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Pourquoi cette gauche a fait pschitt !

François Hollande, président par le hasard du sexe (celui de DSK), est un technocrate scrupuleux, un gestionnaire de synthèse, un manœuvrier de la petite politique – pas une incarnation de la grande Politique. Il ne voit pas loin, il n’a pas de projet pour la France, il ne propose que des mesurettes catégorielles. Après l’Agité perpétuel, il fut un temps reposant ; mais ses frasques féminines, comme l’autre, ses hésitations sempiternelles de centrisme honteux, de socialisme tactique, de leadership complaisant, l’ont vite déconsidéré.

Que va-t-il laisser ?

Une France moins libre, dopée à l’état d’urgence permanent faute d’oser des lois fermes, discutées clairement et appliquées sans tergiverser (comme ces drones qui survolent l’espace « interdit » des centrales nucléaires et qui ne sont pas descendus, comme ces « expulsions » qui ne se réalisent presque jamais, comme cette « jungle » de Calais qu’on devrait tout simplement renvoyer aux Anglais en laissant passer les migrants, comme cette Leonarda à la famille indésirable mais qui pourrait quand même rentrer…). Etat d’urgence causé par état d’âme… quelle triste démagogie !

Une croissance en berne par rapport aux autres et par rapport à la tendance française précédente, faute d’oser, faute d’avoir « renégocié » avec l’Europe, faute d’avoir entrepris les réformes structurelles nécessaires (et de s’y être pris comme un manche sur la loi travail !). La France se redresse moins que la moyenne, tirée par la demande en Europe, elle-même favorisée par la baisse de l’euro, du pétrole et  par la politique de taux bas et de distribution du crédit par la Banque centrale européenne. Ce n’est pas la politiquette électoraliste hollandaise qui fonctionne, mais bel et bien la politique monétaire globale de l’euro. Pas de quoi pavoiser ! Amateurs et interventionnistes, les socialistes n’ont jamais rien compris à la complexité de l’économie. Ce n’est pas la volonté qui compte, le sérieux des sourcils froncés et de la trique – mais la confiance qui émerge (comme sous Jospin sans le vouloir), autrement dit le laisser-faire des gens dans leur liberté. Comme le montre la courbe de tendance ci-dessous, l’écart entre les performances de la France et la tendance s’est aggravé depuis 2012 et l’intronisation de Normal 1er.

croissance-hollande

Une France à la dépense publique seulement modérée, sans remise en cause de tout ce qui n’est pas du ressort de l’Etat, avec un endettement maintenu, des impôts massifs, redistribués par saupoudrage, sans orientation nette – de peur de mécontenter les lobbies des niches électorales !

Ce rapport n'est curieusement plus accessible sur le net. Le régime français de monarchie technocratique reste bien loin des standards parlementaires d'enquête et d'analyse.

Ce rapport n’est curieusement plus accessible sur le net. Le régime français de monarchie technocratique reste bien loin des standards parlementaires d’enquête et d’analyse…
Je l’envoie par citoyenneté en PDF à qui le demande par mail.

Hollande adore les impôts, et la petite cuisine ponctionnelle. Un rapport d´information du Sénat, fait au nom de la commission des finances sur l’évolution des prélèvements obligatoires entre 2012 et 2016, montre que la ponction fiscale « provisoire » de l’été 2012 « a touché largement les ménages, y compris les plus modestes », même si elle a touché aussi les classes aisées ; « l’abaissement du plafond du quotient familial à 2000€ a eu des effets sur les ménages appartenant résolument à la classe moyenne ». Au total, c’est 30 milliards d’euros d’impôts qui se sont abattus en 2 ans sur les ménages… amenant un « un véritable ‘ras-le-bol fiscal’, pour reprendre les termes utilisés par le ministre des finances de l’époque, Pierre Moscovici. » Plus les hausses de cotisations sur les retraites pour 3.5 milliards, intervenues en 2014. La fiscalité des ménages s’est à peu près stabilisée depuis 2015 – mais reste « plus élevée de 31 milliards d’euros en 2016 qu’en 2011 ». 35 milliards, analyse de son côté l’OFCE. Au total, « Ceci indique, d’une part, que les ménages ont eu à supporter l’essentiel des efforts de redressement des comptes publics et d’autre part, que la décélération de la pression fiscale ne profite pas véritablement aux ménages » (p.27). Les entreprises ont été initialement maltraitées, avec une hausse de 15.5 milliards en 2012 et 2013… immédiatement suivie d’une baisse avec le CICE et le Pacte de responsabilité, aboutissant à une baisse cumulée de 16 milliards d’euros entre 2012 et 2016. Cette incohérence a cassé la prévision économique et empêché d’investir.

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Un bilan très médiocre

Entre démagogie « de gauche » et inconstance fiscale « d’hésitation », « l’assainissement des finances publiques a été moins rapide en France que dans le reste de la zone euro, ce qui explique que notre pays continue d’afficher un déficit public et une dette relativement plus élevés » p.50. « Entre 2011 et 2015 la part de la dette publique dans le PIB a crû de 11 points en France, contre une moyenne de 4,3 points dans la zone euro » p.52. Au total, « Force est de constater qu’au cours de cette période, l’effort structurel a reposé pour deux tiers sur les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires et pour un tiers seulement sur des efforts en dépenses » p.54. Taxer est toujours plus facile que de réfléchir et de convaincre… Amateurisme et petits pas précautionneux font-ils une politique ?

Les ménages inquiets dépensent moins, les entreprises investissent au minimum et n’embauchent pas – et tous ces efforts semblent pour rien : « la France affiche toujours des coûts salariaux parmi les plus élevés de la zone euro, principalement en raison du niveau élevé des cotisations sociales patronales », selon les services de la Commission européenne en février 2016. Ce qui explique pour une grande part le chômage français. La France immobiliste est désormais moins riche que la moyenne européenne à 97,4 alors que l’Allemagne qui a su se réformer est à 113,3 (l’écart n’était que de 2,1 points en 2000).

2017-2010-prelevements-obligatoires-hollande

La faute n’en est pas seulement au président Hollande (qui a « fait HEC »), mais aussi à cette gauche bobo qui se croit plus que tout (et encore aujourd’hui) le moteur de l’Histoire. Depuis que le mur de Berlin est tombé, la mondialisation du marché, de la démocratie, de la culture occidentale ont semblé constituer les étapes triomphales de l’Universalisme enfin en voie de se réaliser. Vivent les « progressistes » : aussi arrogants que bêtes au fond, ils « croient » que leur situation matérielle, politique et morale confortable va faire le bonheur de tous. D’où les « droits » sans cesse étendus aux lesbiens gais bi trans, aux migrants sans frontières, au théâtre de rue sans public, aux enfants de confort pour les stériles, aux urgences pour la bobologie ; d’où le « politiquement correct » du déni qui sévit dans les manuels scolaires, dans l’enseignement de l’arabe au détriment du français, dans le révisionnisme historique des programmes, dans la débaptisation des rues parisiennes par certains ignares cultureux contents d’eux. « Le multiculturalisme le plus fainéant a remplacé le récit à écrire et le projet à porter ensemble », dénonce Raphaël Glucksman dans l’Obs.

gauche-2016La prochaine élection présidentielle devrait rebattre les cartes.

Même s’il reste probable que Marine Le Pen parvienne au second tour (en raison des divisions à gauche et de la persistance de la menace terroriste dans des frontières Schengen poreuses), les partis de l’extrême montrent combien les Français en ont assez des petites phrases, du buzz et de ces ficelles usées de la com’ qui ont composé le programme des précédents.

Mélenchon, Macron et Fillon devraient défier Marine. Notons que les trois sont des personnalités plus que des catalogues de mesures, ils portent chacun un projet et ne se contentent pas de la gestion des choses.

  • Le quatrième à venir, du parti socialiste, ne semble pas à la hauteur populaire de ces trois là (aucun des 7 nains, pas même Valls).
  • Je ne crois guère aux chances de Mélenchon, trop sectaire lambertiste dans l’âme pour entraîner les foules.
  • Emmanuel Macron incarne une énergie réformatrice social-libérale, un Hollande cette fois sans complexe ; il est la jeunesse et l’ouverture – convaincra-t-il la province bourgeoise plutôt frileuse ?
  • François Fillon a l’image d’un candidat austère et constant dans ses convictions ; son programme est clair et construit. L’amender pour éviter un choc trop brutal fait partie du compromis politique, mais la direction est donnée. Un récent sondage Cevipof sur les intentions de vote de la fonction publique montre combien celle-ci en a marre de la gauche (sauf évidemment les profs) et déclare se tourner vers la droite, même avec la suppression des 500 000 fonctionnaires (dont beaucoup de copains nommés en région par les politicards du coin…)

Selon un sondage Ipsos de novembre pour les 18ème journées du livre d’économie, les moins de 25 ans s’intéressent deux fois moins à l’économie (21%) que les plus de 60 ans (49%), notamment à cause de l’indigence de la formation scolaire (71% disent qu’on n’y parle pas assez d’économie). Gageons que le vote se fera donc plus par émotion pour la jeunesse (souvent abstentionniste) et plus par raison pour les gros bataillons qui votent – et qui feront l’élection.

Pour 58% des Français interrogés, il faut « limiter au maximum le rôle de l’Etat dans l’économie française et donner aux entreprises le plus de liberté possible » (ils n’étaient que 50% en janvier 2014). Il faut dire que le mêle-tout socialiste est passé par là, comme l’analyse Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS… Et que la bouffonnerie Alstom à Belfort dépasse le raisonnable : laisser filer à l’étranger un fleuron de l’industrie française, être au conseil d’administration et ne rien voir, puis « acheter » des TGV pour rouler sur des lignes de banlieue est une ineptie économique – et fait valser l’argent public, celui des impôts. Cela pour de rares emplois « préservés ». Et les autres :  ils ne sont pas électoralement payants ? Cette basse démagogie agace très fortement les classes populaires et moyennes, engendrant un vrai rejet de la gauche bobo – comme aux Etats-Unis.

57 à 59% des Français, selon la question posée, se disent favorables à la réduction du nombre de fonctionnaires pour garder la priorité sur police, justice et santé. Seul le Front de gauche se démarque, évidemment, adepte de gros impôts, de l’interventionnisme d’Etat et du moralisme autoritaire en économie – mais ce sondage montre combien son opinion est minoritaire en France.

Au total, avant que la campagne ne commence (et que la primaire du PS ne sorte un candidat du chapeau), François Fillon semble être mieux à même de l’emporter qu’Emmanuel Macron.

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Vers la démocrature ?

Le raccourci entre démocratie et dictature est un mot de Pierre Hassner, disciple de ce Raymond Aron qui – bien plus que Sartre et Beauvoir ! – fut lucide sur le totalitarisme marxiste en URSS, en Chine, à Cuba et ailleurs dans les années 50, 60 et 70. Ce qui n’a pas été vu hier peut n’être pas vu aujourd’hui. La démocrature donne les apparences de la libre décision démocratique (partis, élections, parlement, droit) mais assure dans la réalité l’essentiel du pouvoir aux mêmes.

La Russie de Poutine est une démocrature, l’Algérie et la Chine à parti unique en connivence avec l’armée aussi, la Turquie d’Erdogan en devient une, le Brésil du sénat destituant en est un embryon, et c’est le rêve de Donald Trump (la trompette trompeuse du parti des Éléphants !) comme de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon de la réaliser en France. Leur idéologie, c’est le Peuple. Magnifié, idéalisé, massifié : le Peuple en soi, sans aucune distinction particulière, le peuple en masse comme hier sous Hitler et Staline, « l’immense majorité » disait-on à l’époque, la « volonté générale » disait Rousseau, ce totalitaire émotionnel. Et c’est vrai : les Allemands comme les Soviétiques des années 30 votaient régulièrement ; ils élisaient massivement les mêmes, nazis et communistes – la démocratie apparente était sauve.

democratie dictatoriale

C’est que « le Peuple » n’existe pas ; comme Dieu, il lui faut des interprètes qui disent Sa pensée et qui agissent en Son nom… En URSS et en Chine pop, c’est le Parti communiste qui est le détenteur de la vérité révélée comme de l’exégèse des œuvres des grands révolutionnaires (Marx-Engels, Lénine, Staline, Mao). Dans la Russie de Poutine, c’est ce mélange de conservatisme petit-bourgeois et de nationalisme ravivé par les guéguerres aux ex-frontières qui est populaire, entretenu par une propagande massive des médias aux mains des dirigeants (tous manipulateurs experts de l’ex-KGB). En Turquie, Erdogan prend tous les pouvoirs, surtout après la tentative de putsch ratée de généraux pusillanimes qui n’ont pas pris les moyens de leurs ambitions ; le parti d’Erdogan est soutenu par une confrérie islamique sunnite puissante – et Allah est convié à soutenir le Pouvoir.

Mais la démocrature tente aussi les pays jusqu’ici démocratiques : le Royaume-Uni vient de vivre un hold-up institutionnel avec le Brexit en faisant croire que tous les maux étaient dus à la bureaucratie européenne ; certains se repentent aujourd’hui d’avoir cédés aux mensonges et aux sirènes de la souveraineté solitaire. Les États-Unis sont en train de vivre le psychodrame présidentiel, éclatés entre un Trump qui parle haut, proclame publiquement le politiquement incorrect et renverse la table – et une femme traditionnelle trop raisonnable, bien connue et longtemps au pouvoir.

Nous ne sommes pas exempts, en France, de ce genre de tentation, surtout après le troisième attentat de Nice, contre lequel le culbuto content de lui qui reste notre Président répète tout sourire que « tout va être fait » pour éviter un quatrième (puis un cinquième, puis un sixième ?) attentat – sans surtout ne rien changer aux institutions, aux procédures, ni aux manières de faire, malgré « l’état d’urgence ». Mais à quoi sert-il donc concrètement, cet état ? Le petit barrage de tapettes assuré par les diverses forces de police à Nice n’a pas de quoi rassurer les foules : il était aussi inefficace que l’entrée du bâtiment qui abritaient les parachutistes à Beyrouth, dans un pays en guerre, en 1982. Les « spécialistes » et les « décideurs » ne comprendront-ils donc jamais ?

Faut-il attendre à chaque fois la réalité meurtrière de la vraie guerre pour prendre enfin des mesures qu’on aurait dû prendre avant ? Les juges (administratifs) en restent à la lettre du droit, sans considérer les circonstances et les 240 morts français à cause de l’islam radical ? L’islam existe depuis 1300 ans et le burkini est une nouveauté : qu’a-t-il à voir avec la religion musulmane ? La provocation n’est-elle pas manifeste ? C’est ce que disent les femmes saoudiennes… contre les idiots utiles du gauchisme bobo. Toutes ces provocs ne sont-elles pas orchestrées ? C’est la thèse que défend Fatiha Boudjahlat, militante pour l’égalité en droits des femmes et secrétaire Nationale du MRC à l’Éducation… contre la bien-pensance qui se dit anti-réactionnaire et qui réagit au quart de tour. Manuel Valls a raison de dire que cet arrêt n’épuise pas le débat « politique ». L’arrêt juridique, rendu par le Conseil d’État au sujet des arrêtés des maires sur le burkini défend « les libertés » mais reste dérisoire : Tuot, l’auteur du rapport socialiste 2013 sur l’intégration a été l’un des juges. Il persiste à minimiser l’islam en religion « comme les autres », donc soumise au même droit commun – alors que l’islam est un projet global, totalisant, comme l’était le catholicisme jusqu’en 1905. Si l’idée française de nation est  la volonté de vivre ensemble, qu’en est-il de ces comportements ? Peut-on être « français comme les autres » quand on rejette volontairement et violemment ce projet collectif ? Revenons aux origines de la IIIe République, celle qui fonde la France actuelle : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. » C’est Ernest Renan qui le dit – fort justement ! Faut-il en revenir à la conception allemande du droit du sang, qui était celle de la France d’Ancien régime ? Pourquoi, dès lors, les intellos de gauche tortillent-ils du cul comme s’ils étaient gênés face à la volonté manifeste des islamistes (pas des musulmans) de renverser ce qui fait la France ? Comment devons-nous comprendre cette « soumission » volontaire au plus fort parce qu’il brandit un couteau ?

« L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion », disait encore Renan : la liberté existe, celle d’aller vivre ailleurs, en conformité avec ses convictions. Mais l’exercice des libertés n’est possible que dans la neutralité et je souscris à la déclaration de Raphaël Enthoven (dans La morale de l’info sur Europe 1 le 24 août) : « interdire un interdit, c’est lui donner de la force ». Laisser faire cette « mode » aussi inconfortable que ridicule du burkini, n’est-ce pas la vouer à disparaître ? Ce qu’il faut quand on est sûr de soi ? – « défendre sans trembler la laïcité et la République qui défend aussi la majorité des musulmans contre la prise de pouvoir d’un islamisme rétrograde », dit aussi Michel Santo sur son blog. Le meilleur du libéralisme est sans doute là.

Sûr de soi, sans trembler… mais quel politique est sûr de soi et ne tremble pas ? Mais quel politique va-t-il expliquer à la fois le droit et son application POUR TOUT LE MONDE ? N’y a-t-il pas des islamistes intolérants ? des racistes musulmans ? Des bobos qui crient à l’écorché dès que l’on OSE aborder ces questions pour eux taboues ? Les électeurs sont lassés de se retrouver avec les mêmes incapables, qui trustent les postes sans résultats concrets. Et nous allons rejouer en 2017 le duo des bras cassés Hollande-Sarkozy, comme si de rien n’était ? Si les primaires sont aussi indigentes qu’elles le promettent, l’électeur sera tenté plus qu’ailleurs de renverser la table, de passer un violent coup de karcher sur ces nuisibles qu’il a assez vus.

islamisation a peine voilee 2016 a saint denis

Car, après les attentats à répétition excusés par la boboterie de la repentance et de padamalgam, des mosquées financées à guichet ouvert par les intégristes wahhabites, des prêches haineux laissé sans réaction, des provocations en tous genres donnant lieu à « polémiques » entre intellos bien au chaud ; après l’éclatement partisan à la suite de Nice ; après la dislocation européenne initiée par l’Outre-Manche attisant le pourquoi pas nous ; après l’explosion turque, « pays candidat à l’Union européenne » – les électeurs sont désormais sans aucune illusion.

Ils ont l’impression qu’une démocratie directe, où ils auraient enfin leur mot à dire, serait préférable à la démocratie représentative qui balance les pouvoirs, équilibre les institutions et demande des débats avant toute décision. Si « nous sommes en guerre » comme le dit le président, alors pourquoi ne pas adopter les processus de décision raccourcis de la guerre ? 1914-18 a montré combien l’autoritarisme s’est amplifié avec le conflit ; la guerre contre le terrorisme pourrait bien avoir de semblables effets, exigés d’en bas comme en Turquie ou aux États-Unis par la population, contre les résistances des bobos mondialistes et des élites confortablement installées dans le fromage public. L’électeur à qui l’on a appris à obéir plus qu’à réfléchir se demande : tous ces garde-fous des institutions (la double délibération des Assemblées, le recours au Conseil constitutionnel ou au Conseil d’État, l’élaboration rituelle du droit, l’indépendance de la justice, la surveillance de la police), sont-ils encore utiles ? Ne faut-il pas les raboter ? les suspendre ? les supprimer ?

Ces vertus du libéralisme politique sont fragiles, d’autant que le libéralisme est attaqué de toutes parts, à gauche comme à droite, au nom de l’État, de la Nation en armes une et indivisible, de la neutralité jacobine qui ne reconnaît aucun particularisme – ni corse, ni basque, ni breton, ni catholique, ni musulman. Le multiculturalisme est à la mode chez les gendegôch et les bobos parisiens, alors que la fécondation de la culture par l’Ailleurs est conditionnée avant tout par la santé de sa propre culture. Tout ne vaut pas tout, dans le grand méli-mélo métissé des gauchistes hors sol. Être fier d’être soi serait-il bien en Kabylie ou à Tahiti, mais horrifique en France même ? Montaigne doit-il être traduit en novlangue texto et simplifié au politiquement correct dans une jacklanguerie « artiste » du dernier chic ? Pourquoi introduire l’arabe en classe alors qu’on ne sait même pas apprendre le français correctement ?

moins de libertes contre le terrorisme

Mais si tout va mal et que les pires conservateurs apparaissent comme ceux qui sont au pouvoir et autour (en France la gauche bobo depuis Mitterrand ; aux États-Unis le clan Clinton), c’est aussi parce que la promesse de la démocratie libérale n’est plus tenue depuis le nouveau millénaire. Les excès de la finance, « la crise », la puissance des lobbies bancaires, le droit extraterritorial imposé par les États-Unis, la prosternation envers les pratiques chinoises de voyou, ont laissé stagner, voire régresser, le pouvoir d’achat – en Europe comme aux États-Unis.

L’immigration massive et incontrôlée, la culture sociologique de l’excuse qui justifie la vengeance islamiste par l’injustice passée, le rejet des fils d’immigrés mal intégrés à cause de leur idéologie radicale, l’intolérance croissante aux différences revendiquées (burkini, voile… mais aussi torse nu en ville, seins nus à la plage, short en vélo !), apparaissent à l’électeur en régression sociale comme d’insupportables provocations : les élites s’occupent des « victimes » autoproclamées par la repentance coloniale (France) ou le culte du fric et de la performance individuelle (USA), elles ne s’occupent pas de l’électeur moyen ou populaire.

Sauf qu’il a le droit de vote. Et qu’il va s’en servir. Même si les partis politiques ne font guère recette, Internet dit tout, permet tout, entraîne tout. Les vieux rassis, au pouvoir depuis trop longtemps, n’en ont aucune conscience ; ils n’y « croient pas ». Dommage pour eux, le phénomène Trump et la grossière erreur des sondages anglais le montrent.

Je déplore à titre personnel la haine irrationnelle du libéralisme, tant politique qu’économique, qui agite nos élites de gauche comme de droite, tout comme la distorsion vers le monopole du libéralisme aux États-Unis ou en Allemagne. Car le leg libéral est aussi politique : celui des institutions. Il assure la tempérance et la raison par la séparation des pouvoirs et le débat organisé. S’il venait à disparaître dans l’illibéralisme comme en Russie, en Turquie ou en Hongrie, tous les petits « révolutionnaires » indignés qui manifestent à longueur d’années pour revendiquer des « droits » seraient les premiers à en pâtir. Lénine les avait éradiqués sans état d’âme… Et nous aussi en pâtirions.

Il est difficile de résister à la pulsion de mort qui taraude nos sociétés malsaines, face à des contre-sociétés plus vigoureuses et sûres d’elles-mêmes. La psychologie de masse rencontre le petit moi étriqué laissé à lui-même par la famille déstructurée à la mode et par l’école démissionnaire du tout vaut tout. Mais il faut résister, affirmer ce qui vaut, faire appliquer les lois existantes, modifier celles qui le doivent pour assurer de vivre ensemble, renforcer l’Union européenne en posant clairement ses frontières et ses normes – comme le font les États-Unis, la Chine ou l’Inde, sans état d’âme. Cela sous peine de disparaître dans une prochaine nuit des longs couteaux.

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Foot d’été

La « saison » est finie (ouf !). Rien de tel qu’une « huitième journée du match avancé de ligue 1 pour le championnat de France » Strasbourg-Saint-Denis, Réaumur-Sébastopol ou d’on ne sait quel accouplement qui sonne comme une station de métro – pour agacer dès le matin.

foot dessin ballon

France-Info en fait même désormais une « actualité » au même titre que la guerre en Syrie, les menaces de Poutine ou les errements grecs – actualité qui prend même le pas sur les autres le samedi et le dimanche soir !

gamins foot

Quand j’étais gamin, j’aimais le foot ; aujourd’hui je ne le supporte plus.

foot en slip

Non le jeu en lui-même, encore que les règles aient changé (les « tirs au but » sont une étrange manière de « gagner »…). Mais le permanent scoop médiatique sur les stars du ballon, sur leurs états d’âme (exprimés en général sous forme de borborygmes ou de banalités), sur le fric des droits de retransmission et des transferts des joueurs.

Quand j’étais gamin, seul le jeu comptait, pas le fric ni la frime.

foot a trois garcons torse nu

Aussi je préfère le foot en été, lorsqu’il est un vrai jeu, sur les plages. Pas d’uniforme des marques célébrées avec maillot d’équipes financées par le Qatar et pompes à crans fluo, mais le slip seulement.

foot a trois garcons torse nu plage

Pas de terrain synthétique ou arrosé à grands renforts d’hectolitres en pleine canicule, mais le sable chaud et mou de la plage.

foot seins nus

Même les filles s’y mettent, dit-on, mais je n’ai pas vu beaucoup de petites filles jouer au foot dans le sable – ni ailleurs en été. Que font les féministes ? C’est un jeu sain, travail d’équipe tout autant que de tête, et qui fait du bien au corps. Sur le net, celles qui se montrent gardant le haut on ne sait pourquoi.

foot fille decolletee

La liberté n’est-elle pas quasi totale lorsqu’on joue, dans l’été des vacances, vêtu juste d’un cache-sexe ?

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Le Clézio, Voyage à Rodrigues

Aux grands enfants toujours épris de cartes et d’estampes, Le Clézio nous livre son « enquête sur la quête » de son propre grand-père, la recherche d’un trésor de corsaire sur l’île de Rodrigues. L’histoire a fait l’objet d’un roman, ‘Le chercheur d’or’, l’un des plus beaux de l’auteur. Comme souvent avec ses chefs-d’œuvre, Jean Marie Gustave Le Clézio double l’imaginaire par la réalité. Ainsi de ‘L’Africain’ qui double ‘Onitsha’, de ‘Gens des nuages’ qui double ‘Désert’ : ‘Voyage à Rodrigues’ double ‘Le chercheur d’or’. A tout lecteur qui aborderait l’auteur, je conseillerais de commencer toujours par les romans et de ne lire les récits qu’ensuite. Ils prennent ainsi tout leur sel et éclairent la vie rêvée par l’existence réelle.

Tout part d’un « vieux classeur de carton attaché par une ficelle, portant écrit de la main de ma tante, ce titre vengeur et drôle : PAPIERS SANS VALEURS » p.124. Il s’agit des cartes, plans, récits compilés et journaux du grand-père. L’auteur se rend sur l’île de Rodrigues pour communier avec ce pays qui a fasciné trente ans durant son ancêtre, celui dont l’écriture manuscrite est si semblable à la sienne. « Il y a un hors du temps ici, à Rodrigues, qui effraie et tente à la fois, et il me semble que c’est bien le seul lieu au monde où je puisse penser à mon grand-père comme à quelqu’un de vivant » p.15 Tout est signe : les coups de pioche ou de burin sur la roche, le paysage qui n’a guère changé, les enfants du cru tels cette « jeune fille, quatorze ans à peine, svelte et agile comme les cabris qui vivent sur les collines » p.10 et jusqu’à Fritz Castel, ce tout jeune Noir plutôt sauvage, engagé par le grand-père vers l’âge de dix ans et qui vit encore, perclus mais observateur.

Pourquoi cette quête vaine de Rodrigues ? « C’est l’appel d’un autre monde, d’un monde vide d’hommes, où règnent les rochers, le ciel et la mer. C’est l’appel de la mer aussi, le « vent du large » dont il parlait en rêvant, j’imagine, devant ses enfants… » p.27 Ce n’est pas l’appel de l’or mais plutôt celui de la liberté sans limites, l’appel de l’aventure. « C’était prendre sa part du rêve de l’Eldorado » p.45, imagination sans bornes sur une terre sans frontières.

Du bannissement de la maison ancestrale de Maurice date cette quête qui compense l’exil, cette villa ‘Eurêka’ quittée pour cause de mauvaises affaires. Le déracinement pose la question ‘qui suis-je ?’. Il oblige à la recherche d’un nouveau havre. L’auteur l’avoue : « La perte d’Eurêka me concerne aussi, puisque c’est à cela que je dois d’être né au loin, d’avoir grandi séparé de mes racines, dans ce sentiment d’étrangeté, d’inappartenance » p.122. Écrire, ce n’est guère penser à l’avenir, plutôt rêver sur son passé, sur ce qui vous constitue : « choisir son passé, se laisser flotter dans le temps révolu comme on remonte la vague, toucher au fond de soi le secret de ceux qui vous ont engendrés : voilà qui permet de rêver, qui laisse le passage à une autre vie, à un flux rafraîchissant » p.124

Où l’on apprend accessoirement que Le Clézio a deux filles, dont l’une est prénommée Amy, et que son père avait un frère jumeau en sus d’un aîné de 9 ans plus âgé. Lyrique, sensuel, enlevé, ce récit d’un voyage à Rodrigues illustre plus que les autres livres, sans doute, la constance avec laquelle Le Clézio montre qu’un paysage est un état d’âme. Mieux encore, un sentiment d’éternité : « En aucun autre endroit du monde cette heure ne m’a semblée plus précise : un basculement quotidien vers l’autre monde, vers l’autre versant de la réalité. La brûlure intense du soleil cesse d’un coup, la lumière s’éteint comme une bougie qu’on souffle, et l’on sent le froid de l’espace » p.130.

Le Clézio, Voyage à Rodrigues, 1986, Folio 1997, 146 pages, €5.41

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Arbre des états d’âme

Mon petit prince m’a dit : « dessine-moi un arbre ». Et j’ai dessiné l’arbre des états d’âme. Oh, ce n’est pas un bien bel arbre, mais il est l’habitation des hommes. Tu vois, petit prince, ces bonshommes dessinés dans leurs occupations favorites ? Ils ne sont pas nombreux, d’accord, et les branches m’en ont peut-être caché d’autres, mais ces quatre silhouettes représentent assez bien les états d’âmes principaux de l’humanité.

Pourquoi ris-tu, petit prince ? Oui, tu as raison, l’histoire que j’ai dessinée ne va pas durer bien longtemps. L’un va se pendre, l’autre se retrouver brusquement précipité dans le vide alors qu’il ne s’y attend pas. Le troisième va choir aussi car il ne regarde pas sa branche. Reste le dernier.

Ah, mon petit prince, celui-là est mon préféré !

Ne remarques-tu pas qu’il est le dieu de l’arbre ? Il est le seul qui restera vivant car il est le seul à agir pour transformer son monde.

Regarde-bien, petit prince.

Le Pessimiste noir ne voit que ce qui ne va pas, rien d’autre que son désespoir. Il est aveugle au monde et à la beauté ; il ne voit que lui-même et se complait dans son malheur. Son seul acte positif sera de se pendre pour retourner dans le néant. Il ne sait que se lamenter et partir. Vois-tu, petit prince, il faut s’ouvrir au monde et aux autres pour survivre. Alors les fleurs embaument, les regards caressent, il y a de la joie. On s’ouvre par l’action, tu sais, l’action qui entretient les muscles, crée les amis et affûte l’esprit. C’est par l’action que l’on oublie qu’un jour il nous faudra mourir. Elle est une illusion, mais elle permet l’espoir et la découverte. Je l’aime parce qu’elle permet d’aimer.

Justement, petit prince, le Pessimiste actif, lui, ne se pendra jamais – tant qu’il pourra agir. Ne le vois-tu pas ? Il est joyeux, comme toi lorsque tu fais une bonne farce. Et c’est une drôle de farce qu’il va faire !

L’Optimiste béat, confortablement installé dans son univers élevé d’idéal ne voit rien du  réel. Il reste dans son monde, appelant un au-delà qui ne répond jamais. Comme le sage – connais-tu cette histoire ? – le sage qui marchait les yeux perdus dans les étoiles au ciel… et qui est tombé dans un puits qu’il n’a pas remarqué à ses pieds. Oui, tu souris, enfant prince, et tu as raison de sourire. Quelle surprise aura-t-il, ce béat de l’ailleurs, lorsque sa branche qu’il croyait éternelle s’écroulera sous lui et le précipitera dans le grand vide ?

Peut-être entrainera-t-il dans sa chute l’Optimiste utopiste ? Je crois plutôt que celui-ci tombera tout seul. Tu as vu, petit prince, sa branche se fend déjà sous ses trépignements outragés. Il est dans l’éternel ‘non’ et il ne s’aperçoit pas qu’il ne fait rien pour le monde, que brailler. Il n’a d’yeux que pour le Pessimiste actif mais il reste impuissant à l’empêcher d’agir car il ne sait que trépigner sur place. Lui ne bée pas vers les étoiles mais reste terre à terre. Il ne sait pas créer parce qu’il a une morale qui le rend censeur des hommes. Il est dans l’éternel ressentiment de l’envie qui mime l’autre à l’envers et empêche à tout jamais de s’affirmer soi. Pour lui, exister c’est être contre. Sans opposant, il n’est rien. Il n’est pas jaloux de l’Optimiste béat qui plane de toute façon hors du monde réel, ni du Pessimiste noir non plus car il ne vivra pas longtemps. Non, petit prince, l’Optimiste utopiste est celui qui milite pour une seule idée fixe et qui tyrannisera tous les actifs pour la tenter. Dès qu’elle prend forme, en général c’est la catastrophe car l’utopiste ne voit pas plus loin que le bout de son nez et il ne sait pas rire. Pour lui, tout est tellement sérieux… Dès que le réel va autrement qu’il le veut, il devient tyran et oppresseur, il ne supporte pas que son utopie n’advienne pas, aussi parfaite que dans l’abstrait. Le peuple ne suit pas ? Qu’on abolisse le peuple !

Tu fais la grimace, enfant ? Mais regarde bien, petit prince, sa branche se casse toute seule et ce n’est pas l’Idée qui la raccommodera. Les idées pures se cassent toujours sur la réalité du monde, qui n’est pas comme on croit. Et lorsqu’on n’a pas le sens de l’humour pour l’admettre et assouplir son idée en observant ce qui est, on tombe de haut avec la branche. Car l’homme n’est pas dieu, omnipotent à qui il suffit de dire « je veux » ; l’homme n’est que ce qu’il devient, animal debout, imparfait, qui aménage son terrain par tâtonnements.

Il te plaît mon dessin, petit prince ? Te rappelles-tu qui est mon préféré ? Oui, celui-là, bien sûr. Allez, enfant, retourne jouer à présent. Va essayer ta scie toute neuve, mon fils.

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Louis-Ferdinand Céline, Féérie pour une autre fois I et II

Je le dis tout net, ce Céline là, « le plus abouti » selon l’éditeur, m’ennuie. Ce « roman » n’est que style, pas d’histoire mais une logorrhée ininterrompue de réminiscences, d’injures, de récriminations. Il y a même des portées musicales ! Les puristes parlent de style « purement émotif », affranchi de tout enchaînement, d’onomatopées à peines mises en mots, bulles d’exclamations agressives qui remontent de la boue. Fort bien, mais laissons cela aux « littéraires », aux extracteurs de quinte essence. Pour moi lecteur, ce Céline là est chiant, bien plus que ses romans de guerre, d’enfance ou d’exil.

Cette fois, pas d’histoire à raconter mais un état d’âme. Et il n’est pas joli, sans cesse dans le ressentiment, à la recherche de bouc émissaire pour ses démissions intimes. Le bombardement ? c’est à cause de « Jules », qui fait sémaphore au balcon, incantatoire, dans Féérie II. Jules est le double haï de Céline, un artiste qui modèle des nus dans la glaise, la main dans la pâte après avoir pétri la chair, tout comme Céline s’évertue à transformer en irruptions de mots ses visions. Sans cesse des apartés, des digressions, des impasses. Le besoin d’interpeller le lecteur qui s’emmerde pour s’excuser, s’expliquer, le raccrocher. La conversation « à bâtons rompus », qui fait tant les délices des dissecteurs, on a envie de les lui rompre sur le dos ces bâtons, à Céline ! Déjà le titre : Féérie c’est la confusion des lieux et des temps, la mise en tapisserie de tout le tissage de mémoire. Juste pour l’effet. « Féérie c’est ça… l’avenir ! Passé ! Faux ! Vrai ! Fatigue ! » p.15.

Il y a de l’histrionisme chez Céline, de l’héneaurme, du théâtreux : soixante mains, dix-huit corps… Le drôle a besoin d’un public pour sa paranoïa. « C’est effrayant ce que j’ai d’ennemis et outrageants à qui peut le plus ! » p.22. Éructés de 1946 à 1954, ces deux volumes ont été grafouillés en détention au Danemark, dans la récrimination permanente contre tous ceux qui lui en veulent (en bref la terre entière sauf Lili et Bébert). Céline n’a plus à séduire, il se lâche. Et ça nous ennuie profondément, surtout le Féérie I. « Normalement je suis gai et mutin, verveux, allègre, Vermot, espiègle ! Et puis un faible pour les danseuses ! » p.22. Céline ici n’est pas « normal », il est pris et chamboulé par le siècle. « L’enthousiasme des siècles, c’est tel ! Bûchers, massacres, poubelles ! Encore plus que le vol ! l’Islam, Port-Royal, la Concorde [mis pour guillotine], Gengis, l’atome, le phosphore, c’est quelqu’un ! Pour carboniser les missels, ‘L’Iliade’ aux cochons, brouter la Vierge, culer Pétrarque, jamais ça plisse ! Sitôt dit fait ! Croisade ! croisons ! Pendards ! pendons ! mauviette qui flube ! » p.34.

Avouons que Féérie II, appelée par la première édition ‘Normance’ du nom d’un gros personnage qui ronfle sous une table, est plus lisible, « ça » prend parfois avant de retomber dans le galimatias. Parce que Féérie II évoque un bombardement autour de Paris que Céline voit à la fenêtre, vit avec les résidents de son immeuble et sent dans ses tripes à chaque sursaut d’explosion. Mais ça dure, ça dure, il se répète, il s’hébète, il radote. Il n’aime pas les gens, ni sa patrie résistante de dernière heure, ni son siècle de brutes machines. Pour dire ça, il trouve les mots, cisèle les phrases. « Question des hommes et des femmes ya que les malades qui m’intéressent… les autres, debout, ils sont tout vices et méchanceté… je fous pas mon nez dans leurs manèges… la preuve : comme ils arrangent leur cirque que c’est plus habitable, vivable, par terre, en l’air, ou dans le couloir ! et qu’ils engendrent ! acharnés fournisseurs d’Enfer ! et péroreurs ! et que ça finit pas de promettre !… et que ça s’enorgueillit de tout !  et bave et pavane ! Y a que couchés, crevants et malades qu’ils perdent un peu leur vice d’être hommes, qu’ils redeviennent pauvres animaux, qu’ils sont possibles à approcher… » p.230. Il y a parfois des perles de ce genre dans le galimatias.

Il tente de rationaliser. De dire qu’après l’irruption du film, les écrivains n’ont plus le choix qu’entre « le chromo » (le style Delly) et l’impressionnisme en littérature (son style éructant aux trois points). Qu’il s’agit d’une invention, d’un procédé révolutionnaire qui fait date, façon de retrouver la pensée brute en marge de la logique du discours. De court-circuiter la raison en échappant aux cadres. « Je vous donne un peu l’enthousiasme, la sueur, les tribunes, le soleil, les boas, les casques, les cimiers, l’artillerie montée, les dragons, la charge… « les voyez-vous » ?… le vaste mouvement des extrêmes !… » p.107. Mais tout ça, c’est pour les théoriciens. Un roman qui n’a pas d’histoire à raconter est un texte expérimental, pas quelque chose qu’on lit avec plaisir. « Je vous raconte les choses tout à trac… nature… je prétendrais imiter les bruits faudrait un volcan en personne !… c’est pas sur le pauvre papier que je vais érupter ! et Vésuve ! ni les aravions à la charge !… » p.214. « Aravion », c’est joli, mélange d’ara et d’avion, de perroquet chatoyant et de mécanique cruelle. Mais s’il s’agit de revenir au discours oral, pourquoi le livre ? Pourquoi pas le disque ? Céline lu au théâtre est probablement plus intéressant que Céline lu dans le silence de la page. Fabrice Luchini l’a testé.

Le lecteur qui voudra aborder Céline lira ‘Voyage au bout de la nuit’, son premier et meilleur. Celui qui voudra en savoir plus sur l’homme et ses compromissions avec le siècle lira la trilogie de 1945 ‘D’un château l’autre’, ‘Nord’, ‘Rigodon’ (Pléiade, Romans II).

Voir Céline sur le blog, vous pourrez même apprendre pourquoi Céline était antisémite.

Louis-Ferdinand Céline, Féérie pour une autre fois I et II (Normance), 1952 et 1954, Gallimard Pléiade, Romans IV, 1993, édition Henri Godard avec 8 versions, dictionnaire d’argot et Entretien avec le professeur Y, 1598 pages, €71.25

Louis-Ferdinand Céline, Féerie pour une autre fois, Folio, 632 pages, €9.40

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