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Tintin au pays des Poutine

Le satrape mafieux a été « réélu » – comme sous Staline – par la menace du goulag, du poison ou des balles. 187% de oui au moins !

C’est ce genre de « démocratie » que nous préparent les Zemmour et Maréchal, préparés par les Le Pen. Une communauté fermée et pas une société ouverte – même si elle doit poser des limites car le multiculturel n’est pas viable.

En Europe occidentale, la citadelle du roi est remplacée par l’agora de la cité… Pas chez Poutine. Les Russes aiment semble-t-il leur esclavage soumis au tyran; bien peu s’opposent. Même avec leurs pieds. Seuls les éduqués citadins le font, ils s’exilent. Ne restent que les moujiks et le bas-peuple : les préférés du tyran démagogue.

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Immigration, un très vieux débat

Les politiciens et le monde médiatique, dont la tête de linotte est d’évidence la marque, feignent de découvrir le « problème » de l’immigration. Ce n’est pas faute d’en avoir parlé ! Valéry Giscard d’Estaing avait pris en 1980 par la loi Stoleru-Bonnet, après le second choc pétrolier de 1979 dû aux ayatollah iraniens, des mesures fortes… que la gauche irénique, aveuglée par ses tabous gauchistes, s’est empressée de rapporter aussitôt au pouvoir en 1981. Les vannes étaient grande ouvertes avec régularisations massives et regroupement familial facilité – au détriment du petit peuple qui côtoyait les nouveaux immigrés. Car l’absorption d’arrivants différents est tout à fait possible, à condition qu’elle se fasse au rythme nécessaire à sa digestion. Pas en force.

Or la gauche abêtie, et les intellos suivistes qui ont peur de rater le train du « progressisme » (sans savoir ce que c’est), sont immédiatement grimpés aux rideaux comme des félins en chaleur dès que « le peuple » a commencé à regimber, à dire qu’il ne se sentait plus chez lui, qu’on lui imposait des coutumes étrangères sans lui demander son avis. Le grand mot de « racisme » a été prononcé, l’accusation diabolique « d’extrême-droite » a été proférée, le malaise populaire a été dénié. La poussière ainsi mise sous le tapis a fermenté ; la pression est montée et – ô surprise ! – le bien brave socialiste Jospin, qui se croyait fort de son bilan économique et social réussi, s’est vu reléguer en troisième position à la présidentielle de 2002, derrière Jean-Marie Le Pen ! Ben vrai…

Mais Chirac n’a rien foutu, comme d’habitude, sur l’immigration. La droite LR qui pousse aujourd’hui les hauts cris, n’a rien foutu elle non plus, que des réformettes gentillettes pour surtout « ne pas fâcher » les progressistes, les chrétiens-démocrates, les intellos, les droit-de-l’hommistes, le Conseil d’État, l’Europe, le pape, l’ONU, les Juifs toujours sensibles au sujet des éléments allogènes de la nation. Ils sont bien niais de brailler aujourd’hui, Les Républicains, eux qui ont été au pouvoir avant Hollande et qui n’ont quasiment rien fait ! Ils se sont contentés de détricoter partiellement à chaque fois ce que la gauche en alternance avait rétabli.

Ce n’est pas faute d’analyses dans leurs rangs. En témoigne cet essai de 1992 (il y a déjà TRENTE ans !), du ministre gaulliste Alain Peyrefitte, académicien, écrivain décédé d’un cancer en 1999 : La France en désarroi. Il notait de multiples malaises dans la société, les institutions, le territoire, la justice, l’enseignement, l’information, l’Europe, le nouvel ordre mondial (post-URSS) – et le malaise de l’immigration.

Il ne disait rien que par bon sens – mais chacun sait que c’est la chose du monde la moins bien partagée, submergée par les croyances, inhibée par les névroses, effarée par le qu’en-dira-t-on et le ce-qui-doit-se-penser. Que disait-il ? Le rejet de l’autre existe « dès qu’est franchi un seuil de tolérance, variable selon les habitudes culturelles de la population accueillante, mais aussi de la population accueillie. On assimile aisément un individu ou un petit groupe. On assimile vite qui veut être assimilé. On n’assimile pas des masses soudées en communauté. Surtout si leur culture est trop différente et si elles entendent y rester fidèles » p.222. Ce rejet populaire est comparable à un estomac qui a trop mangé, il a besoin d’évacuer.

Pas de racisme en ce cas. Le mot est trop facile, qui mélange le suprématisme d’une « race » (qui biologiquement n’existe pas) et les habitudes culturelles et de mœurs (qui, elles, existent). Le racisme qui fait accuser de nazisme, par réflexe pavlovien, ceux qui osent évoquer les différences. Or il ne faut pas confondre nature et culture, la génétique avec les façons d’être. « Depuis le 10 mai 1981, on a souhaité rompre avec la politique de l’incitation au retour ; on a voulu accueillir à bras ouverts de nouveaux immigrés, y compris ceux qui étaient en situation irrégulière ; y compris ceux qui avaient déjà reçu le pécule de départ ; y compris ceux qui avaient été expulsés comme délinquants. Le socialisme a choisi la la voie du laisser-faire  : laisser grandir en notre sein des communautés qui nous restent étrangères, et cultivent farouchement leur caractère étranger » p.229.

Les exemples sont nombreux, depuis « le voile » (décliné en burkini, djellaba, burqa, abaya… l’imagination des militants islamistes est féconde), les attentats, les émeutes des banlieues, les recours de délinquants contre les expulsions, les imams prêcheurs de haine, les réseaux vers la Syrie pour Daech, les trafics de drogue et d’armes, les règlements de compte à l’arme de guerre. Qui fait communauté se sépare de la nation. Rompt le « contrat social » (terme progressiste qui fait de la citoyenneté un choix et une volonté).

« Intégrer ceux qui vivent sur notre sol, c’est les convaincre, surtout s’ils souhaitent devenir français – qu’il ne peuvent y être polygames, ni y procéder à des mutilations rituelles, ni y ménager des mariages de convenance pour leur fille mineure. C‘est les convaincre de se vêtir en Français, sans burnous, djellaba, hidjab ni tchador. C‘est les convaincre qu’ils doivent en France d’apprendre et parler le français, et demander à leurs enfants de se comporter au dehors comme des enfants français – même si chez eux ils conservent leurs usages. C’est les convaincre, quand ils pratiquent leur religion – étrangère à notre tradition judéo-chrétienne – de renoncer à ses manifestations publiques. On doit admettre la construction de lieux de culte pour les communautés étrangères  ; à condition qu’ils ne deviennent pas des foyers d’agitation » p.230. Comment mieux dire – il y a 30 ans ? Pourquoi la droite au pouvoir, qui gueule aujourd’hui, n’a-t-elle rien fait pour appliquer ces principes de bons sens ?

Les gens du peuple deviennent intolérants parce qu’on a dépassé le seuil de tolérance. Les chiffres officiels des « étrangers » masquent la réalité sociale car, sur les quelques 10 à 12 % d’étrangers chaque année, un certain nombre deviennent « français » par naturalisation ou mariage, sortant ainsi des statistiques. Ils n’en demeurent pas moins « d’origine » étrangère quand ils préfèrent leur communauté à la nation – dont ils n’ont pris la citoyenneté que par commodité administrative. Les intellos et les gens aisés ne côtoient guère les immigrés et les exploitent le plus souvent (nounous, ménage, aide à la personne, poubelles) ; ils trouvent malséant d’en parler.

Quant au « patronat », ce qui compte seul est le profit : avoir une armée de réserve de travailleurs non qualifiés et précaires, voire clandestins, permet de les payer peu et de les faire travailler beaucoup. Ce pourquoi l’appel de l’industrie à 3,9 millions d’immigrés en France d’ici 2050 pour « ses besoins » est une sinistre farce. C’est un confort économique pour ne pas innover en robotisation, ne pas verser de salaires décents, ne pas aménager les conditions de travail. Ce n’est pas une nécessité, c’est plutôt une honte. Mais la droite LR se garde bien d’en parler ! Tout comme la Meloni en Italie, qui régularise massivement sous la pression du patronat (et de la Mafia). Or on intègre avec succès des individus, qui se fondent dans la nation – pas des masses, qui restent en communautés d’origine, fermées et intolérantes.

Ce pourquoi Emmanuel Macron, président, a eu raison de s’atteler au problème. Même s’il reste « négocié » (donc insuffisant) pour rallier les indécis, effrayés par trop d’audace et par la peur de se faire « accuser de faire le jeu » de l’extrême-droite ou des racistes. Mais le jeu va bien sans « le faire », il se poursuit en sous-main. Car les tabous de la moraline de gauche ne passent plus dans « le peuple » – ce pourquoi Mélenchon, qui l’a compris, dragué éhontément les immigrés devenus français des banlieues, croyant y retrouver un « prolétariat » populiste qu’il pourrait manipuler en caudillo.

L’idée de l’équilibre entre répression et accueil était une bonne idée. Malheureusement, elle passe mal politiquement dès lors que les gens se radicalisent. La politique est désormais au tout ou rien, ce qui n’arrange ni le bon sens, ni la mesure, ni la démocratie d’ailleurs. Où sont les débats sereins ? Les compromis nécessaires ? Le simple bon sens ?

Le peuple jugera, en la personne de ses citoyens qui voteront régulièrement, en France, en Europe et ailleurs. Nous pourrions, dès avant 2030, nous retrouver avec Marine Le Pen présidente, un Parlement européen plus clairement de droite dure, Donald Trump aux États-Unis, Xi Jinping encore en Chine – et toujours l’inamovible Poutine en Russie, le modèle de la force cynique sûre d’elle-même, accrochée à ses intérêts par une mafia de corruption, capable de faire peur et de déstabiliser les egos fragiles fascinés par la brutalité (comme Zemmour) et les pays trop faibles…

Tout cela pour avoir nié le réel.

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Explosion des banlieues, et après ?

La révolte des banlieues… Ce n’est plus le moment d’en parler, tout et son contraire ont été dits et il faut avouer que « la politique » me débecte, prise entre l’infantilisme pseudo-révolutionnaire de la Nupes et l’intransigeance faute de programme et surtout d’idées des LR (elle erre !). Il semble que rien ne soit jamais appris des événements passés et que personne n’envisage une seconde de remettre en cause son petit Moi ambitieux pour travailler de concert – au service du pays. Le président et son gouvernement naviguent à vue, ils n’ont plus les moyens en absence de majorité, ni d’ambitions faute de moyens… financiers.

Il me semble pourtant que le constat est implacable – et simple.

Les banlieues sont de constants foyers de révolte car les gens récemment immigrés ou descendants d’immigrés de longue date sont précaires, pauvres et sans avenir espéré. Ils sont « stigmatisés » au faciès, n’ont guère la possibilité de « bien travailler à l’école » comme le Système l’exige (élaboré pour les fils de bourgeois début XXe avec garçons forcés à rester assis à écouter six heures par jour), sont rejetés par l’entreprise souvent pour cause de comportements ou de religion prosélyte, macèrent dans l’amertume et les réseaux sociaux qui les confortent dans leur victimisation. Tout cela parce que la fameuse « intégration » promise depuis Mitterrand en passant par Chirac, Hollande et j’en passe n’a jamais réussi, faute de volonté politique.

Ajoutez à cela deux redoutables tisons qui mettent le feu aux jeunes fesses promptes à réagir : d’abord le mur des lamentations moralisantes de la gauche coupable, issues d’un christianisme qui adore tendre l’autre joue par souci de l’au-delà, et d’une idéologie marxisante qui désigne « scientifiquement » le Mal dans l’Histoire (avec sa grande H) : le bourgeois, blanc, mâle, de plus de 50 ans ; ensuite les trafiquants de drogues, sexes et armes diverses qui ne réussissent leur business qu’à l’abri du chaos, dans des lieux où n’entre plus jamais la police, et grâce aux liens ethniques et familiaux qui leurs assurent l’omerta des plus vieux et l’admiration des plus jeunes.

Une fois ce constat posé, les difficultés commencent – et les yakas deviennent légion.

1 – L’immigration DOIT être régulée, et tant pis si cela doit piétiner quelques orteils sensibles des moralistes des beaux quartiers ou les diplomates des pays allergiques parce qu’ex-colonies (faudra-t-il plusieurs siècles pour qu’on arrête enfin d’accuser de tout « le colonialisme » alors que le sous-développement de pays tels que l’Algérie ou le Mali est dû à des dictatures où une étroite élite dirigeante accapare les richesses du pays ?). D’autres pays occidentaux régulent leur immigration sans toucher aux « traités » qu’on nous oppose si souvent, tel le Danemark ou le Canada. Donc c’est possible sans renier les Droits de l’Homme. Des études le montrent dépasser le niveau de 10 à 12 % d’allogènes non intégrés dans un pays crée partout des difficultés, quelle que soit la langue, la religion ou la culture. Mais la lâcheté étant le vice du monde le mieux partagé, quels politiciens auront assez de courage ?…

2 – L’État DOIT se réaffirmer, et pas seulement dans la répression ou les menaces de « couper » les subventions, les allocations ou la reconstruction. Il y a un problème avec la police, certes, le droit de tirer est trop laxiste, les caméras à l’épaule à chaque contrôle devraient être imposées à chaque flic de façon OBLIGATOIRE en tout temps, la formation devrait être développée. Cela dit, seul le quadrillage des zones sensibles par une police de proximité bien équipée et soutenue par sa hiérarchie est probablement le seul moyen efficace de sortir de ce malaise « avec la police ». L’éradication sans pitié, avec les moyens nécessaires, des trafiquants enkystés devrait être une priorité nationale.

Mais la réaffirmation de l’État passe par tous les services publics : école, justice, assistance sociale aux parents et aux adolescents, formation, emploi. Cela signifie moins « des milliards » destinés à construire et reconstruire toujours plus que des emplois dédiés et des formations enfin concrètes. Emplois d’éducateurs, d’enseignants, de formateurs ; emplois d’aide à la création d’entreprise (« les banlieues » ont de l’initiative et réussissent parfois fort bien dans les niches qu’ils investissent) ; emplois de police et de justice pour que les relations et le rapport à la loi soient clairs et suivis d’effets concrets et rapides (les mineurs irresponsables que l’ont laisse « sortir » sans rien de plus qu’un froncement de sourcil du juge sont laissés pour compte ; ce n’est ni les aider, ni aider la société que de les relâcher sans aucune mesure de coercition ou d’éducation contrainte).

3 – L’État, c’est nous, contrairement à ce que croient Mélenchon ou les duce, conducator, caudillos ou führers favoris de l’extrême-droite. C’est chacun dans sa famille, son métier, sa culture, sa façon de penser par soi-même et de critique. Il ne faut pas laisser à des minorités braillardes le monopole de la parole autorisée.

Il faut réaffirmer l’histoire nationale, incluse dans le monde, ne pas s’excuser sans cesse d’avoir existé et envahi (les Romains ont bien envahi la Gaule et on ne le reproche pas aux Italiens d’aujourd’hui, plus proche de nous les Anglais durant cent ans jusqu’à faire griller Jeanne d’Arc, ou encore les Allemands il y a quatre-vingts ans à peine). Chacun vit ici et maintenant et, s’il doit tenir compte de son histoire comme de celle des autres, il doit tranquillement affirmer son droit sur son sol et ses intérêts à l’international. L’Europe nous y aide – à condition d’exister en Europe ; l’économie nous y aide – à condition d’encourager la production durable et propre et de mieux utiliser la masse d’impôts qui sont en France parmi les plus élevés de toute l’OCDE ; l’histoire nous y aide – à condition de ne pas culpabiliser d’être blanc, bourgeois ayant acquis une certaine aisance, et de n’être pas « restés à la terre » comme tant d’autres pays qui préfèrent « les aides » au développement industriel ou intellectuel.

Ce sont à ces trois conditions – régulation de l’immigration, réaffirmation de l’État régalien, identité française dans le monde – qu’une intégration des populations immigrées, de fraîche date ou plus lointaine, pourra réussir. Ce n’est pas en laissant les banlieues à leur déshérence, à leurs religions complotistes, à leurs trafics trop faciles, que l’on réussira à utiliser NOS impôts correctement.

Dans ce contexte, les partis politiques qui peuvent porter ce projet sont rares.

  • Le RN de Le Pen se contente de surfer sur le mécontentement et le désir d’ordre. Mais il serait bien incapable de régler l’économie pour faire mieux, au contraire, vu l’incompétence notoire des déclarations.
  • Les LR n’ont aucun projet à présenter aux français qu’une pâle copie RN pour moitié ou d’une politique En marche un tout petit peu à droite pour l’autre. Ils jouent tactiquement l’opposition pour simplement… exister, sans voir que, comme le PS, ils se sabordent un peu plus dans l’opinion.
  • Renaissance (ex-En marche LREM)ne fait rien renaître, faute de majorité mais surtout d’objectif fédérateur – il semble que le président ait épuisé ses idées et ses équipes, usés par les gilets jaunes, le Covid, les grèves à répétition pour l’inévitable report de l’âge de la retraite, aujourd’hui les très jeunes (manipulés) des banlieues.
  • La Nupes est liée par ses accords électoraux contraints avec Mélenchon et le « mouvement » inconsistant qui lui sert de pseudo-parti (lui rêverait plutôt d’une milice à ses ordres). Si les communistes parviennent plus ou moins à exister encore (mais ne font bander quasi personne), les socialistes restent d’une lâcheté politique sans nom aux mains d’un Olivier Faure plus préoccupé de garder le pouvoir sur les lambeaux du parti que d’un programme positif à proposer aux Français. Quant aux écolos, ils vont une fois de plus changer de nom, travaillés par de multiples tiraillements entre « l’urgence » perpétuelle climatique (donc la « dé » croissance dont personne ne sait vraiment à quoi elle correspond, sinon retourner à l’existence autarcique du Moyen-Âge), l’adaptation raisonnée de l’économie au changement (mais avec quels fonds et quelle « casse » sociale ?), et les illuminés du woke qui recyclent le gauchisme de leurs géniteurs en nouvelle religion universaliste vaguement hippie où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, tout le monde il doit être respecté, et tous unis dans la révolution en marche, blabla…

Rien à attendre avant 2027 ?

Une bonne dissolution clarifierait les choses : Le Pen l’emporterait peut-être (encore que ce ne soit pas sûr) et la Nupes serait probablement réduite tout comme LR.

Mais pour réussir, il faudrait TOUT D’ABORD qu’un cap soit donné par le président, avec un programme concret attrayant pour les quatre années à venir.

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Frédéric Mitterrand, La mauvaise vie

« Un homme se penche sur son passé », écrit Mitterrand le neveu, reprenant ainsi le titre du prix Goncourt 1928 de Maurice Constantin-Weyer, très lu à l’époque. Pour un être aussi cultivé en serre de la bourgeoisie politico-industrielle, ce n’est pas un hasard. Dans cette autobiographie romancée qu’il qualifie de « mauvaise vie » – ainsi qu’on le dit de certaines femmes dans son milieu – il se justifie de n’être pas dans la norme. Il se sent en effet des désirs érotiques qui dévient de ce qui est requis. Il renverse le roman de la génération de ses parents écrit par Constantin-Weyer pour suggérer qu’un monde se meurt – son monde bourgeois corseté érotiquement correct – tandis que s’installent des immigrants de jeunesse post-68 (il avait 21 ans cette année-là) qui colonisent les mœurs et cultivent l’ouverture et les expériences. L’Asie et ses garçons libres, après le Maghreb, devient un nouvel espace de défi et de liberté.

C’est que le troisième fils de Robert Mitterrand, frère du président de gauche, est un être sensible qui a mal supporté la brouille de ses parents et leur divorce quand il avait 12 ans. Lui le petit dernier, au frère aîné de sept ans plus vieux que lui, s’est senti abandonné. Trop mignon pour n’être pas considéré par les grands comme une fille, trop affectif pour ne pas tomber amoureux dès le plus jeune âge de compagnons d’école, de héros pour la jeunesse (Alix l’intrépide, Le prince Eric, Bob Morane), d’acteurs de cinéma (George Hamilton, Yul Brynner en pharaon, Robert Hossein), des amis de ses frères qu’il voit torse nu au bord de la piscine. Nul n’est maître de ses désirs, qui folâtrent en liberté comme Éros, mais seulement de ce qu’on en fait.

Tenu par son éducation plutôt stricte (« la méchante » gouvernante qui l’a dressé à la trique jusqu’à ses 10 ans) et par l’amour de sa mère et de sa grand-mère, le mauvais exemple de ses frères libérés et fêtards n’a pas empêché de leur part une certaine protection. Il s’est donc senti en marge mais toléré, l’ami Quentin par exemple le traitait de « petit con » avec une certaine affection tandis que petit frère de Quentin, Minou, avait compris son désir pour lui et en jouait. Son milieu Neuilly-et-grand lycée parisien lui a permis de côtoyer des vedettes, telles Michèle Morgan et Bourvil, avec qui il a tourné dans Fortunat d’Alex Joffé lorsqu’il avait 13 ans. De là date sa passion du cinéma, art de l’illusion où l’on peut paraître autre que l’on est et se faire aimer. Il a ainsi rendu hommage à deux actrices françaises dont il ne donne pas le nom (« jamais de nom ») mais dans laquelle il est aisé au lecteur cinéphile de reconnaître Catherine Deneuve – sa sœur et sa fille – ainsi que Françoise Sagan.

Ce qui a fait scandale est bien sûr la charge Le Pen contre « la pédophilie ». Comme d’habitude, la politicienne avait repris une note de son staff politique sans aucune distance ni sans avoir lu le livre. Elle a accusé F. Mitterrand de tourisme sexuel en Thaïlande et en Indonésie alors qu’il suffit de lire pour constater qu’il s’agit de jeunes hommes tout à fait majeurs, autour de 20 ans. Dans ces pays, les gens considèrent qu’« il est bon de s’amuser avec des garçons » dans leur jeunesse, ce qui n’empêche pas lesdits garçons d’avoir une copine puis de se marier et d’avoir des enfants. On peut réprouver ces mœurs en soi, ou préférer qu’elles n’aient pas lieu dans nos contrées, ou mettre un couvercle de déni dessus, cela n’empêche qu’elles existent et que la génération post-68 les a expérimentées. Mitterrand le ministre ne fait que rapporter ses souvenirs – plutôt glauques et qui n’incitent pas vraiment à l’imiter.

L’auteur évoque en revanche avec pudeur les deux enfants tunisiens qu’il a adoptés, chacun vers l’âge de 10 ans, comme s’il voulait reprendre avec eux son développement personnel interrompu par le divorce de ses propres parents. Comme s’il voulait aussi se faire pardonner par son milieu et par la société d’être ce qu’il est, un fruit sec, et continuer la lignée des trois enfants sur l’exemple familial. Il aurait en effet un fils naturel en plus de deux adoptés. Mais il ne parle guère de leur éducation ni de l’amour qu’il peut leur porter ; ne sont-ils à ses yeux que de beaux « objets » à regarder ?

Je n’aurais pas acheté ce livre, ni ne l’ai lu à sa sortie, mais je l’ai trouvé dans l’une de ces bibliothèques des champs et des rues où les gens se débarrassent des livres en les donnant au tout venant. Tout est bon à découvrir pour qui a l’esprit curieux et ouvert. Frédéric Mitterrand écrit bien, avec des phrases un peu longues et traînantes comme sa diction, parfois. Ce qu’il raconte est au fond le cri d’une solitude, constitutive de ses désirs déviants de mal aimé. Malgré les revendications des divers « genres » et des « pratiques », l’homosexualité est et restera mal acceptée parce qu’elle dérange, surtout parmi les hommes qu’elle touche dans leur virilité, l’image qu’ils veulent se donner.

Rien d’étonnant à ce qu’une Le Pen en profite pour se faire le chantre de « la famille » bien tradi et hétéro, bien qu’elle chante le contraire en disant ne pas avoir de problème avec l’homosexualité. C’est pure démagogie : après tout, le fantasme des immigrées qui pondraient des petits comme des lapins a la vie dure. L’INSEE vient de le battre en brèche dans une note où il étudie la descendance des femmes immigrées en France sur le temps long : seule l’éducation réduit la natalité pour la faire ressembler à celle des autres, ce pourquoi les femmes venue d’Afrique font plus d’enfants que les autres aujourd’hui. Mieux vaudrait encourager l’éducation des femmes pour éviter le « grand » remplacement – et encourager les Français à faire des enfants en leur donnant les moyens de les élever correctement.

Frédéric Mitterrand, La mauvaise vie, 2005, Pocket 2006, 376 pages, occasion €1,20, e-book Kindle €9,99

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Radicalisation politique

L’intolérance croit, la « vérité » de quelques-uns s’impose par la force, les mensonges font recette s’ils sont accompagnés de violence. Le droit devient celui du plus fort, du plus gueulard, du plus brutal. C’est ainsi que l’on peut analyser nos sociétés depuis moins d’une décennie, encore « démocratiques » mais pour combien de temps ? Non que « la crise » soit pire, ce concept de « crise » n’est que prétexte récurrent pour dire l’ennui qu’on a de s’adapter au changement perpétuel du monde. Mais les gens sont de plus en plus impatients, bornés et égoïstes, comme des gamins de 2 ans qui font leur « crise » et trépignent de frustration quand tout ne marche pas comme ils veulent.

La radicalisation politique n’est que la conséquence dans la cité de ce travers psychologique. « Yaka », « faucon », disait-on autrefois pour se moquer des propos de café du commerce. Aujourd’hui, on ne peut plus, le yaka est devenu politique par les voix des tribuns. L’un au nom de « l’urgence » sociale se prend pour Robespierre (ce délicat démocrate…) et déclare en direct « la République, c’est moi ! » ; l’autre au nom de « l’urgence » démographique veut déporter tous les arabes et africains posés en France par le hasard ou les passeurs ; l’autre encore, toujours au nom de « l’urgence » mais cette fois écologique et climatique, veut imposer par la force restrictions et interdits. Le débat ? Connais-pas. Le droit ? On l’impose. La constitution ? On la change par plébiscite populiste. Les traités signés ? On s’asseoit dessus.

Ce qui est intéressant est que cet épisode politique s’est déjà produit dans l’histoire.

En témoigne l’historienne romaine Claudia Moatti dans une note de la Vie des idées du 24 juin dernier, Réflexions sur la fin de la république romaine. Au IIe siècle avant, le refus des réformes par le sénat romain a entraîné la radicalisation des revendications de la plèbe puis une montée de la violence jusqu’à la guerre civile… appelant très vite les dictateurs, puis l’empire.

Il s’agissait à l’époque moins de défendre les « zacquis » des nantis que de déconsidérer l’Autre comme sujet de droit et citoyen, au nom de la Res publica indivisible, rendue essentielle. En posant ce nouveau dieu, la fin justifie les moyens. C’est ce que font aujourd’hui Poutine en posant la société traditionnelle russo-soviétique, Erdogan la société musulmane impériale turque, Trump le petit Blanc chrétien pionnier, Xi Jinping la Chine impérieuse forte de son milliard et demi d’habitants – ou nos politicards leur petite soupe cuite à petit feu dans leur petit coin (blanchitude, national socialisme à la cubaine, écologisme de punition).

De la Vérité d’un seul considérée comme absolue découlent l’intolérance et les mensonges.

Peu importe le chemin, le but est d’arriver. Mentir n’est qu’enjoliver la vérité, faire croire n’est qu’un moyen habile pour convaincre de suivre, chauffer la salle, la foule ou les médias une façon d’emporter par la force les choses. Ainsi Trump lorsqu’il refusait d’être battu par les urnes ; ainsi Mélenchon qui a fait croire que « la gauche a gagné » à la nouvelle Assemblée alors qu’elle est nettement minoritaire en sièges, même regroupée frileusement en Nupes sous l’égide d’un seul dictateur. Mais lorsque les choses résistent, ou que le peuple reste sceptique, quoi de mieux que la violence ? Elle sidère, elle effraie, elle précipite dans les bras du sauveur. Ainsi de Robespierre et de sa Terreur ; ainsi de Xi et de sa répression ; ainsi de Poutine qui n’hésite pas à faire empoisonner ses opposants ou a les flanquer en camp comme un vulgaire nazi. Hitler a fait pareil sans vergogne et assassiné les SA de façon expéditive. Ah mais ! La vérité ne se discute pas, pas plus que le Chef ne se conteste. Avis à ceux qui voudraient résister ! Même se vouloir « neutre » est un crime dans la Russie de Poutine comme au temps de Hitler.

Notre France n’en est pas (encore) là mais elle y vient peut-être.

La radicalisation des positions des uns et des autres se fait sentir, bien que les Français aspirent manifestement à être gouvernés « raisonnable », sinon au centre. Ce pourquoi Macron a été élu et réélu. Les assauts des adversaires qui l’accusaient de « dictature » sanitaire et sociale ont chauffé les esprits, prêts désormais à ne tolérer aucun compromis au nom des « compromissions ». Quelle belle bande de démocrates que ces radicaux révolutionnaires ! Vont-ils mettre de l’eau dans leur alcool fort ? Même le vin ne leur convient plus, trop faible. Vont-ils participer aux débats à l’Assemblée et voter des lois constructives, après les avoir négociées ? Mais négocier signifie admettre que l’on n’a pas toujours raison sur tout et qu’il faut laisser certaines revendications parce que les autres n’en veulent pas.

Leur vérité n’est pas une juste cause si elle n’est pas partagée par au moins une majorité, donc amendée, nuancée, rétrogradée parfois. L’intransigeance n’est pas démocratique mais conduit au diktat – mot russe, d’ailleurs… Je ne vois pas Macron faire assassiner Mélenchon ou Le Pen, mais l’inverse me paraît moins improbable – à terme. Sauf si le discours change et que les actes suivent – mais peut-on changer passé 60 ans ? S’opposer est normal, se créer en alternative d’un bloc en refusant tout compromis est anormal.

Ce serait alors la guerre totale, à l’intérieur comme, très vite, à l’extérieur. Sylla le Romain, comme Poutine le kaguébiste l’ont montré. Emprisonnement, réduction en esclavage, annexions territoriales, sont le lot des tyrannies. Sylla, Hitler, Poutine, demain Mélenchon ou Le Pen/Z – même combat. La société se polarise, la tolérance recule, l’envie de tout foutre en l’air croit avec le sentiment de no future et de n’être rien dans un pays en indifférence générale aux autres.

Seule la pratique démocratique, qui passe par le débat et le compromis, par le respect du droit et des procédures, par les contre-pouvoirs, peut permettre de dépasser cette « crise ». Les mois qui viennent diront s’il y a blocage, donc dissolution, et peut-être guerre civile, ou non. Mais rappelons que l’abstention a été la grande gagnante des Législatives et que la nouvelle Assemblée, même en apparence plus « proportionnelle », n’est pas le reflet réel du peuple réel.

Qui pourrait bien (se) manifester en réaction aux excès des uns comme des autres.

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La France au premier tour

Le premier tour d’une élection présidentielle en France est la seule élection à la proportionnelle intégrale. Elle est hors partis, bien que ceux-ci puissent y participer en désignant un candidat, mais des électrons libres peuvent se présenter, tel Macron en 2017 ou Lassalle aujourd’hui après le pas de deux Taubira. Le résultat 2022 montre que la France est un pays « normal », comme ses voisins. Sa seule exception est que le régime y est semi présidentiel et non pas intégralement parlementaire et que la réforme du quinquennat avec législatives dans la foulée empêche tout compromis du genre Programme commun (pour éviter la cohabitation), contrairement aux alliances responsables des pays germaniques.

Cette normalité prouve qu’il y a un centre libéral, laïc et européen, aujourd’hui leader derrière Emmanuel Macron, flanqué d’une droite conservatrice populaire et identitaire et d’une gauche radicale anti-tout qui captent les mouvements sociaux (gilets jaunes pour la droite Le Pen, mouvement contre la réforme des retraites pour la gauche Mélenchon). Plus un quart des votants potentiels qui se sont abstenus ou ont voté blanc ou nul. Le centre, la droite, la gauche et l’abstention forment chacun environ un quart des Français. Rien que de plus normal dans une démocratie : ceux qui ont la charge de gouverner sont plus modérés par la force des choses que ceux qui refusent carrément le système ou s’en moquent, et que ceux qui, dans l’opposition, goûtent aux délices de la démagogie.

Droite et gauche sont radicales aujourd’hui avec Le Pen et Mélenchon ? C’est que les partis de chaque tendance qui ont gouverné se sont effondrés dans la réalité (le désastre du quinquennat Hollande et la déroute affairiste de la candidature Fillon), et qu’ils n’ont guère que des idées éculées à proposer comme « désir d’avenir » (la pâle synthèse Pécresse entre Zemmour et Macron, le programme très scolaire d’Hidalgo, voire le « retour à » l’industrie, le nucléaire, la chasse et la viande Roussel). D’où ces « nouvelles » droites et gauche qui se créent dans des mouvances hors partis, effet d’une nouvelle génération de quadras qui ont vécu les attentats islamistes, les crises financières, l’échec des printemps arabes, les gilets jaunes, la pandémie et désormais la guerre au cœur même de l’Europe. Le « nouveau centre » d’Emmanuel Macron, en marche vers l’adaptation des Français aux changements du monde, rallie les adultes responsables éduqués ; les autres, évidemment, préfèrent la radicalité infantile du « tout, tout de suite » et du « yaka ». C’est l’effet de l’infantilisation sociale française depuis la maternelle jusque fort tard dans la vie. L’inepte « attestation » pour sortir pisser hors de chez soi durant le premier confinement l’atteste.

Hors abstention, les électeurs qui s’expriment se répartissent en trois blocs de même force, un peu plus de 30 % chacun : Macron et environ la moitié Pécresse pour le centre de gouvernement ; Le Pen, Zemmour, Dupont-Aignan et la part Ciotti pour la droite ; Mélenchon, Roussel, Hidalgo et les deux résidus trotskistes pour la gauche. Les reports de voix devraient faire gagner Emmanuel Macron, mais tout dépendra de la campagne d’ici le second tour et de l’intensité du rejet des votants pour celui oucelle qu’il ne veulent absolument pas voir accéder au pouvoir. Un peu plus de proximité et de social pour le président sortant pourrait l’avantager, de même qu’une menace russe avancée ; un attentat islamiste ou un événement obérant gravement le pouvoir d’achat avantagerait en revanche Marine Le Pen.

Ce qui est surprenant dans ce premier tour est moins le score minable d’Hidalgo (qu’allait-elle faire dans cette galère, la mairie de Paris ne lui suffisait-elle pas ?), voire de Pécresse (on savait bien LR gangrené par l’exaspération démographique sécuritaire), que celui de Jadot l’écolo. Je ne crois pas que la radicale chic féministe Rousseau aurait fait mieux, au contraire, si elle l’avait emportée aux vertes primaires. Les spécialistes parlent de « vote utile » pour ce collapsus du projet écologique, pourtant qualifié sans cesse « d’urgent » et « d’avenir ». Mais les jeunes, les plus en avance dans l’idéologie, n’ont voté qu’à 40 % et le parti Mélenchon a repris des thèmes écolos. Ce qui montre que les électeurs ne font pas confiance à un parti purement dédié à l’écologie en France. Il reste trop marqué par le gauchisme post-68, l’intellectualisme urbain et la secte des egos. L’écologie est un concept trop important pour être laissé aux écologistes autoproclamés et tous les partis doivent le prendre en compte. L’électeur, qui n’est pas si niais que les spécialistes semblent le croire du haut de leurs études, le prouve par son bulletin dans l’urne.

Quant à Zemmour, l’expression d’une bourgeoisie pétainiste, conservatrice et ancrée dans la religion (sans forcément croire), il a fait pschitt ! – comme disait si bien Chirac. Amuseur intello, fomenteur d’infox, collabo notoire des fascistes d’hier et d’aujourd’hui, grand admirateur affirmé du despote asiatique Poutine, il ferait un bien piètre président pour une France qui a une histoire, une tradition internationale et un rôle d’exemple dans le monde. Le vieux Le Pen, dont l’humour ravageur n’a pas été altéré par ses presque 94 ans, déclarait que « Zemmour n’a pas le physique d’un président ». Un second degré délicieux lorsqu’on connait les origines du candidat et les convictions profondes du commentateur. Bien sûr, ceux qui « y croyaient » crient au complot et à la manipulation, surtout les jeunes, volontiers fascistes lorsqu’ils sont à droite, mais ce ne sont que vains mensonges. Il y a longtemps que le « bourrage des urnes » propre au parti communiste stalinien et en vogue dans les années 1950 et 60 est désormais étroitement surveillé. Il suffit d’avoir participé hier à un dépouillement avec lampes électriques en cas de « coupure » opportune d’électricité au moment de renverser les urnes pour le comptage, puis d’avoir vécu un dépouillement récent, pour le savoir. Marine Le Pen n’a rien perdu de son national socialisme mais l’irruption du trublion sectaire l’a automatiquement recentrée, la faisant paraître moins pétainiste, le socialisme passant devant national dans son discours – mais sans l’abandonner dans le programme pour autant !

Reste l’inconnue des Législatives après le second tour car élire un président ne suffit pas, il faut encore meubler une Assemblée. Là, les partis traditionnels, laminés par le scrutin présidentiel, sont implantés, ont des réseaux d’élus et de militants, tiennent des villes et des régions. Le ou la nouvel(le) hôte de l’Elysée devra en tenir compte car aucun des deux n’a d’implantation locale directe. Le PS, les LR, le PC, EELV existent ; gouverner se fera avec eux. A moins qu’ils ne réussissent à intégrer les parties neufs et à les assagir sous les responsabilités. Mais qui sera le mieux à même de négocier d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen avec les groupes isus de la nouvelle Assemblée ?

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A une semaine des présidentielles

Qui s’y intéresse encore ? pas grand monde. Non qu’il n’y ait pas d’enjeux, mais les personnages sont peu attirants. À gauche, l’écologiste est insignifiant, la socialiste anecdotique, le communiste égaré dans les années 1950 ; seul le grand méchant… Mélenchon attire le vote utile. À droite, les citoyens sont attirés par les extrêmes, la fachote Le Pen fan de Poutine étant portée à la modération par les excès du trublion Zemmour, qui laisse hurler ses partisans à l’assassinat. Les Républicains sont pris en sandwich entre les vociférations exaspérées des conservateurs de plus en plus ultra et le bon sens centriste du président sortant. Je ne sais quel seront les deux au second tour, mais il est probable que l’on reverra en scène comme en 2017 Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Mélenchon est trop coléreux pour rallier à lui d’autres gens que son camp. Nous saurons dans une semaine.

Les lycéens que j’observe non loin de chez moi à Paris donnent une indication sur l’état d’esprit de la jeunesse éduquée selon l’épidermique, l’émotionnel et le superficiel des réseaux sociaux. Sur les affiches électorales posées sur les douze panneaux, la première à avoir été lacérée a été celle du collabo Zemmour. A suivi dès le lendemain celle de Marine Le Pen avec même une inscription injurieuse traditionnelle des réseaux, tandis que Mélenchon a été le troisième à avoir été dégradé. Ont suivi Dupont-Aignan et Macron, puis Lasalle. Le premier parce qu’il n’a pas grand-chose d’original à dire, le second parce qu’il est en place et suscite évidemment la jalousie comme l’effet de bouc émissaire pour tout ce qui ne va pas, le troisième parce qu’il apparaît comme un régionaliste archaïque, pour la chasse et contre les ours. Il est vrai que le slogan Macron « avec vous » évoque plus le marketing d’une lessive que l’humanité d’un candidat. Le slogan Poutou, adepte d’une idéologie d’il y a un siècle, secte alors déviante du stalinisme, est nettement plus parlant auprès de la jeunesse. Son « nos vies valent plus que leurs profits » est plus efficace que « le camp des travailleurs » d’Arthaud, qui laisse indifférent voire hostile (rejetant tous les fout-riens tels les jeunes, les chômeurs, les retraités, en plus de l’extrême minorité des « rentiers » visés), tout comme le « faire face » de Jadot.

Que dira « le peuple » ? Le peuple est une fiction qui réunit des intérêts largement divergents, les principaux étant liés au niveau de vie et aux perspectives d’avenir. Tous les extrêmes sont ainsi populistes parce qu’ils flattent la majorité du peuple selon son désir de plus d’argent et d’élévation sociale. Les programmes des candidats, aussi bien à l’extrême-droite qu’à l’extrême-gauche, favorisent massivement la dépense publique tout en négligeant la dette et les impôts. Ce ne sera pas tenable dans le temps, signe qu’ils sentent bien qu’ils ne pourront pas gagner la présidentielle. À moins que le candidat retenu au second tour, s’il en est, ne mette de l’eau dans son vin sur ce sujet. Ou que, ce qui est plus probable, les promesses extravagantes ne soient jamais tenues – comme d’habitude.

L’agression du tsar Poutine sur un pays « frère » en voie de démocratisation qu’est l’Ukraine a eu probablement une influence sur le sentiment des électeurs envers les extrémistes. Poutine est l’exemple même du dirigeant devenu progressivement autocrate faute de contre-pouvoir, à la manière de Castro à Cuba ou de Chavez au Venezuela, sans parler d’Erdogan en Turquie et de Xi en Chine. Confier les clés du pouvoir à une personnalité portée à l’autoritarisme risque toujours de dégénérer : le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument ! En ce sens, Zemmour et Mélenchon sont les plus mal partis. La blonde, en revanche, a des chances de figurer au second tour parce que femme et par ce que « blonde » (avec tout ce que ce vocable connote). Mais cela n’enlève rien aux côtés mussoliniens de son programme où le socialisme tend à l’emporter sur le national pour le moment. C’était l’inverse il y a quelques mois encore, contre les étrangers, l’immigration, les diktats de Bruxelles et la souveraineté nécessaire. Aux extrêmes, le national ne reste jamais loin du socialisme.

Il reste au Rassemblement national une haine contre-révolutionnaire issue des royalistes, reprise sous Pétain et avivée par les déçus de la guerre d’Algérie contre le parlementarisme, la liberté libérale, les institutions démocratiques et la promotion de l’individu. Tout est orienté vers le collectif : la famille, l’église, le parti, l’État, la nation. Tout est bon pour y parvenir, les promesses comme le mensonge, la mise en scène comme la provocation. Les souverainistes ne croient pas aux traités internationaux et considèrent que chaque État n’a que des intérêts particuliers. Les nationalistes ne croient pas à l’individualisme et considèrent que chaque patrie doit imposer sa morale. En cela la religion y aide, comme à Moscou avec Kirill, et elle est chrétienne catholique en France. La religion musulmane est conçue comme un défi de civilisation qu’il faut combattre, bouc émissaire commode qui a pris aujourd’hui la place qu’avait le judaïsme avant Hitler. L’Etat peut tout, croit-on aux extrêmes, à condition que le chef donne les directives. Les syndicats sont réduits au corporatisme contre les intérêts marchands. Les médias sont contraints par les règles, les lois et une autre conception de la liberté d’expression, comme en Pologne et en Hongrie. L’école est favorisée comme lieu d’élevage des portées saines de petits nationaux, voués à une propagande patriote. C’est ce qui se fait en Russie, en Turquie et en Chine, c’est ce que Marine Le Pen, comme le Z, voudraient voir s’établir en France.

Le débat va probablement se produire entre deux conceptions du monde, le « retour à » et la « marche en avant », la réaction vers l’ordre moral et la liberté laissée à chacun avec la responsabilité nécessaire qui va avec – la contre-révolution et la révolution, pour faire simple. Quant au « peuple », Proudhon le disait déjà : « rien n’est moins démocratique, au fond, que le peuple. Ses idées le ramènent toujours à l’autorité d’un seul ».

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Préoccupations politiques à six mois de la présidentielle

Après le Covid, pas d’An 01 d’un nouveau monde comme certains intellos l’espéraient : la politique saisit les Français au plus concret de leurs préoccupations. Ce ne sont pas « le climat » ni les « grandes réformes sociales » de gauche mais bien plutôt des choses toutes simples : « Réduire la délinquance » (51 %, en hausse de 5 points), « Réduire les inégalités sociales » (43 %, en recul de 2 points), « Réduire l’immigration » (42 %, en hausse de 5 points), « Réduire le chômage » (41 %, en recul de 10 points). C’est ce qu’indique le tout dernier indicateur de protestation électorale vague 5 d’octobre 2021 de la Fondapol.

Ce qui marque nettement la défaite sociologique de la gauche, notamment dans « le peuple », abandonné sous Hollande au profit des minorités. La disponibilité déclarée à voter à droite est largement majoritaire chez les répondants sans diplôme ou faiblement diplômés (63 %), appartenant aux catégories socioprofessionnelles inférieures (60 %), ou ceux qui estiment s’en sortir difficilement à la fin du mois (60 %) ou que leur niveau de vie s’est dégradé ces dernières années (60 %). 72 % des répondants envisagent soit de voter pour les partis extrêmes, soit de s’abstenir ou de voter blanc – mais en recul de 6 points par rapport à avril.

Macron n’a pas si mal géré la pandémie, malgré les mensonges et cafouillages du début, ni l’économie puisque la croissance reprend et que le chômage décroit. C’est moins vrai pour la sécurité, l’islam (66 % à gauche comme à droite estiment que « la plupart des immigrés ne partagent pas les valeurs de notre pays et cela pose des problèmes de cohabitation ») – mais aussi les inégalités sociales (reste de la crise des gilets jaunes, province et petites villes, accentué par le recours au télétravail plus difficile durant la pandémie et par l’envol récent du prix de l’énergie).

Si LR et LREM ont des électeurs les plus disposés à voter, le RN s’érode et les partis de gauche s’effondrent, y compris les écolos. Mais les partis ne font plus recettes et le retrait (abstention ou vote blanc) est une arme qui peut délégitimer celui qui arrivera en tête. 43 % des personnes interrogées répondent qu’ils pourraient « voter pour un candidat qui ne viendrait pas d’un parti politique » – signe de protestation électorale. Ils se méfient : 72 % ne font pas confiance aux médias (+3 points).

Ils préfèrent comme première source d’information YouTube, les blogs, les forums ou les réseaux sociaux dont TikTok ou Twitter. Sans avoir le plus souvent les outils intellectuels ou de méthode pour analyser la viabilité des sources ; sans s’apercevoir non plus de l’algorithmique qui ne leur propose que des liens en accord avec leurs convictions. Ils s’enferment donc dans leur illusion et forment bande, sans le savoir.

Ce pourquoi Zemmour est arrivé, comme Zorro, pourfendant le politiquement correct et la langue de bois bien qu’il commence à tourner en rond sur les mêmes thèmes ressassés de l’Histoire de France réécrite façon storytelling. Zemmour rafle particulièrement à droite, chez les électeurs Le Pen et Dupont-Aignan, et sur les classes d’âge les plus élevées qui aspirent à un retour à l’ordre moral comme à une France masculine fière d’elle-même.

Les clivages traditionnels de gauche et de droite font donc moins recette puisque les partis traditionnels n’ont semble-t-il rien à dire de probant sur ce qui préoccupe le plus les électeurs. 37 % des interrogés déclarent se situer à droite, 20 % à gauche et 18 % au centre, tandis que 23 % répondent ne pas vouloir se situer (2 % ne savent pas). Ce quasi quart-là est à mon avis important, il s’ajoute aux 18 % qui se situent « au centre », c’est-à-dire ni à droite, ni à gauche, le signe que la société change et ne se reconnait plus – à 41 % – dans les vieilles lunes.

En revanche, 79 % des personnes interrogées souhaitent que la France reste dans l’Union européenne et 82 % veulent conserver l’euro – ce qui relativise le vote positif en faveur de l’extrême-droite. Au fond, les Français semblent être devenus comme le reste du monde après l’épreuve pandémique plus frileux, plus soucieux de se retrouver soi, dans leurs traditions et valeurs. Il suffirait qu’un ténor affirme l’avenir de la France et de ses lois (qu’attend-t-on pour appliquer intégralement la loi de 1905 sur les religions ?) pour que le climat s’apaise et retrouve des accents plus habituels, sur le pouvoir d’achat et la répartition des richesses.

Emmanuel Macron saura-t-il l’incarner ? Ou un leader enfin désigné de la droite, où la nostalgie Fillon fait grimper la radicalité sur le « retour à » ? Les médias se trompent à interroger toujours les mêmes, les socialistes sectaires ou les écologistes immatures ; les partis de gouvernement se trompent à ressasser les mêmes vieilles lunes économiques et sociales sans lien avec la sécurité et l’immigration ; les gouvernants eux-mêmes se trompent de ne pas développer beaucoup plus vite et de façon mieux organisée les débats citoyens et les panels tirés au sort sur des sujets concrets.

La démocratie ne réclame pas la révolution, seulement l’écoute et l’attention. Le phénomène Zemmour est la provocation de certains électeurs éduqués et déçus, relayés par des intérêts financiers bien compris et par des médias sans cesse en quête de coups. Je ne crois ni à sa candidature lorsque le temps sera venu, ni à son élection – mais il faut se souvenir que l’exaspération de ceux que l’on n’écoute jamais peut parfois se traduire par l’intronisation de clowns, plus ou moins dangereux (aux Etats-Unis, en Ukraine, en Islande…).

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La liberté : et celle des autres ?

Ils sont nombreux, ils sont braillards, les défilants à Paris et province qui réclament « la liberté ». Celle de NE PAS se vacciner, celle de NE PAS obéir aux normes sociales, celle de NE PAS avoir soin des autres en les contaminant volontairement en feignant de NE PAS le savoir. Une fausse liberté, comme on voit. Celle du NE PAS, de l’égoïste renfrogné en lui-même, tout hérissé de piquants antisociaux, qui se complait en son miroir et se fout de tout le monde.

La liberté s’arrête là où commence celle des autres.

Cet équilibre littéralement « révolutionnaire », car inscrit dans la Déclaration des droits de l’Homme, s’écroule désormais dans la poussée individualiste minable. Alors, brailler à « la dictature » quand on n’est même pas foutu de respecter le pacte démocratique, quelle bêtise ! Certes, « la gauche » avec ses incantions sempiternelles au « social », au « collectif » et au « tous ensemble » a une grosse part de responsabilité dans la crise morale et civique actuelle. La gauche des petits-bourgeois avides de devenir grands bourgeois, arrivistes du pouvoir sous Mitterrand et confits en leur « mission » sous Hollande. La gauche virée – et pour longtemps à mon avis – du pouvoir pour incapacité et mensonges, du « les yeux dans les yeux » de Cahuzac sur l’évasion fiscale au « tout faire contre le chômage » (en augmentant massivement les impôts de l’inepte Hollande – qui fit HEC, dit-on…).

Mais où est la droite en ces moments cruciaux ? La droite des patrons qui attend de voir, contente de « la reprise » (le CAC 40 est au plus haut !) malgré la désindustrialisation massive de la France qui se savait même plus produire de masques ni de Doliprane, la droite politique éclatée entre trois crocodiles incapables de s’entendre pour s’unir – enfin – pour gagner, la droite qui a eu ses mensonges, dont Fillon est le dernier avatar. Au lieu de reconnaître une pratique, certes douteuse mais couramment pratiquée par tous les politiciens ou presque, chercher à cacher, à dénier, à éviter. Est-ce ainsi que l’on se présente au pays pour le poste suprême de Commandeur ?

L’égalité est à gauche, qui dégénère trop souvent en égalitarisme ; la liberté est à droite, qui dégénère trop souvent en son contraire, l’autoritarisme. La tentation de commander est de tous mais celle de droite plus affirmée car pratiquée déjà en entreprise, alors que la gauche ne la pratique guère que dans le foutoir des partis.

Qu’est-ce donc que la liberté ?

Le paradoxe des braillards qui arpentent les places publiques et les avenues urbaines est qu’ils ne savent guère ce qu’est « la liberté » dont ils ont plein la gueule. Des fanatiques d’extrême-droite aux doctrinaires d’extrême-gauche, ce n’est qu’appel à la dictature : celle du « peuple » bien entendu. Autrement dit non pas le bon sens populaire partagé, la décence commune d’Orwell – mais les gourous qui font fureur, les appareils partisans qui captent les places et le pouvoir, les nazillons soviétiques gris et implacables car déresponsabilisés par leur Mission de faire le bonheur du peuple malgré lui dans un avenir qui ne cesse d’être plus radieux qu’il ne cesse de reculer. Ceux-là vont voter par ressentiment pour Le Pen club, le Méchant con aigri ou autres Ducons feignants en croassant « j’ai deux Zammour ».

Des anti-Macron qui sont colères de se voir renvoyer en miroir leur irrationnel, leur versatilité, leur médiocrité profonde, aux anarchistes Black bloc qui ne désirent que casser et détruire pour assouvir leurs pulsions et aux gilets gênes qui n’endossent cette carapace que parce qu’ils n’ont rien dessous : aucune personnalité, aucune responsabilité, aucun projet politique. Sont-ils libres ? Noir, jaune ou brun, l’uniforme fait « appartenir » – c’est une forme de servage bien loin de la liberté du bon sens citoyen.

Et puis la masse des suiveurs, pour qui brailler fait partie de la fête et du folklore franchouillard, manière de rappeler les piques et la prise de la Bastille – même si la Bastille d’aujourd’hui réside plutôt dans l’inertie conservatrice et fonctionnaire d’une administration aussi tentaculaire que paperassière et inefficace. Les Français payent le plus d’impôts de l’OCDE et n’ont que des services publics médiocres, voire moins bons que les autres, dans un millefeuille institutionnel qui répugne à décentraliser et à déléguer et qui multiplie les petits pouvoirs, donc les bureaux.

La liberté est-elle de faire tout ce que l’on peut en se foutant du monde – et des autres ? Non pas. Notre Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 stipule en son article 4 que « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. » Une limite déjà dans les écrits antiques et dans la Bible, qui veut que « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ».

Le bal des egos égoïstes

Les braillards antivaccins apparaissent donc pour ce qu’ils sont : non pas des vertueux qui « résistent » à une « dictature » du sanitaire mais de purs égoïstes pour qui leur pomme compte plus que celles de leurs concitoyens, voisins et amis. A quand une stupide « marche contre le Covid ? », aussi vaine que danser pour faire venir la pluie ?

Oui, tous nous en avons marre du coronavirus, des restrictions, des empêchements à voyager, à socialiser et à « faire la fête » ! Mais cela fait-il de nous des meurtriers en puissance ? Le soignant qui refuse de se faire vacciner risque de contaminer ses patients malgré la multiplication des gestes barrières – l’expansion des maladies nosocomiales à l’hôpital bien avant le Covid montre que les « professionnels » peuvent faire des erreurs, être fatigués, se dire que « dans « l’urgence » ça peut passer. Non, ça ne passe pas. Seul le vaccin protège le mieux – pas à 100% mais plus que celui contre la grippe. Sauf les immunodéprimés – mais ceux-là, les antivax se disent qu’ils peuvent crever.

La liberté de faire ce qu’on veut sans contraintes veut dire que l’on rejette toute règle. C’est dès lors la loi de la jungle. Sans règles, pas de société ; sans civisme, pas de cité. Si tu me contamines par volonté de ne pas te protéger, je te tue – telle est la loi de la jungle, la même que celle du talion. Dans notre société de droit, je fais un procès pour « mise en danger de la vie d’autrui » ; si c’est votre enfant qui est mort par la faute d’une inconsciente anti, vous risquez de vous faire justice vous-même, c’est illégal mais tentant. Ceux qui ont le sida et qui contaminent les autres parce qu’ils ne leur disent pas sont condamnés dans de nombreux pays. Et même en France. C’est la même chose pour le Covid comme pour ceux qui conduisent sans permis.

Dans une société, tous sont liés. Ceux qui transgressent volontairement les règles de la société se mettent hors la loi et doivent être bannis ou punis.

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Montée du maréchalisme

La revue de réflexion Le Débat, dans son dernier numéro 205 de mai à août 2019, offre un panel d’articles sur la situation inconfortable d’aujourd’hui. Tout ce qui existait hier est remis en question… pour se réfugier dans l’avant-hier. La démocratie « représentative » est vilipendée comme confisquant le pouvoir au profit d’une élite qui « n’écoute pas »… mais le remède en serait la démocratie « plébiscitaire » adulant un homme fort tel que les fascismes et les socialismes l’ont promu à la génération d’avant. Ou, selon la classification des droites par René Rémond, la confluence de la droite légitimiste et de la droite bonapartiste.

Xi Jing-Ping déclare que la dictature d’un parti unique éclairé vaut mieux que les bavardages conflictuels des parlements démocratiques ; Poutine déclare le libéralisme « obsolète » et assume un nationalisme orthodoxe qui vante la grandeur de l’ex-URSS et la morale stricte inculquée à l’extrême jeunesse dans ce que la litote globish nomme des « Boot camps » – qui ne sont guère qu’une Putin-jugend sur le modèle de « l’Autre », l’ennemi de l’ouest. Aux Etats-Unis, mais aussi en France, un tiers de la jeunesse ne croit pas que la démocratie soit le meilleur système politique et préfèrerait une version plus musclée. En gros un Maréchal de 30 ans plutôt que de 90, la morale (voire la religion catholique) rigoureusement remise au goût du jour, les chantiers de jeunesse patriotique, la terre qui ne ment pas et le protectionnisme industriel. En témoigne la dernière élection européenne…

La souveraineté du peuple à la Rousseau comme fondement de la légitimité politique s’oppose à l’Etat de droit à la Montesquieu. Ni la représentation, ni la séparation des pouvoirs ne sont plus ressentis comme justifiés. D’où l’abstention, l’aversion ou la sécession. Toute parole officielle se trouve discréditée, et l’on assiste à l’essor des vérités « alternatives » comme au recours à la théorie du Complot. Dans le même temps le « libéralisme », dévoyé du politique à l’économique, engendre une prolifération de normes, règles et contraintes qui font douter de la « liberté » qu’il peut apporter. Les inégalités économiques croissent à mesure de la contrainte bureaucratique et la stagnation, voire le recul du niveau de vie, exacerbent les comparaisons entre statuts et positions.

Le « progrès » de gauche apparaît comme une régression sociale face aux inégalités et comme une régression culturelle face à l’immigration et aux musulmans français victimisés « plus égaux que les autres » ; le développement promis se dérègle à cause de la raréfaction des ressources, de l’énergie et de la destruction de l’environnement. Et aucun intellectuel n’est capable de proposer un nouveau modèle pour la société. L’université apparaît comme un parking où les diplômes sont dévalorisés par l’absence de sélection et par son refus de s’ouvrir au monde professionnel.

Dans l’ambiance générationnelle des nés-numériques, l’individualisme devient exacerbé. C’est chacun pour soi, du sport où la compétition fait rage au show-business où seul l’apparence compte, des profs qui prennent en otage les notes des bacheliers aux aide-soignantes qui simulent un suicide à l’insuline (tout en se faisant immédiatement soigner par les autres…), aux associations thématiques qui permettent d’émerger, aux entreprises créées à partir de rien sur des projets inédits. L’échelle locale apparaît comme la seule qui permette de valoriser le moi, et non plus ces « valeurs » abstraites d’un collectif incantatoire qui s’en fout dans les faits. Les syndicats sont dévalorisés et seul le happening (mais où l’art est dévoyé en politique) vaut titre d’existence (médiatique). Le basculement identitaire est en marche et c’est bien la faute de la gauche en France, au pouvoir par longues alternances depuis des décennies, d’avoir abandonné les individus au profit des utopies gentillettes sans racines.

Les 18-24 ans des enquêtes montrent qu’ils votent le plus pour des candidats radicaux, 25.7% pour Marine Le Pen au premier tour de la dernière présidentielle, 24.6% pour Jean-Luc Mélenchon (OpinionWay) contre 21% pour Emmanuel Macron. L’originalité de Mélenchon au premier tour a été d’avoir rompu avec la gauche culturelle européiste pour mener une campagne populiste et souverainiste ; l’erreur de Mélenchon au second tour a été d’abandonner cette posture identitaire pour rallier le reste de la gauche et en devenir son leader : son discours gauchisant sur l’immigration, l’éducation, la famille, l’Europe, a déçu. Même les gilets jaunes aujourd’hui lui tournent le dos – et les européennes ont montré que sa coalition n’était que de circonstance, fragilisée par ses coups d’éclat personnels.

L’identité malheureuse, la dépression économique, la régression nationale face aux géants américains, chinois, russes ou même allemands font que la génération jeune rejette la génération vieille qui a « joui sans entraves » en laissant un fardeau de dettes, de fils d’immigrés mal assimilés et d’immigrés récents de plus en plus inassimilables, sans parler du réchauffement climatique, des impôts au plafond et de la hausse exponentielle des taxes sur l’énergie. Le « vivre-ensemble » du discours lénifiant de la gauche bobo ne passe plus sur le terrain des inégalités économiques, des incivilités ethniques et de l’insécurité culturelle. Quand on n’a plus de repères aujourd’hui, on en revient volontiers aux repères d’hier.

Et le premier est la frontière : politique pour ne pas être inféodé, économique pour protéger ses industries, sociale pour préserver le système de santé, de chômage et de retraite, enfin culturelle face à la masse africaine (Maghreb et Afrique noire) dont l’explosion est déjà programmée : 150 millions dans les années 1930, 1.3 milliards aujourd’hui, 2.4 milliards en 2050 – seulement dans trente ans. Il faudrait être niais pour feindre de croire qu’une petite part des Africains jeunes ne désireront pas « rejoindre les cousins » dans l’eldorado européen, là justement où la démographie stagne et où la population vieillit, mettant en péril production, cotisations santé et retraites. Déjà, un immigré sur deux en France vient d’Afrique : réfugié, clandestin économique, étudiant qui reste ou regroupement familial.

Or l’islamisme progresse en Afrique et se fait plus intégriste. L’intégration des immigrés n’est pas une question sociale mais de plus en plus une question de mœurs, de religion et de culture. L’essor de l’individualisme engendre partout l’entre-soi, donc des tensions croissantes entre des « eux » et des « nous ». La religion est souvent le prétexte pour justifier des exactions violentes comme le dit Olivier Roy, mais les banlieues se radicalisent sous la férule des imams formés en Arabie saoudite comme le dit Gilles Kepel. Le fait religieux est autonome de la position sociale, ce sont surtout les classes moyennes qui partent en Syrie – même si la fratrie, la bande de petite délinquance et la mosquée servent de viviers. Selon Hakim El-Karoui, plus d’un quart des musulmans de France ont un système de valeurs qui s’oppose clairement à celles de la République. 68% des musulmans d’une cohorte de 11 000 collégiens des Bouches-du-Rhône interrogés mettent la loi de l’islam au-dessus de la loi française (contre 34% des catholiques). Une autre étude portant sur 7000 lycéens de seconde montre que 33% des musulmans ont une vision « absolutiste » de la religion, contre 11% pour les autres (enquêtes citées p.136).

Les « idiots utiles » (terme de Lénine à propos des intellos) dénient et minimisent, littéralement aveugles à la réalité identitaire qui monte en pression. Elle est pour eux « fasciste » et ils mettent dans ce mot le Diable incarné – qu’il ne faut dès lors qu’exorciser et non pas dialectiquement réfuter. Cette gauche morale en faillite, crispée sur ses positions de jeunesse alors que le monde n’est plus le même, a colonisé les médias et imposé son dogme, stigmatisant et rejetant dans les ténèbres extérieures tous ceux qui pensent autrement. La générosité est manipulée sur des cas individuels pour encourager l’immigration sans frontières ; la « domination » est mise en avant pour dévaloriser la culture traditionnelle, qualifiée de « bourgeoise » même quand il s’agit des sciences physiques ou statistiques ; la honte est agitée sur le rationalisme exacerbé en dérive des Lumières, sur la colonisation (à l’origine de gauche pour « éduquer » les peuples « enfants »…), sur la Shoah.

Un Mélenchon ne qualifie Merah, le froid tueur d’enfants, que de simple « fou » d’un banal fait divers ; un Peillon réduit à l’hitlérisme toute critique des islamistes en comparant le sort des Musulmans au sort des Juifs durant la Seconde guerre mondiale – on se demande d’où sort la politique de ce prof de philo… Si nombre de Juifs français fuient les banlieues où ils ne peuvent plus vivre ni étudier en sécurité, si de plus en plus quittent la France, ce n’est certainement pas le cas des Musulmans qui, eux, arrivent en masse et réclament toujours plus de visas ! S’ils étaient tellement menacés par « le racisme » en France, ne la quitteraient-ils pas pour un autre pays ou pour revenir chez eux ? Une telle niaiserie de la part de politiciens « progressistes » dans le déni, la complaisance ou le silence, laisse pantois. Ce pourquoi la gauche s’est effondrée et ses politiciens déconsidérés à vie.

Restent deux pôles : le raisonnable et réformiste démocratique – et le retour de l’archaïque sur le modèle Poutine d’un âge d’or mythifié autoritaire. Aujourd’hui Emmanuel Macron (malgré ses défauts) ou Marine Le Pen (avec ses défauts). Mais demain probablement Marion Maréchal, bien plus crédible que sa tante mais encore un peu jeune, prônant l’alliance de la bourgeoisie conservatrice et des classes populaires via le problème identitaire. Elle est évidemment pro-Trump tout comme elle était membre du groupe d’amitié France-Russie lorsqu’elle siégeait à l’Assemblée nationale…

Oui, le maréchalisme monte lentement en France.

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Désert

La « crise » est certes économique puisque le numérique bouleverse tous les processus de production. Elle est évidemment sociale puisque le système de redistribution est à bout de souffle, prélevant trop et ne redonnant jamais assez pour toutes les quémandes. Elle est politique puisque toute confiance envers les dirigeants a quasiment disparue et que les seuls qui s’en sortent sont ceux qui mentent le plus effrontément, promettant la lune aux imbéciles qui les croient (Trump et les mineurs de charbons, les brexiteurs excités avec la fortune économisée par la sortie de l’UE, la Le Pen et son n’importe quoi complotiste sur tout sujet qui passe à sa portée…) Mais la crise est surtout spirituelle par manque de sens. Oh, certes, les naïfs soixantuitards qui partaient en Inde pour trouver « la Vérité » ne sont plus la majorité, mais ceux qui veulent « une autre société » ou « qu’un autre monde soit possible » ne manquent pas. Sans jamais s’entendre et ne discutant sans fin à la fortune du pot, la convivialité d’être ensemble suffisant à être heureux momentanément sans déboucher sur un projet. Et chacun sait qu’un pot est tout ce qu’il y a de plus sourd.

L’égalitarisme revendiqué jusqu’à plus soif est un extrémisme comme un autre. Si on le mène jusqu’au bout, il va jusqu’au libertariens américains, forme d’anarchistes riches du chacun pour soi où l’on se bâtit soi-même (self-made) et où l’homme est un loup pour l’homme (le Colt à la main ou « le droit » si vous êtes capables de payer une armée d’avocats compétents). Cet égalitarisme, venu du christianisme plus que de la Bible qui connaissait le Père tout-puissant et la hiérarchie des rois et prêtres, a été avivé par la révolution bourgeoise et « accompli » (donc poussé à l’absurde) par les révolutions populaires inspirées par le marxisme. Elles ont échoué, comme chacun sait. Une économie ne se réduit pas à l’administration des choses comme le croyait Lénine pour qui la société devait fonctionner « sur le modèle de la Poste ». Le Grand bond en avant maoïste a été une lamentable régression qui a engendré famine et millions de morts avant que la Révolution baptisée « culturelle » fasse du non-savoir des brutes l’alpha et l’oméga de l’obéissance au Parti dirigé par le seul Grand timonier…. qui a fini par crever, comme la biologie l’exige, libérant la société et les forces entrepreneuriales du commerce et de l’initiative.

Le Parti tient la société et impose la morale traditionnelle issue de Confucius en Chine ; Poutine fait de même avec l’Eglise orthodoxe en Russie ; Israël a le droit de la Bible et les Etats-Unis se croient encore une vocation de nouveau monde élu pour construire la Cité de Dieu pour l’humanité entière. Que reste-t-il en Europe ? Le seul idéal (donc inatteignable) de la société marchande pour laquelle chacun est un consommateur lambda – d’autant plus consommateur que lambda – apte à être manipulé par les modes et la foule qui décrète le qu’en dira-t-on.

Nous sommes passés du laisser-passer mercantiliste au laisser-faire libéral et jusqu’au rousseauisme pour qui la société (toute) société est oppressive, toute éducation une contrainte et toute connaissance (même le savoir scientifique) un colonialisme. Dans cet état d’esprit, le sujet est économique, pas politique ni ethnique. L’individu est premier, monade autonome donc universelle qui peut s’installer partout et être chez lui nulle part. Le globish remplace les langues nationales (même en Europe d’où les Anglais vont partir !), le calcul égoïste est la seule relation politique et la culture se réduit aux vogues des pubs, des réseaux sociaux et des séries télé.

Exit la communauté, l’histoire, le sacré – sauf à les utiliser pour exiger un égalitarisme des « droits » encore plus absolu. La politique nationale se réduit à la bureaucratie, la loi aux textes abscons de technocrates et les décideurs deviennent administrateurs : en témoigne la machine européenne, experte à pondre des règlements juridiques mais inapte à susciter enthousiasme et élan, même contre les ennemis économiques que sont Américains et Chinois, qui seront bientôt ennemis politiques par leur impérialisme insidieux mais obstiné. Les derniers grands politiques français furent de Gaulle et Mitterrand, avec Sarkozy en sursaut durant la crise financière et durant la crise avec les Russes en Géorgie. Entre temps et depuis : rien. Même Macron, qui promettait, navigue à vue.

La seule philosophie est l’enrichissez-vous du bourgeois. Sauf que la richesse se fait rare comme en témoignent les gilets jaunes qui n’en peuvent plus des fins de mois, et le niveau de prélèvements obligatoire en France qui atteint des sommets : toujours plus d’argent pour de moins en moins de revenus ! La seule morale est celle du « pas plus que moi » de l’égalitarisme jaloux et « que personne n’obtienne si je n’obtiens pas aussi ». En contrepartie de quoi ? De rien : c’est « un droit », comme de vivre et de respirer, c’est tout. Et qui paye ? Forcément « les riches », ceux qui ont plus. Pourquoi ont-ils plus ? Parce qu’ils ont mieux travaillé à l’école, ont persévéré dans l’effort ou ont quelques talents différents du commun des mortels. Mais ce qu’on accepte des footeux et des stars apparaît intolérable chez les entrepreneurs créateurs de biens ou les bêtes à concours reconnus aptes à diriger.

Il s’agit de profiter plutôt que de donner, de jouir et posséder plutôt que de bâtir ensemble. Le bobo sera nomade ou ne sera rien ; il sera colonisé de l’intérieur ou sera éliminé dans le lumpenproletariat du précaire et de l’assistanat réduit au minimum. Comme aux Etats-Unis où on le laisse dans sa mouise – comme en Chine où on le qualifie d’asocial avant de le rééduquer en camp spécialisé. Big Brother aura gagné dans les filets de Matrix.

Les remèdes ?

Les religions ? (et elles reviennent en force, encore plus obscurantistes, intégristes, autoritaires). Mais la majorité les craint – avec raison, au vu de l’intolérance et de l’hypocrisie dont elles font preuve. On a déjà donné avec l’Eglise catholique et avec l’islam Wahhabite ; même la religion hébraïque montre de quoi elle est capable avec les Palestiniens.

La nation ? Elle n’a plus guère de sens dès lors que le monde des réseaux est globalisé, l’univers économique interdépendant et que « les alliés » sont les pires ennemis (USA de Trump et amendes records aux entreprises pour viol de la loi purement américaine ; Brexit de nos plus proches voisins qui préfèrent s’isoler ; refus du commun par certains pays européens qui ne veulent pas avancer).

Le retour à une certaine forme de féodalisme, comme lors de toutes crises ? C’est un processus peut-être en cours, si l’on considère que des « tribus » se forment sur les réseaux et s’agglutinent en bandes qui ne reconnaissent qu’un seul gourou, s’opposant à tous les autres dans une sorte de guerre civile froide que seuls quelques excités qui mériteraient des opposants physiques à leur mesure poussent jusque dans la rue lors des samedis jaunes. La lutte des casses a remplacé la lutte des classes puisque les classes ont quasi disparu : tout le monde est devenu bourgeois, sauf les immigrés de fraîche date qui ne savent pas encore ce que c’est mais sont venus justement pour « gagner » et acquérir.

Alors le monde nouveau ? Sera-t-il celui des fermes autonomes peuplées d’écologistes intégristes, protégés de hauts murs (et sachant tirer) du rêve libertarien américain ? Celui des bidonvilles de Calcutta face aux quartiers aérés des très riches qui vivent entre eux ? Celui de la partition des régions et communes libres battant monnaie locale et exigeant une solidarité communautaire sous peine d’exclusion ? Le socialisme est mort, la Nuit debout n’a pas vu le jour et les gilets jaunes ne réfléchissent pas mais tournent en rond ou cassent la baraque. Il ne reste au fond plus guère que Macron…

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La France vire-t-elle fasciste ?

Comme après la crise boursière des années 1930, vite devenue financière, économique et sociale, la crise boursière des années post-2008, vite devenue financière, économique et sociale, suit son cours. La dernière étape est inévitablement politique. Comme dans les années 30, le populisme un peu partout dans le monde occidental développe ses outrances, ses naïvetés et ses mensonges intéressés. Cela a abouti hier à Mussolini en Italie, à Hitler en Allemagne, à d’autres régimes ou partis plus ou moins autoritaires en Europe (Franco en Espagne, Horthy en Hongrie, le rexisme en Belgique, Pétain et Laval en France…).

Et aujourd’hui ? L’histoire ne se répète jamais, sauf que le tempérament humain reste le même. Les « réactions » pavloviennes aux mêmes événements produisent des mêmes comportements malgré l’histoire qui enseigne, la culture qui progresse, les années qui passent. Ce qui est arrivé hier arrive donc aujourd’hui : la révolte antiparlementaire, anti-représentative, anti-élite, anticapitaliste, antilibérale, anti-étrangers ; la peur du déclassement culturel, la hantise de dégringoler l’échelle sociale, de payer trop d’impôts par rapport aux autres, de ne pas avoir sa part du gâteau redistributif, d’être exclu du petit rebond de prospérité après crise. Ce fut le cas en 1925 en Italie, en 1933 en Allemagne, en 1936 en Espagne, en 1940 en France…

Les classes moyennes et populaire s’unissent alors pour contester « le système » : dans les années 30 les petits capitalistes, artisans et commerçants, les petits fonctionnaires et les intellos mal reconnus, les ouvriers qualifiés déclassé par le lumpenprolétariat, les retraités grugés par les impôts, les paysans laminés par la distribution. Tous ont formé le terreau du fascisme, du nazisme, du franquisme, du pétainisme, du rexisme… Le Parti populaire français rivalisait avec le Rassemblement national populaire et Solidarité française pour contester le pouvoir et prôner la démission du gouvernement et l’instauration d’un plébiscite par appel direct au « peuple ».

La passion était l’Etat seul et ni les partis, ni les élites, ni les administrations : « Tout dans l’Etat, rien hors de l’Etat, rien contre l’Etat ! » braillait Mussolini, ancien combattant et militant socialiste engagé devenu homme fort du fascisme naissant. Comme à l’école primaire, les gens primaires en appelaient au maître contre les frustrations dues aux copains plus habiles ou plus forts. L’Etat allait égaliser tout et tous, protéger la nation et « le peuple », nationaliser les profiteurs et rétablir les frontières contre les « étrangers » (tout en allant soumettre quelques pays nègres – comme l’Ethiopie – pour offrir de la promotion sociale aux incapables – mais blancs).

La revendication des frontières, de la France seule, l’égalitarisme jaloux et des impôts pour « les riches » reviennent aujourd’hui chez les fachos des ronds-points ; ils portent gilet jaune en guise de chemise noire, sauf que… manquent dans la France d’aujourd’hui les partis de masse et les hommes forts – machistes à la Poutine, Trump ou Bolsonaro. Cela fait une différence : si le terreau social est le même, la solution n’est pas trouvée.

Le fascisme voulait l’héroïsme contre l’égoïsme ; le gilet jaune étale son égoïsme (et moi ? et moi ? et moi ?), refusant toute organisation, programme ou porte-parole. Leur seul héroïsme consiste à tourner en rond – uniquement le samedi –  et à laisser casser les biens publics par des bandes couvées avec indulgence (ça fait du buzz à la télé). Tout patriotisme est absent, une seule revendication aussi vaine qu’inepte réussit seule à faire un semblant d’unanimité : « Macron démission ». Le président Macron, élu sans conteste en 2016, ne démissionnera pas. Alors quoi ?

Qui proposer à sa place ? La duccesse marinée en la peine, au casque chevelu décoloré pour faire propre aryen ? Le ducce du camion qui ne connait ni droit ni loi ? Le Dupont trop feignant pour vérifier ses affirmations avant de balancer un gros mensonge afin de Trumper son monde ? Quand ces matamores de ronds-points l’ouvrent, c’est pour se rendre ridicules. Faut-il écouter les leçons de démocratie de l’Italien arrivé par hasard au pouvoir contre l’immigration ? Le pays qui a inventé le fascisme tout comme la Russie qui a inventé stalinisme et goulag sont-ils vraiment des « modèles » pour la France ? Mélenchon se tait, ne voulant pas subir de sort de Karl Liebknecht ou de Rosa Luxembourg, tant les extrémistes de droite sont survoltés, jouant volontiers du couteau au Brésil ou en Pologne et menaçant « de mort » en France même les députés de la République. Le « socialisme » est inaudible, même si « Pépère » essaie de chevroter qu’un président ne devrait pas faire ça. L’opposition Wauquiez est aux abonnés absents, une hémorragie de militants centristes éclaircissent les rangs de « La » République (LR), sauf une poignée de sénateurs qui justifient leur fauteuil en creusant « l’affaire » des possibles dysfonctionnements de l’Elysée.

Alors qui, les gilets ? Un bon gros beauf tiré au sort ? Referait-on des élections présidentielles aujourd’hui, selon les sondages, ce serait… Macron qui repasserait : faute d’alternative crédible. Le problème avec le mouvement jaune est qu’il s’agit d’un agrégat sans lien autre que brailler ensemble et frire des merguez dans la grande fête « où l’on se parle » – pas d’un parti politique proposant un programme politique et des leaders politiques aptes à gouverner. Se sentir bien ensemble (un seul jour par semaine) ne fait pas un projet dans la durée. Un sac à patates, selon le mot de Marx, n’est pas une classe sociale consciente de ses intérêts.

Ce qui domine est l’anarchie. Ni Dieu, ni maître, ni Macron. Bon : et l’on se gère comment ? Par des référendums sur tout et n’importe quoi ? Par une mosaïque de revendications locales, tribales, minoritaires ? La juxtaposition des égoïsmes a-t-il jamais accouché d’un projet collectif ? On comprend sans peine pourquoi les gilets jaunes ne veulent surtout pas « participer » au grand débat : il est national et devra formuler des propositions de lois concrètes. Or ils sont bien incapables de s’élever au niveau de la nation (encore moins de l’Europe face aux géants du monde !), incapables de formuler des projets d’intérêt collectif autres que « Macron démission » et que « moi y’en a vouloir des sous » pour moi !

Ils se disent « apolitiques » ce qui est le signe, depuis Alain, d’un conservatisme qui ne propose aucun progrès. L’anarchisme de droite (à la Céline) est proche de l’extrême-droite mais refuse l’embrigadement (à la Brasillach) : il est une maladie infantile du fascisme, peut-on dire en paraphrasant Lénine. Seul le processus de brutalisation des années 1930, l’accoutumance à la violence verbale et physique – jusqu’aux menaces de mort – est préoccupant : il fait le lit du premier macho fort en gueule qui passera ramasser les miettes et les pétrira en parti puissant. Mélenchon aurait bien voulu jouer ce rôle, las ! l’époque est plutôt à droite et, sauf à virer Doriot (passé du communisme au fascisme d’un seul élan), peu de chance qu’il y arrive.

Le « mouvement » des gilets jaunes apparaît donc comme un geste, pas comme un acte ; comme une velléité, pas comme une volonté ; comme une jacquerie à prétexte fiscal, pas comme un projet pour le pays. Alors, non, la France ne vire pas fasciste. Pour le moment.

Les années 30 sur ce blog

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Gilets jaunes et grande peur

La mutation accélérée de la société après la révolution numérique et la crise de 2008 ressemble à la mutation accélérée de la société après l’essor des chars et des avions et de la guerre de 14. Mais la grande peur aujourd’hui se focalise à très court terme sur les taxes et le diesel, à moyen terme sur « l’invasion » arabe immigrée et à plus long terme sur le changement du monde (climat, numérisation, réduction des emplois, angoisse pour la retraite, raréfaction des matières premières, lutte pour la vie des nations pour l’accès aux ressources).

L’autre, et plus généralement le changement, font peur. Le mâle, Blanc, périphérique et peu lettré ne suit plus l’élite mixte, diversifiée, parisienne et diplômée, censée le conduire – sinon vers un vers un avenir radieux comme hier – du moins vers le progrès et la hausse du niveau de vie.

Les années 1920 aux Etats-Unis avaient fait naître les lois restrictives sur l’immigration tout comme aujourd’hui Trump menace les migrants massés aux frontières du Mexique de leur envoyer l’armée. Les années 2010 en Europe voient la montée des partis de droite extrême un peu partout, la parenthèse d’accueil massif Merkel se retournant très vite contre elle. Il n’est pas étonnant qu’Emmanuel Macron veuille se situer sur la ligne de crête, généreux en discours et frileux en accueil : la population ne veut pas d’immigration massive.

Il ne s’agit pas de « racisme » (ce gros mot galvaudé qui ne concerne que les Blancs mâles et bourgeois mais ne s’applique nullement aux colorés victimaires qui auraient tous les « droits », selon les experts sociologues, en raison du « contexte »). Les immigrés individuellement et les familles sont secourus et accueillis : ce qui fait peur est la masse. Surtout après les attentats racistes de 2015 qui ciblaient les journalistes libre-penseur, les Juifs, les policiers, avant de frapper indistinctement tous ceux qui ne pensaient et n’agissaient pas comme Allah le voudrait, écoutant de la musique, buvant de l’alcool, s’exhibant aux terrasses de la ville ou sur la promenade des Anglais en tenue très légère. Masse allogène plus religion sectaire forment la grande peur des gens « normaux ».

L’heure est donc à la « réaction ». Au retour sur le monde d’avant, réputé « paisible » parce qu’il est bien connu, donc apprivoisé. Les manifestations contre le mariage gai, l’avortement, le féminisme agressif, l’écologie punitive – et toujours les taxes – ne sont qu’un symptôme de ce grand frisson de la pensée face aux dangers de la mondialisation et du futur menaçant.

Isolationniste, protectionnisme et nationalisme font leur grand retour. On sait ce qu’il est advenu dans les années 1930, la décennie suivant les années folles : la crise boursière, financière et économique de 1929 a conduit à la crise sociale et aux révolutions politiques qui ont abouti à la guerre.

Aujourd’hui, la déréglementation qui se poursuit pour capter les nouveaux métiers numériques et mondialisés, la raréfaction des ressources publiques pour aider les éprouvés de la vie, et la guerre commerciale initiée par le paon yankee, aggravent les effets de cette désorientation sociale.

Un nouveau cycle politique commence. Il est initié en France par le grand refus 2017 des vieux caciques focalisés sur leurs petits jeux de pouvoir entre egos, sur le rejet des partis et syndicats traditionnels bloqués dans leur langue de bois et par leurs postures. Emmanuel Macron se posant comme « ni de droite ni de gauche » assure la transition nécessaire (et raisonnable). Mais il n’est qu’un pis-aller pour les gens, un recul réflexe face aux extrémismes, notamment celui de la droite Le Pen qui apparaît comme peu capable.

En revanche, l’étatisme centralisateur jacobin renouvelé – qui est le mal français déjà pointé par Alexis de Tocqueville et Alain Peyrefitte – attise le ressentiment entre ceux qui se sentent de plus en plus pressurés et exclus, et ceux qui vivant à l’aise dans l’inclusion. Les « gilets jaunes », dans leur anarchisme spontanéiste, révèlent cet écart grandissant. La technique permet de se sentir entre soi au-delà des affinités de quartier ou de village : Facebook est passé du fesses-book des débuts (où chacun exhibait son corps et ses états d’âme) en moulin à pétitions en tous genres. Avec cet égoïsme et cette niaiserie spontanée d’une population qui ne lit plus, ne réfléchit plus et se contente de « réagir » par l’émotion aux images dont elle est bombardée via les smartphones et les gazouillis. Aucune hauteur mais chacun dans sa bande, sa tribu ; tous ceux qui ne pensent pas comme le groupe sont exclus, surtout les journalistes qui « osent » publier les points de vue différents. L’intérêt personnel purement égoïste et le nombril tribal remplacent la citoyenneté.

La « démocratie » recommence à la base, comme à l’école maternelle. Comment s’étonner que « les pouvoirs » reprennent le rôle du maître d’école ou de la maîtresse ? Macron comme Trump (ou Poutine, Erdogan, Xi Jinping, Bolsonaro et d’autres) savent qu’il faut s’imposer face aux « enfants » – soit en gueulant plus fort qu’eux pour les entraîner à sa suite (modèle du fascisme), soit en restant ferme sur ses positions argumentées et se fondant sur la lassitude des violences et des casseurs qui dissout vite toutes les révoltes quand il faut chaque jour faire bouillir la marmite (modèle jacobin).

Mais cela n’a qu’un temps car la révolte est un symptôme : à ne pas traiter les causes de la grande peur, les politiciens risquent gros. Si une nouvelle crise financière (donc économique) devait survenir prochainement, nul doute que les jacqueries se transformeraient cette fois en révolte ouverte et que les partis les plus attrape-tout et tribuniciens l’emporteraient en raz de marée irrépressible. Avec les conséquences que l’on peut entrevoir au regard de l’histoire.

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Mayonnaise médiatique

L’été a été caniculaire mais pas seulement dans l’atmosphère ; les esprits français étroitement urbains furent échauffés. Ne voilà-t-il pas que « l’affaire » d’un conseiller ayant commis des actes limites était assimilée au Watergate voire à l’affaire Dreyfus ? Le citoyen contre les pouvoirs (merci Alain, vilipendé par ces mêmes intellos trois mois plus tôt) est une grande chose ; l’hystérie bobote des éditorialistes et politiciens qui adorent jeter de l’huile sur le feu une autre. Ce pourquoi le « journalisme » est l’une des professions les plus mal considérées par les Français, juste après les politiciens démagos ou affairistes.

Pourquoi l’été sort-il des « affaires » ? Parce que la presse aux abois n’a rien à dire et que les acheteurs de journaux ou les auditeurs de chaîne sen continu désertent. Il y a quelques années c’était « le burkini », fake news habilement mise en scène qui avait remis en cause – à en croire les moralistes – les fondements mêmes de la République. Qui parle encore du burkini ? Aujourd’hui c’est un conseiller au nom arabe.

Ben Allah ! dénonce l’extrême-droite, Ben holà ! pose l’extrême-gauche. Un événement banal est devenu affaire d’Etat pour les petits esprits. Ce sont moins les faits en eux-mêmes, qui ressortent d’une sanction et d’une réorganisation des conseillers, sans plus, que le regard que porte sur eux « la presse » avant « les médias », puisque l’affaire a été orchestrée avant tout par ce parangon de vertu affichée qu’est Le Monde. Un tel « Comité de vigilance antifasciste » se reconstitue volontiers pour surveiller et dénoncer les pouvoirs modérés qui tentent de gouverner ; ils se font curieusement absents dès qu’il s’agit de surveiller et dénoncer les vraies menaces, comme celle du terrorisme islamiste, de l’extraterritorialité des lois américaines ou de l’influence des lobbies sur la loi… Soyez fort avec le faible et servile avec le fort !

Le prétexte Benalla était tout trouvé pour les procureurs cyniques de la morale pour les autres. Tous les impuissants battus aux élections se liguaient en cartel de jaloux anti-Macron. L’inquisition Mélenchon en profitait pour tenter de délégitimer les urnes qui avaient « mal » votées – puisque le Mélenchon n’était arrivé que QUATRIÈME au premier tour de la présidentielle. Quelle baffe démocratique pour ce prétendant calife, désormais trop âgé pour briguer le poste ! Sa haine rancunière le fait agir – l’avez-vous remarqué ? – comme le vieux Le Pen : ne pouvant parvenir au pouvoir, il a pris ce même ton de tribun qui agite les fantasmes mais qu’il serait bien en peine de mettre en œuvre si d’aventure le pouvoir lui échoyait. La démagogie dans toute son éternelle splendeur.

La rentrée des ratés se fait en ce lundi gris de pré-automne où France Culture, toujours à la pointe de l’extrême-mode intello, invite dans la première des Matins la virago gauchiste, féministe, écologiste, antisioniste, pro islamiste -en bref arriviste – Clémentine Autain. Cette fille de chanteur ressasse les poncifs à la mode avec cette légèreté intellectuelle issue du manque d’éducation post-68 et de culture propre à la génération Mitterrand. Peu importent les faits, seules les idées comptent. Yaka repeindre le monde – à condition qu’elle soit du bon côté du pouvoir. Le reste ne l’intéresse pas (toute ressemblance avec un certain Tromp n’est PAS fortuite). J’ai zappé Guillaume Erner et son penchant à se trouver toujours du côté du plus fort (en gueule).

Pour l’opposition d’extrême-mode, Benalla est un nervi du président, qui est donc fasciste – « le peuple » (qui parle évidemment par la seule voix du tribun) doit donc le démettre. Que les tabassés (mollement, ils n’ont même pas eu droit à l’hôpital) aient caillassé et insulté copieusement les forces de l’ordre auparavant, est pardonnable ; que lesdites forces et le conseiller « observateur » aient entrepris de faire respecter l’ordre, voilà qui est intolérable ! Curieuse conception de la force publique. Ceux qui veulent une VIe République montrent qu’elle serait plus celle d’histrions que de gouvernants.

Pauvre France petitement intello qui préfère les « principes » en chambre aux réalités du terrain et les « idées » générales à la tâche concrète de gouverner. Même Hulot se met de la partie.

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Wauquiez le naufrage

Il ne suffit pas d’être bien né ni d’avoir fait les bonnes écoles. Encore faut-il savoir nager. Or, en politique, cela s’apprend sur le tas par l’exemple de ce qui réussit. Où donc Wauquiez veut-il aller ? Vers le clown Trump et ses gazouillis rentre-dedans ? Vers l’agit-prop Sarkozy ? Vers l’au-dessus de la mêlée gaullien ?

Nul ne sait… mais chaque semaine qui passe est comme un trou de plus dans la coque de droite qu’il affiche trop volontiers. Se faire « piéger » par des étudiants en école de commerce qui enregistrent (évidemment !) ses propos « sans langue de bois » est du dernier imbécile.

  • C’est mal connaître la jeunesse que de croire qu’elle obéit à l’autorité comme dans les années cinquante.
  • C’est agir stupidement en ne faisant pas collecter les téléphones portables à l’entrée de la salle, comme cela se fait par exemple en Norvège avant un conseil des ministres, et en faisant signer par chacun une déclaration de confidentialité – l’autocontrôle (très mai 68) est un leurre.
  • C’est aller carrément dans la bêtise que de colporter des propos complotistes et des méchancetés contre ceux de son camp. Tout se sait, tout finit par se savoir – et se faire mousser à bon compte n’est pas de la politique durable.

Pas la peine d’être fils de banquier si l’on vend la mèche aux premiers venus, pas la peine d’être descendant d’industriels si c’est pour livrer les secrets de fabrication à tout vent. On susurre qu’il sait ce qu’il fait. Ce n’est pas un jugement sur la personne, que je ne connais pas ; c’est un jugement de citoyen sur un homme politique qui se présente aux suffrages : soit il est bête, soit il est grossièrement cynique – il n’y a pas à sortir de là. Or qui voterait pour un imbécile ou pour un sale type ? Est-il est bien embêté de ne pas avoir anticipé les conséquences de ses paroles ? Si oui, il est inconséquent car gouverner c’est prévoir ; sinon, il montre à tous qu’il n’est pas capable de gouverner – ce qui veut dire rassembler.

Est-il sincère lorsqu’il déclare : « Nicolas Sarkozy, il en était arrivé au point où il contrôlait les téléphones portables de ceux qui rentraient en conseil des ministres. Il les mettait sur écoute pour pomper tous les mails, tous les textos, et vérifier ce que chacun de ses ministres disait au moment où on rentrait en conseil des ministres » ? Enonce-t-il un fait ou seulement une conviction ? A-t-il des preuves ou seulement une intuition ? Veut-il se poser contre ou veut-il suggérer qu’il ferait pire ? Souhaite-t-il flinguer définitivement l’ex ? Quand on veut s’afficher comme défiant l’extrême-droite, on peut tout craindre d’un tel histrion qui n’a pas la trempe d’un Trump pour bien tromper à son de trompe.

Est-ce comme cela qu’un leader politique « amène les étudiants à réfléchir sur les rumeurs et les fantasmes qui nourrissent la vie politique » comme il tente de se rattraper ? Ceux qui connaissent les étudiants disent immédiatement que c’est n’importe quoi ! Les jeunes hommes et femmes ne sont pas des niais à qui l’on peut faire gober des bobards sous prétexte que l’on est en politique – ou alors, c’est déconsidérer la politique et offrir la tentation de se venger aux urnes comme en 2017. S’il s’agissait d’hypothèses de discussion, pourquoi ne pas le dire clairement… puis laisser « la discussion » s’ouvrir ? Or le seul qui l’ouvre durant la séance c’est le « prof de politique », le politicien qui sait tout, le bon élève des grandes écoles de l’élite qui a tout réussi, l’arriviste indécent.

Une telle arrogance ne peut qu’être mal vue, et plus encore après les affaires Cahuzac et Fillon, entre autres. « Finesse d’esprit », comme l’affirme son biographe Fabrice Veysseyre-Redon ? On se moque de qui ? « Opération buzz », comme dit un spécialiste de la com’ ? – à la Goebbels peut-être : plus c’est gros, plus ça passe ; forcez le trait, il en restera toujours quelque-chose ; les mensonges les plus énormes sont ceux qui restent dans les esprits ? Si tel est le cas, ce Le Pen bis ne représente pas « la droite » mais sa frange la plus bête du monde – et il ne fait pas le poids en copie face à l’original. Le Pen Jean-Marie est autrement plus fin et plus communicant que Wauquiez Laurent encore à l’école du commerce.

Parler brut montre que Wauquiez est une brute, affecter la sincérité n’est pas être sincère. Tous les Français sont désormais édifiés par ce personnage qui se verrait bien remplacer un Macron autrement plus doué, bien qu’accusé d’appartenir « aux élites ». Pourquoi Wauquiez affecte-t-il d’être anti-élite lui qui en est pourtant issu jusqu’au bout des ongles ? Et sur quelle analyse politique caricaturale ? Quel populo pourrait le croire ? Parce qu’il parle lourdingue ? On croit rêver – et l’on constate surtout que Wauquiez prend les gens pour des cons. Or les cons votent plus volontiers pour un Le Pen que pour un successeur de Chirac et de Sarlozy. Les autres, les Français moyens, ont pu admirer longtemps Chirac et un temps Sarkozy ; ils ne peuvent absolument pas admirer Wauquiez. Or, sans admiration, pas de légitimité : c’est le chapitre un du cours de sociologie politique.

Les membres du parti Les républicains devraient s’en faire avec un tel « chef ». Ces écarts, ou bêtes ou volontaires, en disent long sur les moutons qui élisent un tel « chien » (le mot d’où est venu « cynique »). Comment peut-on désormais, sans avoir honte, rester militant du parti LR ?

Le verbatim des écarts Wauquiez qui « balance » sur tout le monde

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Faits, opinions et intérêts…

Est-ce vrai ? Est-ce faux ? Est-ce que ça dépend ? Et pourquoi ?

En théorie, les faits disent le vrai, ce qui s’est réellement produit. Mais chacun sait que l’observation des uns n’est pas celle des autres et que le « témoignage » varie largement ! C’est donc l’observation « neutre » des faits qui permettent d’établir le vrai. Mais chacun sait que le neutre n’est qu’une convention de procédures et d’analyses, qu’il standardise l’observation pour éviter la subjectivité et qu’il ne prend pas en compte la totalité du réel. Le fait est donc un regard normalisé mais pas complet. La méthode scientifique a justement pour but d’affiner ce regard par de nouvelles techniques plus précises d’observation et des procédures plus complètes d’examen. Mais il s’agit d’un idéal, d’une tendance dont on ne verra jamais la fin. Le fait restera donc approximatif.

La vérité est alors affaire d’opinion. Comme l’a dit Nietzsche, il s’agit d’une métaphore, donc d’un résumé qui fait illusion. Prendre l’illusion pour la réalité est une faute. En revanche, avoir la « volonté de vérité » est un mouvement pour approcher sous plusieurs angles et en creusant plus profond le fait.

  1. Il y a l’opinion paresseuse, qui s’appuie sur les préjugés (ce qu’on croit avant même de savoir), et plus encore sur le grand nombre (si beaucoup sont d’accord, alors ce doit être vrai). Le fait, alors, est établi comme une croyance partagée, pas comme une réalité objective. Et cela donne la croyance aveugle en religion, le plébiscite en politique, le lynchage en justice et l’insurrection braillarde en démocratie.
  2. Il y a l’opinion éclairée, qui s’appuie sur le raisonnement (cet instrument de jugement qui s’élève au-delà des apparences pour se hausser au contexte et à la synthèse). Le fait, alors, n’est établi qu’avec de multiples précautions, techniques diverses d’observation, mesures à différents moments, regards croisés, recoupements. C’est plus long, plus incertain, mais plus efficace à la fin. Et cela donne l’agnosticisme en religion (le peut-être de Jean d’Ormesson, le pari de Pascal), le régime représentatif en politique, les différents étages de juridiction en justice avec avocat, droits de la défense et procédures d’appel, le débat avec vote libre et non faussé en démocratie.

La seconde option est plus longue et plus ardue, elle demande plus d’effort à l’être humain (mâle, femelle ou neutre) ; elle répugne donc au grand nombre, plus porté à se soumettre à un dieu dont on croit qu’il dit tout et sait tout, à accuser d’abord et à réfléchir ensuite, à se créer des boucs émissaires faciles et à actionner le yaka expéditif plutôt que de se demander concrètement comment changer les choses. En gros, la traduction politique en est Trump, Erdogan, Poutine ou Mélenchon (voire Le Pen si elle n’était pas quasiment éliminée par sa médiocrité).

Les modernes sont relativistes, car ils savent que « la vérité » n’est jamais qu’approchée, qu’elle ne règne pas immuable dans le ciel des Idées ni est écrite dans un Ciel mais qu’elle se construit pas à pas. Les antimodernes, qui se font appeler « conservateurs » ici ou là sont absolutistes, car ils croient que « la vérité » est donnée une fois pour toute, qu’elle règne par la voix d’un Dieu machiste et tonnant qui a seul raison, et qui a élu un seul peuple (le Blanc pour les Trumpistes, Israël pour les Juifs, la communauté des croyants pour l’Islam) pour faire advenir son Règne unique.

Les faits, pour les conservateurs, « ne se discutent pas » : ils sont vrais parce que c’est dit comme ça. Cette « post-vérité » peut être contraire à la vérité, qu’importe ? C’est la vérité du moment et de la communauté qui y croit. Cette façon de voir les faits est « politique » car le mensonge y est permis s’il s’agit de servir une cause plus haute, celle de « Dieu », du Parti ou d’un Chef ; il ne s’agit pas d’un péché contre l’Esprit mais d’une tactique de guerre utile.

Or le modernisme s’est imposé contre le conservatisme depuis les révolutions du XVIIIe siècle, tout comme l’Occident sur les autres peuples du monde par la colonisation, puis par la technologie et le dollar.

  1. Certains en réaction à cette domination mâle, blanche et fondée sur l’expertise scientifique prônent donc son radical inverse : valorisation du féminisme, des peuples de couleur et de l’antisystème. Leur « politiquement correct » combat la morale sexuelle traditionnelle pour l’hédonisme libertaire, la prétention occidentale à être seule interprète de « l’universalisme » et exercent une « déconstruction » critique de la « domination » (qu’ils voient partout à l’œuvre).
  2. D’autres, tout aussi en réaction mais réactionnaires au sens politique, réaffirment cette supériorité supposée du mâle, blanc, fondé sur la science (mais soumise dans ses recherches aux dogmes du Livre). Ils combattent le politiquement correct des libertaires sur le sexe avec n’importe qui, la repentance occidentale pour tout et la critique dissolvante, afin de rétablir les traditions et les dominations « légitimes » selon Dieu ou l’histoire.

Comme on le voit, rien n’est simple et tout se complique ! Il n’y a pas le « progrès » d’un côté et « l’obscurantisme » de l’autre, la raison contre l’émotion, la démocratie contre la tyrannie, la liberté contre le dogmatisme, ni même la gauche contre la droite ou la laïcité contre les religions…

  1. Il y a les passions croissantes qui submergent la raison et exige des politiciens du symbole plus que des mesures, l’affirmation de la souveraineté du pays plus que des accords internationaux, la protection des retardataires plus que la promotion des leaders.
  2. Il y a l’individualisme croissant induit par le mouvement de la société et par les technologies ; il produit du débat mais aussi des invectives et tend de plus en plus à coaguler des communautés virtuelles qui se ferment pour rester entre-soi en excluant tous les autres qui dérangent.
  3. Il y a la complexité croissante des savoirs qui ne permet plus au grand nombre de comprendre ce qui se passe, comment on peut aller dans la lune ou si c’est du cinéma, pourquoi les datas sont collectées aussi massivement et l’obscurité de leur tri pour leur « faire dire » quelque chose. La paresse est de voir des complots là où on ne comprend pas.

Dans ce magma, les faits deviennent vite opinions, lesquelles ne sont le plus souvent que le paravent d’intérêts communautaires ou particuliers.

Croyez-vous que Trump gouverne pour l’Amérique ou pour son clan ? Qu’Erdogan soit le président des Turcs ou seulement des musulmans conservateurs turcomans qui adulent son parti ? De même, croyez-vous que ceux qui votent extrémiste en Europe soient de purs fascistes ou gauchistes tentés par le césarisme – ou des déboussolés qui voudraient bien calmer le jeu de la finance, de l’immigration et de la dérégulation ? Les Somewhere combattent les Anywhere : ceux qui sont de quelque part ceux qui sont de nulle part.

Sans être un militant engagé ni souscrire à tout ce qu’il fait, il est possible de penser qu’un Emmanuel Macron tente le soi-disant impossible (selon Chirac, Sarkozy et Hollande) de concilier ces contraires : promouvoir les leaders en même temps qu’il protège les retardataires. C’est du moins ce qu’il dit, probablement ce qu’il veut, peut-être ce qu’il va réussir.

 

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La France en marche ?

Pourquoi s’étonner que la rencontre d’un homme et d’un peuple soit perçue comme une « révolution » ? Malgré l’illettrisme contemporain et la posture de terreur idéologique de la gauche extrême, la « révolution » est le retour d’une planète à son point d’origine. En 2017 en France, il s’agit du retour à la lettre de la Constitution de la Ve République votée en 1958. Emmanuel Macron est cette rencontre d’un homme avec un peuple qui – soit a voté pour lui – soit a laissé faire.

Pourquoi lui et pourquoi pas moi, se demandent les anciens leaders évincés ? Parce que non seulement la gauche a explosé, la faute étant due principalement à l’ego surdimensionné de Mélenchon, mais aussi aux atermoiements irréalistes des écolos et à l’inanité du « socialisme » à encore exister. Si Hollande, ce falot inconsistant, s’était représenté, il aurait probablement été battu ; il a eu l’ultime sagesse de renoncer et d’adouber en dauphin le jeune Macron de 39 ans. Incarner la présidence n’est pas donné à tout le monde, et surtout pas à un Normal voué à saint Thèse qui a la phobie de décider. La gauche est en miettes, mais la droite ne va qu’un peu mieux. Le candidat « naturel » (du système) Alain Juppé a échoué largement à la primaire, se voyant préférer par « le peuple » de droite le catholique austéritaire Fillon. Lequel Fillon, professeur de vertu comme Bayrou, s’est trouvé fort dépourvu lorsqu’une presse implacable fut distillant les révélations progressives de son népotisme. Quant au fantasme Le Pen, il s’est brisé sur la bêtise – n’ayons pas peur des mots – de la candidate lors du débat face à Macron. La crise de la démagogie a eu lieu en direct.

Le premier tour officiel (sur les huit tours depuis les primaires initiales !) a révélé le pentagone français : la droite radicale Le Pen, la droite traditionnelle Fillon, la droite libérale Juppé-Bayrou, la gauche libérale Valls, la gauche radicale Mélenchon. Avec l’abstention en plus, celle des classes populaires et des relégués périphériques de la mondialisation. Les partis se sont montrés moins porteurs d’idées et de projets réels que machines stupides à désigner des candidats ; la caste intello-médiatique a illustré une fois de plus son incapacité à penser par elle-même (où est donc passé Nuit debout ?) au profit des intérêts de groupes idéologiques ou financiers (qui « possède » le journal le Monde ou l’Obs ? quel milieu étroit « tient » France-Culture, France-Inter ?). Les Français en ont eu marre des politiciens professionnels, des désignés rituels, du prêt-à-penser des médias : ils ont favorisé les marginaux hors primaire, hors système, hors partis. Emmanuel Macron a représenté le plus petit commun dénominateur de cette volonté de « dégager » mais « sans le risque » : une synthèse improbable de Mélenchon et de Giscard…

D’autant plus que Macron se montre optimiste dans un pays pessimiste, faisant porter au système politique progressivement refermé sur lui-même depuis trente ans – la loi sur le financement des partis a encouragé la professionnalisation – la responsabilité de l’impuissance publique. A surgi une horde de néo-militants de la société civile, inexpérimentés mais enthousiastes, individualisés par les réseaux numériques. Ils sont portés non à « la synthèse » mais au « en même temps » : à la prise en considération des opinions des autres, la différence permettant seule le débat démocratique. Au risque de l’atterrissage (brutal) et de l’institutionnalisation (bureaucratique). Prudemment, le gouvernement est surtout composé d’énarques et de politiciens aguerris mais « en même temps », l’Assemblée nationale se voit renouvelée à 75% avec plus de femmes et moins de fonctionnaires.

La suite est plus floue, même si le Président est redevenu à majuscule : lui incarne la fonction, avec gravité et simplicité, tout en assumant ses mots critiques que la presse reprend sans penser une seconde à ce qu’ils veulent dire (« les fainéants, les cyniques, les extrêmes »). Autrement dit les profiteurs du système, les manipulateurs politiciens et les radicaux qui promettent toujours la lune. Qui sont-ils ? Au vu des réactions indignées, chacun s’est bel et bien reconnu. Et cela alimente le débat démocratique, ce qui est au fond très sain.

Bien sûr, les vieux réflexes technocrates ont ressurgi : le coup de rabot du « j’veux voir qu’une tête » – égalitariste mais surtout flemmard (surtout pas d’ennuis, tout le monde pareil !). L’armée, l’aide au logement, ont ainsi fait les frais de cette bêtise des bureaux – suscitant là encore une réaction présidentielle pour le budget de l’an prochain, comme s’il s’agissait d’un jeu pour la communication entre le mammouth imbécile et son nouveau dompteur. Le prochain budget, pleinement macronien, permettra d’évaluer la direction réelle vers laquelle le pays sera engagé – mais il faudra attendre décembre.

Gageons que ce budget sera de gauche mais libérale, redistributif mais surtout aux nationaux. La population en a assez de la générosité à tous vents alors que le chômage reste à un niveau indécent en France par rapport aux voisins. L’immigration était « une chance pour la France » lorsqu’elle restait contrôlée. Depuis que la grande vague a déferlé sur les pays européens, les gens ont peur de voir basculer leurs façons de vivre face au rigorisme d’islam, de partager un gâteau qui se réduit avec la concurrence mondialisée, d’introduire des terroristes dans la masse (le dernier attentat de Londres, perpétué par un garçon de 18 ans, le prouve). Désormais, c’est identité d’abord, universalisme ensuite. Une culture n’est pas un compromis métissé mais un héritage qui évolue. Cette attitude n’est pas propre à la France : le Brexit et l’élection de Trump comme la méfiance chinoise envers les étrangers – montrent que c’est mondial : la rançon de l’ouverture économique… « Respect » n’est pas un mot réservé aux revanchards des banlieues, il est universel !

Même les nantis de la mondialisation acceptent désormais de soumettre les échanges de population au filtre de la compatibilité culturelle. Il n’y a que chez les plus bornés des idéologues que ce bon sens ne passe pas. Notamment dans les médias, où chacun épie chacun pour lui ravir sa place, où la surenchère dans le « politiquement correct » est l’aune à laquelle se mesure la légitimité à occuper les places. Ce pourquoi les Français préfèrent de plus en plus Internet aux journaux et les radios privées au « service » public. C’est ainsi que l’Esprit public a migré en septembre de France-Culture au podcast.  L’ersatz produit à la même heure le même jour sur la radio publique n’a pas le goût du vrai et rassemble surtout des journalistes, glosant entre eux sur leurs problèmes de caste.

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Vide socialiste

Le monde a changé, pas le socialisme.

Idéologie dominante du siècle dernier, née au siècle encore avant en réaction à l’individualisme croissant dû à l’essor démocratique et industriel, le socialisme est désormais mort et Macron vient de l’enterrer. Il restera désormais comme une secte de gauche parmi d’autres, un parti-croupion analogue au parti radical, cet ex-faiseur de rois de la IIIe République.

J’ai connu cette génération socialiste qui a intronisé Mitterrand en 1981 – ex-ministre de l’Intérieur hostile à l’indépendance de l’Algérie puis ministre de la Justice donnant les pleins pouvoirs à l’armée – avant de crever sous Hollande, secrétaire de parti une bonne décennie à gérer les egos entre 1997 et 2008. Ceux qui ont poussé le machiavélien né camelot du Roy, présenté à Pétain avant de virer résistant, gaulliste puis ministre, étaient ces petit-bourgeois arrivistes des années 1980 qui avaient fait quelques études et avaient soif de participer aux décisions. Fils amers de ceux qui n’avaient pas su résister durant la guerre de 40, ils ont cru bon de porter les valises des terroristes FLN, futurs dictateurs soigneusement planqués jusqu’aux accords d’Evian – et toujours au pouvoir en Algérie. Comme la « résistance » allait bien pour les autres ! Comme la bonne conscience jouissait à s’éclater pour « les pauvres, les déshérités, les damnés du colonialisme… justement terminé » !

A ceux-là, leurs ados ont « fait » 68 contre la guerre et la consommation, avant de se réfugier dans la prébende d’Etat comme profs ou politiciens. Ce sont ces ados jamais vraiment grandis qui ont joué du synthétiseur hollandais contre l’agitation sarkozyste, croyant apaiser le pays par un train de réformettes que la revancharde Aubry a taclé via les députés qu’elle fit nommer. Car ce n’était « jamais assez à gauche, ma chère ! » comme Jospin – qui n’avait pas démérité – l’apprit à ses dépens en avril 2002. Le socialisme battu par Le Pen, quelle honte déjà ! Les « frondeurs » ont achevé l’ouvrage en faisant battre au premier tour de la présidentielle tous les socialistes – le frondeur Hamon comme le radical Mélenchon – à la fois par Le Pen et Fillon.

Car le ver était dans le fruit… Qu’a donc « le socialisme » à dire sur le monde actuel ?

De plus en plus globalisé, faisant la place à l’ancien « tiers » monde qui lui taille des croupières à marche forcée, emporté par le numérique, l’informatique, la robotique, les algorithmes et les nanomachines, le monde change à grande vitesse – et pas le socialisme. Le libéralisme au contraire – et c’est là sa vertu – sait s’adapter puisqu’il accepte par construction ce qui vient, « liberté » étant le maître-mot.

Mais le socialisme, loin de pencher vers les associations de base du modèle français selon Proudhon, a vivement préféré les grandes idées philosophiques du prophète juif qui prenait la suite des Evangiles : Marx. Lequel a été récupéré par tout ce que l’Allemagne compte de fumeux et de proto-totalitaires sous la houlette de l’hégélianisme, avidement repris par les Sartre et autres petits intellos français qui avaient honte d’apparaître trop rationnels (comme Bergson, Valéry ou Alain) à l’époque où l’Allemagne dominait l’industrie mondiale. Les années antitotalitaires post-68, après les révélations de Soljenitsyne puis de Solidarnosc, ont emporté le marxisme en acte du « socialisme réel » (ainsi se disait-il)… et tout le socialisme avec !

La société de cour, idolâtre du Mitterrand-soleil, a fait le reste, remplaçant les militants enthousiastes et la fraîcheur des idées par les technocrates d’appareil et les slogans de parti. Comment penser le monde quand vous faites allégeance à une bande où l’entre-soi compte plus que l’universel ? D’où ce « gauchisme culturel » décrit par Jean-Pierre Le Goff, qui acheva de faire divorcer les intellos bourgeois urbains du populo des périphéries et des villages. Le « socialisme » réduit aux bons sentiments et aux mot-valise, avec l’écologie comme nouvel horizon de croyance.

Libéralisme des mœurs adulé, libéralisme économique honni : quelle magnifique contradiction ! Car cela signifie « tolérance » aux intolérants – par exemple poutiniens, trumpiens ou islamistes ; ouverture des frontières – juste pour les migrants, pas pour les marchandises ni pour les capitaux ; incantation au « collectif » – et préoccupations uniquement focalisée sur les « droits » aux minorités infimes (homo, voilées, féministes).

La plus vaste blague a été la candidature de Benoit Hamon. Lui, un renouveau du socialisme ? Apparatchik né dans le système, dont le seul métier a toujours été la politique, adepte de l’entre-soi fanatique par ses réseaux multiples cultivés depuis toujours – comment aurait-il pu représenter un homme neuf dans « le système » ? Quant à son programme, il reste l’utopie-reine de toute croyance millénariste : demain on rase gratis (revenu universel, hédonisme, RTT avant retraité, annulation de la dette, taxation de tous ceux qui dépassent la norme d’Etat, imposition des robots – avant de leur accorder des « droits » en tant que minorité visible ? -, loi contre la torture des chatons, agnelets et autres petits veaux). Comment gouverner dans la réalité si l’on reste guidé par le principe du plaisir ?

Que reste-t-il en 2017 du « socialisme » ? Rien. Ce vide est le vide de « la croyance » face aux faits.

Et c’est tant mieux : le champ est enfin libre pour créer autre chose.

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Qu’est-ce que la post-vérité ?

Il y a la vérité et il y a le mensonge ; il y a aussi la vérité « relative », qui dépend du point de vue d’où l’on se place. Il n’y a pas de « post » vérité, qui signifierait un dépassement (dialectique ?) de la vérité en soi. Le terme utilisé est donc un raccourci : nous nous trouvons dans une ère de « post » vérité parce que « la » vérité ne fait plus recette pour la majorité de nos contemporains.

A cela quatre raisons :

  1. La vérité est indifférence : tout est relatif ! Ne nous a-t-on pas assez serinés depuis deux générations ce slogan tiré de la théorie d’Einstein ? Puisque toute vérité dépend du point de vue, choisissons notre point de vue et ce sera notre vérité. Pas « la » vérité en soi mais celle de notre œil, de notre cœur, de notre raison. Nous appellerons cette vérité un mythe et le croire sera le socle qui nous fera agir. La vérité « scientifique » elle-même – qui devrait rester pure, a été mise à mal par le socialisme « scientifique » de Marx et Engels (qui n’était qu’une croyance philosophique) et par les multiples fraudes de chercheurs qui cherchaient surtout la notoriété, et moins à trouver qu’à prouver.
  2. Le réel est indifférent, trop « raisonnable », trop contraignant. Il est souffrance, mieux vaut l’illusion. L’intrusion des philosophies orientales, et la mode New Age qui va avec, conduit dans nos sociétés matérielles confortables, à « préférer » les illusions apportées par les croyances – dont les religions -, par le groupe fusionnel, les drogues, l’alcool. Puisque la société ne nous force pas à nous colleter au réel grâce à ses filets de sécurité sociale, santé, chômage, retraite, vivons dans le rêve ou la foi, nous aurons toujours à bouffer. Le revenu universel du dieu Hamon rencontre ici toute sa place, comme le message daechiste des vierges futures (rien que pour les mecs, aucune brochette d’éphèbes prêts à servir n’est prévue au paradis d’Allah pour les méprisables femelles). L’indifférence au réel se manifeste par le dédain de la raison et l’inclination vers la passion : celle-ci emporte, la volonté supplante le raisonnable, il suffit de dire « je veux » pour que toutes les planètes se mettent à tourner autour du même soleil impérieux, la foi vous sauvera. Le volontarisme furieux des Le Pen et des islamistes rencontre ici son public.
  3. Le temps est indifférent, seul compte présentement le présent. Les gadgets électroniques remplacent la pensée par « l’information » continue, le lien par « le réseau », la sensation par « le choc » répété. Un clou chasse l’autre – d’où la meilleure défense qui est l’attaque, et plus c’est gros, plus ça passe, ces deux piliers fondamentaux de toute propagande. Donald Trump, amuseur de téléréalité, a piqué ses procédés de show aux télévangélistes, même s’il imite sans le savoir Hitler. En France, le Front national est expert mais tire ces techniques du Dr Goebbels – que l’on étudiait jadis à Science Po. François Fillon est trop naïf pour user de ces méthodes pas très catholiques, ce qui le dessert.
  4. Le pouvoir de l’élite est indifférent, ce qu’elle dit n’est que du performatif, les actes suivent trop rarement les mots pour qu’on les croie encore. Il y a eu trop de « mensonges d’Etat » depuis l’origine de la république pour que cette répétition des mêmes erreurs ait ancré dans la tête du citoyen qu’il ne faut jamais faire confiance au pouvoir. Rappelons-nous l’affaire Dreyfus, le scandale de Panama, Pétain comme « bouclier », l’attentat de l’Observatoire, le « je vous ai compris » sur l’Algérie, les dénis successifs sur les méfaits du nucléaire (le nuage de Tchernobyl arrêté à la frontière…), le Rainbow Warrior – et aux Etats-Unis entre autres le Watergate et les armes de destruction massives en Irak… Sans parler des impostures intellectuelles à la Maurras, Sartre ou Althusser. La « vérité » officielle est une communication qui disqualifie les politiciens, les intellos, les « sachant » (qui n’en savent pas plus que vous quand on y pense). Critiquer, contester, élaborer une communication « alternative » apparaît comme un devoir civique – au risque de sombrer (trop souvent) dans la théorie du Complot.

Au fond, seuls les vrais chercheurs scientifiques sont forcés de croire encore en « la » vérité. Les autres n’adhèrent qu’aux vérités partielles, relatives, « utiles ». La fameuse transparence démocratique dont les intellos civiques nous bassinent les oreilles n’apparaît que comme une arme de communication pour le combat politique. Ce sont les fameuses « affaires », qui surgissent curieusement aux moments où un intérêt électoral ou le vote d’une loi est en jeu. Ce n’est pas la vérité qui pousse ces « lanceurs d’alerte », mais le militantisme partisan – loin, très loin de l’intérêt général.

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La vérité est exigée nue, par volonté de naturel

Nietzsche est peut-être le seul philosophe qui se soit interrogé sur les présupposés du concept de « vérité ». Pourquoi croire à cette dualité du vrai et du faux ? N’y a-t-il rien de gris, d’intermédiaire, de yin dans le yang et réciproquement ? Pourquoi cette croyance fanatique en les bienfaits de la vérité et cette horreur du faux ? Est-ce bien la réalité humaine constatée ? Si l’erreur est humaine, ne serait-ce pas parce qu’elle a une certaine utilité, au moins pratique ? Ne sert-elle pas à mieux vivre ?

La vérité est alors une valeur, pas une essence objective. La volonté de vérité est une volonté comme une autre – même si elle caractérise notre civilisation occidentale plus qu’une autre dans l’histoire. « La question des valeurs est plus fondamentale que la question de la certitude » (Fragments posthumes XII, 7). La prétendue vérité se réduit alors à la position relative, humaine, de certaines erreurs devenues conditions d’existence. Une erreur ancienne apparaît plus vraie qu’une vérité trop récente, que l’on ne croit pas encore tout à fait. Même la science n’établit de vérités que réfutables, « falsifiables » selon Karl Popper. Ce qui est vrai à un moment donné ne l’est plus que partiellement à un moment ultérieur. Parce que la connaissance avance, la puissance de calcul, l’exploration de l’univers, l’approfondissement de ses lois mathématiques.

Puisque la vérité est une valeur, elle est en concurrence avec d’autres valeurs qui peuvent apparaître un moment comme plus importantes : « La question est de savoir jusqu’à quel point [un jugement] favorise la vie, conserve la vie, conserve l’espèce », suppute Nietzsche (Par-delà le bien et le mal, 4). La vérité cherche à établir la certitude, sans laquelle il ne peut y avoir de sécurité pour les humains. Le connu inspire confiance, donc « est vraie une chose qui suscite un sentiment de sécurité » (Fragments posthumes, XII, 7).

D’où les Trump et autre Le Pen ou Mélenchon : affirmatifs, pirouettant, aptes à retomber toujours sur leurs pattes. Ce n’est pas la vérité qui compte, mais leur habileté. Ils disent ce que « tout le monde » croit, changent d’avis aussi vite lorsque la réalité les rattrape, baignent dans la com’ le public comme des amuseurs de foire. Mais la politique n’est-elle pas une grande foire, un Beauty contest où il s’agit de choisir le plus séduisant ?

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Justice démocratique ou lynchage populiste ?

Après Le Canard Enchaîné, Médiapart,u Envoyé Spécial, BuzzFeed, le Monde publie de nouvelles informations sous la plume des familiers du président, les journalistes Davet-Lhomme, et BFM-TV ajoute des infos sur la société de conseil Fillon. Ce qui suscite des vocations sur les politiciens de gauche, Benoit Hamon, Anne Hidalgo et Emmanuel Macron. Tous pourris ? Jusqu’où va-t-on aller dans le grand déballage moraliste ? Les journalistes eux-mêmes en seront-ils protégés ?

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Lorsque l’on songe à représenter le peuple, nul doute que le peuple a le droit de savoir si c’est l’intérêt général qui motive le candidat – ou son intérêt privé. Ce pourquoi la transparence sur le patrimoine avant et après le mandat est une opération de salubrité publique. Un contrôle effectif – et indépendant – peut permettre d’éviter les tentations et de « conseiller » utilement le candidat sur les pratiques déontologiques ou non, même si elles sont légales. Ce qui est loin d’être fait : le copinage et l’esprit de caste règnent chez les parlementaires, les ministres et les technocrates comme partout ailleurs.

Nous ne sommes pas, en France, dans une société protestante (ils ont été « déchus de nationalité » sous Louis XIV dit « le Grand », soleil de l’univers représenté dans son palais de Versailles). Nous sommes dans une société catholique qui calque ses mœurs sur celles de la papauté : infaillibilité, hiérarchie, népotisme (les « neveux » du Pape). L’état d’esprit n’est pas celui de la vertu personnelle ici-bas qui permettrait seule l’accès au paradis, mais la grâce ultime qui viendrait de la contrition une seule fois dans sa vie, pour laver tous les péchés.

Ce pourquoi, dans les pays latin, la morale ne se confond pas avec le droit, ce que les étudiants apprennent en première année de fac. L’opinion supporte de moins en moins les privilèges de la classe politique car elle a l’esprit imbibé de séries commerciales moralisantes américaines – mais aussi parce que la gauche ravive le souvenir de l’abolition des privilèges lors de la nuit du 4 août 1789. Ce qui est salubre, mais risque de quitter la ligne de crête de la vertu pour tomber dans le populisme. Ne devons-nous élire que des Incorruptibles ? Un peu d’histoire (que l’on n’apprend plus guère à l’école, encore moins à l’école de journalisme) montre comment Robespierre dit l’Incorruptible a « dérivé » et combien le Soupçon généralisé a engendré la Terreur qui a failli mettre le régime à bas et le pays à merci des forces étrangères de réaction.

Car il n’y a qu’un pas entre exigence de transparence et soupçon, entre la simple vertu et la figure de l’Incorruptible. Les citoyens sont humains, ils élisent l’un des leurs pour les représenter : ils ne sont pas des dieux, pas plus que leurs électeurs. Qu’ils soient contrôlés et doivent justifier de leur propriété et de leur enrichissement durant leur mandat, rien que de plus normal. Mais pas plus. Ce qui relève de la vie publique doit être transparent, pas ce qui relève de la vie privée. Or les médias se repaissent du scoop et adorent jeter en pâture pour faire du buzz n’importe quelle information, vérifiée ou non, que les faits soient légaux ou seulement limites en termes d’éthique. La confusion est à son comble dans l’immédiat revendiqué, la course au fric par le scoop le plus croustillant livré avant tous les autres. Est-ce « moral » ?

Cela aussi, cette divulgation médiatique infâmante vouant au pilori un homme en vue, si c’est légal, est-ce moral ?

Curieusement, Edwy Plenel de Mediapart est d’accord avec cette analyse. Il dénonce « le système » et l’opération diversion de l’indignation morale : Fillon ne serait pas le candidat exigé par le système capitaliste mondial. Pourquoi pas ? Son analyse serrée a le mérite de remettre un peu de bon sens sur savoir si dame Pénélope a travaillé ou pas !

Le circuit du dossier Fillon aurait été, selon des sources informées, le suivant : Thomas Cazenave, ENA-promotion République, ex-directeur du cabinet d’Emmanuel Macron et Secrétaire général adjoint de l’Elysée en remplacement de Boris Vallaud (mari de Najat Vallaud-Belkacem), a remis les documents sur Fillon au cabinet de François Hollande. Ce dernier aurait transmis ces informations à Gaspard Gantzer pour en faire bon usage. Grand ami d’Emmanuel Macron (même ENA-promotion Senghor) le conseiller chargé des relations avec la presse, chef du pôle communication à la présidence de la République, est également proche de Dominique Strauss-Kahn – qui n’a pas digéré l’affaire de Lille visant à saboter sa candidature à la présidentielle 2012. Mardi 9 Janvier, Gaspard Gantzer aurait rencontré Michel Gaillard, directeur de la Rédaction du Canard Enchaîné (ami de François Hollande depuis longtemps) pour lui remettre les documents – qui ont été publiés.

Comme on le voit, c’est moins la vertu que la vengeance qui anime l’information, moins l’intérêt général du pays, des élections et du processus démocratique des primaires, que l’intérêt partisan.

Si la morale publique ne tolère plus les pratiques de jadis, pourquoi ne pas légiférer efficacement ? Le président Hollande a eu cinq ans pour le faire, que ne l’a-t-il fait ? Dénoncer ses adversaires en politique n’est pas plus moral qu’aller le dire à la maitresse dans la cour d’école – on reconnaît bien là l’un des travers de Hollande, une certaine lâcheté. Ce n’était pas mieux sous Sarkozy et Dominique Strauss-Kahn en aurait pâti… s’il ne s’était pas lui-même enferré dans le corps défendant d’une soubrette noire américaine.

La justice passera sur les révélations à épisodes de « l’affaire Fillon » et dira si elles sont condamnables ou pas, mais elle est lente car elle doit enquêter et respecter les procédures (et c’est heureux). Politiquement, légal ou non, le mal est fait. Doit-on annuler le résultat massif des primaires à cause de faits allégués mais non prouvés, de simple suspicion d’abus de pouvoir ou de népotisme ? Sans candidat légitime de remplacement, doit-on adouber n’importe quel aspirant comme le fit le parti socialiste avec Hollande lorsque Strauss-Kahn a failli ?

La répétition aujourd’hui par la gauche du montage imaginé hier à droite montre que le coup est très certainement venu de la gauche, confirmant les sources informées. De cette « gauche morale » qui adore donner des leçons à tout le monde alors qu’elle est loin d’être une oie blanche : n’est-ce pas Monsieur Cahuzac ? Monsieur Guérini ? Monsieur Kucheida ? Madame Andrieu ? Monsieur Dalongeville ? Monsieur Vallini ? Et tutti quanti…

Croire que l’argent et la politique seront séparés par la simple vertu, contrôlée par de sourcilleux journalistes en quatrième pouvoir, aiguillés par de judicieux lanceurs d’alerte au-dessus de tout soupçon d’intérêt personnel, c’est de l’hypocrisie. Le politiquement correct relayé et amplifié par les médias vise plutôt à empêcher de penser. Le temps de cerveau disponible (comme disait l’ineffable Le Lay) est accaparé par cette pub moraliste, au détriment des vrais sujets qui fâchent : terrorisme, chômage, pelote réglementaire, lois mal conçues, mal ficelée, mal appliquées, déficit public persistant, gaspillage de l’argent public (voir le tout dernier rapport de la Cour des comptes sur les tergiversations et atermoiements Hollande sur l’écotaxe… édifiant !).

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La moraline est caquetage, nul n’est saint en ce bas monde, pas plus les dénonceurs que les dénoncés. Elaborer longuement un droit juste et le faire appliquer efficacement, voilà qui serait positif. Mais cela demande du travail de recherche, du temps grignoté par les mandats multiples, de la curiosité pour savoir comment font les autres pays, de l’audace pour violer la répugnance des élus (à gauche comme à droite), une formation approfondie des magistrats pour juger en droit et pas en opinion.

Justice n’est pas lynchage – c’est tout ce qui sépare la civilisation de la sauvagerie.

Or ces mœurs médiatiques, qui se calquent sur les habitudes de Trump et les accents complotistes à la Le Pen-Mélenchon, rendent la société plus sauvage qu’auparavant. La manipulation de l’indignation publique (la « vérité relative » prônée par Trump, qui touche les médias français à propos de ces affaires non jugées) va susciter probablement de l’abstention, une hausse des votes extrêmes (surtout à droite…), quelques ralliements au centre (si Macron ne se voit pas lui aussi cloué au pilori) – bien que la énième probable candidature Bayrou en Père-la-morale va probablement fusiller cette velléité.

Ce n’est certes pas « la gauche » de gouvernement qui en sort grandie, amplifiant un peu plus son rejet par les citoyens. Après l’opération mains-propres en Italie, c’est un Berlusconi qui en a bénéficié, pas les vertueux de gauche… Le rejet du politiquement correct aux Etats-Unis vient d’accoucher d’un Donald qui trompe le monde entier, confit en égoïsme et partisan du rapport de force (le « gros bâton » sexiste et machiste).

Espérons qu’en France nous puissions voir plutôt le peuple de droite républicaine faire bloc autour de son candidat désigné qui affirme son réalisme et sa volonté de gagner. Cela s’appellerait un retour de bâton – le dernier coup raté d’un François Hollande désormais à bout de course. Et cela permettrait l’exercice libre de la démocratie – qui est choix entre plusieurs possibles politiques.

La droite extrême – quasiment sûre de l’emporter si Fillon est empêché – représenterait le chaos que le Brexit, le Renzit et le Clintonit ont déjà commencé à étendre, en attendant le Merkexit, le Grexit – et quoi d’autre encore ? A jouer avec le feu…

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Conservatismes

Comme il existe des progressismes, il existe plusieurs conservatismes : subi, graduel, radical. Car même ceux qui se qualifient de progressistes persévèrent dans le conservatisme de leur courant. Ils ne changent pas, seule change l’époque.

Le progressisme subi est celui du libéralisme, qui accepte ce qui vient, d’où que vienne le changement (du climat, des mœurs, des techniques, du mouvement social), mais avec l’habitude. Le courant récent va des radicaux sous la IIIe République à Emmanuel Macron, en passant par Pierre Mendès-France, Michel Rocard, Jacques Delors, Manuel Valls (avant d’être ministre, pas après) et… François Hollande (une fois élu seulement). Les modèles : Bill Clinton, Tony Blair, Gerhard Schröder.

Le conservatisme subiest le même : accepter ce qui vient, faire corps avec le changement en adaptant les lois et les mœurs, mais lentement, à son heure. Ce qui distingue progressisme et conservatisme subis ? La « bonne conscience » sociale : se dire de gauche est mieux valorisé, se dire de droite est plus le fait des retraités.  Centre gauche et centre droit, Macron et Juppé ou Bayrou sont proches, au fond. Le courant va des Girondins à Alain Juppé, en passant par Louis-Philippe, Alexis de Tocqueville, Antoine Pinay, Jacques Chaban-Delmas, Valéry Giscard d’Estaing, Raymond Barre, Edouard Balladur, François Bayrou. Accepter une interprétation humaine différente des mêmes lois de nature ou divines. La conscience s’améliore, elle « découvre » du neuf comme on découvre un corps en ôtant peu à peu le drap qui le recouvre. Ainsi des mathématiques : elles existent de tout temps comme règles d’organisation de (notre) univers ; les humains ont mis des millénaires pour peu à peu les mettre au jour ; ils ne les inventent pas, ils les révèlent – croient-ils. Les modèles sont les mêmes que pour les progressistes, avec Jean Monnet en plus pour l’Europe.

Le progressisme graduel est le réformisme, qui ne remet pas en cause le système global mais l’aménage progressivement – par exemple le socialisme ou le radical-socialisme. Valls ou Peillon l’incarnent aujourd’hui, un peu moins Montebourg (plus interventionniste), encore moins Hamon. Le courant est issu de la scission en 1920 de l’Internationale socialiste entre communistes (inféodés  à Moscou) et le socialisme (qualifié de trahison par les staliniens). La vieille SFIO de Guy Mollet (qui envoya le contingent en Algérie pour 24 mois au lieu de 18 en proclamant urbi et orbi l’Algérie française), et le Parti socialiste refondé par Mitterrand et Chevènement en 1971 jouent cette carte : radicalité en paroles (pour être élu) puis pragmatisme réformiste en actes (une fois au pouvoir). Martin Aubry, Laurent Fabius et les « frondeurs » sont de ce jet. Le (seul) modèle franco-français : François Mitterrand – autoritaire et manœuvrier.

Le conservatisme graduel considère qu’il existe des lois immuables, issues de Dieu ou de la Nature (par exemple l’hérédité), et qu’il est vain de vouloir changer l’homme – sauf par le dressage éducatif et les lois répressives. On ne change alors pas l’être humain, mais seulement son comportement par des lois normatives. Qu’elle soit acceptée ou imposée, la règle s’impose. Fillon suit cette voie, après Chirac (créé par Marie-France Garaud et Pierre Juillet), la politique est l’art du possible. C’est donc se faire « réactionnaire » que de réagir négativement à ce qui change trop vite – à gauche aux réformes des zacquis sociaux (par exemple Hamon qui abandonne le travail pour garder la redistribution, et qui veut « revenir » à la gauche 1981 avec certaines nationalisations), à droite aux réformes du mariage (hier le PACS honni, aujourd’hui accepté…). Ils acceptent 1789, revenir à l’avant 1968 suffit généralement à ces conservateurs graduels. Les modèles : Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Jean-Pierre Chevènement.

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Le progressisme radical est celui qui veut renverser la table : changer le monde, changer l’homme, changer la nature ; donc le communisme, les divers gauchismes, et toutes les utopies d’avenir radieux. Mélenchon entre autres. Ce genre de courant utopique prolifère généralement en sectes et en sous-sectes selon les ego et les écarts théoriques : les innombrables ramifications écologistes, qui ont pris la suite des innombrables ramifications du gauchisme post-68, en sont l’illustration. L’écologie n’est pas chose sérieuse en France politique, juste un créneau où se faire mousser personnellement sans risques. Les modèles : Maximilien Robespierre, Mao Tsé-toung, Fidel Castro, Hugo Chavez.

Le conservatisme radical veut en revenir à l’avant 1789, avant les Lumières de la Raison dont l’orgueil trop humain bafoue les lois immuables établies par Dieu et par l’Ordre de l’univers. Ce courant s’est toujours révolté contre les changements trop brutaux : la Révolution (appelant à la Restauration), l’insurrection démocratique 1848 (appelant à l’empire Napoléon III), la Commune 1871 (appelant Thiers et la répression), la chienlit parlementaire 1934 (appelant les Anciens combattants), la défaite de 1940 (appelant la Révolution nationale), les accords d’Evian 1962 donnant son indépendance à l’Algérie de Belkacem (appelant à l’OAS), la chienlit sexuelle de mai 68 (appelant à l’Ordre nouveau), la loi Savary 1984 unifiant école publique et privée (appelant à la manifestation monstre), le mariage gai (appelant la Manif pour tous). Les lois sont des tables révélées qu’on ne peut contester : ainsi l’islam radical, le christianisme intégriste ou même l’athéisme souverainiste du Front national. C’est le seul conservatisme dont on peut dire qu’il est littéralement « révolutionnaire », dans le sens où il tente d’accomplir une révolution complète – comme les astres – ce qui veut dire un retour au point de départ… Faire l’Histoire pour établir la Perfection, disent les progressistes radicaux ; retrouver l’innocence parfaite par la rédemption, disent les conservateurs radicaux. Les modèles : Napoléon III, Mussolini, Poutine – voire Erdogan et même Trump (version souverainiste).

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Si les deux premiers conservatismes ne sont guère différents des deux premiers progressismes, le dernier est radicalement en miroir : l’un veut faire de l’humain un Dieu qui se crée par lui-même ; l’autre nie la liberté humaine pour se réfugier en Dieu et lui faire complète soumission. Les deux usent de la même méthode : la transparence. Il s’agit, pour la variante radicale des progressistes et des conservateurs, de l’utopie d’une nature et d’une humanité en parfaite concordance, d’un être humain en accord avec sa propre nature et avec la nature (ou la foi). La science positiviste du fait social pour les progressistes radicaux réactive – sans le voir – la théologie dogmatique des conservateurs radicaux. Les « progrès » du genre humain ne sont pas plus démontrables que les articles de la foi révélée (judaïque, chrétienne, islamique). Mussolini est à la fois le modèle autoritaire, souverainiste et populaire du courant Mélenchon (Mussolini activiste de l’aile maximaliste du parti socialiste italien) et du courant Le Pen (Mussolini des Faisceaux de combat et du parti national fasciste).

D’où la tentation du nihilisme de tous les radicaux. L’Histoire n’est Providence que si on le croit, donc le doute est ravageur… tout ne vaudrait-il au fond pas tout ? pourquoi ce choix plutôt qu’un autre ? La recherche du Génie « d’avant-garde » à gauche (Lénine, Staline, Mao…) et la quête du Sauveur à droite (Napoléon 1er et III, Pétain, de Gaulle…) sont l’aveu que ni l’Histoire, ni la Providence, ne sont évidentes à connaître. La soumission féodale à ceux qui affirment avoir des convictions ou l’attrait affectif de leur charisme suffisent à l’adhésion. Car spirituel et temporel sont ainsi mêlés, réconciliant avec soi-même. Comme si le monde n’était pas lui aussi mêlé et qu’il faille désirer le Bien en soi sur cette terre. Payer de sa vie est l’ultime « preuve » que l’on est dans la bonne voie car, de toute façon, la mort signe l’arrêt complet de toute voie pour la figer en éternité.

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Le tropisme radical de l’être humain, particulièrement fort à l’adolescence où l’envie d’action se conjugue aux idées courtes, n’a pas vraiment besoin de foi pour s’exacerber. Voter Le Pen ou Mélenchon, c’est tout un : peu importent les idées, ce qui compte est de foutre un coup de pied dans la fourmilière des nantis contents d’eux. D’où les Régionales, le Brexit, Trump, Juppé et Copé, Renzi… Mais quand la foi propose un cadre à la radicalité, le danger est immense de voir s’installer la Terreur : celle des jacobins en 1793, celle des bolcheviques en 1917, celle des gardes rouges en 1966, celle des gauchismes après 1968 avec les Brigades rouges, la Rote armee fraktion, Action directe, celle des salafistes aujourd’hui. La foi, qu’elle vienne de Dieu ou des hommes, fournit un justificatif aux pulsions violentes, sadiques et dominatrices, un cadre global au mal d’identité, un remède spirituel au mal être. Sans la foi, la radicalité n’est qu’un âge de la vie – avec la foi, elle est souvent la vie même… qui s’arrête par le sacrifice.

Comme si les radicaux ne pouvaient décidément pas accepter « ce » monde que les autres accompagnent ou font avec.

Les autres hésitent entre accepter le présent pour s’y adapter au mieux, ou « revenir » à l’avant : avant le tournant de la rigueur 1983 pour Benoit Hamon, avant la chienlit des mœurs de mai 68 pour François Fillon, avant la monarchie républicaine de la Ve République pour Jean-Luc Mélenchon, avant la constitution de 1946 et pour la Révolution nationale pour Marine Le Pen, avant 1789 pour les franges intégristes chrétiennes ou musulmanes (une foi, une loi, un roi).

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Courage Fil(l)on(s)

Le tropisme trop français à se mettre de l’argent public dans les poches en toute discrétion pour faire comme les autres (à droite depuis Giscard comme à gauche depuis Mitterrand) est rattrapé par la morale basique qui vient de l’Internet anglo-saxon. Ce que le catholicisme absout, les aménagements à la loi s’il y a repentir à la fin, le protestantisme le récuse : chacun se doit d’être vertueux et transparent – ou disparaître de la vue.

Les cinq « affaires » qui sont attachées à la queue du chien Fillon par des éléments mal intentionnés envers lui, envers son parti et envers le processus électoral ne sont peut-être pas condamnables par la justice. Mais la com’ remplace le droit, le jugement moral la raison des faits, l’affichage de la vertu la vertu elle-même.

D’où vient le coup nécessite d’analyser à qui profite le crime. Plusieurs hypothèses :

La gauche au gouvernement, bien-sûr, qui est annoncée perdante et veut faire chuter l’opposant. C’est assez crédible, ledit gouvernement ayant tous les moyens de savoir (Parlement, Bercy) et tout le temps de peaufiner la stratégie qui consiste à choisir précisément cette date pour embarrasser une droite triomphante. N’est-ce pas ce que le sarkozysme avait préparé à Strauss-Kahn (l’affaire de Lille) avant que la pulsion imprévue à New York ne fasse éclater de lui-même à gauche le « candidat idéal » adoubé par Libération ?

L’extrême-droite ensuite, qui joue sur le velours du « tous pourris » seriné depuis des années – ce qui fait tactiquement passer au second plan les « affaires » qui touchent la famille Le Pen en ce moment

Les sarkozystes haineux évincés de leur candidat comme des investitures aux législatives : Henri Guaino, Rachida Dati – et pourquoi pas Jean-François Copé, humilié jadis à la tête du parti, humilié récemment à la primaire de droite ? Mais ce serait éliminer leur parti du second tour, jeu dangereux, sauf des partisans LR d’une alliance avec le Front national.

Les macronistes qui voudraient casser la dynamique Fillon et récupérer les voix du centre (d’où l’appel tout récent à Bayrou) ? Ce pourrait être le dernier pied de nez de François Hollande à cette politique qui l’a fort malmené, et une façon d’adouber son dauphin sans le dire, ambiguïté qu’il affectionne. Mais Emmanuel Macron n’a pour l’instant aucun vrai programme…

L’extrême-gauche qui veut casser le système et en appelle rituellement au grand chambardement et à la VIe République ? Mais il vaudrait mieux impliquer Hamon puis Macron que Fillon.

Les hackers « russes » ou les pirates anarchistes du net ? Mais pour quoi faire ? Le chaos en Occident comme l’élection de Trump ? Pour qui favoriser ? L’émergence d’un parti des extrêmes, nouveau Mussolini ou éructant Chavez ? Le retour de l’URSS sur la scène internationale ?

Comment parer le carambolage du processus électoral ?

Le handicap des gens de droite est qu’ils aiment les bottes et qu’ils ont tendance à se tenir droit dedans. D’où leur rigidité à réagir aux sales coups politiques. François Fillon est doué d’une grande force de caractère et ne lâche jamais, dit-on. Ce pourquoi « on » implique sa famille, façon de le déstabiliser là où il est le plus vulnérable.

Mais sa première défense est archaïque, primaire et sans effet sur le sentiment. La page Fillon pourrait être tournée par l’opinion avant de l’être par la justice. Jouer l’outré n’avance à rien : est-ce vrai ou pas ? Si c’est vrai, pourquoi ne pas assumer ? Les pratiques étaient ainsi jadis (« on » remonte jusqu’en 1988 !), se défendre est dire oui et prouver qu’un travail a été effectivement accompli, puis déclarer lancer un débat public pour réformer le système. Rien de plus, rien de moins.

Surjouer le déni offensé pour accuser la misogynie et évoquer un Complot n’est pas décent. Tenter de gagner du temps va au revers de l’opinion qui exige le tout, tout de suite, d’Internet et des réseaux. La génération Fillon n’est pas à l’aise avec le nouveau monde du net. Emmanuel Macron se défend mieux de ce genre d’accusations.

François Fillon a pour lui son charisme. Mais il est fondé non seulement sur le caractère, mais sur ce qu’il montre : cohérence, équilibre des idées, clarté du message. Montrer qu’il fait autrement qu’il ne dit, qu’il manie le mensonge ou l’omission tout en s’affichant empli de rigueur morale, est saper son charisme. Et faire douter ses partisans.

Qui d’autre en cas d’empêchement ?

Les Français plébiscitent Alain Juppé ; il serait le moindre mal – assez légitime pour y aller, rassembleur au-delà des Républicains. Pour le moment, il ne veut pas, ayant assez d’être « joué » contre les uns et les autres sans qu’il soit reconnu pour lui-même.

Certains, surtout dans le parti, en restent bloqués à Nicolas Sarkozy. Ce serait la pire chose pour la droite que de revenir sur le passé en flouant les électeurs qui sont venus massivement exprimer son rejet à la primaire.

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Plus le temps passe et moins la situation est claire, plus les médias se focalisent sur l’écume des affaires au lieu de parler du fond : le chômage, la croissance, l’Europe, l’hostilité trumpienne, la menace poutinienne, la concurrence chinoise.

Assumer ou changer, c’est maintenant ! « Courage, Fillon ! » – ou « courage, filons… » ?

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Utopie socialiste

Victoire sans appel pour Benoit Hamon à la primaire du PS. Exit le jacobin autoritaire Manuel Valls, welcome à l’internationaliste trotskiste des potes SOS et du syndicalisme étudiant. « La gauche », officiellement, désire comme avenir un retour à 1981 et au changer la vie. Dans ce monde qui évolue sans elle – et malgré elle – elle veut réenchanter l’utopie. Elle est « réactionnaire » par son vœux massif d’appliquer les idées (sinon le programme) de la gauche « d’avant ».

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Amon-Rê à la peau bleue était le dieu soleil dans toute sa gloire, à Karnak en Egypte pré-musulmane, Amon le caché se révèle en fertilisant le monde de sa semence. Ne lésinons pas, Benoit Hamon, déjà Commandeur de l’Ordre de l’Aigle aztèque, se veut prophète, rassembleur des écolos jusqu’à Mélenchon et à ce qui reste de communistes. Né en 1967 et tombé dans la marmite mai 68 tout petit, enfant au Sénégal, il revivifie le mythe des îles du soleil.

L’analogie est frappante, en effet, entre Valls et lui : « Tout contrôler, tout évaluer, tout régenter [image de Valls]. Le mythe grec nous dit qu’alors son inverse [image de Hamon] devient utopie : tout laisser être, prendre les choses comme elles viennent, et les gens tels qu’ils sont ici et maintenant [donc le revenu universel puisque le travail s’ubérise, dans la suite du RMI créé par Michel Rocard et la fin du travail de Laurent Fabius lorsqu’il était général secrétaire du PS]. C’était cela dans l’antiquité ; l’exemple du « bon sauvage » au 16ème siècle ; le mythe hippie en 1968. C’est de cela que renaît le fantasme écologique aujourd’hui même… » Et celui de la gauche Hamon.

Vieux thème marxiste que celui de l’accord entre l’homme et sa nature, entre l’homme et la nature. Hamon y saute à pieds joints. « Le plaisir affectif y tient une grande place, au chaud dans la communauté [avec le 49-3 citoyen], où toute femme est la vôtre et tout enfant un fils ou un compagnon [tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, les immigrés bienvenus et avec droit de vote aux élections locales, et la masse de Syriens, Afghans, Libyens, Somaliens, Pakistanais, Ethiopiens et autres accueillis à bras ouverts par une France terre d’asile « riche » – et protégés par une police antidiscriminations]. Plus d’idéal républicain ni de laïcité affirmée, mais le relativisme du multiculturel métissé : tout vaut tout. Plus de socle électoral dans la classe ouvrière mais dans les marginalités étudiantes, banlieusardes et immigrées. De quoi engendrer une « réaction » là aussi – mais à la Trump avec toute la famille Le Pen en embuscade…

« Chaque homme va pêcher, tâter des différents métiers et administrer à son tour les affaires publiques [et des fonctionnaires vont de nouveau régenter les banques à nationaliser, aux ordres de l’Etat central, comme Haberer au Crédit Lyonnais jadis…]. Nul esclavage aux îles du soleil, nulle aliénation » [avec SMIC augmenté de 10% comme en 1981 et réduction du temps de travail comme sous Aubry – financé par la TVA diesel et la taxe sur les robots ?… et en laissant filer le déficit]. Est requis « l’accord de l’homme avec la nature et avec sa propre nature [après constitutionnalisation des biens communs] : tout est « bon », tout est « moral », tout est « béni » [y compris la consommation sans contrainte du cannabis et la procréation assistée pour tous].

Comment ne pas comprendre que les jeunes aient voté pour Hamon, ado attardé, volontariste du yaka, homme sans expérience – licencié d’histoire et politicien professionnel depuis un quart de siècle ? Comment ne pas comprendre que les gros bataillons du PS et des sympathisants aient régressé à sucer leur pouce comme « avant », comme avec Mitterrand et la gauche au pouvoir, comme en ce printemps 1981 qui n’allait déchanter (après trois dévaluations du franc) qu’en 1983 ?

Comment cette gauche-là pourraient-elle rassembler les insoumis et les réalistes autour de sa fronde utopiste ?

Nous soupçonnons cependant (mais peut-être à tort) que les discours de primaire sont des discours primaires – et que le candidat intronisé mettra de l’eau dans son vin, s’il en boit. Trump est en train d’en faire l’expérience, le réel impose ses cadres même s’il laisse une marge de manœuvre. La « politique » est cet art de chevaucher le possible qu’il faut être habile pour utiliser. Hamon a déjà reculé sur le revenu universel pour tous à 750 € par mois dès 18 ans ; il se contente de dire que ce sera… dans le futur.

On rase gratis a toujours été le mantra de la gauche utopiste – mais c’est toujours pour demain. Aujourd’hui, il s’agirait de retrousser ses manches pour faire le ménage chez ses propres pourris, réformer comme les autres et assurer de l’emploi : c’est bien trop fatiguant alors qu’il suffit de faire rêver !

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George L. Mosse, Les origines intellectuelles du Troisième Reich

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J’ai déjà parlé de cet ouvrage de l’historien juif américain, né en Allemagne, qui a pu fuir le nazisme à 15 ans à quelques heures de l’obligation de visa. Je voudrais y revenir aujourd’hui non pour analyser ce qui y est dit, mais pour sélectionner ce qui fut hier et se reproduit aujourd’hui. Car, si l’histoire ne se répète jamais, les êtres humains et les sociétés ont des réactions identiques aux événements qui les mettent en cause.

S’indigner contre le nazisme est stérile, comprendre les ressorts du nazisme est utile.

Ceux qui braillent dans la rue « contre le fascisme » (ou contre Trump) sont aussi vains que ceux qui pissent dans un violon en croyant jouer la musique. Le fascisme est un état réactif de toute société menacée. Il vaut mieux comprendre ce qui menace et les moyens d’y faire face – que de gueuler pour rien dans le désert. Et c’est bien la faute de la gauche minable des Indignés, Frondeurs, Atterrés, pseudo-ministres et autres impuissants, qui n’a plus aucune idée ni projet, si l’extrémisme monte en notre pays plus qu’ailleurs en Europe et dans le reste du monde.

« Chaque pays développe son propre fascisme, approprié à son propre nationalisme », écrit George Mosse p.33. Le nazisme allemand comme le fascisme italien sont nés des unités nationales, fragiles, qu’il fallait conforter par une langue et une culture commune. Le fascisme français n’a pour l’instant jamais pris, nous n’en avons eu qu’un ersatz sous Pétain, vieillard conservateur et surtout cacochyme, qui a laissé faire sous la botte les petits agitateurs intellos séduits par la communauté masculine nazie.

Ce que montre George Mosse, étayé par une vaste documentation, est que le nazisme n’est pas une aberration : il a été appelé par des électeurs normaux, adulés par des gens normaux et suivis par la majorité de la population – comme Trump. Pourquoi ? Non par une quelconque essence satanique, comme voudrait le faire croire la morale de la bonne conscience après Auschwitz ; non par un quelconque développement des forces productives ayant secrété leur antidote par réaction, comme a longtemps voulu le faire croire la propagande marxiste stalinienne au mépris des documents historiques. Mais selon Mosse par une véritable « religion civique ». La propagande n’a aucun effet si elle ne répond pas aux attentes de la société – tout comme la publicité ne vous fera jamais acheter si vous ne désiriez pas déjà le faire.

Robert Paxton, historien américain spécialiste de la France de Vichy récemment : « je crois que le fascisme c’est avant tout le pouvoir, la prise du pouvoir, l’exercice du pouvoir. Je pense que le fascisme est aussi animé par de forts préjugés et des sentiments profonds, des sentiments d’aliénation, un désir de revanche nationale, la colère contre ceux dont vous pensez qu’ils ont poignardé le pays dans le dos«  (sur Slate.fr).

Toute société nécessite une cohésion : le besoin d’une communauté organique, une continuité historique, une normalité bien établie.

Cette normalité évolue avec le temps, mais lentement. L’imprégnation des mœurs et de l’idéologie subsiste au-delà des générations. Ce pourquoi George Mosse ne condamne en rien les « traditions », au prétexte que les nazis les auraient utilisées à leur profit. La morale n’a jamais rien à faire avec la vérité, mais bien plutôt avec le confort de ceux qui la brandissent.

La cohésion sociale se manifeste dans les rituels collectifs, que préparent la famille, qu’encouragent l’école, que la communauté locale puis nationale font exister. Le sentiment de participer à la vie politique sous le nazisme était plus fort que sous la démocratie de Weimar, constate l’historien. La faute en est non pas au nazisme – qui a su séduire – mais à Weimar, dont l’indigence de gauche fut patente. Si nous pouvions en tirer une quelconque leçon sous le président Normal…

La dimension religieuse du politique est ignorée des positivistes et des marxistes, qui croient la « science » politique presqu’aussi exacte que la science économique ou physique. Or l’adhésion à la collectivité passe par l’esthétique, par l’émotion, par les rassemblements qui permettent d’agir ensemble. Encore une fois, l’élection de Trump nous le montre après le Brexit, la débâcle socialiste aux Européennes et ainsi de suite…

C’est ici que l’Allemagne et la France divergent.

La première croit à la culture, nous croyons à la civilisation. La culture est un enracinement dans le sang et le sol des valeurs ; la civilisation une adhésion volontaire et de raison à la vie en commun. Bien sûr, ces deux concepts ressortent de l’idéal-type, des caricatures de ce qui se passe en réalité. Aucun Français n’adhère seulement par raison, mais aussi par habitude, par ses ancêtres ou par volonté de s’approprier la culture francophone, de se joindre à cette lignée historique qui va « du sacre de Reims à la révolution française », selon les mots de Marc Bloch. Aucun Allemand ne croyait complètement au pur Aryen blond et athlétique, issu des forêts de Germanie depuis les temps les plus reculés ; l’Allemagne est resté un carrefour de peuples, venus de l’est et du sud, poussés par les encore plus à l’est, et accaparant les exilés de l’ouest ou du nord (les Huguenots, les commerçant hanséatiques, les Russes germanophiles…).

Il y avait en Allemagne, bien avant le nazisme, un courant Völkish issu du romantisme qui désignait non seulement le peuple, mais son « âme ». Celle-ci était réputé issue de la terre même, des atmosphères et paysages. D’où la célébration du sang et du sol, composantes indispensables au peuple sain ; d’où la méfiance envers les villes, qui déracinent, et envers l’industrie, qui désocialise. Ce courant, un brin ésotérique, a été chanté par les Wandervögel, ces jeunes gens itinérants, randonneurs du pré-scoutisme, qui vivaient quasi nus dans la nature et célébraient le soleil et l’eau. Il a été repris par les organisations nazies, qui ont vanté le stéréotype mâle au corps classique de la beauté grecque, sculpté par l’effort individuel et la volonté collective. L’attirance sexuelle de la camaraderie masculine devait être refoulée par sublimation pour créer le type du chevalier qui se contraint, héros et chef.

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C’est bien cette religion Völkish, en conjonction avec le nationalisme, puis avec les rancœurs de la défaite de 1918 et de la crise économique majeure des années 30, qui a fait émerger le nazisme. L’auteur précise, en historien : « Le nazisme n’était pas une aberration : pas plus qu’il n’était dénué de fondement historique. Il fut plutôt le produit de l’interaction de forces économiques, sociales et politiques, d’une part, et de perceptions, d’espérances et d’aspirations humaines à une vie meilleure, d’autre part » p.32.

Avons-nous aujourd’hui une telle conjonction ?

La religion écologique célébrant Gaïa la Terre-Mère que ses fils industrieux ne cessent de blesser malgré la grand-messe rituelle des COP numérotés, la défaite face au terrorisme islamique qui engendre une rancœur contre les « basanés » sans reconnaissance pour la France qui les accueille, la crise économique de la mondialisation mais surtout de l’essor technologique très rapide – cela peut-il faire conjonction comme dans les années 30 ?

La culture était alors réputée authentique, assurant l’accord de l’être humain avec les autres et avec la nature ; la civilisation était vue comme superficielle, adonnée à la simple satisfaction béate des besoins matériels, sans solidarité ni spiritualité. Ne voyez-vous rien de cet hier qui ne surgit aujourd’hui ?

Qu’en est-il de la haine envers « le capitalisme » des multinationales, contre l’avidité matérielle de « la finance » ou l’impérialisme économique, culturel et militaire des Yankees ? Le Juif a été remplacé par le Capitaliste (encore qu’on confonde volontiers les deux dans l’islamo-gauchisme à la mode). Mais le « retour à la terre », l’accord avec la nature, les aliments « bio », la vie saine détressée à la campagne, l’aspiration à la chaumière de la retraite paisible… tout cela a fait le lit des états d’âme Völkish, du nationalisme protectionniste – et du nazisme.

Si les écolos d’aujourd’hui sont aussi inaudibles (7000 militants et 17 000 sympathisant si l’on en croit leurs primaires… 0.03% du corps électoral de 47 millions !), c’est qu’ils mêlent l’eau et le feu en célébrant la nature ici et maintenant tout en prônant l’universalisme éternel et l’internationalisme hors sol.

Si les socialistes d’aujourd’hui sont devenus quasi inaudibles, c’est qu’ils restent attachés à cette chimère du « matérialisme scientifique » qui court après l’évolution du climat et l’accord écologique homme-nature sans les relier au présent des gens et des revendications de classe.

La petite-bourgeoisie allemande – qui a permis le nazisme – voyait en Hitler une « révolution de l’âme » qui ne menaçait en réalité aucun des intérêts économiques de sa classe moyenne. Le nazisme édifiait l’idéal, et désignait l’Ennemi de principe – le Juif apatride, cosmopolite et capitaliste. L’écologie d’aujourd’hui et son fade avatar déconsidéré, « le socialisme », proposent une même révolution de l’âme et son ennemi de principe – le Capitalisme industriel et financier. Mais cela ne séduit manifestement pas « la France périphérique »,  pas intello comme les bobos urbains, prête à voter – en réaliste – pour la famille Le Pen. Même s’il est à craindre que, comme sous le nazisme, la déception soit d’autant plus grande et rapide que les attentes auront été plus fortes.

Nous n’avons pas l’humiliante défaite de 1918 mais le terrorisme, issu d’une frange étroite de l’islam. La rancœur deviendra-t-elle de même ampleur pour qu’elle produise les mêmes effets ? Il suffirait selon certains d’un attentat ou deux de plus pour que… Un tiers des policiers et gendarmes seraient prêts à voter extrême-droite, si l’on en croit les médias.

Le nationalisme est-il assez puissant dans les profondeurs françaises pour emporter l’adhésion à un parti Völkish qui mêle sang et sol dans une célébration de destin ? Pour ma part, j’en doute, mais il en est qui y croient.

Reste qu’il vaut mieux comprendre par soi-même que suivre les hordes moutonnières. Afin d’avoir le choix de participer ou de se retirer, pour résister.

George L. Mosse, Les origines intellectuelles du Troisième Reich – La crise de l’idéologie allemande, 1964, Points Seuil 2006, préface de Stéphane Audouin-Rouzeau, 512 pages, €11.80

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La génération au pouvoir est-elle adaptée au présent ?

Séisme anti-socialiste en 2002, le 21 avril ; non à Maastricht en 2005 ; espoir Sarkozy contre le Fout-Rien Chirac en 2007 ; séisme anti-gauche aux Européennes de 2015 ; référendum Tsipras en Grèce en 2015 ; Brexit en 2016 ; Trump élu contre l’attente des médias et des élites récemment… Les élites au pouvoir, violemment contestées sans l’avoir vu venir (ou sans avoir voulu le voir) sont-elles encore adaptées ?

Prenons François Hollande, né en 1954 

Si Staline était quand même déjà mort (mars 1953), c’était tout juste ; mais aucun satellite artificiel n’avait été lancé autour de la terre, nul n’était allé sur la lune, le téléphone et la télé étaient balbutiants (ah, le 22 à Asnières !), et – bien évidemment – ni Internet ni le Smartphone n’existaient. Lorsque je dis cela à des étudiants du supérieurs, nés juste avant ce siècle, ils tombent des nues. Comment, pas de télé, pas de portable, pas de mobile, pas de net ni de jeux vidéo, pas de CNN ni de Google, pas de Facebook ni d’Apple ? Eh bien non. Comment avons-nous pu vivre sans ces prothèses VI-TA-LES ! C’est simple : presque comme des écolos, en tout cas comme nos grand-mères vivaient.

François Hollande avait 14 ans en mai 1968 – il n’a donc rien vu, rien vécu des événements ; il avait 19 ans lors de la première crise du pétrole, il était en cours d’études avec les manuels de l’après-guerre – il n’a donc rien acquis du monde nouveau. Lorsqu’il sort de l’ENA, en 1980, la vieille gauche va arriver au pouvoir et appliquer des recettes du XIXe siècle à la mondialisation qui commence avec Thatcher et Reagan ; trois dévaluations du Franc plus tard (en 18 mois), c’est « le tournant de la rigueur » – autrement dit la fin de l’utopie. Hollande observe et constate, il saura changer d’avis comme de veste à l’avenir – puisque tout change sans cesse… Mais aujourd’hui il est perdu, comme en témoigne « ce qu’il ne devrait pas dire » – et qu’il dit quand même pour violer son camp du déni content de soi.

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Comment penser une seconde que cette génération (dont je suis) puisse être adaptée aux changements très rapides qui se sont produits en deux générations, depuis le milieu des années 1950 ? Tout est allé trop vite pour nos cerveaux programmés par les millénaires. C’est pourquoi j’estime qu’il faut laisser la place aux jeunes – pas seulement aux gens neufs. Donc pas aux Trump, Clinton, Juppé, Hollande & Sarkozy et autres, tous blanchis sous le harnois, éduqués dans l’après-guerre avec des méthodes d’avant-guerre. Je rêverais d’un duel Macron-Le Maire aux présidentielles 2017 – mais cela ne se produira probablement pas, même si des surprises sont possibles. Le tropisme autoritaire, hiérarchique et élitiste du Français est bien trop ancré. Il vient de loin : de Rome et de la religion, de l’Eglise et du roi, du jacobinisme et du catholicisme papal – et même plus récemment de l’islam, peu réputé pour être libéral, comme l’a montré la Manif pour tous.

Nous n’aurons pas un Trump, il faudrait pour cela qu’il y ait des milliardaires en France intéressés par la politique et en même temps patriotes (ne rêvons pas). Nous aurons peut-être une Marine, mais le handicap idéologique et politique me semble trop grand pour que l’hypothèse soit réaliste, tant les Français aiment l’expérience et la sagesse malgré tout. Qui aurons-nous ? Surprise !

Peut-être faut-il réfléchir autrement.

Constater notamment que, depuis la guerre de 14 qui fait date comme puissant traumatisme, chaque génération (en gros trente ans) bouleverse la donne :

1914-1940 : la guerre la plus absurde, l’industrialisation du massacre, la contestation radicale des badernes qui nous gouvernent engendrent les années folles et les Surréalistes – plus le communisme à l’est ; le plus-jamais-ça d’épuisement, les classes creuses et les veuves en noir engendrent le pacifisme à outrance, la frilosité en tout et la lâcheté devant la force. Lénine razzie le pouvoir, contre des sociaux-démocrates pusillanimes; Hitler l’emporte par populisme outrancier, dans le déni des élites démocratiques ; Pétain gagne, par forfait des dirigeants dépassés – les Français se soumettent (et très peu résistents avant 1943).

1940-1970 : l’euphorie de la victoire « des » démocraties, la reconstruction d’après-guerre, la décolonisation et l’essor des industries du radar, de l’atome, de l’aviation, de l’électroménager engendrent le baby-boom et le bonheur de consommer – jusqu’à saturation : la révolte de 1968 est non seulement contre la guerre du faible au fort au Vietnam, mais aussi contre « le Système » qui embrigade et contre l’Autorité qui s’impose sans discussion. A poil, échangistes, hirsutes, égalitaires, écolos à chèvres, hippies à pétards, les soixantuitards font craquer les gaines – mais dérivent vers les paradis artificiels, le spontanéisme narcissique et la baise pédophile. La brutale crise du pétrole, orchestrée par les régimes arabes contre Israël et son soutien américain en 1973, cassent brutalement le rêve fumeux : c’est « la crise » (mot qui reviendra désormais très souvent). Retour au réel.

croissance

1970-2000 : Margaret Thatcher au Royaume-Uni, Ronald Reagan aux Etats-Unis, la gauche Bérégovoy en France, adaptent désormais l’utopie sociale républicaine à la réalité du capitalisme qui se mondialise. Pour le meilleur et pour le pire : la révolution des mœurs, qui deviennent plus conviviales, la jeunesse ayant accès au sexe avec la majorité à 18 ans et l’abaissement de la pénalisation des relations à 15 ans ; l’égalité homme-femme reconnue par le code civil avec le divorce, l’autorité parentale et l’avortement ; la chute du mur de Berlin suivie de la chute de l’URSS, l’essor de la Chine qui se convertit au capitalisme, la construction européenne positive d’un côté (Espagne, Grèce, Irlande puis Pologne et autres profitent de la redistribution). Mais de l’autre rigueur publique, moins d’Etat, desserrement des carcans à l’initiative individuelle et dérégulation, naissance des nouvelles technologies dans la Silicon Valley, brutalisation des relations de travail, externalisation des métiers hors du cœur de l’entreprise, délocalisation vers des pays à bas coûts de production, optimisation fiscale. Jusqu’au krach des actions technologiques en 2000, le krach de l’audit comptable en 2002, le krach de l’immobilier en 2007 et la crise systémique qui explose en 2008… laissant penser que la suite sera (comme dans les années 30) la crise politique.

2000-2030 : nous y sommes – et nous avons la tentation de revenir en arrière puisque le présent ne semble pas rose. Après l’autoritarisme d’après-guerre, puis le libéralisme post-68, retour à l’autorité en protection. La mondialisation montre son visage négatif : la perte des emplois industriels et l’immigration sauvage. La technologie montre qu’elle peut être néfaste : robotisation qui supprime des postes, exigence de formation supérieure et continue sous peine d’être largué, surveillance généralisée et centralisée par le tout-informatique, connexion mondiale et hacking mondial (les Russes ont piraté la campagne démocrate américaine et influé sur le vote), perte des repères spirituels – d’où retour des religions, jusqu’aux plus obscurantistes, théorie du Complot et islamisme salafiste – ce qui engendre les antidotes que sont les régimes autoritaire et fascistoïdes. Poutine, Chavez et Maduro, Erdogan, Orban, Kaczynski, Dutertre, Trump, la liste s’allonge de jour en jour des tribuns médiatiques qui jouent au dictateur comme jadis Staline, Mao ou Castro – jusqu’à Sarkozy, Le Pen et Mélenchon en France qui voudraient bien les imiter. Retour des frontières, du nationalisme, de la « souveraineté » (comme si la France était plus maître de son destin contre Google, Poutine ou la Chine sans l’Europe qu’avec !) – ce sont tous ces mythes qui agitent les esprits.

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Certes, nous l’avons toujours dit, le libéralisme sans règles n’est pas viable car il se réduit à la loi du plus fort, la jungle et le lynchage ; mais l’autoritarisme sclérose et inhibe, il empêche l’initiative (on le voit tellement en Russie, à Cuba ou en Corée du nord). Patriotisme oui (pourquoi nos élites ont-elle honte de défendre les intérêts français ?) mais nationalisme non (c’est la guerre assurée à brève échéance).

Donc une nouvelle génération.

Trump, à 70 ans, n’est pas vraiment un perdreau de l’année… Incarne-t-il l’espoir d’un renouvellement ou le ras-le-bol des anciens ? je penche pour sa seconde hypothèse. Reste donc entière la question du renouvellement des générations en politique. Avec Trump, rien n’est réglé !

Il sera probablement moins radical au pouvoir que dans sa campagne – comme toujours. Des contrepouvoirs existent aux Etats-Unis (bien plus qu’en France !) et les lobbies industriels et financiers sont puissants, le populo (abstentionniste et velléitaire) apparaît comme trop bête et flemmard pour être consulté avec profit collectif sur les grandes orientations. Nous aurons un Reagan bis en économie avec les Conservateurs ; peut-être un Nixon bis (sans l’intelligence géopolitique) en relations extérieures ; en tout cas un Tycoon redoutable en affaires et qui ne s’embarrasse (comme Poutine) d’aucun scrupule…

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Ceux qui se réjouissent aujourd’hui, aux Etats-Unis comme à l’étranger, vont voir très vite combien America First peut être redoutable à leurs petits intérêts. Brailler, c’est bien ; subir, est-ce mieux ? Où est-elle donc, NOTRE nouvelle génération ?

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Vers la démocrature ?

Le raccourci entre démocratie et dictature est un mot de Pierre Hassner, disciple de ce Raymond Aron qui – bien plus que Sartre et Beauvoir ! – fut lucide sur le totalitarisme marxiste en URSS, en Chine, à Cuba et ailleurs dans les années 50, 60 et 70. Ce qui n’a pas été vu hier peut n’être pas vu aujourd’hui. La démocrature donne les apparences de la libre décision démocratique (partis, élections, parlement, droit) mais assure dans la réalité l’essentiel du pouvoir aux mêmes.

La Russie de Poutine est une démocrature, l’Algérie et la Chine à parti unique en connivence avec l’armée aussi, la Turquie d’Erdogan en devient une, le Brésil du sénat destituant en est un embryon, et c’est le rêve de Donald Trump (la trompette trompeuse du parti des Éléphants !) comme de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon de la réaliser en France. Leur idéologie, c’est le Peuple. Magnifié, idéalisé, massifié : le Peuple en soi, sans aucune distinction particulière, le peuple en masse comme hier sous Hitler et Staline, « l’immense majorité » disait-on à l’époque, la « volonté générale » disait Rousseau, ce totalitaire émotionnel. Et c’est vrai : les Allemands comme les Soviétiques des années 30 votaient régulièrement ; ils élisaient massivement les mêmes, nazis et communistes – la démocratie apparente était sauve.

democratie dictatoriale

C’est que « le Peuple » n’existe pas ; comme Dieu, il lui faut des interprètes qui disent Sa pensée et qui agissent en Son nom… En URSS et en Chine pop, c’est le Parti communiste qui est le détenteur de la vérité révélée comme de l’exégèse des œuvres des grands révolutionnaires (Marx-Engels, Lénine, Staline, Mao). Dans la Russie de Poutine, c’est ce mélange de conservatisme petit-bourgeois et de nationalisme ravivé par les guéguerres aux ex-frontières qui est populaire, entretenu par une propagande massive des médias aux mains des dirigeants (tous manipulateurs experts de l’ex-KGB). En Turquie, Erdogan prend tous les pouvoirs, surtout après la tentative de putsch ratée de généraux pusillanimes qui n’ont pas pris les moyens de leurs ambitions ; le parti d’Erdogan est soutenu par une confrérie islamique sunnite puissante – et Allah est convié à soutenir le Pouvoir.

Mais la démocrature tente aussi les pays jusqu’ici démocratiques : le Royaume-Uni vient de vivre un hold-up institutionnel avec le Brexit en faisant croire que tous les maux étaient dus à la bureaucratie européenne ; certains se repentent aujourd’hui d’avoir cédés aux mensonges et aux sirènes de la souveraineté solitaire. Les États-Unis sont en train de vivre le psychodrame présidentiel, éclatés entre un Trump qui parle haut, proclame publiquement le politiquement incorrect et renverse la table – et une femme traditionnelle trop raisonnable, bien connue et longtemps au pouvoir.

Nous ne sommes pas exempts, en France, de ce genre de tentation, surtout après le troisième attentat de Nice, contre lequel le culbuto content de lui qui reste notre Président répète tout sourire que « tout va être fait » pour éviter un quatrième (puis un cinquième, puis un sixième ?) attentat – sans surtout ne rien changer aux institutions, aux procédures, ni aux manières de faire, malgré « l’état d’urgence ». Mais à quoi sert-il donc concrètement, cet état ? Le petit barrage de tapettes assuré par les diverses forces de police à Nice n’a pas de quoi rassurer les foules : il était aussi inefficace que l’entrée du bâtiment qui abritaient les parachutistes à Beyrouth, dans un pays en guerre, en 1982. Les « spécialistes » et les « décideurs » ne comprendront-ils donc jamais ?

Faut-il attendre à chaque fois la réalité meurtrière de la vraie guerre pour prendre enfin des mesures qu’on aurait dû prendre avant ? Les juges (administratifs) en restent à la lettre du droit, sans considérer les circonstances et les 240 morts français à cause de l’islam radical ? L’islam existe depuis 1300 ans et le burkini est une nouveauté : qu’a-t-il à voir avec la religion musulmane ? La provocation n’est-elle pas manifeste ? C’est ce que disent les femmes saoudiennes… contre les idiots utiles du gauchisme bobo. Toutes ces provocs ne sont-elles pas orchestrées ? C’est la thèse que défend Fatiha Boudjahlat, militante pour l’égalité en droits des femmes et secrétaire Nationale du MRC à l’Éducation… contre la bien-pensance qui se dit anti-réactionnaire et qui réagit au quart de tour. Manuel Valls a raison de dire que cet arrêt n’épuise pas le débat « politique ». L’arrêt juridique, rendu par le Conseil d’État au sujet des arrêtés des maires sur le burkini défend « les libertés » mais reste dérisoire : Tuot, l’auteur du rapport socialiste 2013 sur l’intégration a été l’un des juges. Il persiste à minimiser l’islam en religion « comme les autres », donc soumise au même droit commun – alors que l’islam est un projet global, totalisant, comme l’était le catholicisme jusqu’en 1905. Si l’idée française de nation est  la volonté de vivre ensemble, qu’en est-il de ces comportements ? Peut-on être « français comme les autres » quand on rejette volontairement et violemment ce projet collectif ? Revenons aux origines de la IIIe République, celle qui fonde la France actuelle : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. » C’est Ernest Renan qui le dit – fort justement ! Faut-il en revenir à la conception allemande du droit du sang, qui était celle de la France d’Ancien régime ? Pourquoi, dès lors, les intellos de gauche tortillent-ils du cul comme s’ils étaient gênés face à la volonté manifeste des islamistes (pas des musulmans) de renverser ce qui fait la France ? Comment devons-nous comprendre cette « soumission » volontaire au plus fort parce qu’il brandit un couteau ?

« L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion », disait encore Renan : la liberté existe, celle d’aller vivre ailleurs, en conformité avec ses convictions. Mais l’exercice des libertés n’est possible que dans la neutralité et je souscris à la déclaration de Raphaël Enthoven (dans La morale de l’info sur Europe 1 le 24 août) : « interdire un interdit, c’est lui donner de la force ». Laisser faire cette « mode » aussi inconfortable que ridicule du burkini, n’est-ce pas la vouer à disparaître ? Ce qu’il faut quand on est sûr de soi ? – « défendre sans trembler la laïcité et la République qui défend aussi la majorité des musulmans contre la prise de pouvoir d’un islamisme rétrograde », dit aussi Michel Santo sur son blog. Le meilleur du libéralisme est sans doute là.

Sûr de soi, sans trembler… mais quel politique est sûr de soi et ne tremble pas ? Mais quel politique va-t-il expliquer à la fois le droit et son application POUR TOUT LE MONDE ? N’y a-t-il pas des islamistes intolérants ? des racistes musulmans ? Des bobos qui crient à l’écorché dès que l’on OSE aborder ces questions pour eux taboues ? Les électeurs sont lassés de se retrouver avec les mêmes incapables, qui trustent les postes sans résultats concrets. Et nous allons rejouer en 2017 le duo des bras cassés Hollande-Sarkozy, comme si de rien n’était ? Si les primaires sont aussi indigentes qu’elles le promettent, l’électeur sera tenté plus qu’ailleurs de renverser la table, de passer un violent coup de karcher sur ces nuisibles qu’il a assez vus.

islamisation a peine voilee 2016 a saint denis

Car, après les attentats à répétition excusés par la boboterie de la repentance et de padamalgam, des mosquées financées à guichet ouvert par les intégristes wahhabites, des prêches haineux laissé sans réaction, des provocations en tous genres donnant lieu à « polémiques » entre intellos bien au chaud ; après l’éclatement partisan à la suite de Nice ; après la dislocation européenne initiée par l’Outre-Manche attisant le pourquoi pas nous ; après l’explosion turque, « pays candidat à l’Union européenne » – les électeurs sont désormais sans aucune illusion.

Ils ont l’impression qu’une démocratie directe, où ils auraient enfin leur mot à dire, serait préférable à la démocratie représentative qui balance les pouvoirs, équilibre les institutions et demande des débats avant toute décision. Si « nous sommes en guerre » comme le dit le président, alors pourquoi ne pas adopter les processus de décision raccourcis de la guerre ? 1914-18 a montré combien l’autoritarisme s’est amplifié avec le conflit ; la guerre contre le terrorisme pourrait bien avoir de semblables effets, exigés d’en bas comme en Turquie ou aux États-Unis par la population, contre les résistances des bobos mondialistes et des élites confortablement installées dans le fromage public. L’électeur à qui l’on a appris à obéir plus qu’à réfléchir se demande : tous ces garde-fous des institutions (la double délibération des Assemblées, le recours au Conseil constitutionnel ou au Conseil d’État, l’élaboration rituelle du droit, l’indépendance de la justice, la surveillance de la police), sont-ils encore utiles ? Ne faut-il pas les raboter ? les suspendre ? les supprimer ?

Ces vertus du libéralisme politique sont fragiles, d’autant que le libéralisme est attaqué de toutes parts, à gauche comme à droite, au nom de l’État, de la Nation en armes une et indivisible, de la neutralité jacobine qui ne reconnaît aucun particularisme – ni corse, ni basque, ni breton, ni catholique, ni musulman. Le multiculturalisme est à la mode chez les gendegôch et les bobos parisiens, alors que la fécondation de la culture par l’Ailleurs est conditionnée avant tout par la santé de sa propre culture. Tout ne vaut pas tout, dans le grand méli-mélo métissé des gauchistes hors sol. Être fier d’être soi serait-il bien en Kabylie ou à Tahiti, mais horrifique en France même ? Montaigne doit-il être traduit en novlangue texto et simplifié au politiquement correct dans une jacklanguerie « artiste » du dernier chic ? Pourquoi introduire l’arabe en classe alors qu’on ne sait même pas apprendre le français correctement ?

moins de libertes contre le terrorisme

Mais si tout va mal et que les pires conservateurs apparaissent comme ceux qui sont au pouvoir et autour (en France la gauche bobo depuis Mitterrand ; aux États-Unis le clan Clinton), c’est aussi parce que la promesse de la démocratie libérale n’est plus tenue depuis le nouveau millénaire. Les excès de la finance, « la crise », la puissance des lobbies bancaires, le droit extraterritorial imposé par les États-Unis, la prosternation envers les pratiques chinoises de voyou, ont laissé stagner, voire régresser, le pouvoir d’achat – en Europe comme aux États-Unis.

L’immigration massive et incontrôlée, la culture sociologique de l’excuse qui justifie la vengeance islamiste par l’injustice passée, le rejet des fils d’immigrés mal intégrés à cause de leur idéologie radicale, l’intolérance croissante aux différences revendiquées (burkini, voile… mais aussi torse nu en ville, seins nus à la plage, short en vélo !), apparaissent à l’électeur en régression sociale comme d’insupportables provocations : les élites s’occupent des « victimes » autoproclamées par la repentance coloniale (France) ou le culte du fric et de la performance individuelle (USA), elles ne s’occupent pas de l’électeur moyen ou populaire.

Sauf qu’il a le droit de vote. Et qu’il va s’en servir. Même si les partis politiques ne font guère recette, Internet dit tout, permet tout, entraîne tout. Les vieux rassis, au pouvoir depuis trop longtemps, n’en ont aucune conscience ; ils n’y « croient pas ». Dommage pour eux, le phénomène Trump et la grossière erreur des sondages anglais le montrent.

Je déplore à titre personnel la haine irrationnelle du libéralisme, tant politique qu’économique, qui agite nos élites de gauche comme de droite, tout comme la distorsion vers le monopole du libéralisme aux États-Unis ou en Allemagne. Car le leg libéral est aussi politique : celui des institutions. Il assure la tempérance et la raison par la séparation des pouvoirs et le débat organisé. S’il venait à disparaître dans l’illibéralisme comme en Russie, en Turquie ou en Hongrie, tous les petits « révolutionnaires » indignés qui manifestent à longueur d’années pour revendiquer des « droits » seraient les premiers à en pâtir. Lénine les avait éradiqués sans état d’âme… Et nous aussi en pâtirions.

Il est difficile de résister à la pulsion de mort qui taraude nos sociétés malsaines, face à des contre-sociétés plus vigoureuses et sûres d’elles-mêmes. La psychologie de masse rencontre le petit moi étriqué laissé à lui-même par la famille déstructurée à la mode et par l’école démissionnaire du tout vaut tout. Mais il faut résister, affirmer ce qui vaut, faire appliquer les lois existantes, modifier celles qui le doivent pour assurer de vivre ensemble, renforcer l’Union européenne en posant clairement ses frontières et ses normes – comme le font les États-Unis, la Chine ou l’Inde, sans état d’âme. Cela sous peine de disparaître dans une prochaine nuit des longs couteaux.

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Macron peut renouveler la gauche si…

Au début du mois je formulais l’hypothèse qu’Emmanuel Macron pouvait renouveler la gauche moribonde, SI François Hollande décidait de ne pas se représenter, et S’IL désignait volontairement le jeune ex-ministre comme son dauphin, avec tout son soutien.

Évidemment, sans le soutien présidentiel ni le vote de la primaire à gauche, rien ne se fera. Macron ne possède aucun réseau de taille et n’a jamais été élu d’une circonscription. Et tout reste possible avant les primaires de droite et de gauche, y compris l’égocentrisme du président qui ne peut croire qu’un autre puisse être président… cette mégalomanie est bien arrivée à Sarkozy, elle peut toucher Hollande par imitation.

Macron a été pour Hollande celui qui pouvait dire tout haut ces « horreurs économiques » que la gauche étatiste, autoritaire et jacobine considère comme des péchés mortels : l’inamovibilité de la fonction publique, les 35 h, l’impôt massif pour une redistribution massive, la conservation bec et ongles des zacquis sociaux même si l’Allemagne, le Canada et la Scandinavie les ont adaptés, même si la globalisation exige de la compétitivité, la haine irrationnelle de l’argent, de la prospérité, de la richesse, la méfiance viscérale envers l’initiative, l’entreprise, la prise en main par les travailleurs, les communes, les associations, les collèges, de ce qui apparaît comme un privilège d’État…

Macron a été l’autre voix de Hollande un moment, celle qu’il aurait bien voulu avoir sans jamais l’oser. D’où ce « coup » possible de désigner un dauphin aux suffrages des sympathisants de gauche (bien plus vastes et plus ouverts que les esprits étroits du parti socialiste).

Mais Hollande est double ; il veut aussi copier Mitterrand, son bon maître, bien plus politique et bien plus cultivé que lui, sauf sur l’économie. Mitterrand a piégé Rocard, qui représentait cette deuxième gauche adaptée au monde que le jacobinisme socialiste rejetait. Mitterrand n’était pas vraiment socialiste, il était même à la mode de sa jeunesse Camelot du Roy, c’est-à-dire catholique monarchiste ; il n’a pas vraiment été contre Pétain à Vichy ; il a été un ministre de la IVe République qui a défendu « l’Algérie française ». Mais Mitterrand a toujours su nager et son impérieux orgueil lui a toujours donné le sens du vent. Hollande n’en est que la très pâle copie – sauf qu’il peut lui aussi, par un sursaut d’orgueil, se représenter et piéger Macron comme Mitterrand avait piégé Rocard.

Nul doute que, s’il veut « rester dans l’histoire » comme il le proclame, le président actuel ferait un beau geste en adoubant le jeune Macron contre les trop mûrs usés qui se présentent. Comme le montre un sondage Odoxa, institut créé par un ancien directeur-général adjoint de BVA,  sur 999 personnes choisies selon la méthode des quotas, interrogées entre le 15 et le 16 septembre, les Français veulent des hommes neufs en politique. Le candidat idéal à la présidentielle devrait pour 71% des interrogés être honnête et sincère, ayant des idées nouvelles.

Et devinez qui arrive en tête à la question « parmi les responsables politiques suivants, lequel est selon vous le meilleur candidat pour représenter la gauche à la présidentielle de 2017 ? » – Emmanuel Macron pour 28%, 10 points devant Mélenchon (18%) ou Manuel Valls (17%)… et seulement 8% Hollande !

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Non seulement le rejet de Hollande reste massif, mais les tribuns à La Mélenchon, Valls ou Montebourg séduisent peu : des promesses, toujours des promesses…

Bien sûr, les zélites autoproclamées des médias et du vieux parti socialiste voient toujours une impossibilité à introniser « le diable » : aucun des éditorialistes soi-disant « spécialistes » du marigot ne prend en compte l’hypothèse Macron. Car les sympathisants de gauche préfèrent la grande gueule Mélenchon, seule apte selon eux à faire poids égal à la grande gueule Le Pen. Non seulement c’est bien le signe qu’ils ont déjà perdu la présidentielle dans leurs têtes, mais ils ont en outre relégué leur champion « naturel » François Hollande à 18% – 6 points derrière le partisan de la Terreur et chaud soutien du président Chavez ! Quand on voit dans quel état Chavez a mis le Venezuela, on peut douter du « désir d’avenir » que peut représenter un Mélenchon même à gauche, même au-delà du parti socialiste… Emmanuel Macron apparaît quand même à 15%, juste derrière Valls à 16% – sachant que la marge d’erreur pour tous ces chiffres et de 2.5%.

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Donc mon hypothèse – dont je rappelle qu’il s’agit d’une supposition cohérente qui a vocation à être testée (donc peut-être infirmée) par l’expérience – reste d’actualité.

Quatre obstacles à la réalisation d’une candidature Macron (je ne parle même pas d’une élection) :

1/ Le poids de l’entourage, qui va flatter l’orgueil présidentiel, dans le style « moi ou le chaos ». Tous les imbus d’un quelconque pouvoir se sentent toujours indispensables ;

2/ La lâcheté intellectuelle dont Hollande a déjà donné maintes preuves (« mon ennemi la finance », « je vais renégocier le traité avec Merkel », « la déchéance de nationalité pour les terroristes »). Il peut très bien croire que Macron ferait gagner la gauche – mais en même temps céder au vieux parti socialiste pour ne pas assumer sa volonté – montrant une fois de plus qu’il n’est pas le président « de tous les Français » mais de l’étroite clique qui le supporte ;

3/ La grosse caisse des ringards de la gauche, minoritaires dans le parti même, mais avec le battage médiatique le plus fort, la gauche jacobine ayant toujours su faire entendre sa ligne au détriment de la gauche réformiste, libérale et décentralisatrice, de Mendès-France à Rocard ;

4/ Dire son inclination pour une candidature ne signifie pas voter in fine pour un candidat, nombreuses ont été les personnes sympathiques aux Français mais pour qui ils n’ont jamais votés, préférant les logiques d’appareil : Barre, Rocard et Balladur entre autres. Alain Juppé pourrait d’ailleurs à droite être dans ce cas.

Il y a donc beaucoup de « si » à l’hypothèse Macron. Mais la balayer d’un méprisant revers, sous le prétexte que ce n’est pas écrit dans les journaux, me paraît un peu léger. Penser par soi-même plutôt que penser comme la horde, n’est-ce pas user de sa raison, donc être un digne citoyen ?

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Sebastian Haffner, Histoire d’un Allemand

sebastien haffner histoire d un allemand

Écrit à chaud après son exil en 1938, les souvenirs de Sebastian Haffner montrent pas à pas la montée du nazisme, non seulement dans les urnes et dans la rue, mais surtout dans les esprits et dans les cœurs. Après tout leur prise de pouvoir est « légale », après tout « ce n’est pas si terrible », après tout le parlementarisme a échoué… L’auteur, aryen de bonne famille, était magistrat stagiaire à Berlin. Mais les nazis se sont assis sur le droit comme sur le reste, pour eux, seul le « bien de la race » constitue le droit, autrement dit celui du plus fort. Tout l’héritage de Kant est balancé aux orties au profit du monstre Hegel.

Le manuscrit devait être édité à Londres en 1940 lorsque la guerre éclate ; il restera dans les tiroirs jusqu’à ce que les fils de l’auteur, à sa mort, le redécouvrent. S’il est utile aujourd’hui, c’est pour l’histoire bien sûr, mais surtout peut-être pour ce qui, dans l’histoire, se répète : la lente et progressive adaptation au pire, la fausse indignation vite assourdie par l’habitude, les liens sociaux, familiaux, nationaux qui font que l’on accepte – comme tout le monde – ce qui nous révulsait hier. Alors que la montée des nationalismes populistes et des autoritarismes tribuns monte en Europe – et en particulier en France – lire Sebastian Haffner a quelque chose de salubre. Vous ne pourrez pas dire « je ne savais pas » : tout est décrit !

Certes, la dépression des porte-monnaie due à la crise de 1929 a suivi la dépression des cœurs après la défaite de 1918, mais la montée du nazisme a été celle de la violence et de l’entre-soi, celle du Collectif contre l’individu, celle de la Revanche contre le sort déterminé par les plus forts. Le nationalisme détruit la civilisation, l’unanimisme la personne, le narcissisme l’humanité. Qui serait immunisé contre la capitulation morale ? Les Russes avec Poutine ? Les Turcs avec Erdogan ? Les Américains avec Trump ? Les Français avec Mélenchon ou Le Pen ? Allons donc !…

Tout commence avec la plus grosse Connerie européenne : la guerre de 14, tant vantée par nos politiciens avides de rassembler autour de leurs petites personnes. « La guerre est un grand jeu excitant, passionnant, dans lequel les nations s’affrontent ; elle procure des distractions substantielles et des émotions plus délectables que tout ce que peut offrir la paix : voilà ce qu’éprouvèrent quotidiennement, de 1914 à 1918, dix générations d’écoliers allemands. Cette vision positive est la base même du nazisme » p.35. L’auteur avait 7 ans en 1914, 11 ans en 1918. Aujourd’hui l’euro de foot provoque ce genre d’exaltation malsaine chez les immatures, qui peut vite tourner à la xénophobie nationaliste chez les jeunes adultes. Et il suffit à Poutine, Erdogan ou à certains politiciens français de désigner un bouc émissaire, en cas d’attentats sur le sol national, pour ressouder les nationaux contre les allogènes.

Tout continue avec la lâcheté sociale : « Le courage civique – c’est-à-dire le courage de décider soi-même en toute responsabilité – est d’ailleurs une vertu rare en Allemagne, comme Bismarck le remarquait déjà dans une formule célèbre. Mais cette vertu fait totalement défaut à l’Allemand dès lors qu’il endosse un uniforme » p.65. Il suffit aujourd’hui en France de donner un uniforme à n’importe quel petit-bourgeois pour qu’il se croie investi d’une mission quasi divine : il se sent l’État tout entier. Le guichet de SS ou le flic imbu du Règlement n’ont pas changé depuis M. Hitler.

Et la Grande dépression économique due aux suites du krach boursier puis financier de 1929 à Wall Street, a bouleversé les fortunes : « Les jeunes et les petits malins se portaient bien. D’un jour à l’autre ils se retrouvaient libres, riches, indépendants. La conjoncture affamait et punissait de mort les esprits lents et ceux qui se fiaient à leur expérience, et récompensaient d’une fortune subite la rapidité et l’impulsivité (…) La concupiscence régnait dans une atmosphère de carnaval généralisée » p.90. Qui ne verra aucun rapport avec l’époque contemporaine, la crise de 2008, l’essor des start-up et l’histrionisme à la Dieudonné ou Hanouna ?

L’époque des grandes fois collectives a laissé la place au débat politique dispersé : « environ vingt classes d’âge, les jeunes et les très jeunes, avaient eu l’habitude de voir la sphère publique leur livrer gratuitement la matière première de leurs émois véritables – amour, haine, allégresse et deuil (…) Maintenant que cette livraison cessait, ils se retrouvaient désemparés, appauvris, déçus et ennuyés. Ils n’avaient jamais appris à vivre sur leurs réserves, à organiser leur petite vie privée pour qu’elle soit grande, belle et féconde ; ils ne savaient pas en profiter, ignoraient ce qui en fait l’intérêt. C’est pourquoi ils ne ressentirent pas la fin des tensions publiques et le retour de la liberté privée comme un cadeau, mais comme une frustration. Ils commencèrent à s’ennuyer, ils eurent des idées stupides, ils se mirent à ronchonner – et pour finir à appeler avidement de leurs vœux la première perturbation, le premier revers ou le premier incident qui leur permettrait de liquider la paix pour démarrer une nouvelle aventure collective » p.108. De nos jours, après la Résistance, le communisme, l’anticolonialisme et le gauchisme hippie-écolo de 1968, la perte de sens affecte toute une génération. Se réfugier dans le fusionnel par peur de sa liberté est le recours le plus fréquent, que ce soit dans « la musique » (les raves), le militantisme botté (les Black blocs, la CGT, les Bonnets rouges), la religion intégriste (salafistes), voire la destruction pure et simple (hooligans et casseurs). Retrouver « la souveraineté » est pour les politiciens la version édulcorée de cette même peur de liberté : l’identité traditionnelle rassure quand on ne sait pas la faire vivre.

En politique, 1930 voit un tournant : ce qu’on appelle aujourd’hui la démocrature. « A ma connaissance, le régime de Brüning [devenu chancelier] a été la première esquisse et pour ainsi dire la maquette d’une forme de gouvernement qui a été imitée depuis dans de nombreux pays d’Europe : une semi-dictature au nom de la démocratie et pour empêcher une dictature véritable » p.133. Le recours aujourd’hui à l’autoritarisme jacobin à gauche, ou aux ordonnances à droite, n’est-elle pas cette sorte de procédé au nom du Salut national ? « C’est un système qui décourage ses propres adeptes, sape ses propres positions, accoutume à la privation de liberté, se montre incapable d’opposer à la propagande ennemie une défense fondée sur des idées, abandonne l’initiative à ses adversaires et finalement renonce au moment où la situation aboutit à une épreuve de force » p.134. Il faut bien distinguer le passage en force du 49-3 et le résultat du référendum à Notre-Dame des Landes : dans le premier cas il s’agit de diktat d’État, dans l’autre de démocratie directe. Les opposants dans les deux cas feraient bien de faire la distinction !

Les citoyens, déboussolés et un brin indignés, s’adaptent progressivement : « On se mit à participer – d’abord par crainte. Puis, s’étant mis à participer, on ne voulut plus que ce fut par crainte, motivation vile et méprisable. Si bien qu’on adopta après coup l’état d’esprit convenable. C’est là le schéma mental de la victoire de la révolution national-socialiste » p.194. Ceux qui viennent, à petits pas, sur les positions extrêmes, lepénistes ou mélenchonienne, obéissent à ce schéma de fascination-répulsion qui fait des otages les meilleurs serviteurs de leurs bourreaux (on l’appelle le syndrome de Stockholm).

D’autant que les habitudes de la vie matérielle et bourgeoise inhibent toute révolte : il faut n’avoir rien à perdre pour se mettre en jeu tout entier ! « La sécurité, la durée ne se trouvent souvent que dans la routine quotidienne. A côté, c’est tout de suite la jungle. Tout Européen du XXe siècle le ressent confusément avec angoisse. C’est pourquoi il hésite à entreprendre quoi que ce soit qui pourrait le faire dérailler – une action hardie, inhabituelle, dont lui seul aurait pris l’initiative. D’où la possibilité de ces immenses catastrophes affectant la civilisation, telle que la domination nazie en Allemagne » p.207. Le père de l’auteur, juriste humaniste, a dû remplir un questionnaire humiliant sur ses appartenances, race et croyances, pour conserver sa pension de retraite ; il a hésité trois jours… puis s’y est résigné. Les Russes s’habituent à Poutine, les Turcs à Erdogan – et ils en redemandent. Demain les Français pourront s’habituer tout autant à qui viendra les commander.

Surtout si l’État met en scène la fusion collective, « cette camaraderie qui peut devenir un des plus terribles instruments de la déshumanisation – et qui le sont devenus entre les mains des nazis. (…) La camaraderie est partie intégrante de la guerre. Comme l’alcool, elle soutient et réconforte les hommes soumis à des conditions de vie inhumaines. Elle rend supportable l’insupportable. Elle aide à surmonter la mort, la souffrance, la désolation. Elle anesthésie. (…) Mais (…) recherchée et cultivée pour elle-même, pour le plaisir et l’oubli, elle devient un vice. Et qu’elle rende heureux pour un moment n’y change absolument rien. Elle corrompt l’homme, elle le déprave plus que ne le font l’alcool et l’opium. Elle le rend inapte à une vie personnelle, responsable et civilisée. Elle est proprement un instrument de décivilisation » p.418. Les manifs braillardes, les dégradeurs des permanences CFDT, les hooligans du foot, les djihadistes de Daech, tout ce qui veut le fusionnel au détriment de la personne avilit – et prépare au fascisme. « La camaraderie ne souffre pas la discussion : c’est une solution chimique dans laquelle la discussion vire aussitôt à la chicane et au conflit, et devient un péché mortel. C’est un terrain fatal à la pensée, favorable aux seuls schémas collectifs de l’espèce la plus triviale et auquel nul ne peut échapper car vouloir s’y soustraire reviendrait à se mettre au ban de la camaraderie » p.421.

Les huit causes du nazisme, pointées à chaud par Sebastian Haffner sont toujours présentes… Ne croyons pas que l’histoire ne repasse pas les plats : les êtres humains restent les mêmes, avec les mêmes schémas mentaux et les mêmes réactions viscérales. Soumission de Houellebecq avait un ancêtre : Histoire d’un Allemand de Haffner.

Pour savoir ce qui peut nous arriver prochainement, il faut lire ce livre.

Sebastian Haffner, Histoire d’un Allemand – souvenirs 1914-1933, 1939, publié en 2000 et complété en 2002, poche Babel 2004, 437 pages, €9.70

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CGT-Le Pen : même combat !

La pensée gros-bras de la CGT rencontre la pensée simpliste du Front national pour résoudre d’un coup de faucille ou de marteau tous les problèmes complexes. Le yaka est la solution habituelle du populisme. Oh, non pas pour résoudre effectivement les problèmes – ils sont bien trop complexes et imbriqués pour qu’ils aient une solution simple – mais seulement pour dire à chacun ce qu’il souhaite entendre dire.

  1. A gauche le jacobinisme fusionnel à la Rousseau, où la « volonté générale » est cooptée par quelques-uns. Ils seraient plus lucides selon la CGT, plus « avancés » selon la théorie marxiste de l’Histoire, plus menaçants dans les rapports de force selon les trotskistes de FO.
  2. A droite le fascisme organique à la Mussolini, volontiers repris par Poutine ou Erdogan, au nom de l’unité communautaire nationale.

Les ennemis communs : l’individualisme, donc l’émancipation personnelle, la liberté de dire et d’entreprendre, le choix électoral. Autrement dit le libéralisme, avec ses traductions que sont la démocratie en politique, le libre-marché concurrentiel en économie et le libre-examen en sciences. L’économie ne serait pas une question de savoir mais de volonté, la monnaie pas une mesure des échanges mais un acte juridique d’Etat – qui décide souverainement de sa valeur et de sa quantité. Donc pas de science économique mais la volonté d’Etat, pas de liberté de marché mais les monopoles d’Etat, pas de régime des changes mais une autarcie non-convertible d’Etat. Quelque chose comme la Chine avant Deng Xiaoping ou la Corée du nord du Grand leader incomparable Kim Jong-un.

Pourquoi ces ennemis sont-ils communs ? Parce qu’ils viennent de la tradition protestante anglo-saxonne, bien loin de l’autoritarisme catholique ou orthodoxe (ou en Turquie musulman), traduit il y a peu dans l’infaillibilité du Pape ou du Parti.

Quoi : lire tout seul la Bible comme le voulaient les Protestants ? Donc apprendre à lire à tous, y compris aux femmes et aux humbles ? Que chacun puisse juger par soi-même – donc « se faire avoir » par les forces du Mal (patrons, consommation, désirs) ? Ou créer son entreprise pour « faire de l’argent » et pas pour « créer des emplois » ?

  • Rien de pire pour un cégétiste (qui n’a jamais lu la loi Travail mais seulement les préjugés et contrevérités dont son syndicat emplit ses tracts). L’existence est simple : il y a d’un côté les patrons – immondes, forcément immondes comme dirait la Duras – et de l’autre les angéliques travailleurs « qui n’ont que leurs bras » (en effet, on se demande où sont leurs têtes dans l’avalanche de contrevérités et le jusqu’au-boutisme sans avenir qu’ils acceptent sans réfléchir). Dans cette guerre civile, il s’agit donc de rapports de force. Bloquer le pays avec peu est donc « le droit » d’imposer sa minorité, au nom de la volonté générale.

moustachu cgt

  • Rien de pire pour un frontiste (qui se moque du parlementarisme mais considère seulement la nation). L’existence est simple : il y a d’un côté l’élite apatride – cosmopolite et universaliste, multiculturelle – et de l’autre l’angélique « peuple réel » enraciné, attaché à ses habitudes, mœurs et traditions. Dans ce divorce croissant qui devient guerre culturelle (avant peut-être la guerre civile comme sous Mussolini et Hitler), il s’agit de rapports de force. Qui t’a fait roi ? demande-t-on à l’élu. Qui représentes-tu ? Et revoilà le mandat impératif que les Jacobins pratiquaient, avant que le droit constitutionnel ne rende l’élu représentant du peuple tout entier. Faire basculer le pays avec le grignotage quasi salafiste « à la base » des élus de terrain et des associations locales, permettra donc de renverser la hiérarchie des normes et de replacer le local avant le global (tout l’inverse de ce que veut la CGT sur la loi Travail, d’ailleurs).

national pride

Mais tous deux, CGT comme Front national, de vilipender « le capitalisme » (au nom des monopoles d’Etat), la soumission aux Yankees (au nom de la soumission au tsar Poutine), le parlement-croupion où des députés-godillots votent comme leur majorité sans penser (au nom de la révélation permanente du peuple par lui-même – évidemment manipulé par la petite caste du parti).

Ils sont pour la « démocratie » directe, ces bons patriotes… C’est-à-dire pour la prise de pouvoir par la force d’une minorité sur la majorité – tout comme fit Lénine en 1917. Au nom de leur volonté à eux, censée être la Vraie, la Pure, l’expression du Peuple réel même : travailleurs pour les uns (comme si les « patrons » ne travaillaient pas), communauté nationale pour les autres (comme si « être né » suffisait aux talents).

Penser par soi-même, voilà l’ennemi ! « Réagir » selon sa caste, sa classe, sa race – voilà le réflexe « sain » pour ces « réactionnaires ».

Car il s’agit bien de « revenir à » un Ancien régime, celui des Trente glorieuses pour la CGT, celui d’avant la Révolution pour le Front national. L’individualisme est destructeur : de la race et de la nation par mariages mixtes et cuisines exotiques, premiers pas vers le « multiculturalisme » qui relativise tout par utilitarisme marchand. L’individualisme permet de placer l’entreprise au-dessus de la branche, pour s’adapter au terrain, ce qui va contre l’égalitarisme forcené des cégétistes Jacobins – qui n’ont jamais voulu voir qu’une tête, que ce soit à l’école (contre les intellectuels traités hier de pédés, aujourd’hui de bouffons), à l’armée (penser, c’est déjà désobéir), dans la société (être différent, c’est être non-conforme, donc rejeté), dans l’entreprise (voir son intérêt est être « jaune », donc être tabassé), en politique (trahir sa classe).

Libéralisme, individualisme, démocratie, capitalisme : tout ça dans le même sac, à l’extrême gauche comme à l’extrême droite. La société est unité organique, le syndicat unité de classe : il n’y a pas à sortir de là.

La liberté ? Mais qu’est-ce là ? La liberté de savoir et d’apprendre qui creuse les inégalités entre les gens ? La liberté de créer et d’entreprendre qui marque ceux qui osent de ceux qui restent ? Le capitalisme est l’expression économique de cet individualisme fondé sur la liberté : c’est cela même qu’il faut combattre !

Pour rester entre soi, c’est l’égalité qui prime, la fraternité viendra en sus. La liberté, si l’on veut conserver ce terme bourgeois, c’est d’obéir volontairement à la loi qu’on s’est choisie (Rousseau dixit). Autrement dit : ferme ta gueule et fait comme tout le monde, sinon…

Le cégétisme comme le frontisme aboutissent donc inéluctablement à la fin du débat, à la fin de la pensée, à l’alignement « organique » sur la volonté générale – dont « le droit » serait discrétionnaire et non opposable. Seule façon d’imposer l’égalité ? – La dictature. Car qu’est-ce que l’inverse de la liberté à votre avis ? L’inverse du libéralisme ? L’inverse de la démocratie – où chacun débat sur l’agora ?

Allez, faites un effort personnel : cherchez dans le dictionnaire les antonymes de ces concepts dont chacun a la bouche pleine sans plus en sentir la saveur. Vous verrez…

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Politique spectacle

La gauche de la gauche séduit les ex-gauchistes directeurs des médias et les jeunes journalistes qui ont la nostalgie de ne pas en avoir été. Au détriment du réel et de l’information – mais qui se préoccupe du réel ? Qui se préoccupe de l’information ? Le réel n’est-il pas ce qu’on montre en spectacle plutôt que ce qui est ? L’information n’est-elle pas une construction du professionnel pour « faire voir » plutôt qu’un compte-rendu – trop plat – de ce qui se passe vraiment ?

C’est ainsi que le journaliste est considéré comme aussi menteur qu’un politicien, juste avant l’arracheur de dent. C’est pourquoi les journaux peinent à vendre leur papier, tant le genre maniéré ou polémique contraste avec ce qui se voit en direct, sur les réseaux sociaux et dans la concurrence sans morale des radios et télés. Qu’importent les victimes si l’on peut donner le scoop ! C’est ainsi que le planqué de l’usine où les frères Kouachy s’étaient retranchés a eu chaud, dénoncé qu’il fut par des médias avides – qu’on peut sans craindre qualifier de « collabos » du terrorisme. Le pétainisme d’hier prend d’autres formes ; il est toujours présent. Le miraculé a porté plainte pour mise en danger de la vie d’autrui, c’est bien le moins quand on a failli y passer !

Les intellos n’existent plus, ils ne sont que médiatiques. Ils ne pensent plus, ils discourent ; ils n’analysent plus, ils esbroufent. S’étant beaucoup trompés depuis un siècle, avant 14 avec le pacifisme (sans voir la guerre comme conséquence), avant 40 avec le fascisme (sans voir les camps et la mort comme conséquences), après 45 avec le communisme (sans voir les camps et les chars comme conséquences), après 68 avec la maolâtrie et le guévarisme révolutionnaire (sans voir les camps et le musellement des « déviants » comme conséquences). Les intellos suivent aujourd’hui les médias, ils courent après – quand ils ne font pas eux-mêmes l’événement, comme l’inénarrable BHL, « philosophe » pro-bombardements, « humanitaire » botté (sans mesurer l’anarchie, la barbarie, la religion obscurantiste comme conséquences).

Les politiciens courent après leur hypothétique réélection, aussi hypocrites que couards, pesant le pour et le contre, adorant Synthèse, nouveau saint du calendrier adapté à leur lâcheté. Ils laissent le terrain du beau discours aux populistes médiatiques, ceux qui n’ont jamais gouverné (Mélenchon) ou qui ne veulent surtout pas gouverner (le père Le Pen). Comme il est facile de se payer de mots, à la Varoufakis ou à la Montambour, boum ! boum ! quand la vile réalité est là qui invite à la rigueur, à l’austérité et à l’économie… Comme il est facile de danser et de chanter, c’est la fête, l’hédonisme soixantuitard, l’avenir (forcément) radieux (car imaginé et non réalisé) !

Troie incendie

Dire, c’est faire rêver, donc être aimé. Les raconteurs de bobards sont plus populaires que les énonciateurs de faits. Gouverner, c’est trahir – voyez Tsipras après Hollande, après Chirac, après Mitterrand… ces grands menteurs qui ont su tourner leur veste pour durer. Ils n’aiment pas les hommes ni les femmes, ces gens ; ils leur préfèrent les grands mots et les concepts. Ils ont balancé l’humanisme avec Heidegger et Sartre, tous ces héritiers d’Althusser, de Lacan, de Derrida et de Badiou. Plus à gauche qu’eux, tu meurs !

Et plus on est à gauche, moins on aime les vrais gens. On adore plutôt l’Idée, le Bien idéal, l’Absolu – donc l’irréel, l’autre monde, l’avenir toujours futur. On se moque des faits, on se préoccupe surtout d’« où » l’on parle, de « qui » on fait le jeu. Qui n’est pas avec nous est contre nous ! Tel est le mantra de ces médiatiques intellos politiciens qui affichent la « tolérance » sans la pratiquer jamais (sauf entre gens du même bord qu’eux).

Mais le réel est têtu. Et les citoyens confrontés au chômage, à l’embouteillage des urgences, à la réduction des retraites, aux menaces d’éclatement du système bancaire ou de l’euro, finissent par les voir comme ils sont, ces super-menteurs des caricaturistes. Ils songent donc à sortir les sortants, à essayer le grand réceptacle de toutes les doléances : cette extrême-droite qui « l’avait bien dit », qui n’a cessé de « dénoncer » ces faux-culs, magouilleurs, affairistes, avides de garder le pouvoir et d’enrichir les copains.

Je le déplore et ils le déploreront, mais tout le monde s’en fout. Ils auront un Le Pen et ils seront mécontents. Car les batteurs d’estrade à la Montebourg, Varoufakis, Mélenchon ou Le Pen, se trouvent fort dépourvus, lorsque la bise est venue. Comme les autres.

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