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Bain caraïbe

Nous revenons au village lacandon en taxi, appelé par radio depuis la cabane du gardien. Le déjeuner n’est pas prêt : si nous n’étions pas revenus, il aurait été inutile de gaspiller de la marchandise. J’ai le temps (je suis le seul) de prendre une douche à l’eau froide du rio passé en force dans les tubes sanitaires. J’ai le temps encore d’acheter à la case-boutique, puis de boire, une bière Modelo pour 15 pesos. J’ai le temps enfin de regarder œuvrer les deux jeunes garçons en tunique blanche, les fils de Poncho. L’aîné peut avoir onze ans, le cadet huit, peut-être. Ils construisent en lattes de bambous et fines lianes une cage pour un oiseau vivant qu’ils ont attrapé au filet. La bête est à leurs pieds, entortillée dans les mailles, et se débat faiblement.

Le poulet, derrière lequel on a couru à notre arrivée, est enfin plumé, vidé et grillé. Accompagné de frites françaises et de riz, il fera notre repas. Des tranches de fruits de la forêt, ananas, papaye et pastèque l’achèveront, servis dans une bassine en plastique. Nous avions faim d’avoir marché toute la matinée !

Le bus est cette fois correctement climatisé, malgré les sempiternelles remarques elles aussi « à la française » des frileuses chroniques que tout changement hante, même d’atmosphère. Il nous reconduit plus vite qu’hier à Palenque. Thomas veut se servir d’internet et nous avons tout le temps. Le bus nous arrête donc au centre de la ville de Palenque, que nous n’avions pas encore vue. Nous déambulons par la rue principale de ce qui apparaît comme un gros bourg sans intérêt autre que commercial. Ici se rencontrent les produits des campagnes comme ceux venus de la ville. C’est un lieu d’échanges où règne en maître l’électroménager. Quelques agences de tourisme proposent des circuits en anglais ou en espagnol.

Sur le Zocalo où nous attendons le retour des flâneurs, assis sur un banc à quelques-uns, j’observe trois filles qui passent. Elles aiment sortir en groupe, faisant front solidaire contre les dragues des mâles s’il en est. Deux d’entre elles se tiennent par le bras. Elles portent un jean très moulant ou un bermuda noir, de hauts talons pour mettre en valeur leurs mollets, des hauts colorés et ultramoulants pour mettre en valeur leurs mensurations et attirer le regard qu’il faut là où il faut. Elles ont, comme les garçons d’ici, un visage quelconque, mais savent mettre leur physique en valeur. Un nuage de parfum persiste dans leur sillage pour qu’on puisse les suivre à la trace. Elles jouent les leurres pour les machos. Ceux-ci, déjà allumés, les suivent du regard. Les filles d’ici sont sans doute « sages », la province étant encore plus traditionnelle dans les sociétés traditionnelles. Mais elles ont appris de la télé et des feuilletons américains qu’il est bon de séduire avant d’épouser. Une fois la première maternité intervenue, adieu minceur, drague et vêtements moulants.

Après cette exploration ethnologique de la faune locale, après avoir croisé de gros flics au pétard macho pesant dans les deux kilos sur la hanche et des ménagères attirées par les vitrines de frigos, machines à laver et autres cafetières électrisées, nous rejoignons les Cabañas de l’hôtel Pancham pour y prendre une vraie douche et dîner.

Il a plu cette nuit, une longue averse tropicale qui crépite sur les feuilles et le toit et goutte ensuite, interminablement. Cet égouttement prolongé provoque le glapissement de filles, des anglo-saxonnes ivres qui rentrent dans leurs cabanes aux premières heures de la matinée sans se soucier des autres. Ces douches venues du ciel m’apparaissent comme un déversement providentiel sur leur égoïsme obtus, un vrai châtiment protestant pour les laver de leurs excès et de leur irrespect foncier du sommeil des autres. Mais, sensualité de la nuit brusquement fraîchie, le diable les guettait derrière un bananier, poilu et en sandales, j’imagine. Car les glapissements se sont mués subitement en râles.

Une part de la jeunesse nord-américaine vient au Mexique traîner son spleen indécrottable et rechercher les sensations fortes de l’exotisme. La morale protestante est si stricte qu’une fois passée la frontière, tout semble permis. Et l’on se vautre alors dans les débauches offertes par les « barbares » (ceux qui ne parlent pas anglais). Coiffures afro ou barbes rousses, toutes et tous portent l’invariable uniforme de l’anglo-saxon en détente : short, débardeur et sandales. Cela sans la moindre considération non plus pour la pudeur du pays. Les Etats-Unis n’éclairent-ils pas le reste du monde ? Cette bonne conscience messianique les éloigne inexorablement des autres sans qu’ils en prennent conscience. Ils sont tout effarés lorsqu’on leur en fait la remarque.

La route vers Campeche, plus de 300 km à faire, regorge de « topes », ces cassis volontairement placés pour ralentir les véhicules. Nous traversons une plaine arborée où la culture s’effectue encore sur brûlis. Des haciendas aux nombreuses vaches sont surmontées d’éoliennes pour donner l’énergie à la pompe qui remonte l’eau du sous-sol pour abreuver les bêtes. Antennes radios, quelques chevaux et pick-up yankees complètent la panoplie des parfaits cow-boys d’ici qui singent leurs grands frères du nord. Nous suivons de gros « semi-remolque » (en mexicain dans le texte) chargés de fret qu’il nous faut doubler « con precaution », ainsi qu’il est pédagogiquement indiqué au-dessus des feux arrière. La route est droite, mais mal stabilisée. Des cars de transports scolaires ont souvent vidé leur cargaison de garçons et de filles sur un pré pelé ou dans une cour bétonnée d’une école de campagne. Où vont-ils ainsi à la journée ? Visiter un site ? Voir une grande ville ? Est-ce l’heure de la pause ou du pique-nique ? Les garçons, chemise blanche et pantalon noir, jouent au foot sur l’herbe pelée avec leurs chaussures de ville. Les filles, assises à plusieurs autour du terrain, les regardent et commentent peut-être leurs sourires.

Près du viaduc : la mer. L’océan Atlantique du golfe du Mexique, jaune pastis et bleu turquoise tel qu’aux Caraïbes, à quelques centaines de milles en face. Le fond est de sable coquillier blanc et les vagues sont mousseuses. L’eau est chaude, autour de 26° probablement. Le goût du sel et l’odeur de poisson grillé qui monte de la paillote installée les pieds dans l’eau mettent en appétit.

Après le bain et le séchage au soleil, après quelques photos de mer, de mouettes et d’ambiance, après avoir ramassé et trié quelques gros coquillages qui prolifèrent sur l’estran, nous allons déjeuner. Une bière fraîche de marque Sol pour changer, une soupe de légumes en entrée, un rouget grillé humé depuis déjà quelque temps et une salade de fruits divers pour finir. La bière est acide, un peu dans la saveur de la Gueuse, elle est meilleure encore avec un peu de citron comme nous le conseille Hélène qui s’y connaît. L’étiquette revendique « la bière de Moctezuma ». Il n’est plus là pour le contredire.

Nous repartons pour deux heures de route sur des chansons angevines du groupe La Tordue qu’aime Thomas et qu’il a apporté sous forme de CD.

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Ambiance de boite à Cha de Paulo

Nous traversons le village, prenons l’autre versant de la gorge d’hier. Le chemin pavé sinue à flanc, bordé d’un muret côté vide. Il a quelque chose d’une muraille de Chine sur la pente. Il va vers la mer. Par les trous des crêtes notre œil s’échappe vers le large. Un grand ciel bleu couvre le paysage, comme toujours, à peine atténué d’un voile sur l’horizon marin. Montée rude, descente de même, du versant ombre au versant soleil, vers la ribeira d’à côté. Cha de Paulo, le village, est plus haut mais nous faisons halte au terrain de foot construit sur un endroit plat du fond de ribeira. Un dispensaire est bâti au-dessus et nous nous installons là. Il est à peine onze heures.

Nous attendons les ânes pour ranger nos affaires et prendre le pique nique. Nous achetons bière et coca à l’épicerie locale minuscule qui surplombe le terrain de foot. Yves nous raconte des histoires d’abeilles. Quelques gamins aux polos usés jusqu’à la corde nous regardent sous leurs longs cils. Danis est un brun vigoureux au col si échancré par les bagarres qu’il lui dégage une épaule ; Vanin porte un polo blanc ; Adrien est le grand frère en salopette de jean. Ils sont curieux et nous observent avec amitié. Nous engageons la conversation en semblant de portugais.

Le déjeuner se compose de taboulé synthétique peu appétissant et de fromage hollandais qui est devenu tout rouge et s’est mis en boule. Comme nous sommes déjà installés pour le soir, de l’eau chaude bienvenue permet un café turc avec la poudre idoine. Plaisir. J’en ronronnerais presque.

Nous partons pour la plage qui étale ses galets au bout de la ribeira Alta. Le sentier vole au-dessus des vagues, ouvert sur l’horizon immense, tout bleu. Flotte une odeur de sel. L’eau s’écrase en contrebas sur les rochers noirs, libérant une écume volatile que nos narines inhalent avec délice. Beauté atlantique faite de contraste de matières, de vaste lumière et de subtiles odeurs. La piste aménagée à flanc de falaise mène à un débarcadère de pirates, un creux de rocher aménagé où viennent se fracasser les vagues. Un escalier taillé dans le roc et rongé de sel permet d’accéder à l’eau. Une barque vient de décharger là du riz et du sucre. Les bateliers ont eu le plus grand mal à la tenir à distance du roc où la mer la poussait à se briser à chaque instant. Des nègres nus attrapaient les lourds sacs et leurs muscles luisaient d’embruns au soleil. Des ânes parqués là ont été chargés, Ils remontent et nous croisent. Deux Noirs aux visages de corsaire les accompagnent des charges sur les épaules. Nous restons un moment à écouter le fracas des rouleaux et à regarder jaillir l’écume neigeuse qui gifle régulièrement les rocs noirs. Une musique ample et virile sourd de la gorge de l’océan, soupir lourd, inlassable et fascinant. Je tente d’observer la lumière ; elle joue sur l’eau qui roule, au travers d’elle quand elle explose en gouttelettes irisées ; elle se répand dans l’atmosphère, donnant à l’air ambiant cet éclat transparent que l’on perçoit au travers d’une loupe.

Au débouché de la ribeira ont été remontées loin des flots quelques barques à rames, de courtes chaloupes à trois bancs de nage. Une fois de plus nous nous installons face à la mer, arrangeant de nos fesses un nid dans les galets. Nous restons silencieux à écouter le fracas des éléments, chacun perdu dans ses pensées, bercé par les braoums des vagues qui s’abattent et les chuintements d’eau qui se retire en faisant chanter les galets. Xavier nous l’avait bien dit, il n’est même pas question de se tremper les pieds, les galets volcaniques ont des tailles de têtes humaines, de quoi se tordre les chevilles avant même d’entrer dans le flux. Quant à se baigner, il n’y faut point songer, c’est trop dangereux ; rouleaux et courants sont impitoyables.

Au soir tombé, la fiesta se prépare, le bal du samedi soir. Nous avions oublié que nous sommes samedi, pas les villageois dont c’est le grand défoulement hebdomadaire, corps déchaînés, jeunesse en rut, musique techno plein les ouïes. Sur la terrasse couverte de la boutique qui surplombe le dispensaire où nous devons dormir, deux gigantesques baffles crachent déjà leurs décibels. Elles passent des pots pourris rythmés juste pour l’échauffement. On nous laissera à peine dîner avant de lâcher les watts. Une feijoada bien dense couronne ce jour sans marche, suivie d’une noix de coco pour quinze, juste pour agacer les dents. Puis les décibels montent pour la jeunesse des ribeiras. S’enchaînent les scies brésilo-portugaises, le disco remixé à Amsterdam. On pousse encore un peu la sono. Défilent sur la platine Lili puis Mi corazon, et d’autres beuglantes à la mode popu locale. La jeunesse est vraiment très jeune, plafonnée à 16 ans – les autres travaillent en ville ou ont déjà émigré.

Impossible de trouver un quelconque sommeil dans le dispensaire qui vibre de basses, à quelques mètres des baffles. Et il y fait trop chaud. Je pars dormir seul à la belle étoile, sur le stade bien aplani. Je dormirai assez bien, malgré le son qui se prolonge fort tard dans la nuit. L’éclairage public s’arrête vers minuit : l’électricité est coupée et avec elle le son. Soulagement de courte durée car – qu’à cela ne tienne ! – on met très vite en route un générateur à mazout, qui vient rétablir la sono et ajouter son grondement régulier ! Le courant électrique a été apporté jusqu’au village il y a deux mois seulement, nous a-t-on dit, juste avant les élections municipales. Depuis, on en use comme de nouveaux riches, à profusion. Il faut bien que jeunesse s’amuse et que les corps s’apaisent dans l’agitation et le rythme.

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Arrivée à San José, capitale du Costa Rica

Notre guide francophone s’appelle Adrian ; il nous cueille à la sortie de l’aéroport Santamaria de San José. Il habite sur les hauteurs de la capitale, à 2600 m et cultive des citrons et des avocats. Il a le teint fleuri et la panse rebondie d’un Sancho qui aime ses aises.

Sans José, la capitale, nous apparaît presque vide en ce dimanche. C’est pourtant là que vivent la plupart des 4 millions d’habitants du pays, à 70 % Métis et 14 % seulement Blancs.

Nous voyons des hôpitaux, une cathédrale, une avenue centrale commerçante au tiers piétonne, des banques, une gare routière de bus et l’on suppose quelques bâtiments administratifs. Comme nous dira Adrian, pour faire une ville au Costa Rica il faut six choses : une église catholique (le curé est plus important que le maire), un stade de foot, un supermarché, un bar, une mairie et un poste de police. Le dimanche a lieu la messe des commères à six heures, la messe familiale à neuf heures, le foot à onze heures, le repas obligatoire chez la grand-mère à treize heures, la messe des jeunes à dix-huit heures (qui est plus lieu de rencontre entre les sexes que de dévotion), puis le bar pour tout le monde jusqu’au coucher. La ville serait à 1200 m d’altitude. Proche de l’Équateur, les saisons sont très peu marquées aujourd’hui ; Adrian nous dit qu’il fait « sec » tout le temps par rapport à son enfance. Nous connaitrons cependant bel et bien la pluie.

Une fois posés à l’hôtel, nous effectuons un tour dans la ville à la nuit qui tombe, c’est-à-dire vers 18 heures, heure tropicale du crépuscule. Des pauvres errent dans les rues, plus clochards que mendiants. De mamas grosses, des papas souvent un gosse dans les bras. J’observe un nombre impressionnant de McDonald’s au mètre carré. La moitié de la population du pays vit sur les plateaux et la moitié de cette moitié autour de San José. La côte est riche de verdure plus que d’or et de jade comme le croyait Colomb. Les dimensions du pays représentent deux fois la Corse. La terre est volcanique, très arrosée, d’où les cultures florissantes et les échanges avec les peuples voisins pour les céréales, les fruits, l’or et le jade avant la conquête. Christophe Colomb serait Génois mais la Corse faisait partie de la république de Gênes, donc Colomb est revendiqué par l’histoire corse. Adrian aurait visité sa maison. Il en existe une à San José, la Casa Colon, mais il s’agit d’un hôtel qui s’est approprié le nom.

Le guide, qui aime manifestement manger (il faut voir comme il a le nez qui frétille lorsqu’il évoque la nourriture) nous affirme que le citoyen costaricien fait sept repas par jour : un petit-déjeuner de riz et haricots à six heures à l’aube ; un casse-croûte à neuf heures avec des œufs et du fromage ; un déjeuner à midi plus léger en raison de la température ; à quinze heures un œuf et du fromage avec le café ; le dîner à dix-huit heures au crépuscule avec riz et haricots. Le soir est réservé au bar avec tapas, c’est un lieu où se retrouver et regarder la télé.

Notre hôtel s’appelle La Rosa del paseo et se reconnaît par son grand bi adossé négligemment à la façade, la roue avant immense et la roue arrière minuscule.

Il est doté d’un patio végétal très agréable. Son adresse : « à 50 m à l’est de Budget Rent a Car ». Les adresses habituelles avec nom d’avenue et numéro ne sont pas reconnues par les gens d’ici. Il y a bien une numérotation mais l’usage est de situer l’adresse en fonction des lieux remarquables alentour. La plupart du groupe va dîner au Pizza Hut ouvert le dimanche, le reste se passe de dîner comme moi, fatigué et suffisamment nourri dans l’avion.

Le change des devises en monnaie locale s’effectue soit par distributeur de cartes bancaires, il y en a plusieurs dans la rue principale, soit en donnant tout simplement un billet de 10 $ américains pour acheter une bouteille d’eau à 0,50 colones : la monnaie est rendue car le commerçant préfère les dollars en raison de l’inflation.

La nuit est agréable sans trop de réveil, elle rattrape la précédente. Ceux qui ont bien dormi hier ont peu dormi aujourd’hui à cause du décalage horaire de 8 heures en été : 18 h à Paris égale 10 h à San José. Le groupe comprend, comme souvent dans les voyages peu sportifs, une majorité de filles mûres mais aussi deux couples. Toutes veulent leur petit confort, « surtout pas de tente me dit l’une, et une douche chaude tous les soirs ! » La jeunesse est loin et l’esprit d’aventure avec. Eff, énarque, magistrat administratif au Conseil d’Etat et Lillois d’origine, se trouve être mon compagnon de chambre.

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Carine à Paris

Carine à Paris est une table d’hôtes confidentielle en plein cœur du 8ème arrondissement, à cinq minutes des Champs-Elysées, au tout début de la rue de Courcelles. Marcel Proust avait sa chambre au numéro 45, au-delà du boulevard Haussmann. C’est un appartement privé, dans lequel l’hôtesse sert à manger. De ses fenêtres, les convives peuvent voir le transept de Saint-Philippe du Roule au plan basilical de 1784.

Sur réservation, tous les événements un peu intimes peuvent être traités dans un cadre calme et cossu : petit-déjeuner (25€ TTC), déjeuner ou dîner (60€ ou « express » 45€), mais aussi cocktail ou réunion. Carine, blonde élancée au large sourire, fait elle-même la cuisine et sert avec discrétion.

J’ai eu l’heur de tester le décor et la cuisine au déjeuner.

Un interphone particulier est relié à la rue peu passante. Dans le hall, un lustre s’allume a détecteur de présence. Un ascenseur (j’ai pris pour ma part l’escalier) permet de joindre le troisième étage sur un tapis destiné à étouffer le bruit des pas. L’entrée ouvre sur la cuisine en face, discrètement fermée, et sur la salle à manger et le salon de suite sur la gauche. La première donne sur le bas-côté de l’église, le second sur l’étroite rue de Courcelles. Les murs et les plafonds sont de blanc crème pour donner plus de lumière.

Le salon est tout de rouge orné, un vaste tableau représentant une tigresse et ses deux petits rappelle à notre hôtesse son rôle avec ses deux enfants. C’est du moins ainsi qu’elle se perçoit. Malgré le style un brin Louis XIII, un vaste écran plat sur mur rappelle le XXIe siècle. Nous sommes régalés au champagne et aux amuse-gueule faits maison, morceau de saucisse en pâte feuilletée et boulette de légumes.

Une fois les présentations faites et la coupe vidée, tous ceux qui devaient venir sont arrivés – et nous sommes conviés à passer à table dans la pièce à côté. Celle-ci est tout en blanc crème et or, à la fois gaie, chic et neutre. Un trompe-l’œil fort bien peint figure une petite bibliothèque, tandis qu’un lampadaire est composé d’un montant de bois brut et d’une enveloppe de papier-cuisson qui diffuse la lumière. Entre les deux fenêtres, une grande pendule minimaliste blanche égrène les minutes ; les heures sont figurées par des oiseaux en vol. Un buffet tout simple termine la pièce tandis qu’une longue table peut recevoir jusqu’à douze convives.

Dans la vaisselle blanche ornée d’or fin, nous est servie une verrine de purée de carotte au cumin, à déguster à la petite cuiller, avant la carbonade de bœuf, longuement mijotée à feu doux dans des cocottes individuelles. Un petit pot de rattes grillées sert de légume. Le vin rouge est goûteux et corsé, adapté au plat, issu d’un vignoble étranger pour contenir les prix.

Le dessert est un montage de caramel et crème sur biscuit en verrine, qui est suivi d’un café expresso dans des tasses blanche en forme de cœur.

Nous nous sentons à la fois comme à la maison et loin de toute oreille indiscrète. Même les deux enfants, garçons je crois, et encore petits, ne diffusent que de très rares bruits lorsque la porte de service s’ouvre. Il va de soi que le menu – majoritairement bio – s’adapte à la saison et aux goûts définis des convives, mais l’inventivité et le décor dominent. Tout est fait maison, « sauf la boulangerie » nous affirme Carine Paris, qui s’est formée à l’école supérieure de gastronomie Ferrandi après des années en immobilier d’entreprise.

Cette adresse est un jardin secret où discrétion et sérénité dominent. La prestation à la carte peut être combinée avec une animation à réserver sur le thème du vin, de la chanson, du tourisme à Paris ou même du maquillage.

Carine à Paris, 7 rue de Courcelles, 75008 Paris, 01 73 73 35 28 ou 06 19 13 00 38

Vous trouverez un exemple de menu de saison, le plan d’accès et la réservation en ligne sur le site www.carineaparis.com

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La visite du président Hollande en Polynésie

Le Président Hollande qui est venu faire un petit tour en Polynésie a distillé des bonnes nouvelles, distribué des millions (les as-t-il ?) et est reparti. Des sous, des promesses, quelques mots sur le nucléaire, mais pas de demande de pardon… Les manifestants anti-nucléaires étaient bien présents. Dans la Loi Morin, pas de nouveautés donc déception pour ceux qui se battent depuis des années. Il y aurait plus de 1 000 demandes d’indemnisations et seule une vingtaine a reçu une proposition. La DGA (dotation globale d’autonomie) – qu’on appelle la dette nucléaire – sera sanctuarisée dans le statut de la Polynésie et son niveau sera de 30 millions d’euros dès 2017. Pour la dépollution de Hao, l’atoll où les Chinois veulent construire un élevage de poissons, rien de bien neuf non plus. Il resterait du plutonium disséminé sous la piste d’aviation. Hao était la base arrière de Moruroa. Hollande a reconnu des impacts aux essais nucléaires. Quant à la surveillance de Mururoa et de Fangataufa, elle existe déjà mais les informations n’arriveraient que deux, trois ans plus tard. La seule vraie bonne nouvelle semble être la promesse que l’État va apporter 700 millions de XPF pour aider au développement du service oncologie et mettre à disposition trois médecins internes au Centre hospitalier de Tahiti.

hollande sur la tombe de pouvanaa

Le Président était arrivé avec le soleil, mais est reparti avec ! Hollande est certainement allergique aux colliers de fleurs, dès qu’il en recevait il s’en débarrassait aussitôt. Mais il n’a pas échappé pas aux selfies, on dirait même qu’il y prend goût. Un marchand de perles lui offre un collier de perles POUR HOMME, il le met rapidement dans sa poche… Le programme est chargé. Arrivé à 22h46 sur le tarmac de Faa’a, à 23h10 il déclare : « je suis ici en France« , aïe, cela n’a pas dû faire plaisir à toutes les oreilles ! Le lendemain, à 6h38, il dépose une gerbe, se recueille sur la tombe de Pouvanaa a Oopa – selfies. À 7h30, il débarque au marché de Papeete dans un joyeux tumulte. Musique, tambours, les officiels, les petites gens. Hollande serre des mains, goûte des tas de produits, embrasse, sourit ; certaines marchandes de poisson (du frais, hein !) avouent « avoir fait tous les présidents : Giscard, Mitterrand, Chirac. » Quelques centaine de mètres à pied dans la cohue pour se rendre à la mairie de Papeete. On est à Tahiti et il fait chaud. De l’eau de l’eau.

Photo de famille, il rencontre en privé Michel Buillard, le tavana (maire) de Papeete et se change. Le président est en costume sombre, chemise blanche, cravate. Je pose une question à mon ami le Colonel Alain : « Colonel, le nœud de cravate était-il réglementaire ? Les poignets de chemise sortaient-ils comme il se doit ? » Merci Colonel de vos commentaires. Et bien sûr, dans une autre bafouille, je vous tiendrai au courant des notes d’habillement obtenues par le Président Hollande ! Certainement rafraichi, le président va assister aux spectacles de danses des groupes des cinq archipels où il dit « être parfaitement en France ». Direction la Présidence, le Versailles de la Polynésie. Il est 11 heures et il est attendu par un millier de personnes : invités, élus, chefs d’entreprise, fonctionnaires, militaires. Il faudra encore que ce public patiente, Président se refait une beauté, il a dû mouiller la chemise ! Fritch, président de la Polynésie enlève en 13 minutes son discours, 30 minutes pour le chef de l’État, tous les sujets sont abordés.

Enfin le déjeuner au Haut-Commissariat. Le menu ? Crevettes, mahi mahi sauce vanille, des frites d’uru et purée de taro et un café gourmand. Il apparaît détendu, il a même tombé la veste parait-il ! Colonel Alain, serait-ce bien dans les règles vestimentaires ce dépôt de veste ? La journée n’est pas finie. En route, il faut 40 minutes au Falcon pour déposer ces messieurs sur la piste d’Uturoa (Raiatea Iles sous le vent). 14h39, il monte à bord de l’une des deux pirogues à moteur qui emmène la délégation sur le site du marae de Taputapuatea.

À 15h40, Président débarque à Taputapuatea, 3 000 personnes l’accueillent, l’ambiance est joyeuse et conviviale. Sur le marae, Hollande reste à l’extérieur, seul Édouard Fritch se déchausse pour porter l’offrande. Il rend hommage à la culture polynésienne et annonce la création d’un musée, les sous sont toujours les bienvenus ! Un petit tour au buffet, un aller-retour à la plantation de vanille Hotu Vanilla. Le voyage officiel est terminé. Il lui reste un dernier rendez-vous « amical » à Faa’a chez Oscar Temaru où (d’après Oscar) ils n’auraient parlé d’aucun sujet qui fâche. Zont parlé de quoi alors ?

aides de la france a tahiti

Il semble que l’on ait parlé beaucoup de sous avec en plus. Pour exemple : un prêt pour l’hôpital de 1,7 milliards de XPF ; des terrains gratuits pour le logement social ; la défiscalisation jusqu’en 2025 même pour les projets chinois du Mahana Beach et la ferme aquacole ; une amélioration de l’aéroport de Faa’a ; un nouveau bâtiment multi-missions pour la Marine ; le soutien de l’État à l’énergie thermique des mers ; pour Taputapuatea un accord technique de l’État et une coopération pour le développement culturel avec l’ouverture d’un musée ; un investissement massif dans l’économie bleue. L’État aurait-il des revenus non déclarés ? Sinon des miracles devront se produire… Amen.

Hiata de Tahiti

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Chongking et Dazu

Avion pour Chongqing, ville la plus peuplée de Chine 30 millions d’habitants, capitale provinciale du Sichuan devenue en mars 1997 une municipalité indépendante au même titre que Pékin et Shanghai. La guide n’est pas à la hauteur même si c’est une grande et belle jeune Chinoise. S’en suit une cabale contre cette guide dépêchée par l’agence locale ; elle est étudiante, donne des cours à l’Université et a déjà fait un voyage en Europe. Elle n’avait jamais conduit un groupe de touristes, francophones de surcroît ! Afin de nous occuper, elle nous demande l’autorisation de nous faire le même cours d’économie qu’à ses étudiants ! Un problème de porteurs à l’hôtel qui réclament un pourboire alors que celui-ci leur est donné par l’agence locale en absence du guide national. Fâché par notre refus, ils iront cacher nos valises au milieu des pots de fleurs. Un excellent dîner à 12 nous réconforte. Depuis le 9ème étage, nous jouissons d’une belle vue sur une partie de la ville et la rivière Jianling.

CHONGQING

A quatre heures du matin, je suis réveillée par le téléphone. TM, coq dans l’horoscope chinois est déjà partie dans la salle de bains. – Qui appelait ? – Je n’en sais rien ça parlait chinois. – Mais tu es Chinoise, non ? Cinq minutes après, on frappe à notre porte. C’est un individu de sexe masculin qui s’engouffre dans la salle de bains et ressort rapidement. – Que voulait cette personne ? – Je n’en sais rien ! Je me lève et me rends dans la salle de bains, pas de fuite, pas de lampe grillée. Bizarre. – N’aurais-tu pas touché à quelque chose ? – Non. Soudain, après une minutieuse inspection, je découvre le bouton rouge SOS proche de la chasse d’eau. TM avait appuyé sur le bouton SOS au lieu de tirer la chasse d’eau… et refusé de le reconnaître.

Nous sommes dans la province du Sichuan, une cuvette profonde coincée au cœur des hautes montagnes, à l’ouest des contreforts de la chaîne enneigée de l’Himalaya. Le nom Sichuan signifie « quatre rivières », les quatre affluents du Yangzi : le Jialing, le Minjiang, le Tugiang et le Wujiang. Le barrage des Trois gorges achevé, Chongqing s’étendra sur les rives du plus grand lac artificiel du monde. Cette ville est le point de départ ou d’arrivée des croisières sur le Yangzi et le berceau de la cuisine épicée du Sichuan. Le poivre du Sichuan, vous connaissez ?

DAZU BAODING LA ROUE DE LA LOI

Petit déjeuner correct sans plus. Le brouillard recouvre la ville. Il faut 5 h de bus pour aller admirer les sculptures de Dazu. Les grottes bouddhiques de Dazu à elles seules sont une raison suffisante pour visiter le Sichuan. Ce n’est que vers la fin de la dynastie Tang (618-907) que les travaux de ces grottes ont débuté. La plupart datent des dynasties Song (960-1127). Donc, pas d’influence étrangère mais un style très chinois. Ces sculptures illustrent les écritures bouddhiques. Le Besishan ou « colline du Nord » comporte 290 grottes, 262 renferment des sculptures réparties sur 300 m de long et 7 m de haut. 4300 statues au total ! Le Baoding Shan ou « sommet précieux », fondé par un moine qui avait l’ambition de créer un lieu où toutes les traditions bouddhiques du Sichuan de son époque seraient représentées. Sur ce site on trouve des scènes de la vie quotidienne. Des images confucéennes ou taoïstes apparaissent au milieu des images bouddhiques.

DAZU BAODING SHAN bOUDDHA COUCHE

Un gigantesque Bouddha couché, 32 m de long, et 5,50 m de haut, représente l’entrée dans le nirvana de Sakyamuni (le moment où il quitte le monde). Son visage est empreint d’une sérénité majestueuse. La visite est très agréable et instructive principalement sur ce site. Le second est, à mon avis, moins intéressant mais nettement plus fourni en marches, mon genou en a compté 180. Dîner en ville, pas de dessert, pas d’eau, les responsables du restaurant ne veulent pas échanger 2 bières contre 1 coca ou une limonade. Toujours le même problème avec le papier toilette dans la chambre d’hôtel. Ils ont dû précompter 4 feuilles par jour et par personne. Attention au dépassement qui pourrait être facturé !

DAZU

Petit déjeuner dans une salle décorée pour un mariage. Direction le zoo où les pandas géants viennent de recevoir leur déjeuner et se régalent. Tour dans le zoo. Repas agréable dans un resto mais la bouffe est toujours trop grasse. Visite du quartier Ciqikou intéressant. Dîner excellent, fondue chinoise en attendant les « Tibétains » qui rentrent de leur périple.

Hiata de Tahiti

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Villages le long du Nil

Nous débarquons sur une rive pour prendre une bétaillère et aller voir un village de l’intérieur, Daraw. Il s’y tient habituellement un marché aux chameaux. Nous y trouvons peu de bêtes et aucun acheteur, mais une couche de crottes sèches, épaisse comme un tapis moelleux. Les quelques bêtes qui reposent pour la vente sont entravées, la patte avant étant liée repliée. Un adolescent monté sur un grand mâle blanc caracole et prend des poses. Il se plaît à proposer la photo pour « un stylo » ou pour le simple plaisir de se faire admirer. Il arrange artistement son chèche pour paraître à son avantage devant les filles, et peut-être pas seulement devant elles.

gamin sur chameau Egypte

Ensuite, le marché. Deux garçons ont sauté sur le marchepied arrière de la voiture et nous accompagnent par curiosité. Le plus grand a un physique princier avec son museau finement allongé et ses narines fièrement dessinées frémissantes d’émotion. Les boutons de sa chemise ont sauté depuis longtemps et sa mère les a sagement remplacées par du fil à coudre pour qu’il ne montre pas trop la nudité de sa poitrine. Il doit enfiler le vêtement par le haut, comme une tunique.Un autre a le tee-shirt punk, comme coupé au rasoir sur l’épaule.

adolescent egyptien

Nous ne passons guère plus d’un quart d’heure dans les rues marchandes. C’est un marché banal : des étals de fruits et de légumes, des chaussures, de la viande – mais les touristes-femmes aiment les marchés… Une boucherie chamelière offre aux regards un arrière-train d’où pend encore la queue de l’animal dépecé. Le gros gamin qui tient le stand brandit une patte à la large sole en rigolant, à mon attention. Il me montre aussi les yeux, gros comme des œufs et brillants comme des billes. Il croit ainsi me révulser. Mais j’examine tout cela comme s’il s’agissait de choses inertes (ce qu’elles sont) et je vois dans ses yeux qu’il commence à me prendre au sérieux. Il accepte que je prenne la photo de l’étal et du boucher en prime. Entre « mâles » on se comprend.

boucherie de village egypte

Quelques minutes de bétaillères nous reconduisent aux bateaux où nous embarquons pour déjeuner dans le grondement du moteur. Le bruit rend inutile toute conversation à plus de deux et abrutit en prime. N’étions-nous pas sensé aller à la voile ? C’est flemmardise de la part des bateliers car il y a un peu de vent et nous rencontrons des bateaux qui ont les voiles gonflées ! La vue de la viande morte ne m’a pas impressionné, ni coupé mon appétit. Les cuisiniers nous ont concocté une nouveauté, le foul, ce plat de fèves traditionnel. Ils ont frit aussi des beignets d’épinard, taillés comme des crottes de chameau. Les filles : « ah, tais-toi, ne dit pas ça, c’est immonde ! » Leur imagination travaille trop. Il ne faut pas avoir la magie des mots et croire qu’ils sont des choses réelles : le mot chien ne mord pas, que je sache ! L’aspect doré, l’odeur alléchante, le croustillant sous les dents, sont des réalités bien plus tangibles que les mots : cela ne fait rien, il restera plus de beignets pour ceux qui savent les aimer.

maison de fellah bord du nil

Le Nil, à cet endroit, n’est pas séduisant avec ses baraques de fioul et ses hauts pylônes électriques. L’après-midi, de même, est plutôt décevante. L’air est lourd, le soleil partiellement voilé. Nous allons marcher parmi les palmes. Le village de terre de Cherfadn, longé par un canal, n’a guère d’intérêt. Peu de gens vont et viennent, quelques gosses, des femmes allant chercher de l’eau. Sur le mur d’une maison est peinte à fresque la gloire d’un pèlerinage mecquois : l’avion d’Egyptair, le cube noir de la Kaaba, des inscriptions en arabes vantant la gloire de Dieu. Adj va nous acheter une boisson pétillante locale ; elle a un goût de pomme mais elle est surtout entièrement chimique avec une saveur acidulée typiquement anglaise. C’est gentil, lui aime ça, mais beurk !

porte musulmane bord du nil

Nous regagnons les rives du Nil et croisons des jeunes filles revenant du canal, la jarre d’eau sur la tête. « Salam aleikum ! » Elles ont des yeux de feu sombre et un teint d’abricot mûr. Nous reprenons le bateau… à moteur. Des felouques à voiles nous font la nique ; elles descendent lentement le Nil dans le silence des oiseaux. Pas nous. Nous suivons plutôt le train trépidant et quasi continu des bateaux usines qui descendent de Louxor. Nous croisons un bateau à aube, l’un des deux seuls qui subsistent sur le Nil. L’El Kharim a été construit en 1917. Il est plus racé que les modernes HLM flottants. Nos felouques n’ont de voiles que le décor : il est tellement facile de se faire traîner au moteur ! On invoque toujours le prétexte du vent qui n’est pas là, ou pas suffisant, ou pas dans le bon sens…

bateau usine sur le nil

De loin en loin, les rives sont bâties des « floating pump stations », stations construites en coopération avec le Japon pour pomper l’eau du Nil vers les canaux d’irrigation. La plage où nous nous installons ce soir a une rive de deux ou trois mètres, pas plus. Les abords sont très sales ; les tentes de toilette ont été montées dans une pente, ce qui est éminemment pratique pour se laver, en acrobatie sur un pied ! Les bateaux lourds qui fendent le Nil nous envoient leurs vagues d’étrave qui éclaboussent la rive et font tanguer les felouques. L’étape n’est pas intéressante. Les felouquiers se baignent avec Adj, heureux d’être tout nu dans l’eau fraîche. Un jeune homme du groupe les imite, au grand dam de sa femme qui craint les petits vers traîtres de la bilharziose. Elle en cache sa serviette : « il séchera, il ne s’essuiera pas avec ! » Lorsqu’il sort, ruisselant, il la trouve et s’essuie avec. Adj n’a pas de serviette, ou ne veut pas la mouiller. S’il renfile à cru son pantalon, il reste un long moment torse nu à offrir sa musculature, dont il est fier comme tout jeune homme.

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Temple des Lamas et temple de Confucius

Nous visitons ce matin le temple des Lamas, une enclave bouddhiste tibétaine anachronique, aux limites de la ville de Pékin. Le soleil se montre, qui fait briller les couleurs et donne un éclat net à la neige accumulée depuis hier. La succession de pavillons décorés, construits en 1694, laisse une impression de grandeur. 1500 lamas y vivaient ; il n’en subsiste aujourd’hui qu’une cinquantaine, récemment autorisés. A l’intérieur des bâtiments, des statues nous regardent, placides, comme elles regardent le monde depuis des siècles. Quelques dévots viennent procéder aux inclinations rituelles devant le Principe (il n’existe pas vraiment de « dieux » au Tibet) puis ils vont allumer trois bâtonnets d’encens dans la cassolette en face du temple. Des chinois athées se moquent ouvertement de ces simagrées.

temple des lamas 1694

Dans le pavillon principal dite « la salle de l’éternelle harmonie » se déroule une cérémonie haute en couleurs et aux sons expressifs. Chants et gongs nous attirent. L’odeur rance de beurre de yack brûlé par les lampes nous repousse. Vêtements rouge sombre, couleur de sang séché, bonnets jaunes comme le soleil d’hiver, les lamas officient dans une atmosphère de Tibet.

temple des lamas pekin 1993

Les cours des pavillons s’ornent d’arbres centenaires, aux troncs torturés comme des bonsaïs géants. La neige qui les saupoudre leur donne un cachet d’éternité. Les parois des maisons sont peintes de couleurs gaies. Le Tibet n’est pas triste et sa religion est remplie de couleurs. L’austérité prolétarienne très terre à terre voit cela d’un mauvais œil, d’autant que les dieux ou les principes ne sont pas ceux du Parti unique, avant-garde du Prolétariat scientifiquement en marche vers l’avenir historique. Sentant leur force, les caciques du parti tolèrent ces déviances archaïques comme une « preuve » de démocratie, mais il ne s’agit que d’affichage politique vis-à-vis de l’extérieur, de ces pays capitalistes dont ils lorgnent les capitaux pour le développement de la Chine.

temple des lamas grand ding en cuivre 1747

La promenade dans les jardins du temple et parmi les pavillons est un plaisir dans le froid et la lumière qui donne au tout un air de Tibet. Le temple de Confucius n’est pas restauré en 1993. Il garde des couleurs ternes qui se fondent mieux dans le paysage naturel. A l’intérieur du pavillon principal, nous est offert un concert d’instruments traditionnels : une flûte multiple, un lithophone, un instrument à cordes, et cet os percé qui rend un son si triste.

lithophone Temple Confucius

Nous revenons à l’hôtel de Pékin en bus. L’après-midi sera libre et nous prenons bourgeoisement le déjeuner au restaurant traditionnel de l’hôtel, selon un menu déjà connu en Occident. Surtout, pas d’exotisme ! Tel semble le leitmotiv des femmes qui gouvernent notre exploration pékinoise. Elles ont si peur d’avaler du serpent sans le savoir ! Ce sont donc de très banales crevettes setchuanaises, des pattes de canard bien conventionnelles, du riz que l’on reconnaît sans conteste, mais méfiance sur les légumes : quels sont ces petits bouts d’aspect un peu caoutchouteux ? Ne serait-ce pas… Oh, les fantasmes ! Est-ce utile de voyager si l’on ne sait pas sortir de sa routine ? La Chine, cet endroit vilain où l’on mange de si dégoûtantes choses… Nous prenons le café dans la chambre partagée par deux d’entre d’elles. Elles ont apporté des sachets de café lyophilisé et c’est une bonne idée.

Nous allons en groupe (comme tout Chinois) au Magasin « de l’amitié », qui se situe dans la même avenue que l’Hôtel de Pékin, mais à trois kilomètres de là. L’amitié, c’est l’échange : ainsi traduit-on « commerce » dans l’idéologie maoïste, très égoïste et encore en vigueur malgré la mort du Timonier. Ce magasin, le plus ancien, reste le plus agréable et le plus complet de tous ceux dans lesquels on nous a traînés jusqu’ici. Est présenté tout ce qui peut être rapporté d’artisanat chinois. Des « papiers découpés » ont des couleurs vives et représentent des masques et des fleurs. Un chemisier de soie blanche brodé de bleu fait le bonheur d’un amie tandis qu’elle fait emplette de cerf-volant pour ses petits.

temple de confucius sous la neige

Nous revenons à pied, en flânant. Le froid est vif. Nous déambulons au milieu de Chinois à pied (par centaines), en vélo (par dizaines) et en bus (par milliers). Le long de l’avenue, entre les deux hôtels touristiques l’International et l’Hôtel de Pékin, nous observons en ce février 1993 les premiers symptômes de la « gangrène capitaliste » : des commerces individuels de bouffe. C’est ce qui est le plus facile à réaliser et à vendre ; le plus facile à autoriser aussi sans déstabiliser tout de suite l’idéologie. Se multiplient donc les marchands de brochettes en plein vent, les préparateurs de nouilles, les vendeurs de sandwiches, de brioches, de pains ronds au sésame. Petits pains en rang, morceaux de foie en vrac, rognons grillés, et même des enfilades d’oiseaux en brochettes… et autres cadavres « qui ressemblent à des rats » selon une amie, écœurée au bout de quelques dizaines de mètres. Et son mari qui déclare, innocemment : « on pourrait venir manger ici, un soir ; moi j’aimerais bien ».

pekin stands de bouffe

Je comprends enfin ce qui me gênait depuis le premier jour à Pékin : l’absence de chants d’oiseaux. Dans toutes les villes au monde, même à New-York, on peut entendre des chants d’oiseaux. Pas à Pékin. Et ce silence est étrange, mais l’explication réside sur les étals : les oiseaux existent, mais systématiquement chassés pour être cuits en brochettes !

Revenus à l’entrée de l’hôtel, nous bifurquons dans l’avenue qui part vers le nord pour voir quelques boutiques. L’un cherche des calligraphies et des dessins, les autres des soieries. La rue est très animée à cette heure, les commerces alimentaires qui se succèdent sont bien remplis. Les dessins que l’on trouve sont rarement de qualité (mais il y en a), souvent chargés ou vulgaires. Je note une différence extrême avec ce qui se fait au Japon. Je crois qu’il faut en incriminer la révolution et surtout le « mépris prolétarien » pour l’art, les lettres et les thèmes traditionnels. Résultat : au bout d’une génération, le peuple chinois a été ramené au niveau technique artistique de l’école primaire, sans goût ni technique et, qui plus est, content de sa médiocrité !

Pourtant, s’il méprise son histoire « féodale », le fond de sa philosophie n’a guère changé : Confucius paraît en filigrane sous Mao. Même « l’ouverture économique », comme nous l’expliquait ce matin le guide, est une campagne lancée d’en haut et réalisée collectivement. On a l’impression d’une histoire cyclique d’ailleurs : la fameuse impératrice Ci Xi (Tseu Hi), n’a-t-elle pas soutenu un temps, après la révolte des Taipings, le mouvement « Gestion à la mode occidentale » qui prônait l’auto-renforcement de la Chine par imitation des modèles étrangers, entre 1860 et 1885 ? Aujourd’hui, en art, tout raffinement a disparu. L’inspiration artistique reste pauvre, sans talent, sans histoire, sans émulation, en un mot maladroite. Les porcelaines, les calligraphies, les dessins sur rouleaux, les bronzes, tout cela est bien meilleur au Japon. Je peux y rajouter les femmes. Les Pékinoises 1993 ne se mettent pas en valeur ; elles sont mal habillées et apparaissent très quelconques. Et pourtant, à observer quelques jeunesses, il suffirait de peu de chose.

Par routine, et pour éviter les « rats cuits », nous dînons ce soir à l’hôtel, dans le même restaurant qu’à midi. Puis nous retrouvons nos chambres où la moquette usée reste couverte de poussière. Je crois que le service ne connait pas l’aspirateur et qu’ils se contentent de passer le balai. Pourquoi, dès lors, mettre de la moquette ? Un dallage ou un parquet suffirait pour le nettoyage, une moquette sans aspirateur est une infection. Mais telles sont les contradictions chinoises.

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Première randonnée en Arménie torride

Nous voici déjà au lendemain et, au rendez-vous de 12h30, nous prenons le bus orange et noir Mitsubishi diesel qui nous est affecté pour la durée du séjour.

Nous avons 35 km à faire hors d’Erevan. Les gens d’ici prononcent iérévan et seule l’écriture à l’anglaise respecte cette euphonie : Yerevan. Le bus sort de la banlieue, la ville compte un million et demi d’habitants ! Il dépasse les usines chimiques désaffectées depuis la chute de l’URSS, s’enfonce dans la campagne sèche parsemée de collines. La verdure, nous dit notre guide arménienne, est florissante en mai, beaucoup d’herbe et de fleurs, mais le soleil impitoyable dès juin dessèche tout à cette altitude (près de 1500 m). Nous enfilons de petites routes à peine goudronnées, remplies de nids de poule. Difficile de garder une voirie correcte en raison de l’écart des températures entre hiver et été.

Les tubes qui courent le long des routes et des murs des maisons, sont des conduites de gaz. Ils forment une arcade d’honneur au-dessus des portails. Le gaz venait autrefois d’URSS et était distribué en conduites enterrées. Après l’indépendance arménienne, la fermeture a duré une dizaine d’années et le réseau souterrain est devenu trop cher à réhabiliter. Le gouvernement a choisi le réseau à l’air libre, moins cher à réparer et facile à construire. Le gaz vient désormais aussi d’Iran, avec lequel l’Arménie a une frontière commune au sud, pour éviter de dépendre de la Russie pour tout. Quelques années d’hiver très rude ont fait comprendre la géopolitique aux Arméniens jusqu’ici hébétés dans le confort du grand frère russe. La sécurité ? Les fuites sont moins graves à l’air libre, elles ne forment pas de poche de gaz explosives. En cas de feu par accident, le gaz brûle, il ne saute pas. Et il est plus facile de voir où couper l’arrivée de gaz quand le réseau est extérieur. En bref ce n’est pas beau mais moins cher et utile à tous.

Le village s’étire sur la pente, bordé de longs murs qui abritent des vergers et des jardins. La température dépasse déjà les 35°. Notre guide arménienne hésite sur la direction à prendre. A pied, nous ne suivons pas le bon chemin. C’est un titi curieux de cette bande d’étrangers, apparu à la fenêtre d’étage d’une maison, qui nous interpelle en nous voyant passer. Il va nous guider vers la bonne ferme.

Sous une tonnelle rafraîchie par un jet d’eau, face à la gorge de Garni, la table nous attend pour notre premier déjeuner arménien. Les entrées sont accumulées entre les assiettes pour que chacun choisisse selon son goût et l’ordre qu’il veut. C’est la coutume ici.

Nous avons la salade de tomates crues au concombre, des aubergines, des poivrons et quelques piments grillés et pelés, des olives noires, du fromage de brebis ressemblant à la feta.

Suivra le plat chaud, du poisson du lac, une truite saumonée coupée en gros tronçons et grillée elle aussi. Nous sommes servis par la mère et sa fille de dix ans aux yeux très clairs, joli visage, sourcils  broussailleux qui se rejoignent au-dessus du nez.

Pour éviter la turista, nous avons de l’eau minérale en bouteille, avec ou sans bulles, du thé glacé préalablement bouilli et même du vin de l’année, produit sur la propriété. Le maître de maison est tout fier de faire goûter aux Français son œuvre vinicole, présentée dans une bouteille de Coca Cola de deux litres. Le vin est fruité, légèrement frisant, agréable à boire. En dessert un biscuit aux noix, qui poussent leurs coques au-dessus de nos têtes, appelé traditionnellement paklava. Il est surmonté de tranches noires et souples qui sont des noix vertes mises à conserver dans l’eau sucrée.

Le paysage, vu de la terrasse, montre notre randonnée : le canyon de Garni et ses orgues basaltiques spectaculaires au fond, le temple païen de Garni sur la rive en face. Nous sommes dans une maison paysanne mais riche. Toute une collection de vieux instruments aratoires nettoyés et vernis hantent les couloirs et l’accès à la terrasse.

Nous quittons ce site champêtre pour descendre à pied dans la gorge. Un véritable rideau d’orgues basaltiques ondule sur la falaise au-dessus de nos têtes, presque brillant au soleil. L’endroit est spectaculaire mais nous marchons sous un cagnard auquel nous ne sommes pas habitués. Il fait maintenant plus de 40° au soleil ! Nous longeons avec bonheur la rivière dont les eaux vigoureuses, parfois dégringolant en cascade, nous rafraîchit, au moins à les voir.

Une montée brutale en plein soleil doit nous faire regagner les 600 m de dénivelé que nous venons de perdre dans la gorge, afin d’atteindre le temple sur l’autre plateau. Des gamins du pays et leur famille montent allègrement en short et débardeur, pieds nus en tongs, sans se soucier de la chaleur. Ils sont habitués. La femme porte même un bébé dans les bras. Nous avons l’air engoncés avec nos chemises, pantalons longs et grosses chaussures de marche. Sauf moi, tous portent même un sac à dos comme s’ils partaient pour la journée alors que nous n’en avons que pour une heure ! Nuit courte, décalage horaire, constipation due à l’avion, chaleur inattendue, repas pris récemment – rien de tel pour nous déstabiliser physiquement ! Autant marcher léger.

Nous avons le temps d’une large pause sous un noyer à l’ombre épaisse, près d’une source dont le glouglou est à lui seul un rafraîchissement.

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Ce qui se révèle de l’ex-candidat Strauss-Kahn

La chute du candidat potentiel libère la parole – et pas seulement des femmes. On apprend ainsi ce que l’on n’aurait jamais su des pratiques du parti qui se dit le plus vertueux de France : la manipulation. Le Congrès de Reims et le recomptage léniniste des votes en faveur de Martine Aubry n’était pas qu’un écart… Les déjeuners secrets avec la presse sont-ils l’autre scandale de l’affaire DSK ? Strauss-Kahn avait convoqué en rendez-vous secrets certains journalistes d’organes de gauche pour qu’ils fassent allégeance et soutiennent activement sa campagne. Marianne, le Nouvel Observateur et Libération ont été arrosés en trois déjeuners ‘off’ dans de grands restaurants parisiens. Denis Jeambar, dans Marianne, vend la mèche… mais bien tard, une fois le loup renvoyé en tanière.

Le métier de journaliste n’en sort pas grandi, pas plus que les mœurs politiques, restées très féodales dans ce pays qui se veut constamment « révolutionnaire ».

Le métier de politicien socialiste non plus. Ce sont ses étudiants de Science Po qui ont assisté médusés à un cours sur le travail et le salaire minimum, et à des propos télé le même soir à l’inverse. C’est qu’il n’est pas politiquement correct au parti socialiste de déclarer que le SMIC est trop haut en France, qu’il pèse sur les salaires juste au-dessus et sur la compétitivité du pays. Entre théorie économique et discours politique, Dominique Strauss-Kahn avait parfaitement assimilé l’hypocrisie nécessaire. Il avait le cynisme du parfait socialiste prêt à tout dire pour arriver au pouvoir, tout en n’en pensant pas moins. La « pensée de gauche » – si tant est qu’il y en ait une en France – n’en sort pas grandie.

De même la référence aux « valeurs républicaines », si souvent affirmées, sont-elles le plus souvent du théâtre. La pratique ne résiste pas aux tentations communautaristes.

On se pose en multiculturel, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, dans la lignée droitdelhommiste d’égale dignité de tous. Voilà qui est très libéral, sens XVIIIème siècle et j’y adhère complètement. Sauf que les femmes sont une espèce soumise, si l’on observe les pratiques de ces messieurs habitués des suites et des ors républicains. Sauf que les indigènes de la république sont renvoyés à leurs différences, tout écart de leur part à la norme dite républicaine étant solidifié en pratique culturelle, particularisme cultuel ou coutume traditionnelle. Ce multiculturalisme bobo, qui n’a rien du regard ethnologue, dépolitise en figeant les différences. Il n’y a rien à faire, tout est ethnique, aucune politique particulière à mener, c’est culturel. L’autre est enfermé dans son origine originale, conservé en indigène irréductible.

C’est la même chose à l’extrême droite avec l’irrédentisme gaulois, celui qui « résiste encore et toujours à l’envahisseur ». Comme s’il existait encore un « peuple gaulois » conservé dans la glace, différent de l’italien du nord, du germain de l’est, de l’anglais du nord et des celtibères de l’est… Le Gaulois est sommé de respecter une « identité française » dont on a peine à savoir ce que c’est.

Les intellos rejettent le multiculturalisme anglo-saxon sous le nom de communautarisme. Ils revendiquent l’intégration à la française. Le cosmopolitisme universaliste est une composante de l’esprit des Lumières, donc appartient à l’esprit français. Mais certains n’ont pas peur de la schizophrénie : ils vilipendent tout ce qui est américain ou anglais, communautarisme, ultralibéralisme comme mondialisation… mais s’empressent de l’adopter candidement s’il sert leurs intérêt immédiat. Tel le lobby juif à l’œuvre dans l’affaire DSK. Nous savons qu’il existe un lobby officiel aux États-Unis ; nous ne savions pas qu’il en existait un occulte en France. Or nous avons tous entendu le chœur des intellos-médiatiques qui se revendiquent juifs défendre le fils de famille sur les télés françaises, comme s’il suffisait d’appartenir à la communauté pour être de facto vertueux. Être juif n’a rien de déshonorant et nombre d’envieux sont antisémites faute d’avoir réussi comme les bons élèves. Mais pourquoi revendiquer l’intégration républicaine, haïr le communautarisme s’il est musulman… mais le pratiquer ouvertement pour soi ?

L’avocat newyorkais de DSK, Benjamin Brafman, revendique son appartenance à la religion juive orthodoxe. Que vient faire la religion dans une affaire de mœurs ? Est-ce que la seule croyance en une religion du Livre expliquerait que les femmes soient dominées et sans leur mot à dire ? Il va plus loin en confiant ses propos sur l’affaire non pas à un journal français comme Le Monde, Le Figaro ou Libération, mais à… Haaretz, quotidien israélien. Que vient faire Israël dans ce procès qui met en cause un citoyen français sur le territoire américain ? Il faut certes y voir une tactique judiciaire qui consiste à détacher DSK des préjugés yankees à l’égard des Froggy bastards, tout en agitant la compassion de la minorité juive américaine, mais imagine-t-on les dégâts dans l’opinion française ? Dominique Strauss-Kahn se trouve extradé de sa culture et de son pays, au profit d’une ethnie mondialiste particulière, qui est montrée pouvoir s’installer ici ou là sans être attachée nulle part…

J’aimais assez l’homme, que j’ai pu rencontrer ici ou là dans des colloques, son intelligence aiguë, son sens de la mesure, sa vision globale. Peut-être aurait-il été un bon président pour la France, donnant les grandes impulsions que ses ministres auraient mises en œuvre. Mais l’expression affichée de ce multiculturalisme-là par son entourage est une forme de racisme qui consiste à dire, qu’on le veuille ou non, « je ne suis des vôtres qu’en partie, je suis avant tout de mon clan ».

Manipulation en sous-main, discours idéologique pour plaire aux militants, refuge communautaire quand sa vertu est attaquée, certitude absolue d’avoir raison et de n’être jamais « coupable » de rien : l’état d’esprit léniniste, ce bunker de la pensée, a décidément beaucoup de mal à lâcher les consciences des hommes de gauche français.

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