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Georges Duhamel, Vie des martyrs

Georges Duhamel a 30 ans lorsqu’éclate la guerre de 14 ; il est depuis cinq ans médecin et s’engage comme chirurgien volontaire aux armées. Il va vivre les deux premiers de ces quatre ans d’enfer avec les hommes blessés, ces quatre ans que l’inepte Hollande a « commémoré » comme s’il s’agissait d’une fête analogue au 14-Juillet, avec son discours bonhomme et lénifiant de fonctionnaire promu. Ce témoignage de médecin et littérateur élu à l’Académie française aurait dû lui mettre du plomb dans la cervelle – s’il l’avait lu (mais il ne lit pas, sauf des rapports, dit-on) : « Les calibres employés par l’ennemi pour la destruction des hommes créaient des plaies effroyables, assurément plus cruelles, dans l’ensemble, que celles dont nous avions eu le spectacle pendant les vingt premiers mois d’une guerre sans pitié dès sa conception. Tous les médecins ont pu remarquer l’atroce succès remporté, en si peu de temps, par le perfectionnement des engins de dilacération » p.103. Y a-t-il à « commémorer » cette industrie du massacre ?

La « Grande » guerre fut la boucherie la plus bestiale, une industrie de la tuerie jamais atteinte, un million et demi de morts pour la France – pour rien car 1918 a engendré 1940 comme la haine engendre la haine. Georges Duhamel raconte ces vies brisées par la mitraille et les gaz, ces membres qu’il faut amputer, ce qui ampute d’autant le statut familial et social de l’homme ; il en sort diminué, réduit, amer. Pas étonnant que tant de patriotes aient dit ensuite « plus jamais ça » tandis que leurs politiciens tout à leurs petits jeux de « l’honneur » et du poker diplomatique les entraînent à nouveau, sans le dire, sans les préparer, à la guerre totale qui suivra inévitablement. 14-18 n’est pas la « Grande » guerre mais bel et bien la guerre la plus con. Faite pour venger l’humiliation de la défaite de 1870 et qui appellera la vengeance des Allemands unanimes pour l’humiliation de 1918.

Les hommes râlent entre les lignes, parfois plusieurs jours sans être secourus. Ils trainent sur le front faute d’organisation efficace pour la circulation vers l’arrière, notamment à Verdun puisqu’il faut du massacre pour « reprendre » quelques mètres perdus le lendemain. Ils restent dans les couloirs des heures avant d’être examinés. Rien n’a été prévu, rien n’a été pensé. Il faut tout improviser, parfois sous les obus car trop près des lignes. Un blessé est-il traité qu’il en arrive vingt tant les « généraux » sont peu économes de chair humaine. Les avions sont peu utilisés, les chars inexistants, les commandos méprisés. Il s’agit, pour les badernes de « tenir » et de s’élancer « en avant » – quoi qu’il en coûte dira l’autre. Mais avec masque contre les gaz.

Georges Duhamel se souvient des noms, il immortalise leur insignifiance sociale que leur combat a réduite à rien puisque tout le monde est égal sous les tirs des machines à tuer. Il y a Lerondeau dont le prénom est Marie, et puis Carré l’édenté qui « est un homme », et encore André qui pleure devant le corps refroidi de son petit frère ; il y a Mehay et Mathouillet rendu sourd et sans un rein après une grenade, Léglise qui sera amputé des deux jambes ; Nogue le Normand, Lévy le commerçant juif, et le goumier marocain dont on ne sait pas le nom qui sera enterré avec ses camarades chrétiens dans le même cimetière mais sous le rite musulman psalmodié par son compatriote Rachid.

« Ici, l’atmosphère morale est pure. Ces hommes sont si misérables, si grandement disgraciés, si attentifs à leur obsédante douleur qu’ils semblent avoir abandonné le fardeau des passions pour mieux rassembler leurs forces sur ce projet : vivre » p.169. Les victimes émissaires sont vite oubliées au profit des politiciens qui se gargarisent d’avoir « gagné ». L’auteur en appelle à « l’union des cœurs purs » pour ne pas oublier ces hommes car on peut douter de tout, sauf de la souffrance humaine, « seule chose certaine ». En vain.

Un témoignage décalé sur la guerre de 14 – et ses conséquences humaines, sous forme de roman pour ne pas blesser les familles avec les vrais noms. C’est rare.

Georges Duhamel, Vie des martyrs, 1917, Petite bibliothèque Payot 2015, 206 pages, €8.10

Georges Duhamel, Vie des martyrs et autres récits du temps de guerre (dont 50 lettres à son épouse), Omnibus 2005, 751 pages, €63.99

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Après Covid, l’après Macron ?

Si la brutale pandémie de Covid-19 a révélé quelque chose en France, c’est bien l’impéritie de l’organisation administrative et de ceux qui nous gouvernent depuis des années. Le millefeuille des « compétences » aboutit à une incompétence caractérisée ; personne ne sait vraiment qui fait quoi, donc qui est « responsable » (mot exclu du dictionnaire administratif). La « gouvernance » apparaît comme une politique de laisser-faire, laisser-aller, que personne ne contrôle et dont le seul fusible reste le président ; ce qui est politiquement fort malsain.

Après l’épisode Covid aura lieu le rendu des comptes et le bilan est accablant : impréparation, inefficacité, mensonges. Les « gouvernants » ne sont pas des gouverneurs ; ils ne gouvernent en rien mais semblent se laisser gouverner – par les circonstances, le Budget, les Grands principes, « Bruxelles ». Au lieu de décider, ils « consultent » ; au lieu de trancher, ils tergiversent. Le premier tour des élections municipales a été la grande erreur fondatrice du sentiment de méfiance renforcé. Au lieu d’être président, à la De Gaulle, Macron s’est révélé un conciliant à la synthèse molle, à la Hollande. Lui qui prônait objectifs, modernité, efficacité, a montré qu’il ne réussissait pas à les réaliser. Ce jugement est probablement injuste (tout n’a pas été négatif dans la gestion de la crise) mais il est ce que les électeurs retiendront : le chantre de l’Efficace ne s’est pas montré à la hauteur. Rassurons-nous peut-être, sous Hollande cela aurait été pire.

Car qui a désarmé le « système » (l’usine à gaz) sanitaire français ? – les gouvernements de François Hollande. Après le 11-Septembre, l’explosion de l’usine AZF et le SRAS, le chikungunya et la grippe aviaire, les politiciens aux affaires des années 2001 à 2005 mettent en place des stocks de masques chirurgicaux et FFP2. Mais ils sont répartis de façon bordélique entre différents établissements, avec des statuts juridiques différents ! Image édifiante du château de cartes bureaucratique « à la française » qui vise à tout contrôler tout en n’en prenant pas les moyens, dans l’irresponsabilité des « services » qui se renvoient la balle. Excellente idée pour une fois, une véritable industrie française du masque de protection a été mise en place sous délégation de service publics par Xavier Bertrand en 2005.

En 2009, la France dispose donc d’un milliard de masques chirurgicaux et FFP2. Mais la doctrine évolue malheureusement entre 2011 et 2013 : par souci d’économie (et d’importations pas chères de Chine) les masques seront réservés aux hôpitaux et les stocks réduits ; la population sera laissée volontairement à elle-même. Il ne faut pas s’y tromper : ce n’est pas le gouvernement Philippe sous Macron qui a dit le premier que les masques ne servaient à rien pour le grand public, c’est avant tout le gouvernement socialiste Jean-Marc Ayrault (2012-2014).

Une instruction ministérielle du 2 novembre 2011 sur la préparation de la réponse aux situations exceptionnelles de santé (sous François Fillon, 2010-2012) distingue deux types de stocks : les « stratégiques » détenus et gérés par l’EPRUS créé en 2007 (Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires) et les « tactiques » dans certains « établissements de santé » de première ligne. Mais c’est le Secrétariat général de la sûreté et de la défense nationale (SGDSN) qui édicte le 13 mai 2013 une doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire : aux entreprises de fournir les masques et d’en apprécier « l’opportunité » – autrement dit, « l’Etat c’est pas moi », les Ayrault ne seront pas les héros.

Puisque le port des masques FFP2 n’est plus conseillé par le Haut conseil de la santé publique depuis 2011, pourquoi entretenir un stock de masques professionnels ? Et puisque c’est aux employeurs de se démerder pour leurs salariés depuis 2013, pourquoi entretenir un stock de masques grand public ? Economies obligent, l’État ne va pas reconduire la convention signée avec le producteur de masques… et laisser casser une industrie qu’il avait lui-même créée ! Elle ferme ses portes en 2018. Telle est l’imbécilité à la française « que le monde nous envie » (disent les plus cons).

Lorsque survient le Covid-19 en 2020, les stocks sont minimes (100 millions de masques au lieu d’1 milliard dix ans plus tôt) et dilués entre les acteurs : Santé publique France, une centaine d’établissements de santé dont la gestion des masques dépend des Agences Régionales de Santé, enfin tous les employeurs de France, entreprises, régions, ministères, et le reste. Autrement dit, personne ne sait rien sur rien et commande dans son coin. De quoi être incapable de négocier les prix et ne recevoir que des commandes de seconde main, après toutes les commandes majeures des autres pays, plus avisés. L’économie, chez les fonctionnaires de la bureaucratie à la française, n’a jamais été étudiée de près : en 1974 à Science Po Paris, elle se réduisait à « la Banque de France et au Budget de l’Etat » !

Macron était réputé être mieux au fait de l’économie et de l’organisation publique : las ! il n’a pas voulu mécontenter « les syndicats » et a plutôt contenté l’économie privée avec ses réformes, probablement utiles mais pas régaliennes. Les « régions » ne sont que des découpages technocratiques sans âme ni répartition claire des compétences (la preuve, tout revient dans la gestion du déconfinement aux départements). Les administrations centrales ne sont pas réorganisées ni contrôlées, chacun tirant la couverture à lui dans son petit coin, sans vue d’ensemble. La santé est la dernière roue du carrosse, coûtant « toujours plus » sans réorganisation des missions (les « urgences » qui accueillent n’importe quoi de pas urgent du tout) ni des budgets (rabot général sur tout sans discrimination).

Les hauts fonctionnaires ont clairement montré dans l’action réelle et immédiate réclamée par le Covid leur niveau d’incompétence. Le président qui avait promis l’efficacité moderne se débat dans le bordel traditionnel d’une Administration aussi tentaculaire que procédurière et incontrôlée. Le mensonge, le storytelling si bête de la porte-parole du gouvernement sur les masques qui ne servent à rien pour les gens, ont desservi l’image. Comment faire encore confiance à ces gens pour redresser la barre et tenir les rênes du pays ?

D’où l’intuition qu’après le Covid pourrait bien avoir lieu l’après Macron.

Mais qui mettre à la place ? Certainement pas les inconséquents, incompétents, manipulateurs de « belle histoire « des extrêmes populistes. Probablement pas les écolos, toujours dans l’incantation, la grande peur millénariste du climat et la promotion de la décroissance. Les gens ont mesuré durant deux mois ce que signifie « la décroissance » : une vraie chute du niveau de vie et un chômage massif qui va durer. Quant aux émissions de particules fines, après deux mois sans avions ni voitures, ni usines… seulement 5% en moins ! Autrement dit, avions et bagnoles ne sont pas les causes principales de la dégradation du climat : voudrait-on éviter de parler d’autre chose ? Des épandages agricoles par exemple ? Resterait le « parti socialiste » mais, après la gestion calamiteuse Ayrault et Macron du stock « stratégique » de masques et de leur production française tout aussi « stratégique », autant garder le Macron du « en même temps », nettement moins doctrinaire que les ex du PS. Alors qui ? L’opposition de droite ? Son insistance malvenue pour que se tienne le premier tour des municipales, juste avant le confinement, montre qu’ils sont plus dans la posture des petits jeux de pouvoirs que dans celle de la gestion du pays.

Il nous faut des gens neufs. Mais qui ?

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Municipales biaisées

Le coronavirus et les pratiques restrictives exigées font que l’élection n’a connu ni la liberté de vote (« restez chez vous » et « allez voter » !), ni la circulation normale de l’information sur les points de vue et les programmes. Ce n’est que vendredi, in extremis, que les tracts électoraux ont été mis en boite à Paris : bonjour la concurrence libre et non faussée !

Les trois listes majeures plus celle des mélenchonistes ne présentent que des femmes au poste de maire, après l’éviction par vie russe de Griveau : bonjour la parité !

La loi inique de 1982 qui concerne seulement Paris, Lyon et Marseille, dite « loi Deferre », est une élection à trois tours qui élit « le » maire, à Paris la mairesse, avec très peu de monde. Elle permet de gagner tout en perdant – gagner en votes tout en perdant en voix. Les 163 conseillers de Paris s’ajoutent aux 340 conseillers d’arrondissements sur 17 secteurs et pour le Grand Paris. Ce sont eux qui décideront du nom de la mairesse, 503 personnes pour 1 300 000 électeurs : bonjour la représentativité !

Les résultats d’une élection ne sont pas légitimes juste parce qu’ils ont été proclamés. Ils réclament au préalable l’affrontement contradictoire des points de vue et l’absence de risque sanitaire ou civil. 28 % des électeurs disaient ne pas vouloir se déplacer pour voter en raison des risques, selon un sondage IFOP ; de fait l’abstention est en hausse, la belle journée de printemps qui incite à sortir compensant à peine la hantise d’être contaminé par les multiples contacts. Le président demande de protéger les plus fragiles et « en même temps » de leur faire prendre le risque de se réunir dans les bureaux de vote : quelle contradiction !

Il faut y voir la pression des partis d’opposition, droite et extrême-gauche, qui veulent « se compter » et pouvoir dire leur légitimité « contre » le gouvernement. Ces politicards à courte vue ruinent un peu plus la politique – comme d’habitude. Emmanuel Macron aurait pu, cette fois-ci, prendre les accents gaulliens et se situer vraiment au-dessus des partis en jouant au Père de la nation et en faisant reporter l’élection. Il aurait renvoyé les « petits partis qui cuisent leur petite soupe à petit feu dans leur petits coins », selon l’expression fameuse du général. Après tout, que sont trois ou quatre mois dans une mandature ? Mais cette fois il a joué au démago, il a « écouté », ressemblant plus au Hollande synthétique (aussi terne et sans saveur) qu’au Charles (le grand). Quelle dérision !

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Jan de Hollande

Lorsque j’eu 8 ans, j’ai reçu en cadeau un livre qui parlait d’un enfant un peu plus grand : Jan. J’ignorais alors qu’il se prononçait Yann, comme le copain que j’aurai plus tard au lycée Jean-Baptiste Corot de Savigny-sur-Orge, vers le milieu des années soixante ; bien que de nom de famille alsacien, ses parents lui avaient donné un prénom breton, prémices de la mode nostalgique provinciale qui allait envahir le pays dans les années 1970.

Jan de Hollande est un beau garçon de 10 ans blond et sportif, le plus souvent le col ouvert et pieds nus dans des sandales. Il est frais et sain, curieux et joyeux. Un vrai scout des années cinquante. Son existence de second dans une famille de quatre enfants dont deux filles est un bonheur : maman à la maison, papa travaillant dans l’industrie navale, grands-parents à la ferme qui élèvent des vaches et font du fromage.

Toute l’existence de Jan et de ses cousins est encore traditionnelle, ce qu’on appellerait aujourd’hui « écologique » : cultiver ses légumes, circuler à vélo, acheter aux charrettes ambulantes tirées par un cheval de l’alimentation locale, explorer la nature, jouer avec un voilier en bois, se coucher et se lever tôt avec le soleil, parler et faire des jeux de société le samedi soir avec les parents, se baigner en été et patiner en hiver, ramer dans les roseaux, actionner le moulin à vent, faire la fête à la saint Nicolas, à Noël, pour l’arrivée des jeunes harengs, pour la sortie des tulipes, pour l’anniversaire de la reine…

Ce livre m’apprend pourquoi j’ai toujours considéré l’écologie à la française des bourgeois urbains comme une utopie d’essence religieuse. Ils veulent réaliser la Cité de Nature comme jadis les clercs du Moyen-Âge voulaient réaliser la Cité de Dieu hors les villes, en monastères isolés. L’écologie est trop importante à la planète pour la laisser aux écologistes idéologues et « politiciens » – surtout français !

Jan nous parle de son pays, la Hollande, très différent du nôtre. Mais il va justement découvrir la Savoie en été, contraste absolu avec ses montagnes et sa quasi absence de bateaux et de vélo (ça grimpe !). J’ai rencontré nombre de jeunes Hollandais à peu près de mon âge dans les campings des années 1960 et 1970. Grâce à Jan, j’ai toujours eu un préjugé favorable à leur égard et je n’ai jamais été déçu. Je ne parlais évidemment pas un mot de néerlandais, eux à peine quelques mots de français, mais que de complicité, de fou-rires, de jeux avec eux ! Ils ne gardaient jamais un vêtement de trop, habitués à un climat plus frais et par économie de lessive ; ils étaient bien bâtis, d’humeur égale, toujours prêts. Un idéal de copains !

J’ai depuis travaillé avec des Hollandais dans la finance et certains ont des liens semi-familiaux avec moi. J’apprécie leur ouverture sur le monde, leur pratique de plusieurs langues (la leur n’étant parlée que chez eux), leur sens du commerce et du savoir-compter. Ils aiment la famille puisqu’ils en ont été aimés. Leur écologie moderne est moins théorique et plus pratique que celle des Français puisqu’ils sont confrontés quotidiennement à la montée de la mer et à l’entretien des polders qui constituent 17% de leur territoire. Ils ont fait à l’aide de moulins à vent d’un golfe marin un lac d’eau douce, le lac d’Yssel, ainsi qu’il est conté par Jan.

Jan de Hollande reste l’un de mes compagnons d’enfance favori, avec le prince Erik et Briand de Jules Verne. Ecrit en 1954, il montre aussi comment notre société est taraudée de nostalgie et de conservatisme, un demi-siècle plus tard. La modernité technologique effraie, le grand large fait peur, les monstres chinois et américain deviennent de grands méchants loups marchés. Le Poutine, le Johnson et le Salvini, à côté, font figures d’ours empaillés ou de tigres de papier comme on disait en 68. L’existence de Jan et de sa famille stable fait rêver : c’était comme ça chez nous dans les années d’après-guerre, juste avant l’essor économique et technique opéré par de Gaulle, juste avant 1968. En sourd une vieille tentation de retrouver l’Âge d’or. Mais a-t-il vraiment existé ou n’est-il que de la littérature pour enfants comme La vie fraîche et joyeuse des scouts du chocolat Poulain, distribuée ces années-là ?

F. François et J-M Guilcher, Jan de Hollande, illustrations de Gerda, 1954, Flammarion Les albums du Père Castor, occasion €28.80

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Fin du monde contre fin du mois

Cette expression frappante d’un gilet jaune colza résume à merveille le grand écart entre les inclus et les exclus, les bobos urbains et les smicards ou érémistes périurbains ou provinciaux. L’écologie – française, parisienne, intello – révèle la lutte des classes.

Dès lors, pas de consensus sur la planète. D’un côté ceux qui ont les moyens d’avoir le temps ; de l’autre les pauvres qui n’ont pour échéance que la fin du mois.

C’est en principe au Politique d’opérer la synthèse entre le court et le long terme, de définir les étapes et les efforts, d’expliquer aux uns et aux autres les enjeux communs malgré leurs intérêts particuliers divergents.

Hollande, brimé par l’économie sur le court-terme (pour avoir massivement augmenté des impôts), s’est lancé dans la « grande cause » de la COP 21. De grandes idées et de grands mots – qui ont accouchés de petites décisions, vite remises en cause par le populiste en chef d’outre-Atlantique.

Macron a bridé Hulot, qui s’est démis. C’est que gouverner n’est pas célébrer, la politique n’est pas une cléricature ni le gouvernement une grand messe. L’écologie est une chose trop sérieuse pour la laisser aux écologistes, surtout français, surtout parisiens, surtout intellos.

La base se rebiffe car, s’il faut décider, donc choisir, la facilité de taxer une fois de plus est une fois de trop. Où vont les sous ? Ce serait démocratique de le dire, que le Parlement le contrôle, que la Cour des comptes ponde des rapports qui ne servent pas à s’asseoir dessus.

La boussole politique doit être l’intérêt général et le sens des étapes : on ne change pas la société par décret, ni un parc automobile et des habitudes de travail et de vie d’ici 2022. Hulot avait du culot de pousser à aller toujours plus vite. Enfiler des taxes à sec fait mal et le populo se rebiffe. Il veut bien reconnaître que la médication est pour sa santé à long terme, mais en attendant ? Il lui faut aussi manger, travailler et vivre.

Le gouvernement infléchit son intransigeance et surtout son budget – avec raison. Car seul le raisonnable peut convaincre, pas la trique fiscale  (dite « incitative » – comme si un suppositoire pouvait l’être !), ni l’émotion de foule portée à tous les excès de l’instant.

Pour agir en raison, il faut convaincre. Et pour cela s’appuyer sur les relais naturels et indispensables que sont les corps intermédiaires, à commencer par les maires des communes. Auxquels il faut ajouter les parlementaires à condition qu’ils fassent leur métier qui est de voter le budget, de mûrir les lois et de contrôler l’Exécutif (pas sûr que cela se passe correctement). Mais aussi les syndicats, qui reflètent le monde du travail et la base, en dépit de leurs œillères idéologiques ou trop intéressées par les intérêts de leurs diverses corporations. Et les associations, plus informelles, les experts, les universitaires, les médias.

Le tort du président est de les ignorer superbement. On ne gouverne pas tout seul, même en France, pays de « L’Etat c’est moi ». Emmanuel Macron est probablement plus impatient et pressé qu’imbu de sa personne mais, en un an et demi, le mal est fait : son image s’en ressent.

La fin du monde est théorique, le Club de Rome l’avait déjà prévue imminente en 1972, après saint Jean qui nous voyait mal passer l’an mille. Le pic du pétrole est annoncé pour demain depuis deux décennies, alors que les découvertes se multiplient et que le pétrole de schiste n’était pas vu. Il est probablement nécessaire de remplacer les énergies fossiles par des énergies durables, mais substituer l’électricité au carburant issu du pétrole consomme inévitablement du nucléaire sur le court et le moyen terme. Sans parler des métaux rares pour les piles.

L’intelligence serait l’adaptation : remplacer par exemple progressivement une partie du diesel issu du pétrole par du « diesel vert » issu des végétaux, dont le colza. Le biogazole existe, permettant (après adaptation) de rouler avec ses voitures en cours d’usage, le temps de la transition. Mais qui le prône ? Qui l’encourage ? Qui le développe ?

Non, mieux vaut « taxer » pour inciter, et punir pour dresser les mentalités. Pauvre écologie politique…

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Manif

« Attention, ça va péter ! » proclame rituellement d’une voix de mitraillette les militants auto-convaincus de faire l’histoire malgré les élections démocratiques. Ceux qui braillent dans la rue et se répandent dans les media ne veulent pas de réforme – ils veulent renverser la table et devenir calife à la place du calife. N’hésitant pas à mentir sur les chiffres – fake news à la Trump, et sans plus de vergogne – en déclarant 150 000 quand on n’en compte que 30 000. Et les gauchistes encouragés par son ressentiment de classe de cramer un garage du service public – comme à Grenoble – ou cramer une voiture de flics, avec les flics dedans – comme jugé récemment.

Mélenchon l’avoue depuis des mois – lui qui voyage en première classe et pas son équipe : son style, c’est Robespierre ; son économie, c’est Chavez ; son régime, c’est Castro. Tous les contradicteurs seront impitoyablement réprimés « au nom du Peuple » – puisque le Peuple c’est lui, autoproclamé Leader maximo. Quant au Front national, soi-disant pour le peuple et contre les ordonnances modifiant le code du travail, il reste aux abonnés absents – c’est dire combien son action réelle est bien loin des ronflements de discours.

Les syndicats ? Ils sont si peu représentatifs qu’ils veulent seulement exister. Foutre le bordel et emmerder le monde est la seule voie qui leur vienne à l’esprit – bien loin de l’efficacité des syndicats allemands, danois ou même (ô l’horreur !) américains.

Ce gouvernement se veut populaire, or le plus populaire de tous est celui qui en fait le moins possible, il ne fâche ainsi personne – voyez Chirac, qui recule dès que ça gueule. Au contraire, quiconque tente de changer les choses voit se lever face à lui les conservatismes en tous genres, des rats dérangés dans leur fromage gras – voyez Rocard et Hollande en butte aux « privilèges » des petit-bourgeois socialistes (syndicalistes professionnels, fonctionnaires « inspecteurs », petits salaires jaloux de l’Etat social qui ne sont pas touchés). Comme Macron veut favoriser l’emploi, donc ceux qui travaillent, il touche aux zacquis des syndicats (qui se foutent des chômeurs depuis toujours), aux revenus de l’immobilier et des retraités, à l’argent dormant dans les Plans d’épargne logement (qui financent peu le logement) et même du Livret A (dont le taux va rester gelé deux ans alors que l’inflation repart un peu), à l’imposition – ISF unique en Europe – du patrimoine en entreprise (actions et parts).

Cultiver le jardin dérange forcément une niche écologique – il faudrait ne rien modifier de la nature pour tout préserver. Mais « la nature », c’est le droit de nature, donc le primat de la force. Tout ce qui libère fait peur, car la liberté en France est une angoisse : comment ? tout le monde va voir combien je suis « nul » ou « inadapté » ? Alors que ce n’est pas forcément le cas et que les talents peuvent se révéler ailleurs qu’à la télé. Y aurait-il tant de flemmards que tout le monde découvrirait, si on libérait un peu les talents ? Les « inégalités » seraient-elles le masque commode de ceux qui ne veulent pas que ça se sache ?

Le fantasme du changement est que ce sera forcément pire. Chiche ! Laissons tout en l’état et que les meilleurs gagnent ! Les exemples sont légion… La semaine de quatre jours fait plaisir aux parents et aux profs, même si les enfants trinquent avec une surcharge de programme. Le bac sanctionné par un examen en une semaine au lieu d’un contrôle continu est un couperet, mais cela permet de ne rien foutre le reste de l’année et de se mettre en grève pour tout et n’importe quoi (c’est « festif et initiatique »). Qu’importe puisque les adultes, dans leur lâcheté professorale, se garderont bien de donner un sujet qui porte sur la partie non étudiée. Les apprentissages ne hissent plus au niveau requis ? Qu’importe puisque l’administration, dans sa lâcheté anonyme, susurre aux correcteurs de noter entre 8 et 15 et de « relever le niveau » s’il s’avère que l’académie X apparaît plus désastreuse que l’académie Y. Qu’importe puisque l’université prend tous les bacheliers sans prérequis. Quoi, la moitié est éliminée à la fin de la première année ? Et encore la moitié à la licence ? Oui, mais motus, le lycéen a tout le temps de s’en apercevoir et, après tout, s’il est nul il ne pourra s’en prendre qu’à lui, n’est-ce pas ? Et tant pis s’il a été baladé par la démagogie qui lui affirme que toutes les filières sont bonnes. Ce n’est que lorsqu’il cherchera du boulot qu’il se rendra compte de son impasse. Car « le boulot », ce ne sont pas les contrats « aidés » de la démagogie mais les emplois en entreprise… et là, la compétence se révèle. La formation professionnelle est macquée aux syndicats (salariés et patronat) ? Z’avez qu’à avoir les bons copains et les pistons qu’il faut. Ou à prendre n’importe quel » stage » sur catalogue, même s’il ne vous sert à rien, Pôle emploi vous en sera reconnaissant.

Malgré le discours égalitariste et le lénifiant « tout le monde il est beau, gentil et créatif », le système social français est fondé dans son ensemble sur la sélection – hypocrite, mais réelle : par les maths, par la façon de s’exprimer et d’écrire, par l’apparence (look, habillement, attitude, politesse), par les relations, par le « statut » professionnel ou social. Les classes S sont sélectives, les prépas une ascèse, les Grandes Ecoles ont toutes un concours d’entrée ou une sélection sévère par jury, les facs ne gardent qu’un quart des premières années en mastère. Les concours de la fonction publique sont impitoyables à qui n’est pas formaté comme il convient – et les employeurs privés ne prennent pas n’importe quel clampin.

La société est dure, mais elle ne veut pas que ça se sache : dans une société de Cour, seules les apparences comptent. Mais on continue de bercer les lycéens avec « le droit au bac » sans vraiment travailler – et les salariés avec des « droits » qu’ils se trouvent fort en peine de faire respecter lors des procès face aux avocats (nombreux, spécialisés et bien payés) des patrons. Négocier « en » entreprise plutôt que dans les branches (lointaines et anonymes) ou dans les centrales syndicales (nationales et idéologiques) permettrait peut-être une meilleure maîtrise de son destin.

Pourquoi le gouvernement Macron « et de droite et de gauche » – donc qualifié automatiquement « de droite » par tous les recalés des élections récentes à 8 tours – voudrait-il changer une sélection sociale impitoyable ? Serait-ce donc qu’il n’a pas ce « conservatisme » dont ses adversaires le créditent, sans réfléchir, sans apporter aucune preuve et avec leur mauvaise foi coutumière ? Qui croit que la réforme n’est pas indispensable pour s’adapter dans un monde qui bouge ? Les idées de « pure gauche » sont en apparence généreuses mais – Marx nous l’a bien appris – l’idéologie n’est que la superstructure des réalités matérielles, le prétexte vertueux des intérêts bien compris. Or l’intérêt des bateleurs appelant à la grève n’est pas d’améliorer le sort des travailleurs (le choix est pour eux : ou de renoncer et de ne rien changer – ou d’augmenter encore plus les carcans et blocages au détriment de toute embauche), mais de se faire mousser. Parce que leur ego en a pris un coup durant cette année et demi de campagne électorale…

Égalitarisme de théâtre mais Société de Cour : une fois hors de la rampe, chacun en son club social et sa niche rémunératrice : le soi-disant homme du peuple Mélenchon ne se mélange pas au menu fretin, il ne voyage qu’en « classe affaires », avec des arguments qui fleurent bon le privilège. Sur la rampe, il faut se grimper et se hausser du col, en piétinant le gêneur. Le corporatisme de la ‘lumpen-intelligentsia’ (mot de Gilles Martinet, de gauche) a la mauvaise foi des mauvais perdants. L’archéo-socialisme accentue la tendance à être toujours « contre », quoi qui soit proposé. En bref tout ce qui change fatigue, vivement la retraite, faute de providence d’Etat pour tous ! Car il n’y a pas assez de sous : pour en créer, il faut produire, donc encourager les entreprises, donc diminuer les blocages et favoriser le contrat.

Ce qui est proposé n’est sans doute pas parfait ; il cache peut-être des « loups » – mais il mérite d’être testé plutôt que de ne rien faire et de garder 10% de chômeurs/chômeuses, comme depuis trente ans. Mais allez changer la comédie humaine…

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La France en marche ?

Pourquoi s’étonner que la rencontre d’un homme et d’un peuple soit perçue comme une « révolution » ? Malgré l’illettrisme contemporain et la posture de terreur idéologique de la gauche extrême, la « révolution » est le retour d’une planète à son point d’origine. En 2017 en France, il s’agit du retour à la lettre de la Constitution de la Ve République votée en 1958. Emmanuel Macron est cette rencontre d’un homme avec un peuple qui – soit a voté pour lui – soit a laissé faire.

Pourquoi lui et pourquoi pas moi, se demandent les anciens leaders évincés ? Parce que non seulement la gauche a explosé, la faute étant due principalement à l’ego surdimensionné de Mélenchon, mais aussi aux atermoiements irréalistes des écolos et à l’inanité du « socialisme » à encore exister. Si Hollande, ce falot inconsistant, s’était représenté, il aurait probablement été battu ; il a eu l’ultime sagesse de renoncer et d’adouber en dauphin le jeune Macron de 39 ans. Incarner la présidence n’est pas donné à tout le monde, et surtout pas à un Normal voué à saint Thèse qui a la phobie de décider. La gauche est en miettes, mais la droite ne va qu’un peu mieux. Le candidat « naturel » (du système) Alain Juppé a échoué largement à la primaire, se voyant préférer par « le peuple » de droite le catholique austéritaire Fillon. Lequel Fillon, professeur de vertu comme Bayrou, s’est trouvé fort dépourvu lorsqu’une presse implacable fut distillant les révélations progressives de son népotisme. Quant au fantasme Le Pen, il s’est brisé sur la bêtise – n’ayons pas peur des mots – de la candidate lors du débat face à Macron. La crise de la démagogie a eu lieu en direct.

Le premier tour officiel (sur les huit tours depuis les primaires initiales !) a révélé le pentagone français : la droite radicale Le Pen, la droite traditionnelle Fillon, la droite libérale Juppé-Bayrou, la gauche libérale Valls, la gauche radicale Mélenchon. Avec l’abstention en plus, celle des classes populaires et des relégués périphériques de la mondialisation. Les partis se sont montrés moins porteurs d’idées et de projets réels que machines stupides à désigner des candidats ; la caste intello-médiatique a illustré une fois de plus son incapacité à penser par elle-même (où est donc passé Nuit debout ?) au profit des intérêts de groupes idéologiques ou financiers (qui « possède » le journal le Monde ou l’Obs ? quel milieu étroit « tient » France-Culture, France-Inter ?). Les Français en ont eu marre des politiciens professionnels, des désignés rituels, du prêt-à-penser des médias : ils ont favorisé les marginaux hors primaire, hors système, hors partis. Emmanuel Macron a représenté le plus petit commun dénominateur de cette volonté de « dégager » mais « sans le risque » : une synthèse improbable de Mélenchon et de Giscard…

D’autant plus que Macron se montre optimiste dans un pays pessimiste, faisant porter au système politique progressivement refermé sur lui-même depuis trente ans – la loi sur le financement des partis a encouragé la professionnalisation – la responsabilité de l’impuissance publique. A surgi une horde de néo-militants de la société civile, inexpérimentés mais enthousiastes, individualisés par les réseaux numériques. Ils sont portés non à « la synthèse » mais au « en même temps » : à la prise en considération des opinions des autres, la différence permettant seule le débat démocratique. Au risque de l’atterrissage (brutal) et de l’institutionnalisation (bureaucratique). Prudemment, le gouvernement est surtout composé d’énarques et de politiciens aguerris mais « en même temps », l’Assemblée nationale se voit renouvelée à 75% avec plus de femmes et moins de fonctionnaires.

La suite est plus floue, même si le Président est redevenu à majuscule : lui incarne la fonction, avec gravité et simplicité, tout en assumant ses mots critiques que la presse reprend sans penser une seconde à ce qu’ils veulent dire (« les fainéants, les cyniques, les extrêmes »). Autrement dit les profiteurs du système, les manipulateurs politiciens et les radicaux qui promettent toujours la lune. Qui sont-ils ? Au vu des réactions indignées, chacun s’est bel et bien reconnu. Et cela alimente le débat démocratique, ce qui est au fond très sain.

Bien sûr, les vieux réflexes technocrates ont ressurgi : le coup de rabot du « j’veux voir qu’une tête » – égalitariste mais surtout flemmard (surtout pas d’ennuis, tout le monde pareil !). L’armée, l’aide au logement, ont ainsi fait les frais de cette bêtise des bureaux – suscitant là encore une réaction présidentielle pour le budget de l’an prochain, comme s’il s’agissait d’un jeu pour la communication entre le mammouth imbécile et son nouveau dompteur. Le prochain budget, pleinement macronien, permettra d’évaluer la direction réelle vers laquelle le pays sera engagé – mais il faudra attendre décembre.

Gageons que ce budget sera de gauche mais libérale, redistributif mais surtout aux nationaux. La population en a assez de la générosité à tous vents alors que le chômage reste à un niveau indécent en France par rapport aux voisins. L’immigration était « une chance pour la France » lorsqu’elle restait contrôlée. Depuis que la grande vague a déferlé sur les pays européens, les gens ont peur de voir basculer leurs façons de vivre face au rigorisme d’islam, de partager un gâteau qui se réduit avec la concurrence mondialisée, d’introduire des terroristes dans la masse (le dernier attentat de Londres, perpétué par un garçon de 18 ans, le prouve). Désormais, c’est identité d’abord, universalisme ensuite. Une culture n’est pas un compromis métissé mais un héritage qui évolue. Cette attitude n’est pas propre à la France : le Brexit et l’élection de Trump comme la méfiance chinoise envers les étrangers – montrent que c’est mondial : la rançon de l’ouverture économique… « Respect » n’est pas un mot réservé aux revanchards des banlieues, il est universel !

Même les nantis de la mondialisation acceptent désormais de soumettre les échanges de population au filtre de la compatibilité culturelle. Il n’y a que chez les plus bornés des idéologues que ce bon sens ne passe pas. Notamment dans les médias, où chacun épie chacun pour lui ravir sa place, où la surenchère dans le « politiquement correct » est l’aune à laquelle se mesure la légitimité à occuper les places. Ce pourquoi les Français préfèrent de plus en plus Internet aux journaux et les radios privées au « service » public. C’est ainsi que l’Esprit public a migré en septembre de France-Culture au podcast.  L’ersatz produit à la même heure le même jour sur la radio publique n’a pas le goût du vrai et rassemble surtout des journalistes, glosant entre eux sur leurs problèmes de caste.

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Tempête à Washington de Otto Preminger

Nous sommes en pleine guerre froide, en 1961, et le président des Etats-Unis (Franchot Tone) doit choisir son Secrétaire d’Etat (ministre des Affaires étrangères). Lui est atteint d’une maladie grave incurable et n’en a plus que pour peu de temps ; il veut que sa diplomatie soit poursuivie avec un homme de talent, en qui il a confiance. Mais Robert Leffingwell (Henry Fonda) est un universitaire contesté, notamment par tout ce que la droite patriote, sinon nationaliste, compte de va-t’en guerre et d’empanachés d’honneur comme au 19ème siècle.

Comme toute nomination présidentielle doit être entérinée par le Sénat, selon l’excellent principe institutionnel des contrepouvoirs (check and balance), une commission d’enquête se réunit, que le chef de la majorité (Walter Pidgeon) confie à un jeune sénateur du parti Brigham Anderson (Don Murray). Le leader de l’opposition Seabright Cooley (Charles Laughton), dinosaure de la politique et sénateur de la Caroline du sud (état jadis sécessionniste) depuis quarante ans veut à tout prix empêcher cette nomination qui reviendrait, selon ce « patriote » ultra-conservateur, à « négocier » avec les communistes de l’URSS – donc à brader « la civilisation » au nom d’une promesse de paix illusoire. Mais aussi au souvenir d’une vieille rancune où Leffingwell a démontré que Cooley mentait.

Le maccarthysme vient de sévir aux Etats-Unis et toute personne soupçonnée d’avoir eu des sympathies communistes est considérée comme un suppôt du diable. Leffingwell a été à des réunions à Chicago lorsqu’il était étudiant, pour comprendre et par vague idéalisme adolescent (ce qu’il explique à son fils de 14 ans – Eddy Hodges). C’est donc toute cette « affaire » que ressort le laid et pervers Laughton, en citant un témoin de l’époque. Fonda est obligé de mentir à la commission pour épargner un ami venu comme lui aux réunions, qui officie désormais au ministère des Finances. L’engrenage de la machine démocratique se met alors en place.

Le président veut Leffingwell et il est pressé ; le Sénat veut faire les choses dans les formes ; le président de la commission croit de son devoir d’appliquer la procédure la plus stricte. Les partis s’agitent, chacun voulant manipuler l’autre au nom des Grands Principes par la sortie d’affaires personnelles insignifiantes. C’est ainsi que Henry Fonda se voit reprocher d’être resté crypto-communiste parce qu’il croit à la négociation et à la diplomatie plutôt qu’au gros bâton à la Trump. C’est ainsi que le président de la commission, nommé par son parti, se voit harcelé au téléphone par des extrémistes de ce même parti (ancêtres des Tea-partisans d’aujourd’hui) ; on lui reproche une liaison homosexuelle d’un instant, lorsqu’il était à l’armée, avec un certain Ralph qui est aujourd’hui dans la dèche et ne trouve rien de mieux que de se prostituer dans un bar gay de New York. A cette époque – pas si reculée et que les extrémistes conservateurs font tout pour voir revenir, aux Etats-Unis comme en Russie et en Turquie – le simple soupçon de gaieté valait soupçon de communisme, donc diabolisation automatique.

La commission d’enquête doit étudier et entériner (Advise and Consent) la nomination, mais chacun sort ses « affaires » comme la gauche hollandaise aux abois avec Fillon. Le patriotisme guerrier de Laughton, qui se fait applaudir, est efficacement contré par les réalités de la guerre rappelées par Fonda, qui se fait applaudir en retour. Les deux positions sont légitimes, l’une plus dangereuse que l’autre et peut-être plus archaïque, mais compréhensible. Ce qui va départager le choix sera la série de coups bas personnels, de faux témoins et de chantages que chacun se croit obligé de dégainer « pour son parti ». Belle excuse des lâches qui oublient l’humain pour jouer à la politique. Ce pourquoi j’ai toujours profondément méprisé les politiciens, surtout ceux qui se présentent comme les plus vertueux (« responsable mais pas coupable », « Moi président… »). Je préfère les cyniques assumés à la Pasqua, très Charles Laughton si l’on y réfléchit.

Car, au fond, la « vraie » politique américaine se joue entre membres de la même aristocratie sociale, qui se pique d’être gentleman et ne dépasse pas certaines limites. Ce pourquoi le jeune loup technocrate auteur du chantage, sénateur entouré de conseillers techniques (une nouveauté à l’époque), préfigure les loups de Wall Street dans la finance et autres « sans scrupules » à la House of Cards. Des salauds, au sens de Sartre, des gens à mépriser absolument, pour qui seule compte la fin et pas du tout les moyens. Au point de pousser au suicide le jeune sénateur Anderson, papa d’une petite fille, qui préside la commission sénatoriale. « On » veut qu’il soit moins impartial et qu’il pousse la commission à entériner le choix du président. Comme d’habitude les royalistes le sont plus que le roi et l’extrémisme des jeunes sénateurs du parti font plus que le président n’aurait voulu : ils tuent l’un des leurs !

Le projecteur se déplace donc du communisme vers l’homosexualité, de la politique vers les affaires, du patriotisme (légitime) aux saloperies (méprisables). Et à la fin les deux leaders de partis, Charles Laughton et Walter Pidgeon, se congratulent de voir la procédure respectée et la vraie politique reprendre ses droits sur la merde humaine. Qu’ont donc à voir avec l’intérêt général (politique) les minables attaques (personnelles) sur chacun ? Elles manifestent plutôt l’arrivisme forcené, la haine de classe, la violence de bande des intérêts très particuliers.

Le président va mourir, le vice-président (Lew Ayres) prendre constitutionnellement sa place, le sénat repousser l’investiture de Leffingwell – le nouveau président choisira un Secrétaire d’Etat qui lui convient.

Plus de cinquante ans après, ce grand film américain reste très actuel. Avec Trump et l’absence totale de scrupules pour la vérité de ses sbires partisans, avec Hollande et la sortie immonde des « affaires » sur Fillon au moment crucial, avec les officines dans l’ombre qui ne cessent d’alimenter la presse à scandale sur tout et n’importe quoi, au détriment des vrais problèmes de tous. Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. D’où l’efficacité de la Constitution américaine, probablement meilleure que la nôtre, qui offre des contrepouvoirs démocratiques aux décisions de chaque acteur important.

DVD Tempête à Washington (Advise and consent) de Otto Preminger, 1962, avec Henry Fonda, Charles Laughton, Walter Pidgeon, Don Murray, Franchot Tones, Lew Ayres, Artedis films 2014, 142 mn, €18.39

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Macron face au délire de la raison

La France, ce pays qui se croit cartésien, se veut rationnel contre les brumes germaniques, planificateur contre le pragmatisme anglo-saxon et organisé contre le souk méditerranéen. Cette position est légitime. Sauf lorsqu’elle dérape et oublie la mesure.

Voltaire a eu raison de fustiger la superstition et l’arbitraire ; mais nos critiques du soupçon depuis les années 60 ne voient que domination de classe voire Complot mondialisé en tout exercice d’autorité ou tout recours à la tradition. Mélenchon est le porte-parole du Complot plus que tout autre, qui soupçonne toujours une domination des « riches » via… le suffrage universel (évidemment manipulé !)

Les savants ont eu raison d’imposer la méthode scientifique aux illusions et croyances des temps mal éduqués ; mais les savants emportés par la politique ont voulu imposer les départements carrés et les semaines de dix jours au détriment du naturel des reliefs comme des phases des astres, avant d’opter pour le communisme, cette Vérité révélée « scientifique », ou pour le scientisme où le savoir scientifique est considéré comme le guide naturel du peuple. Bien que la science soit un processus cumulatif d’essais et d’erreurs vers une vérité toujours approchée et jamais atteinte, certains affirment et essentialisent – comme si « la Vérité » absolue avait été « découverte » (car jusqu’ici cachée), et ne changera donc jamais plus.

Les économistes ont eu raison de décrire les mécanismes de l’épargne, de la consommation et de l’investissement, de montrer que l’Etat jouait un rôle ; mais les saint-simoniens ont voulu régenter hier la société par la technocratie et les économètres s’enlisent aujourd’hui dans les modèles. Ils font du calcul la seule valeur du réel et de la production intérieure brute (PIB) la seule mesure du bonheur.

Les banquiers ont eu raison d’introduire les mathématiques dans leurs activités, de la comptabilité en partie double dès la Renaissance jusqu’aux calculs de risques en Black & Scholes pour évaluer le coût d’assurance ; mais les traders français, renommés dans le monde entier pour leur formatage mathématique ès écoles, gèrent les hedge funds comme des jeux vidéo. Entièrement immergés dans le virtuel, ils inventent des « machins » sur des abstractions totales comme hier Fabrice Tourre chez Goldman Sachs, ou jonglent avec les milliards comme Jérôme Kerviel à la Société générale sans penser une seconde qu’il existe derrière l’argent des gens réels qui pâtissent des erreurs.

Les profs ont eu raison d’organiser l’éducation pour le citoyen dès la IIIe République (sur le modèle prussien), de vouloir l’égalité des chances et d’offrir dans les campagnes ou les banlieues les plus ignorées une formation égale pour tous ; mais l’école d’aujourd’hui, centralisée, égalitariste, offre le même nombre de cours à chaque élève, la même dotation horaire à chaque établissement, les mêmes profs interchangeables à n’importe quelle classe, en banlieue illettrée comme dans les beaux quartiers cultivés, le même programme inatteignable – sauf aux enfants sages… qui ne sont qu’idéaux platoniciens du ciel des idées.

Tous ces exemples sont des dérives de la raison :

  • de la critique légitime au soupçon perpétuel ;
  • de la rationalité scientifique au scientisme ;
  • d’une science humaine à la comptabilité abstraite ;
  • de la gestion des capitaux aux instruments virtuels qu’on ne comprend même pas soi-même ;
  • de l’éducation à l’emboutissage égalitariste pour la seule convenance de la corporation.

Toutes ces dérives ont des conséquences humaines. De la paralysie à l’abstraction, du délire dans l’imaginaire à l’explosion des inégalités :

  • les intellectuels français ont rétréci en intello-médiatiques ;
  • les savants en spécialistes enfermés en tour d’ivoire ;
  • les économistes en communicants perpétuels de ce qu’il aurait fallu faire ;
  • les banquiers en spéculateurs hors contrôle pour leur propre compte ;
  • les profs en caste préoccupée de « moyens » à leur avantage, plus que des élèves tels qu’ils sont, de leurs rythmes et de leurs besoins différenciés…

Le rationnel est bénéfique, le rationalisme est un délire mental. Or tout est lié en mentalité.

La France a fait de la remise en cause du donné, dans les années soixante, sa croix et sa bannière : il fallait soupçonner pour rétablir la vérité. Mais le soupçon s’est infecté de social-politique et désormais tout ce qui est classique est connoté d’une valeur de classe. D’où l’abandon de la sélection par le latin, la dissertation, l’orthographe ou le vocabulaire : tout cela sent le bourgeois, le nanti, le blanc, le bien-pensant catholique ! Reste quoi ? Les mathématiques, bien sûr : abstraites, neutres, quantifiables, elles offrent le confort de notations vérifiables et d’évaluations incontestables (…quand les énoncés sont écrits en français correct, ce qui n’est pas toujours le cas, vu l’illettrisme de la profession et le filet très bas des notes aux concours de profs !).

La sélection par les maths forme des têtes raisonneuses, pas des têtes chercheuses. Si elles peuvent être bien pleines, elles se trouvent rarement rarement bien faites. Les bons élèves donnent des ego surdimensionnés, sûrs d’eux-mêmes et dominateurs… mais impuissants à réparer un évier bouché, à prévoir le temps demain, à écouter le subalterne ou – pire – à négocier pour agir avec les autres. Alors le citoyen, le salarié, l’élève, deviennent la « variable d’ajustement ». Cela donne des :

  • Alain Badiou, intello pour qui yaka supprimer la démocratie et instaurer la dictature des intellos. Beaucoup de technocrates pensent pareil sous le manteau.
  • Jack Lang qui, n’ayant jamais peur des mots, voyait en Mitterrand le passage de l’ombre à la lumière ; notez que le PS a récidivé en voulant créer une nouvelle civilisation – rien que ça.
  • Alain Minc pour qui yaka faire payer les malades sur leur patrimoine.
  • Alain Juppé, droit dans ses bottes, pour qui il n’y avait jamais qu’une seule solution – évidemment technique – à tous les problèmes.
  • Ségolène Royal, télévangéliste quaker du politiquement correct et du socialement acceptable, qui victimisait à tout va et sourit à la caméra sans que jamais le rire ne naisse derrière les dents.
  • Jérôme Kerviel, trader, pour qui yaka transgresser les règles puisque tout le monde le fait.
  • Fabrice Tourre qui invente des machins qu’il ne comprend pas lui-même (il l’avoue dans un mail) – mais qui rapportent gros (surtout quand lui-même spécule contre).
  • L’acharnement thérapeutique pour garder en « vie » des années un cadavre végétatif comme Vincent Lambert ;
  • L’acharnement médiatique à « retrouver » des boites noires d’Airbus plus d’un an plein après la catastrophe ;
  • L’acharnement judiciaire à refaire le progrès du petit Gregory, une génération après (à quand le procès du traître qui a vendu Vercingétorix ?) ;
  • L’acharnement mémoriel à ressasser encore et toujours les mêmes « péchés » de colonialisme, d’impérialisme, de pétainisme ;
  • L’acharnement théorique à construire le « plus grand » accélérateur de particules du monde pour un coût pharamineux, ou le réacteur expérimental ITER au prix d’une immobilisation de moyens et de dégâts environnementaux inouïs, ou l’EPR de Flamanville, jamais au point, affecté de normes toujours plus « sûres » – à quel prix ?
  • L’acharnement impérial à « intervenir » partout sur la planète – au Mali, en Syrie, en Libye, en Irak, en Centrafrique, en Somalie (et en France même !) – sans en avoir les moyens militaires et en budget de plus en plus contraint !
  • Les syndicats de profs pour qui yaka mettre toujours plus de moyens, payer plus de salaires, embaucher plus de personnel et traiter tout le monde pareil (SNES) – non pour des raisons raisonnables (démocratiques) mais pour qu’il n’y ait pas de jaloux… parmi la corporation fermée des profs ! Et les élèves ? quoi les élèves ? ils ont à subir l’éducation, non ? D’où le retour à la semaine de 4 jours pour bien fatiguer les petites têtes – mais donner un jour de vacances complètes aux instits et autres profs. Contrairement à ce que font les pays européens apaisés avec leur jeunesse.

Ce ne sont que quelques exemples dont les rapports de la Cour des comptes ou du Sénat sont remplis… Toujours plus, toujours plus pareil, toujours plus abstrait ! J’veux voir qu’une tête, scrogneugneu !… Formatage idem et portion congrue égalitaire forment l’identité française. Bonapartisme et caporal-socialisme forment le lait et le miel de la gent gauloise, volontiers bordélique. Et surtout ne changeons rien, on est tellement content de nous en France…

Il y a bien une exception française : le délire de la raison. Une maladie mentale, ne croyez-vous pas ?

Les électeurs ont viré le bonapartiste Sarkozy, puis le social-moraliste Hollande. Ils ont élu le ET droite ET gauche Macron, pour le meilleur et pour le pire – en tout cas pour 5 ans. Sera-t-il :

  • social-bonapartiste (mais ce serait plutôt le modèle Valls) ?
  • caporal-démocrate (à la Delors, mais un peu ancien) ?
  • paternaliste-démocrate (à la De Gaulle, mais avec les formes « participatives » de la nouvelle com’) ?
  • ou va-t-il inventer enfin la « présidence normale », celle qui est prévue par les textes de la Ve République et que les Français attendent ?

Il lui faudra alors dompter la raison en délire de ses fonctionnaires, éduquer les média pressés et peu lettrés qui ne retiennent qu’une seule phrase sur tout un discours, convoquer le bon sens citoyen, faire participer les civils aux expertises, ajuster les yeux diplomatiques au ventre de plus en plus plat militaire, remettre à leur place les technocrates – en bref faire comme tous les autres pays européens démocratiques, mais qui apparaît si étonnant en France !

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Nous avons enfin un président

Pour la première fois depuis une génération, les Français ont enfin un président. Ni un monarque, ni un roi fainéant, ni un moi-je, ni un ectoplasme mais – après 36 ans ! – un président qui endosse la plénitude de son rôle défini par les institutions.

Les perdants ont la défaite amère et la critique aussi facile que leur impéritie : sans évoquer les socialistes « minables » (selon le mot de l’un d‘entre eux), le Mélenchon qui critique le pouvoir monarchique n’avait pas de telles pudeurs de vierge effarouchée lorsqu’il était attaché à l’équipe Mitterrand… Et que serait le pouvoir Mélenchon s’il avait gagné ? Un « coup d’Etat permanent » ? Le modèle caudillo du Chavez vénézuélien est-il plus légitime, dans l’histoire française, que le modèle du président gaullien ?

Emmanuel Macron se dit jupitérien. Que n’a-t-on pas glosé dans les chaumières médiatiques, qui n’ont pas grand-chose en ce moment à se mettre sous la dent ! Et avec l’ignorance qui les caractérise, se précipitant pour « commenter » l’affirmation (gratuite) d’un collègue qui dégaine le premier – sans vérifier. Qui a lu la Constitution de la Ve République avant de gloser ? Le président de la République surgit au titre II, bien avant les autres pouvoirs. De Gaulle l’avait voulu ainsi, face à la déliquescence du fonctionnement de la IVe République et l’incapacité de ses institutions à gouverner.

Le président de la Ve « arbitre » pour assurer « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics » et « la continuité de l’Etat ». Il est donc de son domaine – jupitérien – de se préoccuper de la réforme des institutions pour qu’elles fonctionnent mieux (avec moins d’élus et plus de moyens) et plus régulièrement (avec des mandats limités pour renouveler les effectifs), sans remise en cause par l’extrémisme, le populisme, le terrorisme, voire la guerre civile (la continuité de l’Etat).

Concernant le Congrès, s’il est à Versailles ce n’est pas par tropisme de roi-soleil, mais parce que c’est le seul endroit proche de Paris où la salle est assez grande et assez sécurisée pour accueillir les quelques 900 parlementaires en plus des organisateurs. Mitterrand lui-même ne s’était pas interdit de convoquer à Versailles certains sommets internationaux, pas plus que Hollande de convoquer le Congrès pour sa proposition de déchéance de nationalité. Quant à son rôle, « il peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès » (article 18). Quant au recours au référendum (art.11), la dissolution de l’Assemblée (art.12), les pouvoirs exceptionnels (art.16), la saisine du Conseil constitutionnel (art.54), la nomination de trois de ses membres (art.56) – ce sont ses seuls pouvoirs souverains : TOUT LE RESTE doit être contresigné par le Premier ministre.

Voilà pour la forme, que des critiques faciles de perdants ou d’inactifs le cul sur leur chaise – que les doigts au clavier démangent pour « commenter » frénétiquement tout ce qui survient – ridiculisent sans réfléchir un instant, tout à leur tête de linote. Le style a pu être soporifique : mais pourquoi écouter de bout en bout ? Pourquoi ne pas en exprimer plutôt la substantifique moelle, sur l’exemple de Rabelais ?

Sur le fond, moins de parlementaires ne fourniront guère d’économies – si des moyens supplémentaires leurs sont donnés. Mais cela implique un recentrage sur l’essentiel : ne faire que la loi (sans les textes de circonstance), faire mieux la loi (sans ces détails scabreux ou ésotériques des amendements surajoutés), dans le sens de l’intérêt général des Français (et non de l’intérêt partisan des élus).

En ce sens, moins de parlementaires signifie de plus grosses circonscriptions, donc un redécoupage. Evidemment manipulable… A l’opposition et à la diversité politique de s’assurer que la manipulation ne soit pas effective. Mais de plus grosses circonscriptions accentuent aussi le penchant des majorités au détriment des minorités – et cela est excellent contre l’extrémisme. Pour compenser, on assure « une dose de proportionnelle » – mais les détails techniques et l’ampleur de la « dose » sont à examiner. Celle introduite sous Mitterrand (et annulée depuis) n’a pas fait la preuve qu’elle était bénéfique.

Quant au fonctionnement du gouvernement, il est très clair dans la Constitution que le Premier ministre dépend du président. Il est moins légitime que lui, puisque nommé par lui (et pas par le suffrage universel) parmi les partis majoritaires à l’Assemblée. Macron veut travailler avec (l’ex-) droite ET (l’ex) gauche. Seuls les extrémités des deux camps se sentent exclues mais les Français approuvent, soit par leur vote, soit par leur abstention massive (qui est une façon de laisser faire).

Les petits esprits sont désorientés car ils n’ont plus leur boussole du Bien et du Mal, ils sont « libres », donc perdus ! Tant pis pour eux : la démocratie est un effort de citoyens responsables, pas un refuge pour losers infantiles.

Macron ne devrait pas être un machiavélien qui met en rivalité les jeunes loups pour décider souverainement tout seul, comme Mitterrand. Ni un je-m’en-foutiste qui aimait gagner mais surtout pas gouverner comme Chirac. Ni un faiseur d’opinion entraînant les médias (qui, au fond, ont adoré ça) sur un événement par jour – sans le plus souvent que les actes ne suivent, surtout vers la fin, comme Sarkozy. Ni un lymphatique pseudo-normal qui ne sait pas décider, préférant les confidences sur l’oreiller à ses multiples maitresses ou sur les coussins du canapé à ses multiples journalistes privilégiés, comme Hollande – l’anti-modèle absolu, le pire président de la Ve République à ce jour.

Ce que fera Emmanuel Macron, nul ne sait, mais le cap est dessiné, la répartition des rôles réalisée, les réformes annoncées. Les Français qui se sont abstenus ont raison : attendre et voir.

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Vide socialiste

Le monde a changé, pas le socialisme.

Idéologie dominante du siècle dernier, née au siècle encore avant en réaction à l’individualisme croissant dû à l’essor démocratique et industriel, le socialisme est désormais mort et Macron vient de l’enterrer. Il restera désormais comme une secte de gauche parmi d’autres, un parti-croupion analogue au parti radical, cet ex-faiseur de rois de la IIIe République.

J’ai connu cette génération socialiste qui a intronisé Mitterrand en 1981 – ex-ministre de l’Intérieur hostile à l’indépendance de l’Algérie puis ministre de la Justice donnant les pleins pouvoirs à l’armée – avant de crever sous Hollande, secrétaire de parti une bonne décennie à gérer les egos entre 1997 et 2008. Ceux qui ont poussé le machiavélien né camelot du Roy, présenté à Pétain avant de virer résistant, gaulliste puis ministre, étaient ces petit-bourgeois arrivistes des années 1980 qui avaient fait quelques études et avaient soif de participer aux décisions. Fils amers de ceux qui n’avaient pas su résister durant la guerre de 40, ils ont cru bon de porter les valises des terroristes FLN, futurs dictateurs soigneusement planqués jusqu’aux accords d’Evian – et toujours au pouvoir en Algérie. Comme la « résistance » allait bien pour les autres ! Comme la bonne conscience jouissait à s’éclater pour « les pauvres, les déshérités, les damnés du colonialisme… justement terminé » !

A ceux-là, leurs ados ont « fait » 68 contre la guerre et la consommation, avant de se réfugier dans la prébende d’Etat comme profs ou politiciens. Ce sont ces ados jamais vraiment grandis qui ont joué du synthétiseur hollandais contre l’agitation sarkozyste, croyant apaiser le pays par un train de réformettes que la revancharde Aubry a taclé via les députés qu’elle fit nommer. Car ce n’était « jamais assez à gauche, ma chère ! » comme Jospin – qui n’avait pas démérité – l’apprit à ses dépens en avril 2002. Le socialisme battu par Le Pen, quelle honte déjà ! Les « frondeurs » ont achevé l’ouvrage en faisant battre au premier tour de la présidentielle tous les socialistes – le frondeur Hamon comme le radical Mélenchon – à la fois par Le Pen et Fillon.

Car le ver était dans le fruit… Qu’a donc « le socialisme » à dire sur le monde actuel ?

De plus en plus globalisé, faisant la place à l’ancien « tiers » monde qui lui taille des croupières à marche forcée, emporté par le numérique, l’informatique, la robotique, les algorithmes et les nanomachines, le monde change à grande vitesse – et pas le socialisme. Le libéralisme au contraire – et c’est là sa vertu – sait s’adapter puisqu’il accepte par construction ce qui vient, « liberté » étant le maître-mot.

Mais le socialisme, loin de pencher vers les associations de base du modèle français selon Proudhon, a vivement préféré les grandes idées philosophiques du prophète juif qui prenait la suite des Evangiles : Marx. Lequel a été récupéré par tout ce que l’Allemagne compte de fumeux et de proto-totalitaires sous la houlette de l’hégélianisme, avidement repris par les Sartre et autres petits intellos français qui avaient honte d’apparaître trop rationnels (comme Bergson, Valéry ou Alain) à l’époque où l’Allemagne dominait l’industrie mondiale. Les années antitotalitaires post-68, après les révélations de Soljenitsyne puis de Solidarnosc, ont emporté le marxisme en acte du « socialisme réel » (ainsi se disait-il)… et tout le socialisme avec !

La société de cour, idolâtre du Mitterrand-soleil, a fait le reste, remplaçant les militants enthousiastes et la fraîcheur des idées par les technocrates d’appareil et les slogans de parti. Comment penser le monde quand vous faites allégeance à une bande où l’entre-soi compte plus que l’universel ? D’où ce « gauchisme culturel » décrit par Jean-Pierre Le Goff, qui acheva de faire divorcer les intellos bourgeois urbains du populo des périphéries et des villages. Le « socialisme » réduit aux bons sentiments et aux mot-valise, avec l’écologie comme nouvel horizon de croyance.

Libéralisme des mœurs adulé, libéralisme économique honni : quelle magnifique contradiction ! Car cela signifie « tolérance » aux intolérants – par exemple poutiniens, trumpiens ou islamistes ; ouverture des frontières – juste pour les migrants, pas pour les marchandises ni pour les capitaux ; incantation au « collectif » – et préoccupations uniquement focalisée sur les « droits » aux minorités infimes (homo, voilées, féministes).

La plus vaste blague a été la candidature de Benoit Hamon. Lui, un renouveau du socialisme ? Apparatchik né dans le système, dont le seul métier a toujours été la politique, adepte de l’entre-soi fanatique par ses réseaux multiples cultivés depuis toujours – comment aurait-il pu représenter un homme neuf dans « le système » ? Quant à son programme, il reste l’utopie-reine de toute croyance millénariste : demain on rase gratis (revenu universel, hédonisme, RTT avant retraité, annulation de la dette, taxation de tous ceux qui dépassent la norme d’Etat, imposition des robots – avant de leur accorder des « droits » en tant que minorité visible ? -, loi contre la torture des chatons, agnelets et autres petits veaux). Comment gouverner dans la réalité si l’on reste guidé par le principe du plaisir ?

Que reste-t-il en 2017 du « socialisme » ? Rien. Ce vide est le vide de « la croyance » face aux faits.

Et c’est tant mieux : le champ est enfin libre pour créer autre chose.

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Le canon a tonné dans Paris

Ce dimanche 14 mai, les vingt-et-un coups ont retentis pour célébrer… non pas la révolution extrémiste de Mélenchon mais le rassemblement au centre de Macron.

Beaucoup de socialistes sont investis dans les circonscriptions ; un Premier ministre proche d’Alain Juppé est pressenti. La volonté de « et droite et gauche » montre que les idéologies reculent ; les Français en ont manifestement marre des indécis de synthèse, des acrobates de langue de bois, des tabous névrotiques sur l’identité crispée ou la Justice sociale aussi abstraite qu’absolue. L’heure est désormais au pragmatisme : résoudre concrètement les problèmes concrets – pas gloser sur le sexe des anges prolétaires ou immigrés.

C’est la première fois que je vais vivre sous un président plus jeune que moi. Je suis arrivé à l’adolescence sous le règne des grands-pères et ce n’est qu’avec Pompidou que j’ai eu l’impression de rejoindre le siècle. Mais surtout avec Giscard, président moderne, qui a tant rendu jaloux les conservateurs d’acquis de la CGT et les ringards de la gauche – déçue d’avoir échoué en 1974 – qu’ils ont distillé déjà « les affaires » avec les diamants et autres mesquineries à démoraliser les ménagères. Internet n’a rien inventé : la haine politicienne est de tous temps – et la gauche « Morââle » n’en est surtout pas exempte ! L’ère du grand-père est revenue comme une resucée nostalgique sous Mitterrand, déjà 65 ans et nombre de mandats lorsqu’il est investi en 1981.

Nous aurions dû nous méfier : une soi-disant « gauche du mouvement » qui porte au pouvoir un vieillard ayant commencé en politique comme camelot pour le Roy avant-guerre ne pouvait qu’être suspecte, préférer les incantations aux réalisations, les symboles aux adaptations, le conservatisme des zacquis à la modernisation du cadre économique. De fait, autant les autres pays sociaux-démocrates ont su s’adapter au nouveau monde, autant la gauche socialiste française est restée coincée dans les vieilles recettes, la berceuse « révolutionnaire » et autres élans romantiques (« changer la vie » !… rien que ça). Ces images d’Epinal de la gauche-passion que le vieillard Mélenchon (66 ans cette année) tente de relancer aujourd’hui, le verbe haut, la lippe amère, la haine de classe en bandoulière.

Oh, que vive la jeunesse ! Un Président né en 1977 et un Premier ministre né en 1970 sont juste de la génération d’avant le net ; ils n’ont connu la Toile, le téléphone mobile et les réseaux qu’autour de leur vingtaine, ils ne sont pas nés avec. Ils gardent donc encore le goût de la lecture, du théâtre, de la culture – même si la formation ENA n’est guère propice à l’esprit d’humanité. Macron préfère discuter que de consulter une bible, fût-elle socialiste ; il a fait merveille comme rapporteur de la Commission Attali nommée sous Sarkozy pour encourager la croissance de la France. Il persiste en nommant Premier ministre Edouard Philippe, venu du militantisme étudiant avec Rocard et membre de la conférence de Bilderberg, ce forum où se rencontrent et dialoguent en toute liberté les grands du monde. Ces hommes neufs ne restent pas enfermés dans leur parti, ni prisonniers d’une idéologie fermée : ils sont ouverts, prêts à négocier, pragmatiques. Nous verrons ce que cela donnera en actes et j’avoue quand même un certain scepticisme.

Mais cette génération va probablement nous changer des ringardises, grimpettes aux rideaux et autres moralismes du bon ton politiquement correct qui nous sortaient par les yeux et que le suffrage universel a durement sanctionnés.Enfin l’intérêt général plutôt que l’intérêt clientéliste, ce n’est pas trop tôt !

« La gauche » s’est fusillée elle-même en se réduisant au catéchisme pour enfants sages du progressisme et de la planète, suscitant les diables cornus de l’extrémisme gauchiste et cette risible gaucherie des « frondeurs » qui se sont révélés bien en peine de manier quelque fronde que ce soit (l’élastique leur en est revenu en pleine gueule).

« La droite » s’est dézinguée en permettant hier le duel inepte Coppé-Fillon, il y a peu le retour du Jedi Sarkozy, puis en virant Juppé, s’obstinant sur un Fillon décrédibilisé – moins par le fond des « affaires » que par la gestion désastreuse de sa communication face à elles.

Le président normal a enfin laissé la place au président vrai – nul doute que nous gagnions au change, même si Macron est peut-être le fils rêvé en politique de Hollande, comme je l’ai écrit. Je ne sais pas ce qu’il fera, probablement ce qu’il a dit, mais l’expérience est nouvelle, donc passionnante. Chacun peut noter aussi ce tropisme d’origine des nouveaux acteurs à remonter vers le nord, comme avec de Gaulle : Amiens et Le Havre plutôt que l’Auvergne, la Corrèze ou la Nièvre. Un nord plus industrieux que fonctionnaire, plus pratique qu’idéologue, plus collectif que notaire de droit romain peut-être ? Un nouveau clivage mental qui se superpose à métropoles/périphérie ?

En tout cas, le règne des cumulards de mandats, des agrippés aux prébendes et des barbons politiciens semble avoir pris fin. Provisoirement ? Je fais confiance aux fils ; j’en avais assez de ma génération des egos, les Hollanzy et autres Sarkollande.

Emmanuel Macron sur ce blog

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Elire, c’est choisir

Une femme ou un homme ? Une héritière populiste ou un bon élève ex-banquier ? Pour beaucoup, le choix est difficile ; certains le refusent parce qu’ils considèrent qu’entre ces options le bien commun ne figure pas. Ils voteront blanc ou nul, ou se résigneront à voter pour le moins pire – ou pour le moindre bien.

Pour beaucoup, il s’agit d’encore plus de multiculturalisme où va se perdre sa culture, se dissoudre « la France » dans le grand métissage indifférencié d’une Union européenne qui vire au melting-pot américain, ou encore de diluer nos petits blonds dans le noir crépu issu de la guerre des ventres – puisqu’il suffit de naître à Marseille ou Roubaix, même clandestin, pour « être » français, sans aucunes références familiales, culturelles et historique.

Mais tout cela, ce sont de grands mots.

Il suffirait à notre culture d’être vigoureuse (comme avant) pour qu’elle accepte avec bienveillance les cultures venues d’ailleurs, qu’elle s’en enrichisse (comme elle l’a toujours fait) ; il suffirait que la France dise clairement au Conseil européen (des chefs d’Etat et de gouvernement – auquel elle participe) ce qu’elle veut, au lieu de démissionner lâchement comme Chirac et Hollande l’ont fait trop souvent ; il suffirait que nos bobos blancs « de souche » fassent plus de bébés au lieu de jouer aux gais ou aux féministes sectaires, et de papillonner en égoïstes. La question migratoire et la mal-intégration sont à régler au Conseil européen et au Parlement français – sous la pression de l’opinion publique – comme les Néerlandais et les Danois l’ont fait, comme les Allemands vont faire, et pas sous la pression médiatique de la gôch’ bobo hors sol qui ne représente RIEN.

Dans le concret aujourd’hui, ce qui compte est moins « le capitalisme » ou « le grand remplacement » que l’insécurité.

Le souci démocratique est celui des frontières, car nul vote ne peut rien contre l’universel. Le citoyen appartient, il vote pour qui doit le représenter, lequel représentant négocie des lois pour une société sur un territoire. Dès lors, l’immigration de masse sans contrôle apparait comme le plus grand danger. A tort ou à raison, pour des motifs culturel (les odeurs de Chirac), de tabou patriotique (la France, c’est prendre sa carte selon Hollande) ou d’ignorance béate de la profondeur historique (il n’existe pas de « culture française » selon Macron). Le terrorisme – musulman par prétexte – vient ajouter une couche à cette insécurité fondamentale qui recoupe les insécurités sociales, territoriales et économiques.

Le fond du vote Le Pen, ce sont moins la « sortie de l’euro » (remis en cause récemment par Le Pen sous la pression Dupont-Aignan) et les billevesées de la planche à billets via une Banque de France aux ordres de l’Exécutif qui permettrait tous les rêves démagogiques en distribuant des tonnes d’argent (au prix d’une évidente et immédiate inflation), que le retour de la souveraineté sur QUI est Français ou pas. Même l’immigration ethnique est désormais au second plan des craintes, au profit des ayants-droit qui viennent « pomper » (fantasme sexuel ou réalité comptable) le budget déjà limite de l’Etat-providence, tout en refusant la façon française commune de vivre et de se vêtir.

Sur ce sujet, la gauche « frondeuse » n’avait rien à dire, sinon encore plus d’impôts pour une redistribution égalitariste universelle (une sorte d’Etat soviétique modernisé) ; elle a été virée au premier tour. La droite classique n’avait rien non plus à dire, focalisée sur l’austérité budgétaire et le recul (nécessaire mais pas suffisant) de la dépense publique ; elle a, elle aussi, été virée au premier tour. Quand les partis traditionnels n’osent pas prendre à bras le corps un problème populaire, par honte ou lâcheté, le peuple se venge en les « dégageant » (y compris l’apôtre du dégagisme Mélenchon, trop chaviste pour espérer séduire).

D’où l’irruption – dans ce vide – du centre, du « ET droite ET gauche » du jeune Emmanuel, alias « Dieu est avec nous ».

En effet, « Dieu » semble être avec ce candidat neuf, en la personne des intellos multiculturels qui se sentent aussi à l’aise à New York qu’à Paris, à Tel Aviv ou à Singapour ; en les instances patronales qui voient une adaptation pragmatique de la social-démocratie au nouveau capitalisme mondialisé ; en l’idéologie individualiste et branchée des start-upeurs inventifs expatriés ou ceux de la Chevreuse Vallée. « Dieu » est le sens de l’histoire, le « progrès » tel qu’il va.

Bien loin du « diable » incarné par la blonde au sourire commercial, dont le seul souci est d’enclore et de fermer pour faire mariner la France dans un mélange de volontarisme du verbe et de bricolage de gouverne, de verbe gaulliste sans l’esprit et de recettes tirées de l’économie fermée des années 50. Emmanuel et Marine vont naviguer à vue ; mais qui est le mieux armé dans le monde d’aujourd’hui pour mener la barque ?

Avez-vous constaté, du fait des règles rigides du temps de parole égal aux deux candidats restants, que les conseillers, porte-parole et autres économistes de Marine Le Pen surgissent désormais dans le débat public ? Qui les connaissait, ces Bay, Murger, Benoist et autres obscurs ? Tous ne sont pas antipathiques, ni aussi insignifiants que Gilbert Collard (« avec deux n ? » raillait Jean-Marie le père) ; mais qu’ont-ils à dire de neuf ? Pas grand-chose, que du digest de littérature sur le sujet ou des procédés oubliés depuis longtemps comme la planche à billets pour financer les déficits, les dévaluations compétitives (et à répétition) pour éviter l’effort d’investissement, les droits de douane modulés pour contrôler les biens étrangers importés, les droits sociaux réservés aux nationaux et – au fond – le contrôle total d’Etat sur tout : le droit, la monnaie, les industries, la pensée. Voyez Poutine… il est le Modèle pratique de Marine.

Or il s’agit d’une illusion. Sauf à changer la Ve République, donc à réaliser un coup d’Etat à la Erdogan ou à la Chavez pour instaurer un pouvoir fort… dont le Modèle théorique est Mussolini. Mais si, comme le dit Marine Le Pen, il s’agit de demander aux Français via le référendum s’ils veulent ou non sortir de l’euro, puis de l’Europe, puis de la Ve, les lendemains risquent de bien vite déchanter.

L’Exécutif ne peut pas tout et, sous la Ve République, s’il peut beaucoup ce n’est qu’en raison de la personnalité du président.

Après de Gaulle et Mitterrand incarnant la fonction monarchique, même après Pompidou et Giscard plus chefs de majorité à l’anglaise, les successeurs apparaissent bien falots. Chirac, cet histrion, n’aimait que gagner ; il ne foutait plus rien ensuite. Le désastre a été ce fameux « contrat première embauche » destiné à rendre plus facile aux jeunes l’entrée dans l’emploi : le Parlement l’avait voté, le Conseil constitutionnel ratifié, le président promulgué… et voilà que le Chirac le 31 mars 2006 ânonne 9 minutes à la télé qu’il demande que cette loi ne soit pas « appliquée ». On croit rêver ! Quant au Villepin, ci-devant Premier ministre, loin de démissionner, il continue à gouverner comme si de rien n’était ! Hollande ne fut pas meilleur, névrosé de la décision, incapable de choisir, inapte à commander. « Mon ennemi la finance » est devenu un très cher ami, Leonarda expulsée pouvait rentrer, le oui au référendum de Notre-Dame des Landes surtout pas mis en œuvre…

Ce sont probablement ces impuissants qui ont poussé nombre d’électeurs à accuser le capitalisme mondialisé ou Bruxelles de tous les maux économiques et sociaux des Français :

  • Ce n’est pas l’euro : l’Allemagne a le même
  • Ce n’est pas « Bruxelles » : tous les 28 pays européens ont le même Conseil et la même Commission
  • Ce n’est pas « le capitalisme » : pourquoi serait-il innovant aux Etats-Unis, efficace en Allemagne et en Suisse – mais pas en France ?

Ne croyez-vous pas plutôt que ce sont les carcans rigides des lois, règlements et autres administrations d’un Etat plus lourd qu’ailleurs, en plus des impôts, taxes et autres charges plus lourds qu’ailleurs qui – en France tout particulièrement – conduisent au chômage le plus élevé de l’UE, aux prélèvements les plus gros de l’OCDE, aux handicaps les plus forts sur les agriculteurs, les industriels et les investisseurs ?

Selon la force des personnalités, la Ve République est forte ou faible.

Dès lors, quelle est la force de Marine ou d’Emmanuel ? La grande gueule ou l’intelligence des situations ? La com’ ou la négociation ? Macron est un libéral assumé (contrairement à Hollande) ; le libéralisme, c’est avant tout la liberté. Non de tout faire, mais de faire au plus près du terrain, dans des cadres généraux.

Le contraire du libéralisme, c’est le caporalisme, donc avant tout la contrainte. Il s’agit d’obéir, d’être surveillé et puni.

Elire, c’est choisir.

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Bienvenue place Beauvau

Sous-titré Les secrets inavouables d’un quinquennat et publié après L’espion du président – au cœur de la police politique de Sarkozy en 2012, ce livre vite (et mal) écrit compile une série de fiches en 13 chapitres auxquels il manque une synthèse qui vole un peu plus haut que les dessous de la République. Du travail d’enquêteur, pas d’analyste.

Un coup à droite en 2012, un coup à gauche en 2017 – avec la présidentielle pour faire vendre. C’est la gauche hollandaise qui cette fois prend et Fillon qui fait la pub. La gauche est au fond très gauche avec l’ordre et la police, incapable de se gendarmer et poussée par lâcheté intime au laisser-faire. Car « Moi, président… » non seulement n’a rien fait de ce qu’il avait promis, mais s’est coulé avec délices dans l’organisation centralisée quasi mafieuse des « services » qui renseigne le politique – lui en premier.

La conviction s’affiche dès la première phrase : « La présidentielle se joue à l’Intérieur ». Hollande n’a jamais été ministre, encore moins de l’Intérieur, est-ce pour cela qu’il est si pataud dans l’usage de la Maison ? Valls a été ministre de l’Intérieur et a beaucoup aimé ça, est-ce pour cela que le Château n’a cessé de lui mettre des bâtons dans les roues ? « François Hollande a un quinquennat devant lui pour se servir des forces de l’ordre afin de renouveler le contrat social, lutter efficacement contre la délinquance, réparer les injustices, réduire les inégalités. Comme notre enquête le démontre, Hollande et ses ministres ont échoué » p.9 (pagination de l’édition numérique).

Sécurité ou liberté ? Efficacité ou Grands principes ? La gauche – et encore moins le parti socialiste – n’a jamais su trancher ni composer un équilibre acceptable. Et c’est le ballet de Valls et Taubira, celui qui gouverne et celle qui minimise, l’Intérieur et la Justice. Avec un Hollande édredon qui se garde bien de choisir. La gauche, pourtant prête à gouverner quand elle était dans l’opposition, se révèle n’avoir jamais travaillé sur le sujet, trop percluse de tabous idéologiques et sans leader légitime pour imposer une ligne. « Comme leurs concurrents, ils se sont montrés tout aussi incapables de réformer profondément le fonctionnement de la machinerie policière, sclérosée par des querelles de chapelle. Enfin, tout comme la droite, la gauche a été dans l’impossibilité de réconcilier la police et la justice » p.10.

Il y avait pourtant de grands flics sous Mitterrand – « amateurisme et imprévision » caractérisent avec Hollande le quinquennat raté d’un président raté.

Alors, « cabinet noir » ? C’est probable, et en même temps improuvable : Philippe Klayman devient patron des CRS, Jean-Marc Falcone patron de la police nationale, et Jérôme Leonnet directeur du renseignement territorial avec pour mission de ressusciter les fameux RG, supprimés en 2008 par Sarkozy, qui deviennent la Division nationale de la recherche et de l’appui (DNRA). « Le retour aux affaires de ces chiraquiens nourrit bien évidemment le soupçon sarkozyste de l’existence d’un cabinet noir. Il n’est pas possible d’en apporter la preuve formelle. Comme il n’est pas possible de prouver le contraire ! Mais l’addition d’indices troubles et de témoignages étonnants interroge. Plusieurs observateurs bien placés dans l’appareil policier nous ont ainsi décrit par le menu l’existence d’une structure clandestine, aux ramifications complexes, et dont le rayon d’action ne se serait pas cantonné au seul renseignement territorial » p.15. Donc Fillon ne ment pas (lui qui avait vu fonctionner la chose sous Sarkozy) et Hollande ment éhontément (lui, l’adepte de la morale affichée du « Moi, président… »).

Des preuves ? Elles sont indirectes mais vérifiées :

  1. « Tracfin, le service de renseignement financier de Bercy, le ministère piloté durant tout le quinquennat par Michel Sapin, un ami de quarante ans du Président. La plupart des affaires judiciaires qui ont empoisonné Sarko et les siens ont trouvé leurs racines ici » p.15
  2. « Un autre ami du Président, le directeur des affaires criminelles et des grâces, Robert Gelli, qui a partagé la même chambrée que François Hollande et Michel Sapin lors de leur service militaire » p.16 Depuis la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) (…) Gelli peut suivre en temps réel l’avancement de tous les dossiers politico-financiers » p.16. « Sur l’opportunité d’ouvrir une information judiciaire, ‘des consignes sont données… mais oralement’, nous précise un magistrat. Chaque fois, ce sont les mêmes juges d’instruction qui sont désignés pour les affaires qui intéressent le Château. Ils sont moins de cinq, dont on retrouve le nom dans tous les dossiers qui concernent Sarkozy » p.16.
  3. « Ces magistrats qui additionnent les affaires sur le clan Sarkozy sont eux-mêmes alimentés et épaulés par une poignée d’officiers de police judiciaire, la plupart en poste à l’Office central de lutte contre la corruption, les infractions financières et fiscales, qui fut un temps piloté par Bernard Petit, un fidèle de Manuel Valls quand il était à l’Intérieur » p.17.
  4. Même le président s’en est vanté… « Sarkozy, je le surveille, je sais tout ce qu’il fait », fanfaronne le Président devant dix-neuf députés socialistes qu’il reçoit, le 17 février 2014, à l’Élysée » p.18.

« C’est la théorie d’un magistrat : « Le Château est passé maître dans l’art de pousser ou ralentir le feu sous les casseroles judiciaires. Pour enterrer sans classer, il suffit de donner consigne de continuer à creuser en préliminaire ad vitam æternam. Dans ce cas, le dossier reste sous le contrôle direct de la Chancellerie » p.21 Par exemple Borloo, mouillé dans l’affaire Tapie-Lagarde et dans le désastre Ecomouv… et laissé (opportunément) sans suites.

Mais pas seulement contre les adversaires. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur imposé par Hollande, se garde bien d’informer Valls qu’il n’y avait aucun burkini sur la plage corse en août 2016. Façon de laisser s’enferrer le rival, comme Mitterrand agissait vis-à-vis de Rocard. « Au début de son mandat, il [Hollande] favorise l’ascension d’Emmanuel Macron, ce qui a pour effet de ringardiser le ministre de l’Intérieur » p.29. Ce qui apporte un argument de plus à ma thèse de septembre dernier que les « spécialistes de la gauche » rejetaient avec dédain.

« Laurent Fabius est honni par Hollande, qui sait qu’il lui doit le sobriquet de Fraise des Bois. Le 30 janvier 2016, au moment même où il clôture triomphalement la COP21 qu’il a présidée, son fils est mis en examen pour « faux, escroquerie et blanchiment », comme si quelqu’un avait voulu gâcher la fête. La grenade avait été dégoupillée deux ans plus tôt suite à une plainte de sa banque car ce joueur invétéré avait produit un faux e-mail pour débloquer un crédit de jeu au Grand Casino de La Mamounia à Marrakech. « Tant que Laurent Fabius était utile à Hollande au Quai d’Orsay, les dossiers judiciaires du fils ont étrangement mijoté à feux doux, puis quand il a été sur le départ après avoir bouclé la COP21 tout s’est accéléré », analyse un flic de la PJ » p.30. Vous avez dit gauche « morale » ? Apte à renvoyer un Fillon dans des affaires d’emplois légaux et de costume bien plus grave – sans aucun doute ! – que les mensonges Cahuzac et ces entourloupes entre socialistes ?

Prévarication et népotisme, avec l’argent des citoyens, n’est pas réservé à la droite : « Ce 6 avril 2014, jour du Marathon de Paris, la voiture du président de la République est bloquée porte d’Auteuil. Un des gardes du corps appelle en catastrophe la préfecture de police. Dans la salle de commandement de la Direction de l’ordre public et de la circulation, le permanencier comprend tout de suite que la demande est prioritaire. À peine a-t-il répercuté l’info à son chef que, dans la salle où une vingtaine de fonctionnaires veillent en permanence sur les 5 000 caméras vidéo de la police parisienne, c’est le branle-bas de combat. Ordre est donné de zoomer avec l’une des caméras de la porte d’Auteuil. Sur le mur vidéo apparaît alors en grand format le cortège présidentiel à l’arrêt, et soudain, sortant d’un buisson, François Hollande et… une jeune femme, que le Président va ensuite prendre en photo avec son iPhone. Ce dimanche, le Président et Julie Gayet se rendent à La Lanterne, l’ancien pavillon de chasse du château de Versailles, devenue résidence secondaire des Présidents depuis Sarkozy. Le préfet de police est aussitôt prévenu, tandis qu’une copie du film est mise à l’abri dans le coffre-fort de son directeur de cabinet » p.63. Et c’est « ce » président, qui s’est révélé à l’usage l’un des plus « minables » (mot socialiste) de tous ceux de la Ve République jusqu’ici, qui s’avise de donner des leçons ?

Petit fait vrai parmi d’autre, un exemple précis capté par l’un des trois journalistes auteurs : « Soudain, au milieu de notre conversation, le téléphone de Jacques Meric sonne. Au bout du fil, l’un de ses adjoints l’avertit que le fils de Valérie Pécresse, la présidente LR de la région Île-de-France, vient de se faire arrêter dans le 15e arrondissement de Paris, avec quatre grammes de cannabis sur lui. À peine a-t-il raccroché que le patron de la DSPAP en informe directement le préfet de police. Quarante minutes plus tard, alors que nous venons de prendre congé du policier, c’est à notre tour de recevoir un SMS. Un des collaborateurs de Claude Bartolone, le président de l’Assemblée nationale, est en train de faire le tour de ses contacts journalistes pour les mettre au courant de l’interpellation, avec force détails. Fait rarissime pour une aussi petite quantité de drogue, le jeune majeur interpellé a été placé en garde à vue. Le renseignement aura mis moins d’une heure à être exploité politiquement » p.71. Le service public au service des petits intérêts privés des partisans – voilà qui est « moral », sans doute ?

Est-il utile de citer Camus, « empêcher que le monde se défasse » (discours de Stockholm, 1957) en en-tête, pour se contenter de juxtaposer quelques faits et beaucoup d’hypothèses sans synthèse ? Ce livre bâclé apporte des révélations utiles, met dans l’ambiance des coups tordus entre services et entre pontes du même parti, montrent combien la pourriture git au cœur même de la morale politique (cet oxymore…) – surtout à gauche – mais il ne donne aucune piste pour que cela change. A lire (vite) pour être informé, mais à ne pas garder en bibliothèque car il s’agit d’un long article de circonstances plutôt qu’un « livre ».

Olivia Recasens, Didier Hassou, Christophe Labbé, Bienvenue place Beauvau, 2017, Robert Laffont, 264 pages, €19.50 

e-book format Kindle, €12.99

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Fillon ou Macron

Par ordre alphabétique, voici les deux candidats dont un restera très probablement au second tour. Certes, la pléthore de prétendants marginaux participe au débat démocratique et Mélenchon ou Dupont-Aignan, par exemple, ne disent pas que des choses sans intérêt. Certes, certains croient dur comme fer que Marine Le Pen peut parvenir au pouvoir au second tour en raison des abstentions différentielles entre électorats – voire au premier tour, pourquoi pas, avec 50% plus une voix. Mais si nous restons dans le cercle du probable, ce devrait être Fillon ou Macron.

Le premier est d’expérience ; il a pour lui la cohérence d’un programme de droite qui a vécu la période agitée Sarkozy et rongé son frein durant la période apathique Hollande. Il est clair, détaillé, mais il reste dans la lignée de l’austérité « exigée » (de moins en moins) par l’ordo libéralisme à l’allemande, préoccupé avant tout d’équilibre budgétaire et d’excédents commerciaux. Si les Français devaient se convertir un peu en Allemands, ce serait fort bénéfique pour l’Europe – tout comme pour le système économique et social français. Comment, en effet, « redistribuer » sans tout d’abord produire ? Comment produire comme les Allemands avec le niveau d’inefficacité français ? Ce n’est pas la compétence qui manque en France, nos inventeurs, nouveaux entrepreneurs, ingénieurs et commerciaux sont plutôt créatifs : ce qui manque, c’est l’environnement propice à l’épanouissement de ces talents. Autrement dit un Etat moins hégémonique, qui prélève moins, réglemente moins et laisse plus faire la société civile. Difficile quand le pays possède un tropisme catholique et romain d’impérium, un héritage capétien centralisé à Paris, un handicap symbolique royal de l’Etat c’est moi, des habitudes napoléoniennes d’évincer tout libéralisme (Madame de Staël en fut l’exemple), et une énarchie germanopratine formatée en vase clos aux petits jeux de pouvoir entre néo-noblesse d’Etat.

« Je crois qu’une partie de nos maux viennent du néo-catholicisme républicain », écrivait (déjà !) Flaubert à Michelet le 2 février 1869 (Flaubert, politicien très actuel sur ce blog). Ce jacobinisme d’Etat en forme de mission religieuse est ce qu’incarne Fillon plus que Macron. Faut-il cela pour mettre la France dans la voie du redressement ?

Macron devrait être plus « gentil » au sens de Montaigne, même si « la morale de l’Evangile » n’est pas absente de son programme. Les trois premiers paragraphes portent en effet sur le « travail », pour lequel « il faut inventer de nouvelles protections », « libérer », et « inventer un nouveau modèle de croissance ». Programme est d’ailleurs un mot excessif, puisque le candidat n’a pas de parti mais un « mouvement » et que son catalogue de mesures ressort plus des bonnes intentions symboliques (« mon contrat », dit-il) que d’une liste de mesures précises et chiffrées. Sauf qu’il parle d’augmenter largement la CSG, le seul impôt uniforme (non progressif comme l’impôt sur le revenu) – soit l’équivalent de la flat tax de Margaret Thatcher, pourtant pourfendue à « gauche » ! Sans parler des bourdes et autres billevesées (comme la colonisation « crime contre l’humanité » – donc révoquer à sens unique les amnisties ? Refaire des procès un siècle après ? Mettre en cause les petits-fils des « coupables » ? Sans aucune réciprocité des pays devenus indépendants qui ne sont pas non plus innocents dans bien des cas ?). « Inventer » est le mot-clé car, avec l’enthousiasme de la (relative) jeunesse, il s’agit d’avancer et de créer dans le mouvement. Mais 40 ans n’est-il pas déjà un âge mûr ? Dès 45 ans, le privé ne vous voit-il pas déjà comme usé, obsolète et irréformable ? Seul le public vous croit « jeune » à 60 ans passés et il faut vraiment atteindre 70, comme Juppé, pour que l’on commence à évoquer votre âge (Pétain n’est-il pas devenu chef de l’Etat à 90 ans ?).

Reste que le flou de la politique suivie laisse croire à une continuation de l’inertie Hollande, plus ou moins mâtinée de 49-3, et que l’inexpérience du candidat Macron (inconnu il y a 4 ans) peut effrayer les frileux. Quant aux paranoïaques, ils le traitent de « banquier », voire d’inféodé « aux Juifs » (puisqu’issu de la banque Rothschild), toutes qualifications qui ne signifient rien de concret. Certains voient en lui le choix du Système (défini en gros par les néoconservateurs mondialistes… que justement l’élection de Trump remettent en cause – ce qui relativise cette thèse). En revanche, que Macron soit l’héritier de Hollande, je l’ai toujours dit, même si ledit Hollande, à la fois par lâcheté et par tactique politicienne tordue, a laissé faire, et surtout laissé s’enferrer Hamon, dont ni les épaules politiques ni l’intellect ne sont de taille à ravaler Mélenchon au sein d’un PS moribond.

Si Fillon obtiendra probablement une majorité à l’Assemblée qui suivra les présidentielles, pour Macron, c’est plus incertain. Oh, certes, l’expérience de révérer toujours le pouvoir en place, les jeux de cour traditionnels à Paris et l’esprit de collaboration évident depuis l’Occupation (et qu’on a vu à l’envi sous Mitterrand et sous Sarkozy…) – sans parler des médias majoritairement acquis au vainqueur avant même l’élection -, devraient créer un rassemblement au centre analogue à celui que Giscard a connu lorsqu’il fut élu. Mais le poids des rancœurs à gauche comme à droite, et surtout aux extrêmes des deux bords, peut compliquer la donne. Car le fanatisme des guerres de religions reste aussi présent que l’esprit collabo dans l’imaginaire national.

Alors, Fillon ou Macron ? La vraie droite ou la fausse gauche ? La patrie et « les valeurs » ou la vague Europe et « la » mondialisation ? (Comment peut-on être contre le soleil qui se lève ? disait pourtant Staline dans l’un de ses jours d’astuce). Serait-ce plutôt une bataille entre élites multiculturelles de droite et de gauche et le populo de gauche et de droite incluant les classes moyennes hantées par le déclassement ? Il n’y a plus guère de blocs sociaux homogènes desquels nous pourrions induire un comportement politique prévisible. Tout est dans tout, et réciproquement.

Restent quand même la jeunesse, l’optimisme, le mouvement – ou l’expérience mûre, le pessimisme actif, et la remise en ordre. Chacun choisira, les orientations des programmes se précisent et tout dépend si l’on veut moins de chômeurs ou plus d’assistés. Mais nul doute que cela devrait être entre ces deux candidats là.

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Tectonique migratoire

L’Europe se casse, sous la poussée de deux destins : la grande migration intercontinentale due à la guerre 2003 de Bush en Irak, et la démagogie politicienne à très courte vue des dirigeants des pays de l’Union aujourd’hui. L’un engendre l’autre et pousse à la cassure du collectif, au repli sur soi, au retour des pulsions instinctives de peur, de haine et de violence.

Les pays européens, esclaves de la pensée chrétienne où il est recommandé de « tendre l’autre joue », se trouvèrent fort dépourvus lorsque les guerres furent venues. La brutalisation de la guerre industrielle de 14-18 menée pour d’étroits motifs nationalistes et « d’honneur » dévoyé, suivie des massacres de masse planifiés de la guerre biologique de 40-45 menée par la revanche des nationalismes humiliés et la croyance en la race du plus fort, ont engendré un choc en retour. D’autant plus violent que les pulsions de haine avaient été fortes. L’Europe non occupée par Staline voulait se refaire une virginité en devenant la zone d’hospitalité du monde. Triomphe de l’humanisme ou stupide candeur ? Les deux sans doute, puisque rien n’est parfait dans ce monde mêlé, où même la langue peut être la meilleure ou la pire des choses. Mais le fait est là. Je suis pour l’Europe, mais pas pour la niaiserie.

Europe terre d’accueil, le droit d’asile universel par la convention de Genève en 1951, la citoyenneté offerte aux anciens colonisés dans les années 1960, les lois de pardon aux terroristes votées dans les années 1970, les droits de l’homme et la Cour européenne de justice inclus dans le traité d’Union, les accords de Schengen en 1985 qui accorde complète liberté de circuler à tous, même aux non-citoyens européens – voilà ce qui permet à l’Europe dans le monde d’apparaître comme une terre douce où la violence est exclue, les exactions pardonnées et l’assistanat assuré. Universel, pacifique et gratuit est l’accueil. Pourquoi ne pas en profiter ?

Jusque vers 1990, l’immigration induite par cette générosité était maitrisable ; depuis, deux vagues successives dont la dernière, massive, remettent en cause à la fois le modèle et ses fondements. Vers la fin des années 1980, l’immigration de misère venue d’Albanie et d’Afrique du nord a alimenté les trafics et la délinquance dont la mafia algérienne, la mafia albanaise et la mafia russe ont profité dans nos pays désorientés. La troisième vague est sur nous, venue des pays islamiques depuis le « printemps » arabe et les guerres d’Irak, de Libye et de Somalie. Il s’agit d’une vague bien plus grosse que les précédentes, d’un afflux par millions en peu de temps piloté par des mafias locales (notamment turque) et des gangs de seigneurs de la guerre (en Somalie, Libye, Nigeria) qui s’enrichissent largement et rapidement en rançonnant les migrants.

Évidemment, nos politiciens européens n’ont rien vu, rien compris, rien anticipé. L’Europe est ouverte comme une vieille catin et très peu « osent » braver le tabou du politiquement correct en fermant les frontières. Très peu, mais de plus en plus. Outre les pays de l’est qui n’ont jamais accepté le libéralisme outrancier dans ses excès chrétiens de moralisme candide, les extrême-droites des pays centraux qui veulent préserver la race et la culture, mais aussi les pays du nord qui sont submergés d’arrivées et constatent que l’intégration a du mal à se faire – et enfin le Royaume-Uni qui a décidé de faire bande à part en rompant le traité.

Car c’est bien au fond la libre circulation imposée par l’Union qui a fait voter Brexit. La juxtaposition des communautés dans les îles britanniques n’allait déjà pas sans heurt, le chacun pour soi dégénérant peu à peu en chacun chez soi, la loi étant de moins en moins la même pour tous, le travail de masse raréfié ne bénéficiant qu’à la main-d’œuvre au coût le plus bas – donc aux immigrés. L’exemple français, inverse du modèle britannique, montrait lui aussi ses limites avec les émeutes des banlieues en 2005 et le terrorisme de nés Français islamistes à répétition à partir de 2015. La protestation sociale a pris une teinte victimaire d’humiliation coloniale d’autant plus fantasmée que les petits-fils de ceux qui l’ont subie n’ont jamais vécus sous ce régime. La religion est venue par-dessus, donnant un prétexte idéologique de « pureté » pour refuser les us et coutumes comme les lois de la république « impie » – ou pour se refaire une virginité éternelle après une vie alcoolique, de viols et de délinquance. Le fantasme de purification va se nicher dans tous les recoins des âmes faibles.

De plus, l’immigration d’asile ou économique se confond, les migrants brûlent leurs papiers ce qui ne permet pas de les renvoyer dans leur pays d’origine lorsque le droit l’exigerait, lesdits pays traînent des pieds pour reconnaître leurs ressortissants et les accepter (comme la Tunisie, soi-disant « démocratique »…). Enfin les populations arrivantes sont en majorité sans instruction, accoutumées à des régimes violents, et complètement étrangères aux normes européennes. Les viols du Nouvel an à Cologne ont décillé quelques yeux malgré le déni moral de toute une partie des nantis (en général mâles, intellos et qui ne se mêlent à nulle fête trop populaire). Dire que l’intégration de populations majoritairement musulmanes à très bas niveau d’instruction est facile et rapide dans une Europe de culture chrétienne, de pratique laïque et de régime démocratique, ce n’est pas faire preuve « d’islamophobie », mais constater la triste réalité. D’autant que les masses en jeu sont énormes – donc amenées à terme à changer le visage de l’Europe. Les (soi-disant) islamophiles ne défendent pas l’islam, mais l’idée qu’ils se font des sous-prolétaires de la planète : ils confortent en fait leur bonne conscience, en parfait égoïsme de collabos. Cette hypocrisie me révulse, elle empêche toute réflexion sereine sur ce qu’il faut faire en pratique et selon les vertus républicaines.

Car la grande migration intercontinentale a réveillé les égoïsmes nationaux, l’insécurité terroriste a renforcé les appels à l’autorité, les palinodies des politiciens européens font craquer l’Union.

L’Europe de Bruxelles est technocratique, anonyme et coûteuse : qu’apporte-t-elle en regard ? Chacun des pays se pose la question, même si la monnaie unique pour les pays de l’euro, le soutien massif à la croissance par le rachat de dettes par la Banque centrale européenne, la libre-circulation, les normes unifiées, le poids international de négociation, la paix assurée, sont des atouts injustement oubliés car considérés comme acquis. Schengen n’existe virtuellement plus, Angela Merkel l’ayant fait exploser en décidant, sans considération du processus démocratique allemand et dans un mépris souverain pour ses partenaires européens, d’ouvrir ses propres frontières (donc celles de toute l’Union !) à tous les migrants. Elle qui avait affirmé que le multikulti était un échec total, a retourné (une fois de plus ?) sa veste. Le Brexit vient directement de là : les directives européennes allaient-elles imposer au peuple britannique d’accueillir toute la misère du monde ?

Non, les choix politiques et moraux de Berlin ne sont pas ceux de toute l’Europe. Si le débat ne peut avoir lieu avec les autres, alors l’Union est morte. La faute à ces politiciens à courte vue que furent Cameron au Royaume-Uni (promettant un référendum qu’il était sûr de gagner), Renzi en Italie (pour la même raison), Merkel en Allemagne (dont les dix ans de pouvoir semblent monter à la tête) – et Hollande en France (qui ne dit rien, ne fait rien, n’a aucun projet – et s’en va, déjà presque oublié).

La résultante de ces tendances à l’œuvre, immigration de masse qui n’est pas prête de se tarir et politiciens préférant leurs petits jeux tactiques à l’intérêt général long terme, embrase le ras-le-bol et la contestation à ras de peuple, la montée des extrêmes idéologiques, la frilosité du repli xénophobe, l’appel à la remise en ordre autoritaire et nationale…

En bref, les prémices d’une guerre civile – au moins dans les urnes, au pire dans la rue.

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La politique comme roman-photo

Les médias sont populistes par construction : au lieu d’analyser, ils romancent. Parce que cela fait vendre, le scoop engendre du buzz, les news du business, le fake du like. Pourquoi vous étonnez-vous que tous ces mots soient anglais ? Parce qu’on ne sait pas les dire en français. Parce qu’il s’agit de fric et que seul le monde anglo-saxon, pragmatique et près de ses sous, sait compter. Pas de Grands principes pour la philosophie anglo-saxonne – mais du bon gros pragmatisme à ras de terre, accessible au temps réduit du petit cerveau disponible de la masse.

C’est le danger du « capitalisme » que de ne pas savoir ce qu’il est. Les médias français sont remplis de petits procureurs contre « le système », contre « le capitalisme ». Mais, comme ils ne savent pas le définir, y mettant toute la réprobation « morale » qu’ils ont pour TOUT ce qui ne va pas sur la planète, ils se vautrent dans le pire capitalisme qui soit : celui de la bauge, de l’ignorance, de l’égoïsme forcené, du gros tirage, du fric… Voilà les conséquences de ne pas désigner les choses correctement. « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », écrivait fort justement Albert Camus… en 1944. Pléiade 1, p.908

Les médias ne sont pas politiques, ils sont bouffons. L’entertainment remplace l’entretien, le rejet le projet, la morale le national. Cet essentialisme du « tous pourris » ne fait pas avancer, il enfonce dans la fange. Ce faisant, il renvoie aux citoyens une image glauque de ceux qu’ils ont élus, il dégoûte de la chose publique et du débat politique, il marque la France à l’international d’une honte devant laquelle Trump et son trumpisme ferait presque pâle figure. Ah, qu’il était doux de donner des leçons au monde entier il y a quelques mois… quand il s’agissait des autres !

J’aime bien Mélenchon ou Fillon lorsqu’ils renvoient les médias dans les cordes, eux qui « posent des questions » souvent plus longues que les réponses très courtes qu’ils réclament, ou des questions qu’on aurait honte de poser tant elles sont ineptes, eux qui harcèlent l’interlocuteur quand sa réponse dépasse trente secondes (comme si le critère professionnel était de mitrailler les affirmations sans donner le temps de réponse), ou encore cet acharnement à « s’interroger » encore et encore sur l’écume immédiate par peur d’aborder les vrais problèmes du fond.

Le comportement de François Fillon, d’Emmanuel Macron, de Marine Le Pen (pour ne prendre que ceux qui sont pris) n’est plus supportable aujourd’hui – mais pour des pratiques pour une bonne part légales hier. Ou du moins dans les mœurs admises par l’ensemble de la classe politique depuis Mitterrand. On le sait, mais seuls les politiciens et les médias feignent de l’ignorer. Les gens en charge de la politique sont trop nombreux, cumulards, professionnels des partis de plus en plus loin du terrain, incontrôlés. Ils acquièrent avec le temps un sentiment d’impunité inadmissible.

La loi est dure ? Elle doit être la même pour tout le monde. Si elle est floue, elle exige d’être précisée ; si elle est mal rédigée par ceux-là mêmes qui répugnent à y être soumis, enlevons la loi aux députés pour la faire rédiger par des commissions indépendantes sans conflits d’intérêts. Mais comme ce serait quitter « la démocratie » pour la technocratie (ce qui n’est pas souhaitable), érigeons de véritables contrepouvoirs puissants – avec le moins de conflits d’intérêts possibles. Donc révisons les médias : leur financement par de gros capitalistes d’influence, leur rédaction trop monocolore politiquement, trop parisienne, leur droit d’enquête et la préservation des sources. Les médias sont essentiels au bon fonctionnement de la démocratie – il suffit d’observer la Turquie ou la Russie…

Mais c’est au lecteur et au spectateur de se désabonner ou ne plus regarder les médias et émissions qui préfèrent le feuilleton politicien au programme politique. Les ingrédients habituels des romans d’amour à l’eau de rose, style Harlequin, mettent en scène le sexe, le pouvoir et l’argent. Voilà ce qui fait vendre. En politique, les ingrédients sont repris avec des délices coupables : abus de pouvoir et argent à tous les étages sont le lot des politiciens selon la presse  (même Le Monde, bien nommé L’Immonde par les potaches) et la télé (même Arte, qui se croit intello). Reste le sexe : à quand les révélations ? Pas de partouze à 12 ans chez Fillon ? Pas de gigolos sexy chez Macron ? Pas de beuveries libertines chez Marine ? Allons, la presse, un peu d’imagination ! L’affaire Markovic a pourtant donné le ton, sous le général…

Gardons plutôt notre « temps de cerveau disponible » pour réfléchir par soi-même au lieu de le confier aux pubards et autres histrions de l’amusement médiatique. Macron reste-t-il dans le vague ? Faisons-le préciser. Fillon est-il trop comptable dans la rigueur ? Demandons-lui des explications. Hamon verse-t-il dans le côté Père Noël ? Exigeons de lui qu’il résolve sa contradiction entre distribuer et produire, payer tout le monde malgré la fuite devant l’impôt renforcé, faire l’Europe sans l’Allemagne. C’est cela qui est citoyen, pas une embauche familiale de 1988 ou un costume trop beau pour le pékin moyen envieux.

La loi n’est pas la morale, faut-il sans cesse le rappeler ?

Le projet politique n’est pas le comportement. Il importe beaucoup plus à la France, aux Français, à l’avenir, que l’élection porte à la présidence un candidat capable de décider et de voir loin. Pas que l’on rappelle sans cesse la « faute » d’il y a 30 ans, 15 ans, 5 ans. Fillon n’est pas Cahuzac, que diable ! Encore moins Macron. Quant à Le Pen, elle s’assoit sur les accusations – ce qui est peut-être la méthode la plus efficace, à défaut d’être éthique : les Français jugeront d’ici deux mois.

Après cinq années de gauche gouvernante plutôt lamentable (indécise, velléitaire, contradictoire, effacée), les électeurs semblent aspirer à la droite. Si ce n’est pas Fillon, ce sera Le Pen. Quant à Macron, il tente pour l’instant la « synthèse » équilibriste chère à Hollande et à ses disciples – et il risque autant d’échouer ou de décevoir.

Macron a pour lui sa jeunesse, son optimisme réformateur, sa dynamique hors parti. Il a contre lui l’aspect trop communication de ses discours, un projet incertain, des « papiers » d’école de commerce ou d’oral à l’ENA sur plusieurs sujets cruciaux. Il est le candidat qui agglomère le plus d’indécis sur sa personne, ce pourquoi les sondages le concernant sont artificiels.

Fillon assume une politique de droite qui remet l’Etat où il devrait être. Avant tout assurer la défense et la sécurité, faire appliquer la loi, contrôler les migrations massives. Ensuite aider à la modernisation de l’économie en débloquant les initiatives, seules à même d’adapter à la modernité et de rebâtir une industrie qui s’effiloche. Enfin quitter la posture de honte d’être français, la repentance à répétition, affirmer les valeurs des Lumières, la coopération européenne et une politique étrangère où les intérêts français priment sur les postures idéologiques. Il a pour défaut son côté tranchant et opiniâtre, ses « affaires » qui ne reluisent pas plus que les pompes cirées à l’Elysée par le conseiller présidentiel Morelle, son peu de cas de l’argent public tout comme le coiffeur salarié de Hollande à 9000 € par mois ou le logement de ses maitresses à la Lanterne. Mais on a trop oublié l’insignifiant sortant, dans les médias, tant l’absence de toute perspective historique est la marque du journalisme aujourd’hui.

Or ce devrait être cela la politique : un projet comparé et débattu entre candidats. Pas le feuilleton people de médias ignares et flemmards en mal de notoriété narcissique. Je suis las des médias qui « sortent » un scoop tous les deux jours – et toujours sur le même. Nombre d’électeurs, écœurés par ce cirque sans lendemain, vont déclarer « ne pas savoir » ou « voter Macron » jusqu’au dernier moment – jusqu’à ce qu’un sursaut de dégoût pour les mœurs dévoyées du médiatique leur fasse mettre dans l’urne le bulletin d’un vilipendé – juste pour envoyer foutre les donneurs de leçons pas plus purs que ceux qu’ils accusent.

Bel exemple de « démocratie » que le monde va de nouveau nous envier !

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Quel cap pour la France ?

Réformer parce que la situation actuelle ne convient pas, tout le monde est d’accord. Mais réformer comment – là personne n’est d’accord.

  • Il y a les yaka qui – plus on redistribue (autre chose que leur argent) – plus ça ira mieux demain.
  • Il y a les austères qui – plus on économise (autre chose que leur salaire et leurs privilèges) – moins ça sera pire demain.

En bref, la réforme est toujours pour les autres ; pour eux-mêmes, pas la peine.

Hollande avait « cru » (mais oui, l’économie est une croyance !) qu’en contenant la dépense publique et en baissant le déficit, il pourrait entendre les lendemains chanter. Ils chantent faux aujourd’hui, car tout est lent, très lent, tant l’Administration prend en France une place démesurée. Or les salariés et les ayant-droits de ladite Administration sont nombreux, très nombreux. Les personnes protégées gagnantes du système en place ne peuvent que rejeter les réformes qui mordraient sur leurs avantages et privilèges.

Les salariés en contrat à durée indéterminée défendus par le code du Travail, les salariés et retraités nombreux des administrations publiques, les diplômés dont le taux de chômage est faible et stable, ne voient pas pourquoi réformer afin de réduire le chômage des autres. Ils n’ont qu’à bosser – « comme tout le monde ».

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Relancer la demande par une hausse des salaires, tous sont pour… mais sans voir que leur sort ne va pas s’améliorer (sauf sur quelques mois), tant les industries en France ne sont pas en état de répondre à une progression de leur demande. Toute distribution de pouvoir d’achat se traduit aussitôt par un envol des importations.

Et ce serait pire encore si la France devait quitter l’euro, le pouvoir d’achat du franc renouvelé serait bien inférieur, renchérissant massivement les prix des biens importés.

La production française n’est plus compétitive : la faute aux 35h (la divergence avec la production allemande date de là) et aux « charges » sociales notamment, mais pas seulement. La France industrielle a le même niveau moyen de gamme que l’Espagne, mais avec des coûts prohibitifs et donc des prix allemands. Les Français aisés préfèrent acheter Audi aujourd’hui (hier BMW, avant-hier Mercedes) plutôt que Peugeot ou Renault – il faut dire que les voitures haut de gamme en France font un peu camelote.

Or soit la France freine ses salaires pour aboutir à des prix espagnols, soit l’Etat baisse le prélèvement sur les entreprises (massivement augmenté sous Hollande, malgré le remord du CICE). Ou bien l’industrie française poursuit son déclin, les marques connues allant produire à l’international plutôt que dans l’Hexagone.

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L’Etat, en France, a un véritable problème avec l’argent des impôts. Il prélève plus largement que les autres et redistribue sans cibler vraiment, ce qui inhibe l’initiative, incite au gaspillage et fait beaucoup de mécontents.

Ce pourquoi la fin du travail et le revenu pour tous (après le mariage) apparaissent comme des « droits » nouveaux du socialisme enchanteur. Que la France ne vive pas comme un isolat du monde n’effleure même pas l’esprit des utopiques : quoi, n’avons-nous pas décidé les 35h que tout le monde nous envie ? Patrick Artus, économiste de Natixis, prouve dans une note récente combien la persistance dans l’erreur de nos fonctionnaires qui n’ont jamais connu le monde du travail concurrentiel ont pu se tromper : « L’analyse de la situation de 20 pays de l’OCDE montre qu’un taux d’emploi élevé est associé : à un poids faible des cotisations sociales des entreprises ; à une protection faible de l’emploi ; à des compétences élevées de la population active ; à l’absence de déficit public important en moyenne. La France ayant toutes les caractéristiques opposées (cotisations sociales élevées des entreprises, protection de l’emploi forte, compétences faibles de la population active, déficit public chronique) on comprend que son taux d’emploi soit faible ». Cela ne veut pas dire qu’il faille tout bazarder, mais que le social doit être financé par l’impôt global et pas par les revenus du travail, que l’assouplissement des règles trop rigides de maintien dans l’emploi doivent être négociées – avec un filet social de sécurité hors entreprises -, que l’Education nationale est à revoir de fond en comble, notamment sa démagogie des notes qui font illusion et sa démission sur les savoirs de base (s’exprimer, écrire correctement, calculer), que l’Administration doit voir son périmètre réduit car elle ne sait pas tout faire, n’a pas les moyens de tout contrôler et est inefficace dans l’irresponsabilité des niveaux hiérarchiques emboités de la commune aux ministères.

Par exemple, maintenir des impôts très au-dessus de ceux des pays voisins sur les entreprises et sur le capital pour financer des dépenses publiques est inconséquent. Hamon évoque une taxe de 5% sur TOUTES les transactions pour financer les 400 milliards par an du revenu pour tous – et il était hier contre une hausse de 2% de la TVA ? De quoi décourager tout achat et encourager le troc, le commerce dans les pays frontaliers ou carrément l’exil fiscal.

Après tout, la France niveleuse n’a pas besoin de ceux qui sortent du lot. Tous pareils, scrogneugneu ! j’veux voir qu’une tête. Tout ce qui dépasse, je coupe ! « Je prends tout ! » éructe Mélenchon, hologramme plus qu’homme programme.

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D’autres disent : pas de problème ! Quittons ce carcan de l’euro qui nous oblige à la vertu germanique et retournons aux vieilles habitudes laxistes des années 50 : la dévaluation du franc tous les trois ou quatre ans. Cela évitera d’investir, contiendra les salaires français, et l’Etat pourra émettre via la Banque de France tous les billets qu’il voudra, la dette ne sera que virtuelle, sans jamais personne pour la rembourser puisque franco-française.

Or sortir de l’euro et dévaluer conduiraient à l’austérité directement, sans passer par la case désindustrialisation, tant les dettes de droit international libellées en euro sont fortes et l’épargne des Français – notamment des retraités – dévaluée d’un coup. Quant à se financer sur les marchés, comme aujourd’hui, il ne faut pas y compter avant des années, la hausse des taux d’intérêt due à l’incertitude et à la dégradation de la note de la France seront immédiates. Le Front national se garde bien de dire tout cela à ses électeurs majoritairement commerçants, retraités et petits épargnants ouvriers.

Il reste donc les autres, les réformistes plus ou moins « raisonnables », dont on mesure ce qu’ils peuvent faire en fonction de ce qui a déjà été fait.

Mais le chemin sera long, tant les habitudes sont ancrées, les privilèges acquis et les niches protégées. Ce pourquoi il faut un dirigeant « fort », moins un dictateur qu’un candidat légitime, adoubé par la majorité. Or nous aurons probablement un président par défaut, un malgré nous. Le premier tour sera entaché par les candidaillons enflés d’ego qui n’ont aucune chance de parvenir au second tour mais qui se maintiennent pour « se compter » ; le second tour sera un choix négatif…

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Hamon démissionnaire

Agiter le rêve au lieu de présenter du concret est soit de la démagogie, soit de l’impuissance. Il y a probablement des deux chez Hamon. Démagogie pour gagner contre Valls au Surmoi autoritaire qui hérisse les bobos libertaires ; impuissance à agir comme les autres pays européens qui ont su réformer à temps et dans le consensus – faute de savoir le faire, faute d’oser affronter les lobbies (la finance, les industriels, la bureaucratie européenne, les syndicats, les cheminots, les fonctionnaires…).

La croissance française est aussi « minable » (mot socialiste) que le gouvernement sortant : engluée, velléitaire, hésitante. Trop d’impôts, trop de strates administratives, trop de règlementations, pas assez de confiance, aucune stabilité pour les salariés, les indépendants ou les entreprises… la liste est longue des manques de la synthèse hollandaise. Cinq ans, c’est trop peu ? mais pourquoi alors, sous la « gauche plurielle » Jospin, avoir lâché sept ans pour cinq ? Par démagogie progressiste ? Par impuissance à déboulonner Chirac ?

Quand on ne sait pas, quand on ne peut pas, quand on ne veut pas, que reste-t-il ? Le rêve. Enfumer l’électeur est le B-A BA du politicien, l’opium du peuple. Les accros au cannabis en prennent pour oublier ce réel qui les meurtrit. Ils se sentent euphoriques un moment, dopés par les molécules. La retombée n’en est que plus cruelle – mais plus tard. Les lendemains qui déchantent sont leur lot quotidien. Il en sera de même des socialistes, bien mal orientés dans la voie du renoncement. Ce pourquoi le PS a des fuites, soit vers le gauchisme Mélenchon, celui qui ne veut surtout pas gouverner mais garder sa fonction tribunicienne à la Le Pen, soit vers le réformisme réaliste, revivifiant Macron que Hollande n’a pas osé adouber.

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Lisant par hasard le tome 2 du Journal de Gide en ces temps de victoire hamoniste, je tombe sur le 21 juin 1940. André Gide évoque le maréchal Pétain, après la victoire de l’Allemagne sur une France non préparée, vivant sur ses acquis, lâchée par ses élites incapables. « L’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a voulu épargner l’effort ; on rencontre aujourd’hui le malheur ». Trois jours plus tard, précisons-le, Gide déchante aussi sec : « Hier soir nous avons entendu avec stupeur à la radio la nouvelle allocution de Pétain. (…) Comment parler de France ‘intacte’ après la livraison à l’ennemi de plus de la moitié du pays ? Comment accorder ces paroles avec celles, si nobles, qu’il prononçait il y a trois jours ? Comment n’approuver point Churchill ? Ne pas donner de tout son cœur son adhésion à la déclaration du général de Gaulle ? » (24 juin, p.702).

Comment parler de gauche intacte après la primaire ? La France socialiste a perdu la bataille économique avec l’Allemagne, la France hollandaise a perdu la bataille politique en Europe, le groupuscule d’électeurs primaires hamonistes (en gros 1.2 millions de voix sur 45 millions aptes à voter) choisit comme en 40 la démission, comme avant 40 l’esprit de jouissance plus que l’effort, la revendication plus que le service. Croissance 2016 de 1.6% en Allemagne, de 1.1% en France ; excédent public 0.4% en Allemagne, déficit public 3.3% en France… L’Allemagne a fait des efforts après la réunification ; la France s’est laisser jouir une fois l’euro en place.

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Les mesurettes et réformettes socialistes depuis 2012 n’ont fait qu’agacer le social sans rien régler au fond, dépenser plus pour maintenir l’acquis, tout changer pour ne rien changer : les nouvelles régions n’ont pas fait diminuer le nombre de fonctionnaires territoriaux recrutés, les nouvelles mesures sur l’éducation n’ont en rien remis en cause le mammouth syndical qui centralise le corporatisme et empêche les bons profs d’être affectés dans les zones sensibles où leur compétences seraient requises, la hausse massive des impôts n’a pas réduit la dette, ni permis d’avancer dans les économies de dépense publique. De « mon ennemi » la finance au corporatisme syndical enseignant, RIEN n’a bougé, aucune pédagogie n’a été faite : « l’intérêt général » en sort perdant.

C’est contre cela que les sympathisants PS ont voté dimanche. Mais que veulent-ils en échange ? D’en faire encore moins et d’être payés plus en partant à la retraite plus tôt, d’évacuer le travail au lieu de le faciliter, de jouir en gratuité de tous les biens… mais seulement communs. De quoi donner très peu mais à tous, afin que l’égalité et la justice – ces grands maux de la gauche – soient respectés en apparence. Mais qu’est-ce que l’égalité dans le dénuement ? Qu’est-ce que la justice lorsque les emplois sont réservés à ceux qui apprennent et qui besognent ? Les socialistes ont viré Grincheux pour adopter Simplet, confirmant bien qu’il s’agissait de la primaire des sept nains, le dernier ne passant pas le premier tour.

« Nous avions à choisir (à Munich) entre le déshonneur et la guerre. Nous avons choisi le déshonneur et nous avons eu la guerre », disait Churchill il y a 77 ans. Les socialistes avaient à choisir entre l’hédonisme et le malheur. Ils ont choisi l’hédonisme et il est probable qu’ils auront le malheur…

André Gide, Journal II 1929-1950, édition Martine Sagaert, Gallimard Pléiade 1997, 1649 pages (1106 pages sans les notes), €76.50 

André Gide, Journal – une anthologie 1889-1949 (morceaux choisis), Folio 2012, 464 pages, €9.30 

André Gide sur ce blog

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Blanche-Gauche et les sept nains

Le parti socialiste veut résumer « la gauche » à son nombril. Malgré Macron et Mélenchon, il présente Hamon et Peillon, Valls et Montebourg, sans parler des figurants. Au premier tour, ces sept nains seront réduits à un – avec la mission de séduire Blanche-Gauche. Le spectacle est pitoyable : croyez-vous que la morosité du quinquennat Hollande soit expliquée, remise en cause, projetée vers la rédemption ? Mais non !

Car il ne s’agit pas, au fond, d’être présidentiable, mais d’être secrétariable. Ce qui se profile est un bouleversement du PS, et ces « primaires » ne sont que des motions déguisées de « courants » qui veulent se pousser du col. D’où ces « nains » présidentiels qui ne sont pas à la hauteur (même Valls, c’est un peu tôt après le bilan qu’il présente, et son reniement du 49-3, entre autres, montre combien il est avide de pouvoir et prêt à tout pour l’obtenir).

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Quoi d’étonnant à ce que les Français, pas dupes, se foutent de ces billevesées ? Le premier débat n’a guère attiré que les militants et quelques sympathisants d’entourage ; il était ennuyeux, sans étincelle et – pire ! – sans avenir. Toujours le bal des promesses irréalisables donc jamais tenues ; toujours les coups de menton et les yakas de tribune, comme si le monde allait se plier au coqueriquage du petit gallinacé rose ? Comme si chacun allait adopter le « modèle français » ?

Par malheur, on le sait bien, on le voit bien : malgré les « politiques de gauche » sous Mitterrand, Jospin et Hollande, malgré le miracle de « la conjonction des astres » (baisse du pétrole, des taux et de l’euro), les exportations françaises n’ont PAS explosé (comme ailleurs), le chômage ne s’est PAS réduit (comme ailleurs), l’endettement n’a PAS diminué (comme ailleurs)… Au contraire ! Les gros impôts (plus qu’ailleurs) sont allés à la dépense publique (plus forte qu’ailleurs) sans aucune incidence positive sur l’économie ni l’emploi.

Les entreprises françaises ne sont PAS compétitives

Les économistes ne cessent de sonder leurs entrailles pour savoir pourquoi. Patrick Artus, de Natixis, observe que les coûts de production de l’industrie manufacturière en France sont trop élevés pour la moyenne gamme des biens fabriqués. Vendre au prix allemand des produits de qualité espagnole est un mauvais rapport qualité/prix sur le marché international. Ce n’est pas la productivité qui pèche, mais le niveau de cotisations sociales imposées aux entreprises ET aux salariés, qui empêchent les premières d’investir et les seconds de dépenser (comme ailleurs). Les bas salaires sont donc trop élevés en brut pour la compétitivité comparée. Et les candidats à la primaire de déclarer qu’il faut les augmenter ! Par quel impôt supplémentaire ? Par quelle baisse de cotisation salariale ? Par quelle redistribution hors norme ? Pas grave, disent-ils, yaka.

Par exemple obliger les entreprises à subir la férule de l’Etat

Montebourg veut nationaliser les banques qui ne joueraient pas « le jeu » (celui du politique), exercer une « influence patriotique » au sein des conseils d’administration des entreprises du CAC 40, faire de l’Etat le grand stratège économique. Comme si le meccano industriel des années Mitterrand ou Jospin, ou Hollande, avait fonctionné, avec sa kyrielle d’egos incompétents tous énarques de gauche – qui ont mené à la faillite « leurs » entreprises (Haberer au Crédit Lyonnais, Messier à Vivendi, Blayau, à Moulinex, Bilger à Alsthom, Tarallo à Elf-Gabon, Bon à France télécom, Cirelli à Gaz de France, Gallois à la SNCF, Minc à Cerus, Roussely à EDF, Albert aux AGF, Attali à la BERD, Lévêque au CCF, Lion à la Caisse de dépôts, Bonin au Crédit foncier, Moussa à la banque Pallas, et ainsi de suite…). « Arrogants », « inadaptés à l’entreprise », « technocrates », les énarques voient leur prestige s’étioler dans le privé, écrivait-on en 2008 déjà. Et les sept nains voudraient que « l’Etat » – c’est-à-dire ses fonctionnaires les plus prestigieux (sortis donc de l’ENA) pilotent, surveillent, et procèdent dans les entreprises ? Mais dans quel monde de l’entre-soi élitiste sont-ils ?

L’étatisme jacobin a prouvé sa faillite, tandis que le fédéralisme allemand des länders a montré sa réussite ; le collectivisme marxiste a prouvé son inanité, tandis que le parti communiste chinois a montré que laisser faire l’initiative privée est utile et profitable à la collectivité. Montebourg, qui matamore sur les plateaux, a dépecé Alstom en ne gardant QUE ce que le privé ne veut pas… Et c’est « ça » sa bonne politique économique ? Le point d’efficacité maximum est-il de faire construire des TGV pour rouler sur les voies de banlieue à vitesse réduite ?

Par exemple obliger à consommer français.

Mais le protectionnisme n’a jamais marché car la rétorsion est immédiate. Que l’on impose des normes sanitaires ou un cahier des charges, que l’on passe par la justice comme aux Etats-Unis pour sanctionner le contrat non-tenu (par exemple sur la pollution diesel), cela va bien. Mais ce n’est pas ce que proposent les sept nains ! Si Donald roule du tweet pour faire du protectionnisme, il ne change pas la loi : il applique seulement celle du plus fort, carotte et bâton. Pas de paperasserie supplémentaire mais des impôts en moins. Est-ce cela que proposent Montebourg, Valls, Hamon, Peillon ? Pas le moins du monde : il s’agit toujours plus de surveiller, réglementer et taxer… La carotte (bio) attendra.

Nous sommes en Europe et sans l’Union européenne la France n’est qu’une puissance de rien du tout – surtout si elle doit financer toute seule son armée et ses entreprises, ne produire que pour les Français et distribuer à guichet ouvert du pouvoir d’achat ! Changer le monde est une vieille utopie, que les sept nains n’ont pas reniée. Mais le monde change de lui-même et, pour l’infléchir, on ne peut le faire tout seul. La France a besoin de l’Europe, et ce n’est pas en donnant des leçons de social et en exhibant l’inefficacité crasse de la « Dépense publique » (l’école ne cesse de reculer dans les classements…) que l’on convaincra les autres (qui s’en sortent mieux pour moins cher) à imiter nos socialistes en délire social.

Le revenu minimum pour tous ? Si l’on calcule le montant réaliste, sans financement supplémentaire, on aboutit à 350 € par mois. Pas de quoi enflammer les flemmes ! Mais la dette, si, si l’on veut distribuer 700 € par mois à tout le monde.

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Les sept nains du conte de Grimm ont été nommés par Disney « Prof, Grincheux, Simplet, Atchoum, Timide, Dormeur, et Joyeux ». Je vous laisse deviner qui est qui entre les candidats putatifs. Rappelons que ces travailleurs des mines (qui ne se pavanent pas de bureaux de luxe en plateaux de télé) considèrent Blanche-Neige comme une mère pour eux. Qui fait le ménage, la cuisine, et tient le chalet en ordre… jusqu’au retour du Prince charmant !

Blanche-Gauche se livrera-t-elle au jeune Macron ou au méchant Mélenchon plutôt qu’au fringant Hamon ou qu’au prof Peillon ? Hon ! hon ! On verra bien.

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Mélenchon, méchant bon

J’ai eu l’heur de publier sur ce blog en 2011 une note sur Jean-Luc Mélenchon, politicien entre Péguy et Doriot. Un lecteur l’a retrouvée et la commente cinq ans et demi plus tard comme digne d’actualité. Je l’en remercie et, comme les commentaires sont fermés sur les notes après un à deux mois – pour ne pas susciter des « polémiques à la françaises » aussi vaines que stupides, une fois l’actualité passée – il a publié son avis dans la rubrique « à propos ». Comme ce n’est ni le lieu pour le lire, ni pour débattre d’un sujet en particulier, je me permets de replacer dans le fil des notes ce commentaire de grand intérêt, que j’accompagne de quelques réflexions. Le débat est ainsi ouvert, quelques mois avant les prochaines présidentielles en France, et quelques semaines avec les primaires des sept nains du PS.

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« Bonjour, votre article de 2011 sur Mélenchon, Péguy et Doriot m’a paru intéressant, y compris en 2016-2017.

Le temps rectifie cependant quelques unes de vos idées, comme l’opposition de Mélenchon à l' »aigle » russe…

Le rapprochement avec Doriot me paraît, quoiqu’il en soit, pertinent, sinon comme stricte analogie du moins comme hypothèse-guide.

Au passage, d’autres idées de votre article me paraissent approximatives. Ainsi, le bien-être des ouvriers de l’automobile est une légende (qu’il s’agisse de Toyota, de Ford, de Renault, de Fiat, en 1970 ou 2016, que l’organisation soit fordiste ou par groupes de qualité).

Mais pour rester au centre de votre article : avec Mussolini ancien leader socialiste, Doriot évoluant du PCF à la collaboration pro-nazie, l’opportunisme narcissique (et l’insécurité mal compensée qui peut-être va avec) engendre bien des vicissitudes et les parcours sont souvent TORTUEUX et chez les apprentis caudillos. « Le futur Duce de l’Italie fasciste est élevé par un père forgeron et militant anarchiste et une mère institutrice et très religieuse (catholique). »

Je crois que les méthodes et de style de Mélenchon, les fantasmes qui s’échappent parfois de sa bouche par manque de maîtrise et par sincérité semi-volontaire…, tout cela permet de voir qu’il n’est pas tel qu’il apparaît à ses suiveurs et à ses électeurs.

Les indices d’une idéologie vermoulue et réactionnaire sont pourtant assez patentes. Il doit lui-même faire des rectifications fréquentes, sur un mode agressif et embarrassé, ou encore rectifier son programme pour tenter de les intégrer et sauver la face. Voir ici ses vœux. La stance à l' »universalisme » (blah blah…) inciterait à nuancer le rapprochement avec Péguy… et à mieux cerner le caractère opportuniste du bonhomme.

Politiquement incohérent, il n’en serait pas moins nocif, selon moi, s’il en avait les moyens… Mais son style et la confusion qu’il trimbale ne sont pas des caractères isolés dans les mouvances militantes et semi-intellectuelles de notre époque.

Merci pour votre article et pour certaines pages de votre blog.

Pierre Grimal »

Ce qui est intéressant est que l’étude sur le bonhomme Mélenchon a peu vieilli : le politicien est toujours « méchant » par haine personnelle contre la société, qu’il sublime en la projetant sur « le peuple ».

Il veut évidemment en faire « le bien » malgré lui, au peuple. Ce pourquoi il est un méchant bon.

Mais il ne peut aller dans le sens du peuple qu’en résolvant ses propres contradictions venues de l’extrême-gauche trotskiste-lambertiste : internationalisme ? le peuple veut du nationalisme ; anticapitalisme ? le peuple veut surtout du boulot ; écologisme ? le peuple ne veut pas régresser au moyen-âge ; démocratie directe ? le peuple veut bien participer, mais pas gouverner, ça l’ennuie – son individualisme exige épouse et pavillon, DVD possédés et quant à soi préservé. Pas sûr que la Grande transparence robespierriste de Mélenchon soit en phase avec ce que veut le peuple…

J’écrivais aussi sur ce blog en 2012, à propos de Mélenchon, le malentendu qu’il provoque (et continue de provoquer) :

  • Quand on est né en 1951 on n’est plus vraiment jeune,
  • Quand on a occupé depuis trente ans les fromages de la République, nanti d’un patrimoine frisant l’ISF et d’un revenu égal à cinq SMIC.
  • Quand on a voté oui à Maastricht et qu’on reste député européen.
  • Quand on se dit trotskiste lambertiste (dont une fraction a soutenu Marcel Déat en 1941, socialiste autoritaire devenu collabo parce qu’antilibéral et anti-anglais, ministre du Travail de Pétain).
  • Quand on est pétri de toutes ces contradictions, comment convaincre dans la durée ?

Le rassemblement des mélenchonistes apparaît bien hétéroclite.

Mais veut-il vraiment gouverner ? Je me posais la question en 2014 sur ce blog. La posture du Commandeur, Victor Hugo tonnant du haut de son exil, est bien plus valorisante pour ce théâtral politicien, que la discipline de chaque jour des affaires à régler par compromis… Le fusionnel d’une Assemblée unique et d’un gouvernement direct, me paraît une compensation personnelle pour un gamin frustré de père à 11 ans qui semble ne jamais s’en être remis (ce qui me navre) – mais pas un remède au mal français qu’est l’immobilisme d’âme paysanne et la répugnance à changer (si bien servis par Chirac puis Hollande).

Yaka et encore yaka, résumais-je en 2016 dans un billet de blog, sur les outrances de l’extrême-gauche, Mélenchon inclus. Je n’ai pas changé d’avis depuis. Mélenchon aime gueuler, pas gouverner. Car gouverner, c’est prévoir, et ne pas suivre le vent du peuple selon qu’il girouette de l’est à l’ouest ou du nord au sud. Mélenchon se positionne comme national-populiste, qu’il le veuille ou non. Il ne veut pas de Poutine comme Grand frère, même s’il admire probablement sa façon, de faire. Donald Trump aussi… Mélenchon est adepte non de la démocratie mais de la démocrature – la dictature, mais du Salut public, de la Patrie en danger – tout ce que Castro a réalisé durant ses quasi 60 ans de règne autocratique sans partage.

Un grand méchant, Mélenchon, même s’il se veut un méchant bon.

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Réformer la Ve République ?

Ces institutions, nées à la fois de la déroute de la IIIe sous l’avancée allemande et de l’explosion de la IVe à cause de la crise algérienne, sont une création du général de Gaulle. Elles visent à assurer l’efficacité de l’Exécutif pour les décisions qui divisent, en même temps qu’elles maintiennent le lien démocratique par l’élection directe du président de la République et par l’usage du référendum. Après quatre décennies d’instabilité institutionnelle et de versatilité politicienne des constitutions précédentes (1918-1958), cela fait près de six décennies que l’actuelle fonctionne à peu près bien malgré démission, décès présidentiel, alternance, cohabitation et état d’urgence.

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Pourquoi donc la « réformer » ?

Changer le thermomètre lorsque la température monte ou parce qu’elle ne vous convient pas est un travers politique très français. Surtout à gauche dont la plupart des idéologues n’ont jamais accepté les institutions gaulliennes – mais pas seulement.

Décider exige d’avoir une vision de la France dans le monde, un projet politique pour les Français et de susciter un élan à la fois chez les militants, les électeurs et les parlementaires. Comme tout cela est fatiguant ! Comme il serait préférable de botter en touche, de proclamer « cépamoicélôtre », en associant les députés et les sénateurs, voire même les citoyens à la décision ! Première réforme envisagée : le VRAI référendum d’initiative populaire. Car il existe, mais tellement limité et corseté qu’il est inutilisable. Quant à son utilisation régionale pour l’aéroport breton, tout le monde attend que l’Exécutif fasse… exécuter enfin la décision prise par 55% des voix pour. Or Normal 1er s’en garde bien !

Il est vrai que, selon le mot d’Olivier Duhamel, président de la Fondation nationale des sciences politiques, « les Français sont un vieux peuple plus que monarchique, dont la plupart des cultures politiques et métapolitiques sont des cultures de l’autorité et de la verticalité, qu’il s’agisse de celles de l’Ancien régime, de celle des jacobins, de celle des catholiques, de celles des bonapartistes, de celles des républicains, de celle des staliniens, de celles des gaullistes… » (entretien avec Marcel Gauchet dans Le Débat 191, septembre 2016, p.47). Les socialistes, comme les radicaux et les centristes mais aussi les faux-gaullistes radsoc, sont plutôt de culture parlementaire, moins dans l’autoritarisme et plus dans le compromis et la négociation. Sauf que la société française, écartelée entre partis idéologiques, syndicats dans l’affrontement et les ego démesurés, ne peut fonctionner sans qu’une instance tranche, en dernier ressort. Le retour à la IVe ou à la IIIe République n’est souhaité par personne.

Réformer la présidence ?

Cela a déjà été fait (passage à 5 ans et deux mandats successifs seulement), mais les hommes comptent autant que les institutions : un président qui ne préside pas ne sert pas à grand-chose : voyez le Fout-Rien Chirac (disciple de Queuille) et la « névrose d’hésitation » (O. Duhamel) Hollande. Peut-être pourrions-nous revenir à un mandat assez long de 7 ans, mais unique ? Raymond Barre et René Rémond y étaient favorables. Cela permettrait de distinguer à nouveau la fonction présidentielle (qui est garante) de celle du Premier ministre (qui gouverne), en lieu et place du cafouillage sarkollandais depuis dix ans.

Réformer le Parlement ?

Cela passe peut-être par moins de députés et une dose de proportionnelle pour qu’ils représentent enfin la vraie France éclatée entre partis de gouvernement et partis qui ne veulent surtout pas gouverner. Cela passe peut-être par une réforme du Sénat avec moins de sénateurs et une représentativité un peu plus directe que le vote des grands électeurs.

Cela passe surtout par une navette moins longue entre les assemblées et par une réforme du droit d’amendement – qui devient ridicule quand on en dépose plusieurs milliers sur le même sujet. Certaines démocraties en Europe permettent d’adopter des lois directement en commissions – pourquoi ne pas le tenter ? Avec plus de moyens d’expertise pour les parlementaires : tout le monde y gagnerait, y compris le délai pour les décrets d’application.

Un changement du calendrier électoral est facile à faire : il suffit au président de dissoudre l’Assemblée nationale juste avant les présidentielles. Les députés seraient donc élus sur des programmes de partis avant l’élection du président de la République, redonnant tout son lustre au premier des ministres et à son gouvernement. La France deviendrait alors un peu plus proche des autres régimes parlementaires européens, sans modifier radicalement sa Constitution. Mais ce n’est probablement pas l’Obsédé de la synthèse, actuellement en poste, qui accomplira cette tâche régénératrice.

En fait, à part quelques petites réformes comme indiqué ci-dessus, la Ve République ne demande pas à être changée – elle fonctionne mieux que d’autres, sachant qu’il existe aucun régime parfait : voyez Hillary Clinton, battue malgré ses 2 millions de voix de plus que Donald Trump. Mais la règle est la règle et tout le monde s’y soumet. Renverser la table parce que l’on est battu est une option de mauvais joueur. Justement : faut-il réformer ceux qui vivent de la politique ?

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Réformer les politiciens ?

Ce qui va mal en France est l’effondrement de la gauche, prise entre les changements du monde qu’elle ne sait pas penser et la nouvelle option de bloquer faute de vouloir gouverner. L’islamisme radical et la révolution numérique demandent autre chose que le « socialisme XIXe » à la Mitterrand, le social à outrance Jospin ou les mesurettes branlantes Hollande ! Sans parler des impasses du « mouvement social », des manifs pour rien et des gens qui passent la nuit debout sans que rien n’en sorte.

Les extrémismes Mélenchon-Le Pen n’ont aucun projet – hors de « revenir » au tout-Etat, jacobin ou mussolinien : donc encore plus d’autoritarisme à la Chavez ou Poutine, à la Erdogan ou Trump.

La droite est probablement mieux apte à gérer l’islamisme, rien qu’en réaffirmant ce fait que la France a été longtemps catholique (pas besoin d’avoir la foi, reconnaître la culture suffit) et que ce vieux pays n’est pas les Etats-Unis (affairiste et individualiste). Mais saura-t-elle gérer les bouleversements du travail engendré par le numérique ? A part NKM, il n’y a personne.

A gauche, il y a Macron – s’il est accepté comme homme de gauche par les socialistes… ce qui reste à démontrer.

Laissons donc la Ve République telle qu’elle est, réformons-là à la marge en pesant bien les conséquences (tout le contraire de la légèreté Chirac-Jospin sur le quinquennat !) – ce qui importe avant tout est de PENSER le monde tel qu’il change, donc de proposer des voies d’avenir. Inutile de casser le thermomètre, il faut surtout changer de politiciens.

 

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Voter Juppé en primaire

Voter Juppé ne signifie pas élire Juppé mais déblayer le terrain.

Chacun peut évidemment choisir Juppé comme président mais, dans le billard à trois bandes qu’est désormais l’élection présidentielle depuis la calamiteuse réforme Jospin-Chirac du mandat de 5 ans et des législatives dans la foulée, celui qui est élu à la fonction suprême tient tout. Il n’a aucun contrepouvoir comme ce peut être le cas dans un régime parlementaire (comme au Royaume-Uni ou en Allemagne) où les électeurs peuvent renverser le gouvernement via leurs députés. Ni comme ce peut être le cas aux Etats-Unis, régime présidentiel, où le Congrès peut passer outre un veto du président (ce qui vient d’être fait sur l’éventuelle responsabilité saoudienne dans les attentats du 11-Septembre).

Si, en France, le président tient tout, il faut choisir un homme plutôt qu’une fonction. On l’a vu avec Sarkozy, puis Hollande, la personnalité fait la présidence. La fonction n’élève pas, elle révèle : surtout les travers – la versatilité agressive chez l’un, la lâcheté mollassonne chez l’autre.

Or, depuis l’instauration des primaires par la gauche post-Jospin (toujours encline à « réformer » ces institutions de la Ve République qu’elle n’a jamais accepté, préférant de loin les petits jeux parlementaires entre notables de la IVe République), la mode des primaires atteint la droite. Chacun pourra noter que ni l’extrême-gauche, ni l’extrême-droite n’ont besoin de primaires, même si les enjeux de pouvoirs entre les ego sont tout aussi forts.

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Tactiquement, pour 2017, il est fort probable que Marine Le Pen se retrouve au second tour. Je ne retiens pas l’hypothèse d’une victoire dès le premier tour, mais… il suffirait d’un nouvel attentat spectaculaire à quelques semaines du premier tour pour peut-être exaspérer suffisamment les Français et les inciter à renverser la table.

Si Marine Le Pen se retrouve normalement au second tour, le candidat face à elle sera quasiment certain de l’emporter. La « légitimité républicaine » jouera contre l’aventurisme souverainiste de la sortie de l’euro, des traités et autres fantasmes de toute-puissance à la Poutine. La France n’est pas la Russie, elle n’a ni son immensité, ni la même taille de population, ni les matières premières ; la France, sans l’Europe, n’est qu’un tout petit pays, trop agricole, trop désindustrialisé, trop fonctionnaire pour rester l’un de ceux qui continuent de compter encore dans le monde qui vient.

Or, qu’avons-nous comme défi face à Marine ? Pour le moment Hollande et Sarkozy. Les deux sont usés et la popularité exceptionnelle du président actuel, qui se maintient dans les niveaux les plus nuls qui puissent exister malgré tout ce qu’il tente aussi maladroitement qu’obstinément, ne peut le qualifier éventuellement pour le second tour que si Sarkozy émerge comme candidat de la droite et du centre. Sauf que Sarkozy n’a qu’un noyau dur de militants droitisés comme soutien, il n’a probablement pas la minorité suffisante à gauche et au centre pour l’emporter, avec les malgré-nous de la droite, face à la candidate du Front national. Un duel Sarkozy-Le Pen friserait dangereusement la qualification Le Pen comme présidente (l’effet femme, l’effet neuf, l’effet dédiabolisation, l’effet je-vous-l’avais-bien-dit, l’effet tout-sauf-Sarkozy). L’abstention serait probablement plus forte, accentuant – comme toujours – l’extrémisme.

Si Juppé l’emporte à la primaire à droite sur Sarkozy, il est possible (sinon probable) que Hollande renonce à se présenter à gauche, laissant soit les caciques se pousser pour la bonne place (et être battus parce que trop peu aimés ou trop peu légitimes dans l’opinion), soit un « poulain » adoubé par lui renverser le jeu de quilles sur le thème de la jeunesse et du renouveau (pourquoi pas Macron ?). Auquel cas, le duel serait à nouveau entre la droite (modérée avec Juppé) et la gauche (refaite avec Macron, Valls ou équivalent) – et il ne serait alors pas sûr que Marine Le Pen puisse figurer au second tour.

Si elle y figure, Juppé sera élu. Ce serait le « moins pire » pour la gauche comme pour la droite modérée et le centre.

Je laisse de côté les cinq autres candidats à la primaire de la droite, non qu’ils soient sans intérêt pour leur camp, mais ils semblent avoir très peu de chance de l’emporter face aux deux leaders historiques, Sarkozy et Juppé.

Si vous avez suivi le raisonnement, vous conviendrez que dans tous les cas, que vous soyez de droite, du centre ou de gauche, vous avez intérêt à aller voter à la primaire de la droite pour qualifier Juppé :

  1. Ce serait éviter Sarkozy et ses façons imprévisibles, à la limite dangereuses, à la Trump
  2. Ce serait forcer Hollande à passer la main sous peine que la gauche soit nettement battue
  3. Ce serait un moindre mal pour tous face à Marine Le Pen au second tour.

La raison, le projet politique pour la France, comme la tactique politicienne du billard à trois bandes, exige donc d’aller voter Juppé à la primaire de la droite. CQFD.

Liste des bureaux de vote près de chez vous http://www.primaire2016.org/ou-voter/

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Primaires, un progrès démocratique ?

Parce que la gauche les a mises en place en 2011, les primaires seraient « forcément » un progrès démocratique. Or les primaires à gauche de cette année-là ont adoubé celui qui apparaît peut-être comme le pire président qu’ait connu la Ve République, François Hollande. Indécis, pusillanime, toujours lisse et content de lui, lançant des idées comme on lance une balle à un chien pour voir s’il la rapporte, sans projet clair pour la France, intellectuellement lâche dès qu’il s’agit de gouverner pour tous les Français, il reste dans une constante stratégie d’évitement de tous les tabous de la vieille gauche socialiste. A croire qu’il avait un père autoritaire et qu’il a peaufiné cette façon d’être dans son couple et durant toute sa carrière…

Les primaires à droite, les premières du genre, remettront-elles en cause ce choix pitoyable du « moins pire » acceptable par un parti ? Nous avons sept candidats, dont une seule femme, mais deux candidats seulement intéressent les médias et ceux qui veulent gagner : Sarkozy et Juppé. Les autres ne sont cependant pas là seulement comme figurants mais ont tracé pour la plupart un programme sérieux, complet et chiffré, du projet qu’ils proposent. Gageons que, même s’ils ne sont pas choisis, le vivier des idées à droite y aura gagné, au moins dans l’opinion.

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Alors, les primaires sont-elles utiles à la Ve République en France, ou non ? 

La mode va vers la démocratie directe opposée à la démocratie représentative. Les gens, plus cultivés, plus informés via Internet (le sont-ils « mieux » ?), désirent donner leur opinion personnelle plutôt que de passer par les grandes idées vagues des partis politiques. C’est une très bonne chose… pour des élections locales, où chacun conçoit clairement les enjeux d’une politique pour lui-même, sa commune ou sa région historique. C’est beaucoup moins vrai pour des élections présidentielles, où il s’agit d’un projet pour la France dans le monde tel qu’il est : très peu d’électeurs sont suffisamment informés et formés pour avoir un jugement utile autre que de vagues idées.

Les primaires, en ce cas, confortent plutôt le jeu des partis et le bal des prétendants. La tentation est de retomber dans ces « grandes idées » qui sont le mal français (les « valeurs », l’immigration, la sécurité, l’impôt), plutôt que de tenter de les résoudre par des propositions concrètes. Pour gagner son camp, le candidat à la primaire doit forcer le trait, ce qui pousse les gens de droite à friser l’extrême-droite (souverainisme, populisme, nationalisme – voire xénophobie) et les gens de gauche à pousser toujours plus à gauche (centralisme, autoritarisme, droitedelhommisme béat, fiscalité, clientélisme – du Robespierre avec mobilisation générale). On le voit déjà à droite, la primaire exacerbe les passions, détruit l’unité de façade du parti, encourage la dictature du court terme et des sondages.

En revanche, le processus des primaires a l’avantage de proposer un arbitrage plus ouvert qu’auparavant, au-delà des seuls militants. Tous les sympathisants (qui font l’effort) deviennent juges du projet d’avenir. Evidemment limités à ceux qui ont un minimum de bagage intellectuel et scolaire pour avoir des convictions et être prêts à s’engager ; évidemment les plus urbains qui n’ont pas à faire des kilomètres pour trouver un bureau de vote. Mais voter – quelle que soit l’élection – exige toujours une démarche volontaire ; disons que la primaire exige un peu plus, puisqu’elle n’est pas obligatoire dans le processus de l’élection présidentielle. Elle rend l’offre politique moins dépendante des partis politiques, encore que les filtres imposés (parrainage d’élus plus parrainage d’un certain pourcentage de militants) reproduisent en partie l’ancien système des congrès. Mais il vaut mieux une petite ouverture qu’un grand bouleversement des règles (du style référendum ouvert).

Dans le cadre qui est le nôtre, remanié par la gauche Jospin avec le renoncement du soi-disant « gaulliste » Chirac, la Ve République élit un président tous les 5 ans (au lieu de 7) et impose des législatives dans la foulée (au lieu d’un mi-mandat). Avec le processus ajouté des primaires, c’est une année complète de campagne qui s’engage tous les 4 ans – comme aux Etats-Unis. Les politiciens de gauche étaient-ils intoxiqués à ce point des séries américaines et du soft power yankee lorsqu’ils ont créé la primaire pour qu’ils imitent à tout prix les mœurs de l’impérialisme militaire, financier, culturel et informatique qui les asservit ? Est-ce pour cela que la droite est aujourd’hui tentée par le modèle alternatif du chef Poutine ? Si les primaires américaines sont justifiées à la fois par le régime carrément présidentiel et par l’absence de partis d’idées à l’européenne, sont-elles justifiées dans le régime semi-parlementaire qui est le nôtre ?

Le système électoral à deux tours (désormais trois avec la primaire) fait que les électeurs retombent dans l’ornière de la bipolarisation ; il leur faut à chaque fois exclure le plus tiède dans leurs idées pour ne garder que le plus agressif. Ce qui apparaît comme un peu… primaire, voire primate ! Si la gauche a élu le plus synthétique en 2011, faute d’idées, la droite pourrait élire le plus bagarreur en 2016, faute de fermeté du président actuel. Dans les deux cas, est-ce un progrès démocratique ? « Le peuple » est pris dans les rails du système, difficile pour lui de s’en dépêtrer.

Vous me direz que la procédure des primaires ne concerne que ceux qui veulent bien s’y soumettre.

Sauf que sans la machine du parti, point d’élection ! Où trouver autrement les finances ? les militants colleurs d’affiches et animateurs du site Internet ? l’agencement des meetings ? L’élection est avant tout une organisation et, sans un parti, point de salut.

Il y aura des candidats libres au premier tour de la présidentielle. Avec les primaires à gauche et à droite, ils seront réduits plus qu’avant à n’être que des candidats de témoignage, sans véritable espoir de gagner. Il faudrait un raz de marée en faveur d’un changement radical pour que les adoubés des sympathisants, soutenus durant des mois par leur parti, ayant fait campagne dans tous les médias, soient balancés d’un coup hors du jeu. (C’est cependant arrivé à Monsieur Hitler en 1933…).

Seul le président en place pourrait faire dérailler de la voie toute tracée en adoubant un successeur… sur le modèle américain du colistier vice-président. Mais oui, si l’on veut copier un modèle, autant le décortiquer dans tous ses détails ! On peut rêver d’un Hollande adoubant un Macron, ou d’un Sarkozy renonçant en faveur d’un Le Maire… Je sais, on peut toujours rêver – et courir – tant le courage en politique est ce qui manque le plus depuis Churchill et de Gaulle.

En France le régime se veut depuis Charles de Gaulle la rencontre d’un homme et de son peuple, sur la base d’un projet d’avenir qu’il lui propose. Mais 5 ans, c’est un peu court pour une vision gaullienne – surtout si la campagne commence dès la quatrième année et que les députés sont pris dans le mouvement sans jamais pouvoir s’en distinguer – car le calendrier les oblige. Avec les primaires, le parlement est encore plus réduit : il ne peut avoir aucune idée hors celles de l’élu président et de son opposant – faute de ne pas être adoubé par son parti, donc pas élu. Est-ce une avancée ?

La primaire ne serait-elle en ce cas que la première étape d’un VRAI régime présidentiel ? Est-ce le rêve de la gauche jacobine ? de la droite bonapartiste ? Est-ce compatible avec l’Europe des parlements ? Ou la primaire ne serait-elle qu’un cautère sur une jambe de bois, le pansement bricolé de l’indigence politique qui veut donner l’illusion de « participer » tout en tenant fermement les rênes du pouvoir ?

A l’issue de cette réflexion, les primaires sont-elles vraiment un progrès démocratique ?

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Hommage à Michel Rocard

Michel Rocard est mort, j’aimais beaucoup Michel Rocard. Il n’avait pas l’hypocrisie manœuvrière d’un Mitterrand, ni la grande gueule robespierriste d’un Mélenchon ; il était un homme modeste, convivial, qui aimait penser et discuter. Il préférait l’analyse personnelle partagée aux grandes théories toutes faites et aux slogans « anti ». Issu de l’ancien RPR (Religion Prétendue Réformée) il faisait de la réforme son mantra. Car le monde change et les gens doivent bouger – sous peine de disparaître comme jadis les dinosaures.

michel rocard 2013

Ironique, il pointait en 2010 l’affolante lenteur du parti socialiste à changer ses manières de penser : « nous commençons à peine à enregistrer les résultats de la victoire intellectuelle complète de ladite deuxième gauche sur la gauche jacobine au patois marxisé et éprise d’économie administrée », disait-il. Pas sûr que les « frondeurs » ou autres « atterrés » n’aient encore délaissé aujourd’hui le confort du jargon marxiste et du pouvoir d’État jacobin…

Le marché ? « Une grande partie du monde vit en économie de marché et nous, sociaux-démocrates, avons choisi depuis 1947 d’y rester parce qu’elle est garante de la liberté de base des citoyens-consommateurs. Lorsque, comme c’est à l’évidence le cas actuellement, les lois du marché produisent et amplifient des dérives insoutenables, le problème n’est pas de s’y soustraire mais de les modifier, de savoir comment et avec qui, pour être ensuite soumis à des lois moins injustes, mais toujours marchandes. » Social-démocrate ne signifie pas « socialiste » durant de trop nombreuses années : il faut attendre l’après-Jospin pour que le marxisme soit abandonné et avec lui la guerre civile contre « les parons », « les bourgeois » (nombreux sont les socialistes embourgeoisés !) et « la marché ». Michel Rocard était au PSU avant de se rallier à Mitterrand, puis être évincé du PS par Fabius et consorts.

La « mondialisation », cette tarte à la crème des velléitaires qui cherchent toujours des excuses à leur impuissance d’analyse, est une tendance lourde de l’humanité, depuis le berceau africain jusqu’à la conquête de l’espace, en passant par Christophe Colomb. « C’est donc à l’absence de régulation qu’il faut s’en prendre et non pas à ce fait incontournable qu’est la mondialisation elle-même. » Donc négocier des traités et agir dans les instances internationales, pas se contenter de brailler en manifs ou de sauter sur son tabouret à la télé en vilipendant ce mot-valise qui expliquerait tout ce qui ne va jamais : le « capitalisme ».

Rocard libéral 2008 06

Car ce système d’efficacité économique nommé « capitalisme est qu’il ne connaît plus ni normes ni limites puisqu’il s’affranchit de l’idée que c’est à la loi de définir ses limites. Il s’apparente plus de ce fait à la loi de la jungle qu’à la liberté. Au sens strict, il n’est pas libéral, et il est essentiel de ne pas faire de confusion là-dessus. » Michel Rocard est libéral, dans le sens des libertés, mais il ne faut pas s’y tromper, « la lutte des classes – il y a des terminologies dont la pertinence est éternelle – passe aujourd’hui entre les spéculateurs et les régulateurs ».

Volontiers écologiste par vanité de la frénésie concurrentielle et de la surenchère des désirs, il réhabilite le capitalisme vertueux des origines, décrit par Max Weber et l’art de vivre prôné par John Maynard Keynes, qui écrivait : « Ce seront les peuples capables de préserver l’art de vivre et de le cultiver de manière plus intense, capables aussi de ne pas se vendre pour assurer leur subsistance, qui seront en mesure de jouir de l’abondance le jour où elle sera là. »

Michel Rocard est l’homme des limites : de la réforme sans révolution, de la morale sans absolu, de la politique avant l’économie. Car s’il était énarque, il était aussi licencié ès lettres. Il y a du Camus chez lui, déjà durant la guerre d’Algérie où il s’oppose à Guy Mollet. Attentif aux gens, il préfère le terrain à Paris, la décentralisation au jacobinisme ambiant. Laurent Fabius (toutou de Tonton) et Henri Emmanuelli le déboulonnent de son poste de Secrétaire du PS après ses trois années comme Premier ministre, où il instaure RMI et CSG avant de réorganiser le Renseignement. Il s’opposera encore à Fabius à propos de l’Europe et à Royal sur son refus de s’accorder avec Bayrou en 2007.

Dans ses mémoires, intitulées en 2005 Si la gauche savait, il explique pourquoi Jospin a échoué à faire gagner la gauche : « Il a eu le souci de faire de la moralité un enjeu majeur de l’action publique… Mais le refus de trancher, de choisir entre les deux gauches va expliquer 2002, la présidentielle manquée. Quant au reste, Jospin est profondément mitterrandiste de culture. Il a été formé à cette école, dans cette écurie. Il a longtemps été socialement CGT. Je vous l’ai dit, il est plutôt jacobin. Malgré un unique démenti une fois, et qu’il a regretté, il est sur la ligne: ‘L’État peut tout, tout est politique.’ »

Il avait souvent raison, Michel Rocard… Il était de la gauche pragmatique, plus social-démocrate que robespierriste. François Hollande ne lui arrive même pas à la pantoufle.

Michel Rocard sur ce blog

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Géopolitique de l’Europe après Brexit

L’Europe est une unité de civilisation au cap ouest de l’Asie ; la Turquie n’en fait manifestement pas partie, de même que l’autre rive de la Méditerranée ; la Russie aurait vocation à y entrer, mais pas sans remettre en question beaucoup de ses façons de faire. Cette unité de civilisation n’est jusqu’à présent pas une unité politique. Le rêve (naïf et vaniteux) de « République universelle » chanté avec enflure par notre Hugo national s’est brisé sur la réalité : celle du refus anglais, celle de la réticence des pays de l’est, celle de la montée partout du souverainisme. L’Europe n’est aujourd’hui qu’un agrégat de nations de forces inégales où la puissance armée équilibre de moins en moins la puissance économique. Disons-le tout net : Hitler a en partie réussi, l’Europe sans les Anglais est aujourd’hui allemande.

revue le debat 190 mai 2016

Passons sur la nullité passée de Chirac et présente de Hollande : aucun dessein, aucune idée, aucun projet sur l’Europe. Seule compte la survie au jour le jour en fonction de petits intérêts parisiens liés au parti du président ; les rodomontades hollandaises présentées depuis le Brexit sont dans l’urgence, sans rien de préparé de longue date – elles ont peu de chances d’aboutir ; la nomination de pitoyables, exilés à Bruxelles vaut placard de la politique ; la poursuite des idéologies nationales bornées se prolonge à Bruxelles au lieu de s’élever au niveau. L’adoration de la technocratie par les énarques et la confiscation de toute démocratie par les petits partis qui font cuire leur petite soupe à petit feu dans leurs petits coins (selon les mots inénarrables du général de Gaulle), ont rendu l’Union européenne non seulement illisible au citoyen moyen, mais flanquée d’une image de contrainte qui permet aux politiciens lâches de se défausser sur « Bruxelles » de tout ce qu’ils n’osent pas présenter aux électeurs.

Nombreux sont les sceptiques, Européens mais pas comme ça, allergiques aux intrusions sans explication sur l’économie et la finance, aux règlementations maniaques sur des détails de production, mais emplies d’indulgence pour les lobbies chimiques, industriels et de santé – au détriment des gens. Inquiets aussi de la montée des nationalismes dans le monde et refusant de plus en plus viscéralement cette espèce d’intégration sans frontières de tous les pays « ayant vocation » sur les seuls critères du droit, sans aucune considération de culture ni de civilisation. Il existe en ce sens une vraie fracture entre l’Europe de l’est, restée très nationale, et une Europe de l’ouest devenue très multiculturelle. Les premiers refusent de changer de civilisation, les seconds constatent le fait des cultures qui se côtoient sur leurs sols et sont tentés d’en faire une idéologie « de progrès ». Comme si le progrès résidait dans le mélange, l’égalisation, la moyenne.

Ce que viennent de dire les Anglais avec force est : NOUS VOULONS CHOISIR. Ils ne sont pas contre l’immigration (vue comme invasion ethnique et changement des mœurs) mais contre l’afflux de migrants (qui déstabilise le système social et l’Etat-providence). Ils veulent modérer le nombre et prendre en priorité ceux qui peuvent travailler et contribuer au revenu national. Il s’agit donc d’un raisonnement économique plus que d’une passion identitaire, le pragmatisme d’une « nation de boutiquiers » aurait dit Nietzsche. Mais les Anglais ont le mérite de ne pas s’enfumer l’esprit comme les Français par fièvre idéaliste. Leur vote fait partie de ce qu’Hubert Védrine appelle (avant le Brexit) un « retour au réel », dans un entretien à la revue Le Débat, n°190, mai-août 2016.

Les bobos idéalistes de gauche en France croient le monde composé de Bisounours, gentils par essence, unis dans une « communauté internationale » (qui n’existe que dans le discours paresseux des médias français), aspirant aux Droits-de-l’Homme véhiculés par un ONU qui aurait vocation à devenir l’État central du monde et aux méchants punis par une Cour pénale internationale. « Nous vivions sur une tradition intellectuelle qui a sa grandeur, certes, mais qui faisait de nous les responsables de toutes choses, les ordonnateurs du système international, les concepteurs du droit international, les missionnaires de nos fameuses ‘valeurs’. Pour ce courant de pensée, tout ce qui se passait dans le monde nous concernait soit au titre d’un remord, maladie expiatoire issue d’une histoire mal digérée, soit du fait de l’universalité de nos idées ou de notre responsabilité auto-décrétée ! », fulmine Hubert Védrine (lui aussi de gauche, mais pas de la même) dans l’excellent article cité. Attention au retour de bâton encore à venir : malgré sa clownerie vulgaire, Donald Trump trompette à l’envie ce que pense l’Amérique, Obama compris, que seuls les intérêts yankees comptent et que les États-Unis n’ont plus la mission de sauver le monde ni de protéger de leurs dollars des alliés qui ne font pas leur part.

bisounours rose

L’Europe n’est pas l’Europe lorsqu’elle laisse la Grèce à ses démons clientélistes au lieu de l’aider à construire un État viable dont l’administration collecte efficacement des impôts justes ; l’Europe n’est pas l’Europe lorsqu’elle reste à la remorque des États-Unis à propos de la Russie, de la Syrie ou d’Israël, sans affirmations calmes ni conscience de ses intérêts propres ; l’Europe n’est pas l’Europe lorsqu’elle laisse une Merkel sans contrôle négocier seule avec un Erdogan de plus en plus islamo-fasciste des avantages indus et une entrée programmée dont personne ne veut ; l’Europe n’est pas l’Europe quand elle prend des gants avec l’islam pour ne pas « stigmatiser » une religion, alors qu’il s’agit bien d’Allah dans les cris des tueurs, et bien de la religion dans les justifications idéologiques à massacrer les mécréants ; l’Europe n’est pas l’Europe lorsqu’elle laisse faire le laisser-passer des migrants à tout va, sans distinguer le droit d’asile de la migration économique. Sans les Anglais, l’Europe est un peu moins l’Europe, même si l’Écosse et l’Irlande du nord pourront peut-être négocier d’y rester.

Définissons clairement les frontières, distinguons clairement qui a droit ou pas, renvoyons clairement dans leur pays ceux qui n’ont pas droit de venir, négocions clairement avec les pays de départ et les pays passeurs les aides au contrôle et au développement (rétorsions financières à l’appui s’il le faut), établissons clairement un Schengen fédéral volontaire qui fonctionne en instantané (pas sur l’exemple du supporter nationaliste russe revenu aussitôt après expulsion parce qu’un fonctionnaire aux 35h était déjà parti en week-end et avait omis de mettre à jour la base…). Disons aussi ce que l’Europe veut et ne veut pas, avec la Chine, les États-Unis, la Russie, les pays hors Union. Pas besoin de faire les gros yeux, la force de la puissance réelle compte par inertie : un grand marché, de nombreux chercheurs, une industrie mondiale. Sans les Anglais, notre puissance est plus faible, mais elle reste importante.

Mais pour cela… il faudrait que les dirigeants de chaque pays de l’Union cessent de se défausser haut et fort à la Chirac-Hollande sur « Bruxelles » de tout ce qu’ils cautionnent tout bas par leurs votes en Conseil européen « des chefs d’État et de gouvernement » ! L’égoïsme sacré de chaque État existe, la mise en commun de certains pouvoirs bénéfique à tous existe aussi – autant l’expliquer et convaincre. Sans les Anglais, tout sera peut-être plus facile, mais la nullité Hollande fait encore moins le poids face à la légitimité Merkel – surtout si celle-ci perçoit une volonté de coaliser les « pays du sud » contre une Allemagne hégémonique !

attractivite france 2016

Et nous, Français, cessons d’accuser la « force » de l’euro, « l’ordo-libéralisme » allemand, l’égoïsme financier anglais, la xénophobie autrichienne, le traditionalisme chrétien hongrois et ainsi de suite. Lorsque nous serons exemplaires, nous pourrons donner des leçons à tout le monde. Mais pour être exemplaires, il nous faut réformer le pays tout entier : le millefeuille territorial, le cumul des mandats, la corruption des élites, le droit du travail, les entraves à l’entreprise, la fiscalité illisible, les conflits d’intérêt dans l’homologation des médicaments, la filière agricole ; il nous faut associer les citoyens aux « grands projets » d’État, assurer une meilleure représentation parlementaire et rendre les syndicats plus représentatifs… Tout ce que nous n’avons PAS su faire depuis la chute de l’URSS, depuis Chirac, depuis Hollande, avec la parenthèse Sarkozy qui avait commencé un peu, mais trop peu et avec changement de cap inexpliqué.

Revue Le Débat n°190, mai-août 2016, €20.00

Comprendre ne signifie pas excuser, comme certains illettrés le croient. Je rappelle que je suis POUR l’Union européenne. Ci-après quelques notes sur ce blog :

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Grenouille tahitienne

Les Iles Marshall, autre confetti du Pacifique Sud, attaquent à la Cour Internationale de justice trois puissances nucléaires : USA, Grande-Bretagne et France. Il n’y en aurait que trois ? Ils pourraient regarder vers la Russie, la Chine, la Corée du Nord, l’Inde, Israël, le Pakistan… Les Iles Marshall, ce sont 72 000 habitants mais qui disposent comme beaucoup d’autres d’une voix à l’ONU, le « Machin comme disait de Gaulle ». Alors Oscar Temaru surenchérit, il rêve de traîner la France devant le tribunal de la Haye et de la faire condamner, de lui faire rendre gorge, de « l’éliminer ». La France ? Ce sont les contribuables français – qui payent pour Tahiti, ne lui en déplaise !

La terre est rare en Polynésie française même si nous sommes « aussi grand que l’Europe ». Un leitmotiv que l’on entend très souvent ! Excusez-moi, je fais une erreur. Les terres rares au fond de notre océan seraient-elles vraiment si rares alors que tous les politiques annoncent des milliards de dollars, euros, yuan au fond de notre océan. ? Et si nous sommes aussi riches qu’on le dit pourquoi mendier, et toujours mendier auprès de la France, de l’Europe ? Faudrait éviter de trop rêver et surtout les Politiques, il faudrait éviter de raconter des carabistouilles aux Tahitiens ! Cela fait bien 10 ans que l’on parle de « fabuleux gisements de terres rares » qui se trouveraient au fond de l’océan dans la zone économique exclusive (ZEE) de la Polynésie française. En fait ces gisements se trouveraient dans les eaux internationales. Aïe ! Comme Perette et le pot au lait : adieu veau, vaches, cochons, couvée…

independance de la polynesie

Alors, les Politiques, vous auriez raconté des bêtises à votre population ou la populace n’a pas compris vos propos ? Ce vilain État français « se serait réservé le contrôle, l’exploitation de ces terres rares » ? Il aurait pu spolier les richesses minières sous-marines de Tahiti Nui ? Que nenni, Le Président Hollande en tournée ultra-rapide à Tahiti avant le printemps a confirmé les propos de la ministre des Outremer : La Polynésie française est bien compétente en matière d’exploration et d’exploitation des ressources minières dans sa ZEE. Et vlan !

Par contre, les fonds marins de Wallis et Clipperton seraient intéressants, mais ce n’est pas le territoire de Polynésie. La faute à la géologie de la région qui se situe à la rencontre de plaques tectoniques. Hélas pour la Polynésie, elle est située au milieu du Pacifique, le plus vaste océan du monde, très loin de ces failles tectoniques riches en amas sulfurés. Pas de bol ! Par contre on a du cobalt, du platine. Miam, miam, encore faut-il aller le chercher !

Il y aurait en Polynésie – pour le moment française – environ 50 millions de tonnes de cobalt et 5 000 tonnes de platine soit près de 600 ans de ressources pour le cobalt et 22 ans pour le platine. OK, mais pour le moment c’est en Afrique qu’on va le chercher et nullement à 5 km de profondeur, c’est quand même plus facile ! Les chercheurs ont démontré qu’en Papouasie-Nouvelle Guinée il y avait des sulfures polymétalliques, des nodules de manganèse aux Iles Cook et des encroutements cobaltifères dans la république des Iles Marshall. C’est dit ! Certes, on peut toujours rêver, mais il vaudrait mieux éviter de tenter faire rêver les autres !

Aux infos de ce soir, on annonce des fermetures d’ateliers, des chômeurs en plus. Il y avait déjà plus de 20% de chômeurs en Polynésie et chaque semaine qui passe en amène de nouveaux. Alors le président Fritch a annoncé le recrutement de 900 fonctionnaires. Cataplasme sur une jambe de bois : qui va payer ces nouveaux fonctionnaires ? Hein ? Ah ! Oui le contribuable métropolitain ! Fritch disait il y a quelques jours : « J’embaucherai 900 personnes dans la fonction publique. Un maximum de nos jeunes doit pouvoir profiter du statut de fonctionnaire ! »

Dans son Ia Orana de Tahiti Pacifique Simone Grand s’en étouffe. Elle ne doit pas être la seule. « Faire du fenua une énorme administration ! Pour administrer qui et quoi ? Financée par qui ? Pour atteindre quels objectifs économiques ? Réaliser quels niveaux de satisfaction des besoins élémentaires individuels et sociaux ? Elle rappelle aussi que le mot « cours d’eau » a dorénavant un sens dévoyé tout comme celui de « chemin de servitude » ce qui permet aux gouvernants du fenua ma’ohi de spolier certains tout en se permettant de jouer les généreux donateurs pour d’autres. » Le fenua ma’ohi va-t-il ressembler à la Corée du Nord ? La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf n’est-elle pas une bonne fable de Monsieur de la Fontaine ?

Hiata de Tahiti

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La visite du président Hollande en Polynésie

Le Président Hollande qui est venu faire un petit tour en Polynésie a distillé des bonnes nouvelles, distribué des millions (les as-t-il ?) et est reparti. Des sous, des promesses, quelques mots sur le nucléaire, mais pas de demande de pardon… Les manifestants anti-nucléaires étaient bien présents. Dans la Loi Morin, pas de nouveautés donc déception pour ceux qui se battent depuis des années. Il y aurait plus de 1 000 demandes d’indemnisations et seule une vingtaine a reçu une proposition. La DGA (dotation globale d’autonomie) – qu’on appelle la dette nucléaire – sera sanctuarisée dans le statut de la Polynésie et son niveau sera de 30 millions d’euros dès 2017. Pour la dépollution de Hao, l’atoll où les Chinois veulent construire un élevage de poissons, rien de bien neuf non plus. Il resterait du plutonium disséminé sous la piste d’aviation. Hao était la base arrière de Moruroa. Hollande a reconnu des impacts aux essais nucléaires. Quant à la surveillance de Mururoa et de Fangataufa, elle existe déjà mais les informations n’arriveraient que deux, trois ans plus tard. La seule vraie bonne nouvelle semble être la promesse que l’État va apporter 700 millions de XPF pour aider au développement du service oncologie et mettre à disposition trois médecins internes au Centre hospitalier de Tahiti.

hollande sur la tombe de pouvanaa

Le Président était arrivé avec le soleil, mais est reparti avec ! Hollande est certainement allergique aux colliers de fleurs, dès qu’il en recevait il s’en débarrassait aussitôt. Mais il n’a pas échappé pas aux selfies, on dirait même qu’il y prend goût. Un marchand de perles lui offre un collier de perles POUR HOMME, il le met rapidement dans sa poche… Le programme est chargé. Arrivé à 22h46 sur le tarmac de Faa’a, à 23h10 il déclare : « je suis ici en France« , aïe, cela n’a pas dû faire plaisir à toutes les oreilles ! Le lendemain, à 6h38, il dépose une gerbe, se recueille sur la tombe de Pouvanaa a Oopa – selfies. À 7h30, il débarque au marché de Papeete dans un joyeux tumulte. Musique, tambours, les officiels, les petites gens. Hollande serre des mains, goûte des tas de produits, embrasse, sourit ; certaines marchandes de poisson (du frais, hein !) avouent « avoir fait tous les présidents : Giscard, Mitterrand, Chirac. » Quelques centaine de mètres à pied dans la cohue pour se rendre à la mairie de Papeete. On est à Tahiti et il fait chaud. De l’eau de l’eau.

Photo de famille, il rencontre en privé Michel Buillard, le tavana (maire) de Papeete et se change. Le président est en costume sombre, chemise blanche, cravate. Je pose une question à mon ami le Colonel Alain : « Colonel, le nœud de cravate était-il réglementaire ? Les poignets de chemise sortaient-ils comme il se doit ? » Merci Colonel de vos commentaires. Et bien sûr, dans une autre bafouille, je vous tiendrai au courant des notes d’habillement obtenues par le Président Hollande ! Certainement rafraichi, le président va assister aux spectacles de danses des groupes des cinq archipels où il dit « être parfaitement en France ». Direction la Présidence, le Versailles de la Polynésie. Il est 11 heures et il est attendu par un millier de personnes : invités, élus, chefs d’entreprise, fonctionnaires, militaires. Il faudra encore que ce public patiente, Président se refait une beauté, il a dû mouiller la chemise ! Fritch, président de la Polynésie enlève en 13 minutes son discours, 30 minutes pour le chef de l’État, tous les sujets sont abordés.

Enfin le déjeuner au Haut-Commissariat. Le menu ? Crevettes, mahi mahi sauce vanille, des frites d’uru et purée de taro et un café gourmand. Il apparaît détendu, il a même tombé la veste parait-il ! Colonel Alain, serait-ce bien dans les règles vestimentaires ce dépôt de veste ? La journée n’est pas finie. En route, il faut 40 minutes au Falcon pour déposer ces messieurs sur la piste d’Uturoa (Raiatea Iles sous le vent). 14h39, il monte à bord de l’une des deux pirogues à moteur qui emmène la délégation sur le site du marae de Taputapuatea.

À 15h40, Président débarque à Taputapuatea, 3 000 personnes l’accueillent, l’ambiance est joyeuse et conviviale. Sur le marae, Hollande reste à l’extérieur, seul Édouard Fritch se déchausse pour porter l’offrande. Il rend hommage à la culture polynésienne et annonce la création d’un musée, les sous sont toujours les bienvenus ! Un petit tour au buffet, un aller-retour à la plantation de vanille Hotu Vanilla. Le voyage officiel est terminé. Il lui reste un dernier rendez-vous « amical » à Faa’a chez Oscar Temaru où (d’après Oscar) ils n’auraient parlé d’aucun sujet qui fâche. Zont parlé de quoi alors ?

aides de la france a tahiti

Il semble que l’on ait parlé beaucoup de sous avec en plus. Pour exemple : un prêt pour l’hôpital de 1,7 milliards de XPF ; des terrains gratuits pour le logement social ; la défiscalisation jusqu’en 2025 même pour les projets chinois du Mahana Beach et la ferme aquacole ; une amélioration de l’aéroport de Faa’a ; un nouveau bâtiment multi-missions pour la Marine ; le soutien de l’État à l’énergie thermique des mers ; pour Taputapuatea un accord technique de l’État et une coopération pour le développement culturel avec l’ouverture d’un musée ; un investissement massif dans l’économie bleue. L’État aurait-il des revenus non déclarés ? Sinon des miracles devront se produire… Amen.

Hiata de Tahiti

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Gauchisme culturel

Cette expression heureuse de « gauchisme culturel » est de Jean-Pierre Le Goff, sociologue du présent au CNRS et auteur entre autres de La fin du village chroniqué récemment. Qu’est-ce en effet que « la gauche » ? Un tempérament peut-être, mais pas plus aujourd’hui où le social-libéralisme, l’écologie ou le populisme autoritaire se disent autant « de gauche ». Pourquoi cet éclatement ? Parce que mai 68 et ses suites, notamment son héritage impossible, continuent d’irriguer les mentalités des soixantenaires.

« La notion de ‘gauchisme culturel’ désigne non pas un mouvement organisé ou un courant bien structuré, mais un ensemble d’idées, de représentations, de valeurs plus ou moins conscientes déterminant un type de comportement et de posture dans la vie publique, politique et dans les médias », dit l’auteur. Cinq thèmes ont glissé de la question sociale à la question individuelle :

  1. corps et sexualité,
  2. nature et environnement,
  3. éducation,
  4. culture,
  5. histoire.

La lutte des classes a laissé place à la lutte des ego, du mouvement ouvrier au « mouvement social ». L’universalisme du « genre humain » a été délaissé au profit du droit des extrêmes minorités.

Représenté au Parti socialiste, au gouvernement, dans les médias ‘mainstream’, chez les intellos médiatiques, ce gauchisme culturel est une véritable révolution culturelle – et une plaie sociale :

  • Le boulot ? – Non, le mariage homo.
  • L’immigration ? – Non, l’islamophobie.
  • Produire pour partager ? – Non, préserver les zacquis.
  • Gouverner ? – Non, militer.

La rupture avec la démocratie est consommée : le président de gauche ne parvient pas au pouvoir pour gouverner tous les Français, mais la seule frange bobo d’entre eux. Monsieur Synthèse se dit Normal pour ressembler à la gauche intello – pas pour rassembler les Français.

Si toute différence devient une insupportable « inégalité », où va-t-on ? Mais le gauchisme culturel n’est pas sans contradictions : différence sexuelle contestée par les gais-bi-trans-et-lesbiens mais différence religieuse et même « raciale » encouragée par les « associations ».

Les Musulmans (arabes) seraient « plus égaux que les autres » parce qu’ils ont été jadis discriminés selon Emmanuel Todd at Alain Badiou par la colonisation (terminée depuis un demi-siècle). L’antiracisme, marqueur « de gauche », n’a fait que raviver le thème de la « race », que le mouvement ouvrier avait éliminé par l’internationalisme prolétarien. Le gauchisme exige un ennemi : comme « le fascisme » a fait long feu, le « racisme » en est un tout trouvé ! Mais qui a parlé à nouveau de « race », sinon les antiracistes de SOS racisme poussés par la gauche Mitterrand ?

La liberté arrive-telle dans la vie des gens les plus pauvres avec ces happenings ? Pour ma part – je le répète – le mariage gai m’indiffère, mais revendiquer des droits civiques m’apparaît autrement plus citoyen que revendiquer des droits à baiser devant le maire.

couple a trois Bruce Weber Adirondack Park New York 2002

Le gauchisme culturel n’est pas plus libéré des croyances et des religions, bien qu’il se veuille « laïque ». On peut d’ailleurs se demander si, dans quelques années, la « laïcité » ne sera pas considérée par les gauchistes bobos comme étant l’essence du « fascisme », puisque Marine Le Pen la revendique haut et fort – moyen d’euphémiser son islamophobie, croient les paranoïaques.

La nouvelle religion gauchiste, c’est l’écologie. Pour ma part – je le répète – la dégradation de l’environnement et l’harmonie avec la nature sont de vraies questions, mais la « mission » de sauver la planète, revendiquée par le gauchisme culturel est la nouvelle croyance après l’échec du communisme, du maoïsme, du castrisme et des Khmers rouges (Aragon, Sartre, Sollers, Lacouture s’y sont beaucoup fourvoyés et ont beaucoup trompé…). Le messianisme écolo dépasse de loin la lutte contre le gaspillage et l’économie des ressources : il veut tout simplement « changer l’imaginaire de la société ». En, 1981, la gauche voulait plus modestement « changer la vie ».

« Ce n’est plus désormais par le développement des ‘forces productives’ de la science et de la technique que l’humanité pourra se débarrasser d’un passé tout entier marqué par l’ignorance et les préjugés. L’utopie écologique renverse la perspective en faisant du rapport régénéré à la nature le nouveau principe de fraternité universelle et de la réconciliation entre les hommes » – analyse Jean-Pierre Le Goff.

Inégalité anthropologique homo-hétéro, inégalité raciste Blanc-Arabe, inégalité planétaire gaspilleur-écologiste – voilà qui dévalorise d’un coup toute notre histoire, toute notre culture et toute notre identité.

La France d’avant (jusqu’à aujourd’hui) était machiste, pétainiste et productiviste, dit le gauchiste culturel. Elle doit se convertir sur l’heure et proscrire comme un péché toute « domination » (sauf évidemment celle du gauchisme culturel… puisqu’il est sûr de détenir la Vérité). Les enfants sont endoctrinés à l’école comme au temps communiste, et encouragés comme Pavel Morozov sous Staline à « dénoncer » leurs parents pour leurs « fautes » : polluer au diesel, dire qu’il y a trop d’immigrés, ne pas trier ses ordures, jeter ses mégots, manger trop de viande, boire trop de lait, utiliser un mouchoir en papier.

Inquisiteur, justicier, délateur, le gauchiste culturel n’hésite pas à publier les noms et adresses de ceux qui lui déplaisent (les Jeunes socialistes lors de la Manif pour tous), voire à ester en justice (le CRAN contre l’historien Pétré-Grenouilleau à propos de l’esclavage islamique en Afrique). Moralisme bien-pensant, sentimentalisme victimaire, sentiment de culpabilité : ne retrouve-t-on pas l’attitude même de Pétain en 1940, fustigeant l’hédonisme des cong’pay’, le péché de laisser-aller pour lequel la France a été punie par la défaite, et la volonté du « redressement national » ?

carte tendances politiques france 2011

  • Penser ? – Non, s’indigner.
  • Agir ? – Non, grands principes.
  • Politique ? – Non, moralisme.

« Il ne s’agit pas de convaincre avec des arguments mais de faire partager aux autres son émotion et ses sentiments, de les englober dans son ‘ressenti’ comme pour mieux leur faire avaler ses propres positions », écrit Jean-Pierre Le Goff. Pire encore : « Ils affichent le sourire obligé de la communication tant qu’ils ne sont pas mis en question ; ils se réclament de l’ouverture, de la tolérance, du débat démocratique, tout en délimitant d’emblée le contenu et les acteurs légitimes ». Tant qu’ils ne sont pas mis en question… Certains commentaires sur mes notes polémiques sont un exemple parfait de cette « tolérance » réduite aux semblables.

L’utopie gauchiste de société réconciliée et d’individu indifférencié rencontrent la prospérité sortie de l’histoire des sociétés démocratiques européennes, ce qui la conjugue au présent. Mais en France, elle se réalise lorsque la gauche au pouvoir change subrepticement de politique économique, en 1983. Elle ne fait de cette nouvelle « rigueur » qu’une « parenthèse » (jamais refermée depuis). Le gauchisme culturel prend alors progressivement la place de l’idéologie socialiste de tradition ouvrière traditionnelle : puisqu’on ne peut rien sur l’économie, investissons les mœurs. Nous n’en sommes pas sortis, et le bonneteau de Mitterrand troquant la rigueur contre SOS racisme trouve son pendant avec la lancée du mariage homo et la déchéance de nationalité de Hollande (grands principes) pour masquer son échec cuisant sur la croissance et le chômage (réalité des faits).

Conclusion de Jean-Pierre Le Goff : « La gauche a atteint son point avancé de décomposition, elle est passée à autre chose tout en continuant de faire semblant qu’il n’en est rien ; il n’est pas sûr qu’elle puisse s’en remettre. Le gauchisme culturel, qui est devenu hégémonique à gauche et dans la société, a été un vecteur de cette décomposition et son antilibéralisme intellectuel, pour ne pas dire sa bêtise, est un des principaux freins à son renouvellement ».

Jean-Pierre Le Goff, Le gauchisme culturel, in revue Le Débat n°176, septembre 2013, pages 39-55, €18.50

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Les droites extrêmes et le pouvoir

Pour accéder au pouvoir, rien de tel que de participer à des alliances de gouvernement dans les pays à système parlementaire tels que l’Autriche, l’Italie, les Pays-Bas, le Danemark. Dans un régime semi-présidentiel comme la France, le système électoral non-proportionnel ne permet pas aux petits partis d’émerger. Il faut soit s’allier à un grand parti (comme récemment EELV avec le PS), soit préférer une candidature à la présidentielle pour se compter. Les élections locales permettent quelques victoires avec le système de liste.

Un succès du Front national en France dépend surtout d’une alliance avec l’ex-UMP rebaptisée Les Républicains. Mais le parti reste très divisé sur le sujet, une faible minorité souhaitant pour l’instant ce genre d’alliance, même pour gagner la présidentielle. D’autant que, côté Le Pen, s’associer aux partis de gouvernement, c’est se renier : les élites ont trahi, qu’elles s’en aillent. S’allier avec elles serait politiquement dommageable.

Sauf qu’il faut savoir ce que l’on veut :

  • ou le populisme qui ne fédère qu’en « sac de pommes de terre » les ressentiments divers de tous les exclus et les aigris, en plus des convaincus du déclin
  • ou le réalisme qui établit un programme et des alliances pour gouverner un jour.

D’un côté la radicalité de tribune ou de propos à la Jean-Marie, de l’autre la stratégie de grignotement électoral à la Marine. Cet écart de stratégie explique une bonne part du feuilleton de l’été dont les médias – ravis en secret et affectant de se boucher le nez en public – ont abreuvé leurs papiers faute d’avoir quoi que ce soit de pertinent à écrire.

marine desodorisant bien agiter

Tentées par le populisme, le rejet des élites et la crise mondiale qui n’en finit jamais, les droites extrêmes sont portées par un courant électoral puissant en Europe, mais elles restent très divisées. Réunir par exemple 25 élus de 7 nationalités différentes pour créer un groupe au Parlement européen a été très difficile à Marine Le Pen. C’est que l’idéologie et la stratégie diffèrent en presque tout…

Le nationalisme autoritaire du Jobbik hongrois ou de l’Ataka bulgare, voire nostalgiques du nazisme comme le grec Aube dorée ou le NPD allemand, côtoie sans se mêler les souverainistes radicaux qui rejettent les élites coupées du peuple, l’immigration musulmane et le libéralisme économique des technocrates bruxellois, tels le Front national français, la Ligue du Nord italienne ou le FPÖ autrichien.

noir et blanc avec bebeDes écarts flagrants se manifestent dans l’attitude envers la démocratie parlementaire, l’Europe et l’immigration.

Certains acceptent le parlementarisme, comme le Front national ; ils ne veulent parvenir au pouvoir que par la voie des urnes. Rappelons cependant que Mussolini comme Hitler n’ont rien fait d’autre. Car la démocratie parlementaire peut être soit représentative, soit directe. C’est plutôt par l’appel direct au peuple que ces droites radicales veulent passer. Même si, rappelons-le aussi, l’élection présidentielle directe et l’usage du référendum par de Gaulle allaient exactement dans ce sens. Question de mesure : disons que les droites non gouvernementales cherchent à court-circuiter les élites (cooptées entre-soi) et le système (des « copains et des coquins » comme disait feu le communiste Marchais) pour en appeler directement aux électeurs. Ils se placent dans la lignée des tribuns romains, des orateurs de la Révolution française et des populistes d’Amérique du sud.

Certains acceptent l’Union européenne mais veulent la recentrer ; d’autres la rejettent. Le Front national honnit par exemple la mondialisation et « les traités » européens, préférant un capitalisme national d’État (d’essence para-fasciste) protecteur des classes populaires. Exactement ce que Hitler prônait lors de son arrivée au pouvoir. Le Parti populaire danois (DF) veut rester dans les traités européens, mais avec une plus grande autonomie nationale. La Ligue du nord en Italie souhaite une Europe des régions et pas des États. Le parti AfD (Alternative pour l’Allemagne) souhaite seulement quitter la zone euro et l’UKIP anglais quitter l’Union européenne.

Certains acceptent l’immigration, mais veulent réserver les avantages accordés par l’État exclusivement aux nationaux, surtout pas aux immigrés d’où qu’ils viennent. Ceux-ci devraient se débrouiller dans la plus pure tradition libertarienne américaine – tout en subissant la pression sociale de constater qu’ils ne sont pas les bienvenus. D’autres sont clairement racistes et xénophobes, comme Aube dorée. D’autres encore, comme le Front national ou le DF danois, veulent surtout assurer la sécurité sociale, culturelle et militaire des Français républicains contre les « hordes » menaçantes venues des pays de l’islam intégriste.

Devant ce constat, les droites extrêmes en Europe ne sont pas encore une vraie menace, seulement un signal aux élites représentatives actuellement au pouvoir que toute inaction de leur part pour répondre aux défis sociaux, culturels et géopolitiques du présent les fera sanctionner. Certains commencent à bouger : Cameron au Royaume-Uni, Merkel en Allemagne, Tsipras en Grèce, Renzi en Italie.

Et en France ? L’inerte Hollande poursuit à tout petits pas tremblants ses réformettes et ses discours lénifiants, sous la menace de la gauche de la gauche de la gauche toujours plus à gauche puisque qu’il n’y a pas de chef à gauche (comme Mitterrand ou Jospin surent l’être) et – côté droit – par l’essor du lepénisme, canal historique ou canal politique avec le père et la fille.

PS logo

Au fond, avec le régime semi-présidentiel différent de celui des autres pays européens, c’est peut-être en France que la droite extrême pourrait représenter le danger le plus grand. Les Français aiment être gouvernés, dirigés, guidés – vieux reste romain, catholique et scolaire. Quand ils sentent la main molle, ils radicalisent leurs positions. Même si Manuel Valls (avec l’accord du président) fait un pas vers le réalisme après l’inaction et le déni Ayrault.

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