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Liberté ou égalité en France ?

Les Français ont une devise : Liberté, Égalité, Fraternité. Tout paraît bien équilibré, la liberté en premier qui seule permet le reste, l’égalité en second qui permet à chacun de se révéler, la fraternité pour le tout afin de ne laisser personne sur le bord du chemin.

Sauf que, selon les périodes, la liberté est vue comme opportunité ou comme aliénation, comme l’expression de sa propre responsabilité ou comme une soumission aux forces qui dépassent : le capitalisme, le monde, le destin, la religion. Si ceux qui ont fui Pétain et les nazis à Londres en 1940 avaient agi comme les gréviculteurs d’aujourd’hui, crispés sur leurs acquis, la France ne serait plus la France mais une province éloignée de l’Hinterland allemand. Résister, c’était faire preuve de sa responsabilité en faisant le pari de la liberté. Oh, ils étaient bien peu nombreux, ceux qui ont osé ! La majorité attendait de voir, tergiversait avant de se décider, accrochée par mille liens trop respectables aux habitudes, aux droits acquis, au regard de leur milieu, à la révérence envers l’autorité, à la force imposée…

2016 n’est pas 1940 et nulle armée n’occupe encore la France pour enjoindre de se soumettre ou de mourir. Mais le dilemme entre liberté et abandon est toujours là. L’égalité est ce qui permet de se justifier lorsqu’on ne veut rien changer : tout le monde pareil, évidemment figé dans les positions acquises… Tiens, cela ne rappelle-t-il rien à ceux qui se piquent d’un peu d’histoire ? Mais si, souvenez-vous : ce fameux Ancien régime que l’on se vante tellement, deux siècles après, d’avoir renversé par « LA » Révolution !

Le statut était d’Ancien régime : on naissait noble et nanti ou réduit au tiers et asservi ; seuls « les ordres » religieux (encore un statut !) permettaient de botter en touche lorsqu’on avait quelque talent. La révolution a voulu mettre la chose du peuple (la république) avant les privilèges de quelques-uns et le pouvoir du peuple (la démocratie) au-dessus du pouvoir de quelques privilégiés. Mais, pour fonctionner efficacement, la démocratie exige que chacun y mette du sien : chacun doit trouver sa place, elle n’est plus acquise ; initiative et compétences font avancer la machine, hier figée dans l’idéologie d’un Ordre divin.

Or, aujourd’hui, chacun se réfugie en ses statuts et privilèges, cherchant à reconstituer cet Ordre immobile d’Ancien régime face au mouvement du capitalisme, à la déferlante du monde, aux changements de la modernité. Ce pourquoi la « démocratie » est moins démocratique, les privilégiés s’arrogeant le droit de gouverner dans l’abandon général. Les gens s’effraient de voir que tout va plus vite, que rien n’est plus acquis, que toutes les situations peuvent être remises en cause. C’est humain.

sempe dessin bonheur

Mais ce qui est humain aussi est de savoir réagir, « prendre ses responsabilités » comme dit la langue de bois politicienne. Il s’agit en fait de voir le monde tel qu’il est et de s’adapter aux réalités. Pas forcément en démissionnant des règles et procédures élaborées pas à pas depuis longtemps, mais en les adaptant, en en créant de nouvelles.

C’est ce que refusent de comprendre une partie des syndicats, des partis politiques, des fonctionnaires, des employés, des citoyens. Oui, l’économie est désormais globalisée et il est nécessaire d’adapter notre façon de produire et ce que nous produisons pour simplement survivre : existe-t-il encore des allumeurs de réverbères ? des rempailleurs de chaise ? des chaisières dans les parcs ? Pourquoi voulez-vous que certains métiers restent les mêmes alors que tout change autour d’eux ? Pourquoi les taxis garderaient-ils leur monopole ? Pourquoi telle usine, de moins en moins rentable, ou telle raffinerie, inadaptée à la mutation anti-diesel, ne devraient-elles pas fermer ? Pourquoi tel service administratif, qui produit des règles et du papier, ne devrait-il pas être aminci, précisé et réorganisé ? Pourquoi tant de collectivités locales emboitées en poupées russes, avec à pour chacune sa bureaucratie ? Ne sommes-nous pas à l’ère du numérique où nombre de procédures peuvent s’effectuer en ligne ?

Aujourd’hui, la démocratie, la technique et le capitalisme (qui sont liés), demandent de l’autonomie, pas de l’obéissance ; de l’initiative, pas de la discipline militaire. Schumpeter a remplacé Ford. Il est nécessaire de s’affranchir des habitudes pour adapter son travail à une consommation et à des services publics de moins en moins standards (pareil pour tout le monde, montraient les magasins soviétiques avec un seul paquet de lessive sans possibilité de choix – tout le monde pareil, clamait l’Administration à la française qui ne voulait voir qu’une tête). Chacun exige aujourd’hui qu’on le considère dans sa personne particulière et pas comme un « ayant-droit » lambda ou un consommateur « de masse ». Même les téléphones portables sont customisés.

Employés du privé habitués à suivre et fonctionnaires habitués à obéir aux règles sans jamais se poser de question se trouvent perdus, renvoyés à leurs compétences et à leur autonomie – qui, justement, ne s’apprennent pas dans les écoles : le savoir-vivre, le savoir-être. L’obéissance était un confort, un art d’être conforme, une protection contre la responsabilité (c’est pas moi, c’est la règle). Aujourd’hui que la génération rebelle a enjoint chacun d’être différent – parce que l’autonomie de l’individu a progressé – il faut se distinguer ou stagner. Le statut acquis par un concours ou un premier emploi vers 20 ans n’est plus acquis : il faut prouver ses compétences année après année.

D’où la « souffrance au travail », les périodes de chômage et de reconversion, la dépression dans le couple, la « perte du lien social » que pointent tant de sociologues. Et les échappatoires vers le déni, l’alcool et les drogues, ou vers la violence, conjugale, parentale ou sociale. Ce sont tous des symptômes de cette liberté qui ne passe pas.

Il est bien loin, ce mois de mai 1968 où les forces de la jeunesse, les énergies du printemps et l’élan de la vie faisaient craquer les gaines, tomber les tabous, briser les carcans, et libérer le désir comme les initiatives ! Mai 68 a permis la libération des déterminismes : être soi-même devenait possible. Sauf que… a-t-on toujours le cœur de se regarder tel qu’on est ? Un coming out est-il personnellement libérateur ou bien socialement dangereux ? Le regard des autres est parfois fatal à l’estime de soi.

N’est-on pas mieux, au contraire, dans le nid fusionnel où tous égalent tous, grognant ensemble (pas une voix plus haute que l’autre), dormant ensemble dans le même panier formaté, tétant ensemble, en ayant-droits bien sages le même lait standard des mamelles en apparence inépuisables de l’État-providence ? (Mais qui paye ?) De Ford à Schumpeter, de la chaîne à l’innovation, le capitalisme (cette technique d’efficacité économique) s’est adapté – pas la société française. Car le Français n’aime rien tant que de se savoir à sa place, en hiérarchie et statut, là où la fonction crée l’organe (même inutile), où l’on n’est rien si l’on « n’appartient » pas : à une grande école, à un corps d’État, à telle entreprise, tel parti ou telle association d’anciens ci ou ça. Presque tous les Français rêvent d’être « président » – le plus souvent d’une insignifiante association sportive de quartier – mais ils « appartiennent », là est leur honneur, leur seule personnalité. Ils ne sont rien sans le titre, la carte ou l’uniforme. Ils ont trop peur d’être simplement eux-mêmes, tout nu face à tous les autres et au monde entier qui regarde comment ils sont foutus et comment ils s’en sortent… Hier il fallait obéir, aujourd’hui créer – cela change tout !

D’où la peur sociale : du changement, de la mondialisation, des jeunes (« qui ne sont pas comme nous » – air connu), du progrès, des autres. D’où l’angoisse intime : de ne plus être soi, de ne pas être capable, de se montrer à la hauteur, d’être submergé par des forces qui dépassent, voire par les mœurs étrangères. Les Français ne veulent pas être libres, ils veulent être égaux. Ils préfèrent appartenir que s’appartenir ; ils se disent non pas citoyens, ni producteurs, mais fonctionnaire, cheminot, profession libérale, corps des Mines, franc-maçon, socialiste… Ils ne veulent pas penser par eux-mêmes, ni décider en conscience de par leur libre-arbitre – ils préfèrent obéir aux consignes, suivre les mouvements, voter selon la ligne. Et tant pis si leur petite décision individuelle fait crever le collectif : ils se seront trompés avec tout le monde – irresponsables. Cela fait 40 ans que les politiciens, les syndicalistes, les idéologues des partis, les corps de métier, nous prouvent tous les jours que cela se passe ainsi. Mérah évitable ? – C’est pas moi, c’est la règle. Brétigny une erreur ? – C’est pas moi, c’est faute de moyens. Le chômage plus qu’ailleurs ? – C’est pas moi, ce sont les patrons, Bruxelles, l’euro, le droit du travail, les charges sociales et j’en passe – ce ne sont jamais les politiques néfastes des gouvernants, ni les règles tatillonnes et prolifiques des faiseurs de lois.

La grande peur de la liberté fait se précipiter les gouvernants dans le convenu, les fonctionnaires dans les procédures, les employés dans l’attente des ordres et les syndicats dans les manifs rituelles (aussi braillardes, voire violentes, qu’inefficaces). Quant aux pauvres en esprit, pauvres gens, inadaptés du système, paumés du changement, flemmards et profiteurs (mais oui, il y en a), ils sont laissés pour compte. Personne ne s’occupe d’eux. Ils se précipitent donc vers ce qui brille, ce qui promet, ce qui gueule plus fort : les religions, les partis extrémistes. Eux promettent protection, barrières, surveillance, souveraineté.

gamin s envoie en l air avec une gamine

Mais les autres ? Les jeunes, les ouverts, les responsables, les coopératifs (qu’ils soient californiens technologiques ou écolos de proximité) ? Ceux qui préfèrent la liberté dans les règles à l’égalité d’obéissance ? Ils existent aussi, ils sont de plus en plus nombreux comme en témoignent tous les mouvements « alternatifs » – parfois naïfs et velléitaires, mais qui prouvent une quête de neuf : Occupy Wall Street, Los indignados, Nuit debout, En avant, Rassemblement pour l’initiative citoyenne – et tout le reste.

Gageons que les perdants seront les vieux, les rigides, les privilégiés du statut. Et les gagnants seront tous les autres, à commencer par ceux qui représentent l’avenir. Cette note est loin d’être pessimiste, au contraire !  Elle fait le pari de la jeunesse, du futur, de la vie qui va et qui s’adapte. Sans cesse. Contre les vieux cons…

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Sebastian Haffner, Histoire d’un Allemand

sebastien haffner histoire d un allemand

Écrit à chaud après son exil en 1938, les souvenirs de Sebastian Haffner montrent pas à pas la montée du nazisme, non seulement dans les urnes et dans la rue, mais surtout dans les esprits et dans les cœurs. Après tout leur prise de pouvoir est « légale », après tout « ce n’est pas si terrible », après tout le parlementarisme a échoué… L’auteur, aryen de bonne famille, était magistrat stagiaire à Berlin. Mais les nazis se sont assis sur le droit comme sur le reste, pour eux, seul le « bien de la race » constitue le droit, autrement dit celui du plus fort. Tout l’héritage de Kant est balancé aux orties au profit du monstre Hegel.

Le manuscrit devait être édité à Londres en 1940 lorsque la guerre éclate ; il restera dans les tiroirs jusqu’à ce que les fils de l’auteur, à sa mort, le redécouvrent. S’il est utile aujourd’hui, c’est pour l’histoire bien sûr, mais surtout peut-être pour ce qui, dans l’histoire, se répète : la lente et progressive adaptation au pire, la fausse indignation vite assourdie par l’habitude, les liens sociaux, familiaux, nationaux qui font que l’on accepte – comme tout le monde – ce qui nous révulsait hier. Alors que la montée des nationalismes populistes et des autoritarismes tribuns monte en Europe – et en particulier en France – lire Sebastian Haffner a quelque chose de salubre. Vous ne pourrez pas dire « je ne savais pas » : tout est décrit !

Certes, la dépression des porte-monnaie due à la crise de 1929 a suivi la dépression des cœurs après la défaite de 1918, mais la montée du nazisme a été celle de la violence et de l’entre-soi, celle du Collectif contre l’individu, celle de la Revanche contre le sort déterminé par les plus forts. Le nationalisme détruit la civilisation, l’unanimisme la personne, le narcissisme l’humanité. Qui serait immunisé contre la capitulation morale ? Les Russes avec Poutine ? Les Turcs avec Erdogan ? Les Américains avec Trump ? Les Français avec Mélenchon ou Le Pen ? Allons donc !…

Tout commence avec la plus grosse Connerie européenne : la guerre de 14, tant vantée par nos politiciens avides de rassembler autour de leurs petites personnes. « La guerre est un grand jeu excitant, passionnant, dans lequel les nations s’affrontent ; elle procure des distractions substantielles et des émotions plus délectables que tout ce que peut offrir la paix : voilà ce qu’éprouvèrent quotidiennement, de 1914 à 1918, dix générations d’écoliers allemands. Cette vision positive est la base même du nazisme » p.35. L’auteur avait 7 ans en 1914, 11 ans en 1918. Aujourd’hui l’euro de foot provoque ce genre d’exaltation malsaine chez les immatures, qui peut vite tourner à la xénophobie nationaliste chez les jeunes adultes. Et il suffit à Poutine, Erdogan ou à certains politiciens français de désigner un bouc émissaire, en cas d’attentats sur le sol national, pour ressouder les nationaux contre les allogènes.

Tout continue avec la lâcheté sociale : « Le courage civique – c’est-à-dire le courage de décider soi-même en toute responsabilité – est d’ailleurs une vertu rare en Allemagne, comme Bismarck le remarquait déjà dans une formule célèbre. Mais cette vertu fait totalement défaut à l’Allemand dès lors qu’il endosse un uniforme » p.65. Il suffit aujourd’hui en France de donner un uniforme à n’importe quel petit-bourgeois pour qu’il se croie investi d’une mission quasi divine : il se sent l’État tout entier. Le guichet de SS ou le flic imbu du Règlement n’ont pas changé depuis M. Hitler.

Et la Grande dépression économique due aux suites du krach boursier puis financier de 1929 à Wall Street, a bouleversé les fortunes : « Les jeunes et les petits malins se portaient bien. D’un jour à l’autre ils se retrouvaient libres, riches, indépendants. La conjoncture affamait et punissait de mort les esprits lents et ceux qui se fiaient à leur expérience, et récompensaient d’une fortune subite la rapidité et l’impulsivité (…) La concupiscence régnait dans une atmosphère de carnaval généralisée » p.90. Qui ne verra aucun rapport avec l’époque contemporaine, la crise de 2008, l’essor des start-up et l’histrionisme à la Dieudonné ou Hanouna ?

L’époque des grandes fois collectives a laissé la place au débat politique dispersé : « environ vingt classes d’âge, les jeunes et les très jeunes, avaient eu l’habitude de voir la sphère publique leur livrer gratuitement la matière première de leurs émois véritables – amour, haine, allégresse et deuil (…) Maintenant que cette livraison cessait, ils se retrouvaient désemparés, appauvris, déçus et ennuyés. Ils n’avaient jamais appris à vivre sur leurs réserves, à organiser leur petite vie privée pour qu’elle soit grande, belle et féconde ; ils ne savaient pas en profiter, ignoraient ce qui en fait l’intérêt. C’est pourquoi ils ne ressentirent pas la fin des tensions publiques et le retour de la liberté privée comme un cadeau, mais comme une frustration. Ils commencèrent à s’ennuyer, ils eurent des idées stupides, ils se mirent à ronchonner – et pour finir à appeler avidement de leurs vœux la première perturbation, le premier revers ou le premier incident qui leur permettrait de liquider la paix pour démarrer une nouvelle aventure collective » p.108. De nos jours, après la Résistance, le communisme, l’anticolonialisme et le gauchisme hippie-écolo de 1968, la perte de sens affecte toute une génération. Se réfugier dans le fusionnel par peur de sa liberté est le recours le plus fréquent, que ce soit dans « la musique » (les raves), le militantisme botté (les Black blocs, la CGT, les Bonnets rouges), la religion intégriste (salafistes), voire la destruction pure et simple (hooligans et casseurs). Retrouver « la souveraineté » est pour les politiciens la version édulcorée de cette même peur de liberté : l’identité traditionnelle rassure quand on ne sait pas la faire vivre.

En politique, 1930 voit un tournant : ce qu’on appelle aujourd’hui la démocrature. « A ma connaissance, le régime de Brüning [devenu chancelier] a été la première esquisse et pour ainsi dire la maquette d’une forme de gouvernement qui a été imitée depuis dans de nombreux pays d’Europe : une semi-dictature au nom de la démocratie et pour empêcher une dictature véritable » p.133. Le recours aujourd’hui à l’autoritarisme jacobin à gauche, ou aux ordonnances à droite, n’est-elle pas cette sorte de procédé au nom du Salut national ? « C’est un système qui décourage ses propres adeptes, sape ses propres positions, accoutume à la privation de liberté, se montre incapable d’opposer à la propagande ennemie une défense fondée sur des idées, abandonne l’initiative à ses adversaires et finalement renonce au moment où la situation aboutit à une épreuve de force » p.134. Il faut bien distinguer le passage en force du 49-3 et le résultat du référendum à Notre-Dame des Landes : dans le premier cas il s’agit de diktat d’État, dans l’autre de démocratie directe. Les opposants dans les deux cas feraient bien de faire la distinction !

Les citoyens, déboussolés et un brin indignés, s’adaptent progressivement : « On se mit à participer – d’abord par crainte. Puis, s’étant mis à participer, on ne voulut plus que ce fut par crainte, motivation vile et méprisable. Si bien qu’on adopta après coup l’état d’esprit convenable. C’est là le schéma mental de la victoire de la révolution national-socialiste » p.194. Ceux qui viennent, à petits pas, sur les positions extrêmes, lepénistes ou mélenchonienne, obéissent à ce schéma de fascination-répulsion qui fait des otages les meilleurs serviteurs de leurs bourreaux (on l’appelle le syndrome de Stockholm).

D’autant que les habitudes de la vie matérielle et bourgeoise inhibent toute révolte : il faut n’avoir rien à perdre pour se mettre en jeu tout entier ! « La sécurité, la durée ne se trouvent souvent que dans la routine quotidienne. A côté, c’est tout de suite la jungle. Tout Européen du XXe siècle le ressent confusément avec angoisse. C’est pourquoi il hésite à entreprendre quoi que ce soit qui pourrait le faire dérailler – une action hardie, inhabituelle, dont lui seul aurait pris l’initiative. D’où la possibilité de ces immenses catastrophes affectant la civilisation, telle que la domination nazie en Allemagne » p.207. Le père de l’auteur, juriste humaniste, a dû remplir un questionnaire humiliant sur ses appartenances, race et croyances, pour conserver sa pension de retraite ; il a hésité trois jours… puis s’y est résigné. Les Russes s’habituent à Poutine, les Turcs à Erdogan – et ils en redemandent. Demain les Français pourront s’habituer tout autant à qui viendra les commander.

Surtout si l’État met en scène la fusion collective, « cette camaraderie qui peut devenir un des plus terribles instruments de la déshumanisation – et qui le sont devenus entre les mains des nazis. (…) La camaraderie est partie intégrante de la guerre. Comme l’alcool, elle soutient et réconforte les hommes soumis à des conditions de vie inhumaines. Elle rend supportable l’insupportable. Elle aide à surmonter la mort, la souffrance, la désolation. Elle anesthésie. (…) Mais (…) recherchée et cultivée pour elle-même, pour le plaisir et l’oubli, elle devient un vice. Et qu’elle rende heureux pour un moment n’y change absolument rien. Elle corrompt l’homme, elle le déprave plus que ne le font l’alcool et l’opium. Elle le rend inapte à une vie personnelle, responsable et civilisée. Elle est proprement un instrument de décivilisation » p.418. Les manifs braillardes, les dégradeurs des permanences CFDT, les hooligans du foot, les djihadistes de Daech, tout ce qui veut le fusionnel au détriment de la personne avilit – et prépare au fascisme. « La camaraderie ne souffre pas la discussion : c’est une solution chimique dans laquelle la discussion vire aussitôt à la chicane et au conflit, et devient un péché mortel. C’est un terrain fatal à la pensée, favorable aux seuls schémas collectifs de l’espèce la plus triviale et auquel nul ne peut échapper car vouloir s’y soustraire reviendrait à se mettre au ban de la camaraderie » p.421.

Les huit causes du nazisme, pointées à chaud par Sebastian Haffner sont toujours présentes… Ne croyons pas que l’histoire ne repasse pas les plats : les êtres humains restent les mêmes, avec les mêmes schémas mentaux et les mêmes réactions viscérales. Soumission de Houellebecq avait un ancêtre : Histoire d’un Allemand de Haffner.

Pour savoir ce qui peut nous arriver prochainement, il faut lire ce livre.

Sebastian Haffner, Histoire d’un Allemand – souvenirs 1914-1933, 1939, publié en 2000 et complété en 2002, poche Babel 2004, 437 pages, €9.70

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Vote obligatoire et socialisme autoritaire

On connaissait le socialisme des imbéciles, on sait l’échec du socialisme « réel », on croyait arrivé le normal-socialisme, on déplorait la moraline socialiste, on se moquait facilement de la gauche bobo, on savait pourtant que la gauche avait lâché le peuple, on comparait la régression socialiste en Chine et en France, on remettait en perspective dans l’histoire le social-individualisme, on pointait clairement l’ignorance socialiste du droit, on remarquait que la gauche morale se raccrochait aux branches – mais on avait oublié le socialisme autoritaire !

Car le socialisme à la française déteste la liberté.

Laisser aux gens le droit ou – pire ! – la « possibilité » de faire comme bon leur semble est inadmissible pour les missionnaires de la Vérité révélée du Progrès en marche vers l’Égalité pure et parfaite de l’Avenir radieux. Ne riez pas, telle est la croyance des socialistes, une véritable religion si vous creusez un peu.

Ainsi à la Mairie de Paris où l’ineffable Christophe Girard sous la houlette Hidalgo force les noms de rues politiquement corrects – par seule croyance idéologique – dans l’ignorance de la réalité des gens et de l’histoire.

Ainsi chez Renault : l’État entreprend de monter sa participation pour « forcer » (démocratiquement…) les actionnaires à consentir au droit de vote double pour ceux qui restent 2 ans. Y aurait-il en socialisme de « plus égaux » que les autres ?

Ainsi avec la loi sur le Renseignement où, sous prétexte de « terrorisme » (sur lequel tout le monde est d’accord), on va offrir la possibilité aux fonctionnaires de capter les informations de tout le monde, en tous lieux, pour toutes raisons de soupçons – et cela sans le contrôle du pouvoir judiciaire. Seuls des fonctionnaires « contrôleront » les fonctionnaires ! La dérive en « police politique » sera aisée – même si (pour l’instant) nous ne créditons pas ce gouvernement d’y viser. Mais est-ce prudent de laisser une grenade dégoupillée dans les mains de n’importe qui ? Surtout dans le futur.

Mais ne voilà-t-il pas surtout que, sur ordre de l’Olympe socialiste (qui vit aux Champs-Élysées pour ceux qui connaissent encore un peu ce grec que Belkacem veut éradiquer), Claude Bartolone vient de pondre un rapport (vite sorti et pensé légèrement) pour forcer les Français à aller voter à chaque élection ?

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Votez sous peine d’amende !

Le « vote obligatoire » serait-il la panacée aux inepties de doctrine, au ministères du discours opposés aux ministères de gouvernement, aux lâchetés politiques, aux démissions de l’Éducation nationale confite en syndicats « réactionnaires » de gauche pour qui il ne faut surtout RIEN changer, aux mensonges les yeux dans les yeux des électeurs, à la médiocrité des candidats aux élections… On croit rêver : la fraternité socialiste « réalisée » serait décrétée d’État par l’usage d’un « droit » dont on ferait une obligation légale par la contrainte de la force publique. Comme sous feu le maréchal Staline.

En démocratie, la liberté prime l’État. Si c’est l’inverse, nous sommes dans un État totalitaire, absolument pas en démocratie, se décrétât-elle « populaire ». Le rêve du socialisme est le vieux rêve léniniste (qui n’était pas marxiste, l’ayant tordu à sa sauce activiste) : que tout fonctionne « à la manière de la Poste », du haut en bas, jugulaire-jugulaire. Un vrai fantasme administratif de fils d’ouvrier agricole autoritaire, formé aux épures matheuses niveau basique.

La Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, grand mythe fondateur de la gauche croit-on, proclame pourtant clairement en son article 2 : « Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. » Ou encore, en son article 5 : « La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. » Conçoit-on que « le vote » soit une nuisance à la Société s’il n’est pas exercé ? Il n’est pas écrit que tous les citoyens ont l’obligation, ni même le devoir, mais que « Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants » (article 6). Vous avez bien lu « droit » ! Rien de plus. Rien de l’obligation soviétique d’aller voter, par exemple…

C’était l’exigence des Lumières de convaincre les gens par la Raison. Ce devoir est bien mal rempli par un parti qui se proclame « de gauche » sans le prouver, qui promet monts et merveilles mais gouverne comme la droite précédente, qui se veut « normal » c’est-à-dire aussi mou et paresseux que sous Chirac, le charme personnel en moins mais le mensonge sur les « promesses » en pire. Le socialisme ne parvient pas à convaincre ? Changez de socialisme ! Les autres peuples européens l’ont fait et s’en portent très bien.

Non, en France on veut plutôt changer le peuple. Le socialiste ne se remet jamais en question, vieux tropisme catholique-romain mâtiné de machisme latin qui veut que le plus sage et le plus avisé soit le plus vieux et le plus puissant – comme si nous étions encore dans un groupe de singes. Or « la démocratie » implique la participation. Et l’on ne fait pas « participer » le peuple simplement en lui demandant d’approuver, ni en le forçant à élire les candidats socialistes.

Mais ni la religion d’État (ce laïcard-socialisme issu tout droit du catholicisme social), ni l’éducation « nationale » du tous-pareils notés sur vingt, ne préparent le peuple à participer, faute de savoir s’exprimer autrement qu’en gueulant avec 300 mots ou en cassant lors des manifs et, pour les plus évolués, en boudant lors de « grèves » aussi interminables que floues. Quand on n’apprend pas à développer cet élément de base des droits de l’Homme qu’est « l’expression » (sans laquelle le « droit d’expression » se résume à des coups, des borborygmes ou des balles de kalachnikov), comment oser exiger des citoyens qu’ils viennent « participer » ?

Plutôt que de rendre le vote obligatoire, proposez de rendre l’expression orale et écrite obligatoire dans les écoles, Monsieur le président de l’Assemblée nationale !

Ouvrez les débats citoyens, les référendums d’initiative populaire, abaissez le droit de vote à 16 ans avec éducation au droit à l’école, forcez au non-cumul des mandats pour que les élus soient vraiment au service des électeurs, développez le contrôle des élus par les citoyens.

C’est ce que demandaient Los Indignados en Espagne : « Ce que nous réclamons, c’est que le Gouvernement établisse des mécanismes pour que les gens puissent contrôler ce que font les hommes politiques. Actuellement, en dehors du vote, il n’y a pas de moyen de le faire et les élus ont carte blanche toute la durée de leur mandat. »

C’est aussi, plus simplement, ce que préconise Pierre Rosanvallon dans un livre de 2008 déjà, ancien syndicaliste de gauche proche du socialisme. Mais c’est probablement trop fort pour Monsieur Bartolone, qui n’a peut-être jamais eu le temps de le lire, ni de le penser par lui-même.

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Certes, des arguments sensés existent, et le vote obligatoire est pratiqué sous des régimes tels que la Belgique, la Grèce, le Costa Rica, le Brésil et la Turquie… mais constate-t-on que la politique se porte mieux dans ces pays ?… Au contraire, l’Australie et les Pays-Bas sont revenus sur une telle obligation : cela ne voudrait-il rien dire ? Un socialiste français se croit-il plus intelligent ou plus avisé que les autres ? Ou se défausse-t-il de ses carences sur le commode bouc émissaire de l’abstention – sans s’interroger sur son pourquoi ?

Disons-le tout net : le vote obligatoire n’est pas démocratique. C’est la subversion d’un droit en contrainte. C’est le recul de la liberté au profit de quelques-uns, ceux qui se croient investis d’une mission de sauver les électeurs malgré eux, les considérant comme des immatures, ouvriers, infantiles. Ce sont en effet parmi ces catégories que l’on trouve le plus d’abstention, dit-on.

Il s’agit donc bien d’éducation et de formation, d’intérêt pour les candidats, de conviction que son vote peut influer sur le cours des choses : pas de paresse ni de refus d’être un citoyen. D’ailleurs, l’abstention est-elle grande aux élections présidentielles ou au municipales ? Non, bien sûr, parce que les électeurs voient directement leur intérêt personnel direct dans de telles élections. À l’inverse des dernières « départementales » où personne ne savait plus à quoi va servir un département, censé disparaître en 2021 selon Valls – quand même Premier ministre. Il s’agit donc de séduire, pas de punir ! Et de proposer des urnes désirables – où les promesses se réalisent ou ne sont pas proférées à la légère.

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Si la proposition de loi est votée par une Assemblée à la botte, l’inévitable va se produire :

  • la « résistance » d’une grande partie de la population qui préférera payer l’amende (à condition qu’il y ait assez de flics pour les y forcer) – se défaussant par l’argent du devoir civique (bel exemple de « socialisme » !)
  • le « tant pis pour vous ! » d’une autre partie de la population qui fera exprès de voter populiste ou extrémiste – ou qui systématiquement va sortir les sortants
  • la manifestation plus grande qu’auparavant du vote blanc (enveloppe vide ou papier vierge) ou du vote nul (injures gribouillées sur le bulletin du candidat) – en ce cas : pourra-t-on encore « ignorer » le vote blanc ?

Il faudrait la voir la tête du Bartolone lorsqu’il se verra « élu » par seulement 13 ou 15% des électeurs inscrits… Son « mandat » sera-t-il légitime ? Pourra-t-il toujours prétendre agir pour le bien de tous, si ces tous se réduisent à presque rien ? Il y a décidément de vraies têtes de linotte dans le socialisme à la française. Et un vieux tropisme autoritaire qui ferait bien préférer l’original à la copie.

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The Last Mandela Day

Hommage au Little Big Man africain, ce grand petit homme qui aimait les êtres humains et qui n’a jamais cessé de tenter de s’améliorer par lui-même.

gamin imitant mandela

Leçon 1 : la liberté passe par la connaissance de soi, donc par l’éducation – surtout celle du caractère.

Leçon 2 : pour « changer le monde », il faut d’abord et avant tout se changer soi. C’est par l’exemple que l’on est légitime, pas par les braillements de tribune ou le grégarisme niveau zéro des manifs.

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Le malentendu Mélenchon

La France vaniteuse et légère encense un mouton noir parmi une pléthore de moutons blancs en costume-cravate. L’inverse de l’Italie où la population comme la classe politique ont pris conscience de la gravité de la crise, après des années d’illusionnisme Berlusconi. Jean-Luc Mélenchon veut tout et son contraire ; il le tonitrue en brandissant le drapeau rouge des traditions. Dans ce folklore, beaucoup se reconnaissent… mais ils sont trop différents pour jamais s’amalgamer. Mélenchon pratique la politique « à l’ancienne », comme on le dit de l’andouillette ; mais ses partisans sont pour la plupart des jeunes, libertaires anarchistes – uniquement dans le présent.

La raison du bouffon

Les protestataires ne manquent pas dans les pays occidentaux depuis que sévit la crise. Les États-Unis de Bush et de Goldman Sachs ne sont décidément plus un modèle, aussi stupides dans la confrontation des cultures que dans la gestion de l’économie. L’Europe de l’Union est un gros « machin » impuissant qui doit prendre la moindre décision à 27 sans qu’il y ait une quelconque homogénéité. L’Eurozone est une union pratique plus efficace, mais dont le volet de convergence économique et fiscale a été laissé en déshérence par les politiciens de droite comme de gauche depuis Maastricht (1992). Les populations, dopées à l’endettement cigale, se sont trouvées fort dépourvue lorsque la bise fut venue. Elles se croyaient maîtresses du monde, plus avancées moralement, mieux expertes en gestion économique et en innovations… et patatras ! Voilà que l’Inde et la Chine, le Brésil et l’Afrique du sud, commencent à leur tailler des croupières. Certains s’en sortent, avec patience et discipline, conduisant des réformes pour s’adapter dans la durée : la Suède, le Danemark, le Canada, l’Allemagne… D’autres s’effondrent, comme feu l’empire romain : tous les pays riverains de la Méditerranée, dont peut-être la France.

Il y a donc partout des protestataires de l’austérité, du ressentiment contre la finance internationale, les banques, les politiciens en place. Ce sont les Grecs en résistance, les Indignés, les Pirates… et les Mélenchoniens. Car la gauche radicale a régulièrement échoué à rassembler les revendications populaires depuis des décennies. Trop intello, trop hédoniste, trop alter, trop écolo… Mélenchon a le talent de faire croire qu’il gagne, alors qu’il rassemble à peine plus que le total des voix de gauche extrême à chaque élection. Mais il remplit la fonction tribunicienne hier tenue par Georges Marchais puis par Jean-Marie Le Pen. Les proximités sont plus proches que l’on croit. Jean-Luc, comme Jean-Marie, fait haine ; les deux sont des enfants élevés sans père, comme Merah. La crise exacerbe les tensions, pousse donc les partis à la radicalité, ce pourquoi Sarkozy assume la droite, le centre avec Bayrou implose et Hollande flageole. Arrive qui ? La grande gueule « de gauche », franc-maçon que « tout le monde » attend, des bobos intellos aux profs stakhanovistes, et des fonctionnaires moyens aux jeunes en rupture, souvent ouvriers non qualifiés « grâce » à notre merveilleux système scolaire : sénateur socialiste, ex-ministre de Jospin et député européen Mélenchon !

Dans sa bio soigneusement repeignée sur Wikipedia, on apprend que le politicien du peuple a peut-être travailloté comme ouvrier durant ses études (arrêtées à la licence, juste avant les années recherche personnelle), mais qu’il a surtout été élu depuis 1983. A-t-il jamais effectué son service militaire, année « citoyenne » s’il en était ? Silence sur le sujet… Il vit de la politique, est payé par la politique, ne produit que de la politique depuis 30 ans. Que connaît-il du « vrai » monde du travail, de l’entreprise, de la production ? Affectif au point de prendre les expressions des masques nô, licencié de philo, un temps prof, vaguement journaliste, il préfère les grands mots. La révolution, le peuple, l’avenir, la dignité, le citoyen, ça fait bien. Ça chante dans les manifs et les meetings.

Mais pour réaliser quoi ?

Augmenter le SMIC, baisser l’âge de la retraite, distribuer du pouvoir d’achat… mais rester dans l’euro. Comment donc financer la dette abyssale sans les grands méchants marchés financiers ? « Je prends tout » aux riches est un slogan facile, qui ne se réalise qu’une fois s’il advient. Mais alors, plus d’entrepreneurs au-dessus de l’artisan, plus de financement extérieur, plus de convergence européenne – et certainement plus d’euro ! Il faut savoir ce qu’on veut : ou un programme coréen du nord (fermer les frontières et imposer l’égalité par la force) – ou un programme coréen du sud (ouvert au monde et compromis avec les forces mondiales, négociations avec les partenaires européens, et l’enrichissement personnel qui est la seule source du progrès – tous les pays du socialisme « réel » l’ont parfaitement montré).

L’insurrection civique, cela fait joli, mais concrètement ? Qui va canaliser ce vaste foutoir défouloir soixantuitard pour le traduire en intérêt collectif ? Un parti d’avant-garde ? Un leader maximo ? Un néo-Chavez ? Mélenchon se garde bien de trancher, lui qui admire tant Chavez que Morales, lui qui méprise les langues régionales et encense la politique du PC chinois colonisant le Tibet. Autoritaire, centralisateur, jacobin. Ses héros sont Robespierre et Saint-Just, grands humanistes français comme chacun sait. Quand la raison délire, elle n’atteint pas que la finance : sûre du Vrai, du Bon, du Bien, elle cherche à l’imposer à tous, malgré les résistances et les différences. Cela donne le rasoir républicain, la mission coloniale, le j’veux voir qu’une tête ! de l’administration à la française, le communisme léniniste, la Tcheka de Trostki, l’apanage Castro ou Kadhafi… Rien de ce que désire vraiment la base électorale du PDG, ce parti Mélenchon au sigle curieux pour des anticapitalistes.

Pour le comprendre, il faut aller voir ailleurs

Si l’on regarde aux États-Unis, la sociologie électorale montre un divorce croissant entre Boomers et Millenials. Les Boomers sont la génération baby-boom, nés entre 1946 et 1964, majoritairement Blancs anglo-saxons protestants et éduqués. Les Millenials sont la génération portable-mobile-internet-jeux vidéo, nés entre 1980 et 2000, beaucoup plus multiculturels, moins éduqués et racialement divers. Les premiers prennent leur retraite, les seconds entrent dans la vie active. La politique va en être changée. Les communicants agacent, puisqu’ils n’en savent pas plus que le citoyen lambda au vu des années Bush qui vont des attentats du 11-Septembre à la crise financière, en passant par l’occupation de l’Irak. L’Amérique, florissante sous Clinton, est en ruine lorsqu’arrive Obama. Que veulent les Millénials ? Revenir aux valeurs de l’Amérique, au self-made man et à l’esprit novateur. Mais avec plus d’État qui règle (et moins de politiciens). Cela donne à gauche Occupy Wall Street et à droite les Tea parties. Tout cela très libertarien…

Si l’on regarde en Allemagne, voici que monte le parti Pirate, qui entre aux parlements régionaux de Berlin et de Sarre. Il allie les alter, les Verts, les geeks et les protestataires. Tous militent pour la libéralisation d’Internet et leur seul programme est « méfiance » envers les politiciens. Leur insurrection civique consiste à prôner la transparence de tous les débats politiques et sociaux via le net. L’approfondissement du libéralisme vers l’anarchie plutôt que la centralisation bismarckienne…

Si l’on regarde en Espagne, Los Indignados pacifiques et vaguement hippies se radicalisent, aidés par les Black Blocs aux marteaux brise-vitrines. Anarchistes, antimondialistes, égalitaires et libertaires, ils sont contre la contrainte financière, les puissances anonymes et pour reconquérir la politique. Pas vraiment jacobins !…

En tout cela, un point commun : l’hyper individualisme postmoderne. Mélenchon, avec ses revendications collectivistes à l’ancienne fait vieux ringard face à ces courants. Le système politique doit se restructurer, la liberté personnelle est cruciale, l’exigence de participation citoyenne plus criante comme l’avait déjà montré en 2007 Pierre Rosanvallon. Les partis traditionnels échouent à convaincre. En cela Mélenchon a raison d’appeler à faire de la politique autrement… mais pas comme il la voudrait, pourtant.

Le malentendu

Quand on est né en 1951 on n’est plus vraiment jeune, bien qu’empli de ressentiment envers l’autorité parce que le père a divorcé quand il avait 11 ans, parce que le PS l’a « humilié » en donnant un faible score à son courant. Quand on a occupé depuis trente ans les fromages de la République, nanti d’un patrimoine frisant l’ISF et d’un revenu égal à cinq SMIC. Quand on a voté oui à Maastricht et qu’on reste député européen. Quand on se dit trotskiste lambertiste (dont une fraction a soutenu Marcel Déat en 1941, socialiste autoritaire devenu collabo parce qu’antilibéral et anti-anglais, ministre du Travail de Pétain). Quand on est pétri de toutes ces contradictions, comment convaincre dans la durée ? Le rassemblement des mélenchonistes apparaît bien hétéroclite : geeks du divertissement immédiat qui admirent le bouffon comme naguère Coluche ; bobos du « pas assez à gauche ma chère » de 2002 qui ont éjecté Jospin sans même y penser au profit de Le Pen pour le second tour ; nostalgiques de leur jeunesse gauchiste 68 bien enfuie ; volontaristes politiques qui croient encore qu’il suffit de dire « je décide » ; écolos militants qui prônent l’austérité morale ; cégétistes anars qui vivent la lutte des classes à ras d’usine ; militants organisés du parti communiste qui veulent recycler leur méthode…

Il y a une vraie interrogation sur la politique. Elle a été portée par Ségolène Royal en 2007, par les Verts de Cohn-Bendit aux dernières Européennes de 2009 et, hors de France, par le mouvement Occupy Wall Street, les Grecs en résistance, Los Indignados et les Pirates – sans parler de l’humoriste élu maire de Reykjavik en Islande. De la transparence, de la participation, du libertaire : loin, très loin, de Mélenchon ! Qu’il soit à la mode est-il un effet de la société du spectacle ? Son « message » une communication de plus ? Un malentendu ?

Au fond, à qui profite le crime ?

Mais à bon entendeur… La montée Mélenchon profite à Nicolas Sarkozy : tout comme François Mitterrand avait excité le Front national pour faire perdre la droite, tout comme la gauche caviar avait snobé Jospin pour faire advenir Le Pen en avril 2002, la surenchère Mélenchon repousse le centre vers Nicolas Sarkozy au détriment de François Hollande. Et qu’on ne vienne pas m’objecter qu’au second tour ce petit monde va se rallier : avez-vous jamais vu des têtes de linotte penser au-delà du présent immédiat ? C’est l’abstention à gauche qui va gagner, avec la surenchère ; à l’inverse la droite va se ressouder contre le gauchisme Robespierre. Sarkozy pourrait gagner : n’est-ce pas la stratégie du billard, encouragée en sous-main par les ex-UMP qui se disent « impressionnés » par le Mélenchon ?

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Pierre de l’Estoile, A Paris pendant les guerres de religion

On ne trouve plus ce livre que chez les bouquinistes, tant les Français préfèrent l’illusion du roman ou le prêt-à-penser histrion aux faits observés. Ce livre ne date pourtant que de 2007, l’année où Sarkozy devint Président. Il était d’actualité à l’époque, tant le gauchisme mystique répandait ses libelles contre le Hongrois comme hier la Ligue catholique contre le Béarnais. Cette époque pourrait bien ressurgir, d’où l’intérêt d’aller regarder l’histoire d’il y a quatre siècles.

Car, au fond, les Parisiens n’ont pas changé. Toujours badauds, naïfs, prêts à croire n’importe quel prêcheur armé de la logique cléricale, amoureux des processions et autres manifs fusionnelles où l’on se sent fort dans sa bêtise, ce qui compense de sa médiocrité, volontiers poussés à piller du moment qu’il s’agit de faire rendre gorge à ceux qui ont réussi mieux qu’eux, voire à violer si c’est en bande et en toute impunité.

Pierre de l’Estoile était audiencier au Parlement de Paris, de petite noblesse de robe, mais de robe longue qui décide, pas un mercenaire de robe courte qui exécute. Ces distinctions avaient alors autant d’importance qu’aujourd’hui la thèse ou le diplôme de grande école. Il a durant des années de désordre, collecté les libelles et graffitis qui couvraient les murs de Paris contre le roi Henri III et ses mignons, puis contre le roi potentiel Henri IV, hérétique. Il en a fait un recueil où il intervient peu, disant les faits tels qu’ils lui sont rapportés ou qu’il a observés. Même les plus absurdes, par exemple : « Le samedi 5 de ce mois [décembre 1592] fut brûlé, place de Grève à Paris, un jeune garçon âgé de dix-sept ans qui avait engrossé une vache, de laquelle était sorti un monstre moitié homme moitié veau. Le contenu de cette accusation fut modifiée, pour l’énormité du fait » p.94.

Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage et la déferlante stalinienne de gauche n’a pas montré plus d’intelligence civilisée que les gueux de la Ligue, quatre siècles avant eux. Autre exemple : les mignons. Tout le monde croit qu’il s’agit de pédés que le roi fêtard et insoucieux de religion mettait chaque soir dans son lit. En réalité, les mignons étaient les favoris, ses meilleurs amis en qui le roi avait confiance. Aujourd’hui on appelle son « péché mignon » la chose qu’on préfère. Le mot n’avait donc pas le sens perverti qu’il a pris durant ces années d’intégrisme catholique. Les serviteurs zélés du roi ne pouvaient être pris parmi la grande noblesse, qui soutenait la Ligue pour mieux être roi. C’est donc dans la noblesse seconde que le roi régnant choisissait cette élite. Leur raffinement était réel, mais pour se distinguer de la brute épaisse qu’était trop souvent le noble de province, sale, ignorant et crotté, et qui s’en faisait gloire comme voué au culte des armes par fonction héréditaire. Les mignons sont donc les hauts fonctionnaires de l’époque, dont la modernité s’inspirait de la Renaissance italienne plutôt que de la glèbe terreuse.

C’est que les intellos d’époque à Paris n’étaient ni des plus savants ni des plus ouverts, on dirait aujourd’hui « scientifiques ». « En ce même temps, la Sorbonne et la faculté de théologie, comme porte-enseignes et trompettes de la sédition, déclarèrent et publièrent, à Paris, que tout le peuple et tous les sujets de ce royaume étaient absous du serment de fidélité et d’obéissance qu’ils avaient juré à Henri de Valois, naguère leur roi. (…) Ils firent entendre à ce furieux peuple qu’en saine conscience il pouvait s’unir, s’armer et contribuer en deniers, afin de lui faire la guerre ainsi qu’à un tyran exécrable qui avait violé la foi publique, au notoire préjudice et au mépris de leur sainte foi catholique et romaine et de l’assemblée des états de ce royaume » p.244. Ce procès en hérésie ressemble fort aux appels à la « résistance » de toute une frange de gauche – souvent universitaire – qui ne jure que par la doxa marxiste, accusant le Président élu d’être hérétique de violer la Charte de 1945 ou de saper l’État-providence.

A chaque mouvement social, le peuple adore défiler en troupe, en ligue, en procession, de 1589 à aujourd’hui. « Entre autres, il s’en fit une d’environ six cents écoliers, pris de tous les collèges et endroits de l’Université, la plupart n’ayant atteint l’âge de dix ou douze ans au plus. Ils marchèrent nus, en chemise et les pieds nus, portant dans leurs mains des cierges ardents de cire blanche et chantant bien dévotement et mélodieusement (mais quelquefois de manière bien discordante), tant par les rues que par les églises… » p.246.

C’est que la conception du monde est quelque chose de sérieux. Le rire est diabolique et les grands personnages se doivent d’arborer cette tronche sévère, sourcils froncés, qui disent tout le sérieux qu’ils prennent en la foi. Hier catholique, aujourd’hui socialiste, rien de change. François Hollande a vu sa cote de popularité remonter début 2010 parce qu’il avait cessé de sourire, calquant Martine Aubry et autres Moscovici qui font toujours la gueule. « A Paris, il était alors dangereux de rire, à quelque occasion que ce fut, car ceux qui portaient seulement le visage un peu gai étaient tenus pour Politiques ou Royaux. Comme tels ils couraient la fortune parce que les curés et les prédicateurs avertissaient d’y prendre garde et criaient qu’il fallait se saisir de tous ceux qu’on verrait rire et se réjouir » p.272. Le rire, c’est la liberté ; l’inquisition de toute religion, catholique, islamique ou marxiste, voit dans la liberté le Mal parce qu’elle délivre de la foi obligatoire, de la vérité révélée et donc du pouvoir de ses clercs. Albert Camus fustigeait déjà « la France haineuse » des normalesupiens et autres sartreux staliniens.

Les métaphores elles-mêmes n’ont pas changé en quatre siècles ! La gauche nous fait souvent le coup du renard libre dans le poulailler libre, image qui ne veut rien dire car si les poules sont libres elles ne vivent certes pas en poulailler ! Pierre de l’Estoile cite les ligueux contre le roi hérétique : « Badauds que vous êtes, qui ne savez pas que ce vieux loup fait le renard uniquement pour entrer et manger les poules ! » p.416. La mauvaise foi fait feu de tout bois sans honte de violer la logique et plus c’est gros, plus ça passe (disait Goebbels, repris avec avidité par Staline).

Comme quoi la badauderie parisienne retombe toujours dans ses vieilles ornières qui s’appellent crédulité, respect envers les gueulards, dévotion envers les clercs de quelque religion qu’ils représentent, préférence pour la foule qui permet tout et dont l’aspect fusionnel est confondu volontiers par les Français avec « la démocratie ». Gageons que la campagne qui commence verra autant d’outrances et de stupidités avant qu’Henri IV ne mette tout le monde d’accord en collant carrément la poule de la métaphore dans les pots de tous.

Pierre de l’Estoile, A Paris pendant les guerres de religion, 1611, présenté, annoté et mis en français moderne par Philippe Papin, Arléa, 2007, 559 pages, €5.00

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Que nous disent ‘los indignados’ ?

Les indignés espagnols initient depuis quelques semaines une façon neuve de faire de la politique : l’insurrection pacifique des non syndiqués sans-partis et au chômage. Cette jeunesse est rafraichissante, bien plus que les braillards idéologues de nos avenues pavées qui scandent du Marx ou du Guevara (sauf le mercredi et pendant les vacances) – puis s’empressent de se poser en intellos sur France Culture et dans Libération une fois leurs études passées.

Indignation : colère envers ce qui heurte la conscience morale, contre les politiciens indignes de confiance dont la légitimité apparaît imméritée. La colère n’est pas le ressentiment, elle a à voir avec la dignité et la justice, pas avec la haine sociale née de l’envie. Le ressentiment veut détruire un système, une classe et des gens haïs en faisant table rase ; la colère veut faire lever un nouvel avenir rectifié en participant à son élaboration. C’est bien la différence entre los indignados espagnols (ou la révolte arabe) – et nos intellos en herbe.

Cet écart, Victor Hugo cité par le Robert l’a démontré : « on n’est indigné que lorsqu’on a raison ». Les Français dans la rue ont des certitudes à la Hugo, le sentiment de détenir l’ultime Vérité – pas los indignados des places espagnoles. D’ailleurs les manifs parisiennes avancent, s’écoulent, cassent des vitrines en queue pour piller – pas les manifs espagnoles qui s’installent, statiques, en des lieux symboliques. Les théoriciens gauchistes ont déjà la société utopique toute prête dans leur tête, pas les pragmatiques indignés qui disent seulement ‘on est là et il faut compter avec nous’.

Carlos Paredes, entrepreneur espagnol associé d’une micro-entreprise d’informatique, explique à MyEurop pourquoi un tel mouvement spontané : « Ce que nous réclamons, c’est que le Gouvernement établisse des mécanismes pour que les gens puissent contrôler ce que font les hommes politiques. Actuellement, en dehors du vote, il n’y a pas de moyen de le faire et les élus ont carte blanche toute la durée de leur mandat. Or, le problème, c’est qu’il y a une professionnalisation de la politique et du syndicalisme qui fait que l’intérêt des élus est de rester au pouvoir le plus longtemps possible, au détriment de l’intérêt des gens qu’ils sont censés représenter. » L’Espagne est une démocratie mais il manque des mécanismes pour empêcher que les élus mettent en place des politiques qui lèsent la majorité des citoyens.

Cette revendication d’autogestion, de non-violence et de tolérance vient de loin. Elle existe aussi en France : la Résistance, le peuple contre les élites défaillantes, Camus contre Sartre, le mouvement anti guerres coloniales et la deuxième gauche avec Mendès-France puis Michel Rocard, l’aspiration européenne sociale-démocrate de Jacques Delors. Aujourd’hui encore, les citoyens français sont attirés par le centre, les sondages le montrent. Dominique Strauss-Kahn l’a un temps incarné, mais sa chute ne profite pas aux extrêmes. Les Français en ont marre des gauchistes radicaux qui veulent tout casser pour instaurer un pouvoir centralisé à leur seul profit. Ils aspirent à la paix, à la participation, aux contrepouvoirs. Comme les autres Européens.

C’est ce qu’a bien perçu Pierre Rosanvallon avec sa démocratie participative. La contre-démocratie est composée des piliers qui surveillent, empêchent et jugent. Par eux, la société en son entier fait pression sur les gouvernants, soit pour les accompagner par leur vigilance, soit pour les corriger lorsqu’ils dérapent. Pas d’apathie politique ni ces manifs fusionnelles entre soi mais une nouvelle « démocratie d’expression » par la prise de parole, « démocratie d’implication » par les moyens de se concerter (dont internet), et « démocratie d’intervention » par les formes d’action collective (p.26). Si la « démocratie d’élection » s’est érodée, les autres sont bien vivantes. Les Intellectuels se voient toujours comme des « résistants » dont le devoir est d’alerter. Or, leur véritable travail est celui d’analyse pour comprendre le réel. Ce n’est pas du théâtre mais de la recherche !

Toutes les personnes qui se réunissent à Puerta del Sol veulent un vrai changement et parlent en leur propre nom, pas en celui d’un parti. Si le campement venait à prendre fin, des assemblées de quartier sont prévues dans tout Madrid. Pas besoin de partis, de syndicats ou d’intellos en Espagne ! Chaque citoyen prend son destin en main. Dure leçon pour les Français qui aiment bien donner des leçons…

Le livre de Stéphane Hessel, ‘Indignez-vous’ est plus émotionnel qu’analytique. Son empathie généralisée est naïve, plus un constat d’impuissance qu’une ouverture vers l’avenir. Mais le succès de son opuscule ne tient pas seulement à son titre et à ce qu’on peut le lire durant un trajet en métro. Il montre la colère face aux injustices des puissants, qu’ils soient riches ou élus. A leurs postures médiatiques, leurs petites phrases, leurs coups sans lendemain. Los indignados en Espagne montrent la voie moderne à ces Français qui cherchent à rejouer sans cesse le psychodrame parisien de mai 68.

Los indignados, dossier MyEurope.info

Los indignados, Rue89

Stéphane Hessel, Indignez-vous, 2010, collection Ceux qui marchent contre le vent, 32 pages, €2.85

Pierre Rosanvallon, La contre-démocratie : la politique à l’âge de la défiance, 2006, Points essais 2008, 344 pages, €9.02

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