams, 1991, avec Charlie Sheen, Cary Elwes, Valeria Golino, Jon Cryer, Lloyd Bridges, 20th Century Fox 2001, 1h24, standard €5.89, blu-ray €21.36

DVD Hot shots ! + Hot shots 2, 20th Century Fox 2012, standard €9.99, blu-ray €11.99

Catégories : Cinéma, Etats-Unis | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Le voyage fantastique de Henry Koster

Nous sommes en Angleterre après la guerre ; l’industrie aéronautique de la perfide Albion est florissante, ultra-moderne, et ses usines produisent des avions de ligne dernier cri. Le plus récent, le Reindeer, a un nom qui signifie le renne en référence à son double empennage de queue figurant les bois de l’animal.

C’est justement cette queue qui pose problème. Comme souvent en statistiques, la « queue de distribution » est négligée car réputée « négligeable » selon les calculs, mais lorsque l’événement se produit, il est catastrophique. C’est ce que tente de montrer un savant Cosinus (James Stewart), lunaire, maladroit et emporté dans le tout-calculable.

Il est sympathique et touchant, Theodore Honey (James Stewart, excellent en Monsieur Hulot matheux). Son nom signifie le miel ou le chéri… Il vit dans une banlieue banale et se trompe presque toujours de porte en rentrant chez lui car toutes se ressemblent dans ce grand ensemble ; il a perdu sa femme par un événement statistique rare, la tombée d’une fusée V2 juste sur elle, après avoir vu un film où joue l’actrice glamour Monica Teasdale (Marlene Dietrich) ; il a élevé sa fille comme un mathématicien, jouant avec elle à des jeux de calculs sur la grande pyramide. Il a surtout une obsession : prouver que la queue du Reindeer produit par son usine ne résistera pas aux vibrations passées 1440 heures de vol.

Comme l’avion est récent, il n’y a eu pour le moment qu’un seul accident, mal élucidé, dans la région peu accessible du Labrador. « Erreur de pilotage », dit-on pour se rassurer. Mais les pilotes de chasse, qui ont fait leurs classes durant la guerre, ne le croient pas. Honey teste les vibrations sur l’empennage dans un immense hangar, mais ne peut le faire que 8 h par jour à cause des plaintes contre le bruit des riverains. Il n’a donc pas de « preuve » que l’empennage peut casser.

Comme il est reconnu comme savant ingénieur et a sa place dans l’entreprise, la direction prend en compte son hypothèse (aujourd’hui, il serait viré). A lui de se rendre au Labrador pour retrouver et examiner la queue du Reindeer crashé. Mais voilà… pour se rendre de l’autre côté de l’Atlantique, il faut y aller en avion. Et la compagnie qui dessert le Canada est équipée d’avions Reindeers. C’est donc dans l’un de ces appareils que monte Honey, sans le savoir.

Lorsqu’il s’en aperçoit en vol, il prend peur. Moins pour lui-même que pour l’hôtesse charmante qui lui attache sa ceinture et lui offre du café (Glynis Johns), et surtout pour l’actrice Monica Teasdale qui a pris place dans la rangée d’à côté. Il ne veut pas que ces belles personnes disparaissent à cause d’une erreur technique. Il incite donc l’actrice à aller se réfugier près de la cloison des toilettes où le réchaud boulonné de la cuisine renforce la structure. En cas de crash, elle pourra sortir par une trappe toute proche.

Monica Teasdale est un moment émue de l’histoire que lui conte cet étrange Monsieur ; il lui dit combien sa femme était amoureuse de ses films et qu’elle se doit de continuer pour le bonheur de l’humanité ; il lui explique sa théorie sur la fission des atomes du métal au-delà d’un certain nombre de vibrations. Elle se demande s’il la drague et l’encourage à aller voir plutôt le capitaine, qui règne à bord comme sur un bateau, avec son équipage de copilote, de radio, de mécanicien et de navigateur (5 personnes pour une trentaine de passagers, aujourd’hui il n’y en a plus que 2 pour quatre cents personnes !).

Le capitaine pilote prend en compte son hypothèse et rend compte à la compagnie, à Londres (aujourd’hui, il le ferait interner). Mais le temps que les bureaucrates se réveillent et arrivent à trouver le dirigeant qui veuille bien prendre une décision (aujourd’hui pareil…), le point de non-retour est atteint, celui qui rend le point d’arrivée plus proche que le point de départ. Les protagonistes attendent donc anxieusement la rupture, imminente selon l’ingénieur, car l’avion comptait déjà 1422 heures de vol à son départ de Londres…

Après un atterrissage en urgence à Gander sur Terre-Neuve, rien ne s’est passé et le capitaine est furieux. Il a coupé deux des quatre moteurs de cet avion à hélices sur la suggestion de Honey afin de diminuer les vibrations, mais a pris déjà près de 2 h de retard. Les passagers sont énervés et ne comprennent pas. L’équipe chargée d’examiner à la loupe l’empennage au cas où ne trouve rien. Mais ils ne peuvent rien trouver, car la théorie est que le métal fissionne brusquement.

Comme l’avion doit poursuivre sa route vers Montréal, Honey, alors qu’il discute avec l’équipage dans le poste de pilotage, ne trouve rien de mieux que de pousser le levier du train d’atterrissage. L’avion ne peut pas repartir mais lui ne veut pas qu’il y ait des morts par ignorance. L’ingénieur est bien sûr maîtrisé, arrêté et renvoyé par avion militaire au Royaume-Uni, où il doit répondre de son acte devant la Compagnie.

Seul contre tous, il a refait trois fois ses calculs et est sûr d’avoir raison. C’était l’époque où l’on faisait confiance à la science, mais où l’on exigeait des preuves. La Compagnie, devant le scandale relayé par la presse, ne peut faire autrement que de poursuivre les tests sur la queue, mais cette fois 24 h sur 24. Si un autre accident se produisait, sa réputation et son modèle économique seraient perdus.

Theodore Honey a retrouvé son home et sa fille ; l’hôtesse de l’air est venue s’installer chez lui pour l’aider à surmonter cette épreuve ; l’actrice apporte des cadeaux, émue par la sincérité du bonhomme et flattée d’avoir été convaincue de servir le bien de l’humanité malgré la vanité du cinéma. Elle est un brin amoureuse de cet idéaliste qui a su trouver les mots qu’il faut pour redonner goût à son existence, mais se sait trop exigeante pour ne pas céder la place à l’hôtesse-infirmière, éprise de sens pratique, et qui materne Honey parce qu’il est incapable de vivre sur terre normalement. Le trio d’acteurs joue son rôle admirablement, Stewart en distrait un peu timbré, Dietrich en Dietrich plus vraie que nature, Johns en nurse entreprenante et amoureuse.

Le final est grandiose et hollywoodien, happy end, je ne vous en dis pas plus. C’est un beau film, humain et philosophique, qui remue beaucoup de choses. Même si son titre est mal choisi, laissant penser à de la science-fiction, alors qu’il s’agit de science et de fiction sans tiret (un autre film porte le même titre). Et même si certains effets spéciaux font un peu amateur (atterrissage et décollage par exemple).

Son message multiple est que:

  • la science doit être crue lorsqu’elle est sincère et non commandée par des intérêts particuliers ;
  • la technique est admirable mais doit être éprouvée sans cesse ;
  • les intérêts commerciaux doivent passer en second sur la vie des personnes ;
  • tous les métiers, du plus prestigieux (directeur de compagnie aérienne) au plus humble (hôtesse de l’air dans un avion), ont leur place et leur mérite – même celui du Cosinus qui déclare que, d’après ses calculs théoriques vérifiés auprès d’un moine tibétain et d’un pasteur de Louvain, les avions vont se crasher au bout de 1440 heures de vol…

DVD Le voyage fantastique (No Highway in the Sky) de Henry Koster, 1960, avec James Stewart, Marlene Dietrich, Glynis Johns, Jack Hawkins, Janette Scott, version anglaise sous-titrée en français, ESC distribution 2016, €24.99 

Catégories : Cinéma, Science | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Polie tique à Tahiti

Oscar Tane a révélé avoir échappé à « un guet-apens » en… 1978. Ben quoi ? C’est bientôt les élections et en ce premier avril tout serait  permis. Il faut fourbir ses armes, à chacun les siennes. Mais 40 ans après, les faits seront très difficiles à vérifier. En 1978, Oscar Tane s’apprêtait à partir pour New-York à l’ONU quand son chef de service serait venu le prévenir qu’un piège lui serait tendu à l’aéroport de Faa’a. Un paquet devait lui être remis, et ce paquet contenait de la drogue. Selon Oscar Tane et la fille de son ancien chef de service, il serait bien allé à New York mais n’aurait (par précaution) pas pris le paquet. Ce serait son chef de service, un douanier, qui lui aurait révélé ce piège. Cette personne étant décédée depuis peu, Oscar Tane et la fille de ce monsieur ont donc dévoilé ce secret de 40 ans. Il y a des héros partout qui s’ignorent ? Ou qu’on ignore ?

oscar temaru tiare

« J’accuse » : Zola ? Nenni : Oscar. Et alors… Oscar Tane et son groupe UPLD ont livré en conférence de presse des accusations au sujet des travaux de remise en état des rivières de Tahiti, du projet Ecoparc de développement touristique au cœur de la vallée de Papenoo, des tarifs de l’électricité en Polynésie. Les élections s’approchent à grands pas. Certes la tribune à Papeete n’a pas le luxe de celle de l’ONU mais il faut parler, se montrer, se différencier. Contre le projet Ecoparc, Oscar Tane s’en est pris à M. Auroy, homme d’affaires et demandé que cette personne soit classée « persona non grata » dans ce pays. Le leader souverainiste a évoqué l’histoire  de Tamara Nui, le complexe Ecoparc une « grosse escroquerie », il faut planter des milliers d’arbres à pain dans cette vallée agricole car la farine d’uru est très recherchée car sans gluten… Pour les rivières son second Antony Geros parle des curages de rivières comme d’opérations d’extraction déguisées. Contre les tarifs de l’électricité, M. Geros confirme que le groupe UPLD envisage de porter plainte contre X pour les délits de favoritisme et de prise illégale d’intérêts, complicité et recel dénonçant ainsi les conditions de la mise en place de la nouvelle tarification du prix de l’électricité en Polynésie.

Eh, les Parigots, il y a une belle exposition au musée du quai Branly « Mata Hoata, art et société aux îles Marquises », et savez-vous quoi, il y a 19 objets marquisiens  prêtés pour l’occasion par le  Musée de Tahiti et des îles. Parmi les œuvres exposées, vous pourriez y voir un tiki marquisien en basalte, 6 ivi po’o en os humain, un perce-oreille en écailles de tortue, des pilons, une pipe, des modèles réduits de pirogues anciennes, un collier en dents de cétacé, une enseigne de tatoueur… Ce sera du 12 avril au 24 juillet. Allez rendre une visite sinon vous seriez obligés de venir au fenua. Il faut savoir qu’un ticket de métro plus une entrée au musée est nettement moins onéreux qu’un billet d’avion Paris-Papeete !

Tiens en parlant d’avion… il semble que la taxe d’aéroport a augmenté de 250% en cinq ans. En Polynésie la taxe était de 477 XPF en 2011, elle est aujourd’hui de 1 670 XPF ! Depuis le 1er avril, et ce n’est pas un poisson ! Cela ne vous empêchera pas de venir passer des vacances au fenua et de visiter Bora Bora, la perle du Pacifique, c’est moins cher, seulement 835 XPF ou d’aller à Raiatea, là aussi c’est moins cher, rien que 815 XPF.

Quelques lignes de nouvelles du fenua. Bonne lecture.

Iaorana

Hiata de Tahiti

Catégories : Politique, Polynésie | Étiquettes : , , , , , , , , ,

La Polynésie est quand même un paradis

Conseils à ceux qui viendront : il n’y a que 22 heures d’avion depuis Paris et le dépaysement est garanti. Bons mois : septembre, octobre, novembre.

Il y a la mer et la couleur de l’eau, les coquillages et les perles. La « culture » des perles à Tahiti débute dans les années 1960. Elles sont cultivées dans l’huître appelée « lèvres noires » d’un diamètre qui peut atteindre 25 cm à maturité et dont la nacre est noire. L’insémination de fragments de manteau (tranches de tissu vivant) découpés dans une autre huître perlière de la même espèce et d’un noyau rond (petit grain de nacre sphérique prélevé dans la coquille d’une moule d’eau douce du Mississippi), doit donner de magnifiques perles noires. Les huîtres ensemencées sont immergées en mer à 2 ou 3 m de profondeur ; leur gestation dure entre 2 et 3 ans. Elles sont remontées tous les 15 jours pour un nettoyage du plancton qui risquerait de les étouffer. Les huîtres peuvent être réutilisées une fois, rarement deux. Les perles obtenues sont de 9 à 18 mm de diamètre. Elles sont de toutes les nuances de gris : tourterelle, paon, aubergine, vert ou bleu, anthracite.

perle noire

Les samedis, les dames vont à la mer, sur une plage privée de la famille. Nous partons avec une gamelle sous le bras pour acheter le maa chez le traiteur (je parlerai du maa un peu plus loin). Le repas est pris en commun, chacun ayant pris qui un plat, qui un dessert, qui des fruits, qui une bouteille de vin, il y a de quoi nourrir un régiment. Les Polynésiens adultes ne nagent pas beaucoup, ne s’étalent pas non plus beaucoup sur le sable, mais ils s’installent dans l’eau pour papoter, marchent un peu, laissant leur tête émerger de l’eau. Ils s’allongent, toujours dans l’eau, pour se protéger des rayons. Les canettes de bière ou l’eau fraîche sont dans une immense glacière sur la plage et c’est chacun à son tour d’aller puiser le précieux liquide.

paradis polynesie

Il y a les fleurs, épanouies, parfumées et innombrables. Le tiare, ‘gardenia tahitensis’ est la fleur symbole de Tahiti. On la cueille sur un petit arbuste aux feuilles d’un beau vert brillant. Les pétales sont d’un blanc éclatant disposés en étoile ; ils dégagent un parfum doux et agréable. Dans le mythe polynésien de la création du monde, le tiare apparaît lors de la création des plantes. Tressées en couronne de bienvenue, ces fleurs sont offertes aux voyageurs en guise d’accueil. Elles se portent aussi pour leur parfum sur l’oreille ou piquées dans les cheveux. Presque tous les Polynésiens font pousser des pieds de tiare dans leur jardin.

tiare tahiti

Il y a les fruits, délicieux ! Le cocotier, par exemple, est très voisin du palmier à huile africain. Vous savez que le palmier sert à tout sous les tropiques : en plus de l’utilisation de la noix, le cœur du cocotier est mangé en salade, les palmes séchées servent à la fabrication des toits en formant un revêtement imperméable, tressées, on en fait des nattes, des paniers, des chapeaux, les troncs peuvent être sculptés. J’ai eu la chance de manger du cœur de palmier à Huahine car on en avait abattu un, ce qui n’arrive pas tous les jours. Le goût ne ressemble pas à nos cœurs de palmier en boite, c’est autrement délicieux et tellement plus authentique !

La cuisine avec les produits des îles. Tous les mercredis, je reçois mon maa à Tahiti. Il s’agit d’un repas rituel composé de poisson cru à la sauce coco et citron vert. Il s’agit du poisson du large, en principe du thon rouge ou blanc. Les poissons du lagon se mangent frits ou au court-bouillon avec les légumes-pays : uru (fruit de l’arbre à pain), fei (banane sauvage orangée), taro, umara (patate douce), le tout arrosé de mitihue (sauce de lait de coco où le poisson a macéré). Vous pouvez mettre aussi du fafaru mais, alors là, attachez vos ceintures ! Pince à linge sur le nez obligatoire et petit sac comme dans les avions à portée de la main gauche ! Ce plat national doit en effet être mangé avec la main droite.

Et il y a la gentillesse et la bonhommie habituelle des gens. Je descends de mon nid d’aigle faire des courses, à pied. Je passe devant une école élémentaire. Une personne de l’école m’interpelle : Madame, tu passes toujours par ici, où tu habites ? Où tu vas ? ». Je vais faire quelques achats au magasin : « Madame, tu marches toujours ? Tu n’as pas de voiture ? Alors prends la servitude à droite (chemin de terre desservant des habitations), elle te mène directement au magasin. Si tu vas à la banque, tu prends la passerelle pour traverser la quatre voies et après tu marches un peu jusqu’à la pharmacie. » Quelques jours après, on klaxonne. Je ne me retourne pas, ce n’est sans doute pas pour moi. On insiste, je me retourne, c’est la surveillante de l’école : « Viens ! Tu ne me reconnais pas ? Ah, si. Où tu vas ? Je te mène, monte ! » Elle me tends la joue : « moi, c’est Yolande, et toi ? ». Devant le magasin, une femme vend des poissons de lagon, perroquets, rougets, dorades… « Tu me vends les deux perroquets ? – Non, tu dois prendre tout le lot de poissons attachés par la corde. – Dommage, c’est trop pour moi. Nana. » Je reprends ma marche. Un jeune homme en vélo me double : « Alors, t’as pas acheté les poissons ? – Non, il y en avait trop pour moi toute seule. – Ben t’avais qu’à les mettre au congélateur ou les donner pour ceux qui ont faim. – C’était trop pour une seule personne. – Ah, ouais, t’as raison. Nana. » (Nana est l’abréviation de ‘Ia orana’ qui signifie « je te souhaite une bonne journée », donc à te revoir bientôt.)

fleur

Je photographiais les fleurs rencontrées en chemin. Un papa s’arrête près de moi, me regarde faire. Tout lui indique que je ne suis pas Polynésienne. Il ouvre sa bouche édentée mais reste muet. « Papa, tu as de belles fleurs, je les mets dans ma boite à images. – Américaine ? – Non, non, Française. – D’où ? – Paris. – Mon arrière grand-père était originaire de l’Aube. Il était parti en Californie pour trouver de l’or, il n’en a pas trouvé. Alors il a pris un bateau, est arrivé à Tahiti, a épousé une Tahitienne, fait des enfants, et est resté. Tu sais, on est beaucoup. Tu es sûre que t’es pas Américaine ? – Non, sûre papa. – Ben tu ressembles pourtant à une Américaine. Nana. »

Hiata de Tahiti

Catégories : Polynésie | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Destination Cuba

Les États-Unis et Cuba pourraient rouvrir leurs ambassades avant le sommet des Amériques, au Panama, qui se tiendra les 10 et 11 avril. François Hollande devrait se rendre à Cuba… C’est assez pour me faire ressouvenir de mon voyage dans l’île Caraïbe, il y a quelques années. La fin de l’isolement de l’un des derniers pays « communistes » de la planète n’est pas encore pour demain, Fidel Castro se dresse toujours en statue du Commandeur ; mais la fin est proche. Évidemment, Cuba est sur la liste des États soutenant ou finançant le terrorisme ; son retrait de cette liste doit d’abord être soumis au Congrès, dont les deux chambres sont dominées par les Républicains – franchement hostiles au régime Castro. Mais une levée d’embargo profiterait à l’agriculture américaine : un million de tonnes de blé est acheté chaque année par Cuba au Canada et à l’Europe. Il serait moins cher de le transporter depuis la Floride, en face. De quoi susciter la convoitise capitaliste…

Fidel castro dictateur

Dans la navette aéroport, à Madrid, je repère deux minettes venues de Paris ; elles se rendent à La Havane. Elles sont « graves » comme dirait l’Adolescent : minaudantes, miaulantes, affichées, supersapées, électriques et narcissiques, elles veulent aller représenter Paris dans les îles. Leur conversation – assez fort pour que tous autour les entende – sinon ce n’est pas drôle – ne porte que sur les garçons : « et Untel, il t’a appelé ? Attend, je vais lui téléphoner. Et Machin ? » Leur but est d’aller tout prosaïquement se faire brancher par les bien montés coupeurs de cannes. S’offrir au tiers-monde, n’est-ce pas faire preuve d’abnégation « dans le vent » ? Le tee-shirt de l’une d’elle annonce la couleur : « Besame mucho !« . En espagnol, cela signifie quelque chose comme baise-moi à mort…

Nous arrivons alors qu’il est 5h du matin en France ; il n’est que 23h à La Havane. Le décalage horaire nous épuise car nous avons tous mal dormi dans l’avion bien rempli, trop serrés, environnés de bruit. Le vol a fait le plein à Madrid de tout un groupe d’Espagnols, des jeunes de 18 ou 19 ans en vacances. Ils sont à mi-année d’entrée en faculté ou en école de commerce, ils se connaissent tous et discutent par groupes. L’un de leur centre est un couple de madrilènes branchés, beaux comme des dieux et aussi à l’aise. Ils s’aiment, se caressent au vu de tous, mignons comme tout. Leur douceur attire les filles comme un aimant et les garçons par rivalité. Ils font cellule et sont en même temps de plain-pied avec les autres, parlant et riant, jouant aux cartes. L’amante porte des cheveux noirs coiffés à la Jeanne d’Arc, un body gris moule sa poitrine appréciable. L’amant a de beaux cheveux aux reflets vénitiens qui lui retombent en mèche sur le front. Il en joue d’un geste machinal et charmant pour les repousser en arrière. Il montre des avant-bras et des épaules de véliplanchiste, bien pris dans une chemise de vichy bleu. Ils apparaissent particulièrement juvéniles et vulnérables au milieu des autres, grands machos aux barbes déjà bleues ou executives femelles au physique de paysannes du Middle-west, qui les accompagnent.

Cuba carte notre circuit

L’aéroport de La Havane est conçu comme une publicité pour le régime. Il est clean, moderne et international – pas du tout « socialiste » comme on peut le redouter. Une aire de jeu pour tout-petits, côté départs, s’aperçoit par la vitre. En revanche, malgré le nombre de fonctionnaires présents aux innombrables guichets, la queue à l’immigration dure longtemps. Il leur faut vérifier le faciès de tous ces étrangers, comparer les passeports avec les listes « noires » établies pour détecter les « espions de la CIA », je suppose.

De l’autre côté, nous accueille un Sergio local parlant français. Il nous déclare être d’origine espagnole, pour se poser au-dessus des métissés, la grande hantise caraïbe. Placide et enveloppé, nous verrons qu’il aime parler ; il débite déjà son discours uniforme au micro, dans le car qui nous emmène à l’hôtel Kohly. Nous n’y passons qu’une nuit courte, de minuit à 5h. L’obscurité est ponctuée des rythmes de la boite de nuit de l’hôtel, en pleine activité hebdomadaire en ces heures du samedi au dimanche. Suivent, au petit matin, des cris et des rires exacerbés des danseurs qui vont se finir dans la piscine. On entend de grands splash et les réflexions de la meneuse, une fille à voix de ventre. Exaspération sensuelle, exténuation physique, rauquerie du désir, tout cela passe par les voix dans le silence de nos insomnies.

L’en-cas du petit déjeuner exige de ne pas être pressé car il arrive un à un, selon les commandes, et parcimonieusement. Le café est à l’italienne, dans des tasses minuscules, peu fait pour abreuver la soif matinale. Les tartines semblent venir de Madrid tant elles se font attendre. Le beurre en plaquettes, lui, est importé de France.

Un autre bus nous mène à l’aéroport domestique Waijay, pour le vol intérieur jusqu’à Santiago. Le jour se lève à peine, mais il monte vite. Nous sommes juste au-dessous du Tropique du Capricorne. Les rues de La Havane sont encore désertes dans le gris de l’aube. Il pleut un peu. Mais quelques personnes attendent déjà aux arrêts de bus et un vendeur de beignets s’installe dans sa guérite. Circulent de rares automobiles. Je remarque quelques vieilles américaines, mais pas aussi rutilantes que sur les photos du tourisme. En fait, La Havane les use plus vite que le reste du pays. Sur les murs, les seules publicités sont révolutionnaires.

Cuba slogans revolutionnaires

Avec ses syllabes pleines et ses voyelles qui claquent, l’espagnol sonne ferme et définitif. Le slogan remplace la réflexion, ne reculant pas devant le jeu de mots ou l’association d’idées. Hasta la victoria (jusqu’à la victoire, phrase favorite du Che) sonne comme Hasta la vista (au revoir) ! Nous longeons des maisons basses entourées de quelques arbres qui ont l’âge de la Révolution, parfois munies d’un patio ouvert sur la rue. La banlieue près de l’aéroport domestique s’achève en casernes, usines et baraques. De jour, le soleil brille sur tout cela et donne un air riant aux choses. Dans l’atmosphère d’aquarium de cette aube au ciel bas, cette banlieue nous semble plutôt glauque, comme un bricolage fatigué. L’activisme factice remplace l’enthousiasme déclinant comme ce « Vive le Nième anniversaire de la Révolution ! » qui orne le mur face à l’entrée de l’aéroport domestique.

descamisados cuba

Françoise se dit « linguiste », ce qui fait quand même plus distingué que « prof d’anglais », vous ne trouvez pas ? Elle avoue d’ailleurs avoir des copies à corriger dès son retour… Mais elle angoisse. Elle ne sait pas si le passeport qu’elle présente « est le bon » (en a-t-elle un « vrai-faux » dans une autre poche ?). Elle s’aperçoit qu’elle n’a pas d’« autre gourde » (en dehors d’elle, je suppose ?), ni de canif, alors qu’elle s’est inscrite dans un groupe de randonnée ! Une Anne-Laure a les yeux à fleur de tête et le museau froncé d’un pékinois. C’en est irrésistible, d’autant qu’elle en a la naïveté hargneuse. Elle consulte en marketing et semble vouloir dès la première heure « prendre le groupe en main ». Elle occupe n’importe quel silence que lui laisse (parcimonieusement) Françoise pour nous raconter tout ce qui pourrait lui permettre de se présenter à son avantage. Ainsi, elle a « des amies cubaines » et vient ici souvent, parfois avec son frère qui a vaguement des idées révolutionnaires. Elle-même habite le 8ème arrondissement de Paris et est assistante en marketing pour une boite chic du boulevard Haussmann. En général, elle commence ses interventions de consultante en lançant à chaque patient un ballon tout en lui criant des insultes (passionnant !). Elle n’a pas pris le même avion que nous car elle « voulait voir ses amies » et a pris plutôt « un vol direct Air France », un jour plus tôt, qui ne lui a rien coûté avec les miles qu’elle a accumulé dans ses déplacements professionnels… C’en est saoulant ! Les autres sont plus discrets ; un Philippe deviendra même un ami.

Deux décollages et une escale plus tard, nous voici à l’aéroport de Santiago de Cuba. Il y fait chaud bien qu’une brise réussisse à descendre du nord. Sur le bord de la route, un petit à la main de son père en a ôté son tee-shirt. Nous nous apercevrons bien vite que cette attitude de quitter la chemise est très courante ici – se poser en Descamisado fait éminemment révolutionnaire ! Les automobiles qui circulent ici sont des Lada ou des Moskvitch ; les plus récentes sont japonaises. Je note quelques Fiat, Renault et Citroën. Un bus accordé à notre groupe nous pique au sortir de l’avion. Le chauffeur se prénomme Ricardo.

Catégories : Cuba, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Croisière en Floride et fin du périple

En mer, gymnastique, salsa, tennis de table, ventes de sacs à main, bingo, guitare et voix ; au théâtre ce soir Les Pampas Devils qui proposent du tango d’Argentine, un spectacle gaucho, découverte du porto (il doit encore rester des bouteilles !) – et casino. Pour le restaurant, on est prié de se vêtir en tenue de gala ou d’aller finir les restes au buffet !

Aujourd’hui on vend des t-shirts BCRF pour la recherche du cancer du sein, le Norovirus est toujours présent à bord de l’Infinity, casino, préparer vos valises, encore du vin (français cette fois) à tester, encore des émeraudes à vendre… Des achats à faire encore et toujours à partir de 1$ et jusqu’à 75% de rabais sur certaines marchandises. Profitez, profitez, demain débarquement à Fort Lauderdale.
Fort Lauderdale, Floride, arrivée 7h, débarquement régimenté.

La distance totale que nous avons parcourue est de 4 523 milles nautiques (1 mille nautique = 1,85 km)

Pour rejoindre la sortie, il faudra patienter plus de deux heures pour accéder aux guichets de la police américaine, pour se faire prendre les empreintes des deux mains et photographier. Grâce à S. de Monaco nous pourrons prendre un taxi, à nos frais, et rejoindre notre hôtel à Miami. M. et moi ne sommes pas en forme du tout, V. qui était malade durant toute la croisière semble aller un peu mieux mais elle demeure très faible. Nous avions prévu de faire plus ample connaissance avec Miami, nous n’oserons qu’un petit tour le long du port avant de regagner notre chambre. Demain il faudra prendre l’avion pour Los Angeles. Le fenua nous manque.

miami sapin de noel

L’avion est surbooké, en retard, il n’y a pas même de place pour le bagage à main de 3 kilos… une vraie pétaudière. Heureusement nous retrouvons J. et le chien Freddy. Le beau temps nous a quitté, il fait froid, quoi de mieux pour se réchauffer que d’aller dans un centre commercial ? C’est bientôt Noël, les gens font la queue pour manger, pour se faire prendre en photo, pour acheter. Alors les crèmes glacées, tout en couleurs, sont les bienvenues pour les faire patienter !

Pour terminer le voyage avec Air Tahiti Nui, le repas spécial que j’avais commandé n’était pas dans l’avion ! Pour le prochain voyage sur ATN, je me munirai d’un panier-repas avec poisson cru au lait de coco, riz chaud, quart de vin blanc (les boissons sont-elles à nouveau autorisées à apporter au-dessus de 100 ml ?), au moins je pourrai me restaurer normalement.

sculpture de fruit

Nos commentaires ne seront pas trop élogieux :

L’agence de voyages de Monaco de S. n’est pas absolument pas capable de faire un travail correct, puisqu’elle propose un San Diego-Miami elle est à notre avis indigne de représenter la compagnie de navigation Celebrity.

Le bateau est très confortable mais nous conseillons d’éviter sur le pont 8 les cabines près de la bibliothèque comme les n°8123 et suivants car il y règne un froid sibérien. L’ingénieur requis avoue que cela a toujours été ainsi, que le froid vient du pont 10. OK, mais le pont 9 ne souffre pas de cet air glacial et il est bien entre le 8 et le 10, non ? Nous avions pensé qu’un tupapau avait investi les lieux.

La nourriture est insipide, au restaurant Treillis, on sert un cocktail de crevettes, crevettes dont on a omis d’enlever le filament noir donc retour en cuisine, je commande une salade de roquette on me sert de la salade iceberg, le menu indique un poisson de profondeur, ici en Polynésie on le nomme paru, c’est délicieux, très fin, ce poisson arrivé dans l’assiette de V. est servi sur des pois chiches et ce n’est pas du tout celui annoncé, les noms ronflants du menu en français sont sensés embellir les assiettes mais rien n’a de goût, ni les entrées, ni le plat, ni le dessert – rien n’a de goût. Certes, on peut commander toute la carte mais le premier plat, le troisième ou le dernier ont tous le même goût, plutôt la même absence de goût… Pour un bateau qui se voulait à la pointe de la cuisine…

 sculpture de fruit b

Mais j’y pense : ne serait-ce pas un problème de carte de paiement ? Au self, un jour lentilles à la nage, le lendemain lentilles essorées, le surlendemain lentilles séchées, il n’y a pas eu de quatrième jour sinon cela aurait été certainement lentilles amidonnées ou tas de lentilles lessivées. J’ai commandé un ceviche, il y avait du poisson… mais pas une goutte de citron ! Pour les desserts, c’était la pavlova… un truc collant loin des entrechats de la danseuse, une autre fois avec toujours un nom pompeux on aurait dit du fromage blanc, non, non, un carré de Kiri, posé dessus du vernis rouge et encore au-dessus une feuille de menthe, de la vraie menthe ! Nos estomacs se sont refermés et plus rien ne passait sinon un thé…

sculpture de fruit c

Si V et moi-même additionnions les croisières effectuées sous des cieux différents, jamais au grand jamais nous n’avons aussi mal mangé sur l’une d’elle. Même sur la felouque du Nil où notre accompagnateur nous a servi du kitkat. Quand nous dialoguons avec Tahiti par mail, on nous apprend qu’un grand nombre de personnes ont été malades sur un des Princess, le Crown, je crois. C’est grâce certainement aux prières de mes amies adventistes que nous n’avons pas été malades comme ceux du Princess. Merci Seigneur comme disent les Polynésiens.

Pour celles et ceux qui seraient tentés par une croisière, choisissez bien, ayez aussi beaucoup de chance… ou un compte carte bleue bien approvisionné !

Hiata de Tahiti

Catégories : Etats-Unis, Mer et marins, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Guerres picrocholines à Tahiti

La guerre est déclarée, ce ne sera pas la guerre des boutons mais la guerre des cailloux, de la fumée et de la poussière. Un couple polynésien s’est nanti d’origines impériales pour interdire, pour légiférer et pour insulter leur voisinage. Ils épient jour et nuit les faits et gestes de leurs voisins, contestent les limites des terrains (à leur seul profit évidemment), font venir la police municipale pour un oui, pour un non etc. De guerre lasse, les gens ne répondent plus aux insultes « impériales », aux mesquineries, mais trop c’est trop.

guerre des boutons 1961

Voilà qu’avec leur kyrielle de voitures, bateau, tracteur, 4×4, ils envoient les cailloux dans le jardin des autres. Les insanités pleuvent et les cailloux sont rejetés sur le chemin. Bientôt les mitrailleuses feront leur apparition. Chacun étant dans son bon droit ! et ici au fenua, les pito (nombrils) sont démesurés Peut-être que dans peu vous verrez en exclusivité mondiale la guerre des cailloux sur la télévision nationale.

L’ancienne base arrière du CEP de Hao rencontre des problèmes d’eau pour les toilettes de son aérogare. Ne riez pas ! Les sanitaires de l’aérogare sont fermés actuellement, ce qui oblige les touristes et les habitants prenant l’avion de s’égailler dans la nature pour faire leurs besoins pressants et naturels ! La réponse des autorités de l’atoll est : « le problème de l’aérodrome est lié au manque d’eau. L’usine de désalinisation étant fermée aux heures d’ouverture de l’aérodrome, celui-ci se trouve sans approvisionnement. Cela vient du fait qu’aucune citerne de récupération des eaux de pluie n’a été installée sur le site. Cette situation a été signalée aux ministres compétents (le précédent et le nouveau) depuis le mois d’avril 2014 ». La situation va perdurer, et on ne sait pas jusqu’à quand. Moi non plus.

carcasses voitures

Cinq mois déjà que le terrain bordant la route Papeete-Taravao, situé face au restaurant Terre-Mer, s’est transformé en dépotoir sauvage. Carcasses de voitures, débris en tout genre, sacs-poubelles ont été déposés là à l’insu du propriétaire du terrain. Les coupables n’ont à ce jour pas été retrouvés. Le propriétaire est dépassé. Certes les plaques d’immatriculation des voitures ont été ôtées… mais il faut avoir un matériel de remorquage pour amener jusque-là ces carcasses de voitures.

Régulièrement sur le territoire les carcasses sont enlevées et broyées avant d’être expédiées en Nouvelle-Zélande ou ailleurs, mais chacun doit mettre la main au porte-monnaie et c’est là que le bât blesse. Alors, nettoyage ou pas nettoyage ? En tout cas, pour les touristes qui font le tour de l’île lors des escales de bateaux de croisière, ces vues leur donnent une piètre image de la Polynésie. Aux dernières nouvelles le propriétaire du terrain ayant été sommé de nettoyer son terrain, la municipalité se chargerait d’éliminer les carcasses de voitures !

Hiata de Tahiti

Catégories : Polynésie | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Avion pour San Diego Californie

Le jour est enfin arrivé où il faut partir de notre fenua. C’est un vol Air Tahiti Nui qui nous amène à Los Angeles. L’avion est archi plein, pas une seule place de libre. On dirait que les affaires vont bien pour Air Tahiti Nui ! Notre ami J. nous attend à l’aéroport de Lax. La voiture est vaste pour contenir les trois dames, le chauffeur, les grosses valises et le chien Freddy. D’abord régler les problèmes bancaires de l’une d’entre nous puis direction la mer pour visiter sa maison de plage à Océanside Little Britany. Le lieu est sélect. Les frais de copropriété sont paraît-il très élevés mais le cadre est m a g n i f i q u e. Les demeures sont construites dans le style normand/breton. Ce lieu très privé a été créé par un architecte breton à la demande d’un soldat américain (fortuné sans doute) qui rentrait de la guerre 39-45 en Europe. Un petit en-cas « November pie » sur le pouce fera l’affaire.

san diego oceanside

J. nous mène jusqu’à San Diego où nous avons retenu un hôtel pour attendre le départ de la croisière. Il fait beau, le soleil brille, l’hôtel est simple et très propre dans le quartier de Little Italy. A cause des monstrueuses valises (pas la mienne !), la chambre est un peu exiguë. Le petit-déjeuner simple, café, pain-beurre-confiture, gaufres et sirop, est offert par l’hôtel Ce sont des personnes d’origine indienne qui le gèrent Un hôtel à privilégier si vous avez l’occasion de passer par San Diego.

san diego en route pour old town

Nous profitons de notre séjour dans cette ville pour la sillonner d’abord à pied puis la visiter à bord d’un trolleybus. Ce tour nous mènera de l’USS Midway, le célèbre porte-avion de la marine américaine, au Star of India dans le port, puis au quartier de Gaslamp lieu branché et centre de la vie nocturne ; au Convention Center, le centre des Congrès à l’architecture unique ; à l’Hôtel Marriot, la Place Horton Plaza avec ses boutiques et son architecture originale ; Little Italy, le quartier italien de San Diego où nous habitons.

san diego depuis coronado

Le Coronado que l’on atteint en roulant et traversant la baie de San Diego par l’immense Coronado Bay Bridge pour jouir d’une superbe vue de l’autre côté de la baie ; le Centre historique de la ville et la Fiesta de Reyes ; le Balboa Park, un superbe parc construit en l’honneur de Vasco Nunez de Balboa avec de splendides fontaines, l’architecture coloniale espagnole du bâtiment « El Prado », le Musée de l’homme avec son impressionnant clocher et son dôme bleu nuit. De quoi occuper toute une journée de loisirs, mais nous n’y resterons qu’une heure.

san diego balboa park

Quelques mots sur San Diego. C’est en 1542, l’expédition espagnole menée par Juan Rodriguez Cabrillo échappe à une terrible tempête en se réfugiant dans une baie inconnue peuplée d’Indiens. Il faudra attendre 1769 pour que les Espagnols s’y installent vraiment. Ils fondent la mission San Diego de Alcala, un centre religieux ayant pour but d’évangéliser les Indiens de Californie. Ce sera la première des 21 missions qui s’établiront sur la côte californienne. A la fin du 19ème siècle, de nombreux investisseurs comprennent le potentiel de San Diego avec sa baie naturelle, son climat exceptionnel et sa proximité avec le Mexique. Pourtant, il faut attendre la 2ème guerre Mondiale pour que San Diego se développe enfin. Le gouvernement décide d’y installer la base militaire principale de l’US Navy pour mener la guerre du Pacifique.

san diego sous marin

Quand la guerre prend fin, les marins et la base restent. La ville s’industrialise et l’économie prend son essor grâce à la construction d’un port et l’installation d’une industrie aéronavale qui construira les fusées Atlas. Le downtown de San Diego est réhabilité et met en valeur le patrimoine historique de la ville. Peu à peu, San Diego devient une ville résidentielle très attractive.

san diego immeuble

Aujourd’hui le tourisme participe beaucoup au dynamisme économique de la ville.

san diego carte park

Enfin, le jour de l’embarquement est arrivé. D’abord faire une première et longue queue pour déposer la valise, puis revenir en arrière et faire une seconde queue pour la vérification des pièces d’identité, passer le bagage à main dans l’œil qui voit tout. Ensuite patienter longtemps dans une autre queue pour entrer dans le bateau, récupérer les cartes d’accès à bord le « sea-pass » qui sera le sésame de la cabine, le laissez-passer lors des sorties aux escales, la « carte-bleue» pour les achats, boissons et autres paiements) – et surtout laisser l’empreinte de sa carte de paiement. C’est le plus important pour ce prestataire de services.
Il y a un guichet spécial « handicapés ou personnes ayant besoin d’aide ». Il y a foule de fauteuils roulants en tous genres, mais surtout des « vespas » des tricycles motorisés pour les personnes bien portants voire obèses. Parfois c’est le couple qui se véhicule chacun avec son « scooter renforcé ». Ces individus, nous les croiserons au restaurant, nous les verrons faisant la queue au guichet crèmes glacées, au guichet gâteaux, sodas, mais peu dans la salle de gym ou sur le circuit Marche du pont 11… A 15h45 tout le monde doit être à bord, le départ est fixé 17 heures. Quand toutes les démarches sont terminées, on est autorisé – enfin- à monter à bord, à boire une coupe de « champagne », à visiter sa cabine (les bagages suivront) et à aller grignoter au buffet.

san diego depuis le pont de l infinity

Ah ! oui, les tips (12 $ par jour forfaitaires) seront prélevés directement sur la carte bancaire en fin de croisière. Pas de billets ni de pièces à bord, tout ira sur le compte personnel de chaque participant On nous propose également de prendre des packages pour les boissons à bord : bière, vin, soda, bouteille d’eau minérale, alcools… Pour assister au dîner au restaurant nous devrons nous déguiser en Smart Casual (Tenue de ville) où une table pour trois nous est réservée au deuxième service, bien qu’ayant demandé le premier service ! Nous sommes instamment priées de nous laver les mains le plus souvent possible à l’eau chaude et au savon (c’est précisé) et d’user également du produit sanitaire qui sera versé dans nos mains à chaque entrée et sortie des restaurants.

Hiata de Tahiti

Catégories : Etats-Unis, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Bruno Le Maire, Jours de pouvoir

bruno le maire jours de pouvoir
De 2010 à 2012, Bruno Le Maire se retrouve ministre de l’Agriculture des gouvernements Fillon sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. « La vérité du pouvoir est dans son exercice », déclare l’auteur en liminaire. Dans ces notes au jour le jour, il varie la focale, passant de l’ONU et du G20 aux minuscules exploitations dans les villages de montagne ou le terroir normand. Inlassablement, il pérégrine, comme si « la politique » n’était que féodalité poursuivie malgré la république : être là, serrer des mains, connaître d’homme à homme. Il ne dit pas tout mais il en dit beaucoup – à qui sait lire en filigrane. « La politique nourrit mon écriture et elle la bride. La littérature tend son miroir à mon action politique et elle la juge » p.299.

Les mesures ? Les projets ? La vraie politique, que De Gaulle appelait la « Grande politique » ? Pschitt ! Les agriculteurs sont divisés en autant de groupuscules hostiles les uns aux autres qu’ils cultivent de parcelles ; tous réclament « des aides » – depuis des décennies – il n’y en a jamais assez ; donnez-leur quelques sous, durement négociés avec les pays européens et après compromis avec les pays émergents, ils sont déçus et reportent aussitôt leurs votes sur l’opposition. Les marchés agricoles doivent-ils être régulés pour éviter la spéculation ou pour faire monter les prix ? Ces querelles de chiffonniers sous perfusion permanente seraient d’un ridicule avéré si les campagnes ne représentaient pas un électorat vital pour un candidat UMP.

Quant aux pays européens, Allemagne en tête, ils ne peuvent que juger frivole cette ardeur franchouillarde à s’entre-déchirer entre petites provinces et petits intérêts locaux alors que la crise – mondiale ! – fait rage, que la finance – sans frontières ! – règne et que des pays très peuplés comme la Chine, l’Inde, le Brésil veulent – légitimement ! – nourrir leur population, exporter le surplus et se faire une place dans les échanges mondiaux.

L’agriculture, décidément, ce n’est pas un ministère mais un observatoire sur la cour de récré.

Bruno Le Maire y réussit assez bien, ne prenant jamais position, écoutant les uns et les autres, laissant travailler les technocrates, négociant ce qu’il faut sur instructions présidentielles, dans les contraintes sévères du Budget. Défenseurs du paysage et de la qualité des produits et des terroirs, les paysans ? Peut-être, mais pas écologistes pour un sou ! Le fait qu’ils exigent du ministre qu’il bouge sans cesse d’un coin à l’autre de l’Hexagone pour aller les rencontrer, en avion, hélico, TGV, auto, produit beaucoup de carbone pour rien. Passer une demi-heure ici à serrer des mains, une heure là à écouter une réunion syndicale, une autre demi-heure ailleurs – et parfois dans la même journée – pour « constater » la sécheresse, la grêle, les inondations… à quoi cela sert-il à l’ère des communications audiovisuelles instantanées ? Quand reste-t-il au ministre le temps de penser l’intérêt national, d’étudier des solutions à long terme, de décider les étapes, dans cette agitation permanente de l’urgence et cette drogue des aides d’État dont pas un agriculteur ne semble plus pouvoir se passer sa vie durant ?

Autour du steak agricole bien saignant, l’auteur ajoute quelques accompagnements sur sa vie politique, des portraits ciselés des ténors qu’il décrit sans prendre position (réservant l’avenir), une louche de sauce européenne et un assaisonnement intime avec ses enfants.

L’un des plaisirs du livre est le Sarkozy dans le texte, ce parler voyou qui ne met jamais les négations (« faut pas » pour il ne faut pas »), ce côté touchant du président lecteur plus cultivé que les médias à 80% de gauche l’ont dit, mais aussi touche-à-tout qu’ils l’ont dit aussi, avide d’être aimé mais solitaire dans l’exercice du pouvoir. « Il a pour les enfants, ou pour tout ce qui touche aux enfants, une disponibilité, une sincérité qui cadrent mal avec les portraits qui sont faits de lui » analyse Bruno Le Maire p.344.

Sur Alain Juppé : « Lui qui passe pour un homme froid et cassant, je le vois surtout simple, direct dans ses jugements, sans double fond, soucieux avant tout de la France. On le dit sec, il est pudique. On le croit vaniteux, il a cet orgueil des personnes qui refusent les humiliations. Blessé à vif par une condamnation injuste, il en garde une méfiance instinctive du risque politique, de ces coups de poker qui permettent de prétendre à la première place (…) Pour le sens de l’État, je ne lui connais aucun rival à droite » p.49.

Bruno Le Maire enrobe sa chronique de sauce européenne, bateau à la dérive, sans pilote dans la cabine. Que serait l’agriculture française sans la PAC, politique agricole commune ? Mais c’est aussi « une évidence pour moi que seule une intégration politique plus poussée, sur des bases idéologiques différentes et suivant des modalités de décision simplifiées, pourra nous sortir définitivement de la crise ; mais c’est une autre évidence que nous n’en prenons pas le chemin et que personne ne sait plus quel est le projet de société, encore moins le projet politique européen » p.334. Une fois ces généralités pleines de bonnes intentions énoncées, nous n’en saurons pas plus. Ce n’était pas l’objet du ministère, mais nous aurions aimé connaître plus précisément ce que proposerait Bruno Le Maire sur les institutions européennes. En revanche, il le dit bien, il est très facile de faire de Bruxelles un bouc émissaire de ses lâchetés politiques – tous gouvernements confondus ! « En définitive, l’Europe se construit moins à Bruxelles qu’on le prétend. Son avenir dépend avant tout de l’implication des États membres et de leurs représentants élus » p.84.

Le piment du texte est ces quelques notules amoureuses saupoudrées de ci de là envers chacun de ses enfants, quatre petits garçons de moins d’1 an à presque 12 ans que le ministre n’a pas assez le temps de voir et dont, pour le dernier, il décrit d’une belle plume la naissance (p.333).

Ces années forment la suite de son expérience de niveau moindre 2005-2007, relatée par Des hommes d’État. Ce livre-ci est plus réfléchi, plus composé peut-être, chaque thème étant soigneusement dosé pour dire sans trop en dire, pour n’oublier personne sans se fâcher avec quiconque, pour chroniquer au jour le jour tout en balisant la mémoire des fils qui n’ont retenu que ses absences. La lecture en est fluide, passionnante, faisant pénétrer au cœur du réacteur politique où, finalement, il ne se décide pas grand-chose tant les politiciens sont désormais « agis » par des forces impersonnelles. Hollande était insignifiant (il le reste) ; il été élu parce que la majorité en avait assez du caractère agité de Sarkozy. Au fond, peu importent les programmes, seuls comptent les hommes, plus encore lorsqu’ils sont parfaitement impuissants à changer ce qui survient.

J’aime cette mesure donnée aux choses, cette attention aux petits faits vrais des êtres et de la vie, cette sensibilité aux paysages et aux sons. Tant de politiciens sont des bêtes de cirque qu’un peu d’intelligence en politique apparaît comme précieuse. Malgré les jaloux, les envieux et les médiocres. Leçon d’Édouard Balladur à l’auteur, le 16 février 2012 : « Vous savez, les gens intelligents, en politique, on ne les aime pas, c’est comme ça, il faut en prendre son parti » p.461. Tant pis pour les médias qui préfèrent ce qui brille : je préfère pour ma part ce qui réfléchit.

Il est curieux que l’éditeur Gallimard ait laissé passé des coquilles énormes comme 4×4 écrit systématiquement 4 3 4 ou G20 écrit parfois B20 et une fois G120 ! Les correcteurs sont-ils de plus en plus illettrés ou sont-ils politiquement sectaires pour saboter ainsi un livre ?

Bruno Le Maire, Jours de pouvoir, 2013, Folio 2014, 521 pages, €8.50

Catégories : Livres, Politique | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Daniel Easterman, Le Septième sanctuaire

daniel easterman le septieme sanctuaire
Thriller géopolitico-historique à tropisme ethnique qui entremêle Juifs, Arabes (et évidemment Nazis), il se situe dans un Moyen-Orient compliqué, chargé de siècles et de communautés composites. Daniel Easterman, pseudonyme de Denis MacEoin né en Irlande du Nord, est titulaire d’un doctorat en histoire de l’Islam et a enseigné à l’université de Newcastle avant de devenir écrivain. Il construit bien son histoire, littéraire et efficace, bien mieux que les Américains pourtant inventeurs du genre. Il pousse l’humour jusqu’à se mettre en scène sous les traits du professeur israélien Benabu, lui aussi écrivain d’imagination sous le pseudonyme de David Wise.

Le premier chapitre commence fort, quatre meurtres de sang froid d’une balle en plein front, dans un paisible salon de Cambridge lors d’une soutenance de thèse archéologique. Suit un périple très réaliste à la manière des thrillers : tentatives de meurtres, fuite, mise en danger, enquête, explosions, intervention du Mossad, dictateur syrien, tueurs palestiniens…

Le tout s’enfle dans l’histoire antique, une ville mystérieuse en plein cœur du désert, formellement citée dans la Bible et le Coran, mythique pour les uns mais réelle pour les autres. Depuis le monastère de Saint-Nilus en passant par celui de Sainte-Catherine au Sinaï, un journal de bord d’un ancien colonel nazi, le manuscrit d’un voyageur arabe antique et des inscriptions confirment au professeur juif israélien David Rosen (qui a échappé de peu à l’égorgement sans savoir pourquoi sur un chantier archéologique en Syrie) que la cité existe et qu’elle recèle une menace pour aujourd’hui. Et pour lui-même. Ce n’est pas un hasard non plus si Hafez El Assad vient d’être renversé (nous sommes en 1987) par un nationaliste musulman syrien…

David s’allie à une belle jeune palestinienne, Leïla, accessoirement membre du Front populaire de libération de la Palestine. Mais Juifs et Arabes font taire leurs querelles millénaires face à la menace nazie. Car le Complot, préparé dans les derniers mois de la Seconde guerre mondiale, est sur le point d’aboutir. Plan machiavélique et méthodique sorti tout droit des théories ésotériques fumeuses du début du XXe siècle et ravivée dans une Allemagne vaincue en 1918 par la crise économique mondiale. Qui est le mystérieux A. H. ? Al Husseyni, le grand mufti de Jérusalem pronazi, ou Adolf Hitler en personne ? Quel est cet avion allemand, prototype sorti les tous premiers mois de 1945, qui s’est écrasé dans le désert syrien ? De filatures en documents, des labyrinthes de la ville aux étendues du désert sous la tempête de sable, les petites cellules grises s’allient aux jeunes muscles pour faire avancer une histoire comme on les aime, pleine de bruit et de fureur, mais ouvrant des perspectives humaines.

Écrit en 1987, avant l’Intifada mais avec les yeux décillés sur Israël après l’affaire du Liban, ce premier thriller de l’auteur emporte la conviction. Il peut encore se lire avec ferveur aujourd’hui malgré quelques faiblesses de construction et d’invraisemblances sur la fin. Nous sommes chez Indiana Jones, mais version érudite, bien plus crédible car étayée par toutes les connaissances du docteur en histoire de l’Islam Denis MacEoin, le vrai nom de Daniel Easterman.

Son héros trouvera Iram, la cité perdue, devenue le Septième sanctuaire après le temple de Salomon puis le temple d’Hérode à Jérusalem, Rome, Byzance, La Mecque et Berlin. Ce qu’il y découvrira fait frémir, car le passé se précipite dans l’actualité pour embraser à nouveau le Proche-Orient. David va-t-il réussir à terrasser le nouveau Goliath ?

Pas sûr… Et c’est ce qui fait tout le sel de ce bon livre.

Daniel Easterman, Le Septième sanctuaire (The Seventh Sanctuary), 1987, Livre de poche 1995, 541 pages, €6.33

Catégories : Livres, Romans policiers | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Pékin !

Arrivée à Yichang en traversant le plus grand barrage du monde, visite du barrage. Débarquement puis avion pour Beijing alias Pékin. Sur le chemin de l’aéroport, nous visitons une usine de broderie, travail très délicat entrepris par des doigts féminins et une grande patience. Arrivée à Pékin avec retard. A 1h30, nous sommes enfin au lit !

A nous la Grande Muraille… par télécabine. Mutianyu est un endroit plus calme pour la visite. Pour les empereurs chinois, la Grande Muraille était une défense contre les invasions barbares venues du Nord. Sous sa forme actuelle, cette défense est en grande partie une création des Ming. Chacun de nous a vu tellement de photos de cette muraille que j’avoue n’être que moyennement impressionnée. Cette construction est-elle démesurée ou est-ce un chef d’œuvre ? Elle mesure plus de 7000 km de long, et l’on raconte parfois que c’est la seule construction humaine visible de la lune. C’est en tout cas le symbole de la Chine. La muraille n’est pas l’œuvre d’une seule dynastie. Commencée au 7ème siècle avant JC, elle obtint une dimension grandiose sous le premier empereur des Qin, Shi Huangdi (221-210 av. J-C). Cet empereur relia entre eux les morceaux existants, érigea des tours de guet et installa un système de feux d’alarme. La construction progressa sous les Han mais cessa sous les Tang et les Song. Elle reprit au 15ème siècle sous les Ming. Aujourd’hui c’est devenu un site touristique. L’exploration aérienne permettrait, paraît-il, de découvrir encore quelques kilomètres supplémentaires.

PEKIN

Ne perdons pas de temps, déjeunons sur place. Il faut maintenant passer au lavage des pieds, non, pardon au massage des pieds. Chacun et chacune est installé, les pieds dans un petit baquet de bois garni d’un sac plastique rempli d’eau, un verre de thé à la main. Les élèves masseurs arrivent pour triturer les petons et tentent ensuite de vendre des médicaments chinois faisant des miracles. Je la regarde stupéfaite : le soir, à l’hôtel, TM est hors d’elle. Elle ne décolère pas. Une autre personne aurait osé prendre SA place dans la queue pour changer en « dollars chinois » ses dollars américains. – C’était moi la première ! Je n’en ai cure. Elle me donne des détails tels – son mari est Chinois, un grand. Je la regarde stupéfaite. – Mais TM, sur 32 personnes constituant ce groupe il n’y a que 5 Popa’a, vous êtes tous Chinois ou Demis. Comment pourrais-je reconnaitre ce Chinois avec aussi peu de détails… Le soir, rendez-vous dans un restaurant renommé pour déguster du canard laqué à la Pékinoise. Pour des appétits polynésiens, quelques petites crêpes ne suffiront pas !

PEKIN

Toujours dans la capitale, visite du Temple du Ciel situé dans un parc immense de 270 ha, le Parc Tiantan. Illustration de la cosmologie chinoise, il était destiné à offrir aux Empereurs de Chine, les Fils du Ciel, une passerelle vers le monde céleste. Les divers bâtiments en forme de cercle symbolisent le ciel, les autres carrés représentent la terre. La salle de la Prière pour de bonnes moissons (1420) symbolise la rencontre de la Terre et du Ciel. Les cérémonies orchestrées par l’Empereur avaient lieu à l’occasion des solstices d’hiver et d’été. En 1545 elle fut reconstruite et dotée de trois toits superposés et recouverts de tuiles bleues, jaunes et vertes. Le toit conique symbolise l’étendue du monde céleste. La voûte culmine à 36 m et a été assemblée sans un seul clou. La Cité interdite, résidence des empereurs Ming et Qing qui s’étend sur 72 ha est un lieu imposant et magnifique. Jadis interdit au peuple, ce lieu symbolisait la puissance inaccessible de l’Empereur. Les bâtiments actuels datent du 18ème siècle. Des symboles, le dragon représente l’Empereur, le phénix l’impératrice, le jaune étincelant des toits symbolise l’Empereur.

En pénétrant par la porte du Midi, on arrive dans une cour où cinq petits ponts en marbre franchissent un ruisseau, à nouveau une porte celle de l’Harmonie suprême. Le plus grand bâtiment de la Cité interdite, Le Palais de l’Harmonie suprême, réservé aux évènements marquant tels l’intronisation d’un nouvel Empereur, la proclamation des noms des candidats reçus aux examens impériaux, le mariage, l’anniversaire de l’Empereur. Le palais de l’Harmonie suprême fut pendant longtemps l’édifice le plus élevé de Pékin. Un plus petit Palais, celui de l’Harmonie du Milieu où l’Empereur recevait ses ministres. Le Palais de l’Harmonie préservée juste avant la Porte de la Pureté céleste on y supervisait les épreuves des examens que devaient passer les serviteurs de l’État. La place Tian An Men, immense, est une création de Mao Zedong. Le palais de Heshen date de la dynastie Qing.

PEKIN

Déjeuner et dîner en ville. Soirée, merveilleux concert, au théâtre national. Là où certains ont ronflé, d’autres soupiré, d’autres pesté en l’absence de shopping, nous étions quelques-uns à apprécier ce cadeau. Mêlant les instruments typiquement chinois tels le luth pipa, la flûte dizi, le violon à 2 cordes erhu et la cithare à 7 cordes gukin, les orgues à bouche, aux instruments occidentaux violons, violoncelles, contrebasses, trombones, clarinettes, et autres, le concert était captivant, fort réussi, mené par un chef d’orchestre très connu. Une remarquable soirée.

Toujours pékinoise le lendemain, ce sera le Palais d’été ou Jardin pour cultiver l’harmonie. Le plus grand jardin impérial du monde comprenant le Palais de la Bienveillance et de la Longévité, le Jardin de l’Harmonie vertueuse, le Palais de la Joie et (toujours) de la Longévité, le Palais des Vagues de jade, le Gracieux pont aux 17 arches, le Bateau de marbre où l’impératrice donnait des festins, le Pavillon pour écouter le chant du rossignol, le Temple de l’océan de sagesse… Encore une après-midi consacrée au shopping.

Hiata de Tahiti

Catégories : Chine, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , ,