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Trump trompe son monde

Le Donald n’est pas un accident de l’histoire mais s’inscrit pleinement dans la culture américaine du gros bâton. Nul n’a mesuré la taille du sien, sauf peut-être sa femme et ses maîtresses, mais il le brandit avec un « art du deal » qui est sa marque de fabrique. Trump est le vendeur-type, il vous séduit et vous menace mais ne vous lâche pas. Il correspond à l’archétype américain du héros-leader, bien loin du « libéralisme » dans lequel la gauche européenne croit que baigne les Etats-Unis.

La tempérance, l’analyse en raison, le bon sens qui prend du recul, tout ce qui fait le propre du libéralisme, c’est en Europe qu’il règne jusqu’à présent. Pas en Amérique – ni au nord, ni au centre, ni au sud. Ce pourquoi Donald apparaît macho, frustre, vulgaire. Il n’est pas policé, à peine civilisé – mais en accord avec le monde du cinéma que la planète entière consomme avec appétit via Hollywood.

Trump est un grand acteur. Il a toujours raconté des bobards, ainsi le dit-il lui-même, et ils ont toujours marqué les esprits. Goebbels ne disait pas autre chose : « calomniez, mentez, il en restera toujours une impression ». Trump se costume, se teint la houppette en blond aryen, joue un rôle, se donne une image différente de celle qu’il est dans le privé. Les stages de prise de parole vous apprennent aisément comment faire et les Etats-Unis excellent dans ces méthodes (lucratives) de développement personnel. Dans un pays où tout se vend, réussir à vendre sa propre image est le nec plus ultra du succès.

Car le monde est un théâtre où ne comptent que les apparences. L’ineffable « CIA » n’avait-elle pas craint l’URSS beaucoup plus que ses moyens limités et archaïques dans la réalité ne le méritaient ? Pour agir dans le monde, vous êtes seul. Il vous faut donc agir sur vous-même pour arriver. Et la passion – que Trump vante à l’envi – est ce qui vous permettra de le faire. Sans passion, pas d’audace et sans audace, pas de réussite. Tous les gagnants ont participé ; s’ils n’ont pas réussi, ils feront mieux la prochaine fois. Concentrez-vous sur ce que vous voulez de positif, dit Trump, et plus votre énergie sera grande, plus vous aurez une chance. Cette constante fait de lui un être prévisible, contrairement à l’impression de chaos qu’il donne.

Selon Olivier Fournout, maître de conférences à Telecom-Paristech, dont est tiré cette analyse publiée dans la revue Le Débat de septembre 2018, « Trump est la récolte d’un monde que nous semons ». Trump est grand, « mais sans étrangeté, dans le quotidien de la communication capitaliste, libérale, démocratique, consumériste, de masse, dont nous respirons les différents courants, les différentes modalités, à chaque instant ».

Indiscipliné tout gamin, Donald persévère : son camp, il s’en fout ; ses électeurs, il les manipule ; l’establishment, il le provoque. Certes, ses outrances sont évidentes, mais elles lui rapportent plus qu’elles ne lui coûtent jusqu’à présent. Il est l’anti et incarne celui-qui-dit-non pour tous les frustrés, les aigris, les maltraités de son Amérique (et il y en a !). Il s’agit d’une stratégie politique volontaire qui paye, faisant de lui quelqu’un de neuf, de révolutionnaire, sans compromis. Aller contre ce que tout le monde pense permet les meilleurs deals – quand ils réussissent. Cela ne marche guère pour l’instant avec la Corée du nord… Une question de culture ? ou seulement de temps ?

La société selon Trump est à l’image de son cinéma : ultraviolente et sans pitié. Doit s’appliquer alors l’individualisme le plus exacerbé et la loi de la jungle. Même votre chef, même l’Etat peut vous trahir, sans parler de votre amoureuse, les gens sont là pour vous tuer. Il s’agit de tirer le premier. D’où l’autodéfense comme dans les westerns : ripostez ! D’où restez seul, a lonesome cow-boy ou Jason Bourne. D’où le mythe actif de « la gagne » comme au poker (menteur) : osez et raflez toute la mise, négociez à mort, ne faites aucun prisonnier. C’est avec la bite et le couteau que l’on survit, pas avec son pois chiche toujours en retard d’une réflexion, selon Trump. Le coup de pied au cul sert de seule politique, en interne comme à l’international.

Manque à cet animal hollywoodien la faculté de fédérer, d’utiliser l’intelligence collective (il récuse les traités multilatéraux), d’entraîner une équipe (combien de départs ou de « démissions » à la Maison Blanche ?) ou une coalition (il conchie ses alliés). C’est sa fragilité. Trump, un colosse aux pieds d’argile ? Il est trop tôt pour le dire mais un second mandat pourrait le révéler.

Ce qu’il faut retenir est que Donald Trump n’est pas surgi d’une autre planète mais des profondeurs mêmes des Etats-Unis. Il appartient à la mentalité américaine du pionnier avec la foi d’un côté, le gros bâton de l’autre. Il suffit de se croire gagnant prédestiné au sein d’un peuple élu bâtissant un nouveau monde, et la force est ce qui va, ce qui s’impose de soi. Got mit uns, disaient « les autres », In God we trust scintille sur les billets verts. Le cow-boy éradique les Indiens sans état d’âme, les fermiers ravagent la prairie par droit d’occupation, les affairistes dealent sans scrupules, les financiers volent légalement, l’armée instaure le chaos dans tous les pays où elle passe faute de conscience des conséquences politiques futures.

« Trump est typique du pragmatisme américain dont le style essaime à travers le monde par l’action conjointe des grands et petits cabinets de conseil, des grandes et petites formations au management, du cinéma hollywoodien et du storytelling publicitaire ». Pourquoi nous étonner (je fus longtemps étonné) ? Pourquoi encore souscrire au mythe américain et avaler sa junk-food, porter son uniforme de jean ou de costume-cravate noir quaker, se soumettre à son puritanisme biblique, laisser ses lois extraterritoriales empiéter sur notre souveraineté et ses GAFA accaparer nos données ? La servitude est toujours volontaire et Trump, par son outrance, se montre en roi nu

Olivier Fournout, Trump banal, trop banal. Le président des Etats-Unis et son modèle, in revue Le Débat n°201, septembre-octobre 2018, pp.47-61, e-book Kindle €14.99 broché €21.00

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Bienvenue à Gattaca d’Andrew Niccol

Fantasme d’une cité parfaite, les trans (qui se disent « humanistes ») sont à la fête. Dans Gattaca, le centre spatial qui ouvre sur l’avenir et l’exploration des étoiles, ne sont sélectionnés que les meilleurs.

En bonne mentalité américaine, ce qui est meilleur est forcément génétique, essentiel, voulu par le Créateur. Au début et à la fin, le générique surligne en premier les lettres G, A, T et C qui représentent les bases de l’ADN. Tout ce qui est moins bon comprend une part du diable et « la chair » reste le péché suprême. Ce pourquoi tous les membres de l’élite spatiale, nec plus ultra de la science en marche, se doivent de porter costume-cravate de couleur noire et chemise blanche, tels les clergymen et les prêtres d’Etat que sont les fonctionnaires du FBI. Seuls les flics de base sont en imper et chapeau. Cet anachronisme quaker pour évoquer un « futur proche » de notre civilisation a quelque chose d’inquiétant : le conservatisme vire au fascisme aisément. Se croire « élu » par Dieu parce que génétiquement irréprochable est une idéologie où le mal et la souillure sont les autres, réduits à des tâches subalternes.

Un couple a voulu baiser comme avant pour faire un enfant ; Vincent est un bébé sain mais une goutte de sang prélevée immédiatement et analysée par ordinateur prédit déjà les risques qu’il court : il sera agité avec une propension à la violence, aura des problèmes cardiaques et devrait statistiquement mourir avant 30 ans, tout cela avec des probabilités allant de 69 à 89 %. Est-ce la main divine qui permet ainsi aux hommes de se perfectionner via la science ? La « grâce » venue de saint Augustin avant d’être reprise comme utile par Martin Luther et radicalisée par Jean Calvin ne s’adresse qu’aux élus chez les protestants (dogme condamné par l’église catholique dès le concile d’Orange en 529).

Devant cette imperfection de leur premier rejeton, le couple décide de lui donner un petit frère mais, cette fois, avec toutes les « garanties » de la Science, divinisée comme une Bible. Les protestants puritains américains préfèrent trop volontiers l’Ancien au Nouveau testament. Anton est un bébé parfait génétiquement, cette fois digne du nom du père, qui ne porte pas de lunettes de myope, qui peut entrer dans toutes les écoles où on peut l’assurer et qui croît plus vite que son frère aîné, le battant régulièrement à la natation durant leur enfance (la mer rappelle la mère et le liquide amniotique). Jusqu’à ce qu’un jour, à leur adolescence, ce soit Vincent qui le sauve de la noyade en le ramenant sur la rive dans une nature chaotique et menaçante, bien loin de la société programmée et aseptisée créée par le nouveau monde. Car Vincent (Ethan Hawke) va jusqu’au bout de ce qu’il entreprend tandis qu’Anton (Loren Dean) se repose sur ses lauriers.

Le jeune homme sait alors qu’il peut rêver des étoiles, explorateur né, pionnier issu de pionniers, résurgence « naturelle » et non « fabriquée » de l’esprit américain des premiers temps. Sa volonté impose à ses tares de servir son projet, quels qu’en soient les obstacles. Et c’est parce qu’il est imparfait – « non-valide » en américain de Gattaca – qu’il possède en lui les ressources multiples qu’une programmation nazie ne sauraient lui assurer. La propension eugéniste des nazis était en effet la pureté de la race mais surtout l’homogénéité du peuple qui permet aux individus de se sentir communauté, donc parfaitement disciplinés. Les trans (humanistes) pensent-ils autrement dans leur élitisme primaire de Blancs menacés par la montée des gènes nègres et latinos aux Etats-Unis même ?

Le jeune homme se fait embaucher dans Gattaca mais selon son statut de classe inférieure et non selon ses besoins ; le réalisateur retrouve ici le marxisme, pourtant honni des croyants puritains du maccarthysme. Comme il en veut, il va ruser. Il simule un décès à l’étranger et se met en relation avec un trafiquant (Tony Shalhoub – un nom déjà « louche »…). On ne sait comment il le rencontre mais « là où il y a une volonté il y a un chemin », disait volontiers Nietzsche. Ledit trafiquant fait commerce de fausses identités moyennant 20% des revenus tirés de la nouvelle situation. Pour être génétiquement parfait, pas de problème : il suffit de présenter aux tests des échantillons de sang, d’urine, de cheveux, de peau, génétiquement parfaits, d’être de la même taille, corriger sa vue par des lentilles de contact et ressembler suffisamment à son clone. Vincent est donc mis en relation avec Jérôme (Jude Law), un parfait génétique mais qui a échoué à acquérir la première place au championnat de natation. Il a voulu se supprimer pour cela en se jetant sous une voiture (électrique) et en est resté paraplégique. Il ne peut garder son train de vie de l’élite que s’il « loue » les éléments de son corps à un autre qui en a besoin et le finance. Il pisse dans des poches, se tire du sang, s’arrache des cheveux, se racle l’épiderme et collectionne tout cela pour Vincent, désormais prénommé à sa place Jérôme. Lui prend son second prénom, Eugène qui rime avec gène, en grec de noble race…

Et le nouveau Jérôme réussit sans problème son « entretien d’embauche » comme spationaute à Gattaca : il se réduit à l’analyse d’un échantillon d’urine. Si l’on est génétiquement sans reproche, on est réputé être professionnellement au top. La morale de la prédestination comme celle de la science et celle du capitalisme se rencontrent dans l’idéologie qui court sourdement sous la mentalité américaine.

Vincent/Jérôme réussit fort bien parmi ses faux pairs parce que sa volonté le fait travailler plus que les autres et que son intelligence rusée lui permet d’éviter tous les obstacles. Il est sélectionné pour le prochain voyage sur Titan, un satellite de Saturne, dont le créneau spatial ne survient que tous les 70 ans. Sa perfection apparente le fait désirer par Irène (Uma Thurman), une presque parfaite mais qui garde quelques tares génétiques, comme par le fils du docteur Lamar (Xander Berkeley) qui fait passer les tests de validation. Vincent/Jérôme sort avec Irène qui a fait discrètement un test génétique sur un cheveu qu’elle a trouvé sur son peigne dans le tiroir de son poste de travail (mais Vincent y a mis exprès un cheveu du vrai Jérôme, ne laissant rien au hasard). Irène lui avoue qu’elle n’est pas parfaite et que les statistiques lui prédisent des problèmes cardiaques, ce pourquoi elle se vêt, se maquille et se comporte comme plus royaliste que le roi pour faire croire – mais le garçon s’en moque, pour lui ce n’est pas cela qui compte. Tout serait irréprochable : le prête-identité qui est devenu un ami, le poste désiré, son départ prochain, une petite amie approchée – si le destin ne s’en mêlait.

Son directeur est assassiné ; il doutait du bien-fondé d’aller sur Titan et aurait bien retardé le programme pour deux générations. Sa mort permet de poursuivre selon le délai prévu mais la police enquête. Or, dans ce nouveau monde génétique, la police est surtout scientifique : elle prélève absolument tout ce qui peut se prélever et effectue des analyses ADN pour déterminer qui est le mouton noir du troupeau. Parce qu’il n’a pas été programmé pour éviter l’alopécie, Vincent/Jérôme laisse « un cil » sur un rebord de parapet – et ce cil montre qu’il est « in-valid », non validé. S’engage alors une course-poursuite où le flic à l’ancienne dirigé par Anton, le propre frère de Vincent, va tenter de coincer le renégat. Or ce n’est pas Vincent qui a tué le directeur ; en attendant de trouver le vrai meurtrier, il s’agit de durer jusqu’au lancement qui ne peut être retardé, ce qui donne quelques scènes d’action fort bienvenues dans ce film à thème.

Il n’y a que la prétention du vrai Jérôme à goûter le vin rouge tout en fumant une clope et râlant parce que le flacon n’a pas été ouvert au moins cinq minutes avant dégustation, qui fait tache. Un connaisseur sait qu’il est parfaitement inutile d’ouvrir la bouteille trop à l’avance, il suffit d’aérer le vin rouge en carafe ou de le faire tourner lentement dans le verre pour faire monter son bouquet. Quant à la clope, c’est un tue-l’amour sans appel ! Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi, une fois de plus, dans la société parfaite que le réalisateur présente du futur, il conserve tous les carcans victoriens inutiles (chapeau, imper, cravate) comme tous les vices de l’ancien monde (le snobisme, la clope).

Sans dévoiler la fin comme les profs contents d’eux qui gèrent Wikipédia le font sans vergogne, disons que tout ira bien pour Vincent/Jérôme : sa volonté triomphe de tout, seul message peut-être du film dans la lignée du « aide-toi, le Ciel t’aidera » plutôt que dans celle de la Prédestination de se croire « élu ». Ce qui le fait admirer et aimer, presque au sens sexuel, à la fois par Irène, par Jérôme, par son directeur spatial et par le docteur via son fils imparfait. Il faut dire qu’Ethan Hawke, à 27 ans, incarne un jeune homme musclé et empli de vitalité qui irradie son aura tout autour de lui.

Seule une part de hasard permet la liberté via la volonté, contre la prétention de la religion de tout prédestiner et contre l’orgueil scientiste de croire tout peut être calculable donc contrôlé.

DVD Bienvenue à Gattaca (Gattaca), Andrew Niccol, 1997, avec Ethan Hawke, Uma Thurman, Jude Law, Loren Dean, Alan Arkin, Gore Vidal, Ernest Borgnine, Xander Berkeley, Tony Shalhoub, Sony Pictures 2008, 1h42, standard €8.96 blu-ray €9.97

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Ernst Jünger, Soixante-dix s’efface

Jünger poursuit sa réflexion sur les événements qui surviennent dans son existence. Il a passé 70 ans et ces pages sont un carnet de vieillesse. Il ne sait pas encore qu’il dépassera les 100 ans et que la vieillesse est donc toute relative. Il évoque les insectes, les plantes, les rêves qu’il fait, les amis qu’il rencontre, les voyages qu’il accomplit. Et toujours, trente ans plus tard, la blessure qui jamais ne se refermera, le fils aîné disparu, Ernstel, comme une branche coupée.

Il faut lire Jünger avec une flore à proximité pour saisir le sel de ses remarques sur les plantes. De même pour les insectes. Ces bestioles m’intéressent peu, comme les rêves de l’auteur qui restent hors de mon domaine et dont la description, toujours très personnelle, toujours absurde, m’agace un brin. Cela vient moins des images elles-mêmes, d’un surréalisme systématique, que du sens caché que s’obstine à chercher Jünger sans jamais mener sa réflexion jusqu’au bout, comme s’il en avait peur. Le flou lui convient, il se complaît dans cette atmosphère de mystère auto-entretenu. De là mon agacement. C’est la vieille tentation romantique allemande de considérer chaque chose comme un reflet d’un autre monde, comme dépositaire d’un sens caché. L’Initié est alors celui qui a reçu le don du regard. Il n’est pas le savant qui promène sa pauvre lumière dans les recoins obscurs, mais le détenteur de la grâce, une sorte de poète qui « voit » sans avoir besoin d’aiguiser son regard. Quel orgueil ! Cela est furieusement protestant, naïvement adolescent aussi. Jünger, malgré son âge, n’avance pas en sagesse. Il ne voit pas la faiblesse de cette approche, cette conviction d’être en quelque sorte élu. Il est trop envahi de culture germanique, trop naïvement sérieux pour s’en rendre compte. Que le lucane soit un arcane heurte notre vieux bon sens latin.

Ce « positivisme » est sans doute un trait de caractère propre à la culture française, comme le note justement l’auteur à propos de la traduction de ses œuvres : « le Français tend au ‘de deux choses l’une’, et l’Allemand au ‘les deux choses à la fois’. C’est ainsi que le texte gagne en clarté et qu’il perd peut-être en profondeur » II p.527. Je m’interroge sur cette « profondeur », bien proche me semble-t-il de l’obscurité. Ne s’agit-il pas d’une angoisse « profonde » ? Ne préfère-t-on pas laisser dans le flou ce que l’on a peur de découvrir, signe d’une identité peu sûre d’elle-même ? D’où la fascination, peut-être, pour les insectes blindés qui croissent et multiplient sans état d’âme. Programmés, ils n’ont pas le fardeau de leur culture à vivre, ni celui de leur histoire à accomplir. Quel exemple fascinant pour un Allemand qui se recrée sans cesse depuis un siècle ! Une Europe enfin unie pourra-t-elle un jour rassurer ce peuple pris entre le nord et le sud, l’est immense et l’ouest impérieux ?

Au fil des jours, beaucoup d’observations donnent à penser – ce pourquoi on lit Jünger et pourquoi je préfère son journal à ses essais. Il est plus particulièrement apprécié en France où, malgré Montaigne, le superficiel semble avoir gagné presque tous les contemporains.

Je note cependant dans Soixante-dix s’efface le style de plus en plus allusif, le dédain de préciser la pensée, les grands rapprochements d’idées sans en tirer leçon. Il semble qu’avec l’âge qui s’avance, la paresse envahisse le style au rythme où se perd la vitalité. Le style, justement, semble se pétrifier. L’âme se cherche sous les fleurs, la terre et le rocher. Grande est la nostalgie de l’Ordre, de ce qui perdure et ne change pas. Fascinant est cet amour du classement, de la mise en nom des insectes ou des plantes, et des humains aussi, en parallèle, avec leurs modèles historiques.

Jünger se révèle profondément conservateur. Il est un paysan de l’ordre ancien, antérieur aux Lumières. Il observe l’histoire comme le cycle des saisons, les individus comme les archétypes véhiculés par les ballades et les légendes. Il cherche à percevoir le destin dans les cartes, les nombres, l’ésotérisme. Le présent le déçoit, il le préfère hermétique. Ce pourquoi il aime « le vieux Boutefeu (Nietzsche), plutôt voyant que philosophe » II 571. Est-ce pour l’excitation intellectuelle ? Car Nietzsche n’a pas ce conservatisme viscéral de la pensée, il hait la « lourdeur » allemande, sa satisfaction de vache à l’étable, son classement sans fin du monde établi. Il rêve d’un homme qui se surmonte, acteur de son histoire, qui bâtisse sa morale sans ressasser le vieux livre millénaire lui enjoignant d’obéir sans penser. Il préfère qui construit une éthique avec ce qu’il vit et comprend, pareil à ces Vikings qu’aimait aussi Jünger : « Notre prédilection de jeunesse et leur monde moral – au sens du « moral » bien entendu. Ma passion avait gagné Ernstel ; la saga de Gisli–le–Proscrit et de son dernier combat sur la falaise, était le récit qu’il préférait » 28 juillet 1968.

Mais Jünger est las de se battre. En témoigne cette réflexion du 25 mai 1971 : « L’aspect féminin de la nature est conçu comme immortel, le masculin, en revanche, comme éternellement changeant et ne subsistant qu’en vertu d’un rajeunissement perpétuel, qui suppose une mort perpétuelle ». Ce pourquoi beaucoup d’hommes sont plus sensibles aux petits garçons qu’aux petites filles – sauf exception, comme l’auteur le 24 avril 1978 : « Des petites filles chevauchaient les canons – tableau fantastique ». Sensuel aussi, le vieil austère ne le dit pas.

Car « un journal intime a de l’importance presque comme la prière, qu’il remplace d’ailleurs en partie », 20 mars 1980.

Ernst Jünger, Soixante-dix s’efface, Gallimard 1984, 553 pages, tome I €28.40, tome II €50.52, tome III €29.40, tome IV €35.50, tome V €19.80

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Démocratie et algorithmes

Les Lumières avaient du bon, elles visaient à découvrir en l’humain ses possibilités cachées et à les révéler au grand nombre. La raison est la chose du monde la mieux partagée, disait Descartes. Mais chaque mouvement connait le risque de sa dérive. De la raison nait le raisonnable, mais aussi le rationnel et le rationalisme.

Si chacun peut être raisonnable, s’il maîtrise ses passions et sublime ses pulsions, le rationnel est déjà plus ambigu. Connaître en raison le monde est le but du savoir scientifique qui fonctionne par essais et erreurs, hypothèses et tests. Mais cette méthode rationnelle est elle-même une croyance, comme l’a montré Nietzsche, une « volonté de savoir ». Cette volonté côtoie d’autres volontés, toutes aussi légitimes qu’elle, comme la volonté de se préserver et la volonté de puissance. Faire de la rationalité l’alpha et l’oméga de l’être humain, c’est le réduire. Croire au tout mathématisable, c’est amputer l’humain.

Le rationaliste croit que tout est calculable, que tout est paramétrable et qu’il suffit d’accumuler des masses de données (Big data) pour en calculer les probabilités selon les circonstances, et définir des modèles algorithmiques pour décider. Exit l’humain, place aux machines ; exit la politique, cet art de concilier les contraires par la négociation et le compromis, place au rationnel pur.

Déjà, les politiciens montrent qu’ils maîtrisent de moins en moins les décisions. Les grands problèmes de notre époque ne sont plus à la mesure des élus, souvent professionnels de la politique avec une vue étroite des choses et des gens, faute d’expérience dans la réalité vécue. Leur temps est celui de l’élection, pas du long terme – qui seul importe pour le climat, les ressources, les migrations, la démographie, la santé, et ainsi de suite. Ils ne sont plus audibles parce qu’ils fonctionnent entre eux, en petits jeux tactiques, tout en se servant au passage dans l’argent public et vivant largement. Une fracture entre peuple et élite se double d’une perte de légitimité du régime représentatif : pourquoi élire des prébendiers s’ils sont impuissants à faire quoi que ce soit d’utile ?

La tendance longue est à la bureaucratie, remplacer l’action politique par la gestion des choses. Elle est amplifiée, depuis des décennies, par la technocratie : c’est pas moi, c’est « on ». Les hautes autorités, Bruxelles, la Cour de justice, la Banque centrale, le FMI, l’ONU… sont autant de démission apparente du politique, qui noie les décisions sous l’anonymat et la machinerie bureaucratique. Ce pourquoi, avec ses gros sabots, Donald Trump touche une corde sensible : lui veut réhabiliter la décision politique, même si c’est avec une insigne maladresse et avec un mépris total des conséquences. Le Brexit est l’expression de la même tendance, en plus subtil.

Bureaucratie, technocratie, ne restait à venir que l’automatisme. Le voilà qui vient. La personne disparaît au profit de la donnée, le gouvernement au profit de la gouvernance, le pouvoir de décider à l’abandon aux machines. Ce vieux mythe de la société autorégulée, harmonieuse, cette République de Platon ou ce Phalanstère de Fourier, renaissent avec l’idéologie transhumaniste, transdémocratique. Le destin historique du marxisme rejoint la main invisible du libéralisme pour enfumer le peuple par un opium puissant : celui du tout-calculable par la puissance informatique, du tout-prévisible par les algorithmes du Big data, du non-travail grâce aux machines, robots et autres applications numériques. Et les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) – tous américains… – de se réjouir du monde qui vient, tout entier voué au divertissement, au temps de cerveau disponible, au paraître, à la futilité – et à l’International Business Machine.

Big Brother is watching you !

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Macron peut renouveler la gauche si…

Au début du mois je formulais l’hypothèse qu’Emmanuel Macron pouvait renouveler la gauche moribonde, SI François Hollande décidait de ne pas se représenter, et S’IL désignait volontairement le jeune ex-ministre comme son dauphin, avec tout son soutien.

Évidemment, sans le soutien présidentiel ni le vote de la primaire à gauche, rien ne se fera. Macron ne possède aucun réseau de taille et n’a jamais été élu d’une circonscription. Et tout reste possible avant les primaires de droite et de gauche, y compris l’égocentrisme du président qui ne peut croire qu’un autre puisse être président… cette mégalomanie est bien arrivée à Sarkozy, elle peut toucher Hollande par imitation.

Macron a été pour Hollande celui qui pouvait dire tout haut ces « horreurs économiques » que la gauche étatiste, autoritaire et jacobine considère comme des péchés mortels : l’inamovibilité de la fonction publique, les 35 h, l’impôt massif pour une redistribution massive, la conservation bec et ongles des zacquis sociaux même si l’Allemagne, le Canada et la Scandinavie les ont adaptés, même si la globalisation exige de la compétitivité, la haine irrationnelle de l’argent, de la prospérité, de la richesse, la méfiance viscérale envers l’initiative, l’entreprise, la prise en main par les travailleurs, les communes, les associations, les collèges, de ce qui apparaît comme un privilège d’État…

Macron a été l’autre voix de Hollande un moment, celle qu’il aurait bien voulu avoir sans jamais l’oser. D’où ce « coup » possible de désigner un dauphin aux suffrages des sympathisants de gauche (bien plus vastes et plus ouverts que les esprits étroits du parti socialiste).

Mais Hollande est double ; il veut aussi copier Mitterrand, son bon maître, bien plus politique et bien plus cultivé que lui, sauf sur l’économie. Mitterrand a piégé Rocard, qui représentait cette deuxième gauche adaptée au monde que le jacobinisme socialiste rejetait. Mitterrand n’était pas vraiment socialiste, il était même à la mode de sa jeunesse Camelot du Roy, c’est-à-dire catholique monarchiste ; il n’a pas vraiment été contre Pétain à Vichy ; il a été un ministre de la IVe République qui a défendu « l’Algérie française ». Mais Mitterrand a toujours su nager et son impérieux orgueil lui a toujours donné le sens du vent. Hollande n’en est que la très pâle copie – sauf qu’il peut lui aussi, par un sursaut d’orgueil, se représenter et piéger Macron comme Mitterrand avait piégé Rocard.

Nul doute que, s’il veut « rester dans l’histoire » comme il le proclame, le président actuel ferait un beau geste en adoubant le jeune Macron contre les trop mûrs usés qui se présentent. Comme le montre un sondage Odoxa, institut créé par un ancien directeur-général adjoint de BVA,  sur 999 personnes choisies selon la méthode des quotas, interrogées entre le 15 et le 16 septembre, les Français veulent des hommes neufs en politique. Le candidat idéal à la présidentielle devrait pour 71% des interrogés être honnête et sincère, ayant des idées nouvelles.

Et devinez qui arrive en tête à la question « parmi les responsables politiques suivants, lequel est selon vous le meilleur candidat pour représenter la gauche à la présidentielle de 2017 ? » – Emmanuel Macron pour 28%, 10 points devant Mélenchon (18%) ou Manuel Valls (17%)… et seulement 8% Hollande !

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Non seulement le rejet de Hollande reste massif, mais les tribuns à La Mélenchon, Valls ou Montebourg séduisent peu : des promesses, toujours des promesses…

Bien sûr, les zélites autoproclamées des médias et du vieux parti socialiste voient toujours une impossibilité à introniser « le diable » : aucun des éditorialistes soi-disant « spécialistes » du marigot ne prend en compte l’hypothèse Macron. Car les sympathisants de gauche préfèrent la grande gueule Mélenchon, seule apte selon eux à faire poids égal à la grande gueule Le Pen. Non seulement c’est bien le signe qu’ils ont déjà perdu la présidentielle dans leurs têtes, mais ils ont en outre relégué leur champion « naturel » François Hollande à 18% – 6 points derrière le partisan de la Terreur et chaud soutien du président Chavez ! Quand on voit dans quel état Chavez a mis le Venezuela, on peut douter du « désir d’avenir » que peut représenter un Mélenchon même à gauche, même au-delà du parti socialiste… Emmanuel Macron apparaît quand même à 15%, juste derrière Valls à 16% – sachant que la marge d’erreur pour tous ces chiffres et de 2.5%.

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Donc mon hypothèse – dont je rappelle qu’il s’agit d’une supposition cohérente qui a vocation à être testée (donc peut-être infirmée) par l’expérience – reste d’actualité.

Quatre obstacles à la réalisation d’une candidature Macron (je ne parle même pas d’une élection) :

1/ Le poids de l’entourage, qui va flatter l’orgueil présidentiel, dans le style « moi ou le chaos ». Tous les imbus d’un quelconque pouvoir se sentent toujours indispensables ;

2/ La lâcheté intellectuelle dont Hollande a déjà donné maintes preuves (« mon ennemi la finance », « je vais renégocier le traité avec Merkel », « la déchéance de nationalité pour les terroristes »). Il peut très bien croire que Macron ferait gagner la gauche – mais en même temps céder au vieux parti socialiste pour ne pas assumer sa volonté – montrant une fois de plus qu’il n’est pas le président « de tous les Français » mais de l’étroite clique qui le supporte ;

3/ La grosse caisse des ringards de la gauche, minoritaires dans le parti même, mais avec le battage médiatique le plus fort, la gauche jacobine ayant toujours su faire entendre sa ligne au détriment de la gauche réformiste, libérale et décentralisatrice, de Mendès-France à Rocard ;

4/ Dire son inclination pour une candidature ne signifie pas voter in fine pour un candidat, nombreuses ont été les personnes sympathiques aux Français mais pour qui ils n’ont jamais votés, préférant les logiques d’appareil : Barre, Rocard et Balladur entre autres. Alain Juppé pourrait d’ailleurs à droite être dans ce cas.

Il y a donc beaucoup de « si » à l’hypothèse Macron. Mais la balayer d’un méprisant revers, sous le prétexte que ce n’est pas écrit dans les journaux, me paraît un peu léger. Penser par soi-même plutôt que penser comme la horde, n’est-ce pas user de sa raison, donc être un digne citoyen ?

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CGT-Le Pen : même combat !

La pensée gros-bras de la CGT rencontre la pensée simpliste du Front national pour résoudre d’un coup de faucille ou de marteau tous les problèmes complexes. Le yaka est la solution habituelle du populisme. Oh, non pas pour résoudre effectivement les problèmes – ils sont bien trop complexes et imbriqués pour qu’ils aient une solution simple – mais seulement pour dire à chacun ce qu’il souhaite entendre dire.

  1. A gauche le jacobinisme fusionnel à la Rousseau, où la « volonté générale » est cooptée par quelques-uns. Ils seraient plus lucides selon la CGT, plus « avancés » selon la théorie marxiste de l’Histoire, plus menaçants dans les rapports de force selon les trotskistes de FO.
  2. A droite le fascisme organique à la Mussolini, volontiers repris par Poutine ou Erdogan, au nom de l’unité communautaire nationale.

Les ennemis communs : l’individualisme, donc l’émancipation personnelle, la liberté de dire et d’entreprendre, le choix électoral. Autrement dit le libéralisme, avec ses traductions que sont la démocratie en politique, le libre-marché concurrentiel en économie et le libre-examen en sciences. L’économie ne serait pas une question de savoir mais de volonté, la monnaie pas une mesure des échanges mais un acte juridique d’Etat – qui décide souverainement de sa valeur et de sa quantité. Donc pas de science économique mais la volonté d’Etat, pas de liberté de marché mais les monopoles d’Etat, pas de régime des changes mais une autarcie non-convertible d’Etat. Quelque chose comme la Chine avant Deng Xiaoping ou la Corée du nord du Grand leader incomparable Kim Jong-un.

Pourquoi ces ennemis sont-ils communs ? Parce qu’ils viennent de la tradition protestante anglo-saxonne, bien loin de l’autoritarisme catholique ou orthodoxe (ou en Turquie musulman), traduit il y a peu dans l’infaillibilité du Pape ou du Parti.

Quoi : lire tout seul la Bible comme le voulaient les Protestants ? Donc apprendre à lire à tous, y compris aux femmes et aux humbles ? Que chacun puisse juger par soi-même – donc « se faire avoir » par les forces du Mal (patrons, consommation, désirs) ? Ou créer son entreprise pour « faire de l’argent » et pas pour « créer des emplois » ?

  • Rien de pire pour un cégétiste (qui n’a jamais lu la loi Travail mais seulement les préjugés et contrevérités dont son syndicat emplit ses tracts). L’existence est simple : il y a d’un côté les patrons – immondes, forcément immondes comme dirait la Duras – et de l’autre les angéliques travailleurs « qui n’ont que leurs bras » (en effet, on se demande où sont leurs têtes dans l’avalanche de contrevérités et le jusqu’au-boutisme sans avenir qu’ils acceptent sans réfléchir). Dans cette guerre civile, il s’agit donc de rapports de force. Bloquer le pays avec peu est donc « le droit » d’imposer sa minorité, au nom de la volonté générale.

moustachu cgt

  • Rien de pire pour un frontiste (qui se moque du parlementarisme mais considère seulement la nation). L’existence est simple : il y a d’un côté l’élite apatride – cosmopolite et universaliste, multiculturelle – et de l’autre l’angélique « peuple réel » enraciné, attaché à ses habitudes, mœurs et traditions. Dans ce divorce croissant qui devient guerre culturelle (avant peut-être la guerre civile comme sous Mussolini et Hitler), il s’agit de rapports de force. Qui t’a fait roi ? demande-t-on à l’élu. Qui représentes-tu ? Et revoilà le mandat impératif que les Jacobins pratiquaient, avant que le droit constitutionnel ne rende l’élu représentant du peuple tout entier. Faire basculer le pays avec le grignotage quasi salafiste « à la base » des élus de terrain et des associations locales, permettra donc de renverser la hiérarchie des normes et de replacer le local avant le global (tout l’inverse de ce que veut la CGT sur la loi Travail, d’ailleurs).

national pride

Mais tous deux, CGT comme Front national, de vilipender « le capitalisme » (au nom des monopoles d’Etat), la soumission aux Yankees (au nom de la soumission au tsar Poutine), le parlement-croupion où des députés-godillots votent comme leur majorité sans penser (au nom de la révélation permanente du peuple par lui-même – évidemment manipulé par la petite caste du parti).

Ils sont pour la « démocratie » directe, ces bons patriotes… C’est-à-dire pour la prise de pouvoir par la force d’une minorité sur la majorité – tout comme fit Lénine en 1917. Au nom de leur volonté à eux, censée être la Vraie, la Pure, l’expression du Peuple réel même : travailleurs pour les uns (comme si les « patrons » ne travaillaient pas), communauté nationale pour les autres (comme si « être né » suffisait aux talents).

Penser par soi-même, voilà l’ennemi ! « Réagir » selon sa caste, sa classe, sa race – voilà le réflexe « sain » pour ces « réactionnaires ».

Car il s’agit bien de « revenir à » un Ancien régime, celui des Trente glorieuses pour la CGT, celui d’avant la Révolution pour le Front national. L’individualisme est destructeur : de la race et de la nation par mariages mixtes et cuisines exotiques, premiers pas vers le « multiculturalisme » qui relativise tout par utilitarisme marchand. L’individualisme permet de placer l’entreprise au-dessus de la branche, pour s’adapter au terrain, ce qui va contre l’égalitarisme forcené des cégétistes Jacobins – qui n’ont jamais voulu voir qu’une tête, que ce soit à l’école (contre les intellectuels traités hier de pédés, aujourd’hui de bouffons), à l’armée (penser, c’est déjà désobéir), dans la société (être différent, c’est être non-conforme, donc rejeté), dans l’entreprise (voir son intérêt est être « jaune », donc être tabassé), en politique (trahir sa classe).

Libéralisme, individualisme, démocratie, capitalisme : tout ça dans le même sac, à l’extrême gauche comme à l’extrême droite. La société est unité organique, le syndicat unité de classe : il n’y a pas à sortir de là.

La liberté ? Mais qu’est-ce là ? La liberté de savoir et d’apprendre qui creuse les inégalités entre les gens ? La liberté de créer et d’entreprendre qui marque ceux qui osent de ceux qui restent ? Le capitalisme est l’expression économique de cet individualisme fondé sur la liberté : c’est cela même qu’il faut combattre !

Pour rester entre soi, c’est l’égalité qui prime, la fraternité viendra en sus. La liberté, si l’on veut conserver ce terme bourgeois, c’est d’obéir volontairement à la loi qu’on s’est choisie (Rousseau dixit). Autrement dit : ferme ta gueule et fait comme tout le monde, sinon…

Le cégétisme comme le frontisme aboutissent donc inéluctablement à la fin du débat, à la fin de la pensée, à l’alignement « organique » sur la volonté générale – dont « le droit » serait discrétionnaire et non opposable. Seule façon d’imposer l’égalité ? – La dictature. Car qu’est-ce que l’inverse de la liberté à votre avis ? L’inverse du libéralisme ? L’inverse de la démocratie – où chacun débat sur l’agora ?

Allez, faites un effort personnel : cherchez dans le dictionnaire les antonymes de ces concepts dont chacun a la bouche pleine sans plus en sentir la saveur. Vous verrez…

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Rencontres de Montcuq 2005

Dimanche, 21 août 2005

Voilà, c’est fait. L’événement s’est produit malgré les doutes de quelques blogueurs et le scepticisme amusé du Conseil municipal de Montcuq « dont le nom attire souvent les farfelus ». Les rencontres de Montcuq (finalement, il faut prononcer « Montcuque ») ont été un succès, sous le mystère de Fraise des Bois. La salle a été réservée, l’ordre du jour a été respecté, chacun a pu s’exprimer, la presse locale était présente, l’apéritif a été offert. Hommage à l’organisation d’un seul : Fraise des Bois montre son aptitude à gouverner, avis (en 2005…) aux politiques.

Montcuq Fraise des bois

Chemise rose de rigueur et sandales démocratiques, le PM virtuel a ouvert la séance, tout à fait informelle. Chacun s’est présenté, a dit ce qu’il a voulu. Zérotonine a avoué qu’elle n’était plus vraiment au chômage, mais pas encore tout à fait au travail ; son Aspirateur à chatouilles était un grand garçon très sage  de 7 ans qui a dessiné une fraise mais n’a pas mis d’éléphant derrière. Lunettes rouges amateur d’art était en baskets rouges. Condorcee s’effaçait, dépressive, ne sachant si elle allait apparaître, se faire connaître, signer une carte ou deux – ou pas. Bourrique et Bourricot, souriants, amusaient la galerie ou parlaient technique d’animation. Ckck ouvrait l’œil turquoise clair et campait avec Yann de Babylone, « ex-informaticien, actuel chômeur et futur étudiant ».

montcuq hotel saint jean

« Ah, c’est vous ? » a dit le Maire, informé par sa DST, avant de demander où logeait le gros des blogueurs, retombées économiques obligent. Le mystérieux hôtel Saint-Jean a fait jaser mais les blogueurs logés là n’ont eu qu’à se louer de l’accueil. Virginie devait écrire un livre mais elle avait le blues; elle en est toujours au premier chapitre mais elle nous a dessiné l’ouverture. Uu s’y est engouffré, adepte du Happy World, aimant à rencontrer d’autres tempéraments et confronter des idées. Contrairement aux soupçons virtuels, Uu ne colle pas. Jean Stéphane, qui ne parlait que par images, a libéré la parole ; en attente de travail, il a publié sa biographie professionnelle intégrale dans sa page « à propos » du blog Photographies. Un ami à lui, comédien, a dit une chose intéressante durant un moment off : « je n’ai pas créé de blog parce que je m’exprime suffisamment dans mon métier. Je n’ai pas besoin d’exister autrement. »

Montcuq Conseil des blogs 2005

La remarque est à prendre en considération. Pourquoi crée-t-on et anime-t-on un blog ? Trois motivations ont émergé parmi les 14 blogueurs présents : 1/ militer, 2/ se psychanalyser, 3/ créer une œuvre.

Plusieurs blogs sont politiques, le plus souvent proches du Parti « S » (à la ligne si sinueuse que les sympathisants ressentent l’envie de fixer quelques bases plus ou moins roses). Un élu, maire de grande ville, a créé son blog personnel pour ajouter sa touche humaine aux sites officiels. Un ex-élu, lassé des appareils, parle de tout et de rien, écrémant les idées qui lui plaisent dans le débat virtuel. Une qui voudrait adhérer voit son chèque de prise de carte bloqué jusqu’à ce que les dirigeants locaux aient bien compris sa ligne au futur Congrès…

Laissons les politiques à leurs petits jeux. Il est nécessaire de bien distinguer les appareils partisans, chargés de sélectionner des candidats crédibles pour gouverner, et les boites à idées qui orientent l’idéologie et proposent des actions. La France a trop d’ambitieux mais manque d’idées depuis quelque temps. Les blogs renouvelleront peut-être ces « think tanks » indigents. [Dix ans après, c’est plutôt oui, loin des médias zofficiels – et c’est heureux ! malgré l’anarchie, le grand n’importe quoi paranoïaque et les injures]

La quête de soi n’est pas étrangère aux blogueurs mais peut-être surtout aux bloggeuses. « Je n’aurais peut-être pas vécu cette année de chômage aussi bien si je n’avais pas créé ce blog », déclare Zérotonine. « Au début, ça me gênait de mettre des choses intimes », a dit Condorcee en off. Elle a créé ce blog pour dire son admiration pour le personnage de Condorcet et la biographie que lui a consacré le couple Badinter. « Pour moi, le blog, c’est de l’éphémère, disait Lunettes rouges, je n’enregistre pas mes notes, elles dureront ce qu’elles dureront sur le site du Monde. Je parle des artistes qui me marquent, pas de tous ceux que je rencontre. » « J’ai créé un blog parce que, dans ma grande boite informatique au Luxembourg, je ressentais un divorce croissant entre ma vie et mes aspirations », disait Yann, « écrire, ça m’a recentré ». « Mon blog, ça part dans tous les sens, c’est souvent n’importe quoi », disait Bourrique la prof des quatrièmes (« les pires » !). Ses élèves lisent-ils son  blog pour mieux la connaître ou pour s’en gausser ? « – Faudrait d’abord qu’ils lisent ! Dès qu’ils voient plus de deux lignes de texte, ils zappent. » Au fond, le blog reflète tout simplement son auteur… Une personne tenant un blog a même voulu rester incognito : des fois qu’on la reconnaisse dans la vraie vie ! Pour ne pas attirer l’attention, elle s’était déguisée en clown (la personne).

Montcuq blogueuse incognito

L’œuvre en marche ne concerne que des blogs assez rares, ceux qui ont la volonté d’aller au-delà de l’éphémère. Virginie s’y situe sans doute, comme moi-même. Point de militance, ce qui n’exclut pas les remarques politiques ; point d’auto-analyse, bien que rédiger et dessiner est bien créer un style – et que le style révèle la personne.

En gros, animer un blog est une volonté de participer au mouvement du monde, d’y laisser sa trace, de se frotter aux autres – en toute liberté.

Ce que nous avons tous remarqué est qu’une rencontre réelle après une fréquentation virtuelle n’est pas une « surprise ». L’autre est bien tel qu’il apparaît sur son blog ! Nous nous sentons immédiatement de plain-pied avec lui. N’est-ce pas la beauté de l’outil ?

Montcuq Oscar le fantome 7 ans

Les blogs dont la présence a été remarquée le 18 août 2005 à Montcuq (Lot) : [ne cherchez pas, il n’en reste qu’un seul : Amateur d’art sur lemonde.fr]

A quelques blouzes de chez moi
A©tu bien pris tes comprimés
Amateur d’art
Bourriquenews
Convalescence d’une dépressive
Fraise des Bois, me voilà !
Fugues & fougue
Michel Moine
Ouvrez l’œil
Photographie
Une chimère à Babylone
Ze happy world according to UU
Zérotonine au chômage

… plus le blog de la personne incognito, que je ne peux pas révéler.

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Nourritures tahitiennes

Un élu de l’Assemblée de Polynésie française propose de les élever pour les consommer localement. Quoi ? Les tortues. L’élu dont il est question, Antonio Perez d’A Tia Porinetia n’oublie qu’une toute petite chose, la tortue verte, de l’espèce Chelonia midias, braconnée dans nos îles, est protégée non seulement par la convention de Washington mais aussi par une délibération de l’Assemblée territoriale en date du 13 juillet 1990. Et quand quelques hurluberlus clament d’une forte voix que le peuple ma’ohi a toujours consommé de la viande de tortue, c’est FAUX ! La viande de tortue n’était consommée que dans les circonstances exceptionnelles par les hautes castes de la société ma’ohi. L’animal était considéré par les anciens comme un symbole protecteur et sacré. Alors un « coup » politique, une provocation gratuite ?

RAMBOUTANS

Les ventes ont commencé à Huahine, Raiatea, Taha’a. La récolte est moindre que l’année passée. Conséquence ? Le prix de la vanille mûre est en hausse et ne devrait pas cesser de monter. Le prix offert ces dernières semaines ? 5 000 XPF/kg (41,90€), il n’était que de 3 000 XPF/kg l’an passé. Les pesées de juin et juillet seront les plus productives. Les préparateurs essaient de refaire leur stock.

Réception des marchandises sur le quai des goélettes à Avera, la fourgonnette de la supérette, chargée des denrées reçues, a été poussée accidentellement dans le lagon. Elle sera remontée à la surface après une nuit passée dans l’eau. Surprise ! Le véhicule a été pillé. Les pêcheurs nocturnes ont ramené des cartons de nourriture et autres chez eux ! Seules encore à bord, des boîtes de conserves pour chien. Merci Seigneur ont dû dire les pêcheurs !

RESTES DE VÏ TAHITI APRES LE PASSAGE DES POULES

Il y a maintenant quelques années mon amie B. est venue passer quelques semaines au fenua, après un périple en Australie. Je lui ai fait découvrir Tahiti. Lors d’une visite au marché de Papeete, B. s’était attardée devant les étals de fruits et légumes. De retour chez moi, elle me confia avoir trouvé et acheté des mangues. « Des mangues, mais ce n’est pas la saison lui dis-je ». Qu’à cela ne tienne elle persistait « elles ne sont pas tout à fait mûres, nous attendrons un peu avant de les déguster ». D’accord ! Vint le soir, où installées sur le balcon, l’heure de savourer les mangues arriva. La Spondias dulcis avait fière allure, jaune et B. la découpa religieusement. B. la goûta, me regarda effarée : » mais ce n’est pas une mangue ! ». Ce n’était qu’une pomme-Cythère ou vï Tahiti ! (vï = mangue pourtant !).

VÏ TAHITI

Le pommier-Cythère est originaire de l’Asie du Sud-Est. Son fruit, le vï Tahiti passe du vert au jaune lorsqu’il est mûr, la partie charnue est acidulée et comestible, qualifiée de délicieuse par les amateurs, mais la chair est pleine de filaments rattachés au noyau et qui rendent la dégustation assez déplaisante ! Grosse déception pour B.

Au sabbat, nous étions invités chez des amis adventistes où un buffet regorgeait de tout. Pour dessert, B. choisit une brochette de fruits locaux et arriva la seconde collision avec la « mangue de Tahiti ». Ce fut la dernière rencontre de B. avec la vï Tahiti. B. est retournée en France amèrement déçue par cette « mangue ». Mai est le mois des vï Tahiti, et il ne se passe pas une fois où mes amis polynésiens me taquinent : » Voici des mangues de B. pour le petit déjeuner l’arbre est couvert de mangues de B. les poules se régalent des mangues de B. » Même avec la distance, B. doit entendre ses oreilles siffler !

Hiata de Tahiti

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Bruno Le Maire, Des hommes d’État

bruno le maire des hommes d etat
Journal de la vie politique au plus haut niveau, du 1er janvier 2005 au 6 mai 2007, jour de l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République. Bruno Le Maire, fidèle de Dominique de Villepin, l’a suivi comme conseiller, puis comme directeur de cabinet lorsqu’il a été nommé Premier ministre. Deux années de pouvoir où un Chirac vieillissant jetait ses derniers feux, de moins en moins intéressé par la politique intérieure.

L’attrait de ce livre passionnant est de montrer les animaux politiques dans leurs ors et marigots, mais surtout de mesurer combien cette passion prend la vie même, au point d’en oublier les vrais gens et même sa propre famille. Bruno Le Maire évoque souvent ses enfants, deux petits garçons qu’il n’a jamais assez le temps de voir grandir, mais aussi la musique, seul délassement possible après une journée trop remplie de papiers à rédiger, de réunions à suivre et de documents à négocier.

Sarkozy aime la politique par instinct, comme un animal ; Chirac fait vieux lion usé et déjà cacochyme, « méchant » par réflexe, indifférent surtout ; Villepin ne se voit qu’en général, en vue de l’intérêt mais surtout pour charger à la tête des troupes, il n’a pas la passion politique, jamais élu, sans goût pour les réseaux.

Bruno Le Maire quittera ces mentors qu’il respecte, de vrais « hommes d’État » selon lui, ayant beaucoup appris et sans fidélité aucune. Mais il ne fera pas comme eux : ni dans l’isolement superbe, ni dans la roue des puissants. Il se fera élire député d’une circonscription avant de devenir ministre. On ne fait pas de politique avec de bons sentiments et la fidélité ne doit jamais rester que tactique. On aime ou pas la politique (je n’aime pas) – mais si l’on aime, il faut aller de l’avant comme une force qui va, ralliant les indécis et ne se présentant aux électeurs qu’avec un élan. Ils le comprennent fort bien…

Sur l’Europe déjà, il y a 9 ans le diagnostic de l’observateur était sans faille : « une concentration excessive des pouvoirs, des règlements confus, une absence de choix politiques ou, pire, des choix politiques déguisés sous des impératifs économiques, une impuissance patente sur la scène internationale, un élargissement mal expliqué et réalisé sans aucune réforme significative du fonctionnement des institutions » p.38.

Le portrait de François Hollande est incisif : « allure débonnaire, la cravate mal nouée, les joues un peu rouges, le costume de travers. Il est l’homme qu’on ne remarque pas. (…) Il parle, il se transforme. Ses convictions semblent le transporter, il trouve les mots qui frappent, les formules cinglantes, il sait jouer autant de la gravité que de l’humour » p.44.

Celui de Nicolas Sarkozy ne l’est pas moins : « Des hésitations ? Des doutes ? Il en a, il les exprime et, ce faisant, les retourne comme des arguments supplémentaires en sa faveur, avouant une incertitude qui apporte au pouvoir sa part d’humanité. Personnage politique inouï, autoritaire, persuasif et inquiet, dont la quête du pouvoir ne pourra prendre fin avec l’élection de 2007, qu’il la gagne ou qu’il la perde, obsédé par la volonté de transformer les choses, par la force autant que par la séduction, de bouger, de changer, d’imposer le mouvement, comme dans une conjonction singulière de son propre caractère et de son intuition sur la France » p243.

Sur la mentalité française, il dit vrai et voit loin : « Notre pays de castes et de statuts n’aime pas la diversité des esprits, il voudrait les soumettre aux mêmes règles, aux mêmes obsessions, aux mêmes privilèges et aux même buts. La naissance a été remplacée par la sélection, qui permet à un certain nombre d’élèves doués, une fois franchi l’obstacle formel des concours auquel toute leur enfance les a préparés, de se trouver immédiatement sur l’orbite de la réussite, où ils se maintiennent à force d’habileté, de sens critique, d’ordre et de volonté. (…) de la compétence plutôt que de l’excellence, du mérite en lieu et place des titres, du dialogue, de l’échange, de la confrontation d’idées, en poursuivant dans cette voie notre pays se donnerait de meilleures armes pour demain » p.60. Ce pourquoi les meilleurs et les plus intelligents votent avec leurs pieds, en s’expatriant massivement, laissant les plus scolaires et les moins ouverts jouer aux hauts-fonctionnaires (rares sont les « bonnes exceptions », comme l’auteur issu de Normale sup avant l’ENA).

La photo choisie pour la couverture résume assez bien la période : Chirac penché sur lui-même et sur le passé, Sarkozy regardant l’avenir, sourcils froncés et, entre deux un Villepin flou, l’œil ailleurs.

Ces animaux politiques sont bien intéressants et Bruno Le Maire les observe en leur milieu comme personne, parlant Chirac ou mimant Sarkozy avec verve. Il est détaché, car n’envisage pas de suivre leur vocation exclusive, tenant trop à la vie et aux bonheurs simples qui naissent si l’on prend le temps de les cueillir. Il les admire, car il faut bien que quelqu’un soit au pouvoir et l’exerce pour que la démocratie vive. Il agrémente récits et portraits de petits détails véridiques qui font le sel du pouvoir.

Une lecture très vivante superbement écrite que j’ai dévorée avec appétit.

Bruno Le Maire, Des hommes d’État, 2007, Livre de poche Pluriel 2012, 451 pages, €9.69

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Thorgal 31, Le bouclier de Thor

Thorgal 31 couverture

Suite de la quête initiée dans Moi, Jolan, où les cinq compères ont réussi à parvenir au château de Manthor à l’aide de leur intelligence, de leur courage, et de leurs talents physiques. Les « pouvoirs » sont en plus et Manthor les en a privés pour les tester. Lorsqu’il leur redonne, dans la salle du petit-déjeuner, c’est aussitôt une suite de défis que se lancent les ados. Ils veulent se mesurer afin d’apparaître comme le meilleur, fille comme garçon. Sauf Jolan, un peu naïf, qui voudrait les voir tous unis.

jolan 15 ans demi nu

Mais quand chacun a pris conscience que la mission devait recourir aux talents des cinq, les voilà tous attentifs : l’engrenage du temps permet un passage entre les mondes durant certaines périodes lunaires. Ce passage est barré par une porte massive aux cinq serrures. Chacun des candidats possède le pouvoir d’en ouvrir une, ils doivent donc collaborer jusque là. Ensuite, ce sera chacun pour soi.

mission des adolescents

Tout se passe au mieux puisque la bande a un but commun et que chacun a pu jauger les autres. Jolan est le seul à vouloir en savoir plus sur Manthor, au lieu de toujours « s’entraîner ». Lui utilise sa tête, pas toujours les autres…

jolan apres l effort

Rosinski est heureux de dessiner l’éphèbe blond aux cheveux flottants et au col dégrafé. Il le réussit mieux que préadolescent aux traits incertains et aux cheveux noués des albums précédents. Ce qui donne quelques postures réussies, malgré l’encrage baroque un brin criard.

jolan ephebe blond

Assommé par une rivale, Jolan se retrouve fort en retard pour aller, au-delà de la porte, dérober le bouclier dans la forge de Thor. Au lieu de se précipiter pour rattraper le temps perdu, il préfère monter en haut de l’arbre Yggdrasill pour mesurer la distance. Il calcule qu’en trois jours il est impossible d’aller et de revenir.

jolan adolescent

Aussi, plutôt que rester bloqué 300 jours du mauvais côté du monde, sous la menace constante de la colère des dieux pour cette transgression, il revient sur ses pas et repasse la porte ouverte.

jolan 15 ans et demi

Au lieu de se mesurer au temps, pourquoi ne pas tenter d’arrêter le temps ? Il suffirait de bloquer provisoirement son mécanisme. Il n’est pas le seul à avoir eu cette astuce, mais comme le fils de duc se rue sur lui, dard pointé, pour l’enfiler de l’épée, Jolan feinte puis l’immobilise. Il trouve tout seul la bonne manière de bloquer l’engrenage du temps. Une branche du fameux arbre Yggdrasill, bien plus solide que tout métal, fait l’affaire.

Jolan a alors tout le temps qu’il lui faut pour aller dans la forge de Thor, prendre le bouclier, et le ramener sans aucun danger, dieux, humains et monstres restant figés dans leur dernière posture. Ses concurrents surtout : l’un sur le point d’être écrabouillé par le marteau de Thor, l’autre d’être grillé par un dragon, une autre d’être avalée par une plante carnivore. Jolan, élevé par un Thorgal qui n’a jamais abandonné personne à son sort, ne peut se résoudre à jouer perso, malgré sa victoire. Il fait charger tous ses concurrents sur un charroi tiré par les poupées animées par Manthor qui lui servent d’assistants.

jolan elu de manthor

Bien qu’ayant sauvé la vie des autres, ceux-ci ne sont guère reconnaissants et il faut les forcer pour qu’ils ravalent leur orgueil et lui fassent « allégeance ». Ayant conquis le bouclier de Thor, il est désormais le seul « élu » de Manthor. Intelligent, courageux, généreux, l’adolescent passe brillamment les épreuves. Il fait jouer sa tête avant ses bras, n’hésite pas à se lancer dans le danger après l’avoir calculé, mais n’a aucun ressentiment envers les autres malgré leurs coups tordus. C’est un éphèbe idéal de la vertu antique, un exemple pour les égocentrés narcissiques produits par notre époque. La mission n’est pas terminée, mais ce sera pour un autre album.

aaricia a attire le malheur

Car, pendant ce temps, la bêtise obstinée d’Aaricia a attiré une fois de plus le malheur sur la famille. Elle est allée voir une sorcière pour connaître l’avenir réservé à Jolan ; le destin l’a punie pour cette démesure. La vieille rusée apprend plus d’elle qu’elle ne lui apprend et, par son espion (un beau chat noir au poil luisant), écoute Aaricia dévoiler ses supputations à Thorgal. La sorcière ne peut donc qu’en profiter et, pour être admise dans la Confrérie de la Magie rouge, son rêve, elle n’hésite pas à convoquer de puissants magiciens : Aniel est le petit-fils secret de Kahaniel de Valnor, pétrifié par les dieux. A ses dix ans, il manifestera son pouvoir à travers l’enfant.

la sorciere apprend tout d aaricia

Surtout que l’esprit magicien croit deux fois plus vite que le corps humain… Il faut donc faire vite et Aniel est enlevé à celle qui se voulait comme sa mère, ainsi l’a-t-elle promise un peu légèrement à Kriss de Valnor.

bateau viking sur la mer

Aaricia a donc échoué, et voilà Thorgal reparti en errance par sa faute, à la recherche du bambin perdu… Un clin d’œil de Jolan dans le ciel, via Manthor, lui permet cependant d’être conforté dans cette ultime quête.

Rosinski & Sente, Thorgal 31, Le bouclier de Thor, 2008, éditions Le Lombard, 48 pages, €11.40

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Pourquoi la politique m’ennuie

La politique est nécessaire, étant vouée à gérer la chose publique et à susciter l’enthousiasme citoyen pour un projet collectif. La politique m’ennuie parce qu’elle rend con. Elle est la voie de la facilité, la pente intellectuelle vers le moindre effort.

Un pays est un territoire à administrer et une communauté de citoyens à mobiliser pour un projet commun.

Belle et grande chose qui ne se fait pas d’elle-même. Surtout dans le confort moderne où l’individualisme est la rançon de l’épanouissement collectif. Il y a en effet paradoxe à constater que tout ce qui permet à la personne de naître et de se développer concourt à la rendre autonome. Tocqueville l’a bien montré : plus le citoyen est assuré, plus l’exigence d’égalité démocratique se fait forte ; plus l’égalité réelle est accomplie, plus l’égoïsme croit. Car pourquoi « aider » celui qui est semblable à soi et qu’on ne connaît pas ? S’il a autant de chances que moi et dispose d’autant de moyens, pourquoi ne se prend-t-il pas en main ? Pourquoi attend-t-il des autres ce qu’il est parfaitement capable d’assurer comme tout le monde ? On n’excepte que les vieux, les handicapés et les fous – et évidemment les enfants, puisqu’ils ne sont pas encore citoyens. On peut même ajouter les étrangers désirant devenir français pour les former à bien le devenir. Mais pas tout le monde, ni n’importe qui (c’est l’erreur de la gauche radicale de le croire).

Ce pourquoi il existe une administration, qui effectue la gestion des choses publiques, et un personnel politique, qui impulse les actions. L’administration est cooptée par concours, de façon à assurer un niveau de compétences, mais elle n’a pas à juger du bien fondé des actions : un fonctionnaire fonctionne ; on ne lui demande que d’obéir, à la loi, aux règlements, à la hiérarchie. Que serait en effet une gestion si chaque rouage se mêlait de décider de ce qui est juste ou utile et de ce qui ne l’est pas ? L’État est une mécanique qui doit rester huilée.

Le personnel politique est élu, par différents degrés, directs ou indirects. Son rôle est d’impulser une volonté en vue d’un projet commun (Président), puis de la traduire en lois (Assemblée nationale et Sénat) ou en règlements (gouvernement). Le public confond souvent sous le même vocable de « politiciens » ceux qui gouvernent et ceux qui font la loi. Vieille habitude pré-Vème République, à laquelle François Hollande lui-même sacrifie. Comment considérer en effet autrement que comme archaïque cette propension à faire élire des ministres et à les jeter s’ils ne sont pas élus ? C’est là le propre des régimes entièrement parlementaires que d’élire des gouvernants directement (cas anglais, scandinave ou israélien). Le régime semi-présidentiel voulu par le général De Gaulle, mis en forme par Michel Debré et accentué par les Jospin-Chirac par la réforme du quinquennat avec législatives dans la foulée, distingue clairement les fonctions de faire la loi de celles de gouverner.

Ceux qui gouvernent sont élus directement. Ils passent un contrat entre les citoyens et leur projet ; ils font passer un courant personnel entre eux et le peuple.

Ceux qui font la loi sont dans la tradition séculaire d’élaboration, d’acceptation et de vote du Budget de la nation. Il s’agit du consentement à l’impôt qui fait l’essence même de la démocratie. Chaque citoyen prélevé doit savoir où va sa contribution ; il doit adhérer au projet collectif et accepter une alternance de vues (donc de partis ou de coalitions majoritaires). Le Parlement ne gouverne pas, il examine, réfléchit, débat, et rédige la règle de loi qui sera la même pour tous. Il contrôle l’exécution des lois, dont la première est le Budget annuel. Ce pourquoi députés élus directement sont mêlés aux sénateurs élus indirectement : pour assurer la tempérance des décisions parlementaires. Mais le Parlement (surtout l’Assemblée nationale) est en France plus « godillot » que législateur. La sérénité est rarement son fort. Le gouvernement exige, poussé par le parti majoritaire aiguillonné par l’idéologie, et le Parlement obéit.

Ce pourquoi la France est en déficit chronique depuis 35 ans. Ce pourquoi les abstentionnistes sont nombreux lors des élections de tous ces Messieurs qui se soignent (retraites dès le premier mandat, frais de représentation, assistants parlementaires, voyages à gogo…) – et qui oublient les vrais problèmes des vrais gens. Ou qui se font parachuter dans un territoire qu’ils ne connaissent pas, comme dame Royal, en ballotage avec l’élu de terrain de son propre parti (et soutenue depuis Paris par les deux féministes, la Rigide et la Môme de Troisième) ! Pire encore ceux qui remplacent la règle par l’idéologie : voyez la baffe monumentale qu’à reçu Mélenchon à Hénin-Beaumont, circonscription pourtant très peuple, ouvrière en diable, lui qui se voudrait porte-parole des ouvriers, des petits, des sans-grades.

Le ridicule n’est pas de se présenter, fort de son aura nationale, le ridicule est d’oublier (ou de feindre d’oublier…) que l’élection d’un député ne donne pas un « mandat impératif » pour un parti ou une idéologie, mais que le député représente avant tout les citoyens qui l’ont élu. Ce n’est qu’ensuite que l’ensemble des députés agit pour le collectif national, fort de leur diversité locale.

Ce pourquoi je n’aime pas la politique : elle rend con.

Elle est l’univers de la foi, pas de la vérité. Tout politicien est un idéologue. Devant convaincre pour enthousiasmer, il agite les symboles, manipule la vérité, ment effrontément. Tout lui est bon pour prendre et conserver le pouvoir. Car seul lui importe « le pouvoir ». Cette monomanie rend borné, hypocrite, autiste. Croire est en effet tellement plus facile que de chercher ! Convaincre est nettement plus simple quand il vous suffit de réciter la doxa idéologique de votre camp ! Vous disposez de tout : de la bible du programme, des éléments de langage, de l’exemple de vos copains. Alors que convaincre c’est d’abord écouter, puis exposer le possible parmi le souhaitable, enfin négocier. A-t-on le personnel compétent pour le faire ? Trop issu de la fonction publique, imbue d’elle-même et formatée à savoir mieux que tout le monde ce qui est bon à tout le monde, on voit bien que ce n’est pas le cas. La technocratie tue la politique.

Surtout quand la manipulation des votes veut la majorité parlementaire pour le président tout juste élu ! La réforme du quinquennat, concoctée par les technocrates du PS et les ignares du centre ont dénaturé la Vème République. L’élection de l’Assemblée avait un sens quand elle intervenait à mi-mandat d’un président. Aujourd’hui, les députés sont les dernières roues du carrosse : tout le monde s’en fout. Voyez l’abstention « record » ! Voyez l’élimination du Modem et de Bayrou. La faute à qui ? Sinon à ces apprentis sorciers qui se croyaient malins, sous le président je-m’en-foutiste qui se croyait gaulliste…

Pour être élu, il faut être vu, donc en rajouter. Bien passer dans les médias nécessite de faire des « coups » périodiques, car les médias ne s’intéressent jamais au « normal » mais toujours au pathologique. D’où la surenchère des grandes gueules, des mensonges effrontés, des volte-face inattendues. Chirac était passé maître dans ce bonneteau où le citoyen, au final, apparaissait floué. Royal a poussé la posture au ridicule – à se demander si elle a un quelconque sens politique ! Sarkozy lui a donné une ampleur jamais vue. D’où l’intérêt pour le « cirque » présidentiel (comme aux États-Unis), mais le désintérêt profond pour les « godillots » parlementaires (à l’inverse des États-Unis)…

D’où la lassitude envers tous ces histrions. Professionnels protégés, cumulards, retraités avant l’heure, ils vivent bien… à nos crochets. Dans la situation de marasme qui est la nôtre, c’en devient indécent. François Hollande a su au moins surfer sur ce dégoût là. Jean-Luc Mélenchon a échoué par deux fois sur ce même thème : comment croire en la « vertu » d’un politicien trente ans durant sénateur, qui s’est vautré dans tous les fromages de la république ? Nicolas Sarkozy a su partir, ce qui ne fut pas le cas de Valéry Giscard d’Estaing. Ségolène Royal s’accroche pathétiquement à un poste qu’elle convoite pour « exister » encore, alors que nombre de citoyens en ont assez de la voir. Ne pourrait-elle se faire limer les canines (comme Mitterrand le fit) pour laisser apparaître son vrai talent, comme Laurent Fabius ou Alain Juppé ont su le faire ?

La politique est redoutable car elle fait apparaître le plus vil des gens : l’ambition, le cynisme, la capacité à passer en force malgré tout. L’avidité du pouvoir au détriment de la vérité des choses. Ce pourquoi la politique m’ennuie, profondément. Pour ne pas dire plus.

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Le malentendu Mélenchon

La France vaniteuse et légère encense un mouton noir parmi une pléthore de moutons blancs en costume-cravate. L’inverse de l’Italie où la population comme la classe politique ont pris conscience de la gravité de la crise, après des années d’illusionnisme Berlusconi. Jean-Luc Mélenchon veut tout et son contraire ; il le tonitrue en brandissant le drapeau rouge des traditions. Dans ce folklore, beaucoup se reconnaissent… mais ils sont trop différents pour jamais s’amalgamer. Mélenchon pratique la politique « à l’ancienne », comme on le dit de l’andouillette ; mais ses partisans sont pour la plupart des jeunes, libertaires anarchistes – uniquement dans le présent.

La raison du bouffon

Les protestataires ne manquent pas dans les pays occidentaux depuis que sévit la crise. Les États-Unis de Bush et de Goldman Sachs ne sont décidément plus un modèle, aussi stupides dans la confrontation des cultures que dans la gestion de l’économie. L’Europe de l’Union est un gros « machin » impuissant qui doit prendre la moindre décision à 27 sans qu’il y ait une quelconque homogénéité. L’Eurozone est une union pratique plus efficace, mais dont le volet de convergence économique et fiscale a été laissé en déshérence par les politiciens de droite comme de gauche depuis Maastricht (1992). Les populations, dopées à l’endettement cigale, se sont trouvées fort dépourvue lorsque la bise fut venue. Elles se croyaient maîtresses du monde, plus avancées moralement, mieux expertes en gestion économique et en innovations… et patatras ! Voilà que l’Inde et la Chine, le Brésil et l’Afrique du sud, commencent à leur tailler des croupières. Certains s’en sortent, avec patience et discipline, conduisant des réformes pour s’adapter dans la durée : la Suède, le Danemark, le Canada, l’Allemagne… D’autres s’effondrent, comme feu l’empire romain : tous les pays riverains de la Méditerranée, dont peut-être la France.

Il y a donc partout des protestataires de l’austérité, du ressentiment contre la finance internationale, les banques, les politiciens en place. Ce sont les Grecs en résistance, les Indignés, les Pirates… et les Mélenchoniens. Car la gauche radicale a régulièrement échoué à rassembler les revendications populaires depuis des décennies. Trop intello, trop hédoniste, trop alter, trop écolo… Mélenchon a le talent de faire croire qu’il gagne, alors qu’il rassemble à peine plus que le total des voix de gauche extrême à chaque élection. Mais il remplit la fonction tribunicienne hier tenue par Georges Marchais puis par Jean-Marie Le Pen. Les proximités sont plus proches que l’on croit. Jean-Luc, comme Jean-Marie, fait haine ; les deux sont des enfants élevés sans père, comme Merah. La crise exacerbe les tensions, pousse donc les partis à la radicalité, ce pourquoi Sarkozy assume la droite, le centre avec Bayrou implose et Hollande flageole. Arrive qui ? La grande gueule « de gauche », franc-maçon que « tout le monde » attend, des bobos intellos aux profs stakhanovistes, et des fonctionnaires moyens aux jeunes en rupture, souvent ouvriers non qualifiés « grâce » à notre merveilleux système scolaire : sénateur socialiste, ex-ministre de Jospin et député européen Mélenchon !

Dans sa bio soigneusement repeignée sur Wikipedia, on apprend que le politicien du peuple a peut-être travailloté comme ouvrier durant ses études (arrêtées à la licence, juste avant les années recherche personnelle), mais qu’il a surtout été élu depuis 1983. A-t-il jamais effectué son service militaire, année « citoyenne » s’il en était ? Silence sur le sujet… Il vit de la politique, est payé par la politique, ne produit que de la politique depuis 30 ans. Que connaît-il du « vrai » monde du travail, de l’entreprise, de la production ? Affectif au point de prendre les expressions des masques nô, licencié de philo, un temps prof, vaguement journaliste, il préfère les grands mots. La révolution, le peuple, l’avenir, la dignité, le citoyen, ça fait bien. Ça chante dans les manifs et les meetings.

Mais pour réaliser quoi ?

Augmenter le SMIC, baisser l’âge de la retraite, distribuer du pouvoir d’achat… mais rester dans l’euro. Comment donc financer la dette abyssale sans les grands méchants marchés financiers ? « Je prends tout » aux riches est un slogan facile, qui ne se réalise qu’une fois s’il advient. Mais alors, plus d’entrepreneurs au-dessus de l’artisan, plus de financement extérieur, plus de convergence européenne – et certainement plus d’euro ! Il faut savoir ce qu’on veut : ou un programme coréen du nord (fermer les frontières et imposer l’égalité par la force) – ou un programme coréen du sud (ouvert au monde et compromis avec les forces mondiales, négociations avec les partenaires européens, et l’enrichissement personnel qui est la seule source du progrès – tous les pays du socialisme « réel » l’ont parfaitement montré).

L’insurrection civique, cela fait joli, mais concrètement ? Qui va canaliser ce vaste foutoir défouloir soixantuitard pour le traduire en intérêt collectif ? Un parti d’avant-garde ? Un leader maximo ? Un néo-Chavez ? Mélenchon se garde bien de trancher, lui qui admire tant Chavez que Morales, lui qui méprise les langues régionales et encense la politique du PC chinois colonisant le Tibet. Autoritaire, centralisateur, jacobin. Ses héros sont Robespierre et Saint-Just, grands humanistes français comme chacun sait. Quand la raison délire, elle n’atteint pas que la finance : sûre du Vrai, du Bon, du Bien, elle cherche à l’imposer à tous, malgré les résistances et les différences. Cela donne le rasoir républicain, la mission coloniale, le j’veux voir qu’une tête ! de l’administration à la française, le communisme léniniste, la Tcheka de Trostki, l’apanage Castro ou Kadhafi… Rien de ce que désire vraiment la base électorale du PDG, ce parti Mélenchon au sigle curieux pour des anticapitalistes.

Pour le comprendre, il faut aller voir ailleurs

Si l’on regarde aux États-Unis, la sociologie électorale montre un divorce croissant entre Boomers et Millenials. Les Boomers sont la génération baby-boom, nés entre 1946 et 1964, majoritairement Blancs anglo-saxons protestants et éduqués. Les Millenials sont la génération portable-mobile-internet-jeux vidéo, nés entre 1980 et 2000, beaucoup plus multiculturels, moins éduqués et racialement divers. Les premiers prennent leur retraite, les seconds entrent dans la vie active. La politique va en être changée. Les communicants agacent, puisqu’ils n’en savent pas plus que le citoyen lambda au vu des années Bush qui vont des attentats du 11-Septembre à la crise financière, en passant par l’occupation de l’Irak. L’Amérique, florissante sous Clinton, est en ruine lorsqu’arrive Obama. Que veulent les Millénials ? Revenir aux valeurs de l’Amérique, au self-made man et à l’esprit novateur. Mais avec plus d’État qui règle (et moins de politiciens). Cela donne à gauche Occupy Wall Street et à droite les Tea parties. Tout cela très libertarien…

Si l’on regarde en Allemagne, voici que monte le parti Pirate, qui entre aux parlements régionaux de Berlin et de Sarre. Il allie les alter, les Verts, les geeks et les protestataires. Tous militent pour la libéralisation d’Internet et leur seul programme est « méfiance » envers les politiciens. Leur insurrection civique consiste à prôner la transparence de tous les débats politiques et sociaux via le net. L’approfondissement du libéralisme vers l’anarchie plutôt que la centralisation bismarckienne…

Si l’on regarde en Espagne, Los Indignados pacifiques et vaguement hippies se radicalisent, aidés par les Black Blocs aux marteaux brise-vitrines. Anarchistes, antimondialistes, égalitaires et libertaires, ils sont contre la contrainte financière, les puissances anonymes et pour reconquérir la politique. Pas vraiment jacobins !…

En tout cela, un point commun : l’hyper individualisme postmoderne. Mélenchon, avec ses revendications collectivistes à l’ancienne fait vieux ringard face à ces courants. Le système politique doit se restructurer, la liberté personnelle est cruciale, l’exigence de participation citoyenne plus criante comme l’avait déjà montré en 2007 Pierre Rosanvallon. Les partis traditionnels échouent à convaincre. En cela Mélenchon a raison d’appeler à faire de la politique autrement… mais pas comme il la voudrait, pourtant.

Le malentendu

Quand on est né en 1951 on n’est plus vraiment jeune, bien qu’empli de ressentiment envers l’autorité parce que le père a divorcé quand il avait 11 ans, parce que le PS l’a « humilié » en donnant un faible score à son courant. Quand on a occupé depuis trente ans les fromages de la République, nanti d’un patrimoine frisant l’ISF et d’un revenu égal à cinq SMIC. Quand on a voté oui à Maastricht et qu’on reste député européen. Quand on se dit trotskiste lambertiste (dont une fraction a soutenu Marcel Déat en 1941, socialiste autoritaire devenu collabo parce qu’antilibéral et anti-anglais, ministre du Travail de Pétain). Quand on est pétri de toutes ces contradictions, comment convaincre dans la durée ? Le rassemblement des mélenchonistes apparaît bien hétéroclite : geeks du divertissement immédiat qui admirent le bouffon comme naguère Coluche ; bobos du « pas assez à gauche ma chère » de 2002 qui ont éjecté Jospin sans même y penser au profit de Le Pen pour le second tour ; nostalgiques de leur jeunesse gauchiste 68 bien enfuie ; volontaristes politiques qui croient encore qu’il suffit de dire « je décide » ; écolos militants qui prônent l’austérité morale ; cégétistes anars qui vivent la lutte des classes à ras d’usine ; militants organisés du parti communiste qui veulent recycler leur méthode…

Il y a une vraie interrogation sur la politique. Elle a été portée par Ségolène Royal en 2007, par les Verts de Cohn-Bendit aux dernières Européennes de 2009 et, hors de France, par le mouvement Occupy Wall Street, les Grecs en résistance, Los Indignados et les Pirates – sans parler de l’humoriste élu maire de Reykjavik en Islande. De la transparence, de la participation, du libertaire : loin, très loin, de Mélenchon ! Qu’il soit à la mode est-il un effet de la société du spectacle ? Son « message » une communication de plus ? Un malentendu ?

Au fond, à qui profite le crime ?

Mais à bon entendeur… La montée Mélenchon profite à Nicolas Sarkozy : tout comme François Mitterrand avait excité le Front national pour faire perdre la droite, tout comme la gauche caviar avait snobé Jospin pour faire advenir Le Pen en avril 2002, la surenchère Mélenchon repousse le centre vers Nicolas Sarkozy au détriment de François Hollande. Et qu’on ne vienne pas m’objecter qu’au second tour ce petit monde va se rallier : avez-vous jamais vu des têtes de linotte penser au-delà du présent immédiat ? C’est l’abstention à gauche qui va gagner, avec la surenchère ; à l’inverse la droite va se ressouder contre le gauchisme Robespierre. Sarkozy pourrait gagner : n’est-ce pas la stratégie du billard, encouragée en sous-main par les ex-UMP qui se disent « impressionnés » par le Mélenchon ?

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Lumières sur la polémique Guéant

Article repris par Medium4You.

Je suis indigné ! Mais si : la boboterie a ses limites. Les zélites autoproclamées comme « avant-garde » progressistes du bon peuple prennent les gens pour des imbéciles. « Contrairement à ce que dit l’idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas », a déclaré le ministre Claude Guéant. « Celles qui défendent l’humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient ». « Celles qui défendent la liberté, l’égalité et la fraternité, nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique. » Voilà ce qui déclenche l’ire de Harlem Désir et autre Cécile Duflot. On n’ose parler de polémique « à la française » tant cela ressemble à une polémique « à la con ».

Je ne suis pas partisan de Claude Guéant ni en faveur de l’identité française à la Sarkozy, mais je constate qu’« on » nous enjoint de saliver de façon pavlovienne aux mots honnis du politiquement correct : « idéologie relativiste » attaque la gauche, « avancée » ou « supérieure » caressent le Front national. Rien de plus. N’a-t-on pas droit de préférer notre devise aux dogmes de l’islam ou à la « démocratie » chinoise ou russe ? Surtout aucun argumentaire chez les terroristes de gauche, uniquement des injures. Celui qui parle compte plus que ce qu’il dit pour les bobos à « bonne conscience »… Attitude clairement réactionnaire, intolérante, sectaire, terroriste.

En effet, que signifie être « contre » les propos de Claude Guéant ? Duflot et Désir sont-ils partisans de civilisations qui « nient l’humanité » ? Qui ne « défendent pas la liberté, l’égalité et la fraternité » ? Qui préfèrent donc « la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique » ? La fille de prof et de cheminot renie les valeurs de Lumières. Le fils de Martiniquais revient sur son combat pour les droits de l’homme républicains. On croit rêver…

Ou bien les mots ne disent pas ce qu’ils veulent dire ? Est-ce la politique qui rend aussi borné ?

Est-ce que, parce que Claude Guéant parle, les bobos de gauche doivent aussitôt crier à « Durafour crématoire » ? J’ai du mépris pour ces politicards qui assènent leur préférence aux autres en interdisant de dire autrement, comme s’ils étaient les grands-prêtres de ce-qu’il-faut-penser. Ceux qui se faufilent toujours à la pointe du démagogique. Ceux qui salissent les Lumières et les valeurs du pays au nom de leur revendication au pouvoir. Ils font du mal à la gauche, à la république, au peuple français. Ce pourquoi « le peuple » est enclin à voter Front national, contre les têtes à claques qui « polémiquent » sur la civilisation française, pas digne d’être « avancée » ni « supérieure » aux autres civilisations en France même (pas dans l’absolu !) et surtout pour le peuple français (qui a bien le droit de la préférer) ! A quoi sert de voir gravée la devise ‘Liberté-égalité-fraternité’ au fronton des mairies si c’est pour dire que ça ne vaut pas plus que ‘l’homme vaut deux femmes’ du Coran ou que autres façon de vivre chez Bachar El Assad ou chez Vladimir Poutine ?

Revenons en effet aux sources. Les valeurs de la France sont celles du sacre de Reims mais aussi de la prise de la Bastille, comme le disait l’historien Marc Bloch. Ce qu’on appelle « les Lumières », Tzvetan Todorov – étranger né en Bulgarie – en a écrit tout un livre. Pour lui, les idées des philosophes de la raison viennent de l’Antiquité, reprises à la Renaissance et épanouies à l’âge classique. Nous sommes alors à une époque de débats où l’on privilégie ce qu’on choisit plutôt que ce qui est imposé. Où l’on découvre (après les Évangiles) que des droits inaliénables existent du fait seul d’appartenir au genre humain. La raison, parce qu’elle permet la connaissance, libère des peurs, des superstitions, des tabous et des réflexes communautaires de la « naissance ». Dès lors, la quête du bonheur remplace celle du Salut, car un délit n’est plus un « péché » mais une faute sociale, la propriété n’est plus un privilège « divin » attaché à une caste élue mais le fruit de l’initiative et du travail. Il n’y a pas de Dessein de Dieu ou de l’Histoire (le Progrès) mais une perfectibilité de l’homme (selon Rousseau) recommencée à chaque génération.

Oh, certes, les Lumières ont amené la table rase de la Révolution, puis l’exacerbation paranoïaque de la Terreur, plus tard le rationalisme étroit du Scientisme et la supériorité moraliste coloniale, encore aujourd’hui les technocrates imbus de règlements et les financiers en délire de modèles mathématisés : les Raisonnables savent tellement mieux que tout le monde, n’est-ce pas, ce qui est bon pour les autres ! Ils ont reçu la révélation de la Vérité de leur propre esprit, tout comme Mahomet avait reçu la Parole de Dieu par la voix murmurante de Djibril, l’archange Gabriel lui-même. Les règlementations françaises en ont gardé un travers bien connu : dire le Vrai et l’Unique, pour le Monde entier, de toute Éternité – sans jamais tenir compte des particularités individuelles… Fort heureusement, les Lumières sont bien autre chose que cette caricature pour intellos imbus – les Duflot et Désir aujourd’hui. Todorov relève cinq vertus des Lumières : l’autonomie, la laïcité, la vérité, l’humanité et l’universalité.

Oser penser par soi-même avait ravi Diderot. La tradition constitue un être humain mais ne suffit pas à rendre de facto quoi que ce soit légitime ; il y faut la raison. Celle-ci n’est pas seule en l’homme, mais flanquée de la volonté et des désirs. La raison peut éclairer l’humanité, mais elle peut aussi faire le mal car l’autonomie n’est pas l’autosuffisance : l’homme n’est humain qu’en société… et toute société exerce sur l’individu une pression aliénante par la mode, la bande, l’opinion commune, le qu’en-dira-t-on. C’est pour cela que Rousseau fit élever Émile hors des villes. De même, la critique qui émane de la raison est utile mais, lorsqu’elle tourne à vide, elle devient un jeu gratuit, une ‘private joke’ stérile entre intellos – une « polémique » – ou bien le délire calculateur de la finance ou des docteurs Folamour.

Avec les Lumières, le pouvoir spirituel regagne enfin son empyrée, laissant à lui-même le pouvoir temporel. Déjà, le Christ annonçait que son Royaume n’était pas de ce monde, demandant de rendre à César ce qui appartenait à César, réservant le reste à Dieu. Si l’empereur byzantin Constantin impose le christianisme comme religion d’Etat au IVème siècle, la Réforme protestante crée la laïcité en libérant la conscience et les conduites de « l’infaillibilité » de représentants terrestres. La laïcité refuse toutes les « religions », qu’elles soient papales ou politiques : le dogme des curés, l’Inquisition contre Galilée, la Terreur jacobine, le nazisme, le communisme, la mystique écolo, l’injonction islamiste, le politiquement correct…

Aucun jugement de valeur ne doit inhiber la recherche scientifique qui, si elle ne dit pas « le vrai », recherche par essais et erreurs le « vraisemblable », n’hésitant jamais à remettre en cause dès le lendemain les certitudes les mieux acquises. Penser, croire, critiquer, rechercher la vérité, sont des libertés de l’homme du fait même qu’il appartient à l’humanité. Mais il est entendu que toutes les « opinions » ne sauraient se valoir : seuls les hommes « éclairés » (informés et capables de raisonnement), sauront appliquer la méthode expérimentale pour connaître la vérité des sciences, puis en débattre lors de dialogues argumentés. Tout ne vaut pas tout et si toute civilisation est respectable comme émanation humaine et objet d’études, la nôtre peut être préférée chez nous – puisqu’elle est nôtre. La seule qui a permis d’aller sur la lune, vieux rêve de l’humanité…

En notre civilisation occidentale, la vérité n’est pas le Bien transcendant, mais ce qu’on trouve par soi-même. Pouvoir n’est pas du même ordre que savoir. Éduquer aux valeurs n’est pas du même ordre qu’instruire les faits. Nulle volonté collective ne peut rembarrer l’indépendance de la vérité si elle est recherchée selon les méthodes de la raison. Le réel n’est pas de convenance idéologique mais s’impose, sous peine de délirer, ce qui signifie « sortir du sillon de labour », perdre la raison. Et se trouver alors gibier tout trouvé pour le n’importe quoi d’une volonté ou des désirs. Cela ne vaut peut-être pas « plus », mais nous le préférons aux injonctions d’autres cultures. Le dire n’est pas être « raciste » (où a-t-on vu qu’une civilisation était une race ? la civilisation musulmane n’a-t-elle pas agrégé les Arabes, les Berbères, les Persans, les Turcs, les Indonésiens, les Moghols et bien d’autres ? La civilisation chrétienne des peuples sur tous les continents ?). Le dire, c’est affirmer tranquillement que nous préférons nos valeurs humaines à celles que les autres voudraient nous imposer de force.

A commencer par les Duflot-Désir, ces chantres mous du politiquement correct jamais en retard d’un retournement de veste pour rester dans le vent.

Avec les Lumières, ce n’est plus Dieu mais l’homme, qui devient le centre. Son existence n’est plus un « moyen » que la Providence a trouvé pour faire son « Salut », mais la fin de l’homme même : sa préservation, son épanouissement, son bonheur. L’Etat n’est plus sauveur sous l’égide d’un Roi oint mais protecteur des libertés et fournisseurs de services négociés en commun. Détourner ce mouvement des Lumières est, hélas, fréquent mais pas pour cela justifié : l’art pour l’art, la science dégénérée en scientisme borné, la technocratie sûre d’elle-même et dominatrice, le social-imposé – ne sont que des Lumières dévoyées. On ne peut atteindre une fin noble par des moyens ignobles. L’universalité des Lumières veut que tout être humain ait droit à la vie, à la dignité et au bonheur. Simplement parce qu’il appartient à l’espèce humaine et pas parce qu’il est né mâle ou « élu » de tel Dieu, ou citoyen de tel État. En revanche, le respect de chacun ne limite pas la nécessité de normes communes.

Les Lumières se sont épanouies dans l’Europe du 18ème siècle, mais il s’agit bien, selon Todorov, d’une pensée « universelle ». Il en retrouve les traces dans l’Inde du 3ème siècle avant notre ère, dans le christianisme proche-oriental bien sûr, mais aussi dans l’islam du 8ème au 10ème siècle, dans le confucianisme Song et même dans l’Afrique anti-esclaves du 17ème siècle. Le mouvement éclot en Europe en raison de l’autonomie politique acquise par les villes franches des bourgeois commerçants et de la séparation acquise de haute lutte entre Dieu et César. Le Papisme, selon Hume, a laissé dégénérer le savoir. Au contraire, la séparation du spirituel et du temporel l’a régénéré. Le morcellement des puissances, allié à un espace culturel et commercial commun, a rendu l’Europe foisonnante d’échanges – matériels et spirituels. Les idées neuves ont circulé sans entraves comme les gens et les marchandises, malgré l’obstacle des langues. Comme en Inde ou dans les Amériques. Tout au contraire des espaces unifiés à autorité affirmée, comme celui de la Chine ou de la Russie.

Malgré les dérives et les excès, puissent les Lumières irradier le monde entier afin que l’être humain s’y épanouisse sans heurt. Ce petit livre de 160 pages est un bien beau livre. Une mine politique pour une grande partie du globe, si l’on y réfléchit.

Oui, nous avons de quoi être fier de notre civilisation, même si nous ne voulons pas l’imposer à tous. Et nous, peuple français, pouvons le dire, en laissant blablater les histrions métissés et multiculturels, jamais en retard d’affichage moral pour se poser en vertueux.

Tzvetan Todorov, L’Esprit des Lumières, 2006, Livre de poche 2007, 160 pages, €4.75 

France Culture, Lumières un héritage pour demain, 2006, à réécouter 

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