Mélenchon entre Péguy et Doriot

Article repris par Medium4You.

Il suffit d’écouter Jean-Luc Mélenchon, comme dans l’émission Répliques du 7 mai sur France Culture pour se dire que la régression de crise touche aussi la politique. Il était confronté au catho-provincial Tillinac sous la férule du maître d’école Finkielkraut.  Homme neuf et idées nouvelles Mélenchon ? Hélas non : il recycle l’itinéraire et le tempérament début de siècle (dernier) de Charles Péguy et de Jacques Doriot. Le premier a fini catho, le second facho. On craint de voir finir Mélenchon. Il recycle déjà le vieux communisme…

Charles Péguy n’est plus guère connu, tant ses litanies lassent l’œil et l’esprit. Mais le bonhomme était de son temps, celui de la IIIe République – méritocratie populaire et hussards noirs (expression qui est de lui dans ‘L’Argent’ en 1913). Né en 1873 d’un menuisier et d’une rempailleuse de chaises, il est mort lieutenant en septembre 1914. Il a inspiré le gaullisme de gauche. Jacques Doriot, né d’un forgeron et d’une couturière, aurait été lui aussi précurseur du général de Gaulle s’il n’y avait eu la guerre et la collaboration. Jean-Luc Mélenchon leur ressemble ; il ressource les mêmes origines et les mêmes idées issues du même terreau dixneuviémiste. Né d’un receveur des postes et d’une institutrice, il est lui aussi le produit de la méritocratie républicaine.

  • Comme Péguy, mal à l’aise à Normale Sup, Mélenchon se contente d’un CAPES de lettres modernes après une licence de philo et, comme Doriot, fait plusieurs boulots d’ouvrier.
  • Comme Péguy devenu anticlérical sur le tard, Mélenchon a une imprégnation catholique qu’il recycle dans le socialisme, idéal rêvé d’amour et d’égalité entre les hommes. Il rejoint Péguy et Doriot dans l’adhésion à la IIIe Internationale.
  • Comme Péguy et Doriot, Mélenchon méprise l’argent, la quête effrénée des richesses matérielles, la non reconnaissance des humbles vertus du travailleur, artisan et paysan.
  • Comme Péguy, Mélenchon est un patriote tendance Valmy 1792, et coupeur de têtes canal 93, jacobin et robespierriste au service du Peuple tout entier (entité mythique) et non pas au service de quelques-uns.
  • Comme Doriot, fondateur du parti Populaire Français, Mélenchon fonde le PDG, parti d’extrême gauche rival du parti communiste.

Ces trois là se veulent des héritiers. La France est femme et ils veulent lui faire des enfants rouges. Pour Péguy le socialiste et pour Doriot, adepte de la révolution nationale d’Action française, elle prend la figure de Jeanne d’Arc contre les mots d’ordre venus d’ailleurs, Londres ou Moscou. Pour Mélenchon, celle de Marianne, belle et fragile, en butte aux vieux lions anglo-saxons ou aux aigles prussien ou russe. Mélenchon comme Doriot milite pour la république populaire, nationale et sociale, incarnée par la patrie des citoyens en armes. La religion Mélenchon est le socialisme utopique, obédience trotskiste lambertiste plus que léniniste. Il est orienté défense syndicale des travailleurs plus que professionnel de parti. Mélenchon, comme Doriot, prône cependant un parti de rassemblement national et populaire contre le parti socialiste dominant.

Antilibéral parce que le libéralisme est d’âme aristocratique, il se veut populiste, fils du peuple et fier de l’être, à la fois contre le modèle soviétique géré par un parti unique de professionnels détenteurs de la vérité, et contre la social-démocratie du reste de l’Europe qui « se contente » d’accompagner les réformes d’adaptation à la mondialisation. Bien que tribun généreux, Mélenchon se cache derrière un peuple mythique à la Michelet pour refuser le mouvement du monde. D’où le parallèle avec Péguy : son socialisme de progrès sent furieusement la résistance à la modernité, réactionnaire à cette globalisation qui ne fait plus de l’Europe (et encore moins de la France, même révolutionnaire) le phare du monde. Mais qui est un fait à prendre en compte plutôt qu’à nier.

Ce pourquoi il fonde le PDG, parti de Gauche pour une « autre » Europe démocratique et sociale, contre les traités européens actuels mais pour un bonapartisme européen que les autres pays ne veulent pas.

  1. Première contradiction : comment exister désormais dans le monde sans l’Europe ? Anticapitaliste, il est fatalement pour la « décroissance » chère à une fraction des écolos.
  2. Deuxième contradiction : on ne peut produire efficacement sans capitalisme, cette technique inventée à la Renaissance justement pour rationaliser l’usage du capital, du travail et des matières premières. Si l’on produit moins efficacement, au nom de la désaliénation marxiste qui redonne à l’homme sa maîtrise complète des processus de production, il faut désindustrialiser pour redorer l’artisanat où chacun est maître de lui et de ses processus. Donc partager la pénurie (aller aux 30h hebdomadaires pour partager le travail en moins, engager toujours plus de fonctionnaires, produire moins pour polluer moins, ne plus acheter de fraises en hiver ni de concombres espagnols, accepter de gagner moins et de participer plus…)
  3. Or l’écologie, qui est le souci de la planète et de la survie soutenable des hommes, ne conduit pas inévitablement à la décroissance : troisième contradiction.

Ne faudrait-il pas plutôt calculer la croissance autrement ? Pas la focaliser sur le toujours plus, mais intégrer des facteurs humains ? Une production plus efficace – produire le mieux avec le moins – est souvent le cas de travailleurs bien dans leur peau, dans leur entreprise et dans leur collectivité, plus que les processus fordistes de la rationalité maximum. Ils ont fait largement leur temps. Ce fut, dans les années 1980, Toyota contre Ford. Il faut améliorer et approfondir le processus. Mais pourquoi l’abandonner au nom d’idéologies fusionnelles d’essence régressive et religieuse ?

Car Mélenchon a écrit volontiers dans l’hebdomadaire chrétien d’information ‘La Voix Jurassienne’. S’il est anticlérical, il n’en est pas moins croyant, remplaçant le Dieu au-delà par une Humanité vague ici-bas. « Lui-même semblait un maître d’école extraordinaire, un grand pédagogue, un prédicant de l’ancienne France. Sa cervelle madrée, obstinée, baroque, avait reçu de naissance le génie de deux maîtres de la rue du Fouarre, des moines populaires et des gazetiers révolutionnaires… Il a, dans une brève carrière d’homme de lettres, trouvé moyen d’épanouir des forces de paysan qui agrandit ses champs, du boutiquier qui compte et recompte ses sous, du typo qui fait de la belle ouvrage, du curé qui prêche aux ouailles et d’officier de ligne entraînant ses hommes au devoir. » Cette citation ne lui va-t-elle pas comme un gant ? Sauf que ce portrait taillé sur mesure pour Mélenchon… a été écrit par Maurice Barrès pour Péguy il y a bien un siècle.

Charles Péguy, socialiste chrétien, abandonnera le pacifisme et parlera de « faire fusiller Jaurès » comme traître à la patrie en 1914. Jacques Doriot, fils du peuple, dérivera vers le fascisme et terminera mitraillé à Sigmaringen par un avion allemand. Les références mélenchonistes sont aujourd’hui tout aussi belliqueuses : Evo Morales et surtout Hugo Chavez. Ce dernier est l’auteur d’un référendum sur l’opportunité de former une nouvelle assemblée constituante et pour l’inscription du socialisme dans la constitution du Venezuela.

On se dit alors que « l’intérêt général » est le paravent idéologique facile pour masquer une ambition à la Fidel Castro : prendre le pouvoir au nom du peuple… puis le garder parce que le peuple est sans cesse tenté de revenir aux pratiques capitalistes. Cachez ce sein que je ne saurais voir ! Le peuple est ignorant, dit Lénine, attardé : il vote contre les Bolcheviks ? Abolissez le peuple – pour son bien. Il y a de ça chez Mélenchon. Sa position sur le Tibet, qui reprend les thèses maoïstes pour« libérer » de l’aliénation cléricale, sont édifiantes à cet égard. Mélenchon mélange tout. C’est le danger des tribuns : séduisants utopistes avant de prendre le pouvoir, vieillards atrabilaires et paranoïaques une fois pris, incapables de le lâcher.

Émission d’Alain Finkielkraut Répliques sur France Culture, samedi 7 mai 2011, Mélenchon-Tillinac sur le thème de la laïcité et identité française

Jean-Luc Mélenchon, Qu’ils s’en aillent tous, octobre 2010, Flammarion, 142 pages, €9.50

Intéressante analyse du livre par Arion chez Actu


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16 réflexions sur “Mélenchon entre Péguy et Doriot

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  3. Daniel

    Bonjour,
    Débat très intéressant entre Benjamin et Argoul.
    Je penche plutôt du côté de Benjamin, car même si je n’ai pas lu le livre de Mélenchon et ne le suivant pas dans son évolution (mais ayant eu dans le passé l’occasion de le rencontrer et de savourer quelques discussions) je trouve très surprenante la comparaison avec Doriot, du moins ce que j’ai appris de ce personnage par Philippe Robrieux (Histoire intérieure du P.C.) et autres infos de sa période collabo
    Depuis une dizaine d’années je sentais une dérive de Mélenchon tendance Chevènement, mais c’est encore autre chose……. Péguy ? Pourquoi pas …. mais ???

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  4. Sincèrement, je ne vois aucune similitude entre les tempéraments et les parcours de Doriot et de Mélenchon qui n’a jamais trahi son pays, quivenu de l’extrême gauche est arrivé au PS avant de le quitter… ce qui n’était pas la facilité: Dray plus ‘révolutionnaire’ que lui a choisi la sécurité, lui (au fait qu’est ce qu’il devient, celui là?)

    Poser ce genre de question… c’est un peu répondre par l’affirmative: Mélenchon = Doriot.

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  5. Sur le Tibet, croyez-moi, j’y suis allé deux fois, hors des circuits trop balisés.
    Le moyen-âge a existé au Tibet comme chez nous, la question n’est pas là. La question est de la culture traditionnelle qui est niée, détruite, éradiquée, tout comme la IIIe République avec le fouet pour qui parlait breton (ou corse, ou occitan – on ne disait pas encore « auvergnat »). Le Tibet d’aujourd’hui, pourquoi n’a-t-il pas son autonomie, comme le pays basque, la Corse ou la Catalogne ? Par jacobinisme marxiste (ça fait deux contraintes). Mélenchon est dans ce style, ce pourquoi je ne lui. suis pas favorable.

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  6. Pour le reste, nous sommes malgré tout ce qui nous sépare un peu dans le même camp. parce que pas « plus révolutionnaire intransigeant que moi tu meurs » avant, j’étais stigmatisé, vilipendé, insulté, voire menacé physiquement. par des racailles qui ont viré bushistes quand moi, je suis demeuré de gauche.
    J’ai eu Glucksman pour maître assistant: ça laisse des traces. C’est un des très rares types dont je défoncerais le portrait avec délectation alors que la violence physique me fait horreur, quand je pense à toutes les vies que ce sale type a brisées en prêchant l’abandon des études, ‘l’établissement en usine près du prolétariat’, pendant qu’il restait bien au chaud à Vincennes avec sa paye garantie… (Ferry, quoi…) Ce type est sarkozyste pur sucre maintenant, tendance « plus OTAN USA que moi tu meurs ».

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  7. Exactement !

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  8. ‘ ‘ ‘ Il veut renationaliser la politique (comme Le Pen), pas la majorité; il veut sortir de l’Europe, pas la majorité; il veut se poser seul face au monde, pas la majorité… Quant à la mobilisation citoyenne, c’est faire bon marché de l’individualisme dû à la modernité et à tous ces gadgets électroniques qui réseautent les lambdas.’ ‘ ‘

    ________________________

    Peut être dit-il ce qu’il croit être sincèrement le ‘bien selon lui’ sans se soucier de savoir si ce sera payant sur le plan électoral? Et peut être qu’à long terme, ses successeurs dans la même ligne en toucheront-ils les dividendes?
    Dans une France sociologiquement de droite (vieillissement, 57% de propriétaires, secteur rural encore fort, poids des médias, etc.) la tendance ne pourra être inversée que par la sincérité, au moment ou le cataclysme économique, social et financier que je crois inéluctable surviendra, auprès duquel ‘la crise’ de maintenant fera effet d’amuse bouche…

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  9. Ne vous arrêtez pas aux détails de l’histoire (sur Jaurès, c’est écrit par moi dans la note, personne n’oublie) mais Péguy a eu un itinéraire politique audacieux pour son temps et dans son époque. Il est tellement facile de juger d’en haut et d’après… Scrutez plutôt Mélenchon, c’est lui votre avenir, peut-être. L’examen des tempéraments peut aider à y voir clair, pourquoi le rejeter ?
    Précision : je crois la Le Pen soufflée par les sondeurs (méthodes de redressement) après la surprise 2002; en revanche, je crois le Mélenchon sous-estimé par les mêmes sondeurs (le syndrome 2002). Peut-être sera-t-il le Bayrou de 2012 ? J’y crois peu, tant son discours est régressif , en phase avec une époque de crise, mais pas avec la réalité perçue des gens. Il veut renationaliser la politique (comme Le Pen), pas la majorité; il veut sortir de l’Europe, pas la majorité; il veut se poser seul face au monde, pas la majorité… Quant à la mobilisation citoyenne, c’est faire bon marché de l’individualisme dû à la modernité et à tous ces gadgets électroniques qui réseautent les lambdas.
    Non, vraiment, je n’y crois pas. Mais je ouaite and sii.
    Ne voyez aucun mépris de ma part si je ne réponds pas entre demain et la semaine prochaine : je ne serai pas proche d’un ordinateur et les notes à paraître sont programmée.

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  10. Je ne trouve aucunement Péguy sympathique, qui a appelé ouvertement à l’assassinat de Jaurès (il ne faudrait quand même pas l’oublier) Qu’ensuite comme une vieille baderne un peu anachronique et totalement ridicule il se soit suicidé en se dressant debout face aux Uhlans du côté de Monthyon (il s’est vite fait déquiller d’une balle en pleine tête) n’efface en rien cette ignominie.
    Et un type qui a soutenu le spires des mesures antisémites, qui a combattu sous uniforme nazi quand ces derniers occupaient son pays, je le maintiens: c’est un bâtard putride.

    @ Arion. Vos arguments seront pertinents si Mélenchon prend le pouvoir et s’il modifie la constitution sans respecter la forme institutionnelle. Sinon, ce n’est que procès d’intention. S’il la respecte c’est que le peuple l’aura voulu. Pourquoi la droite aurait-elle seule le monopole des adaptations constitutionnelles?

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  11. Je ne vais pas tout reprendre de vote argumentaire. Juste une chose. Sur le Tibet., je soutiens « la Méluche » (comme ses copains l’appellent) à 150% . parce que je suis convaincu que si l’occupation chinoise est inacceptable sur le plan formel (ah les libertés formelles… comme les libéraux s’en gargarisent!) elle est mille fois ‘moins pire’ qu’un régime qui instituait le servage, les mutilations corporelles, les gosses réduits à l’état de jouets sexuels, cela au profit de 2 ou 3% de moinillons parasites qui vivaient au profit d’une population qui supportait le plus fort taux d’analphabétisme, de mortalité infantile d’absence de soins, la misère endémique. Ce n’est pas moi qui le dis… c’est le Dalai-Lama en personne qui a fini par l’avouer.
    En quoi être partisan d’un état fort fait-il de vous un dictateur dès lors que cet état est sous le contrôle du peuple? En quoi un référendum (quand c’est la droite qui le propose) devient-il un plébiscite quand c’est la gauche qui en est à l’origine? En quoi une ‘surveillance sourcilleuse’ est-elle choquante dès lors que c’est en fonction des lois de la république et selon les modalités définies par elle? C’est ‘démocratique’ de contrôler cinq fois par jour un individu… bronzé, on va dire, mais ‘attentatoire aux libertés’ de déclencher un contrôle lorsqu’il y a suspicion de fraude fiscale? On peut fort bien être pour un état fort sans pour autant être totalitaire. Entre le faible et le fort c’est la loi qui protège, et la liberté qui opprime. Et les lois votées démocratiquement sont faites pour être respectées (ce qui m’éloigne des bobos laxistes non pas de gauche mais de gôch’ )

    D’accord avec votre conclusion sur Chavez. Cela dit, est ce qu’en France on tolérerait que sur un média télévisé le président soit traité de chimpanzé des dizaines de fois par jour comme Chavez le fut, avant de finir par se rebiffer? Et je me souviens parfaitement que quand Lula a accédé au pouvoir, on a glapi que le second Castro avait vu le jour. Lula qu’on peut critiquer tant qu’on veut, mais qui a cédé la place au bout de huit ans avec un pays dans un état mille fois meilleur qu’il l’a pris ‘malgré la crise’ ,moins injuste, et avec un taux de popularité de 80% alors que tous les médias tiraient contre lui (il faut connaître le poids de Globo au Brési: Tf1 plus 70% de la presse écrite et des chaînes locales) locales…)

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  12. Mélenchon tournera-t-il Péguy (plutôt sympathique vu d’aujourd’hui) ou Doriot (plutôt « batard putride » toujours vu d’aujourd’hui). Selon les circonstances ? Il a un tempérament si proche des deux… L’honnêteté pèse de peu de poids face aux circonstances, n’est-ce pas ?

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  13. Ne vous laissez pas emporter, Benjamin, vous réfléchissez quand c’est à tête reposée (et ce n’est pas de la condescendance, je vous apprécie, vous êtes parmi mes favoris et je commente parfois vos billets).
    Désolé d’être sensible au vocabulaire « stalinien », c’est quelque chose de ma génération qui m’a rendu allergique. Tout comme la clope. Pas question dans les années 1970 d’être hors fumée et hors marxisme-léninisme-guévarisme-maoïsme. On voit ce que ça a donné : la pire génération béni oui-oui, adulte dans les années 80 sous Mitterrand, aujourd’hui « petits chefs » dans toutes les boites et la haute administration… Je ne suis pas vraiment fier de « ma » génération.
    A laquelle Mélenchon appartient, un peu moins « la » Dufflot (on dit bien « la » Callas… c’est un terme des langues latines et russe, vous savez, rien de péjoratif là-dedans, plutôt une féminisation du nom de mari, donc dans le sens du vent).
    Mélenchon est habile tribun, intelligent mais surtout passionnel. Comme Castro, mais aussi Péguy et (sans doute) Doriot. Ne jugez pas de ces gens avec le regard moralisateur d’aujourd’hui, ce sont les circonstances qui (comme de Gaulle) ont bâti leur statue. Reste leur personnalité, moins « putride » (c’est comme ça qu’on dit ?) que les vagues paragraphes offusqués de l’historiographie (évidemment universitaire marxiste à la française = laudateurs pour Castro et ignorants de Doriot). Sauf Péguy (je lui consacrerai une note bientôt), les autres ont mal tourné. La faute à l’histoire. ils étaient populaires et adulés en leur temps… Peut-être auriez-vous même voté pour Doriot (ne sautez pas au plafond, il était communiste et pour une gestion nationale du parti, contre la tiédeur du Front populaire..; comme Mélenchon est contre le PS hollandobry).
    Les précautions démocratiques de Mélenchon sur le changement de régime sont en apparence séduisantes, sauf que le personnage attend (comme de Gaulle) les circonstances, une bonne crise avec éclatement de l’euro, effondrement américain, emprise chinoise et catastrophe climatique. Là, il aura de l’aura, il l’aura dit, écolo et populaire… Dès lors, le plébiscite balaiera toutes les précautions, on l’a bien vu lors de toutes crises, de Lénine à Mussolini et Hitler, Pétain, Castro, etc.
    Ce qui m’inquiète n’est pas le Mélenchon d’aujourd’hui mais celui qu’il peut devenir, je crois plus aux personnalitéx qu’aux programmes affichés. Je ne crois surtout pas à l’homme bon par nature, c’est mon vieux fond libéral. L’homme n’est bon que lorsqu’il est en sécurité et reconnu, ou qu’il a face à lui assez de contrepouvoirs puissants.
    Et, comme sur Médium4you où ne causent que des convaincus presque religieux, AUCUN commentaire n’évoque les positions concrètes de Mélenchon sur la langue bretonne ou le Tibet… C’est que Mélanchon est pourtant fort clair : État fort, mobilisation générale, surveillance sourcilleuse, plébiscites à tout va… Allez, question d’époque, Mussolini était tout à fait dans ce style à ses débuts. S’il y avait eu contrepouvoirs il n’y aurait pas eu fascisme. Voyez Chavez : ça vient, ça vient…

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  14. Un changement de constitution passerait par un référendum, lequel serait précédé d’un vote par les deux assemblées qui reprendrait ces modifications rigoureusement dans les mêmes termes. Ou, à la place de ce référendum, un vote du congrès à la majorité qualifiée (60%), alors même que le mode de désignation des sénateurs fait de la ‘haute assemblée’ une cénacle structurellement de droite (prééminence des zones rurales). cela fait quand même pas mal de garde-fous!

    Mélenchon évoque aussi une Constituante, mais je ne sais dans quelle mesure la tenue de cette assemblée, autre que consultative et informelle, peut exister sans… modification de la Constitution. Reconnaissez que dans ces conditions, la réflexion, parce que c’en est une, est très loin de l’instauration d’un pouvoir totalitaire. On est très loin des ‘pleins pouvoirs’ réclamés par de Gaulle et accordés sous la pression d’un putsch latent ni même des ‘pleins pouvoir’ accordés à Pétain (dans un cadre précis que celui-ci s’est empressé de déborder) par une assemblée traumatisée par une débâcle épouvantable et sous la pression extérieure (les troupes de de Lattre, pas loin, qui avaient une attitude fort ambiguë, celles des Allemands un tout petit peu plus loin, les milices factieuses dans les rues de Vichy) et intérieures… avec les menaces pas voilées du tout de Laval.

    Si d’aventure Mélenchon obtenait la révision constitutionnelle qu’il appelle de ses voeux (et qui me parait secondaire: la Reine d’Angleterre a des pouvoirs quasiment absolus en théorie et pourtant les Rosbifs vivent bel et bien dans un pur régime parlementaire: tout est question d’état d’esprit), ce serait parce qu’auparavant une révolution des esprits aurait entraîné un changement radical et profond des élus. Dans ce cas je vois mal une « tentation doriotiste ».

    Le point Godwin est fréquemment atteint quand on parle de Sarkozy qu’on peut détester et mépriser (mon cas), vilipender, attaquer, mais qui est tout sauf un nazi (n’insultons pas les victimes des nazis) tout comme on a traité avant Chirac de facho – ce qui était grotesque puisque ça supposait que Chirac aurait, un jour, eu des convictions dans sa vie autres que sur les « généralités générales ».

    Prenons garde de ne pas l’atteindre vis à vis des opposants que l’on peut réfuter, mais pas offenser par des comparaisons malséantes. Guéant tient en ce moment un discours d’un populisme effrayant avec sa xénophobie démagogique, à des fins tacticiennes; ce n’est pas Mussolini pour autant… juste un type qui voulant égaler Marine le Pen, la dépasse sans s’en rendre compte. Jamais il ne fera assassiner des adversaire, ne les déportera ou leur fera boire de l’huile de ricin.

    Idem pour Mélenchon. On peut tenir pour acquis que sa dénonciation de l’économie financiarisée est une lubie, que sa volonté de rompre avec la synarchie bruxelloise en est une autre, que sa volonté de rétrécir l’éventail des revenus est utopique ou inacceptable, etc. Mais il a le droit de penser tout cela, et de le dire. sans être Doriot ou Staline pour autant…

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  15. arion

    Benjamin, il n’est pas interdit de débusquer, toutes proportions gardées, des filiations inattendues dans l’histoire des idées et des positionnements (lire à ce sujet la récente Histoire politique des intellectuels, d’Alain Minc). Comme à vous, Mélenchon m’est assez sympathique, il secoue la torpeur, il a du style et du panache, électrise en nous l’amour de la justice, je le crois honnête homme. Comment tournerait-il au pouvoir ? C’est une autre histoire. Le changement radical de constitution qu’il appelle de ses voeux risque fort de déborder vite le canal légaliste où il pense pouvoir l’endiguer.

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  16. A part ça, je suis ‘stalinien’. ^^
    Vous vous rendez compte de l’énormité des propos que vous tenez, quand vous comparez (je sais, je sais, vous le dites très finement, de manière allusive…) un homme politique de 2011 qui fut un (bon) ministre de l’enseignement professionnel à un criminel comme Doriot, que vous extrapolez en décrétant que comme Castro, s’il arrivait au pouvoir il ne le lâcherait pas?
    En bref, pour vous, sortir du cadre néo-libéral c’est être au mieux un abruti habité de la tentation albanaise, ou au pire un individu habité de pulsions nazies ou staliniennes. Pardonnez moi de penser que si je me permets (sans doute à tort, parfois) de dire de tel ou tel individu qu’il se conduit comme un ‘bâtard putride’ non pas pour ses idées, non pas pour son positionnement politique, mais pour ce qu’il a dit et fait précisément , c’est mille fois moins terroriste, verbalement s’entend, que vos « démonstration ». Certes vous êtes brillant mais ça n’excuse pas tout. A Mélenchon-Doriot, toutes proportions gardées, on pourrait opposer « argoul-brasillach »

    Il y a chez vous une forme de condescendance dédaigneuse qui transpire dans vos propos, mille fois plus insultante que des propos lâchés sur le ton de la colère. Jamais par exemple je ne lâcherais un « la Duflot » si je ne me gêne pas pour la dézinguer – au moins autant que vous, avec un autre angle d’attaque.
    Vous êtes un libéral convaincu et j’ai écrit hier que c’était votre droit le plus strict, ajoutant qu’en plus votre culture libérale était étayée par une culture tout court, ce qui rend vos propos souvent intéressants. Mais ces invectives perpétuelles, la haine qui transpire de vos propos dès lors qu’ils traitent de non libéraux les disqualifient totalement. sauf bien sûr auprès des convaincus d’avance, qui s’en trouveront confortés. C’est de ça que je me réjouis.
    Cordialement, malgré tout.

    Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis un républicain de gauche tendance jacobine (tout pour déplaire à argoul) qui votera sans doute Mélenchon au premier tour avant de s’abstenir au second. Qui ne rejoint pas du tout Mélenchon sur les questions du nucléaire (il est contre, j’y suis favorable par résignation) et sur l’immigration (que je veux contrôler quand il parle de régularisation massive et inconditionnelle) Cela pour signaler que même chez les pires adversaires de gens comme argoul, il y a aussi des gens qui pensent par eux mêmes et qui ont l’esprit libre. Qui ne marchent pas au pas de l’oie derrière le Chef en braillant le Hort Wessel Lied ou l’Internationale mise à toutes les sauces.

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