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Michael R.D. Foot, Des Anglais dans la Résistance

Le credo véhiculé par les gaullistes et par les communistes était que « la » Résistance (à majuscule) était purement française, les « alliés » n’étant qu’accessoires. La vérité des historiens est différente et bien plus nuancée. Michael Foot, auquel on ajoute R.D. pour le différencier d’un politicien, est un historien universitaire de Manchester, ancien officier SAS (Special Air Service) durant la Seconde guerre mondiale. Il a été mandaté au début des années 1960 par le gouvernement anglais pour faire le point des succès et des échecs de l’entreprise de formation et d’armement des groupes clandestins en France, afin d’en tirer des leçons.

Il ne s’agit pas de froisser de Gaulle (encore au pouvoir ces années-là), mais de rendre objectifs des faits complexes, et embrouillés à dessein de propagande. Le livre n’a pas été autorisé à paraître en France par les Anglais du Foreign Office (un éditeur français voulait en acheter les droits de traduction). Il ne le sera qu’en 2008, les passions s’étant apaisée et l’histoire neutre devenant possible.

C’est dire combien « la vérité » importe peu aux politiciens et à leurs partisans. Trump, mettant ses gros pieds dans le plat médiatique avec sa notion de post-vérité, n’a fait qu’actualiser le mensonge pour l’action – cet autre nom de l’idéologie que Nietzsche, Marx et Freud ont théorisée pour notre monde contemporain…

Ce livre épais et érudit est écrit « à l’anglaise », dans ce mélange de citations classiques et de fluidité de conversation ; il se lit avec délices. Il fait le point de façon précise sur ce foisonnement de groupes, groupuscules et d’initiatives venues de Londres comme de France occupée. Il n’occulte en rien les réticences des militaires de carrière, tant anglais que français, envers le travail clandestin considéré comme mineur et ignoble. Il dit le chaos des premières années entre improvisations, querelles d’ego et rivalités hiérarchiques. Il montre les insuffisances de sécurité des Français – criantes ! – l’anarchie initiale des mouvements, la politisation moscovite côté communiste et progressive côté gaulliste, l’échec de Jean Moulin malgré la symbolique.

Ce livre de 800 pages comprend plus de 200 pages d’appendices sur les sources, les noms, les réseaux, les messages BBC, la chaîne de commandement ; il est flanqué de 46 pages de notes dans l’édition française et d’un index de 18 pages. Plus quelques photos en noir et blanc. C’est dire s’il est documenté, étayé et précis. Il est une somme – provisoire car la recherche historique avance comme toute recherche scientifique.

Une première partie décrit les structures du mouvement clandestin ; une seconde fait le récit de ce qui fut réalisé.

La naissance du Special Operations Executive le 16 juillet 1940 est due à la défaite de la France, il n’existait pas avant. Il sera supprimé juste après la guerre, le 30 juin 1946, sa fonction remplie. Il s’occupait de désinformation de l’ennemi, de sabotages, de renseignement – mais surtout d’entretenir le moral combattant de Français abattus par une défaite imprévue et écrasante, et anesthésiés un temps par le conservatisme repentant du vieux maréchal de Verdun. Tout nous est dit sur le recrutement (disparate), la formation (trop rapide) et les communications (handicapées par une technologie lourde et archaïque).

Le récit montre les tâtonnements des années 1940 et 1941, le développement 1942 et la série de fautes 1943-44, avant les succès de juin à septembre 1944 lors des deux débarquements. Les résistants, formés et armés par les Anglais, mais bien Français sur le terrain et voulant en découdre, ont ralenti la progression des divisions vers les différents fronts et ont permis l’ancrage du débarquement de Normandie, malgré des représailles cruelles d’une armée aux abois (Vercors, Tulle, Oradour…).

Complémentaires aux bombardements, mais bien plus précis, les sabotages réussissaient à l’économie ce que la débauche d’aviation et de bombes ne parvenaient pas toujours à réaliser. Mieux : le moral des Occupants a été sévèrement atteint, ce qui n’était pas explicitement prévu : « Le résultat final de ses actions en France (et de celles d’autres acteurs de la guerre souterraine) fut bien de briser la combativité des Allemands dans ce pays. L’influence du SOE à cet égard a été inestimable, au double sens du mot, c’est-à-dire à la fois très forte et impossible à quantifier » p.583. Maitland « Jumbo » Wilson, « l’autre commandant suprême allié qui a opéré en France », « a estimé, sans que cela ait valeur officielle, que la présence de ces forces a abaissé de soixante pour cent l’efficacité au combat de la Wehrmacht dans le sud de la France au moment des opérations de débarquement en Provence » p.588.

Malgré les rodomontades des partisans communistes et des tard-venus « naphtalinés » de la mi-1944, « tout historien attaché à la vérité doit reconnaître que l’influence du SOE sur la résistance française a été importante, parfois même cruciale. C’est grâce à lui que parvinrent à destination des milliers de tonnes d’armes et d’explosifs envoyés pour aider les réseaux. Sans ces livraisons, elle n’aurait pas accompli le dixième de ce qu’elle a accompli » p.92. Chacun a fait sa part, gaullistes, communistes et Américains, mais le SOE anglais fut le plus précoce et le plus constant dans l’aide apportée aux résistants de France.

« En 1941, la section F n’avait envoyé sur le terrain que 24 agents opérationnels ; en mai 1944, elle faisait tourner plus de 40 réseaux, dont la plupart comprenaient plusieurs agents entraînés en Grande-Bretagne » p.496. C’est bien de le rappeler, et mieux de le montrer de façon étayée, en historien plus qu’en histrion. Ce gros livre est un livre de faits, utile à ceux qui veulent savoir, mais plus utile encore à ceux qui veulent comprendre les leçons de l’histoire.

Michael R.D. Foot, Des Anglais dans la Résistance 1940-1944 (SOE in France), 1966, préface et notes de J.L. Crémieux-Brilhac 2012, Tallandier collection Texto, 799 pages, €12.50, e-book format Kindle €4.99

La résistance au nazisme sur ce blog :

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Hommage critique à Max Gallo

Max Gallo, né à Nice en 1932, s’est éteint de la maladie de Parkinson le 18 juillet de cette année 2017.

J’aimais bien Max Gallo, débateur politique socialiste mais de l’ancienne gauche de Mauroy, posé et raisonnable à l’émission L’Esprit public du dimanche matin (elle aussi défunte, mais tuée par le politiquement correct des germanopratins de France Culture). Le « club des députés européens – et enseignants à Science Po » rassemblait Max Gallo et Jean-Louis Bourlanges, et ils étaient les plus intéressants du lot. Bien plus que Thierry Pech par exemple, idéologue froid à langue de bois qui dirige Terra Nova.

Car Max Gallo, fils d’immigré italien casseur de cailloux, ayant vécu enfant l’Occupation à Nice, était ancré dans la vraie vie. Il avait débuté par un CAP de mécanicien-ajusteur avant d’entreprendre un bac mathématique – mais dans la filière technique. Technicien et communiste à la radio-télévision française, il abandonne le PC en 1956 sur les événements de Hongrie et entreprend des études d’histoire – jusqu’à l’agrégation en 1960 et la thèse en 1968 sur la propagande fasciste en Italie. Il enseignera à Nice et à Science Po. Il sera nommé en 1983 secrétaire d’État, porte-parole du troisième gouvernement Pierre Mauroy – avec pour directeur de cabinet… François Hollande. Il ne restera qu’un an à ce poste puis quittera le PS en 1992 pour suivre Jean-Pierre Chevènement et son mouvement citoyen. Gaulliste et bonapartiste comme lui, question de génération, il ne restera là encore qu’un an. Il désire en effet poursuivre son œuvre de romancier, écrivain de suites romanesques, de biographies et d’écrits historiques.

Ces derniers sont légers, d’un ton souvent hugolien, donc populaires. Ils content la geste de l’Etat français avec Jeanne d’Arc, Henri IV, Richelieu, Louis XIV, Napoléon (son livre le plus vendu), la Révolution, Victor Hugo, 1918, la France libre, De Gaulle. Écrits vites et enlevés, sans guère de recul, ils ne valent pas les essais d’historiens spécialistes mais se lisent avec bonheur. Comme Alain Decaux, avec le même hommage à son œuvre de vulgarisation, il est élu le 31 mai 2007 à l’Académie française.

Marié trois fois, il voit cependant sa fille de 16 ans se suicider en 1972. Il a écrit ses Mémoires à 80 ans, L’oubli est la ruse du diable.

J’avais aimé la trilogie de La baie des Anges, roman autobiographique sur Nice en son époque, du 19ème siècle à nos jours.

 

J’ai moins goûté en 2002 la geste chrétienne de la Fille aînée de l’église en trois volumes, écrite pour le nouveau millénaire : Saint Martin ou le manteau du soldat, Clovis ou le baptême du roi, Bernard de Clairvaux ou la croisade du moine. Max Gallo déroule, sans esprit critique, les images d’Epinal de « notre histoire de France » largement écrite par l’Eglise officielle sous la forme d’une Légende Dorée. Elle se décline en mystique (Martin), en politique (Clovis ou Louis 1er) puis en impérialisme (Bernard fondateur d’Ordre et prêcheur de croisade).

Le premier volume est le plus mièvre, opposant comme Bien et Mal un Romain antique et son fils christo-hippie. Le premier est féru de lettres et de morale, amateur de vin et de jeunes femmes – un classique ; le second est dépeint sentimental hystérique, ignorant et refusant d’utiliser son esprit pour se réfugier dans l’offrande passive de « la prière » – tel un écolo post-68 – frappé d’exemples martyrs, aspirant à s’humilier dans la boue, se châtiant sous la pluie glacée et refusant tous les plaisirs venus des autres et de la nature. L’humain n’a-t-il donc le choix qu’entre l’ange et la bête ? Qu’entre classique et romantique, vieillard assis au pouvoir et jeune agneau bêlant d’émotions ? Ne sommes-nous point debout mais faillibles, vaillants mais aveugles ? C’est en tâtonnant que l’existence se révèle, il faut de la force pour aller de l’avant. Le binaire ne convient pas à l’homme, même s’il convient à « Dieu » – ou du moins aux clercs qui se réclament de lui dans l’Eglise pour dominer par la culpabilisation et la peur.

Max Gallo le reconverti lors du baptême du bébé Antoine en 2001 ainsi qu’il le raconte, a le zèle du néophyte pour croire en cette histoire sainte avec la foi du charbonnier.

Sa foi patriote est aussi tenace, bien que moins idéaliste. Elle est plus recevable, bien que j’y vois une continuité catholique romaine, autoritaire et hiérarchique, entre Dieu, le roi, la patrie. Il s’agit toujours de « croire » et de faire allégeance. En gobant n’importe quoi à la limite pour rester dans le Nous. Un fils d’immigré est-il, par son origine, plus patriote que le Français de souche ? Plus gaullien que De Gaulle ? Plus royaliste que le roi ? Les écrits de Max Gallo peuvent le laisser penser.

L’Amour de la France expliqué à mon fils s’interroge : « Peut-on aujourd’hui [1999], sans chauvinisme et sans être tourné vers le passé, parler de l’amour de la France ? Peut-on évoquer la passion qu’a suscitée, tout au long de son histoire, cette nation porteuse des grands idéaux universalistes ? Et montrer qu’à l’heure de l’Europe et de la mondialisation, cet amour a encore un sens ? (…) C’est en s’aimant elle-même que la France peut mieux s’ouvrir au monde. »

Oui, on peut aimer la France, bien que les « grands idéaux universalistes » reculent sous la pression des identités qui veulent exister. Légitimement. Dont la nôtre à ne pas oublier dans le présentisme médiatique, ni à diluer dans le grand melting pot yankee. D’où une balance à tenir entre « la France » et « le monde », entre nous et les autres, entre l’hospitalité (de générosité et de curiosité) et l’invasion (culturelle et mentale, économique et physique). Ne pas oublier la France réelle d’hier et d’aujourd’hui pour un vague monde idéal universel.

De Gaulle l’avait compris, Français du nord de culture classique ; pas vraiment Napoléon, Français de hasard et férocement ambitieux… Or Napoléon semble le modèle principal de Max Gallo par affinités d’origines.

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Ou trouver la sagesse politique ?

« Dans les temps modernes, l’humble sagesse est la pensée la plus révolutionnaire du monde ». Ainsi parlait Jean Giono, mort en 1970 (Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix). Il faut dire qu’il avait connu l’imbécile guerre nationaliste de 14 et la xénophobie souverainiste des fascismes, nazisme, stalinisme et autres franquisme, salazarisme et pétainisme. Cette époque stupide d’hier, nous voici replongés dedans.

Après un demi-siècle d’humanisme libéral (et de hausse sans précédent du niveau de vie), voici que la crise séculaire, celle qui ne survient qu’une fois en un siècle, a lieu. Comme en 1929, la crise boursière a dégénéré en crise économique, puis en crise politique avec la montée de mécontentements, ressentiments et populismes. Il a fallu dix ans pour que la bourse retrouve ses niveaux d’avant crise, et deux ans de plus pour que l’économie reparte franchement… avec la guerre. C’était en 1941 aux Etats-Unis. Staline, Mussolini, Hitler et Franco étaient au pouvoir. Pétain venait d’être nommé chef de l’Etat avec une bonne partie des voix de gauche à l’Assemblée…

Nous sommes aujourd’hui, après la crise boursière de 2007 et la crise du crédit de 2008 (Etats-Unis) et 2011 (Europe), dans la phase finale : le système financier est stabilisé, des garde-fous instaurés (même si… les contrôleurs ne contrôlent que peu de chose, en fonctionnaires ignorant du privé). L’économie repart doucement (clairement aux Etats-Unis, réellement en Allemagne et alentour, très faiblement dans la France socialiste). La crise sociale a monté, la crise politique survient. Ce ne devrait pas être une surprise pour ceux qui regardent loin dans l’histoire (et pas seulement les derniers tweets à la mode).

C’est cependant un choc pour ceux qui s’étaient habitués à la raison, à la maîtrise, à la tempérance. Brusquement tout vole en éclat, élection après élection. Chacun connait la liste : régionales en France, Brexit au Royaume-Uni, Dutertre aux Philippines, Erdogan en Turquie, Renzi viré en Italie, Hofer en Autriche qui a frisé la présidence, Trump aux Etats-Unis. Restent les élections en France et en Allemagne avec la menace des partis extrêmes. Ils sont non seulement anti-immigration – ce qui peut se concevoir tant l’Europe n’a rien vu, rien prévu et ne fait rien – mais aussi anti-coopération : antieuropéens en Europe, anti-OTAN, ALENA et OMC aux Etats-Unis. Chacun pour soi, chacun chez soi, America first, établissons la forteresse.

Muraille de Chine illusoire, comme le mur d’Hadrien ou la ligne Maginot. Car le monde est interconnecté, volontairement (par les traités et alliances) ou non (par la pollution, le climat, la répartition des matières premières et des énergies fossiles). Seule la liberté des échanges permet un commerce florissant, donc des biens et services à coût concurrentiel pour tout le monde. Sans cette liberté, la Chine serait encore loin d’émerger, et « les petits Chinois » dans le même état de famine que dans les années 1960, lorsque l’on collectait des capsules métalliques de yaourt pour financer les dons – tout cela parce que Mao le génie sans faillir avait décrété le Grand bond en avant, c’est-à-dire l’anarchie brouillonne de tous sur tout (baptisé « révolution culturelle »). Un truc qu’un certain méchant con voudrait faire renaître en France.

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Où en est-on avant la présidentielle ?

A droite, un homme sincère de conviction. C’est-à-dire de vraie droite catholique et gaulliste (de Gaulle était catholique, mais oui ! pourquoi certains s’en étonnent-ils ?) : ce qui signifie souveraineté, autorité, ordre moral, Etat-papa disciplinaire et grondeur.

A gauche, un trident d’hésitation. C’est-à-dire de gauche qui se cherche dans le monde neuf des technologies et du net : ce qui prend trois chemins.

  1. Ou bien la « réaction » robespierriste à la Mao, le pouvoir au « peuple » (sous la houlette soigneuse de son seul et forcément génial leader), la révolution permanente, le fusionnel souverainiste de la nation en armes, tout ce que veut Mélenchon.
  2. Ou bien la fuite en avant hollandaise de la réforme assumée, avec un dirigeant jeune et d’inspiration chrétienne, qui fera du social tout en nageant comme un poisson dans l’eau en modernité, tout ce que veut Macron.
  3. Ou bien l’éternelle réinvention du même, au parti socialiste, avec l’un des sept nains de la primaire en cours, qui fera du Hollande en moins ci et en plus ça, pas vraiment efficace, pas vraiment social, poursuivant la lancée du je-m’en-foutisme depuis quarante ans et du déclin depuis quinze ans.

En ce sens, le revenu universel Hamon est le renoncement même : plus de travail ? pas grave, « les riches » paieront. Sûr que « les jeunes » adorent, eux qui se prennent la tête aux études, ne trouvent que des stages répétés et galèrent pour du boulot, réservés aux « inclus » avec expérience. Être payés à foutre et ne rien foutre, quel pied ! Mais ce projet « social » ne dit rien des causes – purement françaises – de ce chômage massif persistant, alors que les pays voisins – dans la même devise, avec les mêmes taux de crédit et le même prix du pétrole payé dans le même dollar – sont quasiment au plein-emploi et voient leur croissance meilleure (avec moins d’impôts, taxes et charges). Renoncer à réformer le code du travail, la bureaucratie envahissante, la fiscalité touffue, le travail parlementaire mal ficelé et trop dans les détails – tout cela ne serait donc pas « de gauche » ? Mieux vaudrait-il financer le non-travail que chercher à favoriser le travail ? Quelle est cette soumission au sort, au destin, au monde ? Quelle est cette fatigue de vivre et de se laisser posséder ?

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Chacun cherchera donc avec ses propres lunettes « l’humble sagesse » dans cette cascade de raidissement ou de populisme. Pour ma part, je considère qu’aller contre le courant redevient révolutionnaire :

  • c’est-à-dire contre la gauche qui se contente de ne vouloir rien changer ;
  • c’est-à-dire contre la droite qui se contente de vouloir revenir à l’avant.

Si Macron veut gagner, lui qui a l’avenir devant lui plus que ses concurrents, il ne doit surtout pas se rallier au PS – mais laisser les élus et les militants déçus du PS rejoindre sa voie.

Si Fillon veut gagner, lui qui semble avoir un projet cohérent de redressement national au sein d’une Europe revigorée sans les Anglais, il ne doit surtout pas se rallier aux Républicains – mais imposer ses vues, à la de Gaulle, au-dessus des partis.

La sagesse est de tracer son chemin, sans se laisser dériver par les réactionnaires de gauche ni par les réactions de droite. Vaste programme ! aurait dit l’Autre.

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Réformer la Ve République ?

Ces institutions, nées à la fois de la déroute de la IIIe sous l’avancée allemande et de l’explosion de la IVe à cause de la crise algérienne, sont une création du général de Gaulle. Elles visent à assurer l’efficacité de l’Exécutif pour les décisions qui divisent, en même temps qu’elles maintiennent le lien démocratique par l’élection directe du président de la République et par l’usage du référendum. Après quatre décennies d’instabilité institutionnelle et de versatilité politicienne des constitutions précédentes (1918-1958), cela fait près de six décennies que l’actuelle fonctionne à peu près bien malgré démission, décès présidentiel, alternance, cohabitation et état d’urgence.

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Pourquoi donc la « réformer » ?

Changer le thermomètre lorsque la température monte ou parce qu’elle ne vous convient pas est un travers politique très français. Surtout à gauche dont la plupart des idéologues n’ont jamais accepté les institutions gaulliennes – mais pas seulement.

Décider exige d’avoir une vision de la France dans le monde, un projet politique pour les Français et de susciter un élan à la fois chez les militants, les électeurs et les parlementaires. Comme tout cela est fatiguant ! Comme il serait préférable de botter en touche, de proclamer « cépamoicélôtre », en associant les députés et les sénateurs, voire même les citoyens à la décision ! Première réforme envisagée : le VRAI référendum d’initiative populaire. Car il existe, mais tellement limité et corseté qu’il est inutilisable. Quant à son utilisation régionale pour l’aéroport breton, tout le monde attend que l’Exécutif fasse… exécuter enfin la décision prise par 55% des voix pour. Or Normal 1er s’en garde bien !

Il est vrai que, selon le mot d’Olivier Duhamel, président de la Fondation nationale des sciences politiques, « les Français sont un vieux peuple plus que monarchique, dont la plupart des cultures politiques et métapolitiques sont des cultures de l’autorité et de la verticalité, qu’il s’agisse de celles de l’Ancien régime, de celle des jacobins, de celle des catholiques, de celles des bonapartistes, de celles des républicains, de celle des staliniens, de celles des gaullistes… » (entretien avec Marcel Gauchet dans Le Débat 191, septembre 2016, p.47). Les socialistes, comme les radicaux et les centristes mais aussi les faux-gaullistes radsoc, sont plutôt de culture parlementaire, moins dans l’autoritarisme et plus dans le compromis et la négociation. Sauf que la société française, écartelée entre partis idéologiques, syndicats dans l’affrontement et les ego démesurés, ne peut fonctionner sans qu’une instance tranche, en dernier ressort. Le retour à la IVe ou à la IIIe République n’est souhaité par personne.

Réformer la présidence ?

Cela a déjà été fait (passage à 5 ans et deux mandats successifs seulement), mais les hommes comptent autant que les institutions : un président qui ne préside pas ne sert pas à grand-chose : voyez le Fout-Rien Chirac (disciple de Queuille) et la « névrose d’hésitation » (O. Duhamel) Hollande. Peut-être pourrions-nous revenir à un mandat assez long de 7 ans, mais unique ? Raymond Barre et René Rémond y étaient favorables. Cela permettrait de distinguer à nouveau la fonction présidentielle (qui est garante) de celle du Premier ministre (qui gouverne), en lieu et place du cafouillage sarkollandais depuis dix ans.

Réformer le Parlement ?

Cela passe peut-être par moins de députés et une dose de proportionnelle pour qu’ils représentent enfin la vraie France éclatée entre partis de gouvernement et partis qui ne veulent surtout pas gouverner. Cela passe peut-être par une réforme du Sénat avec moins de sénateurs et une représentativité un peu plus directe que le vote des grands électeurs.

Cela passe surtout par une navette moins longue entre les assemblées et par une réforme du droit d’amendement – qui devient ridicule quand on en dépose plusieurs milliers sur le même sujet. Certaines démocraties en Europe permettent d’adopter des lois directement en commissions – pourquoi ne pas le tenter ? Avec plus de moyens d’expertise pour les parlementaires : tout le monde y gagnerait, y compris le délai pour les décrets d’application.

Un changement du calendrier électoral est facile à faire : il suffit au président de dissoudre l’Assemblée nationale juste avant les présidentielles. Les députés seraient donc élus sur des programmes de partis avant l’élection du président de la République, redonnant tout son lustre au premier des ministres et à son gouvernement. La France deviendrait alors un peu plus proche des autres régimes parlementaires européens, sans modifier radicalement sa Constitution. Mais ce n’est probablement pas l’Obsédé de la synthèse, actuellement en poste, qui accomplira cette tâche régénératrice.

En fait, à part quelques petites réformes comme indiqué ci-dessus, la Ve République ne demande pas à être changée – elle fonctionne mieux que d’autres, sachant qu’il existe aucun régime parfait : voyez Hillary Clinton, battue malgré ses 2 millions de voix de plus que Donald Trump. Mais la règle est la règle et tout le monde s’y soumet. Renverser la table parce que l’on est battu est une option de mauvais joueur. Justement : faut-il réformer ceux qui vivent de la politique ?

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Réformer les politiciens ?

Ce qui va mal en France est l’effondrement de la gauche, prise entre les changements du monde qu’elle ne sait pas penser et la nouvelle option de bloquer faute de vouloir gouverner. L’islamisme radical et la révolution numérique demandent autre chose que le « socialisme XIXe » à la Mitterrand, le social à outrance Jospin ou les mesurettes branlantes Hollande ! Sans parler des impasses du « mouvement social », des manifs pour rien et des gens qui passent la nuit debout sans que rien n’en sorte.

Les extrémismes Mélenchon-Le Pen n’ont aucun projet – hors de « revenir » au tout-Etat, jacobin ou mussolinien : donc encore plus d’autoritarisme à la Chavez ou Poutine, à la Erdogan ou Trump.

La droite est probablement mieux apte à gérer l’islamisme, rien qu’en réaffirmant ce fait que la France a été longtemps catholique (pas besoin d’avoir la foi, reconnaître la culture suffit) et que ce vieux pays n’est pas les Etats-Unis (affairiste et individualiste). Mais saura-t-elle gérer les bouleversements du travail engendré par le numérique ? A part NKM, il n’y a personne.

A gauche, il y a Macron – s’il est accepté comme homme de gauche par les socialistes… ce qui reste à démontrer.

Laissons donc la Ve République telle qu’elle est, réformons-là à la marge en pesant bien les conséquences (tout le contraire de la légèreté Chirac-Jospin sur le quinquennat !) – ce qui importe avant tout est de PENSER le monde tel qu’il change, donc de proposer des voies d’avenir. Inutile de casser le thermomètre, il faut surtout changer de politiciens.

 

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