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William Boyd, L’après-midi bleu

C’est un beau roman d’amour, construit au travers du siècle XXe. Kay est une jeune architecte du milieu des années trente à Los Angeles. Son associé juif misogyne l’a virée après qu’elle ait fait décoller par ses idées le cabinet, puis l’a empêchée de se faire un nom en achetant en sous-main la maison d’architecte qu’elle avait pris plaisir à construire, et en la faisant détruire. Kay est atteinte. Ce pourquoi elle cède aux élucubration d’un vieux qui l’aborde et lui dit qu’il est son père. Pourtant, elle croyait son père mort… Et sa mère dément mordicus. Mais elle ment, Kay le sait. Alors elle suit le vieux Salvador Carriscant dans ses délires. Elle est curieuse d’en savoir plus.

C’est vers une histoire d’amour qu’il l’entraîne dans le siècle : la sienne, dont Kay est issue sans le savoir. Il lui fait retrouver Bobby Patton, ex-policier américain de Manille, lorsque les Philippines étaient devenues colonie des États-Unis (mais oui, ce pays qui se flatte de s’être émancipé du colonialisme et qui a fait après-guerre la leçon aux empires européens a bel et bien colonisé les Philippines de 1902 à 1946, après avoir viré les Espagnols !). Sortant une page de magazine qui lui a été envoyée, il montre une femme et dit qu’il doit la rejoindre et que Bobby Patton sait où elle pourrait se trouver. Il la persuade de l’accompagner lorsqu’il va lui rendre visite à Santa Fe, shérif retraité – et Bobby le reconnaît. Ils parlent une heure en privé.

Bobby Patton a confirmé que la femme au second plan était bien elle, celle qu’il ont connue tous les deux, aux Philippines. Carriscant effectue des recherches en bibliothèque et veut aller au Portugal car la photo montre que la femme était l’épouse ou l’amie d’un membre de la diplomatie américaine à Lisbonne en 1927, vingt ans après qu’il l’eût connue. Peu convaincue mais soulagée de prendre quelques vacances après ses déboires de femme architecte dans ce milieu misogyne, Kay le suit. Durant le voyage, il lui raconte son histoire…

Il était jeune chirurgien à Manille au début des années 1900, adepte de l’asepsie des mains et des instruments, au contraire de son patron Cruz et du vieux médecin officiel du gouverneur, Wieland. Ses patients mouraient donc moins et il s’attirait l’ire des deux birbes au bord de la retraite. Son couple va mal, sa femme fuit la couche conjugale après la mort successive de ses parents. Salvador tente d’aller aux putes mais rencontre Wieland au bordel et n’assume pas de devenir comme lui. En fuyant dans une propriété, il est frôlé par une flèche, tirée par une groupe de jeunes américaines qui s’entraînent. C’est l’aventure. L’une d’elle lui assène un coup de foudre. Il cherchera à la revoir, à connaître son nom, à espionner ses faits et gestes.

Mais voilà que deux cadavres de jeunes soldats américains sont découverts nus, poignardés et le ventre entaillé en T au scalpel, le cœur arraché. Qui a commis le crime ? Est-ce lié à une vengeance de la sauvage répression américaine contre la révolte des Philippins en 1898 ? Wieland est fin saoul, comme d’habitude, Cruz introuvable, occupé à disséquer des chiens cherchant la gloire en prouvant qu’il peut recoudre le cœur s’il est atteint d’une plaie au couteau. Le chef de la police, Bobby Patton, fait donc appel au docteur Carriscant pour expertise. Cela conduit le docteur à être présenté au colonel commandant le régiment des deux cadavres – et ce colonel Sieverance à faire appel à lui lorsque sa femme Delphine se plaint de douleurs intolérables au bas-ventre, que les docteurs Cruz et Wieland sont incapables de juguler. Il s’agit d’une appendicite, et Carriscant opère. Avec succès, l’épouse s’en remet et elle est flattée des attentions du docteur chez qui elle a reconnu le mystérieux personnage hirsute, couvert de boue et vociférant qui a failli prendre sa flèche dans la tête.

Pente banale, ils tombent amoureux, lui aveuglé, elle un brin manipulatrice. De chaque côté mariés, ils ne sont pas heureux en ménage et songent à refaire une vie nouvelle ailleurs, loin de Manille. Tout un plan est échafaudé, dans lequel entrent un bateau de contrebandier tenu par un jeune blond, Axel, un aéroplane en construction imaginé par le docteur anesthésiste qui assiste Carriscant à l’hôpital. Il s’agit de simuler la mort de la jeune femme, et pour lui d’annoncer prendre deux semaines de vacances au prétexte d’aller voir sa mère dans la campagne, puis de fuir incognito dans le cargo jusqu’à Singapour avant de joindre l’Europe pour commencer une vie nouvelle.

Évidemment, les circonstances ne permettent pas la réalisation intégrale du plan minutieux. Il s’en est fallu de peu, mais… Delphine « meurt » opportunément comme prévu, un cadavre est mis en cercueil qui n’est pas le sien et elle rejoint le rafiot comme prévu. Mais Salvador s’attarde un peu trop à l’hôpital puis chez lui, et Bobby Patton surgit pour l’arrêter. Le colonel Sieverance a été tué de deux balles et il est soupçonné, ce qui est extravagant, mais il est aussi soupçonné d’avoir été complice du meurtre des deux jeunes soldats retrouvés éventrés. Il est emprisonné, jugé, blanchi du meurtre mais condamné pour complicité des deux autres. Il ne rejoindra pas Delphine enceinte…

Il purge sa peine, seize ans, puis une main anonyme lui envoie cette fameuse page de magazine via son ancien hôpital où il a gardé des amitiés. Il reconnaît la femme en second sur la photo et veut la retrouver. Mais il veut auparavant retrouver sa fille, son épouse ayant renoué les relations sexuelles et étant tombé enceinte elle aussi avant qu’il soit arrêté.

La boucle de sa vie va donc être bouclée. Kay sa fille et lui vont retrouver Delphine et tout sera bien. Le lecteur apprendra, ou devinera, qui a tué qui à la fin.

Un beau roman bien écrit qui passionne par les caractères des personnages, réalistes et minutieusement mis en scène, et par le décentrement dans l’histoire (coloniale) et la géographie (les Philippines).

William Boyd, L’après-midi bleu(The Blue Afternoon), 1993, Point 1996, 416 pages, €7,90

(mon commentaire est libre, seuls les liens sont sponsorisés Amazon partenaire)

William Boyd déjà chroniqué sur ce blog

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Georges Duhamel, Vie des martyrs

Georges Duhamel a 30 ans lorsqu’éclate la guerre de 14 ; il est depuis cinq ans médecin et s’engage comme chirurgien volontaire aux armées. Il va vivre les deux premiers de ces quatre ans d’enfer avec les hommes blessés, ces quatre ans que l’inepte Hollande a « commémoré » comme s’il s’agissait d’une fête analogue au 14-Juillet, avec son discours bonhomme et lénifiant de fonctionnaire promu. Ce témoignage de médecin et littérateur élu à l’Académie française aurait dû lui mettre du plomb dans la cervelle – s’il l’avait lu (mais il ne lit pas, sauf des rapports, dit-on) : « Les calibres employés par l’ennemi pour la destruction des hommes créaient des plaies effroyables, assurément plus cruelles, dans l’ensemble, que celles dont nous avions eu le spectacle pendant les vingt premiers mois d’une guerre sans pitié dès sa conception. Tous les médecins ont pu remarquer l’atroce succès remporté, en si peu de temps, par le perfectionnement des engins de dilacération » p.103. Y a-t-il à « commémorer » cette industrie du massacre ?

La « Grande » guerre fut la boucherie la plus bestiale, une industrie de la tuerie jamais atteinte, un million et demi de morts pour la France – pour rien car 1918 a engendré 1940 comme la haine engendre la haine. Georges Duhamel raconte ces vies brisées par la mitraille et les gaz, ces membres qu’il faut amputer, ce qui ampute d’autant le statut familial et social de l’homme ; il en sort diminué, réduit, amer. Pas étonnant que tant de patriotes aient dit ensuite « plus jamais ça » tandis que leurs politiciens tout à leurs petits jeux de « l’honneur » et du poker diplomatique les entraînent à nouveau, sans le dire, sans les préparer, à la guerre totale qui suivra inévitablement. 14-18 n’est pas la « Grande » guerre mais bel et bien la guerre la plus con. Faite pour venger l’humiliation de la défaite de 1870 et qui appellera la vengeance des Allemands unanimes pour l’humiliation de 1918.

Les hommes râlent entre les lignes, parfois plusieurs jours sans être secourus. Ils trainent sur le front faute d’organisation efficace pour la circulation vers l’arrière, notamment à Verdun puisqu’il faut du massacre pour « reprendre » quelques mètres perdus le lendemain. Ils restent dans les couloirs des heures avant d’être examinés. Rien n’a été prévu, rien n’a été pensé. Il faut tout improviser, parfois sous les obus car trop près des lignes. Un blessé est-il traité qu’il en arrive vingt tant les « généraux » sont peu économes de chair humaine. Les avions sont peu utilisés, les chars inexistants, les commandos méprisés. Il s’agit, pour les badernes de « tenir » et de s’élancer « en avant » – quoi qu’il en coûte dira l’autre. Mais avec masque contre les gaz.

Georges Duhamel se souvient des noms, il immortalise leur insignifiance sociale que leur combat a réduite à rien puisque tout le monde est égal sous les tirs des machines à tuer. Il y a Lerondeau dont le prénom est Marie, et puis Carré l’édenté qui « est un homme », et encore André qui pleure devant le corps refroidi de son petit frère ; il y a Mehay et Mathouillet rendu sourd et sans un rein après une grenade, Léglise qui sera amputé des deux jambes ; Nogue le Normand, Lévy le commerçant juif, et le goumier marocain dont on ne sait pas le nom qui sera enterré avec ses camarades chrétiens dans le même cimetière mais sous le rite musulman psalmodié par son compatriote Rachid.

« Ici, l’atmosphère morale est pure. Ces hommes sont si misérables, si grandement disgraciés, si attentifs à leur obsédante douleur qu’ils semblent avoir abandonné le fardeau des passions pour mieux rassembler leurs forces sur ce projet : vivre » p.169. Les victimes émissaires sont vite oubliées au profit des politiciens qui se gargarisent d’avoir « gagné ». L’auteur en appelle à « l’union des cœurs purs » pour ne pas oublier ces hommes car on peut douter de tout, sauf de la souffrance humaine, « seule chose certaine ». En vain.

Un témoignage décalé sur la guerre de 14 – et ses conséquences humaines, sous forme de roman pour ne pas blesser les familles avec les vrais noms. C’est rare.

Georges Duhamel, Vie des martyrs, 1917, Petite bibliothèque Payot 2015, 206 pages, €8.10

Georges Duhamel, Vie des martyrs et autres récits du temps de guerre (dont 50 lettres à son épouse), Omnibus 2005, 751 pages, €63.99

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MASH de Robert Altman

MASH est l’abréviation de Mobile Army Surgical Hospital, hôpital militaire mobile de chirurgie, rien à voir avec la « purée » (mash en anglais). Encore que… la guerre de Corée (1950-1953) a inspiré en 1968 à l’ancien chirurgien militaire Richard Hornberger un roman satirique sous le pseudo de Richard Hooker, Mash : A Novel About Three Army Doctors. Faire une satire de l’armée en pleine guerre du Vietnam en prenant prétexte de la Corée est une façon de dénoncer la guerre.

Le film se passe en 1951 au moment où deux « capitaines » chirurgiens débarquent dans l’unité de campagne du 4077e M.A.S.H., « Hawkeye » (Œil-de-faucon) Pierce (Donald Sutherland) et « Duke » Forrest (Tom Skerritt). Le grade de capitaine est donné automatiquement aux médecins dans l’armée, afin qu’ils aient le pouvoir hiérarchique nécessaire à l’exercice de leur métier qui exige souvent des ordres dans l’urgence.

Mais ces deux-là agissent comme des étudiants en corps de garde : ils défient les règles, parlent en même temps, draguent à tout va, picolent comme pas deux. C’est que « la guerre » est devenue ridicule après l’affrontement mondial des deux blocs entre 1939 et 1945 et que la Corée ne justifie pas les vies américaines. Dès lors prier Dieu la Bible à la main tous les soirs, respecter à la lettre les règles bureaucratiques imbéciles et faire révérence aux hiérarchies troufion n’est pas le principal. Mieux vaut bien faire son métier médical sur le terrain, opérer des blessés dans l’urgence et la fatigue lors des arrivages massifs après les combats. Les opérations à ventre ouvert, les mains baignant dans le sang, ponctuent tout le film. Or, pour faire bien son métier, il faut savoir se détendre.

Jeu de poker, martinis composés par le boy coréen à qui l’on apprend son métier d’homme (17 ans), flirt poussé avec les infirmières et gradées du camp, passage au lit pour une bonne baise, blagues en tout genre – voilà ce qu’il faut. Les gags sont convenus et ne font plus autant rire qu’à l’époque coincée où le film est sorti, mais certains marchent toujours.

Les deux compères commencent par « emprunter » une Jeep que le colonel Henry Blake (Roger Bowen) commandant leur unité ne rend pas, ordonnant seulement d’en changer les plaques. Ils se frittent presque aussitôt avec leur compagnon de tente, le major Frank Burns (Robert Duvall) – burns signifie brûlures – d’autant plus cul bénit qu’il se révèle mauvais chirurgien, préférant voir « la volonté de Dieu » ou la faute d’un sous-fifre – et jamais la sienne – lorsque l’un de ses patients meurt. Œil-de-faucon et Duke exigent du colonel qu’il fasse dégager Burns de leur tente et qu’il demande un chirurgien thoracique. Et c’est « Trapper John » (Elliott Gould) qui débarque, réservé et mystérieux, pas très heureux d’être mobilisé loin du pays. Mais Hawkeye l’a déjà rencontré et finit par reconnaître en lui le héros d’un match de football (américain) universitaire et il est intégré au duo.

Arrive en même temps que lui une infirmière major, Margaret Houlihan (Sally Kellerman), qui va chapeauter toutes les infirmières. Elle aussi est règlement-règlement et les chirurgiens ne tardent pas à la chambrer. Comme elle s’entend avec Burns (qui se ressemble s’assemble) pour dénoncer dans une lettre conjointe au général l’anarchie et le joyeux bordel que font régner les docteurs, ces derniers ne manquent pas d’aller tirer un micro sous la tente où elle baise avec Burns à grands cris, soupirs et aveux tels que « oui ! oui ! » ou « j’ai les lèvres en feu ». Elle en tirera son surnom car ses ébats sont diffusés en direct sur les haut-parleurs du camp et tout le monde sait qu’elle baise chaude comme l’enfer et trompe sans vergogne maris, femmes et fiancés. Sous la douche, elle voit brusquement la toile se lever alors qu’elle est à poil et l’assemblée alignée comme au théâtre (même le chien est assis comme les autres) pour se repaître du spectacle et vérifier si elle est une fausse blonde. Seul le boy est éloigné par une « bonne âme », probablement cul bénite, en arrière-plan (scène réjouissante) alors que le capitaine Œil-de-faucon lui avait donné le premier jour une revue porno pour parfaire son apprentissage de la lecture et son bon usage de « la langue ».

Lorsque le dentiste du camp Waldowski (John Schuck) reste impuissant avec une infirmière, il se croit devenir pédé et veut se suicider « puisqu’il ne peut plus être un homme ». Les trois docteurs lui demandent comment il voudrait procéder. La balle dans la tête ne le tente pas, « trop sale », et il demande plutôt « une pilule comme Hitler ». L’homosexualité assimilée au nazisme était d’époque, tout cela était « le Mal ». Mais les docteurs ne sont pas des meurtriers, plutôt des mystificateurs. Cérémonie est faite pour la mort annoncée en une Cène reconstituée où le dentiste tient le rôle de Jésus entouré de ses douze apôtres. Le traître Judas lui remet sa pilule et, après avoir rompu le pain et bu le vin, il se couche dans son cercueil sur la musique « Painless Suicide, Funeral and Resurrection » de Johnny Mandel. D’où il ressuscite à la troisième heure ragaillardi, Œil-de-faucon ayant soudoyé une caporale infirmière pour coucher avec le gisant soigneusement réparé par une bonne nuit de sommeil avec la pilule de somnifère. La fille est convaincue lorsqu’elle soulève le drap qui recouvre le gisant, le sommeil le fait bander raide.

Un lieutenant arrive en hélicoptère bulle destiné aux blessés (un sur une planche posée sur chaque patin). Il est porteur d’un ordre de mission pour Duke qui doit en urgence aller au Japon opérer le fils d’un député gravement blessé, sur demande de Washington. Duke emmène son compère Œil-de-faucon et leurs clubs de golf. Une fois encore, le colonel commandant l’hôpital américain au Japon veut la jouer règlement mais les chirurgiens ont noté une erreur de diagnostic qui aurait pu être fatale, l’éclat blessant n’ayant pas fait un caillot dans la veine mais dans l’artère allant au cœur, et leur compétence leur vaut d’échapper aux arrêts. Ils soignent de même un bébé américano-nippon du bordel associé à l’hôpital, ce qui est théoriquement interdit par le règlement. Mais un bébé est un bébé et une vie vaut autant qu’une autre.

La lettre de dénonciation étant parvenue au général, celui-ci débarque au 4077e M.A.S.H. et, en attendant le colonel, lie connaissance avec le trio de chirurgiens de retour au camp en train de déguster un martini préparé par le boy. Il les trouve sympathiques et, dans la conversation, propose un match de football américain entre unités avec pari en prime, 5000 $ au pot, la sienne étant bien préparée. Il n’existe aucune équipe au 4077e mais Œil-de-faucon décide de faire demander par le colonel un neurochirurgien. Ce sera Oliver Harmon « Spearchucker » (Fer de lance, traduit par « Bazooka » dans la VF) Jones (Fred Williamson), un ancien joueur de football professionnel… noir. Les Noirs comme les homos sont mal vus dans les années cinquante aux Etats-Unis mais seul le talent compte et, comme dit le colonel, « sur un terrain de foot, on est tous égaux ». Le match se déroule de façon burlesque, le « plan » étant de jouer la première mi-temps en amateur de façon à faire monter les paris, et d’introduire le professionnel Bazooka en seconde mi-temps pour rafler la mise. Ce qui est réussi de justesse, non sans ruse burlesque comme ce joueur qui dissimule le ballon ovale sous son maillot et profite que les autres se foutent sur la gueule pour courir tranquillement le porter au but.

Puis les chirurgiens sont démobilisés, ils ont fait leur temps de spécialiste. Ils repartent dans la Jeep « empruntée » qu’ils rendent ainsi à son unité. Ils ont œuvré en professionnels, ils se sont bien amusés, ils ont montré l’absurdité des guerres offensives qui écharpent les humains pour l’orgueil des politiciens et l’honneur du pays. Mais, un demi-siècle plus tard, les Yankees ne l’ont toujours pas compris. Nous-mêmes, que faisons-nous encore au Mali ?

Palme d’or du Festival de Cannes 1970. Une série TV est tirée du film au vu de son succès.

DVD MASH, Robert Altman, 1970, avec Donald Sutherland, Elliott Gould, Tom Skerritt, Sally Kellerman, Rene Auberjonois, Robert Duvall, Twentieth Century Fox 2003, 1h56, standard €7.64 blu-ray €8.46

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Elephant Man de David Lynch

Tiré de la vie réelle de John Merrick durant le règne anglais de Victoria, le film devient une fable tournée en noir et blanc entre le Bien et le Mal.

L’homme-éléphant (John Hurt) est né difforme parce que ce sa mère aurait été terrifiée par un troupeau d’éléphants passant près d’elle au galop, dit-on. Bien que sensible et cultivé, John n’est rien moins qu’une bête en apparence. Ce pourquoi un montreur de monstres l’a pris sous sa coupe et l’exhibe, faisant de cette pornographie son gagne-pain.

Un chirurgien d’hôpital à Londres, Treeves (Anthony Hopkins), se prend de curiosité, puis de compassion, pour cet être difforme. Il veut tout d’abord l’étudier au nom de la science, puis découvre en lui des qualités humaines qui engendrent de l’amitié. Il brave le conseil d’administration de l’hôpital pour les convaincre de garder John.

Ce dernier n’en a pas fini avec la bêtise et la vulgarité badaude. Un gardien de l’hôpital fait payer des ivrognes et des gens de la populace pour venir s’horrifier et blaguer le monstre. Son ancien « propriétaire » en profite pour le reprendre et l’enlever.

Nous avons donc deux attitudes convenues, en miroir : la haute société qui a de hautes idées et finit par compatir, par débordement d’une générosité qui lui coûte peu ; les basses classes restées vulgaires et rigolardes, sans pitié pour les plus malchanceux qu’elles, qui ne songent qu’à faire de l’argent sur la bête. Pourtant, en mimétisme inversé, les gamins donnent la réalité des choses : compassion pour l’être difforme chez l’enfant qui aide le propriétaire du cirque ; moquerie cruelle chez les gosses des beaux quartiers autour de la gare.

Mais le film développe une autre sorte de miroir : la « science » est un prétexte élevé pour faire du voyeurisme – comme le cirque populaire ; le snobisme de classe qui consiste à aller « visiter » le monstre et « prendre le thé » avec lui (en tremblant – et pas de froid) parce que « la reine » a dit combien elle appréciait la « charité chrétienne » de l’hôpital – est analogue à la mode d’aller voir le monstre qui court dans les débits de boisson. Il y a du voyeurisme et une certaine pornographie dans toutes les classes. Même l’actrice vedette du théâtre, qui vient embrasser John et lui donner sa photo, ne le fait pas au départ par générosité, mais par attirance trouble envers la laideur et l’anormalité.

Une fois ces deux moments établis, David Lynch entraîne un troisième moment, final, dans lequel chacun sublime ses bas instincts pour s’élever à la véritable générosité qui est d’accepter l’autre dans sa différence, une fois apprivoisé l’écart. Ce sont les nains, les géants et les monstres du cirque, rebuts de la société, qui délivrent John et le renvoient à Londres ; ce sont les dames et les messieurs de la meilleure société qui lui font une ovation au théâtre.

Ce processus dialectique est habile et finit par emporter le spectateur. Il est vrai que le début ne montre pas le monstre, toujours filmé à contrejour ou en ombre chinoise. Lorsque l’on découvre l’horreur, un sentiment de dégoût surgit naturellement, d’autant plus que l’imagination a travaillé. Mais l’insoutenable ne se maintient pas avec l’habitude et le regard s’accoutume… lorsque l’on découvre que « la bête » est douée de parole. « Je ne suis pas un animal ! Je suis un homme ! » s’écrie John, prêt à être lynché par la foule londonienne à la gare Victoria, pour avoir terrifié sans le vouloir une oie blanche victorienne. La foule s’arrête et hésite, laissant aux policemen le temps d’intervenir et de prendre le perturbateur en mains.

La dignité nait avec la parole, l’estime avec la culture. C’est au fond le processus de civilisation qui fait un être humain, pas la nature.

DVD Elephant Man de David Lynch, 1980, avec Anthony Hopkins, John Hurt, Anna Bancroft, Studio Canal Classics 2009, €9.99

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Tête de nœud à Tahiti

Voilà qu’une résolution votée en Europe sonne la colère des associations religieuses et culturelles : la circoncision, mutilation génitale ou rite culturel assumé ? Après le mariage pour tous ! En fait la pratique de la circoncision (piritome) n’existait pas dans la tradition polynésienne mais la supercision (tehe) oui. L’église catholique de Polynésie « n’a pas d’avis sur le sujet de la circoncision ». Le président de l’église protestante ma’ohi déclare : « Une interdiction serait une atteinte aux droits des peuples de vivre culturellement selon leur tradition ». Le docteur Gérard Garnier, médecin et thérapeute familial, auteur du livre Te piritome ma’ohi déclare : « Cela touche à l’identité d’un peuple ». Le professeur Patrice Houdelette, chirurgien urologue dit : « C’est une mutilation génitale comme l’excision chez les filles. Ici, c’est fait vers 10-12 ans, chez les Juifs en néonatal et chez les Arabes vers 8 ans ». Encore un sujet de discussion !

Et P’tit Louis : « T’en penses quoi, de la circoncision ? – Ça dépend, si par exemple tu me présentes une tête de nœud, alors là, je suis pour ! »

circoncision

A l’heure où les maires de France marient deux personnes de même sexe, ici on se trouve face au Pacs, quoi faire ? Les têtes bien faites ou responsables se sont penchées sur la question. Une conférence-débat a été tenue dans les murs de l’Assemblée à laquelle ont participé de nombreuses personnalités des mondes politique, social et religieux. Le sujet était « La Polynésie face à la question du Pacte civil de solidarité ». Deux intervenantes : Irène Théry, enseignante, agrégée de lettres, chercheur et Véronique Margron, sœur dominicaine, docteur en théologie, professeur, ont animé cette conférence avant de débattre avec le public et certainement de clarifier ce qu’est le Pacs et de balayer les idées reçues.

Ainsi le Père Christophe, vicaire de la cathédrale de Papeete constate que les résidents polynésiens ne peuvent pas se pacser sur le territoire tandis que pour les personnes pacsées en métropole, leur Pacs est reconnu ici ! John Doom, responsable d’église, membre de l’Académie tahitienne déclare « Un couple est constitué de deux personnes de sexe différents. On ne dit pas un couple de lunettes ou un couple de chaussures. On dit une paire de lunettes ou une paire de chaussures. Il faut expliquer aux Polynésiens que le mariage veut dire procréation et qu’un couple, ce n’est pas deux hommes ou deux femmes. Dans ce cas, c’est une paire d’hommes ou une paire de femmes ». Et le maire de Mahina, Patrice Jamet, « Il est important d’informer les élus sur les réalités du Pacs et ses implications ».

L’actu vue par P’tit Louis [dans La Dépêche de Tahiti] fait dire au Maigre à chapeau « Au sujet du Pacs Doom a dit « On ne dit pas un couple, mais une paire, » concernant les homosexuels ! Et le Gros de répliquer « Dans ce cas on devrait alors dire deux paires ! »

mosquee de tahiti

Ouverture à Papeete du premier lieu de culte musulman. Le jeune imam du Centre islamique de Tahiti déclarait « Il ne reste plus un seul endroit au monde où l’on ne trouve pas une mosquée. Pourquoi pas ici ? ». Depuis lors le Centre qui se trouvait être dans un immeuble de bureau n’a pu apporter les certificats demandés par la mairie – il est fermé.

footeux de tikitoa

L’Ordre de Tahiti Nui revient au goût du jour. C’est quoi ? « La Légion d’honneur de la Polynésie française ». Le Président Flosse a élevé les Tiki Toa (les membres de l’équipe de Beach Soccer qui avaient terminé quatrièmes du tournoi) au rang de « chevaliers ». La distinction récompense « les mérites distingués acquis soit dans une fonction publique, soit dans l’exercice d’une activité privée ».

Hiata de Tahiti

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Sacré et massacré à Tahiti

A Rapa Nui ou île de Pâques, on se pose toujours la question de savoir comment les grandes statues de l’île ont pu être déplacées. Tout a été invoqué, même les extra-terrestres ! Des scientifiques ont réussi à faire avancer de 100 m en une heure une fausse statue de 4,4 tonnes. A l’aide de trois équipes munies d’une solide corde, l’expérience a montré qu’il est possible de faire avancer les statues de l’Ile de Pâques quand elles sont debout. Des oscillations de côté font progresser le moai tandis que le dernier groupe l’empêche de tomber en avant.

ile-de-paques statuesAux Marquises, à Hiva Oa, le site cérémoniel d’Upeke dans la vallée de Taaoa a encore été profané. La tête du tiki a disparu. C’est la seconde profanation de ce site, il y a un an, le tiki de basalte avait déjà eu l’oreille tailladée à coups de machette. D’après les spécialistes, le premier site sacré établi sur Hiva Oa serait celui de Upeke. De lave rouge sombre, cette tête ovoïde était posée sur une petite plate-forme à quelques mètres en contrebas du grand tiki. A ce jour, elle a disparue. Elle doit mesurer environ 40 cm de hauteur et peser plusieurs dizaines de kilogrammes.

Tandis que le sénateur Tahoera’a se trouvait en Nouvelle-Zélande, sa maison était entièrement détruite par les flammes à Pirea. La maison était construite en bois, et les bouches à incendie manquaient cruellement d’eau. Le brasier a tenu trois heures devant les pompiers. A ce retour de Nouvelle-Zélande où il était allé faire faire son visa de séjour pour les États-Unis, il a été accueilli par une foule nombreuse à l’aéroport, et couvert de fleurs. Mais le vieux lion demeure un battant, il n’est pas abattu, et se dit prêt à continuer la lutte.

upeke tikiC’est une catastrophe, accidents et décès sur la route repartent à la hausse. Un chirurgien en traumatologie déclare : « Je suis effaré par la quantité de morts et de blessés et par la nature des lésions. J’ai découvert la chirurgie de guerre sur les routes de Tahiti. Il demande aux jeunes, principalement, de prendre conscience des drames humains. Il comparait les 88 morts en Afghanistan en dix ans et les 300 morts sur les routes de Tahiti pendant la même période. Il poursuivait : « la traumatologie routière est comportementale. Si l’on élimine tous les morts liés à l’alcool, au cannabis, à la bêtise comme rouler sans casque, il resterait peut-être quatre ou cinq accidents mortels dus à pas de chance ». Pour le Parquet, tolérance zéro. Pour les dix premiers mois de l’année les gendarmes ont fait 75 315 dépistages d’alcoolémie donnant lieu à 2 700 contrôles positifs et 3 438 infractions à la vitesse ; 1 107 permis de conduire ont fait l’objet d’une rétention administrative.

La pire phrase du mois : « Ce n’est pas la première fois que je la frappe, mais c’est la première fois qu’elle meurt ». Telle est la réponse faite par un homme accusé d’avoir tué sa femme, au président de la Cour d’assise. Ce dernier rappelait cet épisode, lors des assises de l’aide aux victimes, pour souligner la banalisation de la violence.

Hiata de Tahiti

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