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Grève de l’écologie politique

L’écologie non seulement n’est pas réservée aux autoproclamés « écologistes » mais elle en est l’antithèse. En France du moins.

L’écologie est une façon de vivre universelle, en harmonie avec la nature – elle n’est surtout pas une « politique ». Car TOUS les partis sont concernés par l’écologie, comme par l’économie ou la santé. Il ne saurait donc y avoir de « parti écologiste » sans soupçonner une arrière-pensée d’ambition, un créneau à prendre pour se pousser du col, un désir de pouvoir suspect.

Les gauchistes exclus des partis extrémistes ou rejetés par les gros bataillons des partis traditionnels ont créé « un parti » pour jouer la force d’appoint. Tout comme l’a fait le Modem. Et, comme lui, ils sont ailleurs du jeu politique traditionnel : ils réussissent donc mieux aux élections européennes. Non pas par leurs vertus, ni par leur soi-disant programme pour la cause du globe, mais parce que les électeurs votent « faute de mieux » pour un mythe, l’utopie du « retour à la nature » qu’ils ont vécu jeunes au Club Med.

Il ne faut donc jamais croire les écologistes autoproclamés des partis au sujet de la Terre – mais plutôt croire l’expertise des scientifiques sur des sujets particuliers évoqués. Brailler des slogans et battre le pavé ne fait pas avancer l’harmonie écologique, pas plus qu’un sorcier qui marmonne et gesticule ne fait tomber la pluie.

Si les anarcho-subversifs venus des « associations » et autres groupuscules militant à gauche-toute veulent faire de « la politique », ce n’est pas l’écologie abstraite qu’ils doivent défendre, mais les effets concrets des actions concrètes des acteurs de la politique.

Par exemple les grèves. Est-il socialement « juste » de bloquer les travailleurs des semaines durant au prétexte de « défendre » des privilèges hors d’âge comme le droit de partir en retraite à 52 ans ou de ponctionner les cotisations des cadres pour abonder le régime spécial de la SNCF, de la RATP et d’EDF qui sont depuis des années en déficit ? Est-il républicain de ne proposer durant une semaine entière autour du 18 décembre AUCUN RER entre Brétigny et les stations du sud de la ligne C, Etampes et Dourdan ? L’égalité du soi-disant « service » public est-elle respectée ? Peut-on encore parler de « service » – payé par nos impôts, s’il est réservé à quelques-uns ?

Faire grève est un droit constitutionnel, mais pas plus que la liberté d’aller et venir ou la liberté de travailler. Et nettement moins que « sauver la planète ». Le Conseil constitutionnel admet que la loi peut aller « jusqu’à l’interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service [public] dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ». Le citoyen raisonnable pourrait croire que les écologistes politiques pousseraient de hauts cris à constater les effets en CO2 des grèves répétées pour tout et n’importe quoi, des « agressions » de conducteurs qui ne verrouillent pas leur porte d’accès aux changements de postes requis par le Grand Paris ou les « atteintes » aux zacquis de la retraite. Le monde a changé, pas les syndicats bloqués qui font du blocage une arme anti… Patrons ? –  non pas mais Etat – c’est-à-dire vous et moi qui avons voté et élu un gouvernement par majorité (c’est la règle, qui vaut pour la gauche comme pour la droite – et que seuls refusent les extrémistes).

N’y aurait-il donc aucun autre moyen que « la grève » pour revendiquer et protester ? Comment font donc les pays, voisins et développés qui ne connaissent que rarement la grève ? Ce serait le rôle proprement politique des proclamés « écologistes » que de se pencher sur la question afin d’éviter les 500 à 600 km de bouchons quotidiens en Île-de-France (sans parler d’ailleurs), avec les émissions de CO2 massives qui vont avec. D’autant que, dans un jugement du 24 octobre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé que la France a dépassé depuis 2010 « de manière systématique et persistante » le seuil limite de dioxyde d’azote, un gaz issu notamment des moteurs diesel.

Soupçon : les écolos n’en auraient-ils rien à foutre ? Ou, dans un vieux reste de respect religieux issu du marxisme, font-ils du « social » un tabou (et que grève crève la planète !) Peut-on « en même temps » vanter les transports collectifs et laisser une poignée de factieux bloquer la France et surtout l’Île-de-France (50% de la production intérieure) ? Réguler, limiter, poser les règles, est le rôle de l’Etat – démocratiquement dirigé via les élections. Un soi-disant « parti » devrait se préoccuper de ce sujet politique concret au lieu de disserter sur le sexe du glyphosate !

Le site de la SNCF (transilien.com) chiffre à 32 fois MOINS d’émissions de gaz à effet de serre le fait de prendre sa voiture plutôt que le train ou le RER et à 49 fois MOINS de prendre le métro plutôt que l’auto. Combien « les grèves » coûtent-elles donc au réchauffement climatique, d’autant qu’elles sont plus répétées ? Sur ce sujet – pourtant éminemment « politique » et bien concret – les soi-disant « écologistes » politiques restent muets. Ils préfèrent blablater dans les hautes sphères sur les « principes » et invoquer « l’urgence ». Mais qu’y a-t-il de plus « urgent » que d’agir ici et maintenant, politiquement, sur les acteurs de la cité ?

Ce pourquoi il nous faut bien conclure que le « parti écologiste » ne sert à rien, qu’il est une nuisance plus qu’un atout pour la transition nécessaire de notre mode vie et de production. Parmi les dirigeants des Verts, seul Daniel Cohn-Bendit avait un sens politique. Ce n’est vraiment pas le cas de ses successeurs et « successeuses » comme le dit la Royal dans un français mal appris.

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Margaret Thatcher, 10 Downing Street

Relire les mémoires de Margaret Thatcher 25 ans après permet de voir le chemin parcouru : ses idées – à l’époque révolutionnaires – sont devenues évidence. Le gauchisme culturel qui rêve d’un monde sans frontières où les hommes sont tous frères a montré son inanité, d’autant que la crispation sur l’Etat et les avantages sociaux acquis s’est montré en contradiction absolue avec ce rêve d’universel… Le « tiers » monde a émergé, donc piqué des emplois, donc délocalisé les usines et fait chuter les prix (et l’inflation). L’Etat-providence a donc pris du plomb dans l’aile. A cela un remède : l’Europe, pour être plus gros, plus fort et faire jeu égal avec le bloc américain et le bloc chinois. Mais pour faire l’union, il faut dialoguer avec les autres, notamment les Allemands. Et ceux-ci sont plus libéraux que les politiciens français, trop jacobins autoritaires. Même si le Royaume-uni a commis l’erreur (à mon avis) de sortir de l’UE, il faut donc relire Margaret Thatcher pour comprendre combien il importe de se prendre en main sans attendre toujours tout des autres et de « l’Etat ».

Margaret la Dame de fer bien nommée est énergique, churchillienne, pétrie de volonté et de bon sens, elle incarne haut et fort les vertus prêtées à l’Anglais moyen. Elle a notamment cette définition très pragmatique de l’ennemi contre lequel elle se bat, le socialisme : « Nous devons cesser de nous mêler de dire aux gens quelles devraient être leurs ambitions et comment les réaliser exactement. C’était leur affaire » p.23. De cela, tout découle : le moins d’Etat possible.

Elle dit non aux groupes de pression qui défendent leurs privilèges s en se cachant derrière l’intérêt « général » : syndicats, organismes internationaux, « fédéralisme » européen. En économie, il faut créer un cadre puis laisser faire et laisser passer : le marché peut tout. Ces mémoires entonnent (p.604) un hymne à la liberté du commerce qui élève le niveau de vie et est force de paix et de libertés, de décentralisation politique. Pour le social, le mot d’ordre est : responsabiliser. Il est nécessaire de combattre partout la bureaucratie, l’anonymat, la technocratie qui croit savoir pour mieux mépriser. « Si les individus étaient assistés et les communautés désorientées par un Etat qui prenait les décisions en lieu et place des gens, des familles, des groupes, alors les problèmes de société ne pouvaient que croître. (…) Si l’irresponsabilité n’est pas sanctionnée, alors l’irresponsabilité deviendra la norme pour un grand nombre de gens » p.512. En ce qui concerne la politique internationale, il faut affirmer ses convictions, brocarder le mensonge, défendre ses intérêts, résister au chantage, prendre les décisions nécessaires avec clarté et constance.

Margaret Thatcher exige d’être soi en tout, à l’inverse du « consensus » tellement à la mode dont elle offre une magnifique image : « Pour moi, le consensus semble être : le fait d’abandonner toute conviction, tout principe, toute valeur et toute ligne de conduite pour une chose en laquelle personne ne croit, mais à laquelle personne n’a rien à redire, le fait d’éviter les vrais problèmes à résoudre, simplement parce qu’on est incapable de s’accorder » p.157. Les casseurs ? Affirmer les règles de la communauté, exercer l’autorité de l’Etat, condamner les images de « fête » et de « protestation justifiée ». Le tiers-monde ? Encourager non un « partage des richesses » mais l’auto-développement. Les Falkland ? Le Koweït ? User de la force pour aider la diplomatie et non négocier à tout prix pour éviter tout conflit, comme ont tendance à le faire les diplomates de profession : « Une répugnance à subordonner la tactique diplomatique à l’intérêt national » p.271.

L’ennemi, tapi au cœur de chacun, reste « le socialisme », cette utopie de la paresse et de l’abandon. Margaret Thatcher s’est faite contre lui et ce qu’il représente. « Le socialisme représente une tentation durable » p.246. Il est le contraire de l’effort, de la concurrence et de la liberté de choix ; il a l’arrogance intellectuelle de qui croit détenir la Vérité et le droit de l’imposer à tous, au nom d’une Raison abstraite ; cela pour accroître la dépendance des gens à l’égard de la municipalité et de l’Etat, de ses représentants, de ses fonctionnaires, dont le pouvoir se justifie ainsi. La caricature en est « le socialisme français » (version Mitterrand), « animal redoutable » : « Il peut être hautement éduqué, complètement sûr de lui, dirigiste par conviction car appartenant à une culture dirigiste par tradition. Tel était M. Delors » p.457. Margaret Thatcher fait de cette lutte contre « le socialisme », une véritable idéologie : « Pour moi (…) les événements de 1789 représentent une perpétuelle illusion de la politique. La Révolution était une tentative utopique de renverser l’ordre traditionnel – qui avait certainement beaucoup d’imperfections – au nom d’idées abstraites, formulées par des intellectuels vaniteux. (…) La tradition anglaise de la liberté a, quant à elle, grandi à travers les siècles : ses traits les plus marqués sont la continuité, le respect de la loi et le sens de l’équilibre » p.618. Et cela est vrai – l’abstraction est le principal du mal français avec l’arrogance qui va avec.

A relire, vous dis-je !

Margaret Thatcher, 10 Downing Street – Mémoires tome 1, 1993, Albin Michel, 778 pages, occasion €2.86

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Manif

« Attention, ça va péter ! » proclame rituellement d’une voix de mitraillette les militants auto-convaincus de faire l’histoire malgré les élections démocratiques. Ceux qui braillent dans la rue et se répandent dans les media ne veulent pas de réforme – ils veulent renverser la table et devenir calife à la place du calife. N’hésitant pas à mentir sur les chiffres – fake news à la Trump, et sans plus de vergogne – en déclarant 150 000 quand on n’en compte que 30 000. Et les gauchistes encouragés par son ressentiment de classe de cramer un garage du service public – comme à Grenoble – ou cramer une voiture de flics, avec les flics dedans – comme jugé récemment.

Mélenchon l’avoue depuis des mois – lui qui voyage en première classe et pas son équipe : son style, c’est Robespierre ; son économie, c’est Chavez ; son régime, c’est Castro. Tous les contradicteurs seront impitoyablement réprimés « au nom du Peuple » – puisque le Peuple c’est lui, autoproclamé Leader maximo. Quant au Front national, soi-disant pour le peuple et contre les ordonnances modifiant le code du travail, il reste aux abonnés absents – c’est dire combien son action réelle est bien loin des ronflements de discours.

Les syndicats ? Ils sont si peu représentatifs qu’ils veulent seulement exister. Foutre le bordel et emmerder le monde est la seule voie qui leur vienne à l’esprit – bien loin de l’efficacité des syndicats allemands, danois ou même (ô l’horreur !) américains.

Ce gouvernement se veut populaire, or le plus populaire de tous est celui qui en fait le moins possible, il ne fâche ainsi personne – voyez Chirac, qui recule dès que ça gueule. Au contraire, quiconque tente de changer les choses voit se lever face à lui les conservatismes en tous genres, des rats dérangés dans leur fromage gras – voyez Rocard et Hollande en butte aux « privilèges » des petit-bourgeois socialistes (syndicalistes professionnels, fonctionnaires « inspecteurs », petits salaires jaloux de l’Etat social qui ne sont pas touchés). Comme Macron veut favoriser l’emploi, donc ceux qui travaillent, il touche aux zacquis des syndicats (qui se foutent des chômeurs depuis toujours), aux revenus de l’immobilier et des retraités, à l’argent dormant dans les Plans d’épargne logement (qui financent peu le logement) et même du Livret A (dont le taux va rester gelé deux ans alors que l’inflation repart un peu), à l’imposition – ISF unique en Europe – du patrimoine en entreprise (actions et parts).

Cultiver le jardin dérange forcément une niche écologique – il faudrait ne rien modifier de la nature pour tout préserver. Mais « la nature », c’est le droit de nature, donc le primat de la force. Tout ce qui libère fait peur, car la liberté en France est une angoisse : comment ? tout le monde va voir combien je suis « nul » ou « inadapté » ? Alors que ce n’est pas forcément le cas et que les talents peuvent se révéler ailleurs qu’à la télé. Y aurait-il tant de flemmards que tout le monde découvrirait, si on libérait un peu les talents ? Les « inégalités » seraient-elles le masque commode de ceux qui ne veulent pas que ça se sache ?

Le fantasme du changement est que ce sera forcément pire. Chiche ! Laissons tout en l’état et que les meilleurs gagnent ! Les exemples sont légion… La semaine de quatre jours fait plaisir aux parents et aux profs, même si les enfants trinquent avec une surcharge de programme. Le bac sanctionné par un examen en une semaine au lieu d’un contrôle continu est un couperet, mais cela permet de ne rien foutre le reste de l’année et de se mettre en grève pour tout et n’importe quoi (c’est « festif et initiatique »). Qu’importe puisque les adultes, dans leur lâcheté professorale, se garderont bien de donner un sujet qui porte sur la partie non étudiée. Les apprentissages ne hissent plus au niveau requis ? Qu’importe puisque l’administration, dans sa lâcheté anonyme, susurre aux correcteurs de noter entre 8 et 15 et de « relever le niveau » s’il s’avère que l’académie X apparaît plus désastreuse que l’académie Y. Qu’importe puisque l’université prend tous les bacheliers sans prérequis. Quoi, la moitié est éliminée à la fin de la première année ? Et encore la moitié à la licence ? Oui, mais motus, le lycéen a tout le temps de s’en apercevoir et, après tout, s’il est nul il ne pourra s’en prendre qu’à lui, n’est-ce pas ? Et tant pis s’il a été baladé par la démagogie qui lui affirme que toutes les filières sont bonnes. Ce n’est que lorsqu’il cherchera du boulot qu’il se rendra compte de son impasse. Car « le boulot », ce ne sont pas les contrats « aidés » de la démagogie mais les emplois en entreprise… et là, la compétence se révèle. La formation professionnelle est macquée aux syndicats (salariés et patronat) ? Z’avez qu’à avoir les bons copains et les pistons qu’il faut. Ou à prendre n’importe quel » stage » sur catalogue, même s’il ne vous sert à rien, Pôle emploi vous en sera reconnaissant.

Malgré le discours égalitariste et le lénifiant « tout le monde il est beau, gentil et créatif », le système social français est fondé dans son ensemble sur la sélection – hypocrite, mais réelle : par les maths, par la façon de s’exprimer et d’écrire, par l’apparence (look, habillement, attitude, politesse), par les relations, par le « statut » professionnel ou social. Les classes S sont sélectives, les prépas une ascèse, les Grandes Ecoles ont toutes un concours d’entrée ou une sélection sévère par jury, les facs ne gardent qu’un quart des premières années en mastère. Les concours de la fonction publique sont impitoyables à qui n’est pas formaté comme il convient – et les employeurs privés ne prennent pas n’importe quel clampin.

La société est dure, mais elle ne veut pas que ça se sache : dans une société de Cour, seules les apparences comptent. Mais on continue de bercer les lycéens avec « le droit au bac » sans vraiment travailler – et les salariés avec des « droits » qu’ils se trouvent fort en peine de faire respecter lors des procès face aux avocats (nombreux, spécialisés et bien payés) des patrons. Négocier « en » entreprise plutôt que dans les branches (lointaines et anonymes) ou dans les centrales syndicales (nationales et idéologiques) permettrait peut-être une meilleure maîtrise de son destin.

Pourquoi le gouvernement Macron « et de droite et de gauche » – donc qualifié automatiquement « de droite » par tous les recalés des élections récentes à 8 tours – voudrait-il changer une sélection sociale impitoyable ? Serait-ce donc qu’il n’a pas ce « conservatisme » dont ses adversaires le créditent, sans réfléchir, sans apporter aucune preuve et avec leur mauvaise foi coutumière ? Qui croit que la réforme n’est pas indispensable pour s’adapter dans un monde qui bouge ? Les idées de « pure gauche » sont en apparence généreuses mais – Marx nous l’a bien appris – l’idéologie n’est que la superstructure des réalités matérielles, le prétexte vertueux des intérêts bien compris. Or l’intérêt des bateleurs appelant à la grève n’est pas d’améliorer le sort des travailleurs (le choix est pour eux : ou de renoncer et de ne rien changer – ou d’augmenter encore plus les carcans et blocages au détriment de toute embauche), mais de se faire mousser. Parce que leur ego en a pris un coup durant cette année et demi de campagne électorale…

Égalitarisme de théâtre mais Société de Cour : une fois hors de la rampe, chacun en son club social et sa niche rémunératrice : le soi-disant homme du peuple Mélenchon ne se mélange pas au menu fretin, il ne voyage qu’en « classe affaires », avec des arguments qui fleurent bon le privilège. Sur la rampe, il faut se grimper et se hausser du col, en piétinant le gêneur. Le corporatisme de la ‘lumpen-intelligentsia’ (mot de Gilles Martinet, de gauche) a la mauvaise foi des mauvais perdants. L’archéo-socialisme accentue la tendance à être toujours « contre », quoi qui soit proposé. En bref tout ce qui change fatigue, vivement la retraite, faute de providence d’Etat pour tous ! Car il n’y a pas assez de sous : pour en créer, il faut produire, donc encourager les entreprises, donc diminuer les blocages et favoriser le contrat.

Ce qui est proposé n’est sans doute pas parfait ; il cache peut-être des « loups » – mais il mérite d’être testé plutôt que de ne rien faire et de garder 10% de chômeurs/chômeuses, comme depuis trente ans. Mais allez changer la comédie humaine…

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Flexisécurité : souvenez-vous du rapport Besson

Passé inaperçu à sa parution en 2008, dans l’ambiance de crise financière et de récriminations sociales, le rapport technique du Secrétaire d’Etat chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques Eric Besson mérite d’être lu. D’autant que la réforme sur le modèle des autres pays européens hante les technocrates qui nous administrent, même s’ils n’ont pas toujours l’oreille « politique » de ceux qui sont censés nous gouverner. Certaine ex-candidate amère – et amnésique quand ça lui chante – a pu par exemple se demander « qui est Eric Besson ? », ce qui en dit long sur les idéologies qui rendent stupides. Les électeurs français ont fini par virer cette bande de croyants crispés sur leur entre-soi d’idées reçues – mais il a fallu dix ans – pour enfin laisser la place à ceux qui sont prêts à travailler ensemble, par-delà les tabous.

Cette revue de ce que font nos partenaires européens par un ministre d’ouverture à l’époque situe l’enjeu au-delà des querelles de bac à sable : il s’agit de l’emploi. Et de contribuer à changer cet immobilisme constipé qui handicape la France depuis Mitterrand. Principalement les jeunes qui cherchent à entrer sur le marché du travail et les pré-seniors qu’on pousse à en sortir bien trop tôt.

Etant donné ce que nous concocte le gouvernement d’Edouard Philippe, sous l’impulsion présidentielle moderniste Macron, il est utile aujourd’hui de relire le rapport Besson.

Il passe en revue, sur 55 pages :

  • La législation sur les contrats à durée déterminée : une forme d’emploi toujours sous contrôle avec, parfois, des encouragements à la conversion en CDI. « Nos partenaires ont souvent su atténuer la segmentation du marché du travail entre les différents contrats (CDI et CDD), et rendu praticables les transitions des emplois courts vers le CDI. À cet égard, les pays du Nord facilitent la reconnaissance des compétences acquises dans l’emploi ; les Pays-Bas et l’Espagne la transformation non contentieuse des CDD en CDI.« 
  • La législation sur le travail intérimaire : des employeurs progressivement constitués en branche d’activité et dont l’accompagnement peut être un des métiers. « L’Autriche, l’Allemagne ou la Suède accompagnent les transitions directes d’un emploi à un autre grâce à l’usage de formules de tiers employeurs, d’agences de transition ou de transfert d’ancienneté d’un employeur à l’autre. »
  • Les régimes de formation professionnelle continue : une architecture différenciée selon l’importance du diplôme initial, de l’éducation permanente et de la formation courte pour adulte. « Danemark, Suède ont intégré le principe d’une “seconde chance” d’accès à la qualification. Leur appareil éducatif comporte une véritable dimension “d’éducation permanente” ouverte à tous les adultes en cours de vie active, et largement mobilisée dans les parcours individuels. »
  • La législation sur les licenciements économiques : gouvernance de négociation versus gouvernance de décision. « Le Danemark, la Suède ou, plus encore, l’Allemagne procèdent par la négociation collective sur les réductions d’effectifs et les dispositifs de reclassement associés. »
  • L’organisation des services publics de l’emploi : variété des configurations et convergence vers l’activation et la gestion par la performance… Bien en avance sur notre « Pôle » emploi !
  • Les régimes d’assurance chômage : une même tendance à l’activation des dépenses

Autrement dit plus de flexibilité dans les relations d’emplois ; en contrepartie, plus de sécurité pour les salariés.Ce qu’a répété Emmanuel Macron durant la présidentielle.

Nous sommes bien loin des Zacquis crispés de nos rituels syndicaux. Conclusion d’Eric Besson « au terme de ce parcours, la “flexicurité” apparaît moins comme un modèle transposable entre pays qu’une stratégie pertinente pour chacun des partenaires européens. C’est dans cet esprit que la Commission européenne conçoit ses “principes de flexicurité” comme cadre de référence commun pour la transformation coordonnée des marchés du travail. » L’environnement socio-économique des transitions professionnelles ou l’aide à la mobilité géographique et la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle font l’objet d’initiatives originales des pays du Nord, avec des congés plus longs et mieux rémunérés. Pourquoi ne pas s’en inspirer ?

Flexisecurité en Europe, le rapport Besson 2008, La Documentation française

 

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Yves Bontaz, Le bal est fini

Un ouvrier devenu chef d’entreprise, un provincial de Haute-Savoie devenu entrepreneur mondial, lance à sa retraite un brûlot politique. Il déclare que rien ne va plus et que le petit jeu des politocards sortis de la même école et vivant dans les mêmes milieux a assez duré. L’échec retentissant de François Hollande en est la preuve : place à la société civile ! Elle est aussi compétente que les politiciens professionnels, surtout ceux qui prétendent parler au nom des « travailleurs » : Mélenchon, « que sait-il des travailleur» p.46 pour avoir passé seulement trois mois dans une usine dans sa jeunesse ?

L’essai est plein de bon sens et de gros réalisme. Il dit tout haut ce que tout le monde (sauf les politiciens) pense tout bas : finies les réformes, il faut un « choc » ! Mais, après le Brexit et Trump, la démagogie menace ; il faut donc que les initiatives citoyennes émergent, malgré la crainte de donner des parrainages (Yves Bontaz ne sera pas pour la troisième fois candidat aux présidentielles, faute d’avoir obtenu les 500 parrains représentatifs de chaque département).

Après une longue introduction biographique de 40 pages, le constat court sur 62 pages et il est sans appel : « Ni la gauche, désinvolte sous Mitterrand, Jospin et Hollande, ni la droite, prétentieuse sous Chirac et Sarkozy, n’ont eu le courage d’enclencher une seule réforme, pas une seule, susceptible d’améliorer notre compétitivité » p.49. En cause ? « Le dédain de l’économie appliquée, le dédain du bon sens économique » p.49. La France a 90 fonctionnaires pour 1000 habitants alors que l’Allemagne en a moins de 60 ; les Français payent 44% d’impôts en moyenne contre 26% pour les Suisses, 34% pour la moyenne OCDE et 38% en Allemagne ; les cotisations sociales représentent 11.6% du PIB français contre 6.6% en Allemagne et 4.1% au Royaume-Uni. Qui voulez-vous concurrencer avec ces boulets ?

L’Etat omniprésent sait mieux que vous ce qui vous convient ; il dépense sans compter, il gaspille plus que les voisins ; il handicape l’économie – y compris la demande des ménages. Un dirigeant d’entreprise fait le calcul : « Quand je donne 100€ bruts à l’un de mes salariés, ça me coûte, avec les charges patronales, 150€. Sur ces 100€ bruts, ce salarié va percevoir 70€ nets. Comme il va être imposé sur le revenu à environ 30% – soit 21€ d’impôts – il va donc lui rester 49€ de pouvoir d’achat. Mais (…) ce qu’il va dépenser sera soumis à une TVA de 20%. Ce qui fait qu’au final son pouvoir d’achat réel ne sera que de 39€. (…) L’Etat prélevant 110€ au passage » p.67. Imparable ! Et on se lamente encore sur la « misère » des services publics ? Ne serait-ce pas la misère de la gestion fonctionnaire ignare en économie ? De l’irresponsabilité hiérarchique où chacun se renvoie la balle ? Du mépris des citoyens qui ne contrôlent rien ? De la démagogie des syndicats – surtout la CGT qui rêve encore et toujours du Grand soir – et qui ne représentent qu’à peine 7% des salariés ?

Qui crée de la richesse ? – Les entreprises. « Faute d’offrir des emplois, on offre des aides sociales, mais cet argent que l’Etat distribue, il le reprend par le biais des prélèvements fiscaux (…) frein pour sortir de la crise » p.85.

Alors, que faire ?

Après 12 pages sur « la démocratie pervertie » et 12 pages sur « une diplomatie à la dérive » (où les interventions de François Hollande en Syrie, Irak et Mali ont suscité, selon l’auteur, les attentats islamistes), 12 pages de propositions.

Elles n’ont rien de révolutionnaires et prennent ici ou là les bonnes ou les moins bonnes idées en 19 mesures :

  1. Baisser les charges patronales de 20% sur tous salaires et de 30% jusqu’à 1.6 fois le SMIC.
  2. Augmenter la TVA de 2% pour compenser et taxer les importations (et éviter les délocalisations).
  3. Baisser l’impôt sur les sociétés à 25%.
  4. Supprimer l’ISF.
  5. Revenir sur la hausse des frais de succession Hollande.
  6. Réformer l’enseignement de l’économie
  7. Favoriser l’apprentissage.
  8. Réduire la vie politicienne à deux mandats au maximum.
  9. Baisser le nombre de fonctionnaires en n’en remplaçant qu’un sur trois (hors régalien).
  10. Etablir deux jours de carence pour les fonctionnaires, comme dans le privé.
  11. Limiter le droit de grève dans les services publics.
  12. Baisser les prestations chômage après 1 an.
  13. Supprimer les 35h pour revenir à 39 sans hausse de salaire.
  14. Sanctuariser l’agriculture.
  15. Relancer la révolution verte.
  16. Etablir des statistiques ethniques pour en finir avec les fantasmes et adapter les politiques.
  17. Faire du handicap une cause nationale.
  18. Incarcérer les condamnés à une peine inférieure à 2 ans.
  19. Conduire la politique étrangère sur les seuls intérêts de la France et pas sur « la morale ».

Voilà qui fleure bon le « radicalisme » florissant sous la Troisième République : du bon sens travailleur, le citoyen contre les pouvoirs, la base et la province contre les élites de Paris. Mais aussi le programme de François Fillon, dont il s’avère le plus proche, avec un côté Emmanuel Macron pour le réalisme économique.

Yves Bontaz a réussi à 14 ans le concours de l’Ecole nationale d’horlogerie en candidat libre avec son jumeau et en est sorti major à 19 ans. Il s’est mis à son compte dans le décolletage et a travaillé très vite pour les grandes marques automobiles, fondant des filiales dans divers pays. Son dogme : productivité et qualité ; sa méthode : s’organiser et intervenir où cela ne va pas. « Une théorie inverse de celle du politique » – persiffle-t-il p.28. Il a fondé un orphelinat, une école et un dispensaire à Madagascar, et un centre pour autistes en France. Il a donné des emplois à des milliers de gens, en Haute-Savoie, en France et dans le reste du monde. « Je suis un patron qui jamais, jamais, n’a oublié de privilégier le facteur humain dans la gestion de ses sociétés » p.35.

Tout le contraire des François Hollande et autres Nicolas Sarkozy, n’est-ce pas ?…

Yves Bontaz, Le bal est fini – Le programme choc d’un esprit libre, 2017, édition Jean Picollec, 144 pages dont 6 tableaux et graphiques, €13.99

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Liberté ou égalité en France ?

Les Français ont une devise : Liberté, Égalité, Fraternité. Tout paraît bien équilibré, la liberté en premier qui seule permet le reste, l’égalité en second qui permet à chacun de se révéler, la fraternité pour le tout afin de ne laisser personne sur le bord du chemin.

Sauf que, selon les périodes, la liberté est vue comme opportunité ou comme aliénation, comme l’expression de sa propre responsabilité ou comme une soumission aux forces qui dépassent : le capitalisme, le monde, le destin, la religion. Si ceux qui ont fui Pétain et les nazis à Londres en 1940 avaient agi comme les gréviculteurs d’aujourd’hui, crispés sur leurs acquis, la France ne serait plus la France mais une province éloignée de l’Hinterland allemand. Résister, c’était faire preuve de sa responsabilité en faisant le pari de la liberté. Oh, ils étaient bien peu nombreux, ceux qui ont osé ! La majorité attendait de voir, tergiversait avant de se décider, accrochée par mille liens trop respectables aux habitudes, aux droits acquis, au regard de leur milieu, à la révérence envers l’autorité, à la force imposée…

2016 n’est pas 1940 et nulle armée n’occupe encore la France pour enjoindre de se soumettre ou de mourir. Mais le dilemme entre liberté et abandon est toujours là. L’égalité est ce qui permet de se justifier lorsqu’on ne veut rien changer : tout le monde pareil, évidemment figé dans les positions acquises… Tiens, cela ne rappelle-t-il rien à ceux qui se piquent d’un peu d’histoire ? Mais si, souvenez-vous : ce fameux Ancien régime que l’on se vante tellement, deux siècles après, d’avoir renversé par « LA » Révolution !

Le statut était d’Ancien régime : on naissait noble et nanti ou réduit au tiers et asservi ; seuls « les ordres » religieux (encore un statut !) permettaient de botter en touche lorsqu’on avait quelque talent. La révolution a voulu mettre la chose du peuple (la république) avant les privilèges de quelques-uns et le pouvoir du peuple (la démocratie) au-dessus du pouvoir de quelques privilégiés. Mais, pour fonctionner efficacement, la démocratie exige que chacun y mette du sien : chacun doit trouver sa place, elle n’est plus acquise ; initiative et compétences font avancer la machine, hier figée dans l’idéologie d’un Ordre divin.

Or, aujourd’hui, chacun se réfugie en ses statuts et privilèges, cherchant à reconstituer cet Ordre immobile d’Ancien régime face au mouvement du capitalisme, à la déferlante du monde, aux changements de la modernité. Ce pourquoi la « démocratie » est moins démocratique, les privilégiés s’arrogeant le droit de gouverner dans l’abandon général. Les gens s’effraient de voir que tout va plus vite, que rien n’est plus acquis, que toutes les situations peuvent être remises en cause. C’est humain.

sempe dessin bonheur

Mais ce qui est humain aussi est de savoir réagir, « prendre ses responsabilités » comme dit la langue de bois politicienne. Il s’agit en fait de voir le monde tel qu’il est et de s’adapter aux réalités. Pas forcément en démissionnant des règles et procédures élaborées pas à pas depuis longtemps, mais en les adaptant, en en créant de nouvelles.

C’est ce que refusent de comprendre une partie des syndicats, des partis politiques, des fonctionnaires, des employés, des citoyens. Oui, l’économie est désormais globalisée et il est nécessaire d’adapter notre façon de produire et ce que nous produisons pour simplement survivre : existe-t-il encore des allumeurs de réverbères ? des rempailleurs de chaise ? des chaisières dans les parcs ? Pourquoi voulez-vous que certains métiers restent les mêmes alors que tout change autour d’eux ? Pourquoi les taxis garderaient-ils leur monopole ? Pourquoi telle usine, de moins en moins rentable, ou telle raffinerie, inadaptée à la mutation anti-diesel, ne devraient-elles pas fermer ? Pourquoi tel service administratif, qui produit des règles et du papier, ne devrait-il pas être aminci, précisé et réorganisé ? Pourquoi tant de collectivités locales emboitées en poupées russes, avec à pour chacune sa bureaucratie ? Ne sommes-nous pas à l’ère du numérique où nombre de procédures peuvent s’effectuer en ligne ?

Aujourd’hui, la démocratie, la technique et le capitalisme (qui sont liés), demandent de l’autonomie, pas de l’obéissance ; de l’initiative, pas de la discipline militaire. Schumpeter a remplacé Ford. Il est nécessaire de s’affranchir des habitudes pour adapter son travail à une consommation et à des services publics de moins en moins standards (pareil pour tout le monde, montraient les magasins soviétiques avec un seul paquet de lessive sans possibilité de choix – tout le monde pareil, clamait l’Administration à la française qui ne voulait voir qu’une tête). Chacun exige aujourd’hui qu’on le considère dans sa personne particulière et pas comme un « ayant-droit » lambda ou un consommateur « de masse ». Même les téléphones portables sont customisés.

Employés du privé habitués à suivre et fonctionnaires habitués à obéir aux règles sans jamais se poser de question se trouvent perdus, renvoyés à leurs compétences et à leur autonomie – qui, justement, ne s’apprennent pas dans les écoles : le savoir-vivre, le savoir-être. L’obéissance était un confort, un art d’être conforme, une protection contre la responsabilité (c’est pas moi, c’est la règle). Aujourd’hui que la génération rebelle a enjoint chacun d’être différent – parce que l’autonomie de l’individu a progressé – il faut se distinguer ou stagner. Le statut acquis par un concours ou un premier emploi vers 20 ans n’est plus acquis : il faut prouver ses compétences année après année.

D’où la « souffrance au travail », les périodes de chômage et de reconversion, la dépression dans le couple, la « perte du lien social » que pointent tant de sociologues. Et les échappatoires vers le déni, l’alcool et les drogues, ou vers la violence, conjugale, parentale ou sociale. Ce sont tous des symptômes de cette liberté qui ne passe pas.

Il est bien loin, ce mois de mai 1968 où les forces de la jeunesse, les énergies du printemps et l’élan de la vie faisaient craquer les gaines, tomber les tabous, briser les carcans, et libérer le désir comme les initiatives ! Mai 68 a permis la libération des déterminismes : être soi-même devenait possible. Sauf que… a-t-on toujours le cœur de se regarder tel qu’on est ? Un coming out est-il personnellement libérateur ou bien socialement dangereux ? Le regard des autres est parfois fatal à l’estime de soi.

N’est-on pas mieux, au contraire, dans le nid fusionnel où tous égalent tous, grognant ensemble (pas une voix plus haute que l’autre), dormant ensemble dans le même panier formaté, tétant ensemble, en ayant-droits bien sages le même lait standard des mamelles en apparence inépuisables de l’État-providence ? (Mais qui paye ?) De Ford à Schumpeter, de la chaîne à l’innovation, le capitalisme (cette technique d’efficacité économique) s’est adapté – pas la société française. Car le Français n’aime rien tant que de se savoir à sa place, en hiérarchie et statut, là où la fonction crée l’organe (même inutile), où l’on n’est rien si l’on « n’appartient » pas : à une grande école, à un corps d’État, à telle entreprise, tel parti ou telle association d’anciens ci ou ça. Presque tous les Français rêvent d’être « président » – le plus souvent d’une insignifiante association sportive de quartier – mais ils « appartiennent », là est leur honneur, leur seule personnalité. Ils ne sont rien sans le titre, la carte ou l’uniforme. Ils ont trop peur d’être simplement eux-mêmes, tout nu face à tous les autres et au monde entier qui regarde comment ils sont foutus et comment ils s’en sortent… Hier il fallait obéir, aujourd’hui créer – cela change tout !

D’où la peur sociale : du changement, de la mondialisation, des jeunes (« qui ne sont pas comme nous » – air connu), du progrès, des autres. D’où l’angoisse intime : de ne plus être soi, de ne pas être capable, de se montrer à la hauteur, d’être submergé par des forces qui dépassent, voire par les mœurs étrangères. Les Français ne veulent pas être libres, ils veulent être égaux. Ils préfèrent appartenir que s’appartenir ; ils se disent non pas citoyens, ni producteurs, mais fonctionnaire, cheminot, profession libérale, corps des Mines, franc-maçon, socialiste… Ils ne veulent pas penser par eux-mêmes, ni décider en conscience de par leur libre-arbitre – ils préfèrent obéir aux consignes, suivre les mouvements, voter selon la ligne. Et tant pis si leur petite décision individuelle fait crever le collectif : ils se seront trompés avec tout le monde – irresponsables. Cela fait 40 ans que les politiciens, les syndicalistes, les idéologues des partis, les corps de métier, nous prouvent tous les jours que cela se passe ainsi. Mérah évitable ? – C’est pas moi, c’est la règle. Brétigny une erreur ? – C’est pas moi, c’est faute de moyens. Le chômage plus qu’ailleurs ? – C’est pas moi, ce sont les patrons, Bruxelles, l’euro, le droit du travail, les charges sociales et j’en passe – ce ne sont jamais les politiques néfastes des gouvernants, ni les règles tatillonnes et prolifiques des faiseurs de lois.

La grande peur de la liberté fait se précipiter les gouvernants dans le convenu, les fonctionnaires dans les procédures, les employés dans l’attente des ordres et les syndicats dans les manifs rituelles (aussi braillardes, voire violentes, qu’inefficaces). Quant aux pauvres en esprit, pauvres gens, inadaptés du système, paumés du changement, flemmards et profiteurs (mais oui, il y en a), ils sont laissés pour compte. Personne ne s’occupe d’eux. Ils se précipitent donc vers ce qui brille, ce qui promet, ce qui gueule plus fort : les religions, les partis extrémistes. Eux promettent protection, barrières, surveillance, souveraineté.

gamin s envoie en l air avec une gamine

Mais les autres ? Les jeunes, les ouverts, les responsables, les coopératifs (qu’ils soient californiens technologiques ou écolos de proximité) ? Ceux qui préfèrent la liberté dans les règles à l’égalité d’obéissance ? Ils existent aussi, ils sont de plus en plus nombreux comme en témoignent tous les mouvements « alternatifs » – parfois naïfs et velléitaires, mais qui prouvent une quête de neuf : Occupy Wall Street, Los indignados, Nuit debout, En avant, Rassemblement pour l’initiative citoyenne – et tout le reste.

Gageons que les perdants seront les vieux, les rigides, les privilégiés du statut. Et les gagnants seront tous les autres, à commencer par ceux qui représentent l’avenir. Cette note est loin d’être pessimiste, au contraire !  Elle fait le pari de la jeunesse, du futur, de la vie qui va et qui s’adapte. Sans cesse. Contre les vieux cons…

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Président pour rien ?

Chômage, entreprise, terrorisme, Union européenne, vivre-ensemble – il semble que François Hollande ait tout faux. Echec sur toute la ligne. Echec à gauche où « la morale » est bafouée, échec surtout pour le pays, laissé dans le même état qu’il y a quatre ans – sans l’excuse de la crise cette fois. François Hollande a-t-il été un président pour rien ? Le chantre de l’impuissance publique ?

Je précise que je n’ai rien contre l’homme, sympathique en privé et volontiers blagueur, comme Jacques Chirac. Je dirige mes traits contre l’homme public, hésitant, velléitaire, sans grand sens de l’histoire, tout à son souci d’équilibrer sans cesse les contraires, les intérêts, les trois France…

Le chômage, cette fameuse et obstinée « inversion de la courbe » qui ne cesse de narguer – depuis quatre ans ! – le président. La faute à Sarkozy ? Comme c’est facile… Le quinquennat de Nicolas Sarkozy a connu la double crise des subprimes et de l’euro – celui de François Hollande connait à l’inverse la conjonction des bonnes fées : chute de l’euro, du prix du pétrole, des taux d’intérêt. Grâce à cette triade, toute l’Europe s’est redressée… Toute ? Non, le petit village gaulois de Hollandie résiste encore et toujours au mouvement du monde. Mais oui, augmenter les impôts, surtaxer les services à la personne, refiscaliser les heures supplémentaires, réglementer le logement à la Duflot n’encouragent pas l’emploi ; mais oui, réglementer à tour de bras sur tout n’encourage pas la création d’entreprise ni la prise de risque ; mais oui, la passation en force d’une réformette inutile à force de reniement sur le code du travail n’encourage pas les étrangers à venir installer des emplois, ni les salariés à faire confiance aux syndicats. Le chômage est cette fameuse « exception française » que les Français un tant soit peu éduqués fuient par milliers à l’étranger depuis 4 ans, une exception encouragée par les pouvoirs publics qui préfèrent protéger les inclus, désirée depuis toujours par la CGT pour renverser le Système parce que seuls comptent, dans son esprit borné par l’idéologie, « les prolétaires » (et que les chômeurs sont un lumpenprolétariat « jaune », prêt à brider le niveau des salaires pour simplement travailler), attisée par Sud et autres anars qui refusent tout « dialogue social » pour le bonheur de l’affrontement, regardée avec plaisir par le Medef qui y trouve argument pour contraindre les salaires… Le chômage qui empêche toute « intégration » des minorités visibles car, quand l’emploi est rare, on prend plus volontiers le candidat neutre et le moins polémique. Échec sur toute la ligne, tant la conjonction des intérêts reste en faveur du statu quo.

socialisme rose promise chom'du

L’entreprise – qui crée l’emploi – est-elle encouragée sous Hollande ? Technip fusionne avec l’américain FMC Technologies pour aussitôt installer son siège social à Londres, comme Arcelor-Mittal l’a fait au Luxembourg, Rhodia-Solvay en Belgique, Alcatel-Lucent-Nokia en Finlande, Lafarge-Holcim en Suisse. Serait-ce à cause d’une administration à la française trop coûteuse et tatillonne ? Notre pays reste-t-il aussi attractif économiquement, fiscalement ou socialement que François Hollande voudrait nous le faire croire ? Le sujet, au gouvernement (et évidemment à gauche) semble bel et bien tabou. Car le parti Socialiste n’a jamais réglé la question de la « lutte des classes » : une partie est pour la production afin de redistribuer avec de gros impôts, l’autre partie est pour la guerre civile classe contre classe afin de faire rendre gorge aux patrons (génétiquement) exploiteurs. Hollande comme d’habitude fait « la synthèse » – c’est-à-dire qu’il ne fait rien, il laisse bloquer toute rénovation.

2016 patrick artus VA manufacturier et Dette publique comparee

Le terrorisme, dans toute son ampleur franco-française, a été découvert avec surprise par les technocrates en charge du pouvoir ou dans l’opposition depuis quatre décennies. Ils n’ont rien voulu voir venir, ce n’était pour eux pas croyable, et surtout pas d’amalgame ! « Tout le monde » peut être terroriste mais surtout pas les Arabes, ni les islamistes en particulier… Tous les terroristes passés à l’acte étaient connus des services, mais aucun personnellement surveillé, cela aurait été « cibler au faciès ». Ce pouvoir, depuis quatre ans, a laissé les corporatismes policiers ou gendarmes se cacher des informations et se hausser du col pour le matériel ou la gloire, augmentant d’autant la dépense publique pour la sécurité et diminuant d’autant son efficacité. Quoi ! Le RAID et le GIGN en même temps pour arraisonner deux frères Kouachy dans une imprimerie vide ? Alors qu’au même moment, un Coulibaly tirait à la kalach sur des Juifs à Paris dans un hyper-casher ? La leçon de l’après-Merah n’a pas été retenue, faute de volonté politique. Pour Hollande, seul compte le blabla symbolique devant le Congrès, mais quels sont les actes concrets ?

L’Union européenne a connu une absence totale de la France, jamais un président n’a été aussi ectoplasme dans le débat européen. L’immigration venue de Syrie ? – aucune entente avec Angela Merkel, aucune position à propos de l’accord inique avec la Turquie d’Erdogan, aucune proposition de gardes-frontières Schengen – RIEN. La finance ? « Mon ennemi » semble devenu mon ami et la lutte contre le dumping fiscal dans l’UE même, hors rodomontades enflammées, est absente. Le président pense à sa réélection et discourt en Pangloss sur le meilleur des mondes possibles, ou joue avec le « sans moi le chaos ». Mais il suffira que le taux d’intérêt directeur de la Banque centrale européenne remonte à 2% (bientôt), que le prix du pétrole passe (dans quelques mois) à 60$ le baril au lieu de 25 en janvier, que cette hausse pousse l’euro à la hausse pour que, selon l’économiste de Natixis Patrick Artus, le Budget français soit contraint et que la Dépense publique devienne insupportable. Or Hollande n’a qu’à peine atténué la courbe de la hausse, il n’a en RIEN diminué la dépense, au contraire ! Les cadeaux électoraux commencent à pleuvoir un an avant la présidentielle, comme l’avait fait Jospin avant de finir comme on sait.

Le vivre-ensemble, la corruption des élites, le corporatisme, l’islam ? Rien de cela, qui taraude en ses profondeurs la société française, n’est abordé, expliqué, corrigé. Le président se contente de dire « c’est pas bien » quand on tague une mosquée – mais il ne dit rien quand on vandalise une église. Cahuzac ? – Je ne savais pas… Mais qui donc l’a fait ministre ? Le financement des mosquées ? – le wahhabisme saoudien ou le Qatar intégriste. Mais qui s’en soucie ?

L’incroyable boboterie du victimaire, ces pôvres gais lesbiens empêchés de se marier, d’adopter, de procréer assistés – ce que les gais et lesbiens soixantuitards s’étaient bien gardé de réclamer – ce pôvre rapeur de Black M empêché à Verdun alors qu’il insulte dans ses litanies les « koufars » (nous – les mécréants, un équivalent aussi méprisant et condescendant en langue coranique que « nègre » en langue française), voire les « pédés » à châtrer et autres « youpins », cette « courageuse » entreprise d’un ministre de défendre contre « le fascisme » un  rappeur comme s’il s’agissait d’un Dreyfus en prison, cet incroyable « amalgame » qu’un Noir ne serait nullement raciste lorsqu’il prononce les mots interdits alors qu’il n’est qu’un pôvre riche chanteur à succès des banlieues !… On a vu plus démagogique, rarement plus bête. La multiculture du fric et de l’insulte érigée en modèle pour la France. Vive le socialisme, qui prend la défense de ces pôvres victimes qui ont bien « le droit » d’être gaiement mariés ou papa, ou minoritaires racistes !

Rap par Rita Mitsouko

Nul doute que – vu le succès sur tous ces sujets – le socialisme hollandais a encore dégringolé d’un cran dans l’estime (déjà faible) que le populaire lui porte. Nul doute aussi que – si l’on retombe à la présidentielle sur les deux bras cassés que sont l’Agité et la Synthèse – le premier tour ne réserve une belle surprise. La faute à qui ? – Au président pour rien…

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Ian McEwan, Opération Sweet Tooth

ian mcewan operation sweet tooth

Mensonges et trahison renouvelle, dans le roman anglais, le fameux Orgueil et préjugés de Jane Austen. Nous sommes dans les années 1970, le travaillisme est au pouvoir – ou plutôt les syndicats corporatistes. Le Royaume-Uni s’enfonce dans la crise économique, aggravée par l’envolée des cours du pétrole après la guerre du Kippour. L’empire est en ruines, l’économie à vau-l’eau, la société travaillée de drogue pacifiste hippie et de gauchisme bobo.

Serena est une fille d’évêque et, bien que ce ne soit pas très catholique, c’est indifférent car nous sommes dans la secte anglicane, qui permet le mariage des prêtres. La pédophilie et l’homosexualité ne sévissent que dans les collèges privés, soigneusement cachée et réprimée. Ce pourquoi tant d’ex-Eton et Cambridge se feront communistes, rêvant d’une société libérée des préjugés bourgeois.

Mais nous ne sommes pas, avec Ian McEwan, dans un remake du film Another Country de Marek Kanievska, qui conte en 1984 le processus de trahison des « pédés de Cambridge ». On peut trahir pour d’autres raisons, notamment spirituelles, croyant aux Droits de l’homme ou aux contrepouvoirs des puissances. C’est le cas de cet universitaire très hétéro, Tony Canning, qui va remplacer l’homo refoulé Jeremy dans le lit de Serena. Cette dernière, belle et naïve, bonne élève au lycée, surtout en maths, intègre Cambridge pour y poursuivre une licence de mathématique, puisqu’elle y est si douée. Sa mère, comme l’Évêque son père, l’ont convaincue d’obéir à cette facilité alors qu’elle aurait de beaucoup préféré les études littéraires d’anglais.

Ce pourquoi elle lit avec frénésie des romans en poche, trois à quatre par semaine, qu’elle se lie avec Jeremy le littéraire spécialiste du XVIe siècle élisabéthain et que celui-ci, insatisfait car homosexuel inavoué, la présente à Tony, vieux professeur reconnu qui côtoie des ministres. Femme + maths + littérature : voilà le cocktail que recherchent les services de renseignements, dans ces années où il est de bon ton d’ouvrir la profession aux femmes, pas forcément bien nées mais quand même, moins portées à trahir pour scandale que les fils de l’aristocratie trop tentés par les garçons.

Serena intègre le MI5, les services de renseignements intérieurs. Elle est chaudement recommandée par Tony, dont elle apprendra plus tard qu’il avait trahi l’Occident au profit de l’URSS, mais à petit niveau, surtout par idéalisme libéral : celui d’instaurer des contrepouvoirs, un équilibre des puissances. Jeremy la largue, Tony la largue, Serena se retrouve seule à Londres, dans une chambre miteuse, avec le MI5 comme seul horizon. Elle n’est pas très bien payée mais reste fonctionnaire.

Après un apprentissage de plusieurs mois dans diverses fonctions de documentaliste et de secrétariat, son chef Max, cou de poulet et oreilles décollées, lui confie une mission : participer à l’opération Sweet Tooth. Cette ‘Dent douce’ consiste à entreprendre une guerre psychologique contre le marxisme en finançant (comme la CIA) des essayistes et écrivains de talent encore peu connus. Serena a couché avec Max mais celui-ci, pour l’opération, lui annonce qu’il s’est fiancé. Serena va donc aborder un « dossier », celui de Tom Haley, spécialiste de Spenser, lire ses nouvelles publiées, aller le voir pour lui proposer un financement durant deux ans pour qu’il écrire un vrai roman.

Elle découvre un jeune homme mince et dur comme une lame, la peau nue fragile sous les boutons entrouverts de sa chemise. Il est cultivé, hanté par l’écriture, séduit par la proposition. Après avoir mené ses propres investigations sur la Fondation qui va le financer (dont il ne sait pas qu’elle est un sous-marin du MI5), il accepte. Serena est heureuse : elle a rempli sa mission, elle travaille enfin dans la littérature – et elle tombe amoureuse de Tom.

Ils font l’amour, se voient régulièrement, tout va bien. Trop bien. Car cette opération n’est pas stratégique pour le MI5, elle dépend du bon vouloir des pontes, tous mâles, dont certains ont les passions viles de l’humanité : l’envie, la jalousie, le sexe, le machisme. Max rompt ses fiançailles pour Serena alors que Serena vient de tomber amoureuse de Tom… L’engrenage des manipulations réciproques prend donc un tour personnel : Max n’aura de cesse de torpiller le « dossier » qu’il a lui-même lancé.

Bureaucratie, influence, ego des chefs de service : « Il fallait que je comprenne que n’importe quelle institution, n’importe quel organisme finit par devenir une sorte d’empire autonome, agressif, n’obéissant qu’à sa logique propre, obsédé par sa survie et la nécessité d’accroître son territoire. Un processus aussi aveugle et inexorable qu’une réaction chimique » p.434. La guerre psychologique avec le socialisme n’est pas du ressort évident du service de renseignements intérieurs, les agents ne sont que des rouages obéissants, les écrivains que des pions, tous sont des matériaux pour l’ego. Sauf que le matériel se révolte d’être ainsi manipulé comme une chose. Les « services » nomment cela mensonges et trahison. Est-ce vraiment le cas ?

Ian McEwan, dans un retournement final, présente le roman écrit par la main de Serena comme le costume que Tom a enfilé pour se mettre à sa place. Le vrai héros est Tom, c’est-à-dire lui-même, le romancier McEwan. A-t-il été approché lui aussi dans la réalité par un MI5 ou équivalent pour se lancer dans la littérature ? Il évoque les écrivains de sa génération, Marin Amis, J.G. Ballard et d’autres ; il égratigne cette société contente d’elle-même, inutile pour une grande part dans un fonctionnariat pléthorique ; il renverse le mythe si anglais de James Bond en montrant la misère réelle du renseignement.

Voilà un bon roman avec sa psychologie fouillée, ses observations sociologiques, ses réflexions sur la guerre des idées et ses retournements de situation. Une satire, mais à l’anglaise, pétrie d’humour et d’understatement. Ne décrit-il pas une femme fatale, psychotique et ravageuse, au « clitoris (…) monstrueux, du la taille du pénis d’un garçonnet » ? p.159. Il y revient plus tard, tant cette trouvaille l’enchante. Serena est elle-même une version édulcorée du même type de femme, possessive, presque mygale : « je pensais à lui comme à un enfant qui m’appartiendrait, que je chérirais et ne quitterais jamais des yeux » p.353. Sauf que Tom, découvrant toute la vérité, rompra d’une longue lettre littéraire, coquetterie d’écrivain qui parodie à la fois le dénouement type Agatha Christie et l’opération Mincemeat réussie de Ian Fleming.

Sauf que cette fois, dans le Royaume-Uni minable des années 1970, « l’intelligence a voulu brider l’inventivité » p.454. Intelligence étant compris comme usage de la raison, mais aussi comme renseignement, dans le sens anglais du mot bien plus riche qu’en français. L’auteur n’aime pas la société dans laquelle il a grandi, il est féroce avec ces bureaucrates qui se croyaient des dieux parce qu’ils sortaient de Cambridge. Il en fait un roman, « œil pour œil, dent pour dent ». Le manipulateur manipulé, ce n’est pas mal. Sauf qu’il existe encore un autre retournement – de dernière minute – que je vous laisse découvrir !

Ian McEwan, Opération Sweet Tooth (Sweet Tooth), 2012, traduit de l’anglais par France Camus-Pichon, Folio 2015, 461 pages, €8.20

e-book format Kindle, €7.99  

Les œuvres de Ian McEwan chroniquées sur ce blog

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Baudruche quinquennale

Les cinq années que François Hollande aura passées à la tête de l’État ne resteront pas dans les annales comme celles qui auront marqué l’histoire. Giscard – et même Sarkozy – avaient mieux réussi. C’est que cinq ans, c’est très court quand on n’est pas préparé ; et très long quand on n’a pas de base électorale pour appliquer son programme. Ajoutez à ces conditions un caractère pusillanime, hésitant à décider, adepte du billard à trois bandes, et vous aurez le schéma d’échec d’un quinquennat présidentiel.

Le président est comme un dirigeable monté très haut avec des promesses inconsidérées, et qui n’a cessé depuis l’origine de perdre de la hauteur. La grenouille Hollande voulait se faire plus grosse que le bœuf Sarkozy, mais il a été trop gonflé pour entreprendre et pas été assez gonflé pour éclater. Toujours dans l’entre-deux, trop peu, trop tard, maladroit comme il est peu.

Qui ne se souvient du « Moi, président… ». On allait voir ce qu’on allait voir, sur la morale, la « gouvernance », le déficit, l’Europe.

On a vu – très vite – la morale s’écrouler, les Cahuzac, Morelle, Augier, Thévenoud, Lauvergeon, Sales et j’en passe minant et sapant tous les discours de la com’ par des actes tout bêtes, tout simples, sans aucune morale.

La « gouvernance » est restée plus technocratique encore que sous le gouvernement précédent, les énarques étant revenus en force, ignorants du pouvoir après dix longues années à s’opposer à tout et pour rien, sans aucun projet préparé, adorant comploter en petits comités et livrer tout ficelé le rôti à voter. Notre-Dame des Landes n’est toujours pas aéroport, le droit du travail toujours pas modifié, l’entreprise toujours vilipendée et pas encouragée, les chômeurs toujours plus nombreux malgré le maquillage des « contrats aidés », seuls les gais et lesbiens sont heureux : ils peuvent enfin se marier !

Malgré des milliards d’impôts en plus, pris sur les ménages et les entreprises, le déficit ne s’est pas réduit. Tout au plus se félicite-t-on d’avoir « inversé la courbe de la hausse » en affichant 3.5% du PIB contre 3.8% « prévus » ! Les fonctionnaires sont toujours plus nombreux – surtout là où ils sont le moins productifs, dans les collectivités territoriales (multipliées !) et les agences autonomes. Les militaires sursollicités un peu partout – et en France même avec l’opération Sentinelle – 13 opérations extérieures au Kosovo, en Bosnie, au Mali, en Côte d’Ivoire, en Centrafrique, en Guinée, au large de la Somalie, au Liban, en Afghanistan, en Irak et en Syrie, en Libye… 6.9 milliards d’euros pour l’ensemble des « actions extérieures » de l’État pour 2016. Elles ne sont pas toutes armées, mais celles qui le sont coûtent le plus !

Seul le Mali peut être considéré comme un succès, malgré le trop lent progrès politique du pays, assuré de la protection française, qui reste réticent aux compromis internes. Le train de vie de l’État continue d’être aussi indécent qu’avant « Moi, président… » : 39 ministres dont 20 secrétaires d’État, soit deux fois plus qu’en Allemagne ! A 17 millions d’euros le coût 2012 d’un ministre, calculé par le député René Dosière, cela fait plus de 300 millions pour pas grand chose : la France serait-elle par hasard mieux gouvernée que l’Allemagne ? 113 millions d’euros par an pour l’Élysée contre 36 millions pour la Chancellerie…

L’Europe devait connaître un « grand » tournant (tout est enflure dans sa campagne). On n’a rien tourné du tout, et surtout pas autour du pot, le traité négocié sous Sarkozy étant signé tel quel – contre de vagues promesses sociales (réponse de la bergère agissante au berger promettant). Schengen a éclaté, l’anti-terrorisme reste perso, l’euro se tient mal, l’anti-européisme primaire a explosé. Hollande a été inconsistant, inconstant, inexistant. Les politiciens français à Bruxelles considèrent cela comme un exil, n’y vont que les nuls, contraints et forcés, « recasés » là en attente. La France n’occupe que 8.5% des postes d’influence du Parlement européen contre 16.1% pour l’Allemagne, 10.3% pour l’Italie et même 9.3% pour les Anglais qui veulent s’en aller ! Il n’y avait que 9 coordinateurs français lors de la législature 2009-2014 contre 21 britanniques.

Il a reculé sur la révision constitutionnelle, il reculera sur la loi El Khomri (« Arrêtons El Khonneri(es) brandisssent certains lycéens). Rien de plus dangereux que de lâcher sur un bout, les fauves se précipitent à la curée. Gageons que les derniers mois de son quinquennat seront impuissants, à tenter sans réussir, à monter contre lui son camp de bras cassés, à se débattre en campagne. « Pour la 1ère fois du quinquennat Hollande, signe d’un divorce symbolique et emblématique des fractures actuelles au sein de la gauche, la popularité des deux figures de l’exécutif passe sous la barre des 50% auprès des sympathisants de la gauche« , dit même l’organisme de sondages BVA.

politiciens francais

Pourtant, François Hollande pouvait beaucoup. S’il avait moins démagogiquement promis, s’il avait pris de la hauteur, il aurait quand même été élu tant les Français en avaient assez de son prédécesseur. Sarkozy était bien parti, il a mal fini. Hollande n’est même pas parti…

Il a cru manœuvrer la gauche de la gauche – et la gauche à gauche de la gauche – comme Mitterrand (son modèle) l’avait fait pour les communistes. Mais on ne gère pas un pays comme un parti, ni le Parlement comme un congrès socialiste. Et Hollande n’a rien de Mitterrand, ni la culture, ni la profondeur historique, ni la subtilité politique, ni l’expérience de ministre, ni l’entourage varié. Le président n’a pas présidé, il n’a jamais trouvé ses bonnes mensurations dans l’uniforme présidentiel qui lui va comme un sac.

Il aurait pu opérer la rupture, après l’hyper-présidence Sarkozy, en appelant à l’ouverture (comme Sarkozy l’avait inauguré avec Kouchner et Besson mais sans aller jusqu’au bout). Or il a refusé Bayrou qui lui tendait la main, rejetant le centre vers la droite, et la droite vers l’extrême-droite. S’il a nommé Macron, le plus populaire (et le plus jeune) de ses ministres, c’est comme « bouffon du roy », trublion apte à dire tout haut ce qu’on pense tout bas sans oser le dire, aussitôt démenti, aussitôt « tempéré ». Emmanuel Macron et son « franc-parler » soigneusement mesuré sert à la dialectique de la com’ présidentielle : il crée de la divergence pour mieux faire converger. Le président a beau jeu alors de dire « mais non, je ne propose pas d’aller aussi loin » – mais le message est passé. Cette pseudo sagesse laisse voir trop sa grosse ficelle.

Jusqu’à la rue qui fait reculer, car la rue est composée de petites têtes et grandes gueules : syndicats idéologiques si peu représentatifs (8%) de la population active (dont 80% de fonctionnaires qui n’ont rien à f…aire de l’entreprise ni de la précarité), associations lycéennes et étudiantes aussi vides et peu représentatives que dans la surenchère, tant ses dirigeants veulent se poser pour entrer ensuite en politique à gauche.

Or « la gauche » est crevée.

Écartelée entre l’essence immuable de la gauche platonicienne qui n’a rien changé depuis Hugo et Zola, et une « social-démocratie » qui ne peut pas exister en France, faute de syndicats populaires. Faire « la synthèse » entre socialisme et libéralisme ne passe pas : Hollande a trop promis durant sa campagne, a trop été dans la surenchère gauchiste (« mon ennemi la finance ») pour que ses pâles réalisations ne lui aliènent pas son électorat.

Fermé au centre, fermé à gauche, le voilà réduit à 16% en cas de premier tour d’une présidentielle. Peut-on encore régner avec 16% de confiants ?

Le suivant (ou la suivante) au poste de 8ème président de la Ve République aura à réparer les erreurs, à gouverner autrement.

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La tête de l’emploi

L’emploi est le casse-tête du président. Lui qui a « fait » HEC, la grande école de commerce française que le monde nous envie, aimerait bien agir pour qu’il y ait plus de travailleurs qui travaillent, plus d’entreprises qui créent des emplois. Mais comment faire ?

Déjà en défaisant ce qu’il a malencontreusement fait… Trop d’impôt tue non seulement l’impôt, mais aussi l’emploi, car l’investissement ne repart pas tant que la demande ne s’élève pas. Or c’est par l’entreprise que tout commence, puisque le modèle soviétique du tout État a lamentablement échoué – même si les grondeurs de la gôch morââl ne s’en sont pas aperçu.

2013 1990 recettes fiscales % pib france

Faut-il redistribuer du pouvoir d’achat ? Ce qui fut fait vaguement en 2015 montre que les consommateurs se précipitent sur les importations : mais pourquoi donc la France est-elle incapable de fabriquer des berlines BMW mais de moyennes Renault), des smartphone Apple (mais de la banalité Archos) ou des ordinateurs Dell (après le flop Thomson) ? Des décennies d’incurie d’État, de réglementation précautionneuses effrénées, d’administration tatillonne, de fiscalité valsant sans cesse, d’application aux salaires bruts de cotisations qui devraient faire partie de l’impôt national – mais à condition qu’il soit à la source, comme les cotisations – font que les entreprises hésitent à investir en France. Plutôt créer une filiale ailleurs, dont les coûts sont moindres et les règlementations plus stables.

2014 specialisation sectorielle france

Faut-il encourager la recherche publique ? Ce que font les États-Unis avec leurs programmes militaires au sens large, qui vont de l’espace aux puces électroniques en passant par les services de transmission et les technologies de productivité. Ces programmes de recherche publique se diffusent dans les entreprises via la technologie. La France n’a jamais su sur quel pied danser depuis de Gaulle, qui était pratiquement le seul à avoir compris comment fonctionnait le capitalisme régalien américain.

2013 barrieres administratives a creation de societes

Faut-il encourager l’initiative et la prise en main des gens par eux-mêmes ? C’est un peu tard et sans aucun lien pourtant avec l’éducation et la formation, qui devraient former les esprits à être libres et responsables… La formation, parlons-en, macquée aux syndicats, qu’ils soient patronaux ou politisés, est réservée à une élite cooptée par le choix syndical – très peu représentatif des salariés, d’ailleurs. D’autre part, à la racine, comment l’école élitiste matheuse française pourrait-elle inciter quiconque à créer son entreprise ? Elle prépare plutôt à une carrière terne et confortable de fonctionnaire, bien formaté scolaire, répétant ce qu’on lui a appris (notamment que tout est calculable) et respectueux des anciens. Une école qui vise à « reproduire » la société plutôt qu’à libérer peut-elle contribuer à l’emploi ? La réponse est NON.

Ah, l’autoentreprise ! Puisque les emplois « aidés » sont un échec flagrant avec moins de 300 000 faux emplois à 80% dans le public et les zassociations, François Hollande a présenté l’auto-emploi comme énième plan « d’urgence » sur le chômage (il est temps, à 15 mois de la présidentielle…). Pas de boulot ? Auto-employez-vous ! C’est ainsi que « le grand service » de l’emploi (la gauche n’a jamais peur de l’enflure), renommé Pôle, invite à d’innombrables « stages » mal ficelés et mal présenté par des non-formés à la formation – pour créer votre autoentreprise, votre microentreprise (EURL ou SARL), votre mise en libéral ou, faute de mieux, au portage salarial. Le mot d’ordre est : plus jamais d’emploi à durée indéterminée. Autrement dit (poliment) : débrouillez-vous ! A quoi sert donc cette agence pléthorique de semi-fonctionnaires ? A-t-on besoin d’autant de monde pour redistribuer l’aide sociale ?

2015 2008 investissement des entreprises france

L’autoentreprise est la précarité institutionnalisée avec la bénédiction de Pôle « emploi ». Vous travaillez à la pièce, selon les missions, payé tout petit car la concurrence est rude et sans aucune garantie d’obtenir une autre mission. Mais ces intermittents de l’emploi n’ont pas l’avantage de la pression intello de gauche qu’est celle des intermittents du spectacle -elle-même financée uniquement par les salariés du privé via l’Unedic ! Pas de régime aménagé pour eux ; pas de droit du travail rénové – mais les piaillements de vierges effarouchées du « socialisme » et des syndicats à majorité fonctionnaires. Où est-elle, l’injustice ? Chez les copains et les coquins du parti, tout à leurs petits jeux du ‘c’est moi qui ai la plus grosse’ (part de l’héritage de gauche) ? Pourquoi donc, à votre avis, les gens se moquent-ils de « la politique » et, quand ils votent, détestent-ils la gauche ? Et notamment les ringards tels Martine Aubry, Christian Paul ou Gérard Filoche ? Le droit du travail est-il « sacré » comme un Coran qu’on ne doive SURTOUT pas y toucher ? Alors que les Allemands et les Espagnols l’ont fait – et qu’ils ont MOITIE moins de chômeurs. Au fond, les socialistes et les apparatchiks des syndicats se moquent des chômeurs – des loosers. Ils préfèrent les statuts acquis et les travailleurs en emploi ; les autres, les jeunes, les seniors, les chômeurs, ils s’en foutent. Ce pourquoi ces catégories exclues votent Front national…

Depuis quelque temps l’image de l’entreprise privée et de l’associatif progresse car la désillusion est profonde à l’égard de l’Etat-providence qui se délite de toutes parts. Le modèle social du socialisme et les zacquis du syndicalisme hérissent de plus en plus : ils restent tout en conservatisme et en réaction. Le monde change et ils voudraient que rien ne change ?

La jeunesse préfère se débrouiller par elle-même et s’auto-organiser. La mode des « réseaux sociaux », venue des États-Unis (et ni des gens de gauche ni des syndicats français), les incite bien plus que l’Éducation nationale à créer par eux-mêmes, même s’ils n’ont guère appris à penser. Ce pourquoi un jeune et fringant Emmanuel Macron a plus de succès qu’un vieux et poussif François Hollande ou qu’un ronchon autoritaire Jean-Luc Mélenchon.

2014 2009 solde net emplois france

Ceux qui veulent l’autorité tenteront Marine plutôt que les faux durs des politiciens à promesse, Hollande et Sarkozy en premier. Mais les libertés sont tellement préférables pour la jeunesse que les extrêmes n’intéressent guère que les vieux aigris : petits intellos fonctionnaires à gauche (le vivier de Mélenchon) et petit-bourgeois hantés par le déclassement à droite (le vivier des Le Pen). les jeunes préfèrent ne pas voter. De toutes façon, ils choisiraient des menteurs qui ne rêvent que de fourrer leurs pattes en plein dans la confiture et se moquent du sort des citoyens.

L’emploi est le symptôme d’une société. Hollande a raison de s’en préoccuper – mais tort de l’avoir pris à la légère depuis son élection. S’il n’impose pas le 49-3 sur le texte El Khomri, se sera une mesurette de plus, une réformette pour soubrette, de quoi se moquer un peu plus du modèle politicard impuissant qui agite ses petits bras sans effet.

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Qu’a fait le président Hollande ?

La croissance française s’est établie à +1.1% sur 2015, elle pourrait être un peu meilleure en 2016 avec le faible regain de consommation des ménages. Mais on note un net ralentissement de la productivité en France depuis la fin des années 1990, ce qui augure assez mal de l’avenir.

La croissance de la productivité horaire a ralenti régulièrement : de plus de 5 % par an dans les années 1950-1960, réduite à 3-4 % dans les années 1970, puis à 2-3 % dans les années 1980, entre 1,5 et 2 % dans la décennie 1990, elle est passée sous la barre de 1 % à partir de 2008. L’heure de travail est de moins en moins productive car les entreprises (et administrations !) françaises ne sont pas vraiment entrées dans l’ère numérique. En 2014, seules 63 % des entreprises disposaient d’un site web (+ de 75 % dans la plupart des économies avancées et 90 % dans les pays nordiques) ; seules 17 % des entreprises utilisent les réseaux sociaux pour leurs relations clients, contre 25 % en moyenne dans l’OCDE.

Quant au renouvellement du tissu productif (aider la nouveauté, pas « sauver » l’obsolète) il se fait trop lentement, beaucoup de freins l’empêchent : syndicats d’autant plus revendicatifs que peu représentatifs, manifs pour défendre les avantages acquis, lâcheté politique sur l’intérêt « général », byzantinisme juridique sur la création d’entreprise, le travail, le licenciement. La population active n’est pas assez qualifiée, notamment dans les technologies de l’information, et dans le même temps la formation professionnelle est laissée à des « partenaires sociaux » jaloux de leur rente sur la taxe obligatoire, et d’autant plus opaques qu’ils sont inefficaces. Les entreprises les plus productives ne sont pas encouragées par les règlements, obligations, charges et autres normes plus strictes que les Directives européennes ne le demandent. Pourquoi le SMIC serait-il égal dans Paris au fin fond de la Corrèze ? Le coût de la vie serait-il le même ? Si l’on s’étonne de la « désertification » des campagnes et lieux isolés, voilà une explication : faire travailler quelqu’un, notamment dans les services, est « trop cher » pour ce qu’il produit dans certains endroits.

L’échec du droit du travail actuel en termes d’efficacité économique et de protection des travailleurs est clair : complexe, inintelligible, faisant l’objet de l’intrusion détaillée du juge. Pourquoi embaucher si la rentabilité du poste n’est pas assurée ? Plutôt payer des heures supplémentaires aux inclus que de devoir licencier des entrants plus tard superflus. Cette réforme du code du travail est contrariée par l’idéologie, le syndicalisme qui ne représente pas l’intérêt général mais uniquement celui des syndiqués en majorité fonction publique, la politique tacticienne, et l’absence des indispensables accompagnements que sont la formation professionnelle et la réforme juridique du droit du travail.

Car le coût de l’emploi en France n’a rien de « normal » au vu des autres pays européens : il est grevé de taxes obligatoires plus fortes que les autres, commençant au SMIC – niveau bien trop élevé pour la qualification de la plupart -, obéré de freins administratifs et d’œillères sur les Zacquis. Le drame des taxis révèle l’inertie bête dans toute son ampleur : le rapport Attali l’avait pointé dès 2007, la profession est menacée par la montée des métiers issus des technologies du numérique. Que croyez-vous que les taxis firent : RIEN ! Ils attendent même « du gouvernement » qu’il mette en place une plateforme informatique qu’ils ont été INCAPABLES de créer eux-mêmes – et qu’ils leur remboursent une « licence » qui n’a jamais été légale !

Batiment sous Hollande

Les politiques dites « structurelles » visent à modifier les règles de fonctionnement de l’économie, notamment le juridique ou le fiscal pour augmenter la croissance possible, encourager l’emploi, favoriser l’égalité sociale.

  • La croissance : à part vendre des Rafales aux musulmans intégristes d’Arabie et du Qatar, qu’a fait le Président ? RIEN – sauf augmenter massivement les impôts pour les entreprises et les ménages, nommer Duflot, une écolo sectaire au Logement, ce qui a accentué la tentation de l’attentisme et du repli de ce secteur pourtant très créateur d’emplois peu qualifiés – justement ce qu’un gouvernement devrait encourager !
  • L’emploi : avant Hollande, la hausse du SMIC a réduit l’accès à l’emploi des moins qualifiés que les allègements de charges ont à peine compensés. Le statut d’autoentrepreneur et les emplois aidés n’ont pas encouragé la qualification mais au contraire fait baisser les rémunérations, tout en permettant en contrepartie à des non-qualifiés de travailler. Quant aux 35 h, elles ont clairement augmenté la productivité horaire… mais seulement de ceux qui travaillent, réduisant la productivité globale par découragement de l’embauche (sauf dans la fonction publique… ce qui obère les finances de l’État). Qu’a fait le Président ? Il a décidé bien tard le CICE, après avoir grevé les entreprises de 30 milliards d’impôts en plus. Et il n’ose pas toucher au sacré des 35 h, malgré les coups de sonde d’Emmanuel Macron.
  • Les impôts : leur prélèvement exige transparence et forte lisibilité pour qu’il soit compris et accepté. Qu’a fait le Président ? Presque rien (à part les augmenter), surtout pas la fameuse réforme qu »il avait promise et que tout le monde attend – et regretté d’avoir fait trop légèrement confiance au menteur Cahuzac comme ministre… du Budget !
  • Le système financier : il exige la confiance, donc des règles propres à lui éviter la tentation de la cupidité ou du risque excessif. Qu’a fait le Président ? Presque rien sur la taille des banques, les politiques prudentielles visant à limiter la prise de risques excessifs, l’orientation des financements vers les activités productives – malgré un discours de matamore sur « mon ennemi la finance ». Quelle velléitaire ! Ou quel naïf.

Se tromper sur ses collaborateurs et se hâter avec lenteur semble être la norme hollandaise, qui n’a semble-t-il pas pris la mesure des cinq années de son mandat. Il en est resté au double septennat Mitterrand, son grand modèle, et à sa maxime d’avant l’ère numérique : « laisser du temps au temps ». Or le risque d’une société puissamment méritocratique comme l’est la société française est de déconsidérer absolument les perdants. Les classes moyennes sont attachées plus que les autres à cette utopie que le mérite permet d’arriver. François Hollande a perdu son pari sur le chômage et a omis d’honorer la plupart de ses (trop souvent démagogiques) promesses de campagne : il est donc déconsidéré. Pire : l’hypocrisie de ses communicants qui amusent la galerie sur le mariage gai, la déchéance de nationalité et la réforme de l’orthographe, est nettement contreproductive. La ficelle tacticienne est trop grosse. Se perdre dans les futilités alors que de graves problèmes demeurent sans solution ?

Il n’est donc pas étonnant à ce que le baromètre politique TNS de février voie s’effacer le regain de popularité de Hollande et Valls après les attentats. Pour François Hollande, le recul de la confiance est un peu plus important chez les sympathisants de gauche que parmi ceux de droite. Même chose pour le Premier ministre. Les qualificatifs appliqués à Marine Le Pen dans un autre sondage TNS Le Monde-France Info-Canal + en février 2016 profilent en creux ceux qui semblent manquer à François Hollande, actuellement en charge de conduire la nation : « volontaire », « capable de prendre des décisions », « comprend les problèmes quotidiens des Français ». Même si 65% des citoyens jugent « non probable » la victoire de Marine à l’élection présidentielle 2017.

liberaliser economie sondage 2015

Les Français veulent des ACTES, pas du blabla idéologique (c’est valable autant à gauche qu’à droite). D’où le repli sur les valeurs sûres – y compris à gauche. On ne « défend pas assez les valeurs traditionnelles en France » pour 73% des interrogés (61% de gauche). Pour 70% « la justice n’est pas assez sévère avec les petits délinquants » (57% de gauche) – souvent immigrés ou descendants d’immigrés : il y a trop d’immigrés en France » pour 54% (35% de gauche). Cette position vis-à-vis de la « croyance » en ce « trop d’immigrés » ou descendants d’immigrés marque le vrai clivage gauche-droite en cette période. Naïveté ? Humanisme ? Effet bobo ? Les intellectuels, parisiens et professions supérieures – qui votent le plus à gauche – sont en effet peu en contact avec l’immigration, vivant dans des quartiers préservés, mettant leurs enfants dans des écoles réservées, suivant un cursus social d’entre-soi. Ils vivent donc plus que les autres dans l’illusion de l’Homme générique transfrontières, « naturellement bon », qu’il suffira d’intégrer au travail pour que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes possible.

En face, Nicolas Sarkozy perd 4 points (21%), il recule surtout chez les sympathisants LR (51%) alors qu’Alain Juppé stagne, bien qu’en tête du classement. S’il reste le moindre mal à droite, son âge, sa stature à la Chirac dont il a été le dauphin, et le souvenir du « droit dans ses bottes » qui l’a balayé en 1997 ne donnent pas une image très dynamique de sa candidature. Place aux jeunes, à la nouveauté, à l’initiative.

Si Alain Juppé veut faire gagner la droite, sa campagne devra se focaliser sur le renouvellement de la classe politique autour de lui, notamment la promotion d’autres profils que les copains et autres requins assez vus du RPR devenu UMP puis LR. Il devra aussi offrir un équilibre entre l’aspiration au « lâchez-moi les baskets » des Français (qu’on appelle ailleurs le libéralisme politique et social – voir le sondage Banque de France ci-dessus illustré) et l’exigence d’État, celui-ci réduit à ses fonctions régaliennes.

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Course, prison, sécurité à Tahiti

Début novembre, pendant les vacances scolaires de Toussaint a eu lieu la course de va’a Hawaiki Nui. J’ai déjà évoqué ce sujet mais c’est toujours un plaisir d’en reparler et surtout de féliciter TOUS les rameurs car la prouesse est de rallier – à bout de bras – Bora Bora, la perle du Pacifique. Cela après avoir transpiré sur les trois épreuves en trois jours, Huahine-Raiatea 45 km, Raiatea-Taha’a 26 km et Taha’a. Bora Bora se profilera après 58 km à la force des poignets sur un va’a (pirogue à balancier de course) comportant 6 rameurs. Chapeau Messieurs ! Au départ 83 pirogues V6 .Trois grands clubs ont remporté chacun une étape. D’abord EDT (EDF polynésien) Va’a en 3h30 d’efforts, avec une avance de 4 minutes, la seconde étape, la plus dure physiquement, par Shell Va’a, et la troisième, certainement la plus belle par Team Opt (la Poste polynésienne). Tous les rameurs sont méritants et seulement quatre clubs n’ont pu finir la dernière étape. La participation étrangère est… balbutiante mais il est possible d’espérer que des étrangers viennent, un jour, s’intercaler entre les Tahitiens et pourquoi pas les battre ! L’étape la plus courte entre Raiatea et Taha’a est la plus éprouvante car elle se déroule dans le lagon, en eau plate, tandis que les deux autres étapes permettent aux rameurs de surfer sur les vagues du Pacifique ! Excusez mes piètres explications sportives mais vu mon âge avancé… Et les rameurs comme les mousquetaires de la mer « un pour tous, et tous pour un », une seule toute petite différence 4 mousquetaires et ici 6 rameurs, mais tous dans l’action. Pour votre gouverne, il existe des courses pour V1, V6, V12. Pour le moment les Polynésiens sont les champions mais à quand une victoire des Chinois ? Quand ils auront copié et décomposer tous les gestes des rameurs ? Du matériel utilisé ?

course de vaa tahiti

Les travaux pour la geôle de Papeari avancent à la vitesse polynésienne. Il semble qu’il y ait des vols de matériel, aussi y a-t-il maintenant un « contrôle » à l’entrée du chantier ainsi qu’un vigile la nuit et le week-end. Le concours pour le recrutement de matons a eu lieu. Maintenant les syndicats exigent de l’État le paiement des billets d’avion de ces messieurs et dames qui doivent rejoindre la métropole pour « subir » huit mois de formation à Agen. On peut s’attendre à ce que les syndicats exigent d’autres sous pour ceci, pour cela, acheter les rayons du soleil, acheter des vêtements chauds, des caleçons molletonnés, etc. Les syndicats font la loi. Les questions à l’écrit n’ont pas plu du tout. À l’origine plus de 6 000 candidats s’étaient inscrits, 4 800 ont été retenu pour l’examen. Et pour être fonctionnaire de l’État, une partie de la jeunesse de Tahiti serait prête à vivre sa vie en prison. Il paraitrait que certains avaient un niveau Bac + 3. Il faut également savoir que les heureux choisis commenceront leurs carrières de matons au salaire indexé de 380 000 XPF/mois (3 750 €) plus les avantages ! C’est pas mal non ? Là encore les syndicats exigent de l’État que ces élèves-matons reçoivent le même salaire en France qu’à Tahiti, les autres élèves de métropole eux n’ont pas le salaire indexé, c’est normal parce que ici à Tahiti la vie est plus chère, il fait plus chaud…

SANS COMMENTAIRES

SANS COMMENTAIRES

Il était prévu de déplacer les cuves de stockage des hydrocarbures de Fare Ute vers Motu Uta. C’était prévu pour 2013. Or dès 1986 ces stockages avaient été remis en cause… En mai 2001, l’inspection générale de l’administration notait que « l’insécurité du port de Papeete est considérée comme alarmante… il est menacé, ainsi que son environnement, par une rare accumulation de risques… ». Les inspecteurs ciblaient les dépôts d’hydrocarbures et la sphère de gaz aérienne. Le port de Papeete est vulnérable. Papeete est un port de commerce, de passagers, pétrolier, de plaisance, de pêche, militaire, site de constructions navales, zone industrielle, siège d’activités tertiaires, le tout à proximité de la ville et dans le prolongement de la piste de l’aéroport international. Le site officiel du port indique que 3 500 personnes travaillent dans 250 entreprises implantées dans l’espace portuaire. Il paraît qu’en 2023, les cuves de Fare Ute seront peut-être déménagées ! On pourrait résumer ainsi, la sécurité du port est bien remise en cause depuis 2001, mais Sœur Anne ne voit toujours rien venir en 2015 !

Hiata de Tahiti

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Pour 2017 : gauche menteuse et droite écartelée

François Hollande ne cesse de répéter que la reprise est là, que le chômage va baisser… depuis trois ans. Messires ânes ne voient rien venir – or ils sont électeurs et en ont marre des supermenteurs. A la journée des dupes, les gouvernants ne sont pas les maîtres – puisque l’on reste en république, avec droit de vote égal pour tous.

Mais si tous sont mécontents, nul ne voit d’alternative.

L’indignation se suffit à elle-même, bobo contente de soi, elle rentre chez elle pour jouir de son petit confort et de son cercle étroits d’amis – sa morale est sauve. La politique ? Bof… 16% des Français déclarent faire confiance à François Hollande, ils s’en foot, préférant sport+ au grand journal+, les passes sur le terrain aux passe-droits des passe-partout politicards. Pire ! La présidentielle 2017 ne verrait-elle pas revenir le duo de bras cassés que l’on a assez vu, les Laurel et Hardy gauche et droite ? « Ras l’bol », dit vulgairement Martine Aubry d’un ministre : que ne peut-on dire alors d’un ex-président et d’un futur ex-président ! C’est toute l’offre politique qui est refusée en bloc, les malgré-nous refusant le déjà-vu du Sarkozy-Hollande 2012, 85% des Français ayant le sentiment que les hommes politiques ne se préoccupent pas d’eux (enquête Cevipof p.21).

Hollande échoue déjà, même s’il lui reste un an et demi et nul adversaire dans son camp ; Sarkozy ne réussit pas, parce qu’il est revenu trop tôt, dans un parti écartelé par les querelles de bac à sable des Coppé-Fillon. Hollande garde son allure bonhomme qui ne dit pas ce qu’il pense et agit sans le dire tant il a peine à décider quelque chose de clair ; Sarkozy accentue ses défauts personnels comme ses écarts politiciens. Tous deux veulent tout et son contraire, autrement dit rien : le rassemblement dans la désunion. 59% des Français n’ont confiance ni dans la droite ni dans la gauche de gouvernement pour gouverner le pays (sondage Cevipof p.40)

  • A gauche, le choix de l’Europe a été fait par Mitterrand 1983, ce qui n’a jamais été remis en cause. Avec pour conséquence de coller à la politique européenne – largement libérale – sans pouvoir peser autrement qu’en Grands principes (dont tout le monde se fout dans toute l’Europe – même les Grecs qui préfèrent du concret – sauf le cercle étroitement germanopratin « de gauche »). Or le libéralisme, c’est la régulation, pas le laisser-faire du plus fort. Faut-il être borné pour ne pas même « observer » ce qui se fait concrètement chez nos voisins « libéraux » ?
  • A droite, le choix de récupérer les déçus qui lorgnent vers le Front national ne permet pas d’allier centristes et droitistes faute de clarifications – largement mal vues de la caste médiatique – sur l’économie, le travail et l’immigration, ni sans pouvoir peser autrement qu’en Grandes déclarations d’intention (dont tout le monde se fout tant l’original est toujours préférable à la copie, à l’extrême droite comme à l’extrême centre). Alain Juppé ? Ce serait sans la droite de la droite ; et a-t-il la volonté de tuer, ce catholique de l’autre joue, pour gagner contre un Sarkozy sans pitié ?

Est-ce à dire que les extrêmes vont en profiter ? Faute de Podemos ou de Syriza (les Indignés se contentent de blabla), les partis à gauche de la gauche de gauche (en perpétuelle surenchère de toujours plus à gauche) et à droite de la droite (sans surenchère ici) devraient théoriquement voir leurs scores augmenter. Sauf que…

A gauche, les Mélenchon et Duflot ne font pas recette, grandes gueules sans alternative crédible, politiciens déjà vus jusqu’à la nausée, amateurs de com’ en pire que les autres, la surenchère valant chez eux argument. Surtout qu’ils honnissent les « frontières » et appellent au grand mélange de tous contre tous dans l’internationale prolo-écolo du genre (humain ?). Rien que le vendredi 13 et la COP des copains montrent combien les Grands mots sont de grands maux – et que la vraie politique se fait au ras de terre des négociations entre intérêts divergents.

melenchon a l index

Reste la droite, fermement campée par une femme, une blonde, une avocate. Le Front national est un parti atypique parce qu’il occupe certaines fonctions électives (locales) mais ne participe pas – ni n’a participé – à « la chienlit » parlementaire ni gouvernementale que les râleurs vilipendent. Il est donc dedans et dehors, légitime à gouverner mais soigneusement abstinent. S’il attire, c’est qu’il paraît neuf.

  • Les vrais votants FN convaincus de préférence nationale et de repli sur soi « frontières-cocorico-race blanche » sont probablement minoritaires – et plutôt encartés militants ;
  • les tentés d’essayer autre chose contre « la dépossession européenne, le guichet ouvert des aides aux non-citoyens et la répugnante repentance à répétition des bobos pusillanimes » sont probablement majoritaires – sympathisants non encartés et votant.

Mais le FN n’attire pas outre mesure, tant le saut dans l’inconnu fait peur au grand nombre. Gageons qu’une série de députés Front national ou Rassemblement bleu Marine, et pourquoi pas ministres un jour, feraient retomber dans la bonne vieille politique de la négociation et du compromis l’aura de pureté et de volonté actuelle du parti – mais en attendant la menace est là.

Les attentats aussi : ils ont fait passer la poussière sous le tapis au-dessus.

Ils ont pointé le déni réitéré de la gauche et de François Hollande dans sa campagne 2012 ; ils ont pointé la faible efficacité des mesures Sarkozy, pourtant annoncées à son de trompe avant 2012. Que peut-on contre la bureaucratie d’État et l’empilement des niveaux hiérarchiques où chacun, dans la police comme dans les services, est jaloux de son petit pouvoir ? Sans volonté présidentielle lisible et affirmée, pas de coopération – mais le petit traintrain du c’est-pas-moi-c’est-l’autre, du qui-manipule-qui, et cela dans le cadre inamovible des trente-cinq-heures et du budget-en-baisse-constante.

Le problème, c’est l’islam. Certes pas dans sa version classique de religion du Livre comme les autres, mais dans sa version intégriste complaisamment financée par des « alliés » du Golfe, Arabie saoudite et Qatar en tête. Qui dénonce l’isme de l’islamisme ? Quel intello de gauche ? Quel politicien de gauche ? Et pourtant, 56% des Français pensent (avant les attentats du vendredi 13) que l’islam est une menace pour la République française (sondage Cevipof p.49). Hollande est dans le « c’est pas bien » de père la morale, Valls est dans le « vous serez puni » de maître d’école – mais les causes ? L’école, l’enseignement de l’histoire, la repentance, le respect de la loi, la nationalité accordée sans cérémonie, le déni des statistiques et des « incivilités » – du moment qu’elles sont politiquement incorrectes – qui en parle ? Qui les traite ? Belkacem et son programme de naufrage ? Qui distingue ce qui est réaliste de faire et ce qui ne dépend pas de la politique ?

L’impensable doit être pensé, AVANT de devoir panser les plaies de ceux qui l’avaient bien dit et se sentent insécurisés. Pourquoi parle-t-on désormais plus de « république » que de « démocratie » depuis quelques années ?

  • Parce que la gauche a failli, dans le socialisme réel des « démocraties » populaires d’hier bien sûr, mais aussi parce qu’elle n’a pas su renouveler aujourd’hui la participation politique. Malgré ses défauts criants, Ségolène Royal avait au moins écouté la leçon de Pierre Rosanvallon sur la démocratie participative – Hollande s’est assis dessus.
  • Parce que la droite a vu le danger Front national, qui se revendique haut et fort « républicain », et a donc fait de la com’ en changeant le nom d’UMP en « Les Républicains ». Mais les électeurs voient-ils quoi que ce soit de différent dans les idées ou le programme ? Quand les mots ne recouvrent pas les choses, les mots sont dévalués – et alors les poings parlent, chez les électeurs les bulletins de vote.

Inutile d’en appeler à la Morale, les gens savent bien ce qu’ils veulent : des hommes nouveaux et des idées nouvelles, pour régler les problèmes nouveaux et les questions nouvelles que le monde fait surgir sans cesse jusque chez nous. L’islam et ses conversions, l’immigration musulmane (qui, curieusement, ne va pas dans les pays musulmans), la préférence pour le chômage des privilégiés « inclus » (syndicats en tête, beaucoup trop fonction publique), l’Union européenne technocratique et trop étendue, le millefeuille administratif et le poids des absentéistes chez les fonctionnaires, les règlementations empilées qui font carcan, l’imbécilité de l’Administration qui punit l’artisan boulanger parce qu’il travaille sept jours sur sept – volontairement…

Tous ces vieux textes obsolètes, ces services inutiles, ces règles inadaptées, cette morale d’un autre temps : qui va les faire bouger ? Qui va distinguer le meilleur du pire ?

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Antipolitique ?

A quoi servent les gouvernants, sinon à gouverner ? Mais lorsqu’ils donnent le sentiment de n’avoir aucune vision de l’avenir du pays, lorsqu’ils multiplient les mesurettes bien loin de l’ampleur des problèmes à la résolution desquels auxquels ils disent s’atteler, lorsqu’ils se défaussent sur « les autres » (les États-Unis, la Finance, Bruxelles, l’OTAN, les régions…) – à quoi peuvent-ils bien servir ? A inaugurer les chrysanthèmes, comme on disait du président de la IIIe République ?

La contestation grandissante, en bas dans le peuple qui vote extrémiste (de droite) et en haut chez les intellos qui critique la gauche, la droite et les partis, est moins contre l’arbitraire que contre l’impuissance. Avant, les gouvernant gouvernaient et leur contrainte était contestée ; maintenant, les gouvernements ne font rien et leur mollesse fait se débander non seulement les militants, mais aussi les citoyens.

politique

Ce n’est pas manque d’intérêt pour la chose politique, c’est le manque d’intérêt pour le blabla de com’. Ce n’est pas montée de l’égoïsme et du repli sur soi, c’est la montée de l’exaspération pour les édredons politiciens. Non seulement l’élite qui gouverne n’est pas à la hauteur, mais elle empêche même les décisions – par inertie, par habitude, par procédures, par copinage, par tabou idéologique, par peur de déplaire aux roquets de la Morale. Les gouvernants – président, ministres, sénateurs, députés, conseiller généraux – sont devenus professionnels de la politique. Ils ont acquis l’expertise qui va avec – mais accru l’écart avec les simples citoyens, par le jargon et l’entre-soi. Les pros ne parlent qu’aux pros, pas aux prolos.

C’est le temps des experts, ceux qui sont censés savoir, malgré leur domaine souvent étroit et leur culture générale souvent déficiente. L’économie, c’est une grande matière ; l’économisme est une vision étriquée. Gouvernants et technocrates n’écoutent jamais les gens, mais les médias et les sondages. Ils ne répondent jamais aux véritables questions, mais aux grands principes de parti. Ils ne résolvent pas les problèmes mais considèrent qu’il suffit de « faire une loi » et basta. Être proche des gens, ce n’est pas jouer au bouffon sympa, mais c’est comprendre la vie au ras des gens pour répondre à leurs vraies préoccupations : chômage, santé, retraite, civilité. L’insécurité nationale, sociale et culturelle fait plus de ravages que les « graves questions » blablatées à longueur de discours par les orateurs de tribunes.

  • Ce n’est pas l’immigration qui est un problème en soi, c’est l’intégration, donc un certain islamisme : que fait le gouvernement pour répondre à cette préoccupation légitime ? De la morale et du déni, plus préoccupé par les syndicats enseignants que par l’avenir de la société…
  • Ce n’est pas le manque de travail qui pose question vraiment, c’est la peur d’embaucher des patrons soumis aux règlementations et taxes qui s’accumulent sans ordre et constamment, c’est la crispation des syndicats qui veulent à tout prix « conserver » les acquis de leur minorité électorale – et tant pis pour l’emploi des autres (voir les pilotes d’Air France).
  • Ce ne sont pas les impôts en soi qui sont contestés, c’est leur remaniement chaque année, le « toujours plus » – tandis que le déficit du Budget et les dépenses de l’État (y compris le « nombre des fonctionnaires ») ne baisse pas.

C’est le mensonge et l’impuissance, les promesses jamais tenues, le déni des réalités nationales, sociales et culturelles des bobos confits entre eux autour de Science Po et l’ENA, ne connaissant rien à la banlieue, ni à la province, ni à l’entreprise – c’est tout cela qui exaspère les électeurs citoyens.

tout est possible

Ces derniers se disent qu’après tout, autant élire un vrai bouffon que les faux qui nous gouvernent. Beppe Grillo en Italie, le maire de Reykjavik en Islande, le maire de Londres, sont-ils plus mauvais que les pros de la pol ? Les intellos français se disent qu’après tout ils pourraient y aller, comme Jacques Attali, Dominique Reynié, Michel Onfray peut-être. S’il suffit d’être médiatique pour être connu, donc élu, pourquoi feraient-ils plus mal que les élus devenus connus, donc médiatiques ?

Il y a un problème d’équilibre des institutions en France depuis Mitterrand. Ce pourquoi une commission planche sur le sujet. Mais son rapport servira-t-il une fois de plus à caler les armoires ? Un seul mandat présidentiel de 7 ans (ce que voulait Raymond Barre) est probablement plus intelligent que deux mandats étriqués de 5 ; un Premier ministre enfin gouvernant (comme le prévoit la Constitution) est probablement plus habile que l’hyper-présidence touche-à-tout qui ne décide jamais de rien, éternellement dans la « synthèse » ou la course à la suite ; une dose de proportionnelle aux Législatives permettrait peut-être moins de démagogie en faisant entrer aux Parlement des extrémistes qui seraient mis au pied du mur des votes à décider.

Rien ne va plus, que les prébendes. Mais si l’on veut réhabiliter la politique, il faut sortir les sortants (comme les ex-sortants) et faire en sorte qu’on ne les revoie plus !

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Thomas Philippon, Le capitalisme d’héritiers

thomas philippon le capitalisme d heritiers
Philippon est l’un de ces économistes français qui sont brillants parce qu’ils ont su à temps prendre la tangente. Comme Olivier Blanchard, Bernard Salanié, Philippe Aghion et bien d’autres de gauche et de droite, il enseigne aux États-Unis où il trouve un milieu stimulant et des moyens de recherche de niveau international. Et cela malgré une formation française initiale plus diversifiée, à condition d’être effectuée hors de l’université. On ne peut analyser son propre pays qu’avec un regard extérieur. Et, parce qu’il y a encore de bons éditeurs d’idées en France, Thomas Philippon nous livre une analyse sans jargon du pourquoi il y a crise – proprement française – du travail.

« Ce qui distingue nettement la France des autres pays, c’est le peu de satisfaction que les salariés semblent tirer de leur travail, et la mauvaise opinion qu’employés et employeurs ont les uns des autres. Les difficultés du capitalisme français reflètent ainsi celles de la société en général : on remarque partout la même incapacité à faire émerger des organisations puissantes où les relations sociales se fondent sur une confiance réciproque » p.8.

Il n’y a pas crise de la « valeur travail » en France relativement aux autres pays, comme le montrent les enquêtes. 70% des Français estiment même qu’un parcours des plus enrichissants consiste à créer son entreprise. Le marché du travail, très régulé en France, n’explique pas tout. Une étude montre qu’ « un peu plus d’1/8ème des variations de taux de chômage entre les pays et un peu moins d’1/3 des variations de taux d’emploi » sont explicables par des variables institutionnelles.

L’exception française – car il y en a une ! – réside dans l’incapacité à travailler ensemble : « la France est le pays développé où les relations de travail sont les plus mauvaises, à la fois du point de vue des dirigeants d’entreprises et du point de vue des employés » p.20. C’est pareil, même pire, pour les entreprises d’État ou pour l’Administration ! « Dès qu’un professeur devient proviseur, il passe dans le camp ennemi. Au lieu de dire ‘c’est un des nôtres qui a réussi, on sera peut-être mieux compris’, ils sont méfiants car ils pensent qu’il est passé de l’autre côté de la barrière » (Michelle Lamont citée p.24).

L’histoire patronale a trouvé jadis dans le paternalisme une façon de contourner les conflits, ce pour quoi les entreprises familiales, et surtout les PME, fonctionnent moins mal en France que les autres. Le management moderne « à la française » n’a rien trouvé de mieux que de reproduire dans les grandes entreprises ce qui fait le propre de la hiérarchie sociale elle aussi « à la française » : la neutralité aseptisée et la minutie bureaucratique. Paternalisme comme bureaucratie adorent la « distance » entre les gens.

Les nationalisations idéologiques des années 1980 ont aggravé la situation en perpétuant le phénomène bureaucratique – ce qui a joué un rôle déterminant dans les mauvaises relations de travail en France. Il y aurait tout un livre à écrire sur l’inertie conservatrice des conceptions de gauche en France (élite « alternative », la gauche a toujours une génération de retard au moins dans les habitus de la « civilisation des mœurs »). « En Allemagne et aux États-Unis, deux pays où la confiance entre managers et employés est plutôt bonne, l’organisation de l’entreprise est choisie selon des critères économiques. En France et en Italie, l’organisation de l’entreprise est choisie pour protéger les individus les uns des autres. Cela suppose une définition minutieuse des tâches et des statuts, de manière à ce que chacun puisse se soustraire à l’arbitraire de l’autre » p.43.

Travail d’équipe et convivialité ne sont jamais au programme des entreprises françaises, non plus que des administrations. Ce pourquoi souplesse et innovation ne font pas partie du dictionnaire français : « une entreprise où la promotion interne est juste et efficace et où l’initiative est encouragée, peut multiplier les talents. A l’inverse, une entreprise mal gérée peut transformer des individus ouverts et entreprenants en petits bureaucrates mesquins et craintifs » p.76. J’ai connu plusieurs banques ex-nationalisées où ce modèle s’applique…

L’histoire des salariés a créé (fort tard) des syndicats dont la revendication révolutionnaire attire d’autant moins qu’elle est obsolète. Plus le développement syndical été tardif, plus la confiance dans les relations de travail est aujourd’hui faible. Pour « forcer » leur existence, l’Administration n’a rien trouvé de mieux que de soviétiser leur institution : en désignant elle-même par décret ceux qui sont dits « représentatifs », quel que puisse être le résultat des élections par les salariés eux-mêmes. « La reconnaissance institutionnelle dont bénéficient les syndicats français est moins le fruit de leur représentativité sociale que de décisions politiques prises il y a 50 ans » p.10.

Rappelons-le, « le capitalisme » est un outil, pas une idéologie (c’est « le libéralisme » qui en est une). Cet outil d’efficacité économique est utilisé par chaque société selon ses propres valeurs et habitudes. La France, formée intellectuellement par le droit Romain et par l’Église catholique, a une nette préférence pour l’héritage, la hiérarchie et les statuts. Philippon appelle « capitalisme d’héritier » cette variante française qui tend « à privilégier l’héritage, qu’il soit direct (sous la forme de la transmission successorale) ou sociologique (sous la forme de la reproduction sociale par le diplôme et le statut) » p.9.

« Les relations sociales ont toujours été mauvaises en France, mais leurs conséquences néfastes ont été masquées par le taux de croissance extraordinaire lors du rattrapage économique des années 1950 et 1960 » p.77. « L’absence de coopération au sein des entreprises crée des rigidités réelles au moins aussi coûteuses que les rigidités législatives souvent décriées » p.79. La grève entretient le chômage et la peur du conflit entretient la mauvaise habitude de la « communication de crise ». Or, « la troisième révolution industrielle, avec l’importance accrue du capital humain qui la caractérise, a rendu la coopération au sein des entreprises plus cruciale que jamais » p.82. Oui, le « modèle social français » est bel et bien inadapté au monde moderne et globalisé !

Richelieu Philippe de Champaigne 1637

« Que faire ? » est, paraphrasant Lénine, l’objet du chapitre 5. Une politique industrielle cohérente, selon l’auteur, devrait passer par :

1. Réformer les droits de succession, qui ne devraient pas encourager les transmissions familiales mais être neutre.
2. Financer les PME par la bourse et en finir avec le « grand méchant marché » en insistant sur la transparence et sur la responsabilité des investisseurs.
3. Rénover les syndicats en faisant de l’élection le seul critère de représentativité, au-delà d’un seuil, en incluant parmi les votants les chômeurs et en ne concluant aucune négociation sans règles de révision.
4. Réformer l’État : déjà « balayer devant sa porte ! » p.101. Améliorer la promotion interne, décentraliser la prise de décision, réduire les niveaux hiérarchiques – comme Christian Blanc l’a réussi pour la RATP.
5. Encourager l’esprit critique des médias en contrepouvoir. Les médias sont des garde-fous puissants contre les abus des dirigeants et l’on « peut par exemple douter de l’empressement d’un journal à mener une enquête sur un possible délit d’initiés si celui-ci met en cause un de ses principaux dirigeants » p.104. Les médias peuvent aussi corriger la bêtise ambiante, les affirmations scandalisées des corporatistes qui, par exemple à la SNCF, dénoncent « la course à la productivité » alors que la productivité est justement ce qui permet le progrès technique, le progrès du pouvoir d’achat et l’élévation du niveau de vie de tous à long terme.
6. Réformer le système d’éducation, car il reflète dans toute société le système social. L’enseignement « à la française », qui privilégie le cours ex-cathedra, avec apprentissage servile des manuels, ne prépare nullement à coopérer, à écouter et réfléchir par soi-même, à argumenter et à décider ensemble…

Les défauts des entreprises françaises sont les défauts des habitudes sociales françaises. Ce pourquoi « les Français qui travaillent dans des entreprises étrangères sont plus satisfaits que ceux qui travaillent dans des entreprises françaises » p.109.

Thomas Philippon, Le capitalisme d’héritiers – la crise française du travail, Seuil, collection République des Idées, mars 2007, 112 pages, €11.80

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Maladie de la politique française

En politique, un bon résultat peut être ignoré dans les urnes, voir Lionel Jospin en 2002. Les électeurs sont ingrats mais les politiciens en général promettent et ne tiennent pas, leurs mots sont déconnectés de la réalité. D’où l’impression de mépris que ressentent les citoyens dont les préoccupations ne sont à leur avis pas prises en compte par les élus. Monte alors le vote protestataire, de plus en plus extrémiste, l’appel à la vengeance par la démocratie directe contre la démocratie représentative.

Dictatorial_Democraty

La faute en est au monde qui se complexifie, mais aussi aux politiques.

Le pouvoir est passé de leurs mains à l’Union européenne pour une part, aux régions pour une autre part, à l’administration et aux « autorités » indépendantes enfin (CSA, Hadopi, ARCEP, AMF, etc.). Ils l’ont désiré, ils l’ont voulu, ils ont signé.

Pour la marche du monde, la globalisation a donné du pouvoir aux marchés financiers pour la dette des États, aux grandes entreprises pour les emplois et la fiscalité, tous deux en concurrence ; l’essor de l’éducation et l’accès désormais à l’Internet permet aux citoyens, mieux formés, de se renseigner tout seul sans passer par les instances. Si l’information, c’est le pouvoir – le pouvoir est aujourd’hui bien plus dilué et moins bien contrôlé qu’auparavant (lanceurs d’alerte).

Les politiciens seraient-ils devenus impuissants ?

Pas vraiment, disons qu’ils tissent le plus souvent eux-mêmes la toile dans laquelle ils s’enserrent. Discipline de parti, aveuglement idéologique, tabous du politiquement correct, ils ne parlent plus « vrai ». Ni consciemment, ni surtout inconsciemment.

« Tout le monde » – dit-on (voir encadré p.24 de la publication) – sait ce qu’il faudrait à la France pour que son taux de chômage ressemble à celui de ses voisins : une flexibilité plus grande du travail, des coûts de production plus en rapport avec ce qu’elle produit (coûts qui concernent moins les salaires que surtout les charges sociales et les taxes gouvernementales), une meilleure formation initiale (lire-écrire-compter-s’exprimer) et professionnelle (accaparée par des syndicats très peu représentatifs ou privilégiant des intérêts « particuliers »).

Même chose sur le racisme musulman, minimisé au nom du « pas d’amalgame » alors qu’il y a autant de mauvais chez les musulmans qu’ailleurs – mais dont on mesure concrètement les effets (ravageurs) sur les bateaux de migrants en Méditerranée. Ou par l’alya des Français juifs, réelle et de plus en plus importante ces derniers mois (édifiante émission Interception sur France-Inter).

Or, rien de tout cela n’est dénoncé ou entrepris… par tabou idéologique et « peur » d’une éventuelle réaction de « la rue ». Mais « la rue » n’est pas aussi infantile que les élites le croient – si elles sont capables de donner le cap et d’expliquer le chemin. « La rue » n’est pas aussi stupide que les nantis au pouvoir le croient – s’ils ne manipulent pas les groupuscules braillards à leur seul profit politicien en vue d’un motion de congrès, d’une place à la primaire… ou d’une minute de gloire médiatique.

Les multiples exemples suédois, canadien, allemand, et même italien sont là pour montrer que quand on veut, on peut, quand la politique fixe un cap et une méthode, le pays avance. Pas le nôtre, malgré les analyses.

Pour qu’il avance :

  1. il serait nécessaire que les petits jeux de pouvoir n’accaparent pas la « cour » élyséenne – donc il serait nécessaire de bien définir par la Constitution les pouvoirs respectifs du chef du gouvernement et du président – et il serait nécessaire que la presse enquête systématiquement et dénonce (comme dans les pays nordiques ou anglo-saxons) tout manquement éthique ou manipulation politicienne ;
  2. il serait nécessaire que les parlementaires, dotés de meilleurs moyens d’enquête et de contrôle par la réforme de 2008 (sous Sarkozy, boudée par une gauche inconséquente), ne cumulent pas les mandats au point de n’en exercer aucun de façon efficace – donc il serait nécessaire de supprimer radicalement tout cumul, à la fois des mandats mais aussi des mandatures : un seul mandat à la fois, une seule réélection maximum : un peu d’air frais !
  3. il serait nécessaire que les élus et les nommés, tous responsables de l’argent des contribuables, soient mieux évalués et sanctionnés dans leur égoïsme individualiste (Big millions, Guérini, Vallini, Andrieux, Kucheida), leur légèreté ou irresponsabilité (Saal, DSK, Lamblin, Woerth, Lagarde), quand ce n’est pas carrément le flagrant délit de mensonge (Cahuzac, affaire Karachi).
  4. il serait nécessaire que les médias, fort paresseux et parisiano-centrés, cessent de voir dans de petits bouts de phrases autant de scoops à faire mousser, ou prétexte à rigoler lâchement, pour enfin offrir une réflexion sur le fond et dans la durée – ce pourquoi les journaux dits de réflexion voient leurs abonnés se réduire et la radio publique dite culturelle dilapide l’argent public en « directs » inutiles : ce n’est pas ce qu’on leur demande.

Est-ce beaucoup exiger de la république à la française ? Faut-il exiger la démocratie enfin « participative » ? Ou faut-il laisser les citoyens tenter n’importe quel grand méchant loup, sur sa réputation à remettre de l’ordre dans le bruit et la fureur ? Résistance ou soumission ?

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Petites entreprises, la honte française

Dans sa Lettre de décembre 2014 n°128, la société d’éditions en analyse financière Vernimmen (la Bible des analystes et comptables français, en partenariat avec HEC), publie une édifiante comparaison des « charges » qui pèsent sur les petites et moyennes entreprises en France, en regard de celles de l’Allemagne. Il s’agit bien de « charges » handicapantes et punitives, et non pas de « contributions » justes et socialement utiles, tant l’écart apparaît grand entre les deux pays… pour un résultat citoyen pas vraiment amélioré !

Jacobins de gauche et bonapartistes de droite sont coupables, qui ont toujours préféré « la politique » à l’économie, le volontarisme théâtral aux réalisations industrieuses. Mais la crise financière et la concurrence économique rendent ces prélèvements désormais insupportables : ils accentuent le chômage, malgré les beaux discours des politiciens qui en font – soi-disant – leur « priorité ». Les prélèvements obligatoires des PMI françaises (cotisations sociales + taxes multiples + impôt sur les sociétés) sont TROIS FOIS plus élevés qu’en Allemagne. A productivité égale, du seul fait des prélèvements, leur résultat net final est de moitié.

C’est ainsi que s’explique le faible investissement des petites et moyennes entreprises en France, pointé sans explication par les économistes : pas de résultats positifs suffisant = pas d’investissement = peu d’innovation = peu de ventes = aucune embauche. N’en déplaise aux syndicats idéologiques, ce sont les profits qui font l’investissement.

investissement entreprises france 1995 2015

Les réformettes Macron, trop peu trop tard à cause de la procrastination Hollande, n’amélioreront qu’à la marge la situation. Les grandes entreprises, parce que largement multinationales, peuvent investir hors de France et optimiser leur fiscalité sans problème ; pas les petites… Mais les politiciens français, de droite comme de gauche, ne pensent que « grand », ils ne voient jamais les humbles sous leurs pieds.

Les prélèvements obligatoires les plus lourds sont subis en France par les entreprises de 50 à 249 salariés, équivalant au « Mittelstand » allemand qui fait la force de ce pays. En Allemagne, à l’exception des cotisations sociales et de quatre petites taxes, les impôts acquittés par les entreprises sont intégralement variables et proportionnels au résultat courant avant impôts auquel ils sont corrélés.

charges comparees pmi france allemagne

En France les sociétés sont D’ABORD soumises à des cotisations sociales deux fois supérieures – par méfiance administrative envers les « intérêts privés ». Même lorsque l’entreprise française aura connu un résultat négatif, elle devra néanmoins payer, non seulement des salaires et cotisations sociales part « patronale » plus élevée qu’en Allemagne, mais aussi des taxes – ce qui n’est pas le cas en Allemagne.

Cri du cœur des auteurs de la Lettre Vernimmen : « Que nos politiques, la presse et notre haute administration prennent d’abord en compte ces faits, avant de charger les entrepreneurs français de tous les péchés : manque d’innovation, d’investissements, de qualité… etc. »

Je vous laisse méditer cette information – soigneusement cachée par les Hollande et Sarkozy, Montambour et yakistes UMP.

Vernimmen va même plus loin : chacun peut vérifier par lui-même cette comparaison pour sa petite entreprise. « Alain Glon et quelques autres personnes viennent donc de concevoir un programme informatique très simple, qui démontrera cela pour toute entreprise volontaire (…). Il suffira (…) d’envoyer les chiffres de son dernier exercice, à l’état brut, c’est à dire les feuillets de son dernier compte d’exploitation, à un expert-comptable assermenté : Pierre Chastanet à Vannes : pierre.chastanet56@gmail.com, tél. 06 86 38 22 41, sous un numéro de code connu de lui seul qu’il vous aura attribué, pour recevoir par retour le pro-forma de vos comptes pour votre entreprise… si elle était installée en Allemagne. »

Chiche ?

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Noter ou évaluer ?

La notation va de 0 à 20 et se décline, chez les plus maniaques, jusqu’aux quarts de point. L’évaluation est une appréciation globale qui va de très insuffisant à très satisfaisant, avec des intermédiaires ; elle est parfois traduite de A à E, selon le système américain – mais comme il n’y a pas plus conservateur réactionnaire qu’un prof (surtout « de gauche » – je l’ai vécu…), le E devient vite de 0 à 5… jusqu’au A qui va de 16 à 20 !

La notation donne bonne conscience à la profitude, en faisant croire qu’il s’agit d’une évaluation quantifiable, donc « neutre » en termes de classes sociales, voire « scientifique ». Elle est utile quand le chiffrage est possible sans trop de subjectivité, par exemple dans les exercices de math ou dans les réponses à un QCM (sauf que les profs, surtout « de gauche », détestent les QCM car cela vient des États-Unis). Mais tout n’est pas chiffrable : les rédactions et autres dissertations comme les conversations en langues sont évaluées « au pif », selon la classe et selon les autres notes (il serait très mal vu qu’aucune note ne dépasse 10/20 alors que, parfois, cela le mériterait). Les notes au Bac sont chaque années « réévaluées » sur ordre du Ministère, pour obéir au mantra démago-politique de « 80% d’une classe d’âge au Bac ». D’ailleurs, dès l’Hypokhâgne ou la Sup,fini de rire ! Les Terminales math ou philo qui avaient couramment des 16 et des 18 voient leurs premières notes rarement dépasser 8 : c’est qu’il s’agit, cette fois, de compétition pour les concours des écoles d’ingénieur, de Normale Sup ou HEC deux ans plus tard !

Mais ce qui peut se justifier à 18 ans n’est pas admissible jusqu’à 15 ans (âge de l’identité fragile). Une « évaluation » sur des critères moins fixistes et plus « humains » reste préférable. Ce sont pourtant les mêmes qui refusent la détection des enfants difficiles dès les petites classes – et qui militent pour le maintien de la notation arithmétique au collège ! Les contradictions profs ne sont pas à un virage idéologique près.

ado spleen

On connait les arguments des conservateurs, tels l’ancien ministre de l’Éducation nationale Luc Ferry dans Le Figaro : « c’est la vieille rengaine soixante-huitarde chère à la deuxième gauche selon laquelle les notes seraient le reflet de la société de compétition capitaliste ». C’était vrai dès 1969, je l’ai vécu. A cette époque post-68, les élèves refusaient la notation « flic » de zéro à vingt au profit des flous A à E, moins humiliants. A l’époque, des « tribunaux du peuple » naissaient spontanément dans les cours de lycée pour juger les profs coincés, autoritaires et hiérarchiques. A l’époque, le chahut au bahut était de règle dès qu’un adulte se mêlait de dicter ce qu’il fallait faire ou – pire ! – penser. Mais la doxa socialiste des syndicalistes FSU a eu beau jeu de faire rentrer dans le rang tous ces petit-bourgeois… dès que la gauche fut au pouvoir en 1981.

L’idéologie, tant de droite que de gauche, n’a que faire de la réalité : la France décroche dans les évaluations égales des élèves dans tous les pays européens aux mêmes niveaux et au même moment – mais la profitude ne se préoccupe que de ses petites habitudes, pas de l’élève. Bien éduquer, ce n’est ni multiplier les notes, ni les supprimer ; c’est les remplacer là où elles ne se justifient pas et découragent par leur arbitraire – et les laisser là où elles sont utiles et où les connaissances peuvent être chiffrées sur une échelle.

Toute la polémique idéologique des « gauchistes » contre « autoritaires » se réduit au fond à la différence qu’il y a entre « connaissances » et « compétences ».

  • Les connaissances doivent être apprises et retenues – elles sont évaluables par QCM où la note chiffrée se justifie : on sait, ou on ne sait pas.
  • Les compétences sont des mises en œuvre de connaissances organisées qui font appel à autre chose qu’au seul savoir tout court ; elles mobilisent le savoir-faire, les capacités et le comportement ; elles sont l’intelligence vive appliquée au savoir mort – elles ne peuvent être évaluées que par niveaux d’acquisition : compétence maîtrisée, partiellement maîtrisée, à revoir, avec les conseils nécessaires pour « élever » plutôt que sanctionner.

La notation chiffrée aux 80 grades, quart de point par quart de point entre 0 et 20, est non seulement ridicule, mais largement subjective. Elle sert de parapluie pseudo-scientifique aux inaptes à transmettre la connaissance vivante. Telle cette prof de philo en Terminale scientifique (je l’ai vécu il y a quelques années) qui, incapable de faire passer cette compétence en herbe qu’est la curiosité pour toutes choses et le regard philosophique, assommait ses élèves déjà chargés d’exercices de math et de physique pour les coefficients élevés du Bac, de dizaines de pages de commentaires sur ce savoir livresque qu’ils devaient absolument réviser en philo.

Avant les événements de mai, le colloque d’Amiens tenu en mars 1968 et présidé par Alain Peyrefitte, ministre du général De Gaulle, dénonçait déjà « les excès de l’individualisme qui doivent être supprimés en renonçant au principe du classement des élèves, en développant les travaux de groupe, en essayant de substituer à la note traditionnelle une appréciation qualitative et une indication de niveau ( lettres A,B,C,D,E ) ». Évidemment, venant d’un gouvernement « de droite » – voire « fasciste » pour la gauche jacobine mitterrandienne de l’époque – ce rapport est resté lettre morte.

Or l’ancienne compétition pour « être le premier de la classe » en société hiérarchique n’a plus lieu d’être dans une société en réseau appelée au travail en équipe.

C’est la misère de l’ENAtionale (qui se prend pour l’élite de la crème fonctionnaire) de forcer l’élitisme dans la masse infantile. En laissant pour compte 80% d’une classe d’âge, sans aucun diplôme (1 jeune sur 5 selon l’INSEE) ou avec un Bac dévalué.

Misère éducative que l’on constate à l’envi lorsque l’on devient formateur pour adultes : tant d’immaturité, tant de compétences laissées en friches, tant de mauvaise habitude d’apprendre par rabâchage scolaire. Tant de savoir théorique et tant d’incapacité à l’utiliser en pratique, tant de connaissances livresques et tant d’incompétence en relations humaines…

Les élèves sortant de six années secondaires :

  • ne savent pas s’exprimer devant les autres,
  • ne savent pas faire un plan,
  • ne savent pas chercher l’information fiable,
  • ne savent pas parler anglais (ou autre première langue)
  • ne savent pas compter leurs dépenses par rapport à leurs revenus
  • ne savent pas mettre des priorités,
  • ne savent pas organiser leur travail,
  • ne savent pas travailler avec les autres ni expliquer clairement,
  • ne savent pas écrire sans dix fautes par phrase,
  • ne savent pas se comporter en situation civique, sociale ou professionnelle.

Imaginez un banquier qui vous reçoit en débardeur, short et tong ? Un « BTS banque » (qui n’a jamais quitté le giron irresponsable de l’Éducation nationale) ne voit pas a priori où est le problème, il juge que c’est au client de s’adapter, pas à lui. On ne lui a jamais fait prendre conscience qu’une fonction oblige et que le respect des autres exige qu’on soit net dans son vêtement, clair dans son expression et adéquat à sa fonction sociale.

Un système éducatif efficace, ce n’est ni le gavage des oies ni l’allègement des programmes, mais des enseignants capables et des enseignements par objectifs et compétences : non des flics mais des tuteurs, non des sanctions mais des encouragements. Est-ce vraiment la notation de 0 à 20 qui font les « bons » et les « mauvais » élèves ? Je ne le crois pas : ce sont plutôt les notants qu’il faut noter… Bien plus que l’inspection en moyenne tous les 5 à 10 ans au collège !

Notes a l ecole

L’usage aujourd’hui des textos échangés en cours, la notation des profs par net interposé, ne sont que manifestations bénignes de l’éternelle rébellion adolescente. Pourquoi les notants ne seraient-ils pas notés ? Cela se pratique couramment en Grandes écoles. Pourquoi les lycées échapperaient-ils à cette pratique de bon sens, puisque les élèves y sont déjà mûrs, voire majeurs ? L’enseignement serait-il considéré comme une bastille imprenable de l’emploi protégé ? Comme un fonctionnariat intouchable devant échapper à toute évaluation ? Dans le même temps que les tests européens PISA pointent la dégradation des inégalités éducatives dans le système français ?

On dira : évaluation oui, mais pas comme ça. Alors comment ? Cela ne fait-il pas 30 ans que les syndicats en refusent toute forme ? Si l’administration démissionne de sa fonction d’évaluer l’enseignement, pourquoi les « usagers » (comme on dit dans les services publics) ne prendraient-ils pas eux-mêmes la question en main ? Ils font entendre leur voix de façon brouillonne et provocatrice – mais c’est ce qui arrive quand nulle règle démocratique n’est admise. Or tout citoyen a le droit de contrôler ses mandants et les fonctionnaires de l’État : c’est inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, en Préambule de la Constitution de 1958 : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. »

A bloquer dialogue et évaluation, on encourage anarchie et révolution – du pur Louis XVI. Ne serait-ce pas plutôt moderne (voire « de gauche » si cette appréciation n’avait pas été si dévaluée par la génération bobo), cette façon d’échanger les expériences ? Tu m’apprends, je t’apprends ; tu me notes, je te note ; si t’es bon, on est bon. L’évaluation encouragement n’est-elle pas préférable à la note sanction ? N’est-ce pas le meilleur apprentissage à la démocratie « participative » (cette autre tarte à la crème « de gauche » toujours vantée en discours et jamais mise en actes) ? Au fond, meilleur tu es, meilleurs nous serons tous. Voilà qui est sain, non ? Tu m’élèves, je t’élève.

Les profs arc boutés sur leurs privilèges de noter sans être notés se croiraient-ils d’une essence supérieure ?

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Diagnostic OCDE des causes de la faiblesse française

L’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) a 50 ans. Elle offre aux gouvernements un forum où ils peuvent partager leurs expériences et chercher des solutions à des problèmes communs, mais aussi une comparaison de la vie des gens dans différents pays.

Dans un rapport qui vient de paraître, l’OCDE se penche sur notre pays, atone depuis la crise 2007, et dont la croissance potentielle ne ressort en 2014 qu’à 1.25% par an. « La France fait donc face actuellement au défi considérable de devoir améliorer de façon importante sa compétitivité et sa croissance potentielle à moyen terme, et de transformer ses outils économiques et sociaux pour préserver ses « acquis » dans un contexte de fortes pressions sur les finances publiques. Les réformes qu’elle prend aujourd’hui définiront sa productivité de demain et sa place dans l’économie mondiale. »

Son diagnostic ne diffère guère de celui formulé en 2007 déjà !

Les maux récents viennent de l’alourdissement de la fiscalité Hollande qui écrase la consommation, de ses hésitations perpétuelles à désétatiser le fonctionnement du pays et des tabous de gauche qu’il n’a pas la volonté de surmonter.

Mais les maux récents s’ajoutent aux maux traditionnels, bien pointés en 2007 : le comportement administratif, la mentalité fonctionnaire du surveiller et punir, les niches et prébendes des monopoles et privilèges, le je-m’en-foutisme total des syndicats envers les chômeurs (« tous des feignants ! ») en même temps que la protection contre vents et marées de tous les zacquis et passe-droits obtenus depuis le siècle dernier par les monopoles publics enfeignants, cheminots et autres pilotes ou postiers, l’accumulation de la dette depuis 40 ans.

Comment l’OCDE recommande-t-elle d’améliorer les choses aujourd’hui ?

  • Optimiser la concurrence sur le marché des biens et services : les réglementations sont mal adaptées dans les domaines d’énergie, du transport, du commerce de détail, des services juridiques et des monopoles ;
  • Améliorer le fonctionnement du marché du travail en stimulant l’offre et en réduisant le coût (fiscal) de la main d’œuvre ;
  • Assurer que la structure de la fiscalité dans son ensemble limite les distorsions entre entreprises ;
  • Simplifier l’organisation territoriale de la France.

Les réformes (timidement) entreprises sur le Pacte de responsabilité, le CICE, la formation pro et l’apprentissage, la création des métropoles, sont vivement encouragée par l’OCDE. Elle estime (épure théorique d’économiste…) à 0.3% par an le surcroît de croissance moyenne chaque année sur les cinq prochaines. Mais l’hypothèse de base est que l’emploi augmenterait – ce qui est loin d’être acquis, question de mentalité frileuse et d’agitation perpétuelle en taxes et impositions diverses !

En 2007, l’OCDE pointait les atouts de la France :

  • sa productivité horaire du travail
  • des infrastructures modernes et de bonne qualité, notamment le système de santé
  • une présence industrielle forte dans certaines technologies de pointe
  • une des premières destinations des investissements directs étrangers.

France carte des anciennes provinces

En 2014, que reste-t-il de cette vitrine ?

  • certains secteurs à forte intensité technologique
  • un modèle social particulièrement développé aux acquis indéniables
  • un niveau d’éducation de la population qui a fortement augmenté au cours des trois dernières décennies,
  • un niveau d’inégalité de revenus relativement bas

Apparemment, la productivité horaire du travail, les infrastructures et l’attractivité aux investissements étrangers ne sont plus cités comme des atouts… De même, « l’inégalité » est plus un hommage théorique à Piketty (devenu célèbre Outre-Atlantique) qu’à la réalité des gens. Car le Rapport OCDE 2007 pointait que « les inégalités les plus préoccupantes en France sont celles qui sont liées à la perte d’emploi et à la difficulté d’en retrouver, parfois avant longtemps. » Les choses s’étaient un peu améliorées sous Sarkozy, elles ont nettement empirées sous Hollande.

Les handicaps français 2007 subsistent :

  • Faibles heures de travail (1 592 h par an en France, contre 1 699 h en Europe et 1 922 h aux États-Unis)
  • Taux de chômage parmi les plus élevés de l’OCDE, le marché du travail fonctionne mal, « reflet de régulations contraignantes et d’un système de prélèvements peu incitatif »
  • Faible capacité à transformer les inventions (qui existent) en innovations vendables : « la productivité globale des facteurs a ralenti depuis les années 90, au moment même où elle accélérait aux États-Unis ». Une frilosité peu propice à la création et à l’adaptation aux conditions nouvelles de la mondialisation, renforcée par les incertitudes sur l’avenir des finances publiques, alors que vieillissement et dette sont devenus inquiétants.
  • Faible compétitivité : « performance décevante de la France à l’exportation ces 5 dernières années en comparaison de ses partenaires de la zone euro, surtout de l’Allemagne »
  • « sentiment d’insécurité économique en dépit d’une protection sociale relativement généreuse, doublée d’un important dispositif réglementaire de protection de l’emploi »

Diagnostic et propositions 2007… toujours pas appliquées !

  • Le SMIC doit monter moins vite que la moyenne des salaires. Un SMIC trop fort « conduit à exclure du marché du travail les personnes les moins productives ou les moins expérimentées, comme en témoigne le taux de chômage très élevé chez les jeunes. Cela conduit aussi à un écrasement de l’échelle des salaires, peu incitatif aux gains de productivité. ». Patrick Artus ne dit pas autre chose en 2014, lorsqu’il montre que le CICE n’aura aucune efficacité s’il sert aux entreprises à augmenter les salaires des inclus.
  • La Prime pour l’emploi est mal ciblée. Versée en une seule fois et avec un an de retard sous forme de crédit d’impôt sur le revenu, elle « tend à distendre le rapport entre la reprise du travail et la hausse de revenu ». Il faudrait nettement l’augmenter, et qu’elle couvre moins large (jusqu’à 2 fois le salaire minimum !)
  • Continuer d’alléger les charges sociales pour modérer le coût de travail non qualifié.
  • Revoir le carcan de l’emploi : « Un assouplissement des critères de licenciement économique et un allégement des obligations de reclassement des entreprises, éventuellement assorti d’une contribution de leur part au service de l’emploi, y contribueraient. À l’instar du modèle danois, il est fondamental que ce type de réforme puisse s’appuyer sur un service public de l’emploi performant. » Donc la fusion ANPE et UNEDIC était une bonne idée ; reste à donner une aide active à la recherche d’emploi en activant la manne de la formation professionnelle, réservée (par les syndicats) aux inclus.
  • Un nouveau contrat de travail « à la fois plus souple que l’actuel contrat à durée indéterminé et moins précaire que l’actuel contrat à durée déterminée ». L’arlésienne continue à faire causer, sans que rien de concret n’émane des syndicats, ni du Parlement, ni du gouvernement.
  • Rationaliser les diverses aides afin d’abaisser le taux marginal d’imposition au moment de la prise d’un emploi.
  • Donner un cadre plus lisible à la politique macroéconomique à moyen terme pour réduire la dette publique sans handicaper les mesures conjoncturelles.
  • Rationaliser le prélèvement fiscal pour favoriser la croissance et l’emploi : « élargir la base et réduire le taux de l’impôt sur les sociétés ; réduire les prélèvements sur le travail au niveau des plus bas salaires et augmenter quelque peu leur progressivité en intégrant impôt sur le revenu, contribution sociale généralisée et contribution pour le remboursement de la dette sociale. »

Trop réglementée et mal, la France devrait – en 2014 comme en 2007 ! – « veiller à la simplicité et à la qualité de la réglementation publique » :

  • Unifier et clarifier la politique de la concurrence, éclatée entre Conseil de la Concurrence et Direction générale de la Répression des fraudes.
  • Supprimer les barrières sectorielles inutiles pour éviter des rentes de situation (professions réglementées, monopoles de réseaux, installation dans le commerce de détail, revente à perte).
  • Développer le système éducatif en augmentant les moyens du Supérieur, en adaptant les filières d’enseignement au monde professionnel, en concentrant les moyens sur les élèves en difficultés.
  • Développer en qualité le potentiel agricole de la France.

Tout un retard français que de bonnes pratiques résorberaient, comme ce fut le cas en Scandinavie, en Autriche, en Allemagne, au Canada… à moins que la démagogie n’éteigne, dans un pays de vieux, toute volonté d’aller mieux. Jacques Attali lui-même écrit : « la France reste très largement une société de connivence et de privilèges. L’État réglemente toujours dans les moindres détails l’ensemble des domaines de la société civile, vidant ainsi le dialogue social de son contenu, entravant la concurrence, favorisant le corporatisme et la défiance. »

L’OCDE encourage le gouvernement français à continuer ses réformes structurelles, octobre 2014
Étude économique de la France, OCDE juin 2007
Rapport OCDE pour la Commission Attali : « Le Pari de la Croissance », novembre 2007

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Chômage : la faute à Hollande

Entendons-nous, le chômage ne date pas du règne de François Hollande, mais lui l’a aggravé : + 14% entre 2011 et 2013 si l’on fait la moyenne des écarts du tableau INSEE récemment publié ! Pire : il avait promis – juré – qu’il « infléchirait la courbe du chômage » l’an dernier. Non seulement il n’en a rien été, mais le président s’est ridiculisé. Une fois de plus. Comment, en effet, éradiquer le chômage sans encourager l’emploi ? Cette vérité de La Palice reste bonne à répéter, tant les technocrates à la Hollande sont loin de la réalité des choses.

L’emploi, qui le crée ? Réponse : les entreprises quand elles ont besoin de produire et l’État quand il peut (or il ne peut plus, Hollande le répète à l’envi et Bruxelles autant que les marchés financiers le chantent aux quatre vents du monde). La majorité des emplois est créée par les entreprises, même les auto-entreprises – mais quel socialiste le sait ou le comprend ? Les socialistes au gouvernement ont même récemment détricoté la loi pour une fois intelligente sur l’auto-entreprise pour en faire des micro-entreprises (donc soumises à plus de paperasses et de charges) ! Un non-sens économique : pourquoi taper sur ce qui marche ? Par idéologie ? Par clientélisme ?

Les entreprises restent ces ennemis du socialisme, ces intérêts « particuliers » qui seraient loin de l’intérêt général (évidemment décrété par les technocrates socialistes au pouvoir qui savent mieux que vous ce qui est bon pour vous). Les entreprises sont ces exploiteurs du populo, condamnées aux poubelles de l’Histoire dans la théorie marxiste – CQFD : le socialiste reste ce croyant marxiste qui n’a rien appris de l’échec du socialisme réel en Russie, en Chine, au Cambodge et ailleurs. Mais les faits sont têtus : pour retrouver un semblant de croissance (donc des impôts qui rentrent) – et pour retrouver de l’emploi – les entreprises doivent être encouragées. Contre la gauche de la gauche de la gauche et même la gauche des socialistes (qui ne sait plus trop où elle est). Hollande a pris deux ans (DEUX ANS !) pour faire semblant de s’en rendre compte ou, du moins, pour accepter de toucher au tabou. Il a créé ce « machin » du CICE qui sera partiellement avantageux mais pas tout de suite et pas pour toutes les entreprises et exigera d’embaucher d’abord pour récupérer ensuite des impôts qui, de toutes façons, ont été déjà augmentés et ne sont pas près de diminuer… Ce qui est drôle est que CICE veut dire aussi International Center for Endoscopic Surgery – Centre international de chirurgie endoscopique – autrement dit l’exploration de la cavité intestinale par un instrument espion… Humour socialiste : les entreprises l’ont dans le c…

femmes seins nus paris observatoire

Les ménages sont imposés, taxés, mis à l’amende ; ils voient le prix du gaz, de l’électricité, du timbre, du train, des mutuelles, des assurances obligatoires – augmenter. Ils ne risquent donc pas de « consommer », ni même d’entreprendre des travaux écolos d’isolation, de remplacement de leur vieux diesel par une hybride d’avenir, ni d’autres investissements utiles ; ils boudent même le logement (merci Duflot, ministre idéologue choisie par Hollande le synthétique au détriment de toute cohérence ou efficacité !).

Or, pas de demande, pas de production. Pas de production, pas d’embauche.

Les fonctionnaires technocrates ont beau « exiger » des entreprises une « contrepartie » aux « cadeaux » faits par l’État. Mais quels cadeaux ? quand les impôts ont été alourdis, des taxes nouvelles créées, et que la paperasserie ne cesse d’augmenter, est-ce un « cadeau » que de redonner d’une main avare une toute petite part de ce que l’autre main a pris largement ?

Quant aux impôts sur le revenu des ménages, ils ont augmenté aussi pour tous mais surtout pour la classe moyenne – celle qui vote… Donc l’an prochain, baisse pour les plus modestes, juste avant les élections présidentielles 2017 : même les plus cons des électeurs sentent bien l’hypocrite démagogie du geste. Les ménages ne risquent surtout pas de dépenser ! Cet impôt sur le revenu que Hollande avait pourtant promis (une fois encore) de réformer pour le fusionner avec la CSG, le rendre plus progressif, étalé sur une assiette plus large. Comme d’habitude, à la Chirac, il n’a rien fait. Il a même viré Ayrault qui avait décidé de l’entreprendre. Ce n’est jamais le moment avec Hollande, cela touche toujours trop d’intérêts corporatistes ennuyeux à gérer, trop de clients électoraux qui menacent de faire défection. Donc il ne fait rien.

Hausse des impôts, idéologie du locataire-victime, haine de l’entreprise, retard à l’allumage pour se rendre compte des dégâts, comment la demande intérieure pourrait-elle répondre présent avec toutes ces « charges » (sans compter le déficit permanent et sans cesse en croissance de la Sécurité sociale) ?

Les Français ont peur : de ne plus pouvoir payer, de ne plus vivre correctement, de perdre leur épargne pourtant indispensable pour des retraites qui s’amenuisent, de la dépendance toujours pas financée, de voir les impôts et taxes augmenter dans le futur (après les prochaines présidentielles) : sur le revenu, sur l’habitation, sur le foncier, sur les plus-values, sur les assurances, sur la consommation. – Et pendant ce temps-là, l’État ne maigrit pas : Hollande envoie l’armée au Mali, en Centrafrique, en Irak, en Syrie. Des milliards non financés qu’il faut trouver quelque part. Les autres ont réformé leur État (la Suède, le Canada, l’Allemagne) – pas lui. Pour récupérer les lobbyistes Radicaux (« de gauche », bien sûr) il abandonne en rase campagne la réforme des collectivités territoriales qui aurait dû assurer au moins des économies de moyens ; pour éviter les jacqueries des routiers et des Bretons, il abandonne en rase campagne l’écotaxe, pourtant votée par les deux Chambres à l’unanimité. Pourquoi s’étonner si, avec Hollande, on a le pays bas ?

Les technocrates, jamais à court d’idées sur le papier, croient alors que pour contenir le chômage, il suffit de refroidir le thermomètre. Haro sur les chômeurs ! Mauvais travailleurs, mauvais citoyens, mauvais époux et pères, fraudeurs bien sûr (comme le clame le Front national ?). Pôle emploi a expérimenté (sur ordre et sous Hollande), de juin 2013 à mars 2014, une enquête sur la fraude à l’inscription. Les résultats ont été « dévoilés » le 15 septembre dernier. Ah, ah ! La découverte est de taille ! Imaginez-vous que 20 à 50% des inscrits « ne cherchent pas activement un emploi » ! Nous aurions donc un chiffre du chômage qui pourrait être divisé par deux, jusqu’à rejoindre le chiffre allemand, si le « surveiller et punir » (qui est la tentation permanente du socialisme réel) était appliqué en toute rigueur.

morale au gamin

Mais Pôle emploi avoue sans délai sa propre carence : une carence d’État. Les enquêteurs ont découvert des personnes découragées de chercher pour des raisons de santé, de logement, d’ancienneté au chômage ou d’âge (après 45 ans, hein, trouvez donc un emploi !). Les contrôles ciblés sur les inscrits depuis plus de six mois ou ayant suivi une formation ont été plus efficaces : prendre simplement contact avec eux les a remobilisés ! Évidemment, sur la formation, ce fromage des syndicats, Hollande n’a RIEN fait.  Donc il y a du boulot – et il est mal fait par Popaul qui agite sa trique mais se garde bien de chauffer pour donner envie.

Car Pôle emploi, comme toute administration, cherche avant tout à contrôler le droit et les règles, surtout pas à encourager ni à former ! Il avoue… que les sanctions actuelles sont avant tout liées au non-respect des procédures (461 000 radiations pour absence de réponse à une convocation) – pas au comportement fraudeur des chômeurs.

Il suffit un jour d’avoir eu affaire au personnel de Pôle emploi pour le savoir : c’est une bureaucratie, pas un cabinet de placement ni une aide à l’emploi. Nous sommes bien loin du Danemark ou de la Suisse, ou même de l’Allemagne ! L’état d’esprit procédurier inhibe toute initiative ; on ne vous propose jamais un travail mais toujours des papiers à envoyer, des droits à vérifier, des questionnaires à garnir, des cases à cocher. Tout cela pour que « le système » vous propose un emploi (temporaire) de « formateur en allemand » alors que vous n’avez JAMAIS fait d’allemand dans votre vie (c’est écrit sur le CV exigé par Pôle emploi… que personne chez eux n’a manifestement lu). Ou un « stage » de « conseiller financier » (à 50 ans et à 150 km de chez vous) où il s’agit de prospecter des clients en banlieue pour une banque locale (pour 420 € par mois – et vous devez vous loger !) alors que vous avez dirigé des banques ! J’en ai fait l’expérience personnelle.

De qui se moque Pôle emploi ?
De qui se moquent les fonctionnaires bureaucrates qui imaginent de tels « systèmes » ?
De qui se moque François Hollande, la bouche pleine de promesses et le tempérament incapable de commencer seulement à penser peut-être devoir un jour les faire réaliser ?

regardez a gauche puis a droite

François Hollande ne sera pas réélu : le chômage et les impôts sont des domaines trop sensibles et trop importants aux Français pour qu’ils reconduisent pour cinq années de plus un velléitaire à la tête du pays. Ne s’en rend-t-il pas compte ?

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Marc Bloch, L’étrange défaite

marc bloch l etrange defaite 1940
16 juin 1944 : Marc Bloch est mort fusillé dans le dos par la Gestapo, un peu au nord de Lyon, il y a 70 ans. Il était historien, professeur d’université, fondateur des Annales et capitaine sur le front en 1914, résistant à 57 ans parce que laïc athée, mais « né juif ». Il est pour les Lumières et pour la société libérale issue de la Révolution, résolument hostile aux Anti-Lumières qui veulent collectiviser l’individu en troupes, en ligues, en procession, l’enfermer dans ses déterminismes biologiques, familiaux, claniques, nationaux, raciaux. La France a libéré l’Europe des obscurantismes et les Amériques des colonialismes, donnant l’exemple d’une société nouvelle (pas sans bavures ni excès, malheureusement). Le nazisme est une vision Anti-Lumières, anti-moderne, anti-individu.

  1. 10 mai 1940 : les Allemands lancent leur offensive à l’ouest, 135 divisions contre 132 pour les Français, Belges, Hollandais et Anglais.
  2. 22 juin 1940 : en six semaines les Français se sont effondrés et quémandent un armistice par la voix chevrotante d’un Maréchal de l’autre guerre qui avait 14 ans lors de la défaite de 1870.

Marc Bloch livre son témoignage, écrit à chaud entre juillet et septembre 1940. Juif alsacien depuis le 15ème siècle, français d’abord, cité cinq fois au titre de l’armée durant les deux guerres mondiales, il est avant tout « citoyen républicain ». C’est ce qui donne à son témoignage son poids, celui d’un patriote et d’un savant « qui s’intéresse à la vie », selon ses propres dires. « Nous sommes Français. Nous n’imaginons pas que nous puissions cesser de l’être », écrit-il dans une lettre aux universitaires en 1942.

« La cause directe fut l’incapacité du commandement », commence-t-il par dire (p.55). Mais une armée n’est pas seule, elle dépend d’une société qui l’arme et la soutien, des politiques qui l’orientent, d’une éducation qui forme les hommes et d’une ambiance qui constitue sa volonté. « Nos chefs ou ceux qui agissaient en leur nom n’ont pas su penser cette guerre » (p.66). Ils n’ont pas même imaginé le Blitzkrieg, cette audace de la vitesse qui teste les défenses et s’enfonce là où c’est mou, toute d’initiatives et de coups de main, empêchant un repli en bon ordre. La France, l’armée, les politiciens, les hommes, se sont trouvés désemparés devant l’irruption de la vitesse et de l’audace, ce dont ils avaient perdu l’habitude, s’ils l’avaient jamais prise !

Le matériel ? Certes, le réarmement français a eu lieu bien tard, mais il a eu lieu. Certes, il était parfois techniquement faible mais certains chars, automitrailleuses ou avions étaient bons. Ce qui a manqué est de les avoir au bon endroit, au bon moment, en éléments bien commandés… Ce qui a manqué est, autrement dit, l’intelligence, la volonté, le moral et l’organisation. Marc Bloch note chez les militaires cette « étonnante imperméabilité aux plus clairs enseignements de l’expérience », cette « sclérose mentale » (p.79) faite de dédain du Renseignement, des rivalités de services, la paperasserie d’une « agaçante minutie » qui « gaspillait des forces humaines qui auraient pu être mieux employées » (p.89), de dogmes intangibles véhiculés par les dinosaures de l’autre guerre. Ainsi ce plaidoyer du général Chauvineau, cité en annexe et préfacé par le maréchal Pétain (p.249), qui exalte les canons défensifs et méprise les chars et les avions, offensifs mais trop chers et trop lourds à manier, surtout pour des esprits étroits peu au fait des techniques.

Marc Bloch photo

C’est donc bien l’esprit qui a failli face aux Allemands, cet esprit dont la France est si fière – cette acuité d’intelligence, cette légèreté de penser, cette logique de raisonnement. « Nos, soldats ont été vaincus, ils se sont, en quelque sorte, beaucoup plus facilement laisser vaincre, avant tout parce que nous pensions en retard » (p.78). Les Allemands « croyaient à l’action et à l’imprévu. Nous avions donné notre foi à l’immobilité et au déjà fait » (p.79). Pacifisme, ligne Maginot, diplomatie d’alliances – tout cela devait nous éviter de faire la guerre. Mais si la guerre survient ? C’est toute la mentalité administrative qui doit la faire… « L’ordre statique du bureau est, à bien des égards, l’antithèse de l’ordre actif et perpétuellement inventif qui exige le mouvement. L’un est affaire de routine et de dressage ; l’autre d’imagination concrète, de souplesse dans l’intelligence et, peut-être surtout, de caractère » (p.91).

Tout est dit de la mentalité française, engoncée dans l’élitisme de castes (p.193), formée dès l’enfance au bachotage (p.146), les élites composée de « bons élèves obstinément fidèles aux doctrines apprises » (p.155), révérencieux envers les puissants, soucieux de ne jamais faire d’histoires (p.127), dressées au formalisme de la tenue et de la bureaucratie (p.126) plus qu’à l’aisance du métier. Tout dans l’apparence – rien derrière. Bon élève ? – Mauvais guerrier, mauvais industriel, mauvais décideur. « L’école, la caste, la tradition, avaient bâti autour d’eux un mur d’ignorance et d’erreur » (p.201). Quand l’ennemi ne « joue pas le jeu » – ce qui était prévu par les plans (p.149) – tout s’écroule. « Jusqu’au bout, notre guerre aura été une guerre de vieilles gens ou de forts en thème, engoncés dans les erreurs d’une histoire comprise à rebours (…) Le monde appartient à ceux qui aiment le neuf » (p.158).

C’est à ce moment que l’historien se lève dans le témoin. Dans un superbe chapitre 3, l’auteur procède à « l’examen de conscience d’un Français ». L’esprit étroit, avaricieux, frileux de la France en ses profondeurs s’est révélé au moment du péril. Grands bourgeois méprisant le peuple qui avait ravi le pouvoir en 1936 (p.200), communistes plus préoccupés du pacte germano-soviétique que de la patrie, pacifistes naïfs qui confondent meurtre et défense légitime (p.174), syndicats bornés à « leurs petits sous ». Esprit petit, très petit, très pilote d’Air France 2014 : « A-t-il été rien de plus ‘petit-bourgeois’ que l’attitude, durant ces dernières années et pendant la guerre même, de la plupart des grands syndicats, de ceux des fonctionnaires notamment ? » (p.171). Qui, en France, s’intéressait au monde, à la modernité ? Qui même avait lu ‘Mein Kampf’ où pourtant Hitler avait écrit ce qu’il voulait accomplir ? En France, « toute une littérature (…) stigmatisait ‘l’américanisme’. Elle dénonçait les dangers de la machine et du progrès. Elle vantait, par contraste, la paisible douceur de nos campagnes, la gentillesse de notre civilisation de petites villes, l’amabilité en même temps que la force secrète d’une société qu’elle invitait à demeurer de plus en plus résolument fidèle aux genres de vie du passé » (p.181).

1940 paysans jeux interdits

Avons-nous compris les leçons ?

La génération de la reconstruction sous de Gaulle, sans aucun doute – mais depuis ? L’hédonisme des baby-boomers en 1968, la crise de l’énergie dès 1973, la mondialisation qui court depuis les années 1980, le souci pour les ressources et le climat, l’émergence des pays neufs : tout cela compose une nouvelle guerre – économique – où il faut se battre pour exister. Pas pour massacrer l’autre au nom d’une soi-disant supériorité morale ou culturelle, mais simplement pour garder un bien-vivre.

Cette guerre-là, la France fatiguée et « moisie » n’est-elle pas en train de la perdre ? Les corporatistes sont aussi égoïstes que les syndicats de 1940, les grands patrons aussi peu soucieux des ouvriers et même des cadres, les pacifistes aussi bêlants, les bobos tout aussi dégoulinants de bon sentiments internationalistes et de générosité d’État (mais pas dans leurs quartiers), les écoles aussi bachotasses et administratives, la sélection par les maths aussi hypocrite, les grandes écoles formatent toujours de « bons » élèves forts en thèmes mais inaptes à s’adapter aux situations et aux gens (Crédit Lyonnais, Vivendi, France Télécom, grèves de 1995, CPE, Leonarda, manif pour tous, écotaxe…). Les écolos partisans du retour à la terre cassent toute recherche génétique par tabou, les socialistes courent derrière pour imposer le soin public universel, bien au chaud sous la couette, avec lien social décrété d’État dans les terroirs et assistanat industriel pour faire plus cher ce qui est de meilleure qualité ailleurs…

Marc Bloch, 1944 : « Ayons le courage de nous l’avouer, ce qui vient d’être vaincu en nous, c’est précisément notre chère petite ville. Ses journées au rythme trop lent, la lenteur de ses autobus, ses administrations somnolentes, les pertes de temps que multiplie à chaque pas un mol laisser-aller, l’oisiveté de ses cafés de garnison, ses politicailleries à courtes vues, son artisanat de gagne-petit, ses bibliothèques aux rayons veufs de livres, son goût du déjà-vu et sa méfiance envers toute surprise capable de troubler ses douillettes habitudes : voilà ce qui a succombé devant le train d’enfer que menaient, contre nous, le fameux « dynamisme » d’une Allemagne aux ruches bourdonnantes » (p.182).

Allemagne hier, Allemagne aujourd’hui. France de la lenteur, lenteur de François Hollande. Nos profondeurs mentales ont-elles changé ?

Marc Bloch, L’étrange défaite, 1940, Folio histoire 1990, 326 pages, €11.70

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Florence Aubenas, Le quai de Ouistreham

florence aubenas le quai de ouistreham

Une journaliste dans la quarantaine se déguise en chômeuse précaire, séparée avec seulement le bac, pour trouver un emploi dans la région de Caen. On a beaucoup parlé de ce reportage à sa parution fin 2010. Le relire en poche aujourd’hui – que « la gauche » est au pouvoir – permet de mesurer combien tout le monde se fout du lumpenproletariat, y compris les beaux-parleurs, les grandes âmes qui préfèrent se faire mousser avec des étrangers illégaux, et les syndicalistes.

Les syndicats se foutent des chômeurs car ils ne sont pas syndiqués, et que la majorité des syndiqués en France est composée de fonctionnaires. Dans l’industrie, seuls comptent les « bastions » où les ouvriers en cohorte ne pensent qu’à négocier leur prime de départ. Alors, le sort des bonnes femmes qui font les ménages dans des sociétés de services, est bien le cadet des soucis de ces machos… Le chapitre 10 est éclairant à cet égard.

Les fonctionnaires se foutent des chômeurs, car le principe du fonctionnaire est de « fonctionner », d’obéir aux ordres de la machine, de suivre les engrenages. Ils sont impuissants (pour être gentil) ou incapables (ce qui correspond mieux à la réalité) de proposer quoi que ce soit d’utile aux personnes en difficultés. Ceux entrés dans le métier pour faire du « social », avec un certain voyeurisme de concierge, sont obligés de faire de l’industrie, tant le chômage a explosé. Les chapitres 2 et 17 sont révélateurs.

Les patrons se foutent (pas toujours) des chômeurs, la plupart profitant de leur précarité pour les pressurer, négociant des forfaits de prestations que les horaires payés sont impossibles à tenir. D’autres se sentent la fibre « tous ensemble », mais ils sont rares et pris dans la crise qui compresse les coûts. L’auteur en a quand même rencontré deux ou trois.

Certes, la journaliste a mis presque tous les handicaps de son côté (sauf le bac et l’absence d’enfant à charge). Mais elle montre bien comment, lorsque l’on est étranger à une région et que personne ne vous connaît, il est difficile de trouver un boulot acceptable. Reste les ménages, la « technicité de surface », comme disent pompeusement les fonctionnaires qui poussent à « être motivé » et à « vanter ses qualités pour le métier ». Ce qui donne quelques remarques hilarantes sur le contraste entre cette démagogie marketing et la réalité triviale. Au bout de six mois, on propose tout de même à Florence Aubenas un CDI dans l’entreprise de nettoyage des ferries, quai de Ouistreham. C’était son objectif, elle arrête son enquête.

Bien sûr, tous les prénoms et tous les noms des entreprises ont été changés, mais beaucoup doivent s’y reconnaître… s’ils lisent un livre (ce qui n’est pas certain). Certes, le « style Libé » de l’auteur est au ras des pâquerettes, ne dépassant jamais les 2000 mots de base, et sans aucune réflexion. Mais cet aspect direct, familier, concret, est l’avers positif du style Libé, et ce témoignage se lit très facilement. Le lecteur en ressortira sans rien savoir des mécanismes du chômage ni des tentatives de le faire diminuer, mais il vivra avec les précaires et pourra « prendre conscience ». Très bien vue « la conscience », ce pourquoi ce reportage a reçu tant de prix des bobos culturels.

Mais au fond : qu’a fait la droite ces années-là contre le chômage ? Fusionner l’ANPE et Pôle emploi, injectant un peu de privé dans le système par l’embauche d’autres personnes que des fonctionnaires et en sous-traitant à certains cabinets privés les cas difficiles. Qu’a fait la gauche ensuite, au pouvoir depuis deux ans ? Des mesurettes comme moins de convocations inutiles – mais avec l’hypocrisie de taxer les bas revenus au-dessus de l’inflation ! Il fallait 11948 € en 2011 pour n’être pas imposable ; il faut désormais 12352 € pour ce faire – soit une hausse de 3.38% alors que l’indice des prix à la consommation de l’INSEE durant la période, n’a monté que de 2.9%… Non seulement la promesse jurée de « faire baisser la courbe du chômage » avant la fin de l’année (dernière) a été une vaste blague, mais le notable replet qui garde le sourire derrière son bureau comme un bourgeois de la IIIe République ne sait rien de la réalité des gens, rien des difficultés du terrain, rien de ces règlements administratifs aussi absurdes que contraignants pour qui veut trouver un travail. Rien non plus de ces impôts sans cesse augmentés qui raréfient l’emploi des entreprises comme celui des particuliers.

Il faut lire Florence Aubenas, c’est une salutaire bouffée de réel dans le confort mental de ceux qui savent mieux que vous ce qu’il faut aux gens, et ne cessent de donner des leçons au monde entier devant la caméra.

Florence Aubenas, Le quai de Ouistreham, 2010, Points Seuil 2012, 242 pages, €6.37

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Dominique Reynié, Les nouveaux populismes

dominique reynie les nouveaux populismes

Voici un excellent livre d’analyse sur le changement politique de l’époque actuelle partout en Europe, écrit sans jargon et qui se lit d’une traite. La poussée de Marine Le Pen est décortiquée et expliquée clairement, aussi bien que les tentatives ratées de Jean-Luc Mélenchon et Bepe Grillo.

Comme toujours dans ce genre d’ouvrage écrit par un professeur à Science Po, la description est impeccable mais les solutions restent vagues. Un professeur n’est pas un politicien, et nul doute que la poussée récente du repli sur soi des populations européennes vieillissantes, contestées et appauvries n’a pas encore suscitée d’idées neuves sur les réponses possibles. Mais se contenter d’appeler à l’acceptation d’une immigration inévitable, à un « libéralisme musclé » pour mieux intégrer, à encore plus d’Europe pour faire des économies et à moraliser la vie politique m’apparaît un peu faible.

Reste que la bonne question posée par Nicolas Sarkozy jadis sur « l’identité nationale » est le reflet pragmatique (mal pensé et mal traité par l’équipe Sarkozy) d’une poussée évidente de ce que l’auteur appelle le « populisme patrimonial ». « S’il est un aspect de la globalisation qui conditionne fortement le développement des partis populistes (…) c’est certainement l’immigration, l’islam et le surgissement d’un multiculturalisme conflictuel, en lien avec le fort déclin démographique… » p.32. L’engrenage est bien brossé : libéralisme = laisser-faire = circulation sans frontières = immigration majoritairement musulmane = revendications multiculturelles incompatibles avec la laïcité et les mœurs habituelles aux Européens = menaces sur la sécurité, l’habitat, les fréquentations et mariages, les prestations sociales, les pressions alimentaires et culturelles… Le dire ce n’est pas « être raciste » – comme le psalmodient les bobos repus de bonne conscience dans la gauche morale – c’est décrire les faits. Or, dénier les faits, c’est laisser « ces interrogations et ces inquiétudes travailler sourdement la société. C’est sur ce non-dit que les populistes imposent leur discours, pointant les tentatives d’enfouissement, de dénégation et de censure qu’ils prêtent aux responsables des partis de gouvernement » p.110.

La plupart des gens répugnent à modifier rapidement leur mode de vie – ce pourquoi ils deviennent conservateurs envers les changements, et même « réactionnaires » lorsqu’on veut leur imposer de force. Ce comportement concerne tous ceux qui sont menacés, à droite comme à gauche. Les « zacquis » des syndicats sont aussi menacés que la « sécurité » à droite. D’où cette poussée du populisme hors des divisions traditionnelles, mettant en cause les élites contre le peuple, les gouvernants contre les gouvernés. Mélenchon comme Le Pen jouent sur le même tableau contre « l’UMPS ». Mais, montre très bien Dominique Reynié, c’est partout pareil en Europe, Royaume-Uni compris. C’est même au Royaume-Uni qu’après les attentats de Londres en 2005, existe le plus fort rejet de l’islam et de l’immigration extra-européenne, le multiculturalisme ayant clairement échoué.

Or c’est l’Europe qui contraint, consensus mou sur une social-démocratie libérale sans frontières ni valeurs autres que purement juridiques. D’où le rejet de l’Europe, qu’elle soit agricole, monétaire ou de Schengen. Fatale pente, démontre Reynié, « la promotion de l’opinion xénophobe est une condition sine qua non du succès électoral populiste. En ce sens, il n’y a pas de populisme de gauche. Tel est le problème de Jean-Luc Mélenchon » p.316. Clin d’œil à mon analyse de Mélenchon entre Péguy et Doriot, d’un socialiste de gauche jacobine comme le républicain Péguy poussé au national-socialisme comme l’ex-communiste Doriot.

Ce qui permet la percée des partis populistes ce sont les modes de scrutin (la proportionnelle), les médias (avides de langage cru et de dérapages), et les personnalités histrioniques (dont c’est le seul moyen de se différencier). Mais ces instruments n’existeraient pas sans la base : « Ce sont les classes populaires elles-mêmes qui conduisent ce mouvement de droitisation dont les communistes d’abord, les sociaux-démocrates ensuite et les populistes de gauche enfin sont les victimes successives. L’immigration et la sécurité sont devenues pour longtemps des enjeux capables de déterminer leurs choix électoraux » p.321. Retour du fascisme ? Non. De l’autoritarisme conservateur ? Oui.

Que faire contre le populisme ? En premier lieu arrêter de nier les questions qu’il soulève : la globalisation entraine une immigration incontrôlée que la crise économique rend plus difficile d’assimiler. Ensuite éviter la démagogie en proposant le vote des « étrangers », la construction ouverte de « mosquées », l’autorisation de la burqa, le recul du droit à autoriser une expulsée à revenir du fait du Prince, les avantages sociaux aux sans-papiers et autres discriminations positives, le deux poids-deux mesures des injures racistes (Blanc condamné, minorité excusée) et ainsi de suite. Enfin affirmer les valeurs républicaines, laïques, libérales, sans concession aux tentatives d’effritement des « droits » communautaires ou particularistes. Et peut-être recréer l’Europe comme espace homogène, aux frontières définies, à l’Exécutif clair et au Parlement élu le même jour par tous les citoyens de l’Union, avec des impôts en commun pour bâtir des projets en commun. Ce sont toutes ces réponses que Dominique Reynié ne fait qu’effleurer.

Il pointe que le rationnel ne suffit pas car « la singularité de la politique populiste est de n’être qu’émotion. C’est une politique médiatique jouant sur les ressorts affectifs : colère, peur, envie, nostalgie, ressentiment, etc. » p.345. Mais le rationnel serait néanmoins d’éviter, lorsqu’on est dans un parti de gouvernement, d’agir de même (comme Montebourg, Taubira, Belkacem, Hollande – ou Copé, Boutin, Morano, Sarkozy). D’inviter aussi certains populistes à prendre des responsabilités gouvernementales – leur grande gueule serait rabattue au premier échec, car on ne gouverne jamais sans compromis et nuances, à l’inverse du théâtre médiatique et du discours de tribune. Mais là, on entre dans le tabou des « alliances »…

Dominique Reynié, Les nouveaux populismes, 2011, édition augmentée 2013, Livre de poche Pluriel, 377 pages, €8.55

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Élections : le cave se rebiffe

Ce n’est pas en soi « la gauche » qui a été rejetée par les électeurs ces deux dimanches de municipales, ni vraiment « le président » ou peut-être « sa politique » – c’est bel et bien le socialisme à la française et l’indigence de son parti.

Le socialiste est trop souvent content de soi, sûr de son bon droit « progressiste », animé d’une foi aveugle en sa « mission » d’émancipation des Lumières et d’égalitarisme révolutionnaire féministe. Comme tous les croyants, il n’écoute pas ; comme tous les prêtres d’une quelconque religion, il est sûr de détenir le vrai, donc de savoir mieux que « le peuple » ce qui est bon pour lui. Aujourd’hui comme hier, « le peuple » infantilisé, méprisé, ignoré se venge : il vote avec ses pieds. Hier contre le socialisme de l’Est lorsque le mur de Berlin est tombé, aujourd’hui contre le socialisme municipal, cette exception française qui a façonné le parti.

francois hollande rit

Missionnaire, le socialiste remplace le peuple par l’image idéale qu’il s’en fait : celle du troupeau sous la houlette de son berger, des poules en poulaillers protégées du « renard » par l’État fermier, pater familias macho, autoritaire et propriétaire. Mais l’État ne remplit plus ses promesses, ayant trop promis et trop prélevé, désormais obèse des structures empilées et impuissant de moyens essoufflés. Malgré les impôts en hausse pour tous, y compris pour les plus modestes, y compris sur les mutuelles santé, le déficit (4,3% du PIB) et la dette publique (93,5% du PIB) continuent de croître, dépassant l’objectif que s’était même fixé le gouvernement pour 2013. A quoi bon payer toujours plus, si c’est pour le gouffre de la gabegie administrative et des ayants-droits qui sont toujours les autres ?

Aucun électorat n’est captif, pas plus celui des prolétaires que celui des Français issus d’immigrés, pas même celui des profs… A trop caqueter contre le renard fantasmé de la finance tout en se couchant devant les puissances réelles qui font marcher l’économie et assurent les fins de mois de l’État, on perd son crédit. A trop valoriser les comportements marginaux sans prendre en compte la sensibilité populaire sur le fondement social de la famille et des enfants (plafonnement des allocations, mariage gai et lesbien, théories sur le genre à l’école), les bobos parisiens des ministères ont braqué non seulement la province restée catholique, mais aussi les Français issus de l’immigration sur leurs convictions religieuses, et encore leur volonté d’être conformes et de s’intégrer à une société sûre d’elle-même.

Impuissant à faire encore rêver, le socialisme du terrain croit emporter le peuple dans « le progrès » – sans rien changer dans l’économie. Il est pour ces intellos le nomadisme multiculturel, la redéfinition perpétuelle de soi et le zapping opposé à tout enracinement identitaire au profit d’une valorisation a priori du métissage, d’un antiracisme qui apparaît comme la tare des seuls Blancs, une repentance pathologique. Le Paris d’Hidalgo contre le désert français. Ce que propose le socialisme est, au fond, la haine de soi, l’ouverture aux autres se réduisant à se fondre dans l’ailleurs plutôt que de s’enrichir aux contacts. Le peuple en ses profondeurs refuse cette mentalité d’esclave, unique en Europe.

elections paris hidalgo

Tout se passe comme si le socialisme s’était coulé dans le catholicisme pour reproduire sa religion, son église et son sectarisme moral. Chasser les marchands du temple, encourager à tout quitter pour suivre le maître qui promet le Progrès, déraciner les militants pour leur faire parler toutes les langues et les envoyer partout dans le monde porter les leçons, imposer ce qui doit être pensé, ce qui peut être dit, ce qu’on doit enseigner – certain de sa bonne conscience – il faut écouter ce refrain sans cesse ressassé dans les médias que c’est toujours « de la faute des autres » si la Cité de Dieu n’advient pas. Thierry Pech, directeur de Terra Nova, a le poli sympathique de l’intellectuel modéré mais son discours reste dans la croyance que tout est de la faute à l’euro fort, à la Banque centrale européenne, à Angela Merkel, à « l’austérité » imposée à la dépense publique. Comme s’il suffisait de recommencer comme avant, sous la vieille gauche 1981, à dépenser, augmenter autoritairement les salaires, travailler encore moins que 35 h, réglementer encore plus, donner encore plus de « droits » pour que – miraculeusement – les capitaux affluent, l’investissement reprenne, les entrepreneurs innovent, les emplois fleurissent. Est-ce un hasard si le chômage augmente, si les jeunes bien formés s’expatrient, si le logement s’écroule et que les impôts rentrent moins ? N’est-ce pas plutôt parce que les ministres (depuis 2 ans au pouvoir) ont insulté les entrepreneurs, pigeonné les créateurs, réglementé les bailleurs, taxé la production et un peu plus tout travail ?

Sociologiquement issu des classes populaires en ascension scolaire, fraction de petit-bourgeois ambitionnant d’égaler les grands bourgeois par la méritocratie élective, le parti est devenu de plus en plus hermétique, entre copains intellos qui discutent interminablement et se tirent dans les pattes. L’électeur a du mal à cerner la vision socialiste de la société dans la valse des grandes promesses suivies de petites politiques inverses, dans « les efforts » demandés à tous qu’on ne restitue qu’à quelques-uns : les minorités sexuelles ou ethniques, les grandes entreprises, les syndicats majoritairement composés de fonctionnaires, les mauvais payeurs locatifs et ainsi de suite.

De plus en plus âgés et provenant en large majorité du secteur public, les militants et les élus socialistes ne représentent pas les Français en leur diversité. Non seulement l’électorat socialiste est volatil, mais de larges fraction du peuple ne votent plus ou contre lui, aux extrêmes, surtout à droite. Marine Le Pen a su valoriser l’État-nation autoritaire et protecteur que Sarkozy a incarné un temps mais que le Louis XVI au pouvoir a laissé tomber au prétexte d’être « normal ».

Les exclus des prébendes, les effrayés du monde, les non-intellos se sont vengés dimanche. On peut mépriser le cave, quand on est du Milieu et spécialiste de la fausse monnaie électorale. Mais un jour il se rebiffe…

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Réformer en France

Mais oui c’est possible, a répondu jadis Michel Rocard. Ministre du Plan en 1981, ministre de l’Agriculture 1983-1985, et Premier ministre entre 1988 et 1991, Michel Rocard sait de quoi il parle. La Réforme ? Il est né dedans. L’État ? Il y est tombé tout petit. La pratique ? Il n’a cessé de la tester, de la pétrir, de la théoriser.

michel rocard

Tout d’abord, réformer l’État ne saurait être en soi un projet politique. Les citoyens sont en droit de considérer que l’organisation de l’État marche bien et que ses délégués effectuent correctement leurs tâches, contrôlés par des organismes juridiques. Un État efficace, ce n’est pas de l’idéologie mais de la déontologie.

Ensuite, la réforme de l’État ne s’arrête jamais, elle n’est pas cantonnée à l’Administration générale mais s’étend à tous ce qui est public, entreprises et collectivités locales. Les changements du monde sont incessants et les organismes doivent s’y adapter pour ne pas connaître le sort des dinosaures, que ces organismes soient vivants (les hommes) ou artificiels (les organisations). Il y a, longuement décrite par la sociologie, une pente naturelle à la bureaucratisation dans tout ordre humain, qu’il soit public ou privé.

La concurrence et l’exigence de bénéfices obligent constamment le privé à se remettre en question, même si cela prend parfois dix ans (les banques par l’informatique puis par la crise des marchés, l’automobile contrainte et forcée par la concurrence asiatique). En revanche, qu’est-ce qui pousse l’État à se remettre en cause ? Les citoyens ? Les déficits excessifs ? La comparaison avec les pays voisins ? Ce devrait être l’exigence démocratique même, le fait d’assurer à « la volonté générale » la traduction la plus efficace dans l’action. Les moralistes devraient avoir cela à l’esprit et s’y tenir, s’ils se veulent démocrates. Si François Hollande suit Nicolas Sarkozy dans la volonté de réformer, c’est contraint et forcé par le mouvement du monde et par le déficit accumulé dans les années je-m’en-foutistes – pas par souci d’intérêt général.

Michel Rocard voit cinq conditions pour réussir une réforme publique en France :

1 – Ne pas courir de suite au symbolique. Il est nécessaire d’éviter les affrontements politiques stériles qui font s’affronter les Grands Principes comme s’il s’agissait, à chaque fois, de croquer la pomme pour risquer d’être chassé d’Éden. Le débat au Parlement est utile lorsqu’il vient couronner une négociation déjà préparée entre partenaires de bonne volonté. Mais, commencée au Parlement, une réforme est presque sûre de s’enliser sous les prises de positions symboliques qui poussent toute position à la théologie. Pour réformer, mieux vaut éviter les conflits. Ce qui n’est pas conflictuel est ignoré par les médias, donc par les politiciens. Ce n’est que lorsqu’une réforme est mûre, les intérêts conciliés autant que faire se peut, que le débat démocratique est utile pour consolider les réformes et en faire un consensus.

2 – Une seule réforme à la fois selon Michel Rocard. Toute annonce fait peur, Alain Juppé en a fait l’expérience en en lançant quatre d’un coup en 1995. La mobilisation de l’opinion publique peut aider à débloquer les politiques, mais il faut pour cela présenter un projet de société, pour lesquelles les réformes ne sont que des éléments. Jacques Chaban-Delmas et Raymond Barre y avaient réussi.

Mais ce n’est plus la seule méthode :

  • Nicolas Sarkozy avait fait en 2007 du mouvement sa tactique : l’excès de réformes amorcées empêchait les lobbies syndicaux, patronaux et politiciens de se mobiliser.
  • François Hollande a choisi une troisième voie : « fixer » les médias sur un thème de société (mariage gai, salle de shoot, Dieudonné, droit étendu à l’avortement, maîtresse cachée) pour faire passer en douce ses réformes cruciales (allongement de la durée de cotisation pour les retraites, CICE, non cumul des mandats).

3 – Éviter les effets d’annonce car les blocages surgissent avec déformations du vrai. Le front du refus enfle, sans porter vraiment sur le sujet. L’annonce cristallise plutôt les mécontentements diffus. Pour créer le groupe Air France, des mois de négociations secrètes avec M. Seydoux ont précédé l’affichage, qui n’a été fait publiquement que lorsque tout le monde (État, syndicats, patrons) était d’accord. Mais les effets d’annonce permettent parfois de remplacer le projet de société » lorsqu’il est trop absent de la présidence : la « réforme fiscale » hollandaise, aussi prometteuse que visqueuse à mettre en œuvre (voir la sauce du même nom).

4 – Toute réforme d’ampleur doit s’accompagner d’une négociation sociale jusqu’au bout. Mieux vaut négocier non pas avec les instances officielles, toujours en représentation et obligées par le système politico-médiatique de se poser comme au théâtre, mais avec le niveau en-dessous. Ce qui compte est d’avancer, avec pragmatisme, en faisant des concessions réciproques. On ne réforme pas en faisant de la déclamation à la Corneille, mais mezza-voce à la Giraudoux. François Hollande sait faire discuter les autres ; Nicolas Sarkozy savait dealer en maquignon.

5 – Un processus de réforme réussi est celui qui ne se fixe aucun délai. Si un calendrier est posé, il y aura toujours une partie qui jouera la montre pour arracher un dernier avantage au dernier moment. Mieux vaut débattre de la pratique à mettre en œuvre que du gain à obtenir. Ce qui signifie qu’une vraie réforme ne saurait figurer dans un programme politique, soumis aux délais des « cent jours », du quinquennat ou de la législature, mais s’effectuer dans l’ombre, par une pression constante. Sera-ce le cas de la réforme des collectivités locales, sans cesse promise, sans cesse différée ?

reforme education nationale

La réforme en France est plus qu’ailleurs difficile :

  • Parce qu’on ne peut discuter avec personne : où sont les syndicats représentatifs ?
  • Parce qu’un certains élitisme de grandes écoles (issu de la reconstruction d’après-guerre) rend plus qu’ailleurs incapables les énarques à mettre en relations les diverses forces sociales, formatés qu’ils sont aux maths et à la hiérarchie centralisée.
  • Parce qu’une tradition millénaire de l’État-nation a poussé encore plus après la Révolution à faire table rase des corps intermédiaires, assimilés à tort aux « privilèges » d’Ancien Régime, ce qui fait qu’entre l’État absolu et les individus atomisé, il n’y a rien, surtout pas de dialogue. Donc pas de « social-démocratie » possible, faute de partenaires égaux.

Il faut donc contourner ces rigidités. Sortis du théâtre, la plupart des acteurs sont charmants, disposés à bien faire et soucieux d’avancer. Mettez-les en représentation et ils prennent des postures de Matamores qui figent immédiatement toute action au profit d’un rôle déjà écrit (voyez Mélenchon ou Le Pen !).

Il y a donc du travail et de l’habileté. François Hollande a ces deux qualités. Lui manque peut-être la troisième – mais cruciale – la volonté…

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Socialisme ou dynamisme

« Le souverain étend ses bras sur la société tout entière ; il en couvre la surface d’un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gène, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger ». Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, partie IV chapitre VI, décrit parfaitement les effets du socialisme.

alexis de tocqueville de la democratie en amerique bouquins

Le socialisme jacobin veut enserrer la société tout entière dans les rets du moralisme et du service collectif par une suite de lois, règlements, décrets et directives qui n’ont pour but que d’administrer les choses, sans jamais les créer.

  • Créer, au contraire, est vu avec méfiance, sauf dans la culture si elle célèbre les valeurs de gauche – et dans le sport où la compétition internationale dispense de morale (mais que l’équipe nationale perde et elle est vite traitée de « racaille » – le moralisme renaît aussitôt).
  • Créez une entreprise, vous serez aussitôt taxé, forcé de payer par avance URSSAF, Unedic et charges, obligés à paperasser à l’infini sur les bénéfices, la TVA, les statistiques et ainsi de suite. Créez des emplois, ce sera pire…
  • Créez une association ou un mouvement politique et vous serez approché et subventionné ou rejeté et contrôlé, selon votre seule proximité avec « le socialisme ».

Tout cela est moins vrai à droite, malgré le tropisme autoritaire gaulliste. Les intérêts y sont plus divers, les initiatives plus larges, même en politique. La raison en est probablement que le socialisme, issu comme le communisme du marxisme, est une religion progressiste. Pour Marx, l’histoire des sociétés avance selon des lois « scientifiques » et il faut attendre que les situations mûrissent pour qu’elles adviennent. Les communistes, derrière Lénine, préféraient le coup de force pour chasser le Vieil homme et créer d’un coup la société sans classe peuplée par l’Homme nouveau. Les socialistes, embourgeoisés et plus pusillanimes, ont toujours considéré qu’il valait mieux favoriser le social en attendant l’avenir inéluctable.

Mais l’excès d’égalité étouffe la liberté, « l’égalité hommes-femmes » est une ineptie lorsque la femme veut avorter alors que l’homme veut l’enfant. Le tous semblables exclut l’originalité comme l’initiative (souvenez-vous en classe ou à l’armée !). Le social exaspère – toujours le social – comme si les gens devaient sans cesse être assistés, contrôlés, maternés ! Comme en témoigne Ipsos, les ouvriers en ont plus marre que les bobos, ces fonctionnaires du socialisme, le ventre plein, béats de confort mental devant l’avenir rose.

En économie, concilier socialisme et production pour réduire une dette publique devenue ingérable est difficile ; la tentation est sans cesse de basculer d’un côté ou de l’autre : le dirigisme socialiste ou le libéralisme productiviste. Le grand écart réussi est (pour l’instant) chinois : parti communiste centralisé surpuissant mais initiatives locales et entrepreneuriales larges. François Hollande illustre la difficulté de l’équilibre (qui est pourtant son tempérament) : il a été élu contre son prédécesseur mais applique grosso modo la même politique. Il a été élu à gauche pour faire du socialisme autoritaire jacobin mais s’essaye à une social-démocratie impossible en France du fait de syndicats minuscules parce que trop idéologique. Il effectue enfin son coming out social-libéral après 18 mois d’indécision, de mesures flanquées aussitôt de contre-mesures (la hausse des taxes sur les entreprises mais le CICE), de masques sociétaux pour agiter l’opinion tandis que passent les réformettes économiques (le mariage gay au même moment que le pacte social, la pochade Dieudonné et la réouverture du débat sur l’avortement au moment du tournant annoncé par les vœux).

  • Comment auriez-vous l’envie de créer une entreprise avec les lourdeurs administratives françaises ? Il est tellement plus confortable d’être fonctionnaire.
  • Comment compteriez-vous profiter de votre initiative sous l’œil allumé du fisc qui guette toute « inégalité » de revenus et de patrimoine, l’argent produit étant aussitôt réputé « profit », l’argent sagement accumulé étant réputé « enrichissement en dormant » ? Mieux vaut rester sur le livret A ou l’immobilier (ce pourquoi les prix du logement montent, puisque les actions – placement alternatif – sont découragées par une fiscalité nettement plus forte qu’ailleurs).
  • Mieux vaut aller créer une entreprise, prendre un bon poste ou faire de la recherche à l’étranger, avec de meilleurs moyens, un moindre mépris pour les jeunes et pour ceux qui ne sont pas sortis des Grandes écoles. En étant moins taxé pour des services publics peu différents – mais mieux gérés.

François Hollande a raison de quitter « le socialisme » pour le pragmatisme, comme tous les autres partis de la gauche gouvernementale l’ont fait en Europe. Ce n’est pas l’idéologie qui fait le bonheur des gens – sauf pour les fanatiques. Il est curieux que ces soi-disant « laïcs » soient aussi moralistes du surveiller et punir que les cléricaux catholiques, puritains, juifs ou islamistes. L’humanisme de gauche en Allemagne, Suède, Danemark, Royaume-Uni, Suisse et autres est un guide pour l’action, pas un catalogue de dogmes sur l’étatisme, la morale sociale et la dépense publique. Aucun tabou n’existe, ailleurs qu’en France, lorsqu’il s’agit de produire mieux et de créer des emplois. Comment voudriez-vous que le dynamisme d’un pays renaisse sous cette chape socialiste ?

Mais ne vous en prenez qu’à vous, dit aussitôt Tocqueville, cet analyste incomparable de la mentalité française, qu’il est allé apprécier à l’aune américaine avant de la mesurer à l’Ancien régime. « Il est, en effet, difficile de concevoir comment des hommes qui ont entièrement renoncé à l’habitude de se diriger eux-mêmes pourraient réussir à bien choisir ceux qui doivent les conduire ; et l’on ne fera point croire qu’un gouvernement libéral, énergique et sage, puisse jamais sortir des suffrages d’un peuple de serviteurs ». « Libéral » est pris sous la plume de Tocqueville au sens classique du dictionnaire : « qui aime à donner, favorable à la liberté, les arts libéraux étant enseignés pour libérer de l’ignorance« . Mais le socialisme idéologique s’est efforcé depuis des générations de tordre cette acceptation pour en faire le démon intime à exorciser, « libéral » étant vu comme l’impérialisme capitaliste américain (et juif pour les plus à gauche de la gauche de la gauche – comme les médiatiques aiment à dire pour rester  » de gauche »).

Avouons cependant que Tocqueville avait raison : depuis De Gaulle jusqu’à Hollande, la qualité des présidents de la République en France est allée en se dégradant…

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1835, tome 1 et tome 2Garnier-Flammarion 1999, 569 pages et 414 pages, €8.08 et €6.65

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique – Souvenirs – L’Ancien régime et la Révolution, Bouquins Robert Laffont 2012, 1178 pages, €28.98

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Anatole France, La vie en fleur

Le titre est bien joli pour les souvenirs d’adolescence de Pierre Nozière, le double romancé d’Anatole France. Le livre commence en classe de cinquième, où le préado laisse place lentement à l’ado. Oh, très lentement ! France reste dans une France qui a peut-être fait trois révolutions (1789, 1830 et 1848) mais élu tout aussitôt un Napoléon bis autoritaire, hiérarchique et paternaliste de droit divin, le Peuple comme abstraction s’étant substitué à Dieu, tout aussi abstrait. C’est dire combien l’adolescence ne saurait exister, ni comme biologie ni comme classe d’âge, dans une société qui impose les pouvoirs d’en haut, infantilise les mineurs et réprime toute velléité de désobéissance avant la majorité (21 ans depuis 1792). La société bourgeoise a repris les mœurs d’Ancien régime, qui ne voulait rien savoir de la liberté personnelle avant 25 ans, un métier, une épouse, etc.

marylyn monroe nue

Autant dire que l’adolescence du petit Pierre s’est développée sous serre chaude, dans un Paris à peine éventré par le baron Haussmann dont on sort très peu, dans un quartier central en face du Louvre, et dans un appartement familial décent et posé. Les hormones poussent les sens, mais ceux-ci ne trouvent d’expressions que dans les passions pour les camarades proches, et d’exutoires que dans l’imagination, volontiers enflammée par les femmes au théâtre. C’était le tropisme bourgeois que d’enfermer les garçons entre eux pour leur faire nouer des relations sociales à vie par les amitiés particulières de collège : une sorte de réseau social sans les photos. De la sexualité, on ne saura rien, l’auteur, à 78 ans, réduisant encore les évocations sensuelles qu’il avait pu lâcher dans Le livre de mon ami, paru quand l’auteur désirait encore, à 41 ans

La biographie révèle cependant l’amour pour Élisa, devenue nonne, déguisée ici en rieuse fille du père Gonse à Granville. Elle révèle aussi combien l’adolescent Anatole a aimé platoniquement la comédienne Élise, à 17 ans, masquée ici en Isabelle, fille de coiffeur. Tout l’intime est exclu au profit de la légèreté du conte. Rien de moins romantique que France. Le connais-toi est source de tourment et, l’exemple de Montaigne est pour lui ambigu : écrivit-il pour se connaître ou pour s’amuser ? Sa propre histoire est matière à fantasme, support pour l’envol de l’imagination, pourquoi ne pas se nourrir de son miel ?

Il préfère donc décrire le rusé Fontanet, copain d’études ; Mouron surnommé « pour les petits oiseaux » qui le touche par sa solitude ; le rustique Chazal dont les muscles tiennent à bras tendus une chaise pendant une minute – et Desrais doté du joli prénom de Tristan et de « cheveux châtains légèrement ondés et dorés par endroit, ses longs cils (…) Sa sveltesse et sa taille déliée dissimulaient des muscles robustes. » Anatole France, plutôt chétif et pas bien beau, ne peut qu’avoir une admiration mimétique allant jusqu’à un vague désir pour de tels êtres qu’il voudrait avoir pour amis proches, à défaut d’être comme eux. Ce qu’il dit de Tristan le montre sans ambigüité : « Tous ses mouvements étaient empreints d’une élégance que ma précoce habitude de la statuaire antique me faisait sentir » p.1077. « Un jour, je lus dans je ne sais quel traité de la poésie grecque l’épigramme funéraire d’Amyntor, fils de Philippe, qui mourut jeune dans un combat, en couvrant un ami de son bouclier. Je tressaillis et me sentis transporté du désir de mourir pour Desrais » p.1080. Vexé de n’être pas choisi en retour par ce camarade trop admiré, il ne se réconcilie avec lui qu’après le bac, à 16 ans, lorsqu’il le voit lutter avec le bon robuste Chazal : « Ils se mirent tous deux nus jusqu’à la ceinture et se prirent à bras le corps. Chazal, osseux et noir, taillé à la serpe, présentait un contraste parfait avec Desrais, fait comme un athlète de Myrrhon, ou comme un fellow de Cambridge ou d’Eton » p.1091. Joli understatement pour dire l’appétit à être comme lui, d’être lui, de fusionner en amitié particulière avec lui.

lutte torse nu ado

Toute son ire va à l’enseignement français. Professeurs médiocres, bâtiments lépreux, mépris de l’institution pour les gamins à dompter et dresser pour l’obéissance bourgeoise – Anatole France n’est pas tendre pour l’éducation nationale et ses profiteurs pontifiants. « L’éducation en commun, telle qu’elle est donnée encore aujourd’hui [1922], non seulement ne prépare pas l’élève à la vie pour laquelle il est fait, mais l’y rend inapte si peu qu’il ait l’esprit obéissant et docile. La même discipline qu’on impose aux petits grimauds d’école devient pénible et humiliante quand des jeunes gens de dix-sept à dix-huit ans y sont soumis. L’uniformité des exercices les rend insipides. L’esprit en est abêti. (…) Aussi, en quittant le collège, éprouve-t-on un embarras d’agir et une peur de la liberté » p.1094. Est-ce croyable de constater que presque rien n’a changé, sinon la démission professorale face à l’orthographe, aux règles de plan et à l’expression orale ?

Pourquoi une telle persistance de la stupidité nationale dans l’éducation ? Est-ce pour abêtir la masse alors que l’élite bourgeoise s’en sortira toujours via ses établissements réservés et ses séjours à l’étranger ? Comment se fait-il que des syndicats (qui se proclament « de gauche ») persistent à tolérer ce mépris de la culture et de la langue au profit d’un spontanéisme dont on voit depuis trente ans les ravages ? L’étranger social-démocrate, dont les élèves ont de meilleurs scores aux tests identiques et une vie scolaire plus apaisée, est-il un exemple à surtout ne pas suivre, tant la profitude syndicale nationale se croit plus belle de toutes en son miroir ? Il y a là pour moi un mystère, que la lecture de tous les grands classiques ne cesse de réitérer : l’enseignement en France a toujours été néfaste aux grands hommes ; les élèves qui ont le mieux réussi dans le système scolaire ont toujours formé ces vaniteux abstraits, forts de leurs certitudes matheuses et débiles en relations humaines qui hantent nos ministère comme nos industries, les précipitant dans le déclin.

Anatole France, La vie en fleur, 1922, dans Œuvres IV, édition Marie-Claire Banquart, Gallimard Pléiade 1994, 1684 pages, €65.08

Anatole France, La vie en fleur, 1922, format Kindle gratuit, broché €21.04

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Hollande est-il dans l’impasse ?

Pas facile de gouverner, surtout lorsqu’on a été élu sur un malentendu (contre l’histrionisme de Sarkozy) et que l’on est issu d’un parti sectaire, tétanisé par le pouvoir. Il y avait déjà peu d’idées avant, il n’y a plus aujourd’hui aucune idée au parti socialiste : le désir s’est éteint avec l’orgasme. L’agence de notation financière Standard & Poors vient de dégrader la note de la France à double A « seulement ». Piaillements dans le volailler politique !

Le Figaro voit se confirmer que la France suffoque sous le poids de sa fiscalité, tandis que le gouvernement se montre incapable d’engager une réduction des dépenses publiques. On parle de blocage, toute marge de manœuvre coincée entre impôts et chômage, les deux au maximum du supportable. Jean-François Copé dénonce, c’est de bonne guerre, un « déni ahurissant » du gouvernement. On pointe ailleurs, avec plus de raison, qu’à Marseille et en Bretagne le gouvernement sort le chéquier pour étouffer le mécontentement « au profit de ceux qui se sont montrés les plus bruyants, voire les plus violents » (L’Alsace). Les impôts rentrent moins et les dépenses continuent de filer.

Pour le gouvernement Hollande, la cure est la seule politique possible, réduire le déficit est la seule façon de récupérer des marges entre taux d’emprunts d’ État raisonnables et cohésion sociale. Nous le croyons volontiers – sauf que c’est l’exacte politique menée par le gouvernement Sarkozy en 2011 – qui fut pourtant dénoncée en son temps par Hollande : ignorance de la crise ou mauvaise foi politicienne ? Paul Krugman (prix d’économie 2008 en l’honneur d’Alfred Nobel) célèbre cette version optimiste en trois notes sur son blog : « Je maintiens mon appréciation : S & P n’a pas vraiment évalué le risque de défaut Français, il tape les Français sur les doigts pour ne pas s’être suffisamment engagés à démanteler l’État-providence. » La seule concession de Hollande aux grognements a été de reculer l’échéance de deux ans (et probablement plus). L’erreur du président a probablement été de croire au retour imminent de « la croissance » comme si de rien n’était, avec une inversion assez rapide de la courbe du chômage. Il pensait 2.5% en 2013 et pas 0.2%…

Les ministres ont attaqué le thermomètre, les agences de notation, dont ils dépendent pourtant à cause de l’endettement qu’ils poursuivent. Arnaud Montebourg a, comme d’habitude, jeté « n’importe quoi pourvu que ça mousse » en déclarant tout simplement « n’accorder absolument aucun crédit à ces agences de notation ». Il prouve donc, si la langue française a encore un sens, que la note triple A français ne valait rien auparavant. Donc que les marchés sont bien bêtes de prêter à l’État français à des taux aussi ridiculement bas. L’inverse même de ce que montre Paul Krugman… mais on ne peut pas demander à une grande gueule et néanmoins ministre de connaître quoi que ce soit à l’économie, quand même ! On est en France, pas ailleurs, la politique doit toujours avoir raison, même contre la réalité. Les socialistes ont évidemment recours à la bonne vieille ficelle usée de « la faute à Sarkozy ». Lorsque la violente récession 2009 est survenue, qu’auraient-ils faits, eux, sinon de laisser filer pareillement le déficit ?

Marine Le Pen accuse l’Europe, comme la gauche bobo férue d’économisme (célafôta l’euro, célafôta la concurrence exigée par Bruxelles, célafôta Merkel, célafôta l’Allemagne). Jean-Luc Mélenchon accuse globalement « la finance » (moins il dit ce que c’est concrètement, mieux le complot fonctionne). En bref, c’est la faute à tout le monde (le thermomètre, les concurrents, les partenaires, les institutions, l’argent…) – mais ce ne saurait être la faute ni du socialisme (qui a toujours raison – mais toujours demain), ni des politiques concrètement menées depuis mai 2012 : désigner à la vindicte publique les gagneurs, décourager les innovateurs, insulter les repreneurs, taxer toute production, faire rentrer les impôts où est l’argent – sur les classes moyennes beaucoup et sur les riches très peu – car il y a très peu de riches, Thomas Piketty, pourtant gourou de la gauche bobo férue d’économisme l’avait dit et redit. Même les hochets (retardés) offerts aux entreprises, sont des usines à gaz compliquées et paperassières comme le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi avec son crédit d’impôt différé, et restent soumises au bon vouloir sourcilleux de l’Administration.

Patrick Artus, économiste de gauche rationnel et directeur de la recherche de Natixis, estime que l’agence de notation a eu raison de dégrader la note de la France. Car « compte tenu des perspectives démographiques, du système de retraite et des problèmes de compétitivité, nous ne voyons pas comment nous pourrions dépasser un taux de 1 % » de croissance dans les années à venir. « Plus grave, le déficit structurel de la France est beaucoup plus élevé qu’on le dit, car la crise nous a fait perdre des points de croissance potentielle, -6% dans l’industrie et -8 % dans la construction. » Pour respecter 3,5 % du PIB en déficit budgétaire, « contrairement à ce que dit le gouvernement, l’essentiel de l’effort est devant nous et pas derrière. Il faudra encore augmenter les impôts ou diminuer vraiment les dépenses. » Source ici.

indicateur avance croissance t4 2013 natixis

Alors, que faire ?

Maintenir les impôts, peut-on faire autrement ? mais ne plus les modifier tout le temps ni les augmenter globalement car trop c’est trop. C’est moins le niveau de prélèvement qui compte, que la tendance au toujours plus et à la remise en cause de ce qui existe : pas une semaine qui ne passe sans l’annonce à grand son de trompe (à destination de la seule gauche de la gauche ?) que l’on va taxer et encore taxer, et rétroactivement, rompant le contrat de confiance de l’épargne – dont les entreprises, l’assurance dépendance et les retraites ont pourtant tant besoin ! Le petit peuple se révolte, par texto et sans les syndicats, en « démontant » à la Bové (c’est-à-dire en détruisant) les bornes écotaxe et même les radars, sans parler – pour l’instant – des sous-préfectures. Cet écotaxe était pourtant rationnelle, acceptée aussi bien par la droite que la gauche en son temps – mais seulement par les « représentants » et par les élites. La province et les besogneux en ont assez des bobos écolos et de leur prédation justifiée par un discours hystérique sur le climat, la santé, la catastrophe planétaire. Les écolos français sont loin des écolos allemands – et là aussi, comme en économie, la comparaison est cruelle pour la France. Le seul impôt qu’il est encore possible d’augmenter sans mettre les gens dans la rue, est la TVA « normale » : le Danemark est bien à 25%. Ce serait taxer les importations aussi bien que la production nationale, donc pas si bête ; ce serait laisser à chacun le choix d’acheter des produits chers ou de consommer plus frugalement, puisque ne paye la taxe que qui achète. Mais c’est un tabou à gauche !

Réduire les dépenses publiques, mais c’est là que le bât blesse. Il touche en effet toute cette clientèle captive des élus locaux, des strates administratives, des fonctionnaires d’État et territoriaux, des syndicats et mutuelles qui vivent très bien de la prébende d’État et des monopoles de faits de la représentation, qui profitent des subsides publics de la prévention et de la formation permanente. Pas moins de six niveaux entre la commune et l’Europe : donc six administrations, six producteurs de règles et de paperasses, six délais de décision et d’arbitraire. Réduire la dépense des ministères est déjà largement engagé, on ne peut guère faire plus – sauf à réviser le maquis touffu des lois et réglementations, qui pourraient être simplifiés – et laisser plus l’armée dans les casernes au lieu de la faire intervenir au Mali, voire en Syrie : si l’on veut une politique internationale, il faut en garder les moyens. Réduire la dépense locale est possible à la marge, notamment en embauchant moins de fonctionnaires à vie, mais les collectivités ne peuvent être en déficit de par la loi (fort heureusement !), il y a donc peu de gains à tirer. Le budget de la Sécurité sociale, qui comprend trois branches, maladie, vieillesse, famille, est politiquement sensible mais peut être contenu.

Restent surtout ces réformes ambitieuses promises par le candidat, dont on ne voit toujours pas pointer le bout de la queue : la « Grande réforme fiscale » (qui permettrait de faire payer effectivement ceux qui ont beaucoup et moins ceux qui ont peu), la « Grande réforme des retraites » (à points pour tout le monde, mais au détriment des régimes « spéciaux » privilégiés), la réforme des collectivités territoriales (enterrée pour cause d’élections municipales en 2014 ?), le « choc de compétitivité » (qui ne choque personne tant il est timoré), la mise à plat des aides à l’emploi et à la formation des chômeurs (dont les syndicats ni les patrons ne veulent pas – les premiers parce qu’ils seraient privés de la manne financière de la formation professionnelle qu’ils trustent, les seconds parce qu’ils profitent des effets d’aubaines des embauches de jaunes ou de maintien en emploi des seniors, sans que cela n’influe sur leur politique d’embauche).

L’économie sociale et solidaire, c’est bien, mais ce n’est pas elle qui embauchera de gros bataillons de travailleurs. Le contrat emploi-jeunes permet de faire sortir plusieurs centaines de milliers de mal formés mal éduqués et non vendables des statistiques de Pôle emploi, mais ne leur donnera aucune qualification d’avenir – et fera tache sur leur CV s’ils veulent entrer en entreprise. Je ne suis pas le seul à regretter l’abandon – en rase campagne – de quasiment toutes les promesses raisonnables du candidat. Ne subsistent que les « marqueurs de gauche », dont près des deux-tiers des Français se foutent, selon les sondages, car ils n’ont pas votés POUR la gauche mais CONTRE Sarkozy : mariage gai, imposition à 75%, suppression des peines plancher, retour d’une illégale expulsée, condamnation des clients qui vont aux putes, et autres créations de salles de shoot.

Le président aurait du être aidé par un parti qui se pique de penser, le seul désir en tête, aiguillonné par une majorité parlementaire tant à l’Assemblée qu’au Sénat – mais il n’en est rien. Rien de rien ! Lui-même, Hollande, que fait-il pour relancer l’initiative ? Cet état zéro de la politique, ajouté à l’incessant changement fiscal plus agité que Sarkozy lui-même, désespère l’électorat qui paye toujours plus sans que rien ne change au fond. Dommage que l’opposition soit si indigente, entre un Copé sans idée et un Fillon velléitaire, sans aucune alternative à un improbable retour d’un Sarkozy que tous admirent mais dont aucun ne veut plus.

Peut-on pronostiquer un envol du Front national et de l’Alternative centriste aux prochaines élections européennes ? Un net recul socialiste et écologiste aux municipales de 2014 ? L’heure est sans aucun doute au « sortez les sortants ! »

Sur une idée de Daniel, je publie ci-après la traduction de la troisième des notes publiées par Paul Krugman sur son blog, après le temps de la réflexion (la première, citée plus haut, était à chaud) : Blog qu’il intitule « La conscience d’un libéral » sur http://krugman.blogs.nytimes.com/
9 novembre 2013, 12:43 « Plus de notes sur le France-Bashing »

Tout d’abord: la France a des problèmes. Le chômage est élevé, en particulier parmi les jeunes, de nombreuses petites entreprises luttent, la population est vieillissante (mais pas autant que dans de nombreux autres pays, l’Allemagne plus que les autres y compris.)

Par n’importe par quel bout je la prenne, la France ne semble pas être trop mal par rapport aux normes européennes. Le PIB a récupéré à peu près son niveau d’avant-crise, le déficit budgétaire est assez faible et la dette à moyen terme n’est pas du tout effrayante, les projections budgétaires à long terme sont en fait assez correctes par rapport aux voisins grâce à un taux de natalité plus élevé.

Pourtant, le pays fait l’objet de commentaires injurieux, plus qu’ailleurs. Par exemple The Economist, il y a un an, qui déclare que la France est « La bombe à retardement au cœur de l’Europe». Ou CNN déclarant que la France est en «chute libre».

Ce billet CNN donne effectivement quelques arguments. Il fait valoir que la France est confrontée à un « béant écart de compétitivité » en raison de la hausse des coûts de main-d’œuvre. Hmm. Mais voilà ce que j’observe des chiffres de la Commission européenne comparant la France à la zone euro dans son ensemble : (graphique coûts unitaire du travail 1999-2013, France comparée à zone euro)

Il y a un peu de détérioration, je suppose – mais c’est plus un flottement qu’une chute.

CNN déclare également, « le déclin de la France est mieux illustré par la détérioration rapide de son commerce extérieur. En 1999, la France a vendu environ 7% des exportations mondiales. Aujourd’hui, le chiffre est un peu plus de 3%, baissant rapidement. »

Hmm. Il se trouve que presque tous les pays avancés, les États-Unis évidemment compris, ont une part décroissante des exportations mondiales (l’Allemagne est une exception); le document de recherche de la Fed de New York note que cette baisse est plus ou moins en ligne avec la baisse de la part des économies avancées dans le PIB mondial due à l’essor des nations émergentes, et il décrit la France comme plus ou moins dans les clous.

Encore une fois, il ne s’agit pas de dire que la France est sans problème, la question est pourquoi cette nation modérément agitée attire la dégradation des notes et une rhétorique aussi apocalyptique.

Et la réponse est évidemment politique. Le péché de la France n’est pas un endettement excessif, en particulier la faible croissance, la productivité moche (elle a plus ou moins suivi l’Allemagne depuis 2000), la faible croissance de l’emploi (idem), ou quelque chose comme ça. Son péché est celui d’équilibrer son budget en augmentant les impôts au lieu de sabrer les avantages. Il n’y a aucune preuve qu’il s’agit d’une politique désastreuse – et, en fait, les marchés obligataires ne semblent pas concernés – mais qui a besoin de preuves ? »

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Bonjour chômage

La France avant l’été connaissait selon l’INSEE 10.9% de sa population active au chômage. Soit bien plus que les pays germaniques (Autriche 4.7%, Allemagne 5.3%, Pays-Bas 6.6%, Danemark 6.8%, Suède 7.9%, Finlande 8.4%, Belgique 8.6%), mais tendant plus vers les pays latins du sud, restés archaïques et en retard sur le développement (Italie 12.2%, Croatie 16.5%, Portugal 17.6%, Espagne 26.9%).

La France devient progressivement un pays sous-développé.

emploi 2013 insee

Le taux de chômage des moins de 25 ans est parmi les plus élevés d’Europe (25.7%), et les plus de 50 ans ne sont chômeurs qu’à 7.2% parce que l’âge légal de la retraite est resté plus bas qu’ailleurs et qu’ils peuplent les catégories de travailleurs intermittents hors « sens du BIT » : ne sont pas chômeurs ceux qui travaillent au moins 1 h dans le mois et les auto-entrepreneurs, même s’ils gagnent moins de 3000€ par an.

Le système d’enseignement laisse environ 150 000 jeunes chaque année sans aucune qualification, d’autres avec des diplômes sans valeur sur le marché : 1/4 de tous les étudiants européens en sport (STAPS) ou en psychologie sont en France.

L’évolution des techniques, des métiers et des entreprises oblige plus qu’avant à la mobilité géographique, de métiers et d’employeurs. Or même les jeunes sont peu ouverts aux changements : les trois quarts des 15-30 ans interrogés par Ipsos pour La Gazette des Communes et Le Monde se déclarent intéressés par une carrière dans la fonction publique (sondage 2004 qui n’a guère évolué). Des bassins d’emplois comme l’Ouest, le Nord, la Savoie peinent à recruter.

Côté employeurs, le conformisme cantonne le recrutement au mouton à cinq pattes : 1/ jeune pour n’être 2/ pas trop cher payé, mais 3/ avec expérience pour 4/ être opérationnel tout de suite, et 5/ le meilleur dans sa spécialité bien sûr. Donc une fourchette d’âge entre 30 et 40 ans. Avant, il faudrait le former, après il serait trop exigeant.

La recherche est mal aimée, non seulement de l’État (qui préfère les « trouveurs » aux « chercheurs ») mais aussi des entreprises, guère intéressées par les bac+8, pré-jugés trop « abstraits » (la faute à l’enseignement uniquement théorique de l’université française). Les chercheurs vont donc poursuivre leurs études aux États-Unis, en Suisse, en Allemagne, en Chine. Et l’on manque d’idées pour l’innovation.

Sans parler des pouvoirs publics pour qui le chômage reste une paresse à secouer ou une honte sociale à contenir – voire un toilettage des statistiques par discrètes « radiations administratives ». Malgré quelques efforts, ni la fiscalité, ni les aides réelles à la création d’entreprise, ni la formation des chômeurs, ni l’accompagnement, ne sont sérieusement envisagés. Cela parce que les syndicats n’en font pas leur priorité, peu représentatifs (majoritairement fonction publique) et plus attachés à défendre les avantages acquis des « inclus ». Il fallait voir le fonctionnaire devenu président, le 7 août, déstabilisé par une Madame Michaud de 50 ans engluée dans les contrats aidés depuis des mois. Toute la différence entre les mots et les choses.

Que faire ?

Déjà regarder ce qui se fait ailleurs.

cahuc zylberberg le chomage fatalite ou necessite

Deux économistes, professeurs à l’Université de Paris 1 l’ont fait en 2004. Leur ouvrage est malheureusement toujours d’actualité, parce que les politiciens n’ont quasiment rien foutu depuis 10 ans, malgré de beaux discours. Sauf la fusion ANPE-Assedic, peut-être au mauvais moment où le chômage explosait, mais en tout cas nettement plus efficace en termes de traitement des demandes !

Pierre Cahuc est en outre chargé de cours à l’École Polytechnique, tandis qu’André Zylberberg est aussi directeur de recherches au CNRS. Ils examinent des études concrètes, livrent des faits mesurables, défrichent l’économie quantitative.

Pourquoi le chômage est-il plus élevé en France qu’ailleurs ?

Par ignorance. L’ouvrage commence ainsi : « La méconnaissance de la nature profonde du marché du travail est, en partie, responsable de cette situation ». Le chômage représente la friction nécessaire pour que les particuliers (démission, changement de domicile, retraite) et les entreprises (innovation, pression sur les coûts, concurrence) s’ajustent. Chaque jour voit disparaître 10 000 emplois (7 par minute) il s’en crée au même moment à peu près le même nombre, de façon « sensiblement identique dans tous les pays industrialisés » p.19

Aucun bouc émissaire ne remplace une analyse. Ni la démographie ni l’immigration, ni la bourse ne sont causes du chômage. « Au contraire, ce sont les pays industrialisés, où l’accroissement de la population active est le plus soutenu, qui ont les taux de chômage les plus faibles » p.31 La mondialisation décentralise les emplois sur le long terme mais très peu à court terme car plus de 60% des importations de l’Union européenne proviennent de l’Union européenne. Les licenciements ne sont pas « boursiers » : une étude américaine montre que, sur 28 ans, les 3878 annonces de baisse d’effectifs ont eu pour effet, sur les 1176 entreprises cotées à la bourse de New York, de faire BAISSER leurs cours et non pas de les faire monter. « Cette constatation signifie simplement que les entreprises qui font appel à des procédures de licenciement collectif ont, en moyenne, de moins bonnes perspectives de profit que les autres. » p.37 Une faible croissance ne cause pas mécaniquement du chômage, ce sont plutôt les différences d’organisation des marchés du travail en termes de réglementation, d’aide au retour à l’emploi, de taxes sur les salaires et de formation.

Collectiviser l’économie est régressif selon l’économiste indien Amartya Sen (cité p.41), prix de la Banque de Suède 1998 (dit ‘Nobel’) : « Nous avons de bonnes raisons d’acheter, de vendre, d’échanger et de conduire notre vie sur un mode qui exige l’existence de transactions. Un déni de liberté sur ce terrain constituerait, en soi, un grave échec pour la société. » Partager le travail est une idée « fausse » p.46, « l’impact de la réduction du temps de travail sur l’emploi dépend de la manière dont elle affecte la compétitivité des entreprises » p.61. « L’expérience allemande de partage du travail (entre 1984 et 1994) a permis à ceux qui ont conservé leur emploi de bénéficier d’horaires moindres sans perte de salaire, mais n’a PAS contribué à faire baisser le chômage. » p.63

Créer des emplois publics aidés n’insère pas les jeunes dans le privé. En Suède, « comparée à la moyenne des parcours des simples chômeurs n’ayant participé à aucun programme, les chances de retour vers un emploi non aidé sont sensiblement plus faibles, tout au long des 5 années de suivi, pour les personnes ayant bénéficié d’un emploi temporaire dans le secteur public. » p.181 En France, la DARES montre que le contrat emploi-solidarité « diminue les chances de retour vers l’emploi régulier de celui qui en bénéficie de 8 points de pourcentage. » p.186 Les études montrent qu’il vaut mieux vaut subventionner directement l’emploi privé.

La fiscalité a des effets pervers. « Une hausse des taux d’imposition des revenus les plus élevés modifie les comportements des personnes percevant ces revenus. (Elles) paient moins d’impôts lorsque le taux d’imposition augmente, ce qui signifie qu’elles diminuent leurs activités ou qu’elles en délocalisent une partie. » p.104 Comme les footballeurs européens qui vont exercer dans d’autres clubs ou les mannequins ’résidant’ à Londres.

Les aides aux chômeurs ne sont utiles que si elles sont organisées. « Comparée à d’autres pays, la France se situe dans le peloton de tête pour les aides à l’emploi (public et privé). Selon l’OCDE, ces aides s’élèvent à 1,04% du PIB pour l’année 2000. (…) La Suède ne dépense que 0,6% de son PIB en aides à l’emploi en 2000, alors qu’en 1994 elle en dépensait 1,91% » p.177 Mais la Suède est devenue bien plus efficace. Car « si les services publics de l’emploi ne remplissent pas leur part du contrat qui consiste à fournir une aide réelle au chômeur, et se contentent simplement de les contrôler, le système perd alors toute efficacité » p.120

Quelles sont les mesures pratiques qui pourraient être prises ?

Évaluer : « Il n’existe aucune instance indépendante, dotée de moyens suffisants pour évaluer l’intervention des pouvoirs publics sur le marché du travail. » p.13

Alléger les charges sur les bas salaires « crée beaucoup d’emplois. Il en résulte de nouvelles rentrées fiscales et des économies au titre des allocations chômage et des minima sociaux. » p.78

Simplifier la prime au retour à l’emploi. Elle a marché au Canada mais son adaptation française illustre le trop peu, trop tard. « Tout d’abord, la loi et le barème sont effroyablement complexes » p.99 « Les montants maximaux de la prime sont aussi très modestes. » « Le PPE distribue peu d’argent, mais à beaucoup de monde. Ce qui fait qu’en définitive son coût est très élevé. » p.100

Inciter à la bonne pratique plutôt que protéger à tout prix l’emploi. La protection « modifie les politiques de recrutement et de licenciement des entreprises sans influencer significativement le nombre de postes de travail dont les entreprises ont besoin. Son impact essentiel consiste finalement à répartir les risques de façon très inégalitaire. La législation actuelle (française) protège les emplois des salariés dotés d’une certaine ancienneté, mais pousse les entreprises à utiliser abondamment les contrats à durée limitée. Elle accentue ainsi la segmentation du marché du travail entre, d’une part des salariés protégés ayant accès à des emplois stables et, d’autre part, des salariés contraints d’accepter des contrats à durée limitée et des chômeurs ayant, en moyenne, peu de chances de retrouver du travail rapidement. » p.139 « Un mécanisme de bonus-malus, dans lequel le taux de cotisation à l’assurance chômage d’une entreprise augmente avec le nombre de licenciements auxquels elle a procédé, permet de limiter les destructions d’emplois inefficaces. » Cela n’a pas été tenté en France. Et pourtant, « un tel système joue un rôle central dans le financement de l’assurance chômage aux États-Unis » p.143

La formation est d’autant plus efficace qu’elle se fait tôt, dès l’école maternelle, afin de socialiser les enfants dans de bonnes conditions. La formation des ados est d’autant plus valorisante qu’elle est plus pratique, favorisant les comportements de recherche, de curiosité, d’expériences, de travail en équipe – le contraire même de l’abstraction pontifiante des profs àlafrançaise. La formation des adultes n’est utile pour retrouver un emploi que si elle est proche de leur savoir acquis. Une complète reconversion n’apparaît pas « rentable » au sens économique.

Les auteurs n’abordent le chômage que sous l’angle de l’économie empirique : comment il naît, ce qui le fait durer en France, et les solutions ailleurs qui donnent des résultats. Le livre n’aborde pas l’aspect personnel et social du chômage, la solitude, le sentiment d’abandon, d’inutilité collective. Cet aspect non-économique est aussi la vérité du chômage.

Pierre Cahuc & André Zylberberg, Le chômage fatalité ou nécessité ? 2004 Flammarion, 197 pages, €7.79

INSEE comparaison chômage euro, Europe, Monde

INSEE la précarité des sans-diplômes

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Hollande aura-t-il raison sur le chômage ?

Inverser la courbe du chômage « d’ici la fin de l’année » (voire, dans ses derniers propos, en février ou mars 2014) est-ce réaliste ? Ah, mais « c’est la différence entre la prévision et la volonté », a ajouté le président. C’est confondre volonté et discours. Avoir la volonté de faire le maximum contre le chômage est une bonne chose ; affirmer que c’est fait, que la réussite est prévisible à horizon de 6 à 8 mois en est une autre. Ce n’est pas en disant les choses qu’on les règle. Cette communication « performative » a été suffisamment reprochée à Nicolas Sarkozy par la gauche ! A moins d’embaucher de quasi-fonctionnaires sans le dire, des « emplois aidés » invendables sur le marché du travail et qui revendiqueront dans quelques années « le droit » d’être régularisés dans la fonction publique ? Le problème Hollande est qu’il attend la croissance – et que ladite croissance ne reviendra pas au rythme nécessaire à la dépense publique traditionnelle…

La mondialisation et l’Internet sont passés par là :

Les frontières ne sont plus fermées, ni les citoyens dans l’entre-soi : nous avons signé plusieurs traités successifs d’Union européenne, nous sommes intégrés dans l’Organisation mondiale du commerce, partenaires du G8 et du FMI. Oui, la mondialisation n’est pas que pour les autres, les échanges de marchandises ne sont pas les seuls, mais aussi les échanges culturels, étudiants, touristiques. Nous savons désormais grâce à Internet et aux réseaux sociaux instantanés que certains voisins vivent mieux que nous avec un chômage plus bas, un État moins gros, une ponction moindre sur les salaires, des impôts moins lourds et des services publics souvent meilleurs (l’éducation, la justice, l’emploi). Il nous faut reconnaître que sur le chômage comme sur d’autres points, l’État-nation n’est plus capable, l’État-providence n’a plus les moyens, et que dire « je veux donc c’est fait » devient ridicule.

cout du travail compare europe 2013

L’impératif est de créer de la valeur non en fermant ses frontières ou en maintenant des activités à faible valeur ajoutée mais en occupant une place stratégique pour obtenir la plus forte valeur ajoutée. Ce qui exige une adaptation permanente et une culture du compromis qui manque en France – à l’inverse de la social-démocratie allemande, scandinave, suisse ou anglaise.

cout du travail compare europe 2013 tableau

La démagogie du tout-politique :

La France souffre de l’héritage politique de la Révolution qui garde une méfiance profonde envers tout intermédiaire entre l’État et le peuple. Or le compromis entre le travail et capital est aujourd’hui plus difficile en raison de l’avènement d’une économie ouverte et d’une mobilité du capital qui donne un pouvoir de négociation face aux salariés plus fort, surtout lorsqu’ils sont peu qualifiés.

preference francaise pour le chomage denis olivennes le debat novembre 1994

Denis Olivennes en 1994 (il y a presque 20 ans !) dénonçait déjà La préférence française pour le chômage dans une note de la Fondation Saint-Simon reprise en article dans la revue Le Débat n°82. « Avant d’être un problème, le chômage est une solution. Comme l’inflation hier, il a permis, au cours des dernières décennies, de contourner les questions aussi importantes que celle du partage optimal entre revenu et emploi qui, prise frontalement, menaçait de révolter le corps central de la société : les actifs occupés ». Les gouvernements de droite comme de gauche ont donc choisi la facilité électoraliste : salaires élevés via le SMIC, pour des cotisations sociales élevées qui permettent de redistribuer et d’assister les chômeurs. Ce consensus politico-syndical devient aujourd’hui plus fragile car la crise ne permet plus d’augmenter beaucoup les salaires, tandis que les prestations mal contrôlées se dispersent et que le Budget de l’État est en grave déficit.

Comme le notait déjà Olivennes : « En réalité, la croissance de nos salaires réels est moins imputable à la rémunération directe des salariés qu’à l’augmentation continue des charges sociales incorporées dans le coût du travail ». De fait, quand le patron paye 1000 en Suisse et en France, le salarié suisse touche 65% nets sur sa fiche de paie tandis que le salarié français ne touche que 48% nets. Sans compter les impôts et la TVA… En 1981, les prestations sociales représentaient en France 25%, mais 31,3% en 2009. Elles ont augmenté plus vite que le PIB, surtout les années de hausse du chômage : c’est donc bien une reprise de la croissance qui allègera les charges. Encore faut-il s’en donner les moyens.

emploi et valeur ajoutee 1980 2011

Compétitivité :

Le rapport présenté à la Conférence nationale de l’industrie en février 2012 (dit rapport Gallois) sur Les déterminants de la compétitivité de l’industrie française estime que « si les salaires horaires dans l’industrie sont actuellement équivalents en France et en Allemagne, ils ont progressé beaucoup moins vite outre-Rhin ces dernières années. Le niveau de charges sociales par rapport au salaire est en France supérieur de plus de quinze points à celui constaté en Allemagne ». « En outre, la part patronale des cotisations est plus forte en France : 2/3 des cotisations, contre 1/2 en Allemagne ». Il préconise de « décharger d’abord le travail dans l’entreprise du poids du financement d’une partie des prestations sociales, notamment celles de solidarité. » Pour Christian de Boissieu, professeur d’économie  à Paris I et membre du collège de l’Autorité des marchés financiers, « la perte de la compétitivité-prix de la France par rapport à celle de l’Allemagne au cours des années 2000 s’explique à la fois par l’évolution des coûts salariaux par celle des gains de productivité ».

Productivité du travail :

La France est bien classée en termes de productivité du travail (parce que les jeunes et les seniors sont exclus majoritairement de l’emploi), mais pas en gains de productivité (la robotisation est faible dans l’industrie, l’informatisation a été tardive dans les services et le travail reste trop hiérarchisé). Dans les pays où l’on travaille plus, le marché du travail accueille des personnes dont la productivité est plus faible. Les États-Unis ont une productivité comparable à celle de la France mais, en situation économique normale, même les personnes dont la productivité est faible occupent un emploi – pas en France !

En Italie, Espagne, Royaume-Uni ou l’Allemagne, quand le chômage augmente la croissance des salaires ralentit rapidement – alors qu’on observe le contraire en France. Le salaire ne réagit ni à la compétitivité, ni à la profitabilité, ni au chômage. Deux raisons : 1/ l’évolution du SMIC ne suit pas la conjoncture mais les prix ; 2/ Les syndicats ne représentent que les seuls salariés qui ont un travail dans l’entreprise – et non les chômeurs ; ils sont de plus majoritairement composés salariés de la fonction publique, non concernée par le chômage. Pour les Allemands, l’emploi et le pouvoir d’achat dépendent de la santé, de la pérennité de l’entreprise et de sa compétitivité – pas en France où la surenchère idéologique attise un climat de guerre civile entre « patrons » et « prolétaires ». Les syndicats de travailleurs allemands, majoritairement du privé, sont bien meilleurs critique de la réalité et donc mieux aptes à négocier.

interactions competitivite productivite marche du travail

Effet des 35 heures :

Le SMIC français a notamment progressé sous l’effet des 35 heures. Il s’est agi d’un choc de compétitivité négatif : les salariés travaillent moins, avec un mécanisme de compensation financé par le budget de l’État mais supporté à la fin par les entreprises. La France est donc l’un des pays de l’OCDE où le prix du travail dès le salaire minimum est le plus élevé (environ 80 % de plus que la moyenne). Dans un Rapport d’information de l’assemblée nationale le 27 mars 2013 rédigé par la mission d’information sur les coûts de production en France et présenté par Daniel Goldberg, Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo soulignent que « la France a fait le choix d’un salaire minimum élevé progressant plus vite que les gains de productivité. Ce choix est en partie le résultat d’une protection sociale qui fait assumer à la politique salariale une partie du rôle normalement dévolu à la politique de redistribution. » Cette politique a désormais un coût d’environ un point de PIB chaque année.

Les récurrentes questions d’évitement :

La politique européenne de réduction des déficits publics dite « d’austérité » n’est pas le déterminant principal du chômage : même dans les années fastes, la France a toujours gardé un niveau de chômage plus élevé que ses voisins. En 1995 déjà, Denis Olivennes dans un autre article du Débat (n°85) renvoyait à leur ineptie théorique les critiques qui incriminaient la faute des autres : à l’époque les taux d’intérêt trop élevés qui restreignent le crédit, l’arrimage du franc au deutsche mark donc la force de la monnaie. « Aurait-on si vite oublié les piètres résultats de l’autre politique en économie ouverte et changes flexibles ? En 1980, le taux de chômage en France était de 6.3%. Quatre ans et quelques dévaluations plus tard, il était de 9.7%. » Mais la démagogie répète inlassablement les mêmes arguments, reprenant inlassablement les mêmes boucs émissaires, refusant inlassablement d’examiner ce qu’elle considère comme tabou. D’où leurs yakas : taxer les actionnaires, forcer les entreprises à financer la retraite à 60 ans.

Or en France la distribution des dividendes partait de très bas, puisqu’elle représentait deux points de valeur ajoutée lors du premier choc pétrolier ; malgré la progression de la rémunération des actionnaires, elle reste cependant près de 10 points inférieure à ce qu’elle est en Allemagne. Le rapport entre les montants distribués et les fonds propres des entreprises n’a pas beaucoup évolué. Ce n’est donc PAS la politique envers les actionnaires qui pénalise l’investissement – mais l’absence de débouchés en France et en Europe qui empêchent d’y investir.

Les Français vivant longtemps mais partant plus tôt à la retraite, la France est l’un des pays qui finance le PLUS grand nombre d’années à partir de l’âge de la retraite, ce qui fait peser un poids très important sur la collectivité. D’où la nécessité d’avoir plus de personnes en emploi.

La fausse bonne idée, les emplois aidés d’État :

Barbare Sianesi, cité par Pierre Cahuc & André Zylberberg, Le chômage fatalité ou nécessité ? a étudié le modèle suédois et, parmi les mesures tentées, les créations d’emplois non permanents dans le secteur public. Elle « trouve que, comparée à la moyenne des parcours des simples chômeurs n’ayant participé à aucun programme, les chances de retour vers un emploi « régulier » (un emploi non aidé) sont sensiblement plus faibles, tout au long des 5 années de suivi, pour les personnes ayant bénéficié d’un emploi temporaire dans le secteur public » p.181. Ces emplois n’augmentent pas les capacités de ceux qui les suivent et envoient un mauvais signal aux employeurs.

Mieux vaut subventionner directement l’emploi privé, ce que l’étude montre être la mesure la plus efficace dans la pratique. « La législation actuelle (française) protège les emplois des salariés dotés d’une certaine ancienneté, mais pousse les entreprises à utiliser abondamment les contrats à durée limitée. Elle accentue ainsi la segmentation du marché du travail entre, d’une part des salariés protégés ayant accès à des emplois stables et, d’autre part, des salariés contraints d’accepter des contrats à durée limitée et des chômeurs ayant, en moyenne, peu de chances de retrouver du travail rapidement » p.139.

C’est malheureusement ce qu’envisage Hollande avec les quelques 540 000 emplois « aidés », emplois jeunes, contrats de génération et sortie des statistiques de 30 000 chômeurs envoyés en formation. Toujours les vieilles ornières du clientélisme d’État à fins électoralistes, plutôt que de redonner de l’initiative aux partenaires salariés et créateurs d’entreprise en allégeant la ponction fiscale et sociale…

Les mesures testées ailleurs :

Exonérer de charges les bas salaires – donc transférer le financement de ces charges sur d’autres prélèvements fiscaux (TVA, CSG…). C’est tout juste entrepris, mais sans certitude que le surplus n’entre pas dans le Budget général.

Revoir la logique aveugle de redistribution égalitaire – mais inéquitable – de l’État-providence. C’est ce que tente Hollande en touchant aux allocations familiales et à la formation professionnelle.

Organiser une véritable cogestion de la négociation salariale à partir des gains de productivité attendus. C’est que qui s’est fait chez Renault et qui se tente chez Peugeot ou Michelin – malgré les syndicats les plus rigides. Quant à la SNCM, déjà pas rentable quand le problème s’est posé, la situation ne s’est pas améliorée et les syndicats ne veulent rien savoir.

Réviser la durée du travail dans une vie qui s’allonge, donc cotiser plus longtemps avant de toucher des prestations, plutôt que de rogner sur les retraites versées. La conférence sociale le dira.

Côté puissance publique, son rôle n’est plus de prescrire mais d’intégrer. L’emploi est partie d’une politique globale : industrielle, fiscale, éducative, internationale. Il faut donc :

  • favoriser l’investissement (et cesser d’insulter les étrangers qui veulent acheter des entreprises françaises ou les actionnaires qui mettent leur épargne),
  • négocier les délocalisations (et cesser d’insulter Peugeot qui a conservé pour son malheur plus d’emplois en France que Renault),
  • organiser des filières d’innovation (et ne pas refuser a priori la vente de Dailymotion par une France télécom qui n’en a jusqu’ici rien à faire),
  • aider les PME qui font plus de la moitié de l’emploi industriel (sans les décourager par des taxes tout de suite et un crédit d’impôt plus tard, illisible et trop complexe),
  • aider l’innovation et les créateurs d’entreprise (au lieu de taxer la revente au taux confiscatoire),
  • favoriser l’auto-entreprise puisque Pôle emploi ne peut rien (et ne pas s’empresser de restreindre et taxer ce qui commençait tout juste à marcher).

Il y a, chez François Hollande, ce mixte de socialisme du possible (mais sans les syndicats adéquats ni les partis alliés favorables) et de pensée magique (comparable au storytelling Sarkozy) qui mécontente à la fois la droite et la gauche, tout en prenant trop de temps sur le temps. De quoi avancer, mais trop peu et trop tard, sans projet clair, tout en louvoiements tactiques politiciens.

2013 previsions chomage insee

Aura-t-il raison sur le chômage ? C’est peu probable. S’il a raison, il n’aura rien réglé sur le fond, seulement reculé l’échéance par de la dépense publique en croissance durablement faible ; s’il a tort, il se déconsidérera un peu plus. De quoi jouer perdant-perdant.

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