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La Compagnie Française des Phosphates d’Océanie à Makatea

La mécanisation était impossible vu la nature du gisement, des pelles, des brouettes et des seaux étaient les outils des travailleurs. Les ouvriers couraient sur des planches de 30 cm de large au-dessus du vide entre les feo. Les ouvriers étaient payés au rendement.

MAKATEA PLAN INCLINE

On peut s’étonner aujourd’hui que malgré ces méthodes rudimentaires, les résultats étaient étonnants. Une équipe extrait 5 tonnes/jour. En 1911 = 12 000 tonnes, en 1929 = 251 000 tonnes ; en 1960 = 400 000 tonnes. De 1908 à 1966 = 11 279 436 tonnes auront été extraites !

Makatea (7)

Il fallait des bras, l’île comptait peu d’habitants, 25 sur les 300 nécessaires furent recrutés sur l’île. Les cadres et spécialistes sont des Métropolitains sous contrat.

En 2014, la Société des Études Océaniennes a publié dans son numéro 331 le journal d’un médecin à Makatea au temps de la C.F.P.O, Docteur Claude Barbier. Il y demeura 4 ans avec femme et enfants.Témoignage intéressant d’un métropolitain débarquant à Makatea. La compagnie fit appel aux Asiatiques : Japonais, puis Chinois, puis Annamites jusqu’en 1920. Pour la main d’œuvre locale il y avait une multitude de problèmes : difficulté de s’adapter à un travail suivi, absentéisme au travail, mobilité du travail, caractère discontinu de l’effort, désir de changer de pays, d’occupation, lassitude…

Le grand-père de J. J. (Anglais) était comptable à Makatea avant de rencontrer sa femme polynésienne.

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Au moment de la guerre, il fallut avoir recours aux Polynésiens des Cook. Après la guerre, les Polynésiens français furent plus nombreux à venir travailler à Makatea. La société recruta aux Australes, à Raivavae surtout, cela donna de bons résultats. Les « Australiens » sont courageux, forts – dit-on. Les groupes de travailleurs étaient constitués selon l’origine et les affinités insulaires et formaient alors des équipes homogènes que l’on reconnaissait à des détails vestimentaires. Durant les dernières années d’exploitation, il y avait 800 travailleurs, tous Polynésiens.

1960 Makatea comptait 3 000 habitants avec leur famille, en 1962 on en comptait 3 071 – ils avaient faits des petits. Tout le personnel était logé par la compagnie.

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Makatea vit aussi la naissance du syndicalisme. L’île était un monde autonome : fourniture d’électricité 24 heures sur 24, 100 postes de téléphone automatiques, une station TSF, eau courante, l’électricité dans toutes les maisons. Les personnes qui, à la fermeture de l’exploitation, sont retournées dans leur île ou se sont installées à Papeete avaient réussi à se construire une maison et à vivre décemment.

MAKATEA MAISON DE FONCTION

Auparavant, les ouvriers signaient pour un contrat d’un an, renouvelable. Ceux qui optaient pour un an préféraient regagner leur île et, avec l’argent gagné s’offraient une « Vicky », vélomoteur très répandu dans l’archipel et leur permettant de circuler même sur les mauvais chemins. Le must, quoi !

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Quelques statistiques qui en diront plus long : la CFPO versait 28% des salaires du secteur privé et assurait ¼ des recettes budgétaires du Territoire en 1960. Les impôts payés et les taxes diverses représentait 24,5% du budget du territoire. La CFPO apportait plus des ¾ des devises reçues par le Territoire.

En 1966, la CFPO plie bagages, tout est abandonné, 1/3 de la surface de l’île est creusée d’excavations. Elle laisse, à titre gracieux, toutes les installations au Territoire qui les donne… à la commune !

Hiata de Tahiti

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Phénomènes de société à Tahiti

Mopelia est un atoll situé au sud-ouest de Maupiti. Quatre kilomètres de terres basses entourent un lagon fertile en nacres. Une quinzaine d’habitants vit du coprah. Mopelia possède une passe et est donc accessible par bateau. Aucune structure d’hébergement et aucun magasin toutefois. Il fut un temps, il y avait une rotation toutes les deux semaines depuis Maupiti, c’était, c’était… il y a pas mal de temps. La dizaine de famille vivant à Mopelia est privée de ravitaillement depuis le mois d’avril 2014 et 35 tonnes de coprah attendent de pouvoir être embarquées à bord du navire de la flottille administrative. En théorie, les rotations entre Tahiti et Mopelia s’effectuent tous les 6 mois. Le navire ne peut, compte tenu de son tonnage, emprunter l’unique passe de l’île. Il doit au préalable embarquer la barge de l’île de Maupiti pour effectuer les transferts de marchandises sur Mopelia. Malheureusement, l’état de la mer, l’indisponibilité de la barge pour cause de problème mécanique a empêché le Tahiti Nui 8 de procéder au ravitaillement en vivres des habitants. Depuis avril 2014, Mopelia n’a plus de gaz, d’essence ni de nourriture. Les habitants n’ont que les poissons pêchés dans le lagon et les cocos pour se nourrir. Le Tahiti Nui 8 n’a pu rejoindre Mopelia en novembre, il devrait atteindre l’île le 15 janvier, nous sommes déjà le 25 tandis que j’écris ces lignes… Sœur Anne, ne vois–tu rien venir ?

cascade foret tahiti

Mais ça avance, merci. Des murs gris, pas encore de toit, encore 4 girafes sur le chantier, la prison près de Papeete s’élève. Le palace s’annonce luxueux. Ce chantier financé par l’État coûte la bagatelle de 5,85 milliards de XPF (49 millions d’euros). Une cellule au prix d’un appartement 120 000 € par prisonnier. Nuutania, réputée la prison la plus surpeuplée de France et de Navarre, sera rafraîchie et continuera à servir (pour les femmes et les mineurs) quand celle de Papeari entrera en fonction au 1er semestre 2017. 410 détenus devraient intégrer cette nouvelle geôle. Madame la Directrice de l’Administration pénitentiaire était venue fin septembre 2014 se rendre compte sur place.

En début juillet, le Resort superluxe de Tetiaroa, The Brando, a ouvert ses portes avec deux familles de clients américains. Il aura fallu 5 années de travaux, un investissement annoncé de 11 milliards de XPF (presque 100 millions €, défiscalisés bien sûr pour), qu’enfin les premiers clients profitent de cet endroit paradisiaque. Le séjour minimum, d’après la pub, est de 3 jours en pension complète pour un couple et coûte au bas mot 9 000 € plus 600 € par personne pour l’aller-retour en avion (50 km, 15 minutes de vol). Qu’on se le dise, le refuge pour millionnaires est ouvert. D’après les langues de vipère de Radio Cocotier, cet hôtel serait un leurre pour une vaste opération immobilière. Il resterait à vendre 585 ha des motu de l’atoll. Du calme, il y en aura pour tout le monde !

montagne brume tahiti

« Et si on autorisait les casinos des bateaux de croisière à quai ? » Le Pays réfléchit à ouvrir aux croisiéristes les salles de jeux des navires amarrés à Papeete afin de favoriser des escales plus longues, qui seraient bénéfiques pour l’économie locale. La législation actuelle est ambiguë, mais le permettrait…

48 heures de dérive, deux nuits en mer et 11 vols de recherche effectués par 3 aéronefs différents (le Gardian de la Marine nationale, l’hélicoptère Dauphin de l’Administration et le Casa de l’armée de l’air). Mais ils ont été retrouvés ! Ils ne possédaient pas de balise de détresse. Ces trois naufragés appartenaient à la communauté de l’Église de Jésus-Christ des Saints des derniers jours (Mormons). Le sauvetage a coûté 65 millions de XPF, aux frais de la société.

Hiata de Tahiti

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Guerres picrocholines à Tahiti

La guerre est déclarée, ce ne sera pas la guerre des boutons mais la guerre des cailloux, de la fumée et de la poussière. Un couple polynésien s’est nanti d’origines impériales pour interdire, pour légiférer et pour insulter leur voisinage. Ils épient jour et nuit les faits et gestes de leurs voisins, contestent les limites des terrains (à leur seul profit évidemment), font venir la police municipale pour un oui, pour un non etc. De guerre lasse, les gens ne répondent plus aux insultes « impériales », aux mesquineries, mais trop c’est trop.

guerre des boutons 1961

Voilà qu’avec leur kyrielle de voitures, bateau, tracteur, 4×4, ils envoient les cailloux dans le jardin des autres. Les insanités pleuvent et les cailloux sont rejetés sur le chemin. Bientôt les mitrailleuses feront leur apparition. Chacun étant dans son bon droit ! et ici au fenua, les pito (nombrils) sont démesurés Peut-être que dans peu vous verrez en exclusivité mondiale la guerre des cailloux sur la télévision nationale.

L’ancienne base arrière du CEP de Hao rencontre des problèmes d’eau pour les toilettes de son aérogare. Ne riez pas ! Les sanitaires de l’aérogare sont fermés actuellement, ce qui oblige les touristes et les habitants prenant l’avion de s’égailler dans la nature pour faire leurs besoins pressants et naturels ! La réponse des autorités de l’atoll est : « le problème de l’aérodrome est lié au manque d’eau. L’usine de désalinisation étant fermée aux heures d’ouverture de l’aérodrome, celui-ci se trouve sans approvisionnement. Cela vient du fait qu’aucune citerne de récupération des eaux de pluie n’a été installée sur le site. Cette situation a été signalée aux ministres compétents (le précédent et le nouveau) depuis le mois d’avril 2014 ». La situation va perdurer, et on ne sait pas jusqu’à quand. Moi non plus.

carcasses voitures

Cinq mois déjà que le terrain bordant la route Papeete-Taravao, situé face au restaurant Terre-Mer, s’est transformé en dépotoir sauvage. Carcasses de voitures, débris en tout genre, sacs-poubelles ont été déposés là à l’insu du propriétaire du terrain. Les coupables n’ont à ce jour pas été retrouvés. Le propriétaire est dépassé. Certes les plaques d’immatriculation des voitures ont été ôtées… mais il faut avoir un matériel de remorquage pour amener jusque-là ces carcasses de voitures.

Régulièrement sur le territoire les carcasses sont enlevées et broyées avant d’être expédiées en Nouvelle-Zélande ou ailleurs, mais chacun doit mettre la main au porte-monnaie et c’est là que le bât blesse. Alors, nettoyage ou pas nettoyage ? En tout cas, pour les touristes qui font le tour de l’île lors des escales de bateaux de croisière, ces vues leur donnent une piètre image de la Polynésie. Aux dernières nouvelles le propriétaire du terrain ayant été sommé de nettoyer son terrain, la municipalité se chargerait d’éliminer les carcasses de voitures !

Hiata de Tahiti

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Tahiti se dépeuple

Le déficit migratoire est confirmé à la hausse. Quelques chiffres 2012 intéressants : au premier janvier 2013 : 269 mille habitants en Polynésie Française et 63,6 millions en France… La croissance de la population 2012 est de 0,6 % en P.F. et 0,5 % en France. Pour les naissances, l’indice conjoncturel de fécondité est le même : 2,0. Le taux de mortalité infantile est de 7,5 % en P.F. et 3,5 % en F. L’âge moyen des mères : 27,7 en P.F. et 30,1 en F. Pour les décès : l’espérance de vie d’un homme est de 73,3 années en P.F. et 78,5 en F. Pour les femmes 78,2 années en P.F. et 84,8 en F. Question mariage, le taux de nuptialité est de 5,4% en P.F. et de 4,0 % en F. L’âge moyen du premier mariage est pour l’époux de 35,9 en P.F. contre 32,0 en F ; celui de la femme de 32,5 ans en P.F. et 30,2 en F.

gamin torse nu

Les touristes ont encore boudé la Polynésie en décembre 2013, encore 4 585 visiteurs en moins par rapport à 2012. Cela se répercute sur la fréquentation hôtelière. L’Amérique du Nord est le seul marché émetteur en hausse sur le dernier mois de l’année. Le nombre de touristes venant de France  enregistre le plus fort recul (-23,7%). C’est depuis janvier 2013 un recul de 2,7% par rapport à 2012.

Aéroport de Tahiti a annoncé son programme de grands travaux ; rénovation de la piste qui permettra d’accueillir des Boeing 777-300, l’Airbus 380, l’Airbus 340-600. Une arrivée internationale repensée, de nouveaux carrousels  à bagages, et dès l’arrivée les voyageurs internationaux seront plongés dans l’ambiance polynésienne grâce à la collaboration du Centre des métiers d’art et du Musée de Tahiti et des îles. Pourvu qu’ils ne plongent pas trop profond… et qu’ils puissent ressortir !

Vahines nues Tahiti

Il y a ceux qui quittent le Peï, il y a ceux qui arrivent au Peï, d’après l’ISPF (L’Institut de la statistique de la Polynésie Française) l’exode est sans précédent. Rappel : entre 2007 et 2012 18 350 personnes ont quitté la Polynésie ; sur la même période 10 650 venus de l’étranger ou de métropole se sont installés au fenua ; soit un déficit de 7 550 âmes en 5 ans. Qui part ? Pourquoi part-on ? Difficile de le dire avoue le statisticien puisqu’on ne les interroge pas ! Par contre on remarque que toutes les tranches d’âges sont touchées. Pour les jeunes à la recherche d’un emploi, la Nouvelle-Calédonie apparaît comme un nouvel eldorado. D’autres, tel ce commerçant de 40 ans s’envolera sous peu pour Singapour. Tel retraité trouve que les gens sont de moins en moins sympas et préfère partir ! L’autre, métier du bois, préfère faire ses valises car il a des problèmes de stock et table sur de nouvelles techniques de travail en Europe ; il et regrette le vase clos où il vit ici. L’histoire de la Polynésie est faite ainsi mais demain ?

L’Académie des sciences patrimoniales est créée. Elle sera la gardienne des savoirs traditionnels polynésiens. Elle aura pour mission « de faire dialoguer les savoirs endogènes et scientifiques dans un cadre protégé qui permettra de sauvegarder, pour les générations futures, notre savoir traditionnel, issu de notre patrimoine culturel et intellectuel ».

Hiata de Tahiti

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Atoll de Kauehi aux Tuamotu

Le rendez-vous était fixé à 6 heures à l’aéroport de Tahiti-Faa ’a. Il avait fallu se lever à l’aurore, prendre la voiture à 4h45 pour rejoindre l’aéroport des lignes intérieures – et déjà ceux qui partaient vers Papeete étaient nombreux sur la seule route de l’île. Bien arrivées, bien enregistrées, le départ ne saurait tarder.

ATOLL ATIU

Tiens, c’est un ATR-42, et il y a deux escales avant d’arriver à destination ! La flotte d’Air Tahiti se chiffre à : 7 ATR 72-500 + 2 ATR 42-500 + 1 Beechcraft affecté à Air Archipels et 1 Twin-otter, propriété de la Polynésie française exploitée par Air Tahiti. Air Tahiti est la compagnie aérienne qui dessert régulièrement 47 îles en Polynésie française ; Air Archipels est spécialisée dans les vols à la demande et les évacuations sanitaires (evasan). Elle assure également pour le compte d’Air Tahiti la desserte de certaines îles en Twin-otter et en Beechcraft. La Polynésie vient de faire l’acquisition d’un ATR 600.

Pour poser un ATR 42 il faut disposer d’une piste d’une longueur minimale de 900 m, qui passe à 1 100 m minimum pour un ATR 72. En fonction des caractéristiques de la piste, des performances de l’avion on calcule la charge maximum qui peut être offerte au décollage et à l’atterrissage. En cas de pluie, la distance est augmentée. L’ATR 42 ne pourra embarquer que 36 places sur les 48 proposées. L’avion est déclaré plein par la Compagnie, à la grande surprise des passagers qui découvrent des rangées de sièges vides ! Un défi perpétuel.

Ce matin, l’avion n’est pas rempli ! A l’escale de Fakarava tous les passagers sont priés de descendre même ceux en transit car l’avion fera le plein. Quelques passagers sont accueillis par les pensions de famille. On repart direction Kaukura où descendent quatre passagers, mais les sièges libres sont destinés à recevoir du fret dans une toile bleue conçue à cet effet. Heureusement qu’il y a un passager qui se trouve être une personne de l’escale de Kauehi et qui aide ses deux collègues bien empêtrés. On repart, on atterrit à Kauehi, nous sommes quatre à descendre : deux touristes pour le Kauehi Lodge et deux locaux. Nous sommes accueillies avec chacune un énorme collier de tiare Tahiti. En route pour la pension à environ deux kilomètres de l’aéroport en Land-Rover !

KAUEHI LODGE

Le lieu est superbe, pieds dans l’eau du lagon, palette de couleurs à disposition et un coco à siroter.

KAUEHI LODGE

Kauehi, appelée Noka Noka par les anciens, puis Cavahi à sa découverte par Fitzroy, ensuite Vincennes par Wilkes est un atoll de l’archipel des Tuamotu dépendant administrativement de la commune de Fakarava.

FAKARAVA

Son nom peut être traduit par « s’arrêter pour pêcher ». Stevenson, au cours de son voyage dans les mers du Sud, l’a trouvée inhabitée. « Elle était toute de brousse verte et sable blanc, sertie d’une eau bleue et transparente ; les cocotiers étaient rares, mais quelques-uns pourtant complétaient la brillante harmonie de couleurs en laissant pendre un éventail d’or jaune ». Cet atoll est situé à 17 km au nord-ouest de Raraka, l’île la plus proche qui ne dispose pas d’un aérodrome. Les passagers à destination de Raraka descendent à Kauehi et prennent un speed-boat pour rejoindre l’île.

KAUEHI

Kauehi est à 45 km au nord-est de Fakarava et à 462 km au nord-est de Tahiti. Kauehi, de forme ovale, s’étend sur 24 km de longueur et 18 km de largeur maximales pour une surface de terres émergées d’environ 15 km2 et un lagon de 320 km2 accessible par la passe Arikitamiro. Celle-ci fait 200 m de large et 9 m de profondeur, elle est navigable. Un chenal de 15 km, balisé à travers le lagon, permet l’accès jusqu’à quelques centaines de mètres du village. La goélette reste au large car elle ne peut accéder au quai à cause des grands bancs de sable à proximité. D’un point de vue géologique, l’atoll est l’excroissance corallienne de 95 m du sommet d’un petit mont volcanique sous-marin homonyme qui mesure 1 535 m depuis le plancher océanique. Il s’est formé entre 52,5 et 58,1 millions d’années.

D’après le dernier recensement de 2012, il y aurait 531 habitants sur l’atoll, regroupés dans le village de Tearavero mais, en parlant avec les locaux, nous apprendrons qu’il n’y en aurait qu’une centaine. Alors qui croire ? Ceux qui y habitent ? Ou ceux qui font des statistiques ?

KAUEHI VILLAGE DE TEARAVERO

On pense que l’atoll était connu depuis fort longtemps des marchands de perles mais officiellement c’est l’Anglais Robert Fitzroy qui, le 13 novembre 1835, a posé le premier pied blanc sur l’atoll. Mais l’endroit fut certainement peuplé par les Polynésiens venant de Fidji, Tonga et Samoa autour de l’an 1 000 (+ ou – 200 ans). Imaginez les grandes pirogues à balancier, sans instruments de navigation « modernes », réalisant cet exploit tandis qu’aujourd’hui l’ATR 42 nous y dépose sans aucune difficulté ! Kauehi fut néanmoins l’une des dernières  îles découvertes par les Européens en 1835 alors que Magellan au cours de son tour du monde en 1521  avait découvert l’atoll de Puka-Puka. La colonisation de l’atoll par les Français n’interviendra qu’au milieu du 19e siècle. Coprah et pêche lagonaire sont ses ressources, les fermières perlières ont  maintenant déserté l’atoll.

L’atoll est classé comme conservatoire biologique de très haute importance par l’UNESCO, programme MAB « Réserve de la biosphère » créé en 1977. Sept atolls composent la réserve : Aratika + Fakarava + Kauehi + Raraka + Toau + Niau + Taiaro. C’est Taiaro qui avait été classé le premier en réserve intégrale depuis 1972 à la demande de son propriétaire W.A.Robinson. La réserve s’est étendue en 1973 à la totalité de l’atoll et à une zone de 1 000 m au large. Les autres atolls l’ont rejoint comme «réserve de la biosphère » en 1977.

Trois grandes directives pour une réserve de biosphère :

  1. conservation de la biodiversité et des écosystèmes ;
  2. développement économique et social de la population ;
  3. appui logistique du réseau international de recherche d’observation et de formation.

Hiata de Tahiti

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Sein

L’île de Sein n’est pas l’île aux seins, à chercher plutôt du côté de Tahiti. Pas un sein nu sur l’île de Sein, religion et climat obligent.

ile de Sein carte

L’endroit est battu par les vents, envahi par la mer et giflé d’embruns. Inlassablement, l’eau creuse le roc émergé, découpant cet arpent de terre de 56 hectares en forme de dragon chinois. Nous sommes aux confins du monde connu, à l’ouest breton de l’Europe, devant l’immensité liquide sans rien avant l’Amérique.

sein bourg

Les druidesses vierges étaient neuf et rendaient des oracles au 1er siècle en ce lieu violent où les dieux se battaient en tempêtes. Des mégalithes témoignent encore, malgré l’église, de ces âges farouches.

sein digue ouest

Le touriste aujourd’hui se sent de trop ; il a une vie bien facile face aux âpretés vécues chaque jour par les Sénans. Dépendant des éléments pour tout, la pêche, le jardin, le ravitaillement, la plage, ils voient dans la même journée un vent de force 6 faire moutonner la mer et cingler la pluie et le grand soleil brûler la peau et assécher le sol.

sein moutons

Peu d’eau, difficile énergie, évacuation précaire, il y a trop peu de terre arable pour subsister sans le continent. Si les habitants étaient 1328 en 1936 avant les cong’payes, ils ne sont plus que 205 en 2013, dont à peine la moitié habite à l’année.

sein gamins

Sur la décennie 2000-2010, il y eut 44 décès pour 5 naissances sur l’île… En 2011, seuls 6 enfants fréquentaient le primaire et 5 collégiens étudiaient à distance à l’aide de profs volants multimatières…

sein gamin torse nu

L’île de Sein est-elle condamnée à disparaître ? Ni boulot, hors le tourisme d’été et quelques huîtres, ni accès aux réseaux branchés de la culture et de la com, une vie loin de tout à la merci de l’océan rageur, l’île risque plus que tout d’être submergée. Déjà en 1638, 1865, 1922, 1940, 2008, la conjonction de grandes marées d’équinoxe et de forts vents faisant lever la houle, ont inondé les maisons et les champs. S’y rajoute l’élévation du niveau des eaux avec le réchauffement du climat.

sein rue borgne

L’île n’est qu’à 1 m 50 au-dessus du niveau moyen de la mer et son point culminant ne s’élève guère qu’à 9 m, occupé par l’église. Un jour viendra bientôt où l’Administration décidera, en fonction du principe de précaution inoculé par Chirac dans la Constitution, d’interdire toute résidence permanente sur l’île. Les jours de tempête, ni ravitaillement, ni évacuation par vedette ou hélicoptère ne sont en effet possibles.

sein phare ar men

La France reste reconnaissante aux îliens d’avoir rallié Londres et De Gaulle massivement en juin 1940 : 127 Sénans soit « le quart de la France » à cette date autour du général. Le plus jeune, Louis Fouquet, avait 13 ans, venu avec son père, pilote de la vedette Velleda des Ponts & Chaussées et 50 autres marins.

sein monument des senans libres

Sa carrure lui donnant 17 ans, le gamin sera formé comme canonnier et officiera deux ans dans la marine anglaise, probablement l’enfant soldat le plus célèbre de France ! Il n’aura jamais aucune décoration, même si ce n’était pas pour cela qu’il était parti… Mieux vaut être histrion de télé ou rond de cuir dans l’Administration que patriote pour devenir légionnaire d’honneur.

sein abri du marin musee

Le petit musée dans l’Abri du marin donne de belles informations sur cette épopée de la France libre à Sein, île occupée par quelques 150 Allemands.

sein eglise st gwenole 1898

Le bourg se presse autour de l’église Saint-Gwénolé, bâtie par la foi récente des convertis, fin XIXe. Cet extrême bout de la Bretagne est resté en effet réfractaire au catholicisme officiel jusque fort tard après la Révolution, ne jurant que par les saints et les superstitions païennes.

sein venelle large d un tonneau

Les venelles sont étroites, de la largeur d’un tonneau qu’on roule, dit-on ici. Les tonneaux étaient en effet les contenants les plus pratiques pour transporter vin, farine, huile et denrées sans que l’eau les pénètre – une sorte de conteneur pour barques à rames. Mais qui a vécu le vent sifflant à ras de terre durant des heures, comprend vite pourquoi fermer les rues donne aux maisons cette quiétude du roc, cette solidité rassurante contre les éléments, le granit épais des murs assourdissant les bruits et conservant la maigre chaleur du feu de varech.

sein maison

Les jardinets bordés de murets de pierres sèches contre le vent permettent, l’été venu, de belles floraisons et des rations de légumes forts bienvenus.

sein jardin protege

Le nord-ouest de l’île est sauvage, la lande rase laissant se détacher la chapelle Saint-Corentin et le phare de Goulenez, parmi les bruyères et les rocs austères.

sein chapelle st corentin

La faune et la flore sont protégées depuis 1986 par les règles du Parc régional d’Armorique. Vous serez saoulés de lumière et d’air, le grand large pour vous tout seul.

sein phare goumenez et gamins nus

L’île se visite depuis Audierne ou Brest pour 33€ (28€ le dimanche) par les vedettes de la Penn Ar Bed. Il suffit d’une journée pour en faire le tour. Mais qui voudra pénétrer le climat îlien restera un jour ou deux dans les gîtes ou les pensions. Dépaysement garanti !

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Traditions encore de Tahiti

Le traditionnel tour de l’île de Tahiti s’est déroulé dans les premiers jours de janvier. Orchestré par les associations culturelles de l’île, un village est choisi pour représenter un district. Pour les habitants, chaque tere leur permet de redécouvrir leur île et s’arrête sur les sites légendaires ou historiques. Autrefois c’était à pied et dans un secteur donné que se déroulait cette coutume, puis à cheval jusqu’en 1974, et maintenant en voitures plus ou moins bien décorées avec dans les bennes des glacières et des jeunes qui font hurler la musique. Les motos sont interdites dans le cortège par peur des accidents et sont regroupées en fin de défilé. La brigade de gendarmerie, les mutoi (policiers municipaux) encadrent la procession. Les pompiers vont en tête et l’ambulance ferme le cortège. Certains parcours ont déçu les touristes et habitants par manque d’intérêt culturel avec trop peu d’arrêts et des histoires banales alors que ce parcours serait riche en vestiges du passé. Bah ! Tout fout le camp ! Buffet ouvert à tous à la mairie de chaque village et concours de porteur de pierre. Les visiteurs déçus auraient-ils trop attendu de la mise en valeur de la culture ?

tiare tahiti

Au jardin botanique Harrison Smith, inauguration d’un conservatoire du tiare. Le tiare est l’emblème de la Polynésie française. Ce conservatoire sera situé à proximité de l’enclos des tortues. Sur les 6 variétés de tiare répertoriées, 5 sont plantées au jardin botanique : le tiare Tahitenses, le tiare Brighamii (aux fleurs plus courtes avec des pétales plus larges), le tiare Moorea, le tiare Wallis et le tiare Hawaï. La sixième variété, le célèbre tiare Apetahi, est une espèce endémique qui ne pousse que sur le mont Temehani à Raiatea. Par an, 80 millions de fleurs de tiare provenant de Tahiti et Moorea sont commercialisées dont 5 millions entrent dans la composition du « Monoï de Tahiti ».

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Les habitudes alimentaires avaient changé avec les produits importés même dans les atolls des Tuamotu. La crise s’éternise et on revient aux habitudes ancestrales. Si les ancêtres consommaient les poissons, c’est maintenant « cuisses poulet » et « entrecôte-frites » qui composent l’alimentation des atolls même les plus éloignés. Les parcs à poissons abandonnés, on en reconstruit de nouveaux. On reconstruit à l’ancienne ces pièges au pied des motu, de forme ancestrale en espérant que beaucoup de prises viendront s’y loger. Il n’y aura plus qu’à ces heureux propriétaires à collecter leurs prises et les mettre sur les goélettes direction la capitale Papeete. Heureux îliens !

Hiata de Tahiti

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Escalade dans le Haut-Atlas central

Brahim nous emmène nous entraîner à l’escalade sur la falaise d’en face, pour voir qui peut venir demain. Nous aurons une paroi à escalader, au fond des gorges de la Tessaout. Ceux qui ne se sentiront pas à l’aise suivront le chemin des mules, qui contourne tout cela. Personne ne bronche dans les exercices de rappel et tout le monde est qualifié.

Levé avec le jour, nous partons dès 7 h après une nuit venteuse à la belle étoile (et il y en avait !). Nous suivons les gorges de la Tessaout, où le soleil ne pénètre pas encore. Le canyon se resserre, le sentier devient de chèvre. On rencontre d’ailleurs un berger avec son troupeau dans un coude de la rivière. Lui loge dans une protogrotte, protégée d’un muret de pierres sèches. Les bêtes sont sensées dormir alentour, serrées les unes contre les autres. La rivière se rétrécit peu à peu, les torrents affluents se raréfient. Gué et regué, on traverse et retraverse sans arrêt sur des pierres posées dans le lit. Elles sont parfois glissantes, Pascal en sait quelque chose, qui s’est étalé de tout son long dans l’eau courante ! Nous avons emporté les baskets, pour ne pas mouiller les chaussures de cuir et ne pas s’abîmer les pieds sur les cailloux au fond de la rivière. Enlever les chaussures de marche, mettre les baskets, retirer les baskets mouillées sur l’autre rive et les pendre au sac pour qu’elles sèchent, remettre les chaussettes et chaussures de marche – nous ferons cette manipulation une bonne cinquantaine de fois en neuf heures de marche. Les parois de la gorge ne permettent en effet pas de marcher sur le même versant. La rivière creuse où elle veut et la falaise devient à pic. Il faut traverser, jusqu’à ce qu’une roche plus tendre quelque part réalise un nouveau coude.

En escalade, nous passons une cascade. C’est facile, mais glissant. Nous passons sur le côté de l’eau qui tombe, encordés un par un. La suite est plus drôle. Le sentier se termine. Impossible d’aller plus loin : une grande cascade bouche le chemin des gorges. Cette fois, il faut escalader la paroi. La hauteur est d’une cinquantaine de mètres par rapport à l’eau, c’est impressionnant. Mais on ne s’encorde qu’aux deux tiers de la hauteur, pour une quinzaine de mètres d’escalade à pic. La montée commence par une faille facile. La suite l’est moins. Les prises ne manquent pas, mais on s’embrouille un peu, glacés de regarder en bas. Sur quelques mètres, nous sommes carrément à la verticale, à plus de 40 mètres de hauteur ! Nous arrivons tous un peu blancs sur la vire. Mais tout le monde y passe, ce qui est rare aux dires de Brahim. Sur un groupe de 15, par exemple, il y en a seulement 3 ou 4 d’habitude qui se lancent dans l’aventure et y arrivent ! Passer un par un est très long, mais faire le détour en rebroussant chemin l’est sans doute encore plus. Marie-Pierre nous dit que nous sommes un « bon groupe » et nous ne mettons guère plus d’un quart d’heure chacun pour monter.

La vire sur laquelle nous somme est faite pour les chèvres. Elle court la falaise au-dessus du vide, à 50 m dessous. Mais cette situation change au premier virage de la falaise. La sente s’élargit, le précipice s’éloigne. Nous sommes dans les grès. Deux petites escalades de quelques mètres plus loin, sans cordes, et c’est le pique-nique. Il est largement 15 h.

Mais il ne faut que 20 minutes pour rejoindre le bivouac du soir où nous attendent déjà les mules. Huit tasses de thé à la menthe ne sont pas de trop pour nous réhydrater, malgré la gourde pleine emportée et bue au long du chemin. L’escalade, vue d’en bas, était impressionnante lorsque l’on y repense ce soir. Mais une fois sur la roche, pris par l’immédiat souci de trouver prise après prise pour chaque main et chaque pied, la situation apparaissait plus facile. En divisant le problème par étapes, comme le disait Descartes, on arrive à le résoudre en entier. Tout le monde était nerveux et riait pour se défouler avant de commencer, surtout les filles. Les garçons n’étaient pas moins impressionnés, mais ont plus l’habitude de rester réservés.

Nous bivouaquons à 3000 m sur le plateau de Tarkeddid. Nous trouvons alentour des troncs de genévriers coupés et équarris directement à la serpe, taillés grossièrement en forme de poutres. Ils doivent servir à construire les maisons. Les copeaux sont épars alentour. Les habitants de la vallée n’ont pas le droit de couper les quelques arbres qui restent pour éviter la déforestation, déjà largement entamée. Mais ils ne s’en privent pas dans ces gorges, où nul forestier ne vient jamais contrôler. Au printemps, les poutres sont jetées dans l’eau de la rivière, gonflée alors par la fonte des neiges. La récupération des bois flottés se fait au village en aval. Si aucun obstacle ne vient arrêter la manœuvre, le transport est ingénieux et économise de l’énergie.

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Venise vue par le commissaire Brunetti

Vous connaissez probablement Venise, ses palais mirant leurs façades dans les eaux du Grand Canal, ses musées emplis d’œuvres d’art, ses restaurants de pâtes et poisson. Vous ignorez sans doute comment vivent les Vénitiens. Je me souviens de mon philosophique « étonnement », à 20 ans, lorsque j’avais vu un employé en costume cravate parcourir les rues animées d’une fin août touristique, le porte-documents à la main. Il y avait donc des « habitants » à Venise ? Des gens qui vaquaient à leurs affaires comme dans toute ville moderne, habillés et non pas en short et polo de touriste ?

J’ai lu avec plaisir, dans les années 1990, la plupart des romans policiers qu’écrivit Donna Leon. Cette américaine vit à Venise depuis la fin des années 80. Elle enseigne la littérature dans une base OTAN de l’armée américaine. Son commissaire de police, Guido Brunetti, est particulièrement réussi. Brunetti sort du petit peuple vénitien, il a suivi des études d’histoire puis de droit grâce à la démocratie d’après-guerre avant d’entrer dans la police. Il a eu la chance d’épouser par amour la fille d’un comte, Paola, professeur de littérature anglaise à l’université, qui lui a donné deux enfants : Raffaele alias Raffi, 15 ans dans le premier volume, et Chiara, 12 ans. Très humainement, ces enfants grandissent de volume en volume, passant par les phases de l’adolescence révoltée, des études prenantes et des ami(e)s pour la vie. Paola l’universitaire, comme les enfants lycéens, sont un pôle de stabilité pour Brunetti : ils assoient concrètement son idée de la vérité, de la justice et du bon vivre social. Car, en bon Italien, Brunetti aime sa famille, les bons repas et la justice ; en bon vénitien, il se méfie des apparences, des produits pollués et de l’incompétence administrative. Donna Leon fait bien ressortir ce qu’il y a d’humaniste dans le métier de policier à Venise.

Chaque volume aborde un thème différent, typiquement vénitien, mais documenté à l’américaine. Mort à la Fenice (1992) se situe dans le monde de l’opéra, Mort en terre étrangère (1993) analyse les échanges mafieux entre industriels peu soucieux d’environnement et militaires américains de la base de Vicence, Un Vénitien anonyme (1994) aborde le milieu des travestis et du porno, Le prix de la chair (1995) s’intéresse à la prostitution venue de l’Est, Entre deux eaux (1996) trempe dans le monde de l’art et des faux, Péchés mortels (1997) parmi les institutions religieuses, Noblesse oblige (1998) dans l’aristocratie vénitienne, L’affaire Paola (1999) autour de la pédophilie, Des amis haut placés (2000) dans le monde des usuriers, Mortes-eaux (2001) chez les pêcheurs de la lagune. Il y aura encore Une question d’honneur (2002) sur le trafic d’œuvres d’art, Le meilleur de nos fils (2003) dans une académie militaire, Dissimulation de preuves (2004) et les filières d’immigration clandestines, De sang et d’ébène (2005) sur les vendeurs de rue africains, Requiem pour une cité de verre (2006) à propos de pollution industrielle, Le cantique des innocents (2007) et le trafic d’enfants, La petite fille de ses rêves (2008) à propos des Roms, La femme au masque de chair (2009) sur les ravages de la chirurgie esthétique, Les joyaux du paradis (2010) sur la corruption. Plus deux autres pas encore traduits en français. Des téléfilms ont été tirés des enquêtes, diffusés en Italie, en Allemagne et en France.

Venise, la ville et l’Etat italien en prennent pour leur grade, surtout vus d’Amérique. Mais l’auteur a un faible pour les Vénitiens particuliers, qui sont loin d’être « tous pourris », même si nombre d’entre eux sont ambitieux, hypocrites et cupides. N’est-ce pas le comte Falier, beau-père de Brunetti, qui déclare : « Nous sommes une nation d’égocentriques. C’est notre gloire mais ce sera aussi notre perte, car pas un seul de nous n’est capable de se vouer corps et âme au bien commun. Les meilleurs d’entre nous parviennent à se sentir responsables de leurs familles mais, en tant que nation, nous sommes incapables d’en faire davantage. » (Mort en terre étrangère, p.255)

Il faut dire que, lorsque l’Etat est faible, prolifère la bureaucratie. La France devrait s’en souvenir, la IVème République n’est pas si loin. Et quand je pense que certains à gauche souhaitent la proportionnelle et le retour au parlementarisme d’hier, devenu « italien » quand Rome l’a imité en 1946, je ne peux que leur conseiller de lire Donna Leon ! Le « pouvoir des bureaux », faute d’Exécutif ferme et durable, fait régresser la politique aux relations claniques et incitent les citoyens à ignorer la loi. La clé de la survie, dans ce genre d’Etat faiblard, est de « faire confiance » à des personnes réelles, pas au droit ni aux fonctionnaires : « telle était la réalité, malléable, docile : il suffisait de s’ouvrir un chemin à la force du poignet, de pousser un peu dans la bonne direction, pour rendre les choses conformes à la vision qu’on en avait. Ou alors, si la réalité se révélait intraitable, on sortait l’artillerie lourde des relations et de l’argent, et on ouvrait le feu. Rien de plus simple, rien de plus facile » (Des amis haut placés, p.185). « Combinazione » et « conoscienze » – les arrangements et le réseau -, ces outils du survivre en anomie, ont été inventés en Italie.

Les idéaux de 1968 qu’avaient Paola et Guido durant leur jeunesse ont fait naufrage sous les vagues des scandales politiques, de la corruption mafieuse et des mainmises d’intérêts économiques. Guido à la questure comme Paola à l’université sont confrontés à la prévarication, au favoritisme, à l’égoïsme de leurs contemporains : « toi, tu as affaire au déclin moral, déclare Paola. Moi, à celui de l’esprit » (Des amis haut placés, p.169). Venise badaude, la crédulité y est reine, tout comme le quant à soi. Un peuple sans esprit critique avale tout ce qu’il lit dans les feuilles à scandales, croit tout ce qu’on lui dit ; l’apparence se doit d’être sauve. Quant à la morale romaine des vieux livres de chevet, elle a sombré avec les siècles. Un dicton vénitien dit cependant : « tout s’écroule mais rien ne s’écroule ». Ce qui signifie : on se débrouille toujours et la vie va.

Car il reste Venise, l’architecture magnifique, son ‘ombra’ bu au comptoir, ses ‘vongole’ délicieux dans les spaghettis – et le printemps, qui est un ravissement. Les gens y sont beaux plus qu’ailleurs. Le sens de la relation humaine est porté à un art inégalé. Donna Leon a capté cette sensibilité quasi religieuse du peuple italien : Luciano, 16 ans, a plongé en simple jean coupé pour reconnaître un bateau coulé ; lorsqu’il ressort de l’eau, secouant la tête d’où des gouttes jaillissent, « le soleil émergeait des eaux de l’Adriatique. Ses premiers rayons, s’élevant au-dessus des digues de protection et de la langue de sable de la petite péninsule, tombèrent sur Luciano lorsqu’il s’immobilisa en haut de l’échelle, métamorphosant le fils du pêcheur en une apparition divine surgie des eaux, ruisselante. Il y eût un grand soupir collectif, comme en présence d’un prodige » (Mortes-eaux, p.20). La beauté de l’adolescent nu fait passer un frisson de sacré sur le peuple, comme il y a deux mille ans. Ou encore : Brunetti « se dit qu’il avait la chance de vivre dans un pays où les jolies filles abondaient et où les très belles femmes n’étaient rien d’exceptionnel » (Des amis haut placés, p.207). Le commissaire est constamment ému de voir ses enfants grandir, il aime le havre de paix du dîner où tout le monde est réuni, il apprécie le stimulant d’une conversation sérieuse avec sa femme. Il aime à lire Gibbons, Sénèque ou Xénophon et à rencontrer ses amis d’hier, Vénitiens comme lui, qui lui apportent des informations sur les rouages sociaux et les tempéraments. Il n’y a pas de secrets dans cette île-ville où tout le monde se connaît.

Brunetti cherche à compenser ce que l’existence peut avoir d’injuste pour les uns ou pour les autres par l’application du droit. Il n’est pas un cow-boy comme certains détectives américains, il n’est pas la Justice en personne malgré les tentations qui lui viennent souvent devant l’impéritie officielle ou la bêtise de son supérieur, le servile et vaniteux Patta. Il veut rester digne du devoir moral qu’il s’est donné jeune et qui prolonge la tradition romaine. Il vise à protéger les faibles et les enfants, à empêcher vautours et prédateurs de nuire en toute impunité. Vaste travail, chaque jour recommencé, mais qui est déjà beaucoup. En lisant ces romans policiers, de psychologie plus que d’action, vous pourrez pénétrer, touristes, dans l’intimité vénitienne, dans l’état d’esprit du peuple vénitien, bien mieux que par les visites guidées de palais morts.

Donna Leon site officiel en français

Les romans de Donna Leon chroniqués sur ce blog

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Du Pérou en Bolivie

Terre inca également, la Bolivie moderne compte 1 098 581 km² où demeurent 8 857 000 habitants.

Des Indiens quechuas pour 30%, des Métis pour 28%, des Indiens Aymaras pour 25%, des Européens pour 10% d’ascendance espagnole. Les Boliviens sont catholiques à 95%.

La Bolivie est Amazonie et Andes, nature et culture. Et si vous relisiez  les exploits du reporter à la célèbre houppette et de son chien ?…

Mêmes civilisations qu’au Pérou, même histoire : Inca, Inca, Inca.

Tout le monde connaît la musique andine de Bolivie, la vraie avec la kana, la zampona, le charango (guitare dans une carapace de tatou). Tous, avez-vous jamais dansé la lambada ?

Aux marchés, vous croisez les ponchos de différentes couleurs. Dessous sont les paysans venus vendre leurs produits ou acheter les denrées indispensables.

La religion catholique et le paganisme font bon ménage chez les Indiens. Ils adorent le soleil, la lune, la terre. Il m’a été donné t’entendre dans une église un Indien venu hurler à une statue qu’elle n’avait pas guéri son enfant alors qu’il avait prié, donné des offrandes… et rien ne s’était passé.

A genoux devant la même statue, ce paysan menaçait du poing l’objet de sa colère et lui adressait des insultes à haute voix dans l’église. Rien ne pouvait le faire sortir de sa hargne, même quand le prêtre a essayé d’intervenir. Il est parti  après son long monologue, seul et très malheureux.

Les Indiens viennent prier à l’église pour une guérison mais font venir à la maison le guérisseur (curandero) qui demandera des « honoraires » très élevés.

Hiata de Tahiti

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