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La politique comme roman-photo

Les médias sont populistes par construction : au lieu d’analyser, ils romancent. Parce que cela fait vendre, le scoop engendre du buzz, les news du business, le fake du like. Pourquoi vous étonnez-vous que tous ces mots soient anglais ? Parce qu’on ne sait pas les dire en français. Parce qu’il s’agit de fric et que seul le monde anglo-saxon, pragmatique et près de ses sous, sait compter. Pas de Grands principes pour la philosophie anglo-saxonne – mais du bon gros pragmatisme à ras de terre, accessible au temps réduit du petit cerveau disponible de la masse.

C’est le danger du « capitalisme » que de ne pas savoir ce qu’il est. Les médias français sont remplis de petits procureurs contre « le système », contre « le capitalisme ». Mais, comme ils ne savent pas le définir, y mettant toute la réprobation « morale » qu’ils ont pour TOUT ce qui ne va pas sur la planète, ils se vautrent dans le pire capitalisme qui soit : celui de la bauge, de l’ignorance, de l’égoïsme forcené, du gros tirage, du fric… Voilà les conséquences de ne pas désigner les choses correctement. « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », écrivait fort justement Albert Camus… en 1944. Pléiade 1, p.908

Les médias ne sont pas politiques, ils sont bouffons. L’entertainment remplace l’entretien, le rejet le projet, la morale le national. Cet essentialisme du « tous pourris » ne fait pas avancer, il enfonce dans la fange. Ce faisant, il renvoie aux citoyens une image glauque de ceux qu’ils ont élus, il dégoûte de la chose publique et du débat politique, il marque la France à l’international d’une honte devant laquelle Trump et son trumpisme ferait presque pâle figure. Ah, qu’il était doux de donner des leçons au monde entier il y a quelques mois… quand il s’agissait des autres !

J’aime bien Mélenchon ou Fillon lorsqu’ils renvoient les médias dans les cordes, eux qui « posent des questions » souvent plus longues que les réponses très courtes qu’ils réclament, ou des questions qu’on aurait honte de poser tant elles sont ineptes, eux qui harcèlent l’interlocuteur quand sa réponse dépasse trente secondes (comme si le critère professionnel était de mitrailler les affirmations sans donner le temps de réponse), ou encore cet acharnement à « s’interroger » encore et encore sur l’écume immédiate par peur d’aborder les vrais problèmes du fond.

Le comportement de François Fillon, d’Emmanuel Macron, de Marine Le Pen (pour ne prendre que ceux qui sont pris) n’est plus supportable aujourd’hui – mais pour des pratiques pour une bonne part légales hier. Ou du moins dans les mœurs admises par l’ensemble de la classe politique depuis Mitterrand. On le sait, mais seuls les politiciens et les médias feignent de l’ignorer. Les gens en charge de la politique sont trop nombreux, cumulards, professionnels des partis de plus en plus loin du terrain, incontrôlés. Ils acquièrent avec le temps un sentiment d’impunité inadmissible.

La loi est dure ? Elle doit être la même pour tout le monde. Si elle est floue, elle exige d’être précisée ; si elle est mal rédigée par ceux-là mêmes qui répugnent à y être soumis, enlevons la loi aux députés pour la faire rédiger par des commissions indépendantes sans conflits d’intérêts. Mais comme ce serait quitter « la démocratie » pour la technocratie (ce qui n’est pas souhaitable), érigeons de véritables contrepouvoirs puissants – avec le moins de conflits d’intérêts possibles. Donc révisons les médias : leur financement par de gros capitalistes d’influence, leur rédaction trop monocolore politiquement, trop parisienne, leur droit d’enquête et la préservation des sources. Les médias sont essentiels au bon fonctionnement de la démocratie – il suffit d’observer la Turquie ou la Russie…

Mais c’est au lecteur et au spectateur de se désabonner ou ne plus regarder les médias et émissions qui préfèrent le feuilleton politicien au programme politique. Les ingrédients habituels des romans d’amour à l’eau de rose, style Harlequin, mettent en scène le sexe, le pouvoir et l’argent. Voilà ce qui fait vendre. En politique, les ingrédients sont repris avec des délices coupables : abus de pouvoir et argent à tous les étages sont le lot des politiciens selon la presse  (même Le Monde, bien nommé L’Immonde par les potaches) et la télé (même Arte, qui se croit intello). Reste le sexe : à quand les révélations ? Pas de partouze à 12 ans chez Fillon ? Pas de gigolos sexy chez Macron ? Pas de beuveries libertines chez Marine ? Allons, la presse, un peu d’imagination ! L’affaire Markovic a pourtant donné le ton, sous le général…

Gardons plutôt notre « temps de cerveau disponible » pour réfléchir par soi-même au lieu de le confier aux pubards et autres histrions de l’amusement médiatique. Macron reste-t-il dans le vague ? Faisons-le préciser. Fillon est-il trop comptable dans la rigueur ? Demandons-lui des explications. Hamon verse-t-il dans le côté Père Noël ? Exigeons de lui qu’il résolve sa contradiction entre distribuer et produire, payer tout le monde malgré la fuite devant l’impôt renforcé, faire l’Europe sans l’Allemagne. C’est cela qui est citoyen, pas une embauche familiale de 1988 ou un costume trop beau pour le pékin moyen envieux.

La loi n’est pas la morale, faut-il sans cesse le rappeler ?

Le projet politique n’est pas le comportement. Il importe beaucoup plus à la France, aux Français, à l’avenir, que l’élection porte à la présidence un candidat capable de décider et de voir loin. Pas que l’on rappelle sans cesse la « faute » d’il y a 30 ans, 15 ans, 5 ans. Fillon n’est pas Cahuzac, que diable ! Encore moins Macron. Quant à Le Pen, elle s’assoit sur les accusations – ce qui est peut-être la méthode la plus efficace, à défaut d’être éthique : les Français jugeront d’ici deux mois.

Après cinq années de gauche gouvernante plutôt lamentable (indécise, velléitaire, contradictoire, effacée), les électeurs semblent aspirer à la droite. Si ce n’est pas Fillon, ce sera Le Pen. Quant à Macron, il tente pour l’instant la « synthèse » équilibriste chère à Hollande et à ses disciples – et il risque autant d’échouer ou de décevoir.

Macron a pour lui sa jeunesse, son optimisme réformateur, sa dynamique hors parti. Il a contre lui l’aspect trop communication de ses discours, un projet incertain, des « papiers » d’école de commerce ou d’oral à l’ENA sur plusieurs sujets cruciaux. Il est le candidat qui agglomère le plus d’indécis sur sa personne, ce pourquoi les sondages le concernant sont artificiels.

Fillon assume une politique de droite qui remet l’Etat où il devrait être. Avant tout assurer la défense et la sécurité, faire appliquer la loi, contrôler les migrations massives. Ensuite aider à la modernisation de l’économie en débloquant les initiatives, seules à même d’adapter à la modernité et de rebâtir une industrie qui s’effiloche. Enfin quitter la posture de honte d’être français, la repentance à répétition, affirmer les valeurs des Lumières, la coopération européenne et une politique étrangère où les intérêts français priment sur les postures idéologiques. Il a pour défaut son côté tranchant et opiniâtre, ses « affaires » qui ne reluisent pas plus que les pompes cirées à l’Elysée par le conseiller présidentiel Morelle, son peu de cas de l’argent public tout comme le coiffeur salarié de Hollande à 9000 € par mois ou le logement de ses maitresses à la Lanterne. Mais on a trop oublié l’insignifiant sortant, dans les médias, tant l’absence de toute perspective historique est la marque du journalisme aujourd’hui.

Or ce devrait être cela la politique : un projet comparé et débattu entre candidats. Pas le feuilleton people de médias ignares et flemmards en mal de notoriété narcissique. Je suis las des médias qui « sortent » un scoop tous les deux jours – et toujours sur le même. Nombre d’électeurs, écœurés par ce cirque sans lendemain, vont déclarer « ne pas savoir » ou « voter Macron » jusqu’au dernier moment – jusqu’à ce qu’un sursaut de dégoût pour les mœurs dévoyées du médiatique leur fasse mettre dans l’urne le bulletin d’un vilipendé – juste pour envoyer foutre les donneurs de leçons pas plus purs que ceux qu’ils accusent.

Bel exemple de « démocratie » que le monde va de nouveau nous envier !

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