Articles tagués : exemplaire

Guillaume Auda, Jeunes à crever

Double sens du mot : être jeune à en crever pour les minables devenus terroristes, être jeune et crever pour la génération trentenaire branchée parisienne.

Le procès du 13 novembre – un vendredi 13 choisi exprès pour la superstition – s’est voulu un procès pour l’Histoire ». Allez, n’ayons pas peur des mots : 132 morts, 1000 enquêteurs, 4000 scellés, 242 tomes de procédure, 20 accusés, 2300 parties civiles, 400 témoignages dont 150 pour le Bataclan, 330 avocats, 8 magistrats, 10 mois d’audience, 65 millions d’euros en tout – ce fut un procès pour l’exemple, filmé pour l’édification des foules et le retentissement international, en bref Hollywood, Kramer contre Kramer rejoué en État contre terroristes. Guillaume Auda, journaliste impliqué dans l’affaire comme témoin des premières heures après l’attentat, s’est efforcé de rendre l’atmosphère particulière et la grande variété des situations dans un livre témoignage. Il est bien écrit et très vivant.

Sauf qu’il y a erreur : ce procès n’a pas concerné les terroristes eux-mêmes, tous morts sauf un, mais les seconds couteaux, les complices entraînés par la bande. L’édification vertueuse qui voulait faire de ce procès un exemple tombe donc un peu à plat. Seul Abdeslam, l’accusé numéro un, dernier survivant du commando islamique, « éructe » – au début, se la jouant terroriste – avant de mettre de l’eau dans son thé (le vin est interdit aux musulmans) et de faire des demi-aveux qui sonnent aussi comme des demi-mensonges. Il n’a pas fait sauter sa ceinture soi-disant par humanité, a-t-il dit, en réalité parce qu’elle était défectueuse, ont dit les policiers.

C’était le procès d’une génération contre une autre, la même mais inversée. Les terroristes étaient en effet trentenaires, issus de l’immigration et radicalisés principalement dans leur nid laxiste belge de Molenbeek ; les victimes étaient trentenaires elles aussi, issues de la diversité parisienne dans un arrondissement multiculturel et métissé, dont l’idéologie est à l’ouverture et, disons-le tout net, à la naïveté de « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». Comment donc « décortiquer et revivre l’histoire des jeunes qui tuent d’autres jeunes » page 25 ?

Vaste réflexion sur la justice. L’auteur discute avec des victimes et des avocats, des témoins et des policiers. Il est nécessaire tout d’abord de juger un être humain contre l’hystérie primitive de la société. Le choix de la civilisation (qui est l’inverse de la barbarie terroriste) est que la raison doit dominer les sentiments et les instincts. Mais la justice c’est aussi « neutraliser un ennemi » page 25. Pour cela, il faut d’abord comprendre.

Les terroristes sont des jeunes en crise d’identité, et au mal-être qui les porte vers le nihilisme avant de s’accrocher à la religion comme à un tuteur. Ils se sentent humiliés par la société et, pour eux, les attentats ont une réponse à la violence, celle d’un pays qui les néglige, celle d’un pays qui bombarde les populations « frères » en Irak et en Syrie. Se venger de l’humiliation est toujours l’argument des barbares, après Hitler et Daesh, voyez Poutine. L’effet de fratrie, de bande, de communauté religieuse, fait le reste.

Ils ont tué des gens beaux et insérés dans la société pour se venger d’être tout l’inverse. Pas de quoi s’en glorifier. La France est une société ouverte, tolérante et altruiste, surtout dans la génération des 30 ans. C’est contre cela même que veulent agir les ultraconservateurs rigoristes, qu’ils soient à prétexte religieux comme les islamistes, à prétexte impérialiste comme les Russes de Poutine ou à prétexte politique comme les ultradroitiers qui gravitent autour de Zemmour et de Le Pen.

Le journaliste décrit Maya et Olivier, qui témoignent, et Marie Violleau, avocate de Mohamed Abrini, qui a fait défection à Bobigny la veille de l’attentat, et une fois de plus en mars 2016 à l’aéroport de Bruxelles. Comprendre n’est pas pardonner et les gens qui disent « vous n’aurez pas ma haine » ne parlent que pour eux, dans le déni caractéristique de qui veut passer à autre chose. Il faut au contraire se souvenir, comme du 6 février 1934, de juin 1940, de la Shoah, des terroristes du vendredi 13. Un témoin qui était au Bataclan cite « le rictus sinistre des assassins qui piègent les spectateurs. Ils leurs disent de partir et puis leur tirent dans le dos, tout en s’esclaffant » page 87. Un témoin musulman, le père de Thomas, tué, s’insurge contre la malhonnêteté intellectuelle : « je ne peux pas accepter qu’on puisse faire l’amalgame entre des va-t-en-guerre, des paumés de notre société, des inadaptés sociaux, des tueurs sanguinaires – et les musulmans qui n’ont qu’une seule envie, vivre en paix et en harmonie avec et dans une communauté humaine ouverte et respectueuse de chacun » page 113.

Ce procès est aussi celui de la société qui n’a pas voulu voir les problèmes que posait l’immigration sans intégration, qui a laissé faire les moralistes de gauche pour qui le sujet était (et reste ?) tabou, qui n’a pas réagi lorsque la radicalisation a débuté avec les imams prêcheurs qu’on a laissé dire et les fichés S qu’on a laissé aller et venir en toute liberté. « Le mal est une contradiction logée au cœur du monde », dit l’auteur page 19, et juger le mal signifie : 1/ qualifier les faits (enquête), 2/ rétablir le droit (procès) et la norme (sociale), 3/ prendre du temps pour les victimes (catharsis) tout en respectant les accusés (justice) et 4/ siéger dans un lieu de mémoire, au cœur du vieux Paris (l’île de la Cité). Ce procès a été « une Odyssée » page 213, un voyage qui a fait changer les victimes, comme les accusés peut-être – mais pas vraiment la société, à mon avis.

L’auteur est titulaire d’un Master du Centre universitaire d’enseignement du journalisme de Strasbourg en 2004, après une maîtrise de Science politique à la Sorbonne. Il a été reporter à France Inter, Le Parisien, correspondant RTL à Jérusalem, journaliste iTélé Canal+ en Centrafrique, en Ukraine pendant Maidan, en Irak, à Gaza, à Washington, grand reporter à Stupéfiant-France 2 puis La fabrique du mensonge-France 5. Guillaume Auda est désormais auteur indépendant. Son livre s’étire un peu passée la page 150 (en numérique, soit probablement la page 300 en livre), les intermèdes citant des tweets n’ont guère d’intérêt (les mots ne sont pas des photos, ni des scellés). Il laisse trop de place aux pleurards, aux pardonneurs et aux vertueux qui posent, citant intégralement la plaidoirie de Marie Violleau (avocate elle aussi trentenaire) – et sans doute trop peu aux réactions saines de ceux qui veulent que les accusés assument leurs responsabilités.

On serait tenté, avec Zarathoustra, de dire aux victimes comme aux accusés : « Que votre vertu soit votre ‘moi’ et non pas quelque chose d’étranger, un épiderme et un manteau ». Or on a le sentiment, à lire ces témoignages et ces comptes-rendus, que ce qui compte avant tout est d’opposer un dogme social à l’autre et non pas une vertu personnelle à une lâcheté. « Ils veulent crever les yeux de leurs ennemis avec leur vertu ; et ils ne s’élèvent que pour abaisser les autres », dit encore Zarathoustra, fort justement. La vertu n’est pas la bien-pensance, ni une sorte de geste pour l’exemple, ni un appel à la discipline et à toujours plus de police.

La vertu – la vraie – est intérieure, elle se construit par l’éducation (des parents, des pairs, de l’école et des associations, de la société en ses institutions et ses média). Elle est celle des gens de bien, à la fois une force physique, un courage moral et une sagesse de l’esprit – et pas l’un sans l’autre. Les Latins en faisaient le mérite même de l’être humain, la force d’âme. On se demande où est désormais cette force dans notre société : serions-nous capables de résister comme les Ukrainiens ? Ce ne sont pas les procès-spectacle « pour l’histoire », celui du V13 fort bien décrit en ce livre ardent, qui vont changer les gens. Mais il témoigne.

Guillaume Auda, Jeunes à crever – Attentats du 13 novembre, un procès, une génération, 2022, 496 pages, Le Cherche Midi, €21.00 e-book Kindle €14.99

Catégories : Livres, Société | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Poster un commentaire

Anne Philippe, Le temps d’un soupir

« Notre vie entière, qu’était-elle dans le cours du monde ? A peine le temps d’un soupir. » Telle est la méditation d’Anne, femme de Gérard qui meurt en 21 jours d’un cancer du foie à 37 ans ; elle en avait 42. Fille de divorcés, licenciée de philo, ethnologue et ex-voyageuse, elle avait épousé l’acteur Gérard Philippe en 1951. Elle l’a aimé huit années. Ne subsistent de lui que le souvenir qu’elle a voulu graver dans ce livre de la fin, et deux enfants qu’elle a failli « oublier » dans sa douleur, Anne-Marie, née en 1954 et Olivier, né en 1956. Ils avaient 5 et 3 ans à la mort de leur père.

J’ai relu récemment ce livre, abordé initialement vers 16 ans, car beaucoup de célébrités meurent en ce moment et les hommages popu ou médiatiques n’ont pas souvent la même dignité. La France perd de sa substance sans que l’on observe une relève, vraiment, ce qui devrait plutôt nous préoccuper. Malgré une certaine sensation d’étouffement dans la peine, ce récit dédié à son second mari reste un hommage exemplaire à un amour défunt.

Les 143 pages de l’édition originale Julliard, parue en 1963, disent avec intensité et sobriété la douleur incommunicable de la perte. Les souvenirs s’égrènent sur les lieux où les deux ont vécu : la bâtisse au bord de l’Oise à Cergy, emplie d’arbres ayant chacun leur nom, l’appartement à Paris rue de Tournon, près du jardin du Luxembourg, la maison d’été de Ramatuelle, où les enfants se mettaient nus aussitôt pour aller courir les vignes et se battre avec des roseaux. Quand l’amour est à ce point fusionnel, l’absence de l’autre est une mutilation. L’amour, la mort sont liés. Comment comprendre dès lors l’indifférence du monde à cet abandon ?

La chute d’Icare dans le tableau de Breughel est, pour Anne Philippe, l’image même de ce détachement. Chacun est seul dans sa mort et la vie continue. Icare chute, tout nu comme au jour de sa naissance, et le laboureur laborieux creuse son sillon sans le regarder, pris par son travail qui ne doit pas être interrompu pour être bien fait. Car il faut que la vie continue et que les graines poursuivent leur germination. Le monde ne s’achève pas avec la mort d’un seul, fût-il grand, fût-il talentueux, fût-il le plus aimé.

Le livre parcourt, à courtes pages retenues, cet équilibre du bonheur qui s’est brisé. Il dit, dans des chapitres de deux pages, la souffrance du vide. Au risque de s’enfermer dans l’œuf brisé, d’oublier la vie qui exige de continuer, les enfants trop petits qu’il faut élever. A 5 ans, à 3 ans, on ne comprend pas la mort, toutes les histoires doivent se terminer bien, même si l’on est obscurément pas dupe, même à cet âge. Le vaillant taureau qui résiste à son toréador les quinze minutes nécessaires pour être gracié est l’une de ces belles histoires qu’on dit sur la mort à de petits enfants qui viennent de perdre leur père. Le « jamais plus » est difficile à saisir : « celui d’entre eux qui souffrait le plus, parce qu’il en mesurait mieux la signification, me disait en parlant de toi : – Donne-m’en un autre si celui-là est mort, j’en veux un qui lui ressemble. J’essayais d’expliquer, expliquer quoi ? Que l’amour… » L’enfance fait mal, comme le printemps qui célèbre la vie renaissante, alors que le mort désormais immobile et pourrissant ne reviendra pas.

Un beau récit pudique empli de dignité qui nous rappelle que l’art transcende le réel et que l’écriture est une thérapie pour continuer à vivre.

Anne Philippe, Le temps d’un soupir, 1963, Julliard (édition originale), 143 pages, €3.87 ou Livre de poche 1982 (occasion), €4.10

Catégories : Livres | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Géopolitique de l’Europe après Brexit

L’Europe est une unité de civilisation au cap ouest de l’Asie ; la Turquie n’en fait manifestement pas partie, de même que l’autre rive de la Méditerranée ; la Russie aurait vocation à y entrer, mais pas sans remettre en question beaucoup de ses façons de faire. Cette unité de civilisation n’est jusqu’à présent pas une unité politique. Le rêve (naïf et vaniteux) de « République universelle » chanté avec enflure par notre Hugo national s’est brisé sur la réalité : celle du refus anglais, celle de la réticence des pays de l’est, celle de la montée partout du souverainisme. L’Europe n’est aujourd’hui qu’un agrégat de nations de forces inégales où la puissance armée équilibre de moins en moins la puissance économique. Disons-le tout net : Hitler a en partie réussi, l’Europe sans les Anglais est aujourd’hui allemande.

revue le debat 190 mai 2016

Passons sur la nullité passée de Chirac et présente de Hollande : aucun dessein, aucune idée, aucun projet sur l’Europe. Seule compte la survie au jour le jour en fonction de petits intérêts parisiens liés au parti du président ; les rodomontades hollandaises présentées depuis le Brexit sont dans l’urgence, sans rien de préparé de longue date – elles ont peu de chances d’aboutir ; la nomination de pitoyables, exilés à Bruxelles vaut placard de la politique ; la poursuite des idéologies nationales bornées se prolonge à Bruxelles au lieu de s’élever au niveau. L’adoration de la technocratie par les énarques et la confiscation de toute démocratie par les petits partis qui font cuire leur petite soupe à petit feu dans leurs petits coins (selon les mots inénarrables du général de Gaulle), ont rendu l’Union européenne non seulement illisible au citoyen moyen, mais flanquée d’une image de contrainte qui permet aux politiciens lâches de se défausser sur « Bruxelles » de tout ce qu’ils n’osent pas présenter aux électeurs.

Nombreux sont les sceptiques, Européens mais pas comme ça, allergiques aux intrusions sans explication sur l’économie et la finance, aux règlementations maniaques sur des détails de production, mais emplies d’indulgence pour les lobbies chimiques, industriels et de santé – au détriment des gens. Inquiets aussi de la montée des nationalismes dans le monde et refusant de plus en plus viscéralement cette espèce d’intégration sans frontières de tous les pays « ayant vocation » sur les seuls critères du droit, sans aucune considération de culture ni de civilisation. Il existe en ce sens une vraie fracture entre l’Europe de l’est, restée très nationale, et une Europe de l’ouest devenue très multiculturelle. Les premiers refusent de changer de civilisation, les seconds constatent le fait des cultures qui se côtoient sur leurs sols et sont tentés d’en faire une idéologie « de progrès ». Comme si le progrès résidait dans le mélange, l’égalisation, la moyenne.

Ce que viennent de dire les Anglais avec force est : NOUS VOULONS CHOISIR. Ils ne sont pas contre l’immigration (vue comme invasion ethnique et changement des mœurs) mais contre l’afflux de migrants (qui déstabilise le système social et l’Etat-providence). Ils veulent modérer le nombre et prendre en priorité ceux qui peuvent travailler et contribuer au revenu national. Il s’agit donc d’un raisonnement économique plus que d’une passion identitaire, le pragmatisme d’une « nation de boutiquiers » aurait dit Nietzsche. Mais les Anglais ont le mérite de ne pas s’enfumer l’esprit comme les Français par fièvre idéaliste. Leur vote fait partie de ce qu’Hubert Védrine appelle (avant le Brexit) un « retour au réel », dans un entretien à la revue Le Débat, n°190, mai-août 2016.

Les bobos idéalistes de gauche en France croient le monde composé de Bisounours, gentils par essence, unis dans une « communauté internationale » (qui n’existe que dans le discours paresseux des médias français), aspirant aux Droits-de-l’Homme véhiculés par un ONU qui aurait vocation à devenir l’État central du monde et aux méchants punis par une Cour pénale internationale. « Nous vivions sur une tradition intellectuelle qui a sa grandeur, certes, mais qui faisait de nous les responsables de toutes choses, les ordonnateurs du système international, les concepteurs du droit international, les missionnaires de nos fameuses ‘valeurs’. Pour ce courant de pensée, tout ce qui se passait dans le monde nous concernait soit au titre d’un remord, maladie expiatoire issue d’une histoire mal digérée, soit du fait de l’universalité de nos idées ou de notre responsabilité auto-décrétée ! », fulmine Hubert Védrine (lui aussi de gauche, mais pas de la même) dans l’excellent article cité. Attention au retour de bâton encore à venir : malgré sa clownerie vulgaire, Donald Trump trompette à l’envie ce que pense l’Amérique, Obama compris, que seuls les intérêts yankees comptent et que les États-Unis n’ont plus la mission de sauver le monde ni de protéger de leurs dollars des alliés qui ne font pas leur part.

bisounours rose

L’Europe n’est pas l’Europe lorsqu’elle laisse la Grèce à ses démons clientélistes au lieu de l’aider à construire un État viable dont l’administration collecte efficacement des impôts justes ; l’Europe n’est pas l’Europe lorsqu’elle reste à la remorque des États-Unis à propos de la Russie, de la Syrie ou d’Israël, sans affirmations calmes ni conscience de ses intérêts propres ; l’Europe n’est pas l’Europe lorsqu’elle laisse une Merkel sans contrôle négocier seule avec un Erdogan de plus en plus islamo-fasciste des avantages indus et une entrée programmée dont personne ne veut ; l’Europe n’est pas l’Europe quand elle prend des gants avec l’islam pour ne pas « stigmatiser » une religion, alors qu’il s’agit bien d’Allah dans les cris des tueurs, et bien de la religion dans les justifications idéologiques à massacrer les mécréants ; l’Europe n’est pas l’Europe lorsqu’elle laisse faire le laisser-passer des migrants à tout va, sans distinguer le droit d’asile de la migration économique. Sans les Anglais, l’Europe est un peu moins l’Europe, même si l’Écosse et l’Irlande du nord pourront peut-être négocier d’y rester.

Définissons clairement les frontières, distinguons clairement qui a droit ou pas, renvoyons clairement dans leur pays ceux qui n’ont pas droit de venir, négocions clairement avec les pays de départ et les pays passeurs les aides au contrôle et au développement (rétorsions financières à l’appui s’il le faut), établissons clairement un Schengen fédéral volontaire qui fonctionne en instantané (pas sur l’exemple du supporter nationaliste russe revenu aussitôt après expulsion parce qu’un fonctionnaire aux 35h était déjà parti en week-end et avait omis de mettre à jour la base…). Disons aussi ce que l’Europe veut et ne veut pas, avec la Chine, les États-Unis, la Russie, les pays hors Union. Pas besoin de faire les gros yeux, la force de la puissance réelle compte par inertie : un grand marché, de nombreux chercheurs, une industrie mondiale. Sans les Anglais, notre puissance est plus faible, mais elle reste importante.

Mais pour cela… il faudrait que les dirigeants de chaque pays de l’Union cessent de se défausser haut et fort à la Chirac-Hollande sur « Bruxelles » de tout ce qu’ils cautionnent tout bas par leurs votes en Conseil européen « des chefs d’État et de gouvernement » ! L’égoïsme sacré de chaque État existe, la mise en commun de certains pouvoirs bénéfique à tous existe aussi – autant l’expliquer et convaincre. Sans les Anglais, tout sera peut-être plus facile, mais la nullité Hollande fait encore moins le poids face à la légitimité Merkel – surtout si celle-ci perçoit une volonté de coaliser les « pays du sud » contre une Allemagne hégémonique !

attractivite france 2016

Et nous, Français, cessons d’accuser la « force » de l’euro, « l’ordo-libéralisme » allemand, l’égoïsme financier anglais, la xénophobie autrichienne, le traditionalisme chrétien hongrois et ainsi de suite. Lorsque nous serons exemplaires, nous pourrons donner des leçons à tout le monde. Mais pour être exemplaires, il nous faut réformer le pays tout entier : le millefeuille territorial, le cumul des mandats, la corruption des élites, le droit du travail, les entraves à l’entreprise, la fiscalité illisible, les conflits d’intérêt dans l’homologation des médicaments, la filière agricole ; il nous faut associer les citoyens aux « grands projets » d’État, assurer une meilleure représentation parlementaire et rendre les syndicats plus représentatifs… Tout ce que nous n’avons PAS su faire depuis la chute de l’URSS, depuis Chirac, depuis Hollande, avec la parenthèse Sarkozy qui avait commencé un peu, mais trop peu et avec changement de cap inexpliqué.

Revue Le Débat n°190, mai-août 2016, €20.00

Comprendre ne signifie pas excuser, comme certains illettrés le croient. Je rappelle que je suis POUR l’Union européenne. Ci-après quelques notes sur ce blog :

Catégories : Géopolitique, Politique | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Religion et foi

Pour moi, toute croyance métaphysique est du ressort de l’intime.

Nul ne peut se mettre à la place d’un autre à cet égard. Il s’agit en effet des fins de l’existence et de l’éventuel au-delà. Aucune « preuves » n’en peuvent être données autres que la Présence, ou l’envie de suivre un être exemplaire. La conviction naît en chacun, par conversion profonde ou par abandon au Guide, modèle de perfection ou maître de vie. Paul est renversé sur le chemin de Damas, Claudel bouleversé derrière le pilier droit du chœur de Notre-Dame. À l’inverse, Pascal fait le pari raisonné de croire, avant d’être saisi de « feu ». Je respecte ces convictions, puisqu’elles sont de l’ordre de l’intime. Mais je ne tiens pas à ce qu’un prosélytisme quelconque envahisse mon existence. En cela, je suis « laïc ».

religions dans le monde carte

Je distingue en effet la foi et l’église, la croyance et la tradition religieuse.

Pour ma part, je ne suis pas un « croyant ». Sur le fond métaphysique, je reste à la porte. Les spéculations sur ce qu’on ne peut pas connaître me paraissent stériles, elles n’ont pour moi pas de sens, pas de signification. Ou plutôt, ce qu’elles signifient n’est pas ce qui rationnellement me touche, ni ne me passionne, ni sort du ventre. Le sens est hors de toute raison, dans l’angoisse profonde et l’espérance – pas dans l’entendement mais dans l’émotion et l’instinct. Le sens humain n’est donc pas complet, inabouti. Il n’y a « pas de sens » parce que ni l’instinct, ni l’émotion ne sont « penser ».

Toutes les religions universelles se ramènent au fond à deux dispositions :

  1. Un abandon face à l’adversité (croire, tout simplement, sans raison)
  2. Le refus de la réalité et l’espérance qu’un autre monde est possible (sans que l’on fasse quoi que ce soit pour qu’il advienne)

Autrement dit la trilogie catholique : la foi, l’espérance et la charité.

Il s’agit bien de propensions intimes, irraisonnées, qui ressortent d’un déficit du vital, d’une déprime intérieure, de l’émotionnel exacerbé et de l’affolement face à tout ce qui change, qui bouge, qui surprend, d’un désir d’abdication et de refuge, d’être à nouveau petit enfant irresponsable que papa ou maman prend en charge. Avez-vous noté que les périodes de foi mystique naissent lors des grands bouleversements des peuples, dans l’Exil à Babylone, durant la migration hors d’Égypte, lors de la colonisation romaine, à la fin de l’Empire lézardé par les jeunes et vigoureuses invasions barbares, lorsque la Renaissance incite à la Réforme, après la chute de la dernière monarchie française et la défaite face aux Prussiens, à la suite de la boucherie de 1914, depuis la crainte sur le pétrole ou le nucléaire et les angoisses sur le climat, à la suite de l’échec des « printemps » arabes et du chaos qu’y a mis la liberté dans des pays encore archaïques ?…

Et pourtant, « l’autre monde » possible existe : il est celui d’à côté – pas celui d’hier ni celui d’au-delà.

Il est ce monde des autres qu’il nous faudrait découvrir, explorer et penser : Babylone pour les Hébreux, Rome pour les Juifs, les dits ‘barbares’ pour les Romains, les Protestants pour les Catholiques, l’Allemagne pour les Français après Sedan et avant 14, l’imagination, la recherche et l’inventivité industrieuse pour le climat et la gestion des ressources, l’islam même pour les ignorants qui n’ont jamais lu le Coran ni abordé la culture ni l’histoire…

Mais, plutôt que se colleter aux réalités, il est tellement plus facile de s’évader dans les fumées de l’Ailleurs, n’est-ce pas ? L’avenir radieux est sans cesse remis à demain car “le diable” (ou les Méchants) l’empêchent de se réaliser ici et maintenant. Il faut donc “prier”, se ressourcer dans “la foi”, la doctrine pure et sans tache, le littéral des Livres saints (Bible, Coran ou Das Kapital) et faire confiance aux clercs, ayatollahs, imams, rabbins, gourous, commissaires politiques gardiens de “la ligne” ou intermédiaires autorisés par l’Église entre Dieu et les pécheurs. Ne pas penser soi, s’abandonner entre les mains du Père, se soumettre (sens du mot islam).

Judaïsme Johann Sfar Le chat du rabbin

Est-il étonnant que ceux qui s’abandonnent le plus à l’au-delà soient ceux à qui la réalité de leur présent ne fait aucun cadeau ?

Les post-Romains se réfugient en monastères, hors du temps, dans un espace clos. La France féodale est angoissée de l’an mil, inquiète du Diable et des sorcières, aspirant à pèleriner pour chasser l’hérétique en Languedoc, sur le chemin de Jacques, et demain à Jérusalem. La mystique rhénane naît dans l’Allemagne des Grands Féodaux. Les pauvres Espagnols partent se tailler des empires en Amérique. Les Puritains anglais, persécutés, partent défricher la terre promise outre-Atlantique. Il n’est pas jusqu’aux hippies des années 60 sur les chemins de Katmandou, de Goa et de Bali qui n’aient été voir ailleurs, tenter de vivre autrement, s’évader dans la fumée et élever pour un temps des chèvres en tissant leurs vêtements. Ou Daech et son culte de la violence et du martyre, qui attire les âmes faibles éprises de discipline et d’absolu.

Dans tout cet exemplaire dépressif et auto-répressif, même les soi-disant laïcs, écolos mystiques qui se croient à gauche aujourd’hui puisent à l’envi : prêches enflammés contre le « luxe » et la luxure, contre la vanité et la dépense, militantisme pour une morale de l’austérité, de l’économe et de la rétention ; croisade des « enfants » ; conversions « naïves » ; récits rêvés d’apocalypses ; « miracles » édifiants…

christianisme mediavores

Max Gallo, historien populaire et essayiste sur l’État, a conté la geste chrétienne de la Fille aînée de l’église en trois volumes parus au début du second millénaire : saint Martin ou le manteau du soldat, Clovis ou le baptême du roi, Bernard de Clairvaux ou la croisade du moine. Il déroule, sans guère d’esprit critique, les images d’Épinal de « notre histoire de France » largement écrite par l’Église officielle sous la forme d’une Légende Dorée. Elle se décline en mystique (Martin), en politique (Clovis ou Louis 1er) puis en impérialisme (Bernard fondateur d’Ordre et prêcheur de croisade). Le premier volume est le plus mièvre, opposant comme Bien et Mal un Romain antique et son fils christo-hippie. Le premier est féru de lettres et de morale, amateur de vin et de jeunes femmes, le second est dépeint sentimental hystérique, ignorant et refusant d’utiliser son esprit pour se réfugier dans l’offrande passive de « la prière », frappé d’exemples martyrs, aspirant à s’humilier dans la boue, se châtiant sous la pluie glacée et refusant tous les plaisirs venus des autres et de la nature. L’humain n’a-t-il donc le choix qu’entre l’ange et la bête ? Ne sommes-nous point debout mais faillibles, vaillants mais aveugles ? C’est en tâtonnant que l’existence se révèle, il faut de la force pour aller de l’avant. Max Gallo le reconverti, lors du baptême du bébé Antoine en 2001 ainsi qu’il le raconte, a le zèle du néophyte pour croire en cette histoire sainte avec la foi du charbonnier.

J’avoue comprendre mieux le Bouddhisme sur ce sujet.

Lucide sur l’Illusion (ce voile de Maya) et tenté un temps par le renoncement (Bouddha fut ascète), il a résolu bien mieux que le Christianisme cette panne d’énergie, ce déficit vital et psychologique qui frappe ici ou là les hommes lorsque les temps déstabilisent les sociétés. Contrer l’Illusion consiste pour le bouddhisme non à rêver d’un autre monde, d’une Cité de Dieu ailleurs que sur cette terre, ou d’un combat paranoïaque contre tous ceux qui ne croient pas exactement comme vous, mais à démonter signe à signe ce que l’on croit être vrai pour pénétrer le cœur des choses. Il s’agit de discipline qui passe par :

  1. la maîtrise du corps (le yoga, les arts du zen),
  2. la domination des passions (selon des exercices respiratoires et spirituels)
  3. la méditation intellectuelle la plus poussée (sous la direction d’un maître).

Point d’abandon alors, entre les mains d’un Père ni dans un néant quelconque – mais une énergie canalisée en soi, prête à rejoindre les énergies du monde. Pour certains Chrétiens eux-mêmes, la « prière » n’est pas s’abîmer en Dieu mais l’instant d’un retour sur soi pour un ressourcement intime.

Reste la tradition

Elle est culture et j’y participe, étant tombé dedans petit avec le baptême, les cérémonies, la messe, le patronage, les scouts, l’aumônerie du lycée. A noter, pour l’histoire, que si j’ai rencontré en catholicisme beaucoup de sentimentalité, de névroses, une phobie hystérique de la nudité, une angoisse viscérale du sexe et les affres permanents de la conscience coupable – je n’ai pas rencontré de pédophiles ni d’homosexuels déclarés. Il y a une hystérisation probable de cette infime minorité dans les faux (ou très exagérés) souvenirs d’aujourd’hui. Axel Kahn n’a-t-il pas déclaré lui-même au Club de la presse d’Europe 1 qu’un curé qui le regardait nager nu était un « pédophile » ? Entre le regard et l’acte, il y a me semble-t-il une différence… Mais rien de tel que la confusion pour obtenir son quart d’heure de gloire médiatique.

Je n’ai pour ma part échappé qu’aux collèges et aux pèlerinages… Peut-être est-ce surtout là que se situaient ces pratiques réprouvées ? Il va de soi que la peur de la femme, l’idéalisation de la Vierge, la frilosité envers le corps, incitent comme l’interdiction de la sexualité « normale » aux prêtres, à la déviance de pulsions de toutes façons irrésistibles ? Peut-être ces pratiques pédo ou homo – que nous réunissions par commodité sous le terme « pédé » – ont-elles été encouragées après ma période de prime adolescence, dans les suites de mai 68 que les gauchistes réprobateurs d’aujourd’hui, qui adorent faire à leçon au monde – ont encouragées et pratiquées sans vergogne pour être à la pointe de la mode rebelle ?

croix dylan michael patton 13 ans

Je ne renie pas les racines majoritairement chrétiennes de l’Europe, même si le soubassement gréco-romain et celtique, viking, est important (dans la langue, le droit, le parlement, les moeurs, et même l’architecture des églises et des cathédrales). Viennent ensuite des influences juives, notamment sur la Méditerranée, qui ont duré plusieurs siècles, l’islam un peu, même pas un demi-siècle cependant vers Narbonne et Toulouse. L’orientalisme – qui va du Maroc au Japon en passant par l’Égypte, la Perse, l’Inde et la Chine – a eu plus d’influence sur notre culture que l’islam lui-même, n’en déplaise aux soumis.

L’Europe, la France, se sont façonnées de tout cela.

Catégories : Religions | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Nick Wilgus, Meurtre et méditation

Thaïlande, de nos jours : la ville trépidante est polluée de touktouks et autres véhicules à deux, trois ou quatre roues. La foule se presse, commerçants, affairistes, fonctionnaires royaux. Des adolescents virevoltent en mobylettes ou motos ; ils ont trouvé le filon pour s’acheter fringues, chaînes d’or et téléphones mobiles : soit vendre leur corps dans les parcs ou les boites, soit vendre leur agilité pour livrer de la drogue. C’est Bangkok. Mais il reste des oasis de calme et de méditation : les temples bouddhistes. Des adultes s’y retirent du monde pour se faire moine. Soit pour quelques années, soit pour leur reste de vie.

Tel est le cas de frère Ananda, la cinquantaine, ancien policier entré en religion parce que sa femme et son fils de 13 ans ont été tués par balles après une grosse saisie de drogue. Vengeance, faut-il se venger à son tour ? La voie bouddhiste n’est pas pour répéter à l’infini le cercle de la souffrance. Il faut au contraire le rompre en le transcendant, par la bienveillance. Le lecteur apprendra la différence entre amour et compassion, combien le premier est vague et souvent égoïste, tandis que la seconde souffre avec tous les êtres et s’efforce de les aider à se libérer. Ananda a aimé très fort son fils ; lui mort, il ne peut plus aimer, mais seulement aider. A moins que…

C’est le mérite de cet étrange roman de nous dépayser, de nous faire passer de nos coutumes catholiques aux coutumes bouddhiques, bien différentes, bien mieux intégrées dans la société même des hommes. En bouddhisme, il n’y a pas de dieu, seulement Bouddha, humain exemplaire qui aide chacun à trouver la voie pour se libérer du cycle des souffrances. Les moines ne répètent pas à l’infini un Vrai révélé, mais se mettent en sympathie avec les êtres souffrants pour les aider de leur sagesse acquise. Ils n’aiment pas leur prochain sur injonction mais compatissent aux erreurs et aux désirs. Car la souffrance d’être vient des désirs non maîtrisés et des erreurs de l’enfance. En Thaïlande, beaucoup d’enfants sont mal aimés, rejetés, battus et exploités. Beaucoup de parents avides les délaissent s’ils sont trop nombreux, ou les rendent orphelins en mourant du sida. Certains les vendent s’ils sont accros à la drogue. D’où ces enfants des rues, vivant de petits trafics et de prostitution.

Frère Ananda, moine bouddhiste parmi les anciens du temple Mahanat, participe à la vie de la communauté en aidant les adolescents à méditer. De longues minutes à faire le silence en eux, à isoler leur ‘besoin’ de drogue ou de sexe, à contenir leur agitation, leur colère ou leur angoisse. Ils sont seuls comme dans la vie réelle, mais doivent apprendre à devenir adulte, sortis des pulsions infantiles, maîtres de leur conscience et de leur corps,. C’est ainsi qu’un maître bouddhiste guide sans contraindre, qu’il tente de redonner à ces ados déboussolés la maîtrise sur eux-mêmes. Il veut leur faire prendre conscience de leurs désirs, des causes de leurs souffrances, et leur offrir le choix de la volonté. Il faut pour cela des années d’entraînement, et être référent comme un père. Mais lui refuse d’oublier son vrai fils…

Un matin, le Supérieur effaré lui demande de venir voir la salle d’eau éloignée, peu utilisée par les moines. Un cadavre d’adolescent nu est à demi plongé dans la jarre aux ablutions, des brûlures de cigarette sur le torse, une grosse bougie enfoncée dans la gorge et les yeux arrachés. C’est Noï, l’un des jeunes recueillis par le temple. Orphelin, drogué, prostitué, il n’a jamais été aimé et cherche à oublier dans les fumées artificielles ou en offrant son corps à qui le veut du moment qu’on le prend dans ses bras. Qui a fait le coup ?

Aidé de Jak son garçon de chambre de 12 ans, frère Ananda (improprement appelé « père » par l’éditeur sur le modèle catholique), va s’efforcer de débrouiller les pistes ; il mettra au jour les relations incestueuses du monastère et du siècle. La corruption, très présente en Thaïlande, prend ici des tours inattendus. L’auteur, américain et ancien moine franciscain devenu journaliste au Bangkok Post depuis les années 1990, connaît bien le terrain. Il parsème ses têtes de chapitre de citations du Dhammapada, recueil des paroles du Bouddha. Nous sommes dans une autre société, un autre monde, une autre spiritualité. Wilgus est un bon passeur de culture, antichoc des civilisations. Le lecteur ne pourra qu’aimer frère Ananda, son humanité toute simple et son obstination au mépris du danger ; aimer Jak, l’éclopé orphelin plein de bonne volonté et éperdu d’amour ; aimer le monastère, ce fragment d’éternité et cette porte pour la libération en plein cœur d’une métropole engoncée dans la modernité.

Nick Wilgus, Meurtre et méditation (Mindfulness and Murder) – une enquête du père Ananda, 2003, Picquier poche 2007, 342 pages, €8.17

Catégories : Livres, Religions, Thaïlande, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,