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Michel Tournier, Des clés et des serrures

michel tournier des cles et des serrures

Je vous parle d’un livre qui aujourd’hui n’existe pas. Les proses ont été reprises dans Petites proses et autres recueils de texticules, les images ont rejoint leurs auteurs respectifs et ayants-droits. C’est pourquoi cette coédition photographique et littéraire a été passagère ; elle n’a eu lieu qu’une fois.

Michel Tournier s’inspire de photos pour écrire ses textes. Il médite sur l’image en quarante leçons, comme quarante vols d’idées figées par l’argentique. Car toutes les photos sont en noir et blanc, la seule teinte qui fasse « vrai » pour un vrai photographe. Or Tournier avait la photo pour passion, son œil compose l’image comme un vitrail et appose les lumières comme en studio.

Penser avec le regard est une façon de penser. Bien plus que légender une photo, bien mieux que commenter une vue, l’image élargit ou enchante. Elle est complément ou contrepoint. Elle appuie ou diffracte.

michel tournier des cles et des serrures athlete

Ce pourquoi j’aime, en ce blog, allier l’image au texte moi aussi. Sauf que chez moi le texte est premier et que l’image vient en soutien ou en contradiction. L’association des deux vise à faire penser. Au-delà des mots et des reproductions, par le choc ou l’accompagnement.

Une soixantaine de photos pour une quarantaine de textes, Michel Tournier rend hommage à sa passion. Celle de voyeur.

Passion éphémère puisque le livre n’est plus accessible que de seconde main. Il a peu de chances d’être réédité tant les ayants-droits inhibent toute initiative. Il montre cependant de l’auteur une face peu connue, il donne à la littérature un prolongement imagé. La lecture ‘un tel livre n’est pas celle des seuls textes et c’est ce qui fait son prix.

Michel Tournier, Des clés et des serrures – images et proses, 1979, éditions Chêne/Hachette, 197 pages, €15.00 occasion

Les œuvres de Michel Tournier chroniquées sur ce blog

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Régression fondamentaliste

Réchauffement du climat, manger bio comme « avant », se soigner par les plantes de grand-mère, des tests ADN pour savoir qui descend de qui, principe de précaution sanctuarisé dans la Constitution, théories du Complot florissantes, retour aux valeurs « morales », renaissance du religieux, islamisme conquérant du VIIe siècle, quête de l’authentique, repli sur la famille, mariage « pour tous » (c’est la nature ?) – il me semble que, dans l’air du temps, tout cela soit apparenté. J’appellerai ce mouvement la recherche du fondamental. Le socle fantasmé comme un refuge, une plaque solide dans ces sables mouvants du global qui va trop vite. J’y vois en réalité une régression due à la peur, l’enfermement dans l’entre-soi, le cocon fœtal.

Tout se passe comme si, sur une mer qui se creuse, les passagers préféraient s’arrimer au bateau plutôt qu’utiliser leur savoir-faire marin pour tenir la barre, sentir le vent et régler les voiles. Ils restent passifs, ancrés dans leur identité mythique et leurs façons de faire ancestrales au lieu d’être actifs, de prendre leur destin en main avec ce qu’ils sont et ce qu’ils savent, les outils d’aujourd’hui. L’époque est au repli, à la méfiance, aux repentirs. Aux retours à…

Les sociétés jeunes sont emplies d’énergie, elles vivent le présent avec indulgence et regardent l’avenir avec optimisme ; le passé n’est pour elles qu’un acquis sur lequel bâtir du neuf, la transmission est tout : aux jeunes d’adapter le passé. A l’inverse, les sociétés vieilles sont fatiguées, elles subissent le présent avec aigreur et tout changement comme une agression, regardant l’avenir avec noirceur ; le passé est pour elles un asile, un « âge d’or » regretté (et fantasmé). Si les années post-68 ont eu leur lot d’infantilisme et de dérives anarchiques, elles avaient au moins le mérite d’un optimisme à tout crin, même pendant l’horrible guerre du Vietnam, même après les deux crises du pétrole. Qu’est-ce qui a cassé ?

hokusai la vague

Probablement l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 qui a cassé le rêve avec la rigueur dès 1982, le SIDA qui a douché les ardeurs polysexuelles dès 1984, plus largement le vieillissement démographique et, depuis 2005 environ, le réveil agressif des sectes de l’islam. N’évacuons pas quand même la politique : quand les politiciens sont incolores et abouliques, les citoyens ne se sentent plus gouvernés (Chirac, Hollande…).

Si le mouvement de moindre optimisme est général dans les sociétés occidentales, plus que les autres la France est touchée. Certes, l’ouverture du monde après la chute du mur de Berlin, la conversion chinoise au capitalisme et la réémergence des États-Unis comme puissance mondiale, ont relativisé la place d’un pays moyen comme la France. Puissance militaire faible faute de crédits, en croissance molle faute de réformes, au budget en déficit systématique pour cause de vieillissement, avec un État de plus en plus impuissant par inertie bureaucratique et empilement de petits pouvoirs, la France a été touchée en pire.

Les Français ne se font pas confiance entre eux comme le montrent Yann Algan en économie, Pierre Rosanvallon en politique, Anne Chanon pour les partenaires sociaux, Michela Marziano pour la société et Capet-Delavallade pour l’information (voir références en fin de note). Ils n’ont pas confiance en leurs hommes politiques, ni en leurs journalistes, ni en leur justice ; ils n’ont confiance ni dans l’économie, ni dans la pharmacie, ni même en la science. « On » leur cache des choses, « on » veut les arnaquer, les dominer, les empoisonner. Ont-ils confiance en eux-mêmes ? Même pas, montrent les sondages. Donc ils régressent. Ils se réfugient dans les bras de maman au passé, les remèdes de grand-mère, l’autorité du grand-père, le souvenir (glorieux ?) de la guerre de 14 ou de l’indignation de 40 (malgré le TRÈS faible nombre de résistants…)

De quand date ce divorce croissant entre les citoyens et l’État, les salariés et les patrons, le secteur privé et les fonctionnaires ? Des années 1980 selon Yann Algan, mais déjà après 1945, précise-t-il. Il y voit la trace de la lâcheté des élites en 1940 et des dénonciations de clochers durant l’Occupation – où l’égoïsme s’appelait « marché noir ». Mais l’après 1945 voit aussi cette socialisation corporatiste de la société française qui dresse « ayant droits » contre « exclus » pour un peu tout : sécurité sociale, chômage, accès syndical à certains métiers (ex. le Livre, les dockers), niches fiscales, statuts protégés, privilèges. La France « classes contre classes » est le pays occidental où la fraude est considérée comme moins « immorale » qu’ailleurs – où le gauchisme, « cette maladie infantile », fait le plus recette, où l’écologie politique est la plus immature, la plus courte-vue, la plus arriviste. Le Français est celui qui se méfie le plus des autres.

Dans une société de défiance, le pays est une jungle et l’homme un loup pour l’homme. D’où ces comportements de clans, cette société de cour autour des « célèbres » (qu’ils soient politiciens, footeux, histrions de média ou acteurs-chanteurs-fêtards) ; d’où surtout ce repli sur la cellule familiale et ces ‘Tanguy’ attardés. La crainte envers tout ce qui change, tout ce qui vient d’ailleurs, tout ce qui est dit par un quelconque pouvoir, tout ce qui n’est pas reconnaissable, engendre angoisse et comportement de fuite. On réclame des lois, du flic, du contrôle.

On exige que le maïs soit racialement pur et pas manipulé et que le porc soit bio (mais en gardant les prix les plus bas), que les sans-papiers soient analysés ADN parce que les faux-papiers circulent trop facilement (mais en glorifiant les Droits de l’homme), que les radicalisés soient exclus de la nationalité et fusillés en Syrie  et en Libye par les forces spéciales (mais qu’on « respecte » les différences), que l’économie soit contrôlée parce qu’elle va « dans le mur » ou « de crise en crise » (mais sans toucher au SMIC, ni aux 35h, ni à l’âge de la retraite, et sans baisse des salaires ni impôts en plus)… Comme si l’avenir n’était jamais autre chose qu’un « pari », comme si tout pari n’exigeait pas un minimum de confiance en soi, donc d’oser être responsable. Après tout, mettre au monde un enfant, accueillir un hôte, planter de quoi se nourrir, investir des capitaux : qu’est-ce donc d’autre qu’un défi à l’avenir ? Il faut avoir la foi en sa propre énergie pour supporter de voir croître et s’épanouir un être, une plante, une idée.

liberte fenetre ouverte

Il semble que les Français n’aient plus cette foi en eux-mêmes, plus de ressort. Leur énergie vitale disparaît, leurs comportements sont ceux de vieux, avec ces remugles des années 30 qui remontent même à gauche : chez Bové l’antimoderne, adepte de la pureté génétique des maïs ; chez Le Foll et les lefollistes qui crient aux chambres à gaz quand on prononce le mot « détail » ; chez les agités de l’extrême Mélenchon qui font de Che Guevara le néo-Christ pur et sans tache d’une révolution sans cesse à venir – alors qu’elle est bel et bien venue cette révolution à Cuba, et qu’on voit très bien ce qu’elle a donné ; chez les sectaires religieux pour qui il faut revenir à la Lettre et se garder de tout, réfugiés en ghettos haineux poussés à la violence ou au suicide camouflé en « martyre » ; chez les parents déboussolés qui en reviennent aux bonnes vieilles méthodes et réclament le b-a ba pour la lecture et la pension disciplinaire pour les ados. A quand le retour du fouet ? de la peine de mort ? des frontières sûres et surveillées ? du petit franc manipulable à merci ? des gazogènes ? de la miss France 1960 dépucelée à l’arrière d’une Dauphine ?

miss france 1960 en 2014

Repentez-vous d’avoir colonisé il y a trois générations ; repentez-vous d’appartenir à une civilisation qui valorise la liberté et l’égalité des sexes alors que d’autres ont « le droit » d’être différents (et de nous l’imposer) ; repentez-vous d’avoir « exploité la nature » depuis le néolithique ; repentez-vous d’être vous – Français minables intoxiqués d’État – dans un monde qui valorise l’initiative, l’originalité, l’individu ! Dans la confusion ambiante, les fondamentalismes de tous bords semblent avoir de beaux jours devant eux : le religieux, l’idéologique, l’écologique.

Alors que l’identité n’est pas honteuse, elle doit « servir » plutôt qu’être un ghetto. Rejeter l’identité, c’est se rejeter soi, se haïr au profit du vide que n’importe quoi pourra remplir. La défiance envers les semblables ne serait-il pas manque de confiance en soi ? Le repentir une fin de vie ?

Les syndicats ne sont pas représentatifs, les partis ne reflètent que les ego surdimensionnés de leur leader, les élus promettent tout ce qu’ils n’ont aucune intention de tenir, l’Union européenne avance sans que nul ne la contrôle, l’islamisme convertit à tour de bras les faiblards tandis que les Juifs sont laissés à « leurs responsabilités » et les Chrétiens moqués comme ringards. On ne peut faire confiance ni à l’idéalisme de gauche, ni aux intérêts trop bien compris de droite, ni même à “la pensée gros bras” des agriculteurs-taxis-zadistes écolos-No Borders.

La base est la confiance, or qui sont les politiciens aptes à donner confiance ? Sans confiance, impossible de décorporatiser la société française, ni de faire la pédagogie de nos atout réels dans la globalisation.

Tout fondamentalisme est un obscurantisme, une attitude réactionnaire qui vise à revenir à la lettre, aux origines, au fondamental, à l’essence. Le contraire absolu de l’émancipation des Lumières qui vise à libérer l’individu de ses déterminismes biologiques, familiaux, sociaux, claniques, raciaux, religieux et j’en passe. Chacun dans sa case, décrète le fondamentaliste, convertissez-vous ou l’on vous anéantit ! A la religion, au socialisme, à l’ultra-libéralisme, à la vision allemande de la dette, aux zones humides et autres paradis à bestioles. Autisme agressif, refus d’écouter l’autre, la force comme seule valeur.

TOUS les idéologues agissent de même, les frondeurs, la gauche morale, la droite vertueuse, le retour de l’ex-président, les gestatrices pour autrui, les casseurs anti-droit, les sans-frontières, les élèves qui refusent l’histoire, les niqab qui refusent le visage, « la direction » d’Air-France et les « salariés en colère » – tous sont aussi bornés, aussi abêtis par leur « bon-droit » ou leur « mission ». Toute critique à leur encontre est assimilée à une maladie mentale ou à un complot.

Comment voulez-vous avancer dans ce cas ? Analyser, négocier, proposer ? Si le dilemme est le tout ou rien, le résultat est le plus souvent rien.

Faute de confiance, faute de culture, faute de raison.

Yann Algan, La société de défiance, Livre de poche 2013, €5.60
Pierre Rosanvallon, La contre-démocratie : la politique à l’âge de la défiance, e-book format Kindle, €14.99
Anne Chanon, L’entreprise à l’ère de la défiance : de l’intérêt du dialogue sociétal, 2012, L’Harmattan, 372 pages, €38.00
Michela Marzano, Le contrat de défiance, 2010 Grasset, 320 pages, €19.30
Philippe Capet et Thomas Delavallade, L’évaluation de l’information : confiance et défiance, 2013, Hermès Science Publication, €79.00

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Élections : le cave se rebiffe

Ce n’est pas en soi « la gauche » qui a été rejetée par les électeurs ces deux dimanches de municipales, ni vraiment « le président » ou peut-être « sa politique » – c’est bel et bien le socialisme à la française et l’indigence de son parti.

Le socialiste est trop souvent content de soi, sûr de son bon droit « progressiste », animé d’une foi aveugle en sa « mission » d’émancipation des Lumières et d’égalitarisme révolutionnaire féministe. Comme tous les croyants, il n’écoute pas ; comme tous les prêtres d’une quelconque religion, il est sûr de détenir le vrai, donc de savoir mieux que « le peuple » ce qui est bon pour lui. Aujourd’hui comme hier, « le peuple » infantilisé, méprisé, ignoré se venge : il vote avec ses pieds. Hier contre le socialisme de l’Est lorsque le mur de Berlin est tombé, aujourd’hui contre le socialisme municipal, cette exception française qui a façonné le parti.

francois hollande rit

Missionnaire, le socialiste remplace le peuple par l’image idéale qu’il s’en fait : celle du troupeau sous la houlette de son berger, des poules en poulaillers protégées du « renard » par l’État fermier, pater familias macho, autoritaire et propriétaire. Mais l’État ne remplit plus ses promesses, ayant trop promis et trop prélevé, désormais obèse des structures empilées et impuissant de moyens essoufflés. Malgré les impôts en hausse pour tous, y compris pour les plus modestes, y compris sur les mutuelles santé, le déficit (4,3% du PIB) et la dette publique (93,5% du PIB) continuent de croître, dépassant l’objectif que s’était même fixé le gouvernement pour 2013. A quoi bon payer toujours plus, si c’est pour le gouffre de la gabegie administrative et des ayants-droits qui sont toujours les autres ?

Aucun électorat n’est captif, pas plus celui des prolétaires que celui des Français issus d’immigrés, pas même celui des profs… A trop caqueter contre le renard fantasmé de la finance tout en se couchant devant les puissances réelles qui font marcher l’économie et assurent les fins de mois de l’État, on perd son crédit. A trop valoriser les comportements marginaux sans prendre en compte la sensibilité populaire sur le fondement social de la famille et des enfants (plafonnement des allocations, mariage gai et lesbien, théories sur le genre à l’école), les bobos parisiens des ministères ont braqué non seulement la province restée catholique, mais aussi les Français issus de l’immigration sur leurs convictions religieuses, et encore leur volonté d’être conformes et de s’intégrer à une société sûre d’elle-même.

Impuissant à faire encore rêver, le socialisme du terrain croit emporter le peuple dans « le progrès » – sans rien changer dans l’économie. Il est pour ces intellos le nomadisme multiculturel, la redéfinition perpétuelle de soi et le zapping opposé à tout enracinement identitaire au profit d’une valorisation a priori du métissage, d’un antiracisme qui apparaît comme la tare des seuls Blancs, une repentance pathologique. Le Paris d’Hidalgo contre le désert français. Ce que propose le socialisme est, au fond, la haine de soi, l’ouverture aux autres se réduisant à se fondre dans l’ailleurs plutôt que de s’enrichir aux contacts. Le peuple en ses profondeurs refuse cette mentalité d’esclave, unique en Europe.

elections paris hidalgo

Tout se passe comme si le socialisme s’était coulé dans le catholicisme pour reproduire sa religion, son église et son sectarisme moral. Chasser les marchands du temple, encourager à tout quitter pour suivre le maître qui promet le Progrès, déraciner les militants pour leur faire parler toutes les langues et les envoyer partout dans le monde porter les leçons, imposer ce qui doit être pensé, ce qui peut être dit, ce qu’on doit enseigner – certain de sa bonne conscience – il faut écouter ce refrain sans cesse ressassé dans les médias que c’est toujours « de la faute des autres » si la Cité de Dieu n’advient pas. Thierry Pech, directeur de Terra Nova, a le poli sympathique de l’intellectuel modéré mais son discours reste dans la croyance que tout est de la faute à l’euro fort, à la Banque centrale européenne, à Angela Merkel, à « l’austérité » imposée à la dépense publique. Comme s’il suffisait de recommencer comme avant, sous la vieille gauche 1981, à dépenser, augmenter autoritairement les salaires, travailler encore moins que 35 h, réglementer encore plus, donner encore plus de « droits » pour que – miraculeusement – les capitaux affluent, l’investissement reprenne, les entrepreneurs innovent, les emplois fleurissent. Est-ce un hasard si le chômage augmente, si les jeunes bien formés s’expatrient, si le logement s’écroule et que les impôts rentrent moins ? N’est-ce pas plutôt parce que les ministres (depuis 2 ans au pouvoir) ont insulté les entrepreneurs, pigeonné les créateurs, réglementé les bailleurs, taxé la production et un peu plus tout travail ?

Sociologiquement issu des classes populaires en ascension scolaire, fraction de petit-bourgeois ambitionnant d’égaler les grands bourgeois par la méritocratie élective, le parti est devenu de plus en plus hermétique, entre copains intellos qui discutent interminablement et se tirent dans les pattes. L’électeur a du mal à cerner la vision socialiste de la société dans la valse des grandes promesses suivies de petites politiques inverses, dans « les efforts » demandés à tous qu’on ne restitue qu’à quelques-uns : les minorités sexuelles ou ethniques, les grandes entreprises, les syndicats majoritairement composés de fonctionnaires, les mauvais payeurs locatifs et ainsi de suite.

De plus en plus âgés et provenant en large majorité du secteur public, les militants et les élus socialistes ne représentent pas les Français en leur diversité. Non seulement l’électorat socialiste est volatil, mais de larges fraction du peuple ne votent plus ou contre lui, aux extrêmes, surtout à droite. Marine Le Pen a su valoriser l’État-nation autoritaire et protecteur que Sarkozy a incarné un temps mais que le Louis XVI au pouvoir a laissé tomber au prétexte d’être « normal ».

Les exclus des prébendes, les effrayés du monde, les non-intellos se sont vengés dimanche. On peut mépriser le cave, quand on est du Milieu et spécialiste de la fausse monnaie électorale. Mais un jour il se rebiffe…

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Moi, président de la République

Depuis 20 h, ce dimanche soir, nous avons pour cinq ans un nouveau président de la République en France. Vertu des élections libres, précédées de débats démocratiques, que peu de pays au monde permettent (regardez en Syrie, en Russie, en Chine…). 2012 apparaît comme la chronique d’une défaite annoncée, celle de Nicolas Sarkozy, mais c’est maintenant que tout commence pour François Hollande. Car rien n’est fait, le programme du parti Socialiste et des Verts est à mettre à la poubelle de l’histoire tant il rêve – alors que le présent presse : les 18% d’électeurs Le Pen, la dette, les menaces sur l’euro.

Chronique d’une défaite annoncée

Pardon de me citer, je l’avais écrit il y a deux ans en septembre 2010  et même en 2008 avec une comparaison prémonitoire avec le tempérament de Churchill. Au fond, « s’il sait présider, Nicolas Sarkozy ne sait pas gouverner. Il n’a pas compris qu’un président de quinquennat est plus chef d’équipe qu’arbitre gaullien au-dessus des partis ». Le pire ennemi de Nicolas Sarkozy, c’est lui-même. « On le sait bien, Nicolas Sarkozy n’est pas un libéral – pas même une de ces caricatures de gauche pour effrayer les enfants. Nicolas Sarkozy est bonapartiste, interventionniste, oscillant entre néo-conservatisme et néo-colbertisme, entre Guaino et Guéant, ses deux éminences grises. Et, au fond, c’est bien cela le problème : l’image que donne le président Sarkozy ». Rien de bien neuf, cela se voyait déjà durant ses premiers mois de président.

Nicolas Sarkozy a fait une mauvaise campagne. Content de lui, avide qu’on l’aime, il s’est montré sur la défensive, donc agressif. Plutôt que de mettre en avant les points positifs de son bilan (il y en a), il est passé dessus comme s’ils ne comptaient pas. Il a préféré attaquer son adversaire comme en combat de rue, plutôt que d’exercer sa faculté critique et pédagogique. Les poings plus que les mots, il est tout dans l’action, rien dans l’explication. Voyant la France à droite, comme dans les années 30, il a couru derrière Marine et a laissé tomber le centre. Marine va voter blanc (il est vrai qu’il lui serait difficile de voter noir…) et le centre se venge en laissant tomber l’agité.

Ce comportement suicidaire immature a quelque chose de la ‘Fureur de vivre’ : foncer pour compenser l’absence de père, se mesurer au couteau pour prouver sa virilité, tout au présent, sans histoire (déniée parce qu’elle fait mal) et sans avenir (par infantilisme). Nous avions cru aux réformes après l’immobilisme Chirac, au dynamisme du travail après le prurit dépensier Jospin. Échec. Au débat du 2 mai, le score est sans appel : Hollande 1, Sarkozy 0. A l’élection du 6 mai : Hollande 51.6%, Sarkozy 48.3% (chiffres définitifs). Moins que l’écart abyssal annoncé par les sondages, mais large.

Sarkozy a détruit l’image du président, il a détruit la droite rassemblée, il a été sanctionné. Peut-être le désirait-il ? Le comportement suicidaire est toujours un appel.

A l’inverse, François Hollande a joué la force tranquille. Par imitation de son grand modèle François 1, mais il a été efficace, droit dans ses convictions (peut-être droit dans ses bottes, mais durant le débat on ne les voyait pas) et surtout rationnel, cohérent. Faisant apparaître agités et incohérents les mouvements d’épaules et les redressements de veste de son concurrent.

Mais c’est maintenant que tout commence

Gagner une élection ne fait pas une politique, tout au plus séduit-on mieux. Mais pour quoi faire ? Le paysage français est celui d’un cinquième d’abstentionnistes, un dixième de révolutionnaires et d’un cinquième de déclassés tentés par l’autorité droitière – comme en Grèce. Le ressentiment des laissés pour compte de la mondialisation économique, culturelle et migratoire se font entendre, haut et fort. Au premier tour, 30% des ouvriers, 28% des artisans et commerçants, 26% des employés et 21% des 18-24 ans ont voté Le Pen. Que va dire le nouveau président à ces électeurs ? Va-t-il encourager les 12 ou 13% de radicaux mélenchon-gauchistes ? Ce serait suicidaire.

Car l’État-providence à la française est épuisé. Trop de dettes dues à trop de laxisme dans la gestion de l’administration, à l’empilement des niveaux de décision, à cette répugnance à réorganiser et informatiser, à évaluer les réformes. Que faire ? Changer radicalement la fonction publique et adapter l’État à ses missions essentielles ? Difficile quand on a été élu principalement par les fonctionnaires et les ayants droits des zavantages sociaux. Augmenter les impôts ? Facile à court terme, surtout lorsqu’on jure qu’il s’agit de ceux des « riches » – mais peu rémunérateur, tant les « riches » sont peu nombreux. Faudra-t-il ponctionner un peu plus la classe moyenne ? Le tropisme fiscal est-il compatible avec la lutte des entreprises pour se faire une place dans le monde ?

C’est un chapitre classique des manuels d’économie de montrer qu’il n’y a que deux moyens d’assainir un budget d’État : d’une part augmenter les recettes et diminuer les dépenses, d’autre part encourager la production et rationaliser l’administration. La gauche sait faire sur les impôts – mais elle ne promet aucunement de diminuer les dépenses… Saura-t-elle favoriser l’entrepreneuriat et augmenter la productivité publique ? A trop rigidifier le cadre de l’économie, fiscaliser le profit, empêcher les licenciements, taxer la production, on fait fuir l’investissement des grands groupes et les talents, et l’on empêche la création de ces PME et TPE qui sont le ressort de l’Allemagne. On permet donc le marasme des petits salaires, de la précarité, du chômage. Ce qui augmente l’assistanat et fait baisser les rentrées fiscales…

L’incantation magique à « la croissance » ne sert à rien si l’on n’encourage pas le tempérament d’entreprendre et le profit légitime. Pourquoi créer en France une entreprise si la paperasserie et le fisc multiplient les obstacles ? Si l’opinion commune vous jalouse et vous méprise ? Autant être fonctionnaire, bien tranquille, sûr d’être payé (quoique…). La relance « keynésienne » de la gauche est une magie aujourd’hui peu efficace parce que le monde est ouvert et que des pays immenses émergent au développement, donc aux exportations à bas coûts. La récente expérience américaine montre que baisser le coût du travail est plus efficace que favoriser la consommation : car celle-ci est excessive, gaspilleuse, favorisant les importations, donc la dépendance du pays…

Mais baisser le coût du travail ne signifie pas baisser les salaires ! Un patron qui paye la même chose en Suisse qu’en France verse 60% au salarié, pas 40% comme aux Français… Cherchez l’erreur : dans l’empilement des cotisations sociales mal ciblées, à l’utilisation mal contrôlées, générant des fromages syndicaux sans nombre (y compris des syndicats patronaux). C’est l’interventionnisme d’État qui coûte cher en France, pas « le travail ».

Désigner des boucs émissaires est facile, cela ressoude la bande, mais qu’en est-il de l’antisarkozysme quand il n’y a plus de Sarkozy ? L’immigration et l’islamisme sont-ils moins un problème sous la gauche ? La finance, le libre-échange et l’Union européenne sont-ils sans influence parce que la gauche est au pouvoir ? On ne change pas la vie, on l’adapte. C’est moins rose mais bien plus efficace. « Justice » dit François Hollande : ce qui signifie juste milieu et juste répartition, balance des avantages et inconvénients pour chaque mesure, évaluation juste à temps de ce qui se tente. Les électeurs jugeront.

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