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Jean d’Aillon, Les rapines du duc de Guise

En 1585, le jeune Olivier Hauteville rentre chez lui dans la rue Saint-Martin à Paris, sur la rive droite de la Seine. Il devait présenter sa thèse au recteur de la Sorbonne, rive gauche, qui était absent malgré le rendez-vous donné. Sur la Seine, on massacre un huguenot. C’est que le royaume est divisé par la guerre des religions, le Christ étant le même pour tous mais pas l’Église. Les réformés réclament le droit pour chacun de se saisir du Livre pour le lire à leur gré, sans les interprétations et déformations intéressées des prêtres, obéissants à la puissance papale. Les cathos intégristes, en revanche, leur refusent, préférant l’ignorance et la bêtise – parce que de tradition – au libre examen, qui leur paraît du diable. Ainsi a-t-on refusé longtemps de voir que la terre était ronde et qu’elle n’était pas le centre du cosmos.

Olivier avait 9 ans lorsqu’on a massacré à la saint Barthélémy, sur ordre du roi ou du moins avec son plein consentement. Comme au Rwanda, les voisins ont égorgé, éventré et violé avec enthousiasme leurs voisins, avec un plaisir d’autant plus sadique qu’ils les connaissaient bien. Au début les protestants, considérés par l’Église comme hérétiques, donc au niveau des chiens (et même des « sous-chiens » comme disent les woke haineux d’aujourd’hui) ; ensuite indistinctement, même les catholiques comme eux, mais qui ne leurs plaisaient pas. Ils ont « naturellement » pillé leurs biens, revanche de l’envie, cette basse passion des foules que des manipulateurs avisés savent déchaîner pour arriver à leurs fins. C’est ainsi qu’agit Poutine avec les prisonniers qu’il envoie de force à l’armée en Ukraine. Non, la France n’était pas belle aux siècles précédents. A peine sortie de la guerre de Cent ans, elle a replongé dans les guerres de religion avant de se ruer dans les affres révolutionnaires puis dans les trois guerres imbéciles du XXe siècle, celle de 14, celle de 40, celle d’Indochine. L’Algérie n’était pas une guerre mais une « opération spéciale » intérieure, comme dit Poutine après Mitterrand, ministre de l’Intérieur en 1954. Les périodes intermédiaires de paix et de prospérité ont été rares, si l’on regarde l’histoire. Nous vivons peut-être la fin de l’une d’elle…

Lorsqu’Olivier parvient chez lui, c’est pour constater que sa maison a été forcée, son père et sa gouvernante tués, des papiers volés ainsi que de l’argent. Par qui ? Pourquoi ? Le père n’ouvrait qu’à ceux qu’il connaissait et la herse intérieure ne permettait pas d’entrer sans la volonté du maître de maison, alors ? Justement, le commissaire Louchard, au Châtelet, affecte de soupçonner Olivier, qui avait selon lui un mobile, hériter de suite, et les moyens, la clé permettant d’ouvrir la herse, la seconde étant aux mains de son père. D’ailleurs, cette dernière a curieusement disparu…

Le jeune homme aura du mal à se dépêtrer de cette accusation absurde et finira par comprendre, avec la naïveté de la jeunesse, qu’il a été joué pour l’empêcher de découvrir une fraude massive sur la taille. Cet impôt, duquel les Parisiens et les nobles étaient exemptés, était assis sur les biens et versé au roi via des receveurs. La fraude habituelle jouait sur les rentrées ; la fraude actuelle sur l’assiette. Curieusement, le père Hauteville avait constaté en maniant des masses de papiers, quittances et reçus divers, que de plus en plus de nouveaux nobles, comme par hasard les plus riches des paroisses, parvenaient à échapper à l’impôt en exhibant un récent certificat d’anoblissement. A qui profite le crime ? Aux receveurs ? Aux banquiers ?

Pas du tout : à la Ligue. Ces parfaits catholiques usent de tous les moyens pour affaiblir le roi Henri III, trop modéré selon eux contre les protestants. Aidés de l’Espagne, qui leur promet sans leur donner beaucoup, les Guise guignent le trône de France et ravissent peu à peu les places fortes par ralliements. Cela ne se fait pas sans bon argent sonnant et trébuchant, d’où la fraude. Les imposés payent mais ils sont rayés des listes par les supérieurs des collecteurs qui enregistrent leur supposée récente noblesse : en fait un faux scellé du faux sceau de cire verte du Chancelier. L’argent est donc détourné des caisses du roi pour aller dans celle des Guise. C’est tout cela que le père d’Olivier découvrait et, lorsqu’il eut établi un mémoire sur la fraude, il fut aussitôt assassiné.

Aidé de Nicolas Poulain, lieutenant de police au Châtelet, Olivier Hauteville va reprendre l’enquête de son père et mettre au jour le complot. Il sera épaulé par une étrange jeune femme, Cassandre, habile à l’épée et aux mensonges. Rescapée de la saint Barthélémy et recueillie en chemise tout enfant par un protestant qui l’adopte, elle veut capter les créances volées au profit d’Henri de Navarre, futur héritier du trône après Henri de Guise si le roi Henri Troisième venait à mourir. Malingre, chafouin, efféminé (bien que fort porté sur les femmes), le roi n’a pas d‘enfant. Traumatisé par sa mère, la redoutable Catherine de Médicis, qui lui préfère manifestement Henri de Guise, effaré par la saint Barthélémy qu’il ne veut surtout pas voir renaître, c’est un roi faible, plus porté à composer et à dissimuler qu’à s’affirmer. Il finira par réagir, mais trop tard, poussé aux extrêmes par sa procrastination antérieure. Il sera lui-même assassiné par un moine dominicain fanatique nommé « Clément », ce qui était une ironie.

L’auteur, qui n’est pas historien, s’appuie cependant sur les mémoires de Nicolas Poulain qui a réellement existé. Il se veut Alexandre Dumas mais ne privilégie pas comme lui l’action aux détails historiques. C’est pourquoi son roman se lit bien mais n’emballe pas. A qui veut pénétrer les arcanes du temps, il sera utile ; à qui veut se divertir, il paraîtra trop long en digressions historiques. Le détail des vêtements est minutieusement pointé, la puanteur des hommes (mais pas celle des femmes, qui ne se lavaient pas plus), les encombrements de la rue, les spadassins qu’on achète pour presque rien, l’incroyable coexistence des monnaies de diverses valeurs qu’il faut changer en jetons pour en trouver l’équivalence en valeur, les relations féodales et les passe-droits, la morgue des grands et la bassesse des petits – qui se vengent dès lors, dès qu’ils peuvent, sur n’importe qui – c’est tout ce monde du XVIe siècle finissant que décrit Jean d’Aillon dans ce premier tome d’une trilogie sur la guerre de trois Henri. Comme chacun sait – ou devrait le savoir malgré l’ignorance cultivée à l’éducation « nationale » – c’est Henri de Navarre qui gagnera, né et baptisé catholique avant de choisir la religion de sa mère, calviniste. Avant de se voir assassiné à son tour par le catho fanatique Ravaillac, catéchisé par l’Église dûment catholique et romaine sous l’influence du pape qui protégeait l’Espagne, pas vraiment « chrétienne » si l’on se réfère aux Évangiles…

Jean d’Aillon, Les rapines du duc de Guise – La guerre des trois Henri 1, 2008, Livre de poche 2010, 572 pages, €8,70

La guerre des amoureuses – La guerre des trois Henri 2

La ville qui n’aimait pas son roi – La guerre des trois Henri 3

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Christophe Bardyn, Montaigne

christophe bardyn montaigne
Michel Eyquem de Montaigne aimait fort la vie avec tout ce qu’elle offre ; le principal en était la liberté. Cette biographie nouvelle, par un agrégé docteur en philosophie est à la fois érudite, pleine de sel et de trouvailles, et fort bienvenue. « L’époque des guerres civiles a façonné sa pensée et son style au point qu’ils entreront toujours en résonance avec les périodes troublées, inventives et inquiètes. Tel est notre temps… » p.478.

Sa pensée de doute et de balance porte à juger par soi-même plutôt qu’obéir aux dogmes ou suivre l’opinion commune. Son style de beau langage allie la précision des mots à l’allusion, voire au cryptage pour érudits, afin de dissimuler ce qui choquerait trop les âmes faibles. Car il y a en tous temps des professionnels du choqué, dont la seule vertu est de dénoncer la paille dans l’œil du voisin. Particulièrement dans les périodes troublées et inquiètes où le recours à la « croyance » est reine au détriment du réel. Penser comme tout le monde rassure, en rajouter sur l’orthodoxie pose à bon compte et donne parfaite conscience. Mais de là à inventer le neuf, il n’y faut point compter !

« Il est manifeste que l’homme [Montaigne] est d’abord un amant, amoureux de la vie, d’un unique ami et de quelques femmes. De toutes ses passions, l’écriture est à la fois le médiateur et la substance, et c’est pourquoi les Essais sont consubstantiels à leur auteur » p.471. Presque tout est dit, hors l’aristocrate et le politique. Car Montaigne fut aussi engagé largement dans l’histoire de son siècle. Élu en son absence maire de Bordeaux malgré ses réticences, puis réélu pour un second mandat, il avait l’oreille à la fois de Catherine de Médicis et d’Henri de Navarre, jouant les médiateurs avec talent et discrétion entre les deux Henri, l’actuel III et le futur IV.

Bien que le grand homme fut de taille petit, « Montaigne a toujours fait, autant qu’il le pouvait, ce qu’il voulait, sans se préoccuper à l’excès des jugements moraux, sociaux ou religieux. L’absence de repentir qu’il revendique hautement signifie qu’il assume tous les aspects de sa vie, parce qu’il les a tous voulus, pour autant que cela dépendait de lui » p.473. Outre sa libre pensée, Montaigne valorisait l’expérience plus que le savoir, la vie se faisant – plus que les grands principes. En ce sens il était libéral. Sur l’exemplaire de la dernière édition des Essais qu’il a annoté de sa main juste avant sa mort, il a fait figurer cette citation de Virgile : « il prend des forces en allant de l’avant ». Il ne se réfère pas avant d’agir, il va et pense en chemin.

Ce pourquoi il est antithétique avec un certain esprit de cour français, hiérarchique, soumis, moraliste et langue de bois. Christophe Bardyn a fort raison d’affirmer : « Il est évident, ne serait-ce que pour des raisons de style, qui touchent ici au plus intime de la pensée, qu’un philosophe nourri exclusivement de Kant, de Hegel ou d’Auguste Comte n’est pas en mesure d’entrer dans la pensée de Montaigne » p.469. La plupart de nos intellos, perclus de grands principes et de dogmes idéologiques, ne peuvent saisir le sel de ce penseur du XVIe siècle qui ne se voulait pas philosophe. Ils sont bien trop enfermés dans leurs bornes mentales, leur morale étroite et leur idéal absolu placé au-dessus des hommes – ils sont bien trop contents d’eux. Ce pourquoi Montaigne fut plus célèbre en Angleterre qu’en son propre pays, plus pragmatique que dogmatique, plus accommodant que servile, plus utilitariste qu’idéaliste.

Lorsque Michel de Montaigne meurt le 13 septembre 1592 à 59 ans d’une amygdalite phlegmoneuse, ses héritiers spirituels sont immédiatement Pierre Charron et Marie de Gournay, jeune Picarde « transie d’admiration » devenue après plusieurs mois de rencontres « fille d’alliance ». Mais plus tard Descartes et Pascal, avant Hume et Voltaire, reprendront son flambeau. Tous penseurs qui pensent par eux-mêmes, maniant la langue précise autant que l’ironie, sceptiques et prudents. Le gisant de Montaigne repose ses pieds sur un lion de pierre à la langue bifide, signe de dissimulation comme de neutralité, de loyauté sans naïveté.

Les siècles XIX et XX en France ont réduit Montaigne à la sagesse rassise du personnage qui s’isole en sa librairie pour méditer au coin du feu. Les moraleux de ces temps idéologiques avaient peur de la verdeur charnelle de l’auteur du XVIe siècle, de son scepticisme en tout, de la relativité de sa morale. Ils ont caché ce sein qu’ils ne voulaient voir, alors que Montaigne avait pour ambition de se « dépeindre tout nu ». Libertin, libéral et libertaire, Montaigne aimait le sexe et la conversation, les libertés de croire, de penser et de dire, et surtout pas les conventions sociales au-delà de la civilité.

Christophe Bardyn relit Montaigne avec l’œil neuf du XXIe siècle et la documentation fournie des historiens. Il entend le latin et grec, ce qui lui facilite les choses… « Les Essais contiennent tout, absolument tout, du début à la fin et pour tous les aspects de son existence » p.15. D’où il peut déduire que Montaigne était (ou se sentait) un enfant illégitime, né à 11 mois de grossesse, peut-être fils du palefrenier ; que cette situation l’a rapproché d’Étienne de La Boétie, orphelin trop tôt, sans que cette passion d’amitié soit en rien homosexuelle – comme certains esprits trans, gais et lesbiens le voudraient aujourd’hui pour augmenter leur camp. Montaigne a énuméré, plus ou moins dissimulés, les noms de ses maitresses : Diane de Foix-Candale (dont il fut le père probable du premier enfant), Madame de Duras, Diane d’Andouins qui se fera appeler Corisandre et sera la maitresse du futur Henri IV, Madame d’Estissac et Marguerite de Valois qui épousa Henri de Navarre (p.296).

Né le 28 février 1533 aîné de 8 enfants, son père officiel est de noblesse récente, maire de Bordeaux, d’ancêtres enrichis dans le commerce de pastel et de harengs. Sa mère descendrait probablement de marranes montés d’Espagne en 1492. Comme Gargantua, livre qu’il affectionnait fort, le jeune Michel « confie qu’il ne se souvient même plus du début de sa vie sexuelle, tellement elle fut précoce » p.28. Il disait suivre la règle des moins de Thélème qui est de n’en suivre aucune !

De sa naissance à 3 ans il est confié en nourrice au village, revient au château de Montaigne jusqu’à 6 ans pour être élevé, avec son frère cadet d’un an Thomas (le préféré de son père) par un précepteur allemand assisté de deux autres qui lui parlaient latin et jouaient en grec. De 6 à 15 ans, il est envoyé au collège de Guyenne à Bordeaux où il lit les classiques, aidé de son précepteur Muret de 4 ans plus âgé que lui, un rien sodomite mais qui semble s’être contenté de caresses mutuelles avec le jeune Michel – comme le faisaient les Romains. De 16 à 21 ans, Montaigne se perfectionne à Paris, ville qu’il a tant aimée, auprès des humanistes et notamment de Turnèbe. Il déteste le droit mais en sera néanmoins licencié, son père lui obtiendra une charge à la cour des aides de Périgueux, avant de monter à Bordeaux.

Michel rencontre Étienne à 24 ans et La Boétie, qui mourra à 33 ans, écrit vers 16 ans un Discours de la servitude volontaire encore fameux quatre siècles après. « La rencontre entre les deux jeunes magistrats bordelais ressembla donc à un coup de foudre amoureux, parce que pour la première fois chacun d’eux sortait de sa solitude psychique et trouvait un interlocuteur à qui il n’avait pas besoin d’expliquer ce qu’il ressentait, mais qui le comprenait intuitivement parce qu’il avait vécu de son côté une épreuve similaire. Le bâtard reconnaît dans l’orphelin un compagnon d’infortune, et leurs sensibilités exacerbées les conduisent aussitôt à une entente qui, le plus souvent, n’eut même pas besoin de mots » p.129. Étienne mettra en garde Michel contre sa frénésie sexuelle avec des femmes mariées, ce qui présentait à tout moment le risque d’être découvert et tué. Nul que la tempérance de son ami n’influençât le jeune homme pour le reste de sa vie.

Montaigne se marie en 1565, 4 ans après la mort de son père, pour récupérer son héritage, dont le titre. C’est un mariage de raison qui donnera six enfants mais dont une seule fille survivra, Léonor, à laquelle Montaigne ne s’est guère attaché. Il n’aimait pas les « petits enfants » et préférait parler d’égal à égal sur les idées. Après 13 ans de vie parlementaire, il se retire à 37 ans sur son domaine, qu’il est soucieux de faire rendre. De sa tour librairie, il peut surveiller les alentours et les soins de ses gens à sa vigne.

C’est là qu’il commence à écrire ses Essais, à 39 ans. Christophe Bardyn nous révèle que leur plan est calqué sur Saint-Augustin, non pour le démarquer mais pour s’en inspirer – et prendre le plus souvent des opinions contraires, étayées par des citations d’auteurs latins. « En utilisant les thèmes de la Cité de Dieu comme canevas, et en brodant ses propres motifs par-dessus, Montaigne se donnait une structure invisible qui lui permettait d’échapper à l’emballement en tous sens de son ‘cheval échappé’ et lui fournissait un discret fil conducteur. Mais, en même temps, il saisissait l’opportunité d’affirmer ses propres thèses par contraste avec celles du plus célèbre et du plus influent père de l’Église d’Occident » p.257. Il procède de même avec le Livre III, qu’il écrit en miroir des Confessions.

Il ne publiera les Essais qu’en 1580 mais passera deux années à publier les œuvres de son ami La Boétie, en même temps qu’il écrit probablement le pamphlet le plus virulent et le plus intelligent sur Catherine de Médicis, appelé le Discours merveilleux. Il ne l’a pas signé, ni revendiqué jamais, mais l’on y découvre son style. Avec l’Apologie de Raymond Sebond, il exprime aussi sa conviction de « moyenneur », partisan du juste milieu sur l’interprétation des dogmes catholiques.

Femme et homme à chapeaux 17ème

Il est nommé gentilhomme ordinaire de la chambre du roi de France en 1573, puis obtient le même titre auprès du roi de Navarre en 1577 grâce à Marguerite de Valois, l’une de ses maitresses. « En réalité, Montaigne fut un très grand séducteur. Certes il était petit, et ses attributs virils manquaient d’envergure, mais il avait bonne figure, était très vigoureux [six postes par nuit], et avait assez d’esprit pour faire oublier tout le reste » p.305. Le chapitre 5 du Livre III des Essais s’intitulera même Sur des vers de Virgile, dont l’innocence champêtre masque une érotique contrepèterie !

Il voyage en Italie 17 mois et 8 jours, où il apprécie la bonne chère mais moins les femmes, trop grasses pour son goût. Il apprend dans une ville près de Pise où il prend les eaux contre les calculs rénaux, que ses collègues l’ont nommé maire de Bordeaux et, après un premier refus et quelques tergiversations, un ordre du roi le fait accepter. Il rentre en France pour n’en plus repartir, lui qui a eu la tentation de Venise, s’y voyant volontiers ambassadeur sur la fin de sa vie.

Être maire n’est pas de tout repos lorsque la guerre civile menace, les dogmatiques des deux religions se haïssant comme communistes et capitalistes. Montaigne négocie, s’entremet, anticipe. Il se sortira de tous les mauvais pas, même de la peste, qui vida Bordeaux de la moitié de sa population. Il reçoit en son château de Montaigne le roi de Navarre le 19 décembre 1584, avant d’être obligé de fuir en roulotte avec sa famille jusque vers Paris, où Catherine de Médicis le renfloue pour ses talents politiques et lui confie quelques missions secrètes dont il ne peut parler en ses livres, mais dont les correspondances historiques font foi.

Dans le Livre III des Essais qu’il entreprend à ce moment, il fustige les catholiques zélés de la Ligue, aussi sûr de leur bonne foi que vantards : « Ils nomment ‘zèle’ leur propension vers la malignité et violence : ce n’est pas la cause qui les échauffe, c’est leur intérêt. Ils aiment la guerre, non parce qu’elle est juste, mais parce qu’elle est guerre » cité p.387. Il faut dire que huit guerres civiles en 25 ans peuvent rendre sceptique quiconque pense par soi-même sur le ‘bon droit’ d’une cause. Les choses n’ont guère changé depuis, les catholiques ont laissé la place aux jacobins puis aux communistes avant tous les avatars du gauchisme et de l’écologisme, mais le ‘zèle’ est toujours aussi borné…

Montaigne, lui, reste « le premier empiriste sceptique de notre histoire » p.404. Il adopte un point de vue raisonnable sur la vérité : « Il n’y a pas de science certaine, puisque tout est sujet au doute, mais nous devons nous faire une opinion sur tout ce qui concerne notre vie, sans quoi nous serons paralysés et inactifs » p.407. L’utilité pratique sur le moment est bien ce qui importe, ce à quoi jamais les dogmatiques ne pourront se soumettre, soumis à « la peste de l’homme, l’opinion de savoir ».

Lire et relire Montaigne est une cure de santé instinctive, affective, mentale et spirituelle. « Récapitulons : il est hédoniste dans sa vie privée (de tendance néocyrénaïque), néocynique dans sa vie publique (il s’inscrit dans le courant érasmien de dénonciation de la folie politique), empiriste sceptique du point de vue de la connaissance, naturaliste radical pour envelopper le tout, c’est-à-dire ne connaissant et ne suivant que la nature » p.410. Que voilà un homme séduisant que l’on peut prendre pour modèle ! Surtout en notre époque de vanité et d’ignorance, où faire le paon suffit à contenter une vie.

Une bonne et lourde biographie écrite avec gourmandise et beaucoup de savoir que tout homme libre goûtera – et où les femmes pourront reconnaître cette civilité française que l’obscurantisme méditerranéen conteste aujourd’hui.

Christophe Bardyn, Montaigne – La splendeur de la liberté, 2015, avec 16 illustrations en cahier central, Flammarion, 543 pages, €25.00
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François Huguenin, L’Action française

Article repris sur le site Action française.

Retour vers le futur ? Cette école de pensée fondée en 1898 après l’affaire Dreyfus pour faire pendant à la Ligue des droits de l’homme, a eu une vaste influence intellectuelle jusqu’aux années 1970, mais n’a jamais pu aboutir politiquement. Les raisons en sont multiples, dues aux saignées successives des guerres et aux partages binaires qu’il fallait alors opérer. L’intelligence a péri dans les tranchées, avant d’éclater entre collabos, pronazis et résistants. C’est que la droite n’est pas simple… Les idées Action française reviennent-elles ?

François Huguenin a étudié avec minutie l’embrouillamini de personnalités, de courants, d’idées, réunis autour de la figure emblématique de Charles Maurras. Il évacue avec discernement le double problème de l’antisémitisme et du maréchalisme, qui sont dérives personnelles dues à la peur de la division et de la guerre civile franco-française, doublées d’une personnalité maurassienne physiquement sourde et intellectuellement persuadée d’avoir raison.

L’Action française n’était pas en soi raciste, ni en faveur d’un pouvoir militaire. Elle voulait la monarchie comme type idéal de société « organique » tirée de « la nature », où règne l’ordre hiérarchique et les communautés d’appartenance. Le monarque n’était pas pour elle « l’État c’est moi » mais, à l’anglaise, l’incarnation de la personnalité nationale. Ce à quoi on pourrait objecter que Jeanne d’Arc a joué aussi ce rôle sous la Troisième république. Si l’auteur se pose en effet la question de la Tradition en régime républicain, il n’explique que très partiellement pourquoi les maurassiens ont exclu tout régime autre que monarchique. La pensée d’un Tocqueville apparaît nettement plus vivante et plus pratique que celle d’un Maurras…

Charles Maurras, obsédé de sensualité à l’adolescence, a rigidifié sa raison pour se dompter. Il était sourd et félibrige, aimant le localisme de son Sud. Est-ce que ceci explique cela ? L’auteur passe très vite, peu à l’aise avec les synthèses et préférant le factuel. Les racines maurassiennes sont Joseph de Maistre et Auguste Comte, l’apologie de l’Ancien régime contre la révolution et le scientisme de la Raison. Anti-cosmopolite, anticapitaliste, antilibérale, l’Action française est souverainiste : autorité en haut, libertés en bas.

L’individu n’existe pas, ce concept abstrait ne réalise la personne que dans la famille, unité communautaire de base auxquelles se superposent d’autres communautés « organiques » englobantes comme le village, la province, les associations, le métier, la corporation, la nation. L’Action française est donc résolument anti-jacobine et anti-égalité (« révolte de l’égoïsme et de l’envie »). Pour elle, il faut faire la société bonne pour que l’homme soit bon : une resucée de la Cité de Dieu sous l’égide de la bonne vieille religion (François Huguenin poursuit sa quête sur le sujet dans un autre livre, Résister au libéralisme).

Outre une Ligue, fondée en 1898, l’Action française crée en 1906 un Institut d’enseignement supérieur privé, une maison d’édition, un quotidien en 1908, un mouvement de jeunesse la même année, les Camelots du roi, plusieurs revues intellectuelles et ainsi de suite. Manque à la somme de Huguenin une chronologie pour éclairer ce foisonnement. De grands écrivains ont été influencés par l’Action française : Paul Bourget, Maurice Barrès, Léon Daudet, Jacques Bainville, Patrice de La Tour du Pin, Georges Bernanos, Jacques Maritain, Thierry Maulnier, Robert Brasillach, Maurice Bardèche, Lucien Rebatet, Claude Roy, Kléber Haedens, Georges Blond… Sans parler de ceux qui gravitent autour comme Gide, Montherlant, Malraux et Mauriac.

Charles Maurras sera élu à l’Académie française en 1938 (avant d’en être exclu en 1945… comme si l’on pouvait exclure de l’immortalité un « Immortel » – à moins que ce ne soit que du vent ?). Le Pape a condamné « les traces de renaissance du paganisme » (gréco-latin) de Maurras en 1926 et a mis ses œuvres à l’Index : il fera moins la fine gueule devant le paganisme germanique des nazis dans les années 1930…

Mais le fascisme n’attirera que quelques personnalités proches d’Action française : l’État totalitaire était à l’opposé de la subsidiarité (comme on dit à Bruxelles) entre la nation et les communautés. Henri Massis fustigera même le « bolchevisme raciste » des nazis. Traditionnaliste, l’Action française est catholique de culture, la foi étant affaire personnelle et l’Église étant exclue de l’organisation politique depuis le Moyen-âge. La Providence comme la Nation ou l’État sont des mythes barbares, totalitaires, bien loin des conceptions « de nature » sur le modèle patriarcal. L’Action française politique serait plus proche de Franco que de Mussolini, encore moins d’Hitler ! Maurras et Pujo furent maréchalistes pour faire hiberner la nation française dans la guerre (mais Maurras a approuvé les prises d’otages français et la politique antijuive !) ; Robert Brasillach, Georges Valois et Lucien Rebatet se font nazis par rancœur contre les égoïsmes et divisions de la démocratie libérale parlementaire de leur temps ; d’Estienne d’Orves, d’Astier de la Vigerie, de Bénouville, Renouvin et le colonel Rémy seront résistants pour faire vivre la nation en ses profondeurs, comme disait De Gaulle. Il n’y a donc pas de voie unique pour la pensée Action française, comme la gauche stalinienne a toujours voulu le faire croire.

L’héritage ? L’Action française ne fait plus parler d’elle, aujourd’hui que le catholicisme est revivaliste à l’américaine et que les grandes idéologies ont sombrées avec l’URSS, la maolâtrie, le Cambodge « démocratique » des Pot et la sénilité crispée des Castro. Les années 1950 ont vu la naissance d’une « jeune droite » littéraire appelée les Hussards avec Roger Nimier, André Blondin, Michel Déon et Jacques Perret. Gabriel Marcel, Michel de Saint-Pierre et Bertrand de Jouvenel ont renouvelé les idées ; l’auteur cite aussi Gabriel Matzneff. Pierre Boutang a essayé de faire revivre une politique. On pourrait aussi – l’auteur n’en parle pas… – mentionner Pierre Joubert, Serge Dalens, Jean-Louis Foncine (tous scouts de la collection Signes de piste), Hergé (François Huguenin a un petit air de Tintin) et Jacques Martin, père d’Alix, et probablement Philippe Murray et Renaud Camus. Maurras meurt en 1952, mais c’est la Nouvelle droite d’un côté et les Nouveaux philosophes de l’autre qui reprendront certaines thèses : libertés contre totalitarisme, État organique européen, nations enracinées mais ouvertes, sociabilité de l’ordre naturel. Sans parler de la Vème République, dont l’organisation doit beaucoup aux idées de Maurras…

Et aujourd’hui ? On peut trouver des rapprochements chez les cathos intégristes – mais ce n’est pas l’Action française historique. Certaines proximités se font chez François Bayrou, beaucoup moins au Front national, mais beaucoup chez les écologistes : critique de la société de consommation, du capitalisme financier, du paraître narcissique au détriment de l’être, de la croissance quantitative plus que qualitative, de la centralisation jacobine d’État ; refus des banlieues tristes au profit des terroirs enracinés ; loisir communautaire plutôt que travail en miettes ; l’Europe, mais si elle est protectrice de la diversité, en subsidiarité. Ce pourquoi il reste intéressant de se replonger dans ce mouvement de droite oublié : il court toujours sous la glace, et d’autant plus que la gauche n’a plus grand-chose à dire.

Le lecteur regrettera les coquilles innombrables du volume, issues probablement d’un logiciel de reconnaissance de caractères non relu : dans le même paragraphe Muillain pour Guillain, Aus pour plus, A la main pour les Romains, Mont-fort où le tiret a été laissé en milieu de phrase… C’est dommage pour un travail qui se veut érudit.

Si les détails sont largement exposés, manque à cette étude de vigoureuses pages de synthèse qui sortent du jargon Science Po ou de la philosophie allemande… Dire par exemple que l’Action française est « l’être de l’étant » est une cuistrerie qui n’explique rien. Développer en quoi la nature et la tradition fondent un conservatisme révolutionnaire qui n’est ni réactionnaire ni progressiste serait beaucoup plus utile. François Huguenin fait dans la dentelle (et les historiens universitaires adorent cela), mais son pointillisme névrotique manque l’essentiel : en quoi l’Action française nous intéresse-t-elle ? Pourquoi a-t-elle tant séduit, jusqu’à De Gaulle et Mitterrand (et peut-être – ce n’est pas dit – Bayrou) ? A trop se perdre dans les sous-sectes littéraires et les scrupules d’obéissance catholique, où est le mouvement ?

Malgré ces défauts, la somme ici éditée en poche a une profondeur historique qui manque trop souvent aux histoires des idées politiques. Un siècle complet, c’est rare. Comprendre la droite, c’est aussi comprendre ce que fut la France intellectuelle et ce qui reste dans la politique aujourd’hui de l’Action française.

François Huguenin, L’Action française – une histoire intellectuelle, 1998, édition revue et complétée août 2011, Perrin Tempus, 686 pages, €11.40

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Pierre de l’Estoile, A Paris pendant les guerres de religion

On ne trouve plus ce livre que chez les bouquinistes, tant les Français préfèrent l’illusion du roman ou le prêt-à-penser histrion aux faits observés. Ce livre ne date pourtant que de 2007, l’année où Sarkozy devint Président. Il était d’actualité à l’époque, tant le gauchisme mystique répandait ses libelles contre le Hongrois comme hier la Ligue catholique contre le Béarnais. Cette époque pourrait bien ressurgir, d’où l’intérêt d’aller regarder l’histoire d’il y a quatre siècles.

Car, au fond, les Parisiens n’ont pas changé. Toujours badauds, naïfs, prêts à croire n’importe quel prêcheur armé de la logique cléricale, amoureux des processions et autres manifs fusionnelles où l’on se sent fort dans sa bêtise, ce qui compense de sa médiocrité, volontiers poussés à piller du moment qu’il s’agit de faire rendre gorge à ceux qui ont réussi mieux qu’eux, voire à violer si c’est en bande et en toute impunité.

Pierre de l’Estoile était audiencier au Parlement de Paris, de petite noblesse de robe, mais de robe longue qui décide, pas un mercenaire de robe courte qui exécute. Ces distinctions avaient alors autant d’importance qu’aujourd’hui la thèse ou le diplôme de grande école. Il a durant des années de désordre, collecté les libelles et graffitis qui couvraient les murs de Paris contre le roi Henri III et ses mignons, puis contre le roi potentiel Henri IV, hérétique. Il en a fait un recueil où il intervient peu, disant les faits tels qu’ils lui sont rapportés ou qu’il a observés. Même les plus absurdes, par exemple : « Le samedi 5 de ce mois [décembre 1592] fut brûlé, place de Grève à Paris, un jeune garçon âgé de dix-sept ans qui avait engrossé une vache, de laquelle était sorti un monstre moitié homme moitié veau. Le contenu de cette accusation fut modifiée, pour l’énormité du fait » p.94.

Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage et la déferlante stalinienne de gauche n’a pas montré plus d’intelligence civilisée que les gueux de la Ligue, quatre siècles avant eux. Autre exemple : les mignons. Tout le monde croit qu’il s’agit de pédés que le roi fêtard et insoucieux de religion mettait chaque soir dans son lit. En réalité, les mignons étaient les favoris, ses meilleurs amis en qui le roi avait confiance. Aujourd’hui on appelle son « péché mignon » la chose qu’on préfère. Le mot n’avait donc pas le sens perverti qu’il a pris durant ces années d’intégrisme catholique. Les serviteurs zélés du roi ne pouvaient être pris parmi la grande noblesse, qui soutenait la Ligue pour mieux être roi. C’est donc dans la noblesse seconde que le roi régnant choisissait cette élite. Leur raffinement était réel, mais pour se distinguer de la brute épaisse qu’était trop souvent le noble de province, sale, ignorant et crotté, et qui s’en faisait gloire comme voué au culte des armes par fonction héréditaire. Les mignons sont donc les hauts fonctionnaires de l’époque, dont la modernité s’inspirait de la Renaissance italienne plutôt que de la glèbe terreuse.

C’est que les intellos d’époque à Paris n’étaient ni des plus savants ni des plus ouverts, on dirait aujourd’hui « scientifiques ». « En ce même temps, la Sorbonne et la faculté de théologie, comme porte-enseignes et trompettes de la sédition, déclarèrent et publièrent, à Paris, que tout le peuple et tous les sujets de ce royaume étaient absous du serment de fidélité et d’obéissance qu’ils avaient juré à Henri de Valois, naguère leur roi. (…) Ils firent entendre à ce furieux peuple qu’en saine conscience il pouvait s’unir, s’armer et contribuer en deniers, afin de lui faire la guerre ainsi qu’à un tyran exécrable qui avait violé la foi publique, au notoire préjudice et au mépris de leur sainte foi catholique et romaine et de l’assemblée des états de ce royaume » p.244. Ce procès en hérésie ressemble fort aux appels à la « résistance » de toute une frange de gauche – souvent universitaire – qui ne jure que par la doxa marxiste, accusant le Président élu d’être hérétique de violer la Charte de 1945 ou de saper l’État-providence.

A chaque mouvement social, le peuple adore défiler en troupe, en ligue, en procession, de 1589 à aujourd’hui. « Entre autres, il s’en fit une d’environ six cents écoliers, pris de tous les collèges et endroits de l’Université, la plupart n’ayant atteint l’âge de dix ou douze ans au plus. Ils marchèrent nus, en chemise et les pieds nus, portant dans leurs mains des cierges ardents de cire blanche et chantant bien dévotement et mélodieusement (mais quelquefois de manière bien discordante), tant par les rues que par les églises… » p.246.

C’est que la conception du monde est quelque chose de sérieux. Le rire est diabolique et les grands personnages se doivent d’arborer cette tronche sévère, sourcils froncés, qui disent tout le sérieux qu’ils prennent en la foi. Hier catholique, aujourd’hui socialiste, rien de change. François Hollande a vu sa cote de popularité remonter début 2010 parce qu’il avait cessé de sourire, calquant Martine Aubry et autres Moscovici qui font toujours la gueule. « A Paris, il était alors dangereux de rire, à quelque occasion que ce fut, car ceux qui portaient seulement le visage un peu gai étaient tenus pour Politiques ou Royaux. Comme tels ils couraient la fortune parce que les curés et les prédicateurs avertissaient d’y prendre garde et criaient qu’il fallait se saisir de tous ceux qu’on verrait rire et se réjouir » p.272. Le rire, c’est la liberté ; l’inquisition de toute religion, catholique, islamique ou marxiste, voit dans la liberté le Mal parce qu’elle délivre de la foi obligatoire, de la vérité révélée et donc du pouvoir de ses clercs. Albert Camus fustigeait déjà « la France haineuse » des normalesupiens et autres sartreux staliniens.

Les métaphores elles-mêmes n’ont pas changé en quatre siècles ! La gauche nous fait souvent le coup du renard libre dans le poulailler libre, image qui ne veut rien dire car si les poules sont libres elles ne vivent certes pas en poulailler ! Pierre de l’Estoile cite les ligueux contre le roi hérétique : « Badauds que vous êtes, qui ne savez pas que ce vieux loup fait le renard uniquement pour entrer et manger les poules ! » p.416. La mauvaise foi fait feu de tout bois sans honte de violer la logique et plus c’est gros, plus ça passe (disait Goebbels, repris avec avidité par Staline).

Comme quoi la badauderie parisienne retombe toujours dans ses vieilles ornières qui s’appellent crédulité, respect envers les gueulards, dévotion envers les clercs de quelque religion qu’ils représentent, préférence pour la foule qui permet tout et dont l’aspect fusionnel est confondu volontiers par les Français avec « la démocratie ». Gageons que la campagne qui commence verra autant d’outrances et de stupidités avant qu’Henri IV ne mette tout le monde d’accord en collant carrément la poule de la métaphore dans les pots de tous.

Pierre de l’Estoile, A Paris pendant les guerres de religion, 1611, présenté, annoté et mis en français moderne par Philippe Papin, Arléa, 2007, 559 pages, €5.00

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