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L’audition d’Ina Weisse

Anna Bronsky (Nina Hoss) – nom juif de rigueur pour un film franco-allemand politiquement correct qui parle de violon – est une femme mûre, mère d’un garçon de 10 ans, Jonas (Serafin Gilles Mishiev) et qui découvre lors d’une audition préparatoire à l’entrée au conservatoire de musique un adolescent de 14 ans, Alexander (Ilja Monti). Remuée par son talent au violon, touchée par sa grâce maladroite d’adolescent rosissant, elle le prend sous son aile malgré l’opposition de deux de ses collègues sur les cinq. Le président Christian Wels, qui est amoureux d’elle, vote en sa faveur. Elle se fait donc professeur du jeune homme pour le préparer à l’Audition, celle qui le consacrera en fin d’année comme élève prometteur.

Dur travail qui nécessite un maintien physique, une tenue sociale, outre la parfaite connaissance des notes et des partitions – et du rythme. Chaque musicien a le sien, chaque interprète le conduit à sa manière. Le tout est d’incarner la musique, de faire corps avec elle. Pas facile lorsqu’on est encore adolescent, un corps en devenir et un esprit immature. Mais Alexander s’accroche, il aime la musique, il aime la sévérité de son professeur qui le considère, lui, et cherche à l’élever en musique. Il va jusqu’à aller sonner un soir chez elle pour travailler encore une leçon qu’il n’a pu mener à son terme, saignant du nez.

Ce qui pousse à la jalousie le gamin d’Anna, qui fait lui aussi du violon avec une autre prof du conservatoire, mais qui n’est pas reconnu pas sa maman. Lorsqu’il les voit à travers une vitre de la salle où Anne enseigne à Alexander, elle est bien différente avec son élève d’avec son fils : elle s’occupe de lui, lui met la main sur l’épaule pour le redresser, lui parle. Son père Philippe (Simon Abkarian) cherche à s’occuper de Jonas, l’emmenant au hockey, sport viril, ou dans son atelier de luthier pour travailler le bois façon artisanale. Mais le garçon est obnubilé par sa mère, son talent de violoniste, son attention pour un autre. Quand elle essaye de les faire jouer ensemble pour tenter d’amadouer son fils, la prestation de Jonas est bien inférieure et il se braque – erreur basique de pédagogie.

Anna Bronsky a été violoniste de talent dans un orchestre avant de devoir le quitter pour enseigner, atteinte d’une maladie qui fait trembler sa main. Lorsque son collègue Christian le violoncelliste, du conservatoire, l’invite à rejoindre leur quatuor pour faire le quatrième violon, Anna hésite, anxieuse, accepte puis renonce, revient – et gâche le concert en perdant son archet en plein jeu.

Perfectionniste mais désormais incapable d’atteindre l’excellence, Anna reporte son exigence sur Alexander, le poussant à bout. Elle va jusqu’à lui arracher sa ceinture de pantalon pour l’harnacher d’un poids sur l’épaule droite, qu’il garde toujours trop levée quand il joue. C’en est trop pour l’adolescent, qui se rebelle, quitte le cours a deux semaines de l’audition, et ne revient plus. Il applique cependant chez lui les conseils de sa prof et travaille désormais quatre heures par jour au lieu de deux.

Lors du grand jour, pour l’Audition, Anna ne le voit pas se présenter. Il ne répond pas non plus à l’appel de son nom. Elle se dit qu’elle a été trop loin, qu’elle l’a découragé au lieu de l’élever. Elle sort dans le couloir pour y penser. C’est alors qu’elle entend, par la porte de l’auditorium, s’élever les premières notes de la sonate pour violon numéro un de Bach, le morceau préparé par Alexander. Il est sur scène et joue – magnifiquement. Le jeune acteur de 14 ans Ilja Monti pratique le violon depuis l’âge de 5 ans et interprète lui-même la sonate, sans play-back.

Elle va pour le féliciter mais Alexander, qui la voit, s’enfuit. Il dévale les escaliers où Jonas traîne avec des copains du conservatoire. Jaloux comme un fils qui a vu sa place prise en apparence par un autre, faute d’explication maternelle, il tend la jambe pour faire un croche-pied. Son rival s’effondre sur les marches et dévale l’escalier jusqu’à se fissurer la nuque. Il est vivant mais passera des mois à l’hôpital ; peut-être ne retrouvera-t-il jamais sa mobilité. Jonas va se défouler au hockey et revient à l’appartement comme si de rien n’était. Anna n’a rien vu, ou voulu voir. Le rival n’est plus là, mais les relations en sont-elles changées ?

Comment une mère névrosée et dépitée de ne plus pouvoir exercer son talent au violon pourrait-elle enseigner valablement à des élèves tout en élevant son propre enfant ? Elle manque d’empathie, de compréhension ; son fils Jonas n’est pas sa « chose », elle l’a confié à une autre pour le violon et à son père pour l’éducation, elle ne peut en faire ce quelle veut. D’où son délaissement, malgré quelques tentatives au bord du lit pour renouer. C’est qu’elle a été elle-même élevée sévèrement, à l’allemande, à l’ancienne. Son père a volontairement plaqué la main de Jonas dans un nid de fourmis lorsqu’il a vu qu’il le fouaillait avec un bâton. Sans parole, sans explication, juste pour « lui apprendre la vie ». Elle-même reproduit avec Jonas ce qu’elle a subi. Pourtant, lorsqu’elle voit Jonas jouer avec ses camarades au conservatoire, elle s’aperçoit qu’il a un certain don. Pourquoi ne lui a-t-elle pas dit ?

Une introspection de l’Allemagne sur elle-même, son modèle familial, ses relations parents-enfants, sa propension au dressage. Un beau film peu connu, sublimé par l’adolescence d’Ilja Monti et par la prestation inquiète de Nina Ross.

DVD L’audition (Das Vorspiel), Ina Weisse, 2019, avec Nina Hoss, Simon Abkarian, Jens Albinus, Ilja Monti, Serafin Mishiev, Doriane films 2020, 1h34, €20,00 (liens sponsorisés Amazon partenaire)

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Bibliothèque des champs

Durant les mois d’été, dans la campagne d’Île-de-France, les loisirs sont rares et ceux qui restent désœuvrés. Dans une ancienne cabine téléphonique de France-Télécom s’est montée une bibliothèque libre.

Chacun apporte ce qu’il veut et remporte ce qu’il peut – ou l’inverse. L’idée est le partage, le don à ceux qui passent. Mais sous l’égide réaffirmée de « la morale publique ».

Le lecteur lettré trouvera peu de choses à se mettre sous les yeux. Nombre de livres sont des romans à l’eau de rose, quelques romans policiers et d’anciens thrillers du temps de leur splendeur, bien avant Internet et les séries télé.

Mais il arrive parfois que le hasard fasse bien les choses. Car le lieu est fréquenté et, d’un jour à l’autre, les rayons se renouvellent.

Tout récemment le maire a fait coller une affichette demandant de ne plus rien apporter, la cabine est pleine. Mais c’est que juillet s’est achevé et que le mois d’août vient de commencer : les vacanciers ont fait le plein et ceux qui sont rentrés trient leurs vieilles affaires. Dès la rentrée, tout devrait revenir à la normale.

Cette bibliothèque libertaire où les livres « sont la propriété de tous », est issue de la base et ouverte à tous ceux qui passent – y compris les parisiens qui ne sont pas du coin. Mais elle réunit tout ce que la génération précédente vient de perdre : le téléphone fixe et le livre imprimé. Désormais, tout passe par le mobile et la lecture qui reste s’effectue de plus en plus sur écran.

Les cabines téléphoniques sont aussi antédiluviennes que les chaises à rempailler, et les livres déposés montrent combien « les succès » d’un temps ne passent pas les années. Qui se souvient encore des vieux prix Goncourt ? Et des best-sellers des années 1980 ? Ou encore des livres de la Bibliothèque verte ou de Bob Morane qui captivaient notre prime adolescence ?

La bibliothèque est dite « des champs » un peu comme si, dans l’inconscient, les champs étaient le conservatoire de mœurs révolues, comme si « la terre » résistait. A quoi ? A la ville ? A la technique ? A la globalisation ? Au temps qui passe trop vite pour les rythmes assoupis des gens dans les villages des champs ?

Vaste boulevard dans la touffeur de l’été pour la réflexion : sur la mémoire, la nostalgie, la littérature, l’appétit de connaître, le temps qui passe…

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Traditions encore de Tahiti

Le traditionnel tour de l’île de Tahiti s’est déroulé dans les premiers jours de janvier. Orchestré par les associations culturelles de l’île, un village est choisi pour représenter un district. Pour les habitants, chaque tere leur permet de redécouvrir leur île et s’arrête sur les sites légendaires ou historiques. Autrefois c’était à pied et dans un secteur donné que se déroulait cette coutume, puis à cheval jusqu’en 1974, et maintenant en voitures plus ou moins bien décorées avec dans les bennes des glacières et des jeunes qui font hurler la musique. Les motos sont interdites dans le cortège par peur des accidents et sont regroupées en fin de défilé. La brigade de gendarmerie, les mutoi (policiers municipaux) encadrent la procession. Les pompiers vont en tête et l’ambulance ferme le cortège. Certains parcours ont déçu les touristes et habitants par manque d’intérêt culturel avec trop peu d’arrêts et des histoires banales alors que ce parcours serait riche en vestiges du passé. Bah ! Tout fout le camp ! Buffet ouvert à tous à la mairie de chaque village et concours de porteur de pierre. Les visiteurs déçus auraient-ils trop attendu de la mise en valeur de la culture ?

tiare tahiti

Au jardin botanique Harrison Smith, inauguration d’un conservatoire du tiare. Le tiare est l’emblème de la Polynésie française. Ce conservatoire sera situé à proximité de l’enclos des tortues. Sur les 6 variétés de tiare répertoriées, 5 sont plantées au jardin botanique : le tiare Tahitenses, le tiare Brighamii (aux fleurs plus courtes avec des pétales plus larges), le tiare Moorea, le tiare Wallis et le tiare Hawaï. La sixième variété, le célèbre tiare Apetahi, est une espèce endémique qui ne pousse que sur le mont Temehani à Raiatea. Par an, 80 millions de fleurs de tiare provenant de Tahiti et Moorea sont commercialisées dont 5 millions entrent dans la composition du « Monoï de Tahiti ».

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Les habitudes alimentaires avaient changé avec les produits importés même dans les atolls des Tuamotu. La crise s’éternise et on revient aux habitudes ancestrales. Si les ancêtres consommaient les poissons, c’est maintenant « cuisses poulet » et « entrecôte-frites » qui composent l’alimentation des atolls même les plus éloignés. Les parcs à poissons abandonnés, on en reconstruit de nouveaux. On reconstruit à l’ancienne ces pièges au pied des motu, de forme ancestrale en espérant que beaucoup de prises viendront s’y loger. Il n’y aura plus qu’à ces heureux propriétaires à collecter leurs prises et les mettre sur les goélettes direction la capitale Papeete. Heureux îliens !

Hiata de Tahiti

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