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La liberté : et celle des autres ?

Ils sont nombreux, ils sont braillards, les défilants à Paris et province qui réclament « la liberté ». Celle de NE PAS se vacciner, celle de NE PAS obéir aux normes sociales, celle de NE PAS avoir soin des autres en les contaminant volontairement en feignant de NE PAS le savoir. Une fausse liberté, comme on voit. Celle du NE PAS, de l’égoïste renfrogné en lui-même, tout hérissé de piquants antisociaux, qui se complait en son miroir et se fout de tout le monde.

La liberté s’arrête là où commence celle des autres.

Cet équilibre littéralement « révolutionnaire », car inscrit dans la Déclaration des droits de l’Homme, s’écroule désormais dans la poussée individualiste minable. Alors, brailler à « la dictature » quand on n’est même pas foutu de respecter le pacte démocratique, quelle bêtise ! Certes, « la gauche » avec ses incantions sempiternelles au « social », au « collectif » et au « tous ensemble » a une grosse part de responsabilité dans la crise morale et civique actuelle. La gauche des petits-bourgeois avides de devenir grands bourgeois, arrivistes du pouvoir sous Mitterrand et confits en leur « mission » sous Hollande. La gauche virée – et pour longtemps à mon avis – du pouvoir pour incapacité et mensonges, du « les yeux dans les yeux » de Cahuzac sur l’évasion fiscale au « tout faire contre le chômage » (en augmentant massivement les impôts de l’inepte Hollande – qui fit HEC, dit-on…).

Mais où est la droite en ces moments cruciaux ? La droite des patrons qui attend de voir, contente de « la reprise » (le CAC 40 est au plus haut !) malgré la désindustrialisation massive de la France qui se savait même plus produire de masques ni de Doliprane, la droite politique éclatée entre trois crocodiles incapables de s’entendre pour s’unir – enfin – pour gagner, la droite qui a eu ses mensonges, dont Fillon est le dernier avatar. Au lieu de reconnaître une pratique, certes douteuse mais couramment pratiquée par tous les politiciens ou presque, chercher à cacher, à dénier, à éviter. Est-ce ainsi que l’on se présente au pays pour le poste suprême de Commandeur ?

L’égalité est à gauche, qui dégénère trop souvent en égalitarisme ; la liberté est à droite, qui dégénère trop souvent en son contraire, l’autoritarisme. La tentation de commander est de tous mais celle de droite plus affirmée car pratiquée déjà en entreprise, alors que la gauche ne la pratique guère que dans le foutoir des partis.

Qu’est-ce donc que la liberté ?

Le paradoxe des braillards qui arpentent les places publiques et les avenues urbaines est qu’ils ne savent guère ce qu’est « la liberté » dont ils ont plein la gueule. Des fanatiques d’extrême-droite aux doctrinaires d’extrême-gauche, ce n’est qu’appel à la dictature : celle du « peuple » bien entendu. Autrement dit non pas le bon sens populaire partagé, la décence commune d’Orwell – mais les gourous qui font fureur, les appareils partisans qui captent les places et le pouvoir, les nazillons soviétiques gris et implacables car déresponsabilisés par leur Mission de faire le bonheur du peuple malgré lui dans un avenir qui ne cesse d’être plus radieux qu’il ne cesse de reculer. Ceux-là vont voter par ressentiment pour Le Pen club, le Méchant con aigri ou autres Ducons feignants en croassant « j’ai deux Zammour ».

Des anti-Macron qui sont colères de se voir renvoyer en miroir leur irrationnel, leur versatilité, leur médiocrité profonde, aux anarchistes Black bloc qui ne désirent que casser et détruire pour assouvir leurs pulsions et aux gilets gênes qui n’endossent cette carapace que parce qu’ils n’ont rien dessous : aucune personnalité, aucune responsabilité, aucun projet politique. Sont-ils libres ? Noir, jaune ou brun, l’uniforme fait « appartenir » – c’est une forme de servage bien loin de la liberté du bon sens citoyen.

Et puis la masse des suiveurs, pour qui brailler fait partie de la fête et du folklore franchouillard, manière de rappeler les piques et la prise de la Bastille – même si la Bastille d’aujourd’hui réside plutôt dans l’inertie conservatrice et fonctionnaire d’une administration aussi tentaculaire que paperassière et inefficace. Les Français payent le plus d’impôts de l’OCDE et n’ont que des services publics médiocres, voire moins bons que les autres, dans un millefeuille institutionnel qui répugne à décentraliser et à déléguer et qui multiplie les petits pouvoirs, donc les bureaux.

La liberté est-elle de faire tout ce que l’on peut en se foutant du monde – et des autres ? Non pas. Notre Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 stipule en son article 4 que « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. » Une limite déjà dans les écrits antiques et dans la Bible, qui veut que « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ».

Le bal des egos égoïstes

Les braillards antivaccins apparaissent donc pour ce qu’ils sont : non pas des vertueux qui « résistent » à une « dictature » du sanitaire mais de purs égoïstes pour qui leur pomme compte plus que celles de leurs concitoyens, voisins et amis. A quand une stupide « marche contre le Covid ? », aussi vaine que danser pour faire venir la pluie ?

Oui, tous nous en avons marre du coronavirus, des restrictions, des empêchements à voyager, à socialiser et à « faire la fête » ! Mais cela fait-il de nous des meurtriers en puissance ? Le soignant qui refuse de se faire vacciner risque de contaminer ses patients malgré la multiplication des gestes barrières – l’expansion des maladies nosocomiales à l’hôpital bien avant le Covid montre que les « professionnels » peuvent faire des erreurs, être fatigués, se dire que « dans « l’urgence » ça peut passer. Non, ça ne passe pas. Seul le vaccin protège le mieux – pas à 100% mais plus que celui contre la grippe. Sauf les immunodéprimés – mais ceux-là, les antivax se disent qu’ils peuvent crever.

La liberté de faire ce qu’on veut sans contraintes veut dire que l’on rejette toute règle. C’est dès lors la loi de la jungle. Sans règles, pas de société ; sans civisme, pas de cité. Si tu me contamines par volonté de ne pas te protéger, je te tue – telle est la loi de la jungle, la même que celle du talion. Dans notre société de droit, je fais un procès pour « mise en danger de la vie d’autrui » ; si c’est votre enfant qui est mort par la faute d’une inconsciente anti, vous risquez de vous faire justice vous-même, c’est illégal mais tentant. Ceux qui ont le sida et qui contaminent les autres parce qu’ils ne leur disent pas sont condamnés dans de nombreux pays. Et même en France. C’est la même chose pour le Covid comme pour ceux qui conduisent sans permis.

Dans une société, tous sont liés. Ceux qui transgressent volontairement les règles de la société se mettent hors la loi et doivent être bannis ou punis.

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Christian de Moliner, La croisade du mal-pensant

Un prof d’université au bord de la retraite et portant un nom juif se trouve en butte à une étudiante noire gauchiste qui exige agressivement une zone réservée aux non-blancs pour « faire reculer leurs privilèges ». Le mot « race » n’existe plus officiellement dans le vocabulaire et ne « signifie » rien selon les scientifiques, mais il est revendiqué par les « racialisés » qui inversent la définition. En butte à la soi-disant inertie de l’Administration (à prouver) et au politiquement correct (socialiste ou contaminé) de l’Education nationale (réelle) et du préfet (ce qui est moins sûr), il se lance dans une croisade désespérée et sans aucun succès.

C’est que le bonhomme est un perdant-né. Son couple a naufragé après avoir perdu un bébé fille à la naissance ; sa maitresse de rencontre porte le voile en musulmane syrienne et leurs relations restent platoniques depuis des années ; son métier d’enseignant sur l’histoire l’ennuie et les étudiants sont rares ; son grand livre sur les croisades n’apporte rien et reste inachevé. Comme souvent chez l’auteur, le personnage de velléitaire maladroit et fatigué prend le pas sur tout le reste. Ce qui n’encourage en rien le lecteur…

J’ai eu du mal à entrer dans l’intrigue et n’ai pu adhérer à aucun personnage. Outre l’avocat, cynique mais réaliste et pragmatique, et le doyen de l’université qui sait nager dans le politiquement correct, les autres personnages sont falots. La maitresse rapportée n’apporte rien au thème de la croisade. Elle l’aurait pu, par son exemple d’épouse qui sait se sortir de la tradition. Les démêlés avec le règlement universitaire et la justice sont bien décrits et c’est ce qui reste solide dans l’histoire mais aurait mérité d’être développé et précisé par des références aux textes de lois réels. Après tout, ce genre de mésaventures peut arriver, autant savoir de quels instruments dispose « la loi républicaine ».

Le reste n’est pas encourageant, suite de dénis lamentables où s’englue le croisé qui n’exploite ni son origine juive, ni les moyens modernes de filmer ou d’enregistrer les invectives, ni les alliés « blancs » qui se proposent spontanément, ni sa maitresse femme et musulmane (deux statuts valorisés, qu’il aurait pu en outre faire « violer » par un racialisé pour rajouter un autre statut valorisé), ni les médias pourtant avides de scandales en tous genres (surtout de genre !)… Il n’a aucun projet personnel, aucun idéal affirmé, allant jusqu’à laisser penser qu’il vaudrait mieux se faire royaliste ou fasciste si l’on veut survivre en tant que Blanc en France. Nous ne sommes même pas dans « la croisade des enfants » qui suivaient la mode (les niais de l’époque et pas les prépubères) mais dans le suicide assisté d’un adulte mal dans sa peau.

Le thème, polémique jusqu’à la caricature, pourra intéresser les excités lors des présidentielles de 2022. J’apprécie l’écriture, meilleure que dans certains romans précédents.

Christian de Moliner, La croisade du mal-pensant, 2020, Les éditions du Val, 164 pages, €9.00 e-book Kindle €4.50

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British go home !

Contrairement à ce que j’ai longtemps pensé, l’Europe n’a pas besoin des Anglais, au contraire : ce pays reste un frein. Theresa May apparaît nulle, un peu comme François Hollande il y a peu. S’obstiner est une vertu – jusqu’à ce que l’excès en fasse un vice. Représenter une fois de plus le même texte déjà rejeté par trois fois sur le compromis européen est une impasse. La Première ministre se trouve obligée de partir, contrainte et forcée début juin, au lieu de choisir son moment !

Démissionner avant aurait été un choc pour les irréductibles de son parti comme pour les électeurs, mais un choc salutaire. La politique réclame un théâtre que l’animal a sang trop froid de Madame May ne sait pas monter. Elle n’est ni Margaret Thatcher, ni Tony Blair et cela se voit.

La gauche Corbyn ou la droite Johnson n’apparaissent pas plus brillantes, comme si cette génération née après-guerre était incapable de saisir les enjeux de l’Union européenne, au contraire de ceux qui avait connu les combats fratricides et les bombardements. Politiquement, la droite conservatrice est morte pour un moment, poussée par l’extrémisme de Farage qui veut sortir aveuglément, et défiée en même temps par les Travaillistes de l’opposition qui profitent de l’impéritie du gouvernement.

La rancœur des électeurs est grande, ce qui se comprend aisément, et va probablement susciter un vote aux élections européennes pour des listes carrément anti Theresa May. Le nouveau Premier ministre du parti majoritaire actuel, après le départ de Madame, ne pourra se légitimer que par de nouvelles élections législatives – qu’il risque évidemment de perdre.

La date butoir du 31 octobre, fixée pour la sortie définitive du Royaume-Uni de l’Union européenne, après plus de deux ans d’inertie, de tergiversations et de psychodrames entre soi des politiciens amateurs, aboutira-t-elle à une renégociation du délai une fois de plus ?

C’est clairement l’Europe qui en pâtira, justifiant a posteriori le veto que le général De Gaulle, qui connaissait bien les Anglais pour les avoir côtoyés durant la guerre, avait mis à l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE. Ce pays est une île, il ne s’est jamais senti continental même si, dans l’histoire, il a été envahi par les Romains, les Danois, les Norvégiens et les Normands, ces trois derniers du peuple viking. Il se voit en porte-avions de l’Amérique aux côtes du continent Europe où la puissance industrielle est allemande et l’immensité du territoire est russe. Il est tourné vers la mer, l’empire du Commonwealth, le grand large. Seuls de vils intérêts de boutiquier ont pu l’arrimer un temps à l’Union européenne mais l’élargissement trop rapide, l’essor économique allemand et la réglementation commune croissante ont fini par emporter le repli.

Les Anglais vont malheureusement voter aux élections communes prochaines. Leur enjeu ne sera naturellement pas européen mais purement britannique et ce détournement de vote va déstabiliser la répartition des partis au Parlement, influer sur la nomination du président de la Commission. Tout cela parce que l’Union européenne a interprété de façon laxiste le droit. En bonne logique, un pays qui sort ne devrait pas voter ni avoir de parlementaires, puisque la suite ne le concerne pas. Mais, par ce nouvel abandon, ce n’est pas le cas. Ce qui déconsidère un peu plus la gouvernance actuelle de l’Europe.

Oui, il faut probablement changer de modèle ! La technocratie molle qui nous gouverne ne peut constituer une politique, ni les décisions à la petite semaine, comme on le constate, un projet.

Que les Anglais sortent une bonne fois pour toute, par un Brexit dur s’il le faut. Ces palinodies de « retenez-moi ou je fais un malheur » n’ont que trop duré et ont assez fait de mal aux autres comme cela. Emmanuel Macron a raison d’insister sur un délai ferme, mais peut-être ne prend-t-il pas les moyens politiques de forcer les Allemands qui rechignent, comme d’habitude, par répugnance à s’adapter à ce qui change dans l’équilibre des forces ? Notre président a parfois jusqu’à la caricature les travers reprochés en général aux Français : des paroles mais peu d’effets, des plans mais pas de moyens, une politique mais aucun allié pour la mener.

Au risque que l’enchaînement des conséquences n’aboutisse à cet inévitable que personne ne veut consciemment, à en croire les sondages dans tous les pays européens : l’éclatement de l’Union européenne, la fin de l’euro et la sortie définitive de l’histoire. Avec une inféodation aux États-Unis ou à la Russie en perspective.

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Denis Ralet, Le cauchemar du président

Ce roman est de politique fiction. Il raconte comment un président moyen, élu comme plus petit commun dénominateur, reste impuissant à agir face à une catastrophe de longue ampleur. Car, pour agir, il faut convaincre ; en démocratie – même représentative – le chef n’est pas celui qui conduit mais celui qui suit. L’opinion doit être mûre – or l’opinion est paresseuse, confite dans le confort des habitudes qu’il est très difficile de changer. « Les magazines people se vendent par millions et (…) ceux qui parlent de notre avenir, de celui de nos enfants, de la Terre sur laquelle nous vivons, ceux-là n’intéressent pas grand monde » p.68. D’autant que les divers intérêts (géopolitiques, économiques, idéologiques) vont dans le sens du conservatisme : pourquoi changer quand tout va plutôt bien ?

Le déclencheur de « la crise » (cet acmé de la maladie qui fait soit crever, soit se renouveler) est une explosion nucléaire en Antarctique. Pourquoi ? Nul ne sait ni ne saura. C’est gros – mais invraisemblable. L’auteur aurait pu trouver autre chose de plus réaliste, ou exposer un complot avec un but précis. Il n’en fait rien, ce pourquoi ce roman n’est que l’ébauche d’un thriller. Je trouve pour ma part cet abandon dommage : quel beau thème que celui d’une aile de papillon qui fait basculer la planète ! Au lieu de cela, l’auteur va linéaire, racontant l’enfance du président, son ascension vers le pouvoir, ce qu’il y fait ou plutôt ne peut faire, ce qui se déroule malgré tout et tous.

Donc une explosion de grande ampleur, qui creuse la banquise et fait fondre un peu plus la glace – avec ses conséquences en chaîne, mais sur le long terme : cyclones, inondations, submersion de côtes, mauvaises récoltes… Les politiciens, élus pour quelques années, ne songent pas au futur ; ils se foutent des enfants, y compris les leurs, et l’avenir se borne à leur réélection au prochain terme. Le président français Chabrolles n’est pas aussi fort que la Constitution veut bien le dire ; il est pris dans les rets des rapports de force géopolitiques, des multinationales, des règlements européens, des perspectives de son parti, de ce que l’opinion est prête à consentir. Donc il ne fait rien – comme Chirac, comme Hollande. Il minimise par le discours, il dissimule les informations sensibles. Il tente de susciter une réaction vers la moindre consommation, les circuits courts, le retrait des rives inondables… mais le temps passe et l’inertie demeure.

Les périodes de crise engendrent des comportements égoïstes, inciviques, centrés sur soi. Les banlieues s’embrasent, des immigrés rançonnent, la jungle installe sa loi. Il est donc inévitable que l’avatar du Front national remporte les présidentielles de 2027, puis les suivantes. Sans vraiment résoudre la question de la sécurité, mais en jouant sur la peur. Ces éléments sont peu convaincants, à mon sens, 2027 est trop loin pour une arrivée au pouvoir de l’extrême-droite en cas de crise majeure. Une fois au pouvoir, nul doute que l’Exécutif ne soit fort, renforçant la police, n’hésitant pas à réprimer fermement, sinon sauvagement – à la russe (le tropisme poutinien de l’extrême-droite européenne est de notoriété publique). Cela inclut une réorganisation des alliances géopolitiques et économiques, pas seulement l’exit de presque tous les pays européens fors l’Allemagne, la France et le Benelux, comme il est raconté.

Reste que, malgré ses défauts de construction et son catalogue de tout ce qui peut changer au demi-siècle prochain (y compris une crue centenale de la Seine p.134), ce roman de fiction politique se lit d’un trait, écrit d’une plume alerte et sans jargon.

Subsistent malheureusement nombre de fautes de français qui montrent combien l’éducation pèche depuis une génération. La créativité de la langue est féconde lorsqu’il n’existe pas de mots équivalents, mais elle marque l’ignorance lorsqu’elle vient en substitution. Qu’est-ce par exemple que ce « parastatal » p.61 alors que paraétatique existe ? Pourquoi écrire « le port d’Hambourg » p.100 alors que l’élision ne se fait jamais devant le H ? Que veut dire « endéans les 12 mois » p.140 alors qu’avant suffirait ? Quel est cette langue de bois du terme « subsidier » p.186 alors qu’il existe subventionné ? La mystérieuse « agréation » p.205 ne voudrait-elle pas dire agrégat ou agrégation ? Le « travail presté » p.206 et 214 est une invention de nul, alors que travail fourni suffirait. Ces bourdes gâchent un peu la fête, alors que ce roman mériterait d’être lu et médité.

Faut-il « passer » sur ces fautes et cet inachèvement pour ne considérer que l’idée même ? Non, sans doute, car c’est cet abandon au spontanéisme au détriment du travail, cette focalisation sur le seul but au détriment des moyens, qui fait s’écrouler l’expression, l’éducation, et la société même. Comment comprendre, se faire comprendre et débattre si l’on n’utilise pas les mots justes ? Or si « les gens » ne voient que le court-terme de leurs petits intérêts dans leur petit coin, comme le montre l’auteur, c’est bien parce que l’on a renoncé à leur ouvrir l’esprit, à leur assouplir la langue et à activer leur esprit critique. « On peut devenir ministre, fonction équivalente à un poste de direction dans une multinationale, sans rien connaître au secteur concerné », critique justement Denis Ralet p.203 – mais s’applique-t-il à lui-même cette remarque de bon sens ? Peut-on devenir écrivain et être lu sans connaître la juste expression écrite et la construction efficace d’une fiction qui captive ? « Nul art pour les nullards » p.221 ?

Ne soyons pas trop sévère, malgré l’agacement des défauts. Je vous conseille la lecture de ce roman de politique-fiction, il vaut le détour et les deux heures que l’on y passe. Je dirais seulement à son auteur : « peut mieux faire ». Ce serait dommage de gâcher de bonnes idées par une manière trop peu travaillée.

Denis Ralet, Le cauchemar du président – 2022 une bombe explose en Antarctique, 2017, Telarcom éditions, 240 pages, €19.50

e-book format Kindle, €9.49

Attachée de presse Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 balustradecommunication@yahoo.com

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Cette gauche d’amateurs…

François Hollande n’est pas un économiste, il n’a manifestement aucune idée des grands équilibres macroéconomiques ou géopolitiques ; avant l’ENA qui l’a formé à l’étatisme, il a été formé par HEC à la gestion d’entreprise. Pas à la stratégie mais à l’administration. Il ne connait rien aux « humanités », il ne sait guère ce qu’est « la culture » – tout est pour lui dans « l’expertise ». Il ne peut donc avoir aucune vision d’en haut, guère de recul critique, et peu de bon sens.

impot des entreprises france 2002 2016

Déclarer qu’il faut augmenter les impôts pour désendetter le pays a un sens. Sauf que, trois ans après, non seulement les impôts mais aussi la dette ont augmentés ! Ce fait réel enlève tout sens au discours initial. La raison ? Toute bête, macroéconomique, « keynésienne » : le Budget de l’État doit économiser en phase de croissance (ce que Jospin a raté) et dépenser en phase de récession (ce que Sarkozy avait commencé et que Hollande a raté). On apprend ça en première année…

2015 1995 dette publique france

Comment s’étonner alors qu’il y ait tant de chômage ? « Inverser la courbe » était un engagement présidentiel niais quand, dans le même temps, il sapait volontairement les fondements même de la croissance : l’argent pour dépenser et produire. Il n’y a guère que l’administration d’État qui s’en sort bien – la clientèle de la gauche ? Pour le reste ? Une réformette pour les entreprises avec le CICE (compliqué, retardé, lent à avoir effet, ouverte à toutes, CAC40 comme TPE car l’égalitarisme constitutionnel veille !), une inertie envers les paysans (avec multiplication des taxes et normes plus environnementales qu’ailleurs en Europe, jusqu’aux portiques détruits par exaspération et jacquerie), une hypocrite bienveillance envers les humbles avec les dernières « baisses » des impôts (préalablement augmentés). Constat : l’offre en panne, la consommation arrêtée, la production nationale non compétitive qui se saborde. Beau bilan pour Monsieur le Président !

2015 2003 chomage en france insee

« On a payé les 11 milliards d’impôts nouveaux levés à notre arrivée », a-t-il déclaré à Françoise Fressoz, journaliste au Monde dans son dernier livre, qui vient de paraître et dont vous pouvez lire le début. Si c’était à refaire, « je ne serais pas allé aussi loin, j’aurais gardé l’augmentation de la TVA décidée par Nicolas Sarkozy pour boucler le budget qu’il nous avait laissé, j’aurais fait le crédit d’impôt compétitivité emploi pour les entreprises et j’aurais évité les hausses dans les budgets suivants. »

Il est bien tard pour s’en rendre compte ! Et certains ne manquent pas d’analyser que cette confession (mea culpa très chrétien ou autocritique trotskiste – selon les sensibilités) permettent d’ouvrir un droit d’inventaire qu’il pilote personnellement, en vue des prochaines présidentielles. Faute avouée n’est-elle pas réputée à moitié pardonnée ? Sauf que les Français mis dans le marasme par le gouvernement Hollande ne sont peut-être pas prêts à pardonner – même s’ils doivent pour cela faire revenir l’honni Sarkozy qui, lui, au moins agit.

Françoise Fressoz, a cueilli les aveux de plusieurs acteurs de la gauche de gouvernement, dont le président lui-même. Le titre de son livre dit l’essentiel : Le stage est fini. Il montre tristement, sans jugement de valeur, « l’amateurisme du début, l’absence de vision, la faiblesse des équipes » de « cette bande d’adolescents attardés qui n’avaient visiblement pas fini de régler les comptes. Bonjour la gauche ! »

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« Ils voulaient le pouvoir sans accepter de s’y préparer, viscéralement hostiles à la mondialisation, crispés sur la pérennisation d’un État-providence à bout de souffle, et le pire, c’est qu’ils le reconnaissent : « Le Parti socialiste n’a pas assez travaillé sur le fond, il a trop vécu sur ses acquis locaux », assène l’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault. « Le logiciel est dépassé », analyse l’actuel premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis. « Depuis 2005 on met la poussière sous le tapis, on esquive la question centrale : l’Europe est devenue un problème au lieu d’être une solution », renchérit Pierre Moscovici. »

François Hollande, faute de Dominique Strauss-Kahn, apparaît en 2012 au PS comme le moins pire si l’on peut dire, « un petit arrangeur, un bricoleur », avec sa petite boite à outils mal ajustée aux enjeux du XXIe siècle. Contrairement à ses partenaires européens : « Dans un manifeste commun, le Britannique et l’Allemand pointaient l’épuisement de l’État-providence, appelaient à s’armer dans la mondialisation en encourageant la production, en baissant les charges et les impôts. Et pendant que la gauche française résistait de toutes ses forces, persuadée d’être dans le vrai, l’Allemand passait à l’acte. C’est de cette époque que date le grand écart franco-allemand. »

Tous ces batteurs d’estrade, les Mélenchon, Montebourg et autres frondeurs, préfèrent les discours bardés de « grands principes » au terrain et à ses cruelles réalités. François Hollande en a peur, ce pourquoi il reste dans le presque-rien cher au philosophe Jankélévitch : ce « je ne sais quoi de douteux et d’équivoque, à ce presque rien qu’est le fuyant devenir. »

La gauche archaïque, retardataire, fonctionnaire dans l’âme, a repris l’inertie décennale de Chirac : surtout ne rien faire qui puisse remettre en cause son pouvoir éphémère chèrement gagné ! De vrais petits énarques, parfaits caméléons qui ne veulent surtout pas changer le monde mais le gérer. Pas de vague, mon vieux, pas de vague ! La gauche lyrique, c’est pour gagner les élections (tout comme le « gaullisme » travailliste – cet oxymore àlachiraque) ; la gauche de gouvernement, c’est la gestion : ne prendre aucun risque – sauf le risque justement d’oublier qu’on est élu pour agir. Alors, comme à l’ENA, on fait ce pourquoi on a été formaté : du blabla, de la com’. Du hollandisme à la perfection.

Dont la dernière « conférence » à la presse a donné hier le spectacle.

Françoise Fressoz, Le stage est fini, 2015, Albin Michel, 272 pages, €18.00 / format Kindle €12.99

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Purification ethnique ?

L’incitation vient d’un commentaire sur ma note à propos des bobos de gauche et du Comité de vigilance anti-daeshiste qu’ils n’ont toujours pas fondé… Faut-il « purifier » l’Europe de tous ceux qui sont « allogènes » et non-assimilables ? Mon commentateur déclarait : « la seule solution possible est l’épuration ethnique. Je rappelle pour les amnésiques que les musulmans sont des experts en le domaine d’abord en Égypte dès 1947 où l’administration du roi Farouk faisait en sorte que les Égyptiens n’ayant pas un patronyme musulman soient dans l’impossibilité de trouver un travail ou d’acheter un bien immobilier, ce qui a amené progressivement mais assez vite à l’éradication du sol de l’Égypte des égyptiens d’origine grecque et italienne par exemple. Voir aujourd’hui ce qu’est Alexandrie par rapport à l’Alexandrie de Durrel… Est-il besoin de rappeler le célèbre « la valise ou le cercueil » à Alger en 1962 ? » Il s’agirait donc d’appliquer aux musulmans ce qu’ils pratiquent eux-mêmes : la purification de la société.

Mais nos valeurs « républicaines » de Liberté-Egalite-Fraternité et notre aspiration à l’universel représentent-elles l’équivalent d’une « religion » ? Notre neutralité laïque est-elle un instrument de combat intolérant à toutes les croyances ? Refermer ce qui a fait notre histoire, la libération progressive de toutes les contraintes pseudo « naturelles » qui déterminent chacun, est-elle la solution ? Certains le prônent : fermer les frontières, renationaliser l’économie, établir un État fort et inquisiteur. Je ne crois pas que cela améliorerait les choses. Réaffirmer tranquillement le droit – et le faire appliquer sans faiblesse malgré les zassociations et les bêlements outrés des bobos angéliquement « de gôch » – OUI. Chercher dans ce qui nous arrive une sorte de péché originel à confesser pour faire amende honorable – NON. Pas de « révolution nationale » – on a vu ce que cela avait donné : une démission collective dans la lâcheté.

Il convient de parler de tout pour réactualiser sans cesse la « liberté d’expression », mais selon la raison, afin de bien comprendre ce que recouvrent de fantasmes sous-jacents les slogans affichés. Ce démontage raisonné permet d’être mieux être à même de les évaluer s’ils envahissent le paysage politique

Je ne crois pas pour ma part à l’intérêt pratique d’un transfert de masse de populations reconnaissables à leur faciès, ni ne souscris aux fantasmes de pureté qu’il recouvre. Le mythe de la « race » pure ou de la religion des origines, le mythe d’un l’âge d’or à retrouver, l’an 01 des bases « saines » ne sont que des illusions consolatrices. Tous les millénarismes ont joué de cette corde sensible pour rameuter les foules ; tous les totalitarismes se sont imposés sur ces fantasmes régressifs pour assurer leur pouvoir. Sans résultat : nous sommes ici et aujourd’hui, pas dans le passé imaginaire, sur une planète où tout réagit sur tout (à commencer par le climat et les ressources), dans une ère de communication instantanée qui ne fait que prendre son essor. C’est au présent qu’il nous faut agir – sans se réfugier dans le jadis.

La purification ethnique, ce n’est pas nouveau, ce n’est pas la solution. Sans remonter trop loin (expulsion des Maures d’Espagne en 1492, révocation et exil des Protestants sous Louis XIV, lois discriminatoires de Vichy), prenons trois exemples emblématiques de purifications ethniques réalisées : la turque, la nazie, la salafiste. À chaque fois ce sont les mêmes fantasmes manipulés, à chaque fois les mêmes ressorts politiques, à chaque fois les mêmes conséquences antihumaines – tant pour les victimes que pour les bourreaux.

armeniens nus genocide turc 1915

En 1908 accèdent au pouvoir les Jeunes Turcs qui veulent refonder le pays en État-nation après la fin de l’empire. Les défaites des guerres balkaniques 1912-13 et la perte des territoires européens entraînent en 1912, à initiative des autorités, le boycott des chrétiens Grecs et Arméniens de Turquie. La volonté du nouvel État est : islamisation, turquification, restauration conservatrice. Il s’agit de purifier le pays afin d’homogénéiser la population et de favoriser son assimilation. L’idée de départ est de vider le territoire turc de tous les Grecs, Syriaques et Arméniens, pour y importer des musulmans migrants depuis le reste des Balkans. C’est la guerre de 14 qui rend propice l’éradication physique des Arméniens, les puissances ayant leur attention détournée. Héritage des massacres sous le sultan Abdullamid II en 1894-96, les Arméniens sont considérés comme des ennemis de l’intérieur et n’ont pas d’État protecteur (la Russie se méfie d’eux tandis qu’elle a protégé les Bulgares, et les Occidentaux les Grecs). La décision d’extermination est prise entre 20 et 25 mars 1915 et confiée de façon non-officielle à des groupes paramilitaires. Il y aura près de 2 millions de morts, les Grecs seront expulsés en masse dans les années 1920. La Turquie n’a pas encore fini, en 2015, de payer ce crime contre l’humanité. Son entrée dans l’Union européenne tarde (et n’est pas souhaitable) car elle reste un pays archaïque et sa réislamisation l’éloigne des valeurs du reste de l’Union ; son appartenance à l’OTAN pourrait être remise en cause, tant elle aide les daeshistes en leur achetant en contrebande leur pétrole et en laissant ses frontières ouvertes aux combattants internationaux et aux blessés salafistes.

Qu’est-ce que le massacre ethnique a apporté à la Turquie ? Un appauvrissement en compétences durant tout le reste du XXe siècle, une population toujours en majorité soumise à la superstition et peu éduquée, une suspicion de ses alliés occidentaux. Le nationalisme ethnique ne permet pas d’être plus fort, mais plus faible…

mesurer la race blonde le roi des aulnes film

La purification ethnique nazie est d’une ampleur inouïe, mais n’a pas mieux réussi à redresser le pays. C’est au contraire la défaite – totale et humiliante – de l’Allemagne en 1945 qui a permis l’essor économique, la stabilité politique et la réintégration de ce grand peuple à l’histoire du monde. Tout commence avec l’antijudaïsme chrétien : peuple déicide et communauté à part qui refuse de s’assimiler car persuadée d’être le peuple élu, le Juif est écarté de la propriété féodale et des corporations, il n’exerce que des métiers méprisés comme le commerce, l’usure, le prêt sur gage. L’essor industriel et le déracinement capitaliste aggravent les tensions économiques, culturelles et sociales. Les Juifs ont l’habitude de manier l’’argent et de faire du commerce, ils participent bien plus que d’autres à la prospérité économique sous Bismarck ; ils font donc des envieux. Nombre d’intellectuels rêvent du retour à la nature, de la santé à la campagne (si possible tout nu au soleil), ils critiquent la modernité aliénante de la ville et de l’usine pour rêver d’un âge d’or tout imbibé de romantisme. Des liens se nouent entre nationalisme pangermanique, doctrine raciale, antisémitisme et darwinisme social. La République de Weimar, née de la défaite de 1918, promeut tous les citoyens à égalité, donc les Juifs : c’est insupportable pour les pangermanistes qui les voient comme des traîtres. Les révolutionnaires de gauche sont souvent juifs (Karl Marx, Rosa Luxembourg). Les Juifs sont les boucs émissaires commodes de toutes les injustices commises en Allemagne et contre elle. La crise mondiale des années 30 et l’hyperinflation s’ajoutent à l’amertume de la défaite et la perte de territoires. Le peuple traumatisé entre en régression émotionnelle et cherche refuge sous la poigne d’un homme fort. Hitler fait du Juif le principe cosmique du Mal, l’acteur même du complot politique mondial, le bacille infectieux de tout ce qui affaiblit : internationalisme, démocratie, marxisme, pacifisme, capitalisme apatride, marchandisation. Dans son discours au Reichstag le 30 janvier 1939, Hitler éructe qu’il va exterminer tous les Juifs d’Europe. Dès 1938, l’Allemagne encourage l’émigration juive, puis choisit l’expulsion des Juifs allemands jusqu’en 1941. La défaite française ouvre Madagascar (proposé fin 1938 à Ribbentrop par le ministre français des Affaires étrangères Georges Bonnet), mais la résistance de l’Angleterre empêche le plan. Suivent la déportation en Pologne puis la concentration en camps d’extermination industrielle : tous les Juifs doivent disparaître de l’espace vital de la race allemande – mais aussi comme diaspora menaçante et complotiste hors de cet espace vital (conférence de Wannsee en janvier 1942). Car la guerre qui se retourne en URSS et l’entrée des USA poussent à la « solution finale ».

Qui ne finit rien du tout et ne ramène nul âge d’or – malgré les quelques 6 millions de Juifs exterminés… L’Allemagne a perdu des cerveaux inestimables tels que les physiciens Albert Einstein et Max Born, le biologiste Otto Fritz Meyerhofle, les compositeurs Arnold Schönberg, Kurt Weill et Paul Hindemith, le chef d’orchestre Otto Klemperer, les philosophes Theodor Adorno, Hannah Arendt, Ernst Bloch et Walter Benjamin, les écrivains Alfred Döblin et Lion Feuchtwanger, les architectes Erich Mendelsohn et Marcel Breuer, le sociologue Norbert Elias, les cinéastes Fritz Lang, Max Ophuls, Billy Wilder, Peter Lorre et Friedrich Hollandern, l’actrice Marlène Dietrich…

arabe muscle

Aujourd’hui Daesh, sur ce territoire laissé vide entre Irak et Syrie, instaure le Califat pour éliminer de sa population tous les éléments “impurs“. Il œuvre à éradiquer à la fois Chiites, Chrétiens, Yézidis, Zoroastriens – et les Juifs, s’il en reste ! Il rejette la conception occidentale de l’État-nation (construction d’un vouloir-vivre en commun forgé par une population hétérogène) au profit de la Communauté (oumma) des « seuls » croyants en l’islam dans sa version salafiste djihadiste, régie par la « seule » loi divine intangible (charia). Tous les individus sont niés au profit du collectif – ceux qui résistent sont éliminés. Leur retour de l’âge d’or est celui des premiers temps (salaf = compagnon du Prophète) et leur avenir est la fin des temps (qu’ils croient toute proche). Il faut donc se purifier et éliminer les impies par la violence. Ce culte de la force mâle à qui tout est permis au nom de Dieu attire les déclassés du monde entier qui peuvent assouvir leurs bas instincts sans connaître grand-chose de l’islam. Décapiter est la pratique rituelle envers les animaux : elle vise à faire sortir les victimes de l’humanité, tout en leur ôtant l’âme éternelle (qui siège dans la tête). Établir la Cité de Dieu sur la terre entière permet de faire rêver, les sites Internet et surtout les vidéos de propagande attisent la soif d’action et le ressentiment. Le nazisme avait déjà séduit une partie des dirigeants arabes dans les années 30 (Nasser, le grand mufti de Jérusalem…). Daesh partage avec l’Arabie Saoudite la même vision salafiste de l’islam, la glorification du djihad, les mêmes adversaires chiites. Mais les Saoud ont instrumentalisé la religion pour imposer leur légitimité politique sur les Lieux saints et contre le nationalisme arabe alentour. Ben Laden avait dénoncé l’hypocrisie de la monarchie qui ne respecte pas les principes salafistes (en autorisant par exemple des soldats impies – et même des femmes soldates dépoitraillées ! – sur le sol béni en 1991).

Quel avenir a ce millénarisme ? Probablement aucun, tant il coalise contre lui les États de la région, les grandes puissances mais aussi les opinions un peu partout sur la planète, outrées de voir de petites Shoah fleurir un peu partout selon le bon plaisir des sectaires. Quant à l’islam majoritaire… il se tait, fait profil bas devant la violence des Frères. Lâchement.

daesh crucifie les chretiens

Mais les États jouent chacun leur petit jeu diplomatique, sans guère se préoccuper de la menace pour l’humanité que sont ces crimes quotidiens. Barak Obama, qui ne cesse de décevoir depuis sa première élection, ignore l’Europe, ne veut pas fâcher la Russie ni mécontenter l’Iran, avec qui il négocie sur la prolifération nucléaire. Il joue l’inertie et son opinion manifestement s’en fout, puisqu’il n’y a pas d’Américains ni de Juifs crucifiés (comme les chrétiens d’Irak), décapités (comme les journalistes japonais ou les coptes d’Égypte), ni grillés vifs (comme un pilote jordanien). L’Europe est impuissante, nain politique, les seules puissances militaires (Royaume-Uni, France) gardant la culpabilité du colonialisme et des budgets exsangues. Quant à la Turquie, elle joue le même rôle ambigu avec les daeshistes que le Pakistan avec les talibans et le Qatar avec les Frères musulmans : une complicité objective.

Ce que veulent les quelques 2 à 3000 salafistes sectaires en France, c’est aller « faire le djihad » puis, auréolés d’une gloire factice auprès des « petites frères » des banlieues laissées pour compte par l’indifférence de la droite (yaka mettre des flics) et l’angélisme de la gauche (yaka mettre des moyens), tenter de déstabiliser la société mécréante par des attentats, du prosélytisme, des réactions violentes. Dès lors, la « purification ethnique » est ce qu’ils veulent : que la société des « sous-chiens » chasse les « arabes » afin qu’ils n’aient plus qu’à se soumettre aux « bons » salafistes qui vont les accueillir (à condition d’obéir). En bref quelque chose analogue au scénario juif (qu’ils envient), la terre promise après les camps…

Ce noir-et-blanc peut-il régler définitivement les problèmes de démocratie en France, d’inanité scolaire, de pauvreté, d’étatisme forcené ? J’en doute. Expulser les délinquants récidivistes et les priver de leur nationalité française imméritée (s’ils en ont une autre…), est possible. Mais ce sont les banlieusards nés et élevés en France – donc Français – qui ont sombré dans le salafisme sectaire après être passés par la case voyou. Tout comme les gauchistes idéologues d’Action directe il y a peu contre « le système ». Faudrait-il réviser – comme sous Vichy – les naturalisations sur trois générations ? Ou faire des « tests ADN » (autre nom du compas nazi à mesurer les crânes) pour décréter qui est digne d’être Français ou pas ? Nous serions aussi ridicules que la Corée du nord et sûrement pas suivis par les pays de notre Europe… C’est pourtant le parti des Le Pen qui laisse prôner ce « grand remplacement » à l’envers. L’histoire montre ce que cela a donné. Vous me pourrez pas dire que vous avez voté sans savoir !

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Drieu fin analyste politique

Retour aux années 30 ? 2013 = 1933 ? Drieu, surréaliste tenté par le communisme avant de suivre Doriot (devenu fasciste) avait diagnostiqué la situation de son époque. elle ressemble à la nôtre par les hommes (aussi médiocres), mais pas par les circonstances (l’histoire ne se répète jamais).

Dans Gilles, Drieu passe une volée de bois vert aux politiciens et autres intellos tentés par le pouvoir. « La politique, comme on le comprend depuis un siècle, c’est une ignoble prostitution des hautes disciplines. La politique, ça ne devrait être que des recettes de cuisine, des secrets de métier comme ceux que se passaient, par exemple, les peintres. Mais on y a fourré cette absurdité prétentieuse : l’idéologie. Appelons idéologie ce qui reste aux hommes de religion et de philosophie, des petits bouts de mystique encroûtés de rationalisme. Passons » p.927.

Pierre Drieu La Rochelle 1914

L’idéologie, domaine des idées, est la chasse gardée des intellos. Ceux-ci alimentent les politiciens ignares par des constructions abstraites, vendables aux masses, autrement dit une bouillie où l’on se pose surtout ‘contre’ et rarement ‘pour’. « Il y a les préjugés de tout ce monde ‘affranchi’. Il y a là une masse de plus en plus figée, de plus en plus lourde, de plus en plus écrasante. On est contre ceci, contre cela, ce qui fait qu’on est pour le néant qui s’insinue partout. Et tout cela n’est que faible vantardise » p.1131. Yaka…

Pourtant, le communisme pouvait être une idéologie intéressante. Déjà, « la foi politique fournit aux paresseux, aux déclassés et aux ratés de toutes les professions une bien commode excuse » p.1195. De plus, l’instrument du parti est appelé à créer une nouvelle noblesse d’État : « Qu’est-ce qui le séduisait dans le communisme ? Écartée la ridicule prétention et l’odieuse hypocrisie de la doctrine, il voyait par moments dans le mouvement communiste une chance qui n’était plus attendue de rétablir l’aristocratie dans le monde sur la base indiscutable de la plus extrême et définitive déception populaire » p.1195. D’où le ripage de Jacques Doriot du communisme au fascisme, du PC au PPF. Il y a moins d’écart qu’on ne croit entre Mélenchon et Le Pen.

Mais les intellos n’ont pas leur place en communisme, ils préfèrent le libéralisme libertaire des années folles (1920-29), et ce n’est pas différent depuis mai 68. Ils ne sont à l’aise que dans la déconstruction, la critique – certainement pas dans la création d’un mythe politique (voir les déboires actuels de l’écologisme), encore moins dans l’action ! « Il y avait là des intellectuels qui étaient entrés niaisement avec leur libéralisme dans le communisme et se retrouvaient, l’ayant fui, dans un anarchisme difficile à avouer tant de lustres après la mort de l’anarchie. Quelques-uns d’entre eux cherchaient un alibi dans le socialisme de la IIè Internationale où, dans une atmosphère de solennelle et impeccable impuissance, ils pouvaient abriter leurs réticences et leurs velléités, leurs effarouchements et leurs verbeuses indignations. A côté d’eux, il y avait des syndicalistes voués aux mêmes tourments et aux mêmes incertitudes, mais qui se camouflaient plus hypocritement sous un vieux vernis de réalisme corporatif » p.1233. Vous avez dit « indignation » ? Toujours la posture morale de qui n’est jamais aux affaires et ne veut surtout pas y être.

Les meetings politiques ou les congrès sont donc d’une pauvreté absolue, cachant le vide de projet et d’avenir sous l’enflure de la parole et le rappel du glorieux passé. François Hollande et Harlem Désir font-ils autre chose que causer ? Proposer des mesurettes dans l’urgence médiatique (tiens, comme Sarkozy…) ? « Mais au bout d’une heure, il lui fallait sortir, excédé de tant de verbiage pauvre ou de fausse technique. Il était épouvanté de voir que tout ce ramassis de médiocres à la fois arrogants et timorés vivaient avec leurs chefs dans l’ignorance totale que put exister une autre allure politique, une conception plus orgueilleuse, plus géniale, plus fervente, plus ample de la vie d’un peuple. C’était vraiment un monde d’héritiers, de descendants, de dégénérés et un monde de remplaçants » p.1214. »Remplaçants » : pas mal pour François Hollande, désigné au pied levé pour devenir candidat à la place de Dominique Strauss-Kahn, rattrapé – déjà – par la faillite morale.

Il faut dire que la France majoritairement rurale de l’entre-deux guerres était peu éduquée ; les électeurs étaient bovins (« des veaux », dira de Gaulle). La France actuelle, majoritairement urbaine, est nettement mieux informée, si ce n’est éduquée ; l’individualisme critique est donc plus répandu, ce qui est le sel de la démocratie. Rappelons que le sel est ce qui irrite, mais aussi ce qui conserve, ce qui en tout cas renforce le goût.

marine le pen et jeanne d arc

On parle aujourd’hui volontiers dans les meetings de 1789, de 1848, voire de 1871. Mais la grande politique va bien au-delà, de Gaulle la reprendra à son compte et Mitterrand en jouera. Marine Le Pen encense Jeanne d’Arc (comme Drieu) et Mélenchon tente de récupérer les grandes heures populaires, mais avec le regard myope du démagogue arrêté à 1793. Or « il y avait eu la raison française, ce jaillissement passionné, orgueilleux, furieux du XIIè siècle des épopées, des cathédrales, des philosophies chrétiennes, de la sculpture, des vitraux, des enluminures, des croisades. Les Français avaient été des soldats, des moines, des architectes, des peintres, des poètes, des maris et des pères. Ils avaient fait des enfants, ils avaient construit, ils avaient tué, ils s’étaient fait tuer. Ils s’étaient sacrifiés et ils avaient sacrifié. Maintenant, cela finissait. Ici, et en Europe. ‘Le peuple de Descartes’. Mais Descartes encore embrassait la foi et la raison. Maintenant, qu’était ce rationalisme qui se réclamait de lui ? Une sentimentalité étroite et radotante, toute repliée sur l’imitation rabougrie de l’ancienne courbe créatrice, petite tige fanée » p.1221. Marc Bloch, qui n’était pas fasciste puisque juif, historien et résistant, était d’accord avec Drieu pour accoler Jeanne d’Arc à 1789, le suffrage universel au sacre de Reims. Pour lui, tout ça était la France : sa mystique. Ce qui meut la grande politique et ce qui fait la différence entre la gestion d’un conseil général et la gestion d’un pays.

Melenchon pdg

En politique, « tout est mythologie. Ils ont remplacé les démons, les dieux et les saints par des idées, mais ils n’en sont pas quittes pour cela avec la force des images » p.1209. La politique doit emporter les foules, mais la mystique doit aussi se résoudre en (petite) politique, forcément décevante. Les politiciens tentent aujourd’hui de pallier la désillusion par la com’.

Drieu l’observe déjà sur le costume démocratique : « Il vérifiait sur le costume de M. de Clérences qu’il était un homme de gauche. Clérences avait prévu cela depuis quelque temps : il s’était fait faire un costume merveilleux de frime. ‘La démocratie a remplacé le bon Dieu, mais Tartufe est toujours costumé en noir’, s’était exclamé à un congrès radical un vieux journaliste. En effet, à cinquante mètre, Clérences paraissait habillé comme le bedeau d’une paroisse pauvre, gros croquenots, complet noir de coupe mesquine, chemise blanche à col mou, minuscule petite cravate noire réduisant le faste à sa plus simple expression, cheveux coupés en brosse. De plus près, on voyait que l’étoffe noire était une profonde cheviotte anglaise, la chemise du shantung le plus rare et le croquenot taillé et cousu par un cordonnier de milliardaires » p.1150. François Hollande est aussi mal fagoté que les radicaux IIIè République. Il en joue probablement ; il se montre plus médiocre, plus « camarade » qu’il ne l’est – pour mieux emporter le pouvoir. Et ça marche. C’est moins une société juste qui le préoccupe que d’occuper la place… pour faire juste ce qu’il peut. « Une apologie de l’inertie comme preuve de la stabilité française » p.1216, faisait dire Drieu à son père spirituel inventé, Carentan.

francois hollande dijon

Mais est-ce cela la politique ? Peut-être… puisque désormais les grandes décisions se prennent à Bruxelles, dans l’OTAN, au G7 (voire G2), à l’ONU. La politique n’est plus la mystique mais de tenir la barre dans les violents courants mondiaux. « (Est-ce qu’un grand administrateur et un homme d’État c’est la même chose ? se demanda Gilles. Non, mais tant pis.) Tu n’es pas un apôtre » p.1217.

Est-il possible de voir encore surgir des apôtres ? Drieu rêve à la politique fusionnelle, qui ravit l’être tout entier comme les religions le firent. Peut-être de nos jours aurait-il été intégriste catholique, ou converti à la charia, ou jacobin industrialiste, autre version nationale et socialiste inventée par le parti communiste chinois depuis 1978. Drieu a toujours cherché l’amour impossible, avec les femmes comme avec la politique, fusionnel dans le couple, totalitaire dans le gouvernement.

Mais la démocratie parlementaire a montré que la mystique pouvait surgir, comme sous Churchill, de Gaulle, Kennedy, Obama. Sauf que le parlementarisme reprend ses droits et assure la distance nécessaire entre l’individu et la masse nationale. Délibérations, pluralisme et État de droit sont les processus et les garde-fous de nos démocraties. Ils permettent l’équilibre entre la vie personnelle de chacun (libre d’aller à ses affaires) et la vie collective de l’État-nation (en charge des fonctions régaliennes de la justice, la défense et les infrastructures). Notre système requiert des administrateurs rationnels plus que des leaders charismatiques, malgré le culte du chef réintroduit par la Vè République.

Nos politiciens sont tous sortis du même moule. Du temps de Drieu c’était de Science Po, du droit et de la coterie des salons parisiens ; aujourd’hui presqu’exclusivement de l’ENA et des clubs parisiens (le Siècle, le Grand orient…). Un congrès du PS ressemble fort à un congrès radical : « Ils étaient tous pareils ; tous bourgeois de province, ventrus ou maigres, fagotés, timides sous les dehors tapageurs de la camaraderie traditionnelle, pourvus du même diplôme et du même petit bagage rationaliste, effarés devant le pouvoir, mais aiguillonnés par la maligne émulation, alors pendus aux basques des présidents et des ministres et leur arrachant avec une humble patience des bribes de prestige et de jouissance. Comme partout, pour la masse des subalternes, il n’était point tellement question d’argent que de considération » p.1212. Pas très enthousiasmant, mais le citoyen aurait vite assez de la mobilisation permanente à la Mélenchon-Le Pen : déjà, un an de campagne présidentielle a lassé. Chacun a d’autres chats à fouetter que le service du collectif dans l’excitation perpétuelle : sa femme, ses gosses, son jardin, ses loisirs. Le je-m’en-foutisme universel des pays du socialisme réel l’a bien montré.

Dans le spectacle politique, rien n’a changé depuis Drieu. Les intellos sont toujours aussi velléitaires ou fumeux, les révolutionnaires toujours aussi carton-pâte, les politiciens tout autant administrateurs fonctionnaires, et les militants dans l’illusion permanente avides du regard des puissants (à écouter le syndicaliste socialiste Gérard Filoche aux Matins de France-Culture, on est consterné). Même s’il ne faut pas le suivre dans ses choix d’époque, Drieu La Rochelle reste un bon analyste de l’animalerie politique. Il n’est jamais meilleur que lorsqu’il porte son regard aigu sur ses contemporains.

Pierre Drieu La Rochelle, Gilles, 1939, Folio 1973, 683 pages, €8.64

Pierre Drieu La Rochelle, Romans-récits-nouvelles, édition sous la direction de Jean-François Louette, Gallimard Pléiade 2012, 1834 pages, €68.87

Les numéros de pages des citations font référence à l’édition de la Pléiade.

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Faiblesse des croyants

Les croyants ont besoin de leur croyance. Nietzsche voit dans cette béquille mentale et affective une faiblesse de l’énergie vitale. « Car l’homme est ainsi fait : dès lors qu’il a besoin d’un article de foi, dut-on le lui avoir réfuté de mille manières, il ne cessera pas de le tenir pour ‘vrai’, conformément à cette célèbre ‘épreuve de force’ dont parle la Bible. » Le désir de posséder quelque chose d’absolument stable, de prêt-à-penser, va de :

  • l’idée à la mode
  • au Livre divin qui résume tout du monde et de la vie,
  • en passant par ‘la’ science (divinisée alors qu’elle est chemin tortueux avec des impasses)
  • et par la doctrine, celle du Parti ou des politiciens qui disent ce qu’on a envie d’entendre.

On se préoccupe fort peu des arguments et démonstrations, ce qui compte est l’appui, le dogme.

Cet aveu de faiblesse est celui de la plante à la tige trop faible, qui exige un tuteur. Nombre de gens ont ainsi la tige trop faible. Ils ont peur de leur liberté car elle implique leur responsabilité. Qu’ils se prennent donc en main avant de se plaindre du sort et d’accuser les autres ! Par lâcheté, ils préfèrent déléguer aux parents, aux profs, aux médecins, aux technocrates, aux partis, de réaliser ce qui est bon pour eux.

Ils se gardent le droit de médire et critiquer, la râlerie étant le symptôme le plus français du ressentiment des faibles : ceux qui ne veulent pas faire par flemme et qui jugent; ceux qui accusent les autres, les marchés, le destin alors qu’eux-mêmes n’ont rien fait pour étudier, travailler, empêcher les démagogues dépensiers. « Inspecteur des travaux finis » était une scie de la génération avant celle de mon père, c’est dire si ce travers remonte à loin. Ce pourquoi :

  • le fusionnel collectiviste est une démission, un retour au ventre maternel.
  • le nationalisme est une régression, un repli sur soi figé en identité éternelle.
  • la xénophobie et le racisme sont des pathologies de la peur, celle de ne pas être à la hauteur et d’être englobé malgré soi dans autre chose que l’habitude.

Moins on peut, plus on aspire à un pouvoir fort qui contraigne et qui puisse à sa place. L’envie jalouse exige la contrainte tyrannique pour se venger de n’être rien. Le ressentiment social naît de la faiblesse de soi. Parce qu’on n’a rien foutu à l’école, parce que l’on n’a pas su se faire une place en société, parce que d’autres ont mieux réussi en amour, en métier, en affaires. La « justice » est le grand mot qui masque trop souvent l’envie. Les institutions ont à rester neutre sur les revendications particulières en fonction d’un droit commun, là est seulement la justice – elle n’est pas la rectification forcée de ceux qui réussissent pour les mettre au niveau des plus nuls.

Ce pourquoi le scepticisme est une force bien plus grande qu’une foi ou qu’un dogme. Car le sceptique, comme Montaigne ou Nietzsche, ne prend jamais pour argent comptant ce qu’on lui conte ou montre. Il cherche ce que le masque recouvre : que l’endettement d’État n’est pas la faute « des marchés » mais de la gabegie politique, que ce n’est pas la finance qui contraint le foot mais l’incroyable avidité des joueurs, des clubs et des médias à faire du fric, que ce n’est pas la faute aux autres ni au système si DSK a fauté. La foi n’écoute pas, le dogmatique braille en fanatique pour couvrir toute critique – seul le sceptique écoute, analyse et pense par lui-même. Tout ce qui est figé, soi-disant intangible, est illusion. Cherchez à qui le crime profite !

Qui est au pouvoir (même un tout petit pouvoir) veut le conserver et l’amplifier. Aux dépend des autres qui doivent résister et se faire reconnaître. La liberté des uns s’arrête où commence celle des autres. Dans un monde qui bouge, sans cesse en devenir, dans un univers en perpétuel mouvement, la lutte est sans repos. Contre l’entropie matérielle, contre la maladie et la mort, contre la tyrannie des autres. La démocratie est comme la santé ou la vie : une énergie sans cesse renouvelée pour aller contre les forces d’inertie, d’immobilisme, de conservatisme.

Nietzsche se voulait un danseur, sans cesse sur la corde raide.

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