Un krach bio : voilà ce que connait la bourse à cause de la Décroissance à l’œuvre, chérie des écologistes. Paradoxe : alors qu’un virus est un organisme tout ce qu’il y a de plus bio, organique disent les Anglo-saxons, les médicaments réclamés et les vaccins futurs seront tout ce qu’il y a de plus artificiels, industriels et polluants… Les écolos devraient êtres heureux, ils font grise mine ! C’est que, si l’écologie politique n’était pas devenue la nouvelle Religion des bobos, ils sauraient que ce monde ici-bas n’est pas parfait et jamais absolu, que tout est mêlé comme le yin et le yang, que le bien et le mal sont enchevêtrés.
Sortons des « croyances » et examinons les faits. Le coronavirus baptisé Covid-19 a engendré un choc mondial par vagues étalées sur trois à six mois : il durera donc au moins l’année entière sur le globe, il n’est guère raisonnable d’anticiper une fin heureuse avant, à moins d’un vaccin miracle dans les prochains mois (mais il faut raisonnablement aussi attendre huit à douze mois pour tester un vaccin administrable à l’humain).
Les conséquences immédiates du virus sont une suite de chocs emboités qui conduisent l’économie globale à la décroissance et les économies avancées (sinon la chinoise) à la récession cette année.
Tout commence par un choc d’offre : la Chine, d’où est parti le virus qu’on attribue aux relations incestueuses des humains avec les animaux sur les marchés ouverts, représente 15% du PIB et 10% des importations dans le monde. Ses exportations entrent dans les chaînes de valeurs des biens produits en Europe et aux Etats-Unis (malgré Trump) et ses importations tirent la croissance de tout l’Occident. Le choix de l’interdépendance est excellent pour réduire les coûts et assurer selon l’économiste Ricardo l’avantage comparatif de chaque pays (il produit le mieux et le moins cher ce qu’il sait faire le mieux). En revanche, lorsque la conception, la production, la commercialisation, la livraison et la réparation d’un bien ou d’un service dépendent à ce point du reste du monde, on peut se demander où est l’indépendance. Surtout en ce qui concerne les biens « stratégiques » que sont la santé, l’alimentation, l’énergie, la technologie. L’OMC en 2019 montre que les deux tiers du commerce mondial passent par ces chaînes de valeurs, notamment pour la haute technologie (ordinateurs, semi-conducteurs, smartphones), la nourriture ou les vêtements. Pire : l’Europe et les États-Unis ont accentué leur dépendance commerciale et industrielle à l’égard de la Chine depuis dix ans.
Le choc d’offre dû au virus et à la fermeture de nombreuses usines chinoises entraîne chute brutale et immédiate des chiffres d’affaires des entreprises dépendantes. Plus de la moitié du PIB des pays développé est impacté directement et immédiatement.
Tout se poursuit par un choc de demande : la crainte diffuse, puis le confinement de plus en plus strict limite la consommation à ce qui est essentiel : manger, se soigner, se laver. Les biens durables sont le plus affectés : tout ce qui peut être différé ou ce qui est dépense superflue est annulé. Les transactions immobilières et la construction sont déjà très touchées. L’interdiction d’aller travailler pour « les entreprises non indispensables à la vie de la nation » et les mesures de chômage partiel indemnisées à 70% du salaire incitent à économiser. Sans compter l’angoisse des soins possibles à assurer, que les assurances ne rembourseront pas à 100%.
Le choc de demande paralyse la production, même celle qui demeure comme l’agriculture. Les restaurants fermés n’absorbent pas les fruits et légumes que le printemps commence à offrir et le flicage discrétionnaire sur « les produits de première nécessité » laisse un flou d’interprétation à l’avantage du plus con et du plus borné : une bouteille de vin est-elle un produit de première nécessité ? Quand on est dans un supermarché, qui cela gêne-t-il que l’on achète un produit de plus « non essentiel » ? A quand la poursuite de l’absurdité administrative française du « papier » ministériel qui définira ce que chacun a le « droit » d’acheter ou pas ?
S’ensuit automatiquement un choc de trésorerie pour les entreprises (et pour certains ménages : les loueurs en meublé, les métiers de service, le tourisme). Il faut payer les salaires et les fournisseurs ayant déjà fourni et le chiffre d’affaires est réduit à 20% ou à rien du tout. C’est pourquoi le gouvernement reporte les échéances fiscales et sociales et met en place un fonds de solidarité pour les PME, jusqu’à 1500 € par mois pour les indépendants ; et encourage les banques à échelonner les remboursements de crédits. Même les grandes entreprises n’ont plus les moyens de « racheter leurs propres actions » comme une rumeur hors de tout bon sens le propage. Elles diffèrent même leurs paiements aux fournisseurs pour garder de la précieuse trésorerie, d’où le rappel à l’ordre récent du gouvernement sur le sujet.
Le retour à l’équilibre prendra des mois après la fin de la crise, le temps de résorber l’excès de stocks d’invendus. Les entreprises privées de chiffre d’affaires et sans réserve liquide seront en faillite ou sous perspective de faillite. Les banques auront réticence à prêter, malgré la « garantie de l’Etat » pour les crédits aux PME récemment votée ; leur produit bancaire (équivalent du chiffre d’affaires) va rester effondré et il faudra probablement en nationaliser ou en fusionner plusieurs comme après la crise de 2008. La Banque centrale européenne soutient le système financier et c’est heureux car c’est son rôle, et l’Allemagne a pour une fois pris la mesure de l’ampleur du choc.
Le choc d’investissement en sera la conséquence, c’est la première dépense qui non seulement est déjà est suspendue mais qui ne devrait pas reprendre avant que le chiffre d’affaires ne génère un bénéfice suffisant, ce qui ne sera le cas que lorsque la demande sera repartie à un rythme de croisière. Il faut en effet des perspectives stables pour projeter un investissement dans l’avenir, sinon les risques sont trop grands. La dette actuelle est suffisante pour faire peur, même si avant crise elle restait raisonnable.
Le choc d’épargne sera induit : la chute des actions diminue les ressources des fonds de retraite et des assureurs-vie qui gèrent l’épargne des actifs et des retraités. Les dividendes distribués par les entreprises vont diminuer ou disparaître un an ou deux.
Le choc de dette des Etats n’est pour l’instant pas la préoccupation au regard de l’exigence de sécurité sanitaire et de maintien à flot des capacités de production à porter durant le confinement. Mais il sera inévitable : le déficit budgétaire français pourrait aller jusqu’à 6.3% PIB cette année et la dette monter à 102.5% PIB selon le rapporteur du Budget au Sénat. Le rapport euro/dollar (graphique ci-dessous) permet de voir que les investisseurs font plus confiance aux Etats-Unis qu’à l’Europe : le dollar se rapatrie pour le moment chez lui.

Y aura-t-il un choc social, suivi d’un choc démocratique ? Les pertes d’emplois devront suivre la rétractation des chiffres d’affaires sous peine de faillite ; ni les banques, ni les gouvernements ne pourront tenir à bout de bras toutes les entreprises comme si de rien n’était. Le chômage va croître et l’austérité budgétaire s’instaurer dans les années futures, une fois de plus. Car il faudra faire admettre aux marchés une dette d’Etat jamais remboursée, avec des échéances à un demi-siècle ou plus, donc une discipline budgétaire, économique et politique suffisante pour ce risque très long terme inédit. Il y aura hausse de la fiscalité, diminution des prestations sociales, contraintes de relocalisation sur certaines entreprises, privatisation ou fermeture des services publics non essentiels. Si la croissance reprend, nous pourrions connaître une phase longue d’inflation, le meilleur moyen d’effacer les dettes (en concurrence avec la guerre).
La démocratie n’a pas failli, même si elle a été bavarde et lente (c’est le fondement même de toute démocratie que le débat contradictoire). Les pays illibéraux comme la Chine, la Russie, le Brésil ou certains pays d’Afrique n’ont pas montré une meilleure efficacité dans la crise sanitaire que les pays libéraux. Leur « modèle » montre même un déni, un défaut de transparence, un élitisme de caste qui engendre un ressentiment bien plus grand que les ratés à l’allumage et les essais et erreurs des démocraties. Les populistes à la Trump ou Bolsonaro sont même pires que les libéraux à la Merkel ou Macron : ils dénoncent un « virus de l’étranger », ils refusent tout confinement sauf contraint et forcé, et le grand paon vaniteux encourage même ses ouailles à aller « massivement » dans les églises pour Pâques afin de bien se contaminer fraternellement. On le sait, ce sont les rassemblements de sectes en Corée du sud et dans l’est de la France, qui ont propagé rapidement le virus.
Demain : effets sur la bourse !
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