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Immigration, un très vieux débat

Les politiciens et le monde médiatique, dont la tête de linotte est d’évidence la marque, feignent de découvrir le « problème » de l’immigration. Ce n’est pas faute d’en avoir parlé ! Valéry Giscard d’Estaing avait pris en 1980 par la loi Stoleru-Bonnet, après le second choc pétrolier de 1979 dû aux ayatollah iraniens, des mesures fortes… que la gauche irénique, aveuglée par ses tabous gauchistes, s’est empressée de rapporter aussitôt au pouvoir en 1981. Les vannes étaient grande ouvertes avec régularisations massives et regroupement familial facilité – au détriment du petit peuple qui côtoyait les nouveaux immigrés. Car l’absorption d’arrivants différents est tout à fait possible, à condition qu’elle se fasse au rythme nécessaire à sa digestion. Pas en force.

Or la gauche abêtie, et les intellos suivistes qui ont peur de rater le train du « progressisme » (sans savoir ce que c’est), sont immédiatement grimpés aux rideaux comme des félins en chaleur dès que « le peuple » a commencé à regimber, à dire qu’il ne se sentait plus chez lui, qu’on lui imposait des coutumes étrangères sans lui demander son avis. Le grand mot de « racisme » a été prononcé, l’accusation diabolique « d’extrême-droite » a été proférée, le malaise populaire a été dénié. La poussière ainsi mise sous le tapis a fermenté ; la pression est montée et – ô surprise ! – le bien brave socialiste Jospin, qui se croyait fort de son bilan économique et social réussi, s’est vu reléguer en troisième position à la présidentielle de 2002, derrière Jean-Marie Le Pen ! Ben vrai…

Mais Chirac n’a rien foutu, comme d’habitude, sur l’immigration. La droite LR qui pousse aujourd’hui les hauts cris, n’a rien foutu elle non plus, que des réformettes gentillettes pour surtout « ne pas fâcher » les progressistes, les chrétiens-démocrates, les intellos, les droit-de-l’hommistes, le Conseil d’État, l’Europe, le pape, l’ONU, les Juifs toujours sensibles au sujet des éléments allogènes de la nation. Ils sont bien niais de brailler aujourd’hui, Les Républicains, eux qui ont été au pouvoir avant Hollande et qui n’ont quasiment rien fait ! Ils se sont contentés de détricoter partiellement à chaque fois ce que la gauche en alternance avait rétabli.

Ce n’est pas faute d’analyses dans leurs rangs. En témoigne cet essai de 1992 (il y a déjà TRENTE ans !), du ministre gaulliste Alain Peyrefitte, académicien, écrivain décédé d’un cancer en 1999 : La France en désarroi. Il notait de multiples malaises dans la société, les institutions, le territoire, la justice, l’enseignement, l’information, l’Europe, le nouvel ordre mondial (post-URSS) – et le malaise de l’immigration.

Il ne disait rien que par bon sens – mais chacun sait que c’est la chose du monde la moins bien partagée, submergée par les croyances, inhibée par les névroses, effarée par le qu’en-dira-t-on et le ce-qui-doit-se-penser. Que disait-il ? Le rejet de l’autre existe « dès qu’est franchi un seuil de tolérance, variable selon les habitudes culturelles de la population accueillante, mais aussi de la population accueillie. On assimile aisément un individu ou un petit groupe. On assimile vite qui veut être assimilé. On n’assimile pas des masses soudées en communauté. Surtout si leur culture est trop différente et si elles entendent y rester fidèles » p.222. Ce rejet populaire est comparable à un estomac qui a trop mangé, il a besoin d’évacuer.

Pas de racisme en ce cas. Le mot est trop facile, qui mélange le suprématisme d’une « race » (qui biologiquement n’existe pas) et les habitudes culturelles et de mœurs (qui, elles, existent). Le racisme qui fait accuser de nazisme, par réflexe pavlovien, ceux qui osent évoquer les différences. Or il ne faut pas confondre nature et culture, la génétique avec les façons d’être. « Depuis le 10 mai 1981, on a souhaité rompre avec la politique de l’incitation au retour ; on a voulu accueillir à bras ouverts de nouveaux immigrés, y compris ceux qui étaient en situation irrégulière ; y compris ceux qui avaient déjà reçu le pécule de départ ; y compris ceux qui avaient été expulsés comme délinquants. Le socialisme a choisi la la voie du laisser-faire  : laisser grandir en notre sein des communautés qui nous restent étrangères, et cultivent farouchement leur caractère étranger » p.229.

Les exemples sont nombreux, depuis « le voile » (décliné en burkini, djellaba, burqa, abaya… l’imagination des militants islamistes est féconde), les attentats, les émeutes des banlieues, les recours de délinquants contre les expulsions, les imams prêcheurs de haine, les réseaux vers la Syrie pour Daech, les trafics de drogue et d’armes, les règlements de compte à l’arme de guerre. Qui fait communauté se sépare de la nation. Rompt le « contrat social » (terme progressiste qui fait de la citoyenneté un choix et une volonté).

« Intégrer ceux qui vivent sur notre sol, c’est les convaincre, surtout s’ils souhaitent devenir français – qu’il ne peuvent y être polygames, ni y procéder à des mutilations rituelles, ni y ménager des mariages de convenance pour leur fille mineure. C‘est les convaincre de se vêtir en Français, sans burnous, djellaba, hidjab ni tchador. C‘est les convaincre qu’ils doivent en France d’apprendre et parler le français, et demander à leurs enfants de se comporter au dehors comme des enfants français – même si chez eux ils conservent leurs usages. C’est les convaincre, quand ils pratiquent leur religion – étrangère à notre tradition judéo-chrétienne – de renoncer à ses manifestations publiques. On doit admettre la construction de lieux de culte pour les communautés étrangères  ; à condition qu’ils ne deviennent pas des foyers d’agitation » p.230. Comment mieux dire – il y a 30 ans ? Pourquoi la droite au pouvoir, qui gueule aujourd’hui, n’a-t-elle rien fait pour appliquer ces principes de bons sens ?

Les gens du peuple deviennent intolérants parce qu’on a dépassé le seuil de tolérance. Les chiffres officiels des « étrangers » masquent la réalité sociale car, sur les quelques 10 à 12 % d’étrangers chaque année, un certain nombre deviennent « français » par naturalisation ou mariage, sortant ainsi des statistiques. Ils n’en demeurent pas moins « d’origine » étrangère quand ils préfèrent leur communauté à la nation – dont ils n’ont pris la citoyenneté que par commodité administrative. Les intellos et les gens aisés ne côtoient guère les immigrés et les exploitent le plus souvent (nounous, ménage, aide à la personne, poubelles) ; ils trouvent malséant d’en parler.

Quant au « patronat », ce qui compte seul est le profit : avoir une armée de réserve de travailleurs non qualifiés et précaires, voire clandestins, permet de les payer peu et de les faire travailler beaucoup. Ce pourquoi l’appel de l’industrie à 3,9 millions d’immigrés en France d’ici 2050 pour « ses besoins » est une sinistre farce. C’est un confort économique pour ne pas innover en robotisation, ne pas verser de salaires décents, ne pas aménager les conditions de travail. Ce n’est pas une nécessité, c’est plutôt une honte. Mais la droite LR se garde bien d’en parler ! Tout comme la Meloni en Italie, qui régularise massivement sous la pression du patronat (et de la Mafia). Or on intègre avec succès des individus, qui se fondent dans la nation – pas des masses, qui restent en communautés d’origine, fermées et intolérantes.

Ce pourquoi Emmanuel Macron, président, a eu raison de s’atteler au problème. Même s’il reste « négocié » (donc insuffisant) pour rallier les indécis, effrayés par trop d’audace et par la peur de se faire « accuser de faire le jeu » de l’extrême-droite ou des racistes. Mais le jeu va bien sans « le faire », il se poursuit en sous-main. Car les tabous de la moraline de gauche ne passent plus dans « le peuple » – ce pourquoi Mélenchon, qui l’a compris, dragué éhontément les immigrés devenus français des banlieues, croyant y retrouver un « prolétariat » populiste qu’il pourrait manipuler en caudillo.

L’idée de l’équilibre entre répression et accueil était une bonne idée. Malheureusement, elle passe mal politiquement dès lors que les gens se radicalisent. La politique est désormais au tout ou rien, ce qui n’arrange ni le bon sens, ni la mesure, ni la démocratie d’ailleurs. Où sont les débats sereins ? Les compromis nécessaires ? Le simple bon sens ?

Le peuple jugera, en la personne de ses citoyens qui voteront régulièrement, en France, en Europe et ailleurs. Nous pourrions, dès avant 2030, nous retrouver avec Marine Le Pen présidente, un Parlement européen plus clairement de droite dure, Donald Trump aux États-Unis, Xi Jinping encore en Chine – et toujours l’inamovible Poutine en Russie, le modèle de la force cynique sûre d’elle-même, accrochée à ses intérêts par une mafia de corruption, capable de faire peur et de déstabiliser les egos fragiles fascinés par la brutalité (comme Zemmour) et les pays trop faibles…

Tout cela pour avoir nié le réel.

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Gilets jaunes et grande peur

La mutation accélérée de la société après la révolution numérique et la crise de 2008 ressemble à la mutation accélérée de la société après l’essor des chars et des avions et de la guerre de 14. Mais la grande peur aujourd’hui se focalise à très court terme sur les taxes et le diesel, à moyen terme sur « l’invasion » arabe immigrée et à plus long terme sur le changement du monde (climat, numérisation, réduction des emplois, angoisse pour la retraite, raréfaction des matières premières, lutte pour la vie des nations pour l’accès aux ressources).

L’autre, et plus généralement le changement, font peur. Le mâle, Blanc, périphérique et peu lettré ne suit plus l’élite mixte, diversifiée, parisienne et diplômée, censée le conduire – sinon vers un vers un avenir radieux comme hier – du moins vers le progrès et la hausse du niveau de vie.

Les années 1920 aux Etats-Unis avaient fait naître les lois restrictives sur l’immigration tout comme aujourd’hui Trump menace les migrants massés aux frontières du Mexique de leur envoyer l’armée. Les années 2010 en Europe voient la montée des partis de droite extrême un peu partout, la parenthèse d’accueil massif Merkel se retournant très vite contre elle. Il n’est pas étonnant qu’Emmanuel Macron veuille se situer sur la ligne de crête, généreux en discours et frileux en accueil : la population ne veut pas d’immigration massive.

Il ne s’agit pas de « racisme » (ce gros mot galvaudé qui ne concerne que les Blancs mâles et bourgeois mais ne s’applique nullement aux colorés victimaires qui auraient tous les « droits », selon les experts sociologues, en raison du « contexte »). Les immigrés individuellement et les familles sont secourus et accueillis : ce qui fait peur est la masse. Surtout après les attentats racistes de 2015 qui ciblaient les journalistes libre-penseur, les Juifs, les policiers, avant de frapper indistinctement tous ceux qui ne pensaient et n’agissaient pas comme Allah le voudrait, écoutant de la musique, buvant de l’alcool, s’exhibant aux terrasses de la ville ou sur la promenade des Anglais en tenue très légère. Masse allogène plus religion sectaire forment la grande peur des gens « normaux ».

L’heure est donc à la « réaction ». Au retour sur le monde d’avant, réputé « paisible » parce qu’il est bien connu, donc apprivoisé. Les manifestations contre le mariage gai, l’avortement, le féminisme agressif, l’écologie punitive – et toujours les taxes – ne sont qu’un symptôme de ce grand frisson de la pensée face aux dangers de la mondialisation et du futur menaçant.

Isolationniste, protectionnisme et nationalisme font leur grand retour. On sait ce qu’il est advenu dans les années 1930, la décennie suivant les années folles : la crise boursière, financière et économique de 1929 a conduit à la crise sociale et aux révolutions politiques qui ont abouti à la guerre.

Aujourd’hui, la déréglementation qui se poursuit pour capter les nouveaux métiers numériques et mondialisés, la raréfaction des ressources publiques pour aider les éprouvés de la vie, et la guerre commerciale initiée par le paon yankee, aggravent les effets de cette désorientation sociale.

Un nouveau cycle politique commence. Il est initié en France par le grand refus 2017 des vieux caciques focalisés sur leurs petits jeux de pouvoir entre egos, sur le rejet des partis et syndicats traditionnels bloqués dans leur langue de bois et par leurs postures. Emmanuel Macron se posant comme « ni de droite ni de gauche » assure la transition nécessaire (et raisonnable). Mais il n’est qu’un pis-aller pour les gens, un recul réflexe face aux extrémismes, notamment celui de la droite Le Pen qui apparaît comme peu capable.

En revanche, l’étatisme centralisateur jacobin renouvelé – qui est le mal français déjà pointé par Alexis de Tocqueville et Alain Peyrefitte – attise le ressentiment entre ceux qui se sentent de plus en plus pressurés et exclus, et ceux qui vivant à l’aise dans l’inclusion. Les « gilets jaunes », dans leur anarchisme spontanéiste, révèlent cet écart grandissant. La technique permet de se sentir entre soi au-delà des affinités de quartier ou de village : Facebook est passé du fesses-book des débuts (où chacun exhibait son corps et ses états d’âme) en moulin à pétitions en tous genres. Avec cet égoïsme et cette niaiserie spontanée d’une population qui ne lit plus, ne réfléchit plus et se contente de « réagir » par l’émotion aux images dont elle est bombardée via les smartphones et les gazouillis. Aucune hauteur mais chacun dans sa bande, sa tribu ; tous ceux qui ne pensent pas comme le groupe sont exclus, surtout les journalistes qui « osent » publier les points de vue différents. L’intérêt personnel purement égoïste et le nombril tribal remplacent la citoyenneté.

La « démocratie » recommence à la base, comme à l’école maternelle. Comment s’étonner que « les pouvoirs » reprennent le rôle du maître d’école ou de la maîtresse ? Macron comme Trump (ou Poutine, Erdogan, Xi Jinping, Bolsonaro et d’autres) savent qu’il faut s’imposer face aux « enfants » – soit en gueulant plus fort qu’eux pour les entraîner à sa suite (modèle du fascisme), soit en restant ferme sur ses positions argumentées et se fondant sur la lassitude des violences et des casseurs qui dissout vite toutes les révoltes quand il faut chaque jour faire bouillir la marmite (modèle jacobin).

Mais cela n’a qu’un temps car la révolte est un symptôme : à ne pas traiter les causes de la grande peur, les politiciens risquent gros. Si une nouvelle crise financière (donc économique) devait survenir prochainement, nul doute que les jacqueries se transformeraient cette fois en révolte ouverte et que les partis les plus attrape-tout et tribuniciens l’emporteraient en raz de marée irrépressible. Avec les conséquences que l’on peut entrevoir au regard de l’histoire.

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Noter ou évaluer ?

La notation va de 0 à 20 et se décline, chez les plus maniaques, jusqu’aux quarts de point. L’évaluation est une appréciation globale qui va de très insuffisant à très satisfaisant, avec des intermédiaires ; elle est parfois traduite de A à E, selon le système américain – mais comme il n’y a pas plus conservateur réactionnaire qu’un prof (surtout « de gauche » – je l’ai vécu…), le E devient vite de 0 à 5… jusqu’au A qui va de 16 à 20 !

La notation donne bonne conscience à la profitude, en faisant croire qu’il s’agit d’une évaluation quantifiable, donc « neutre » en termes de classes sociales, voire « scientifique ». Elle est utile quand le chiffrage est possible sans trop de subjectivité, par exemple dans les exercices de math ou dans les réponses à un QCM (sauf que les profs, surtout « de gauche », détestent les QCM car cela vient des États-Unis). Mais tout n’est pas chiffrable : les rédactions et autres dissertations comme les conversations en langues sont évaluées « au pif », selon la classe et selon les autres notes (il serait très mal vu qu’aucune note ne dépasse 10/20 alors que, parfois, cela le mériterait). Les notes au Bac sont chaque années « réévaluées » sur ordre du Ministère, pour obéir au mantra démago-politique de « 80% d’une classe d’âge au Bac ». D’ailleurs, dès l’Hypokhâgne ou la Sup,fini de rire ! Les Terminales math ou philo qui avaient couramment des 16 et des 18 voient leurs premières notes rarement dépasser 8 : c’est qu’il s’agit, cette fois, de compétition pour les concours des écoles d’ingénieur, de Normale Sup ou HEC deux ans plus tard !

Mais ce qui peut se justifier à 18 ans n’est pas admissible jusqu’à 15 ans (âge de l’identité fragile). Une « évaluation » sur des critères moins fixistes et plus « humains » reste préférable. Ce sont pourtant les mêmes qui refusent la détection des enfants difficiles dès les petites classes – et qui militent pour le maintien de la notation arithmétique au collège ! Les contradictions profs ne sont pas à un virage idéologique près.

ado spleen

On connait les arguments des conservateurs, tels l’ancien ministre de l’Éducation nationale Luc Ferry dans Le Figaro : « c’est la vieille rengaine soixante-huitarde chère à la deuxième gauche selon laquelle les notes seraient le reflet de la société de compétition capitaliste ». C’était vrai dès 1969, je l’ai vécu. A cette époque post-68, les élèves refusaient la notation « flic » de zéro à vingt au profit des flous A à E, moins humiliants. A l’époque, des « tribunaux du peuple » naissaient spontanément dans les cours de lycée pour juger les profs coincés, autoritaires et hiérarchiques. A l’époque, le chahut au bahut était de règle dès qu’un adulte se mêlait de dicter ce qu’il fallait faire ou – pire ! – penser. Mais la doxa socialiste des syndicalistes FSU a eu beau jeu de faire rentrer dans le rang tous ces petit-bourgeois… dès que la gauche fut au pouvoir en 1981.

L’idéologie, tant de droite que de gauche, n’a que faire de la réalité : la France décroche dans les évaluations égales des élèves dans tous les pays européens aux mêmes niveaux et au même moment – mais la profitude ne se préoccupe que de ses petites habitudes, pas de l’élève. Bien éduquer, ce n’est ni multiplier les notes, ni les supprimer ; c’est les remplacer là où elles ne se justifient pas et découragent par leur arbitraire – et les laisser là où elles sont utiles et où les connaissances peuvent être chiffrées sur une échelle.

Toute la polémique idéologique des « gauchistes » contre « autoritaires » se réduit au fond à la différence qu’il y a entre « connaissances » et « compétences ».

  • Les connaissances doivent être apprises et retenues – elles sont évaluables par QCM où la note chiffrée se justifie : on sait, ou on ne sait pas.
  • Les compétences sont des mises en œuvre de connaissances organisées qui font appel à autre chose qu’au seul savoir tout court ; elles mobilisent le savoir-faire, les capacités et le comportement ; elles sont l’intelligence vive appliquée au savoir mort – elles ne peuvent être évaluées que par niveaux d’acquisition : compétence maîtrisée, partiellement maîtrisée, à revoir, avec les conseils nécessaires pour « élever » plutôt que sanctionner.

La notation chiffrée aux 80 grades, quart de point par quart de point entre 0 et 20, est non seulement ridicule, mais largement subjective. Elle sert de parapluie pseudo-scientifique aux inaptes à transmettre la connaissance vivante. Telle cette prof de philo en Terminale scientifique (je l’ai vécu il y a quelques années) qui, incapable de faire passer cette compétence en herbe qu’est la curiosité pour toutes choses et le regard philosophique, assommait ses élèves déjà chargés d’exercices de math et de physique pour les coefficients élevés du Bac, de dizaines de pages de commentaires sur ce savoir livresque qu’ils devaient absolument réviser en philo.

Avant les événements de mai, le colloque d’Amiens tenu en mars 1968 et présidé par Alain Peyrefitte, ministre du général De Gaulle, dénonçait déjà « les excès de l’individualisme qui doivent être supprimés en renonçant au principe du classement des élèves, en développant les travaux de groupe, en essayant de substituer à la note traditionnelle une appréciation qualitative et une indication de niveau ( lettres A,B,C,D,E ) ». Évidemment, venant d’un gouvernement « de droite » – voire « fasciste » pour la gauche jacobine mitterrandienne de l’époque – ce rapport est resté lettre morte.

Or l’ancienne compétition pour « être le premier de la classe » en société hiérarchique n’a plus lieu d’être dans une société en réseau appelée au travail en équipe.

C’est la misère de l’ENAtionale (qui se prend pour l’élite de la crème fonctionnaire) de forcer l’élitisme dans la masse infantile. En laissant pour compte 80% d’une classe d’âge, sans aucun diplôme (1 jeune sur 5 selon l’INSEE) ou avec un Bac dévalué.

Misère éducative que l’on constate à l’envi lorsque l’on devient formateur pour adultes : tant d’immaturité, tant de compétences laissées en friches, tant de mauvaise habitude d’apprendre par rabâchage scolaire. Tant de savoir théorique et tant d’incapacité à l’utiliser en pratique, tant de connaissances livresques et tant d’incompétence en relations humaines…

Les élèves sortant de six années secondaires :

  • ne savent pas s’exprimer devant les autres,
  • ne savent pas faire un plan,
  • ne savent pas chercher l’information fiable,
  • ne savent pas parler anglais (ou autre première langue)
  • ne savent pas compter leurs dépenses par rapport à leurs revenus
  • ne savent pas mettre des priorités,
  • ne savent pas organiser leur travail,
  • ne savent pas travailler avec les autres ni expliquer clairement,
  • ne savent pas écrire sans dix fautes par phrase,
  • ne savent pas se comporter en situation civique, sociale ou professionnelle.

Imaginez un banquier qui vous reçoit en débardeur, short et tong ? Un « BTS banque » (qui n’a jamais quitté le giron irresponsable de l’Éducation nationale) ne voit pas a priori où est le problème, il juge que c’est au client de s’adapter, pas à lui. On ne lui a jamais fait prendre conscience qu’une fonction oblige et que le respect des autres exige qu’on soit net dans son vêtement, clair dans son expression et adéquat à sa fonction sociale.

Un système éducatif efficace, ce n’est ni le gavage des oies ni l’allègement des programmes, mais des enseignants capables et des enseignements par objectifs et compétences : non des flics mais des tuteurs, non des sanctions mais des encouragements. Est-ce vraiment la notation de 0 à 20 qui font les « bons » et les « mauvais » élèves ? Je ne le crois pas : ce sont plutôt les notants qu’il faut noter… Bien plus que l’inspection en moyenne tous les 5 à 10 ans au collège !

Notes a l ecole

L’usage aujourd’hui des textos échangés en cours, la notation des profs par net interposé, ne sont que manifestations bénignes de l’éternelle rébellion adolescente. Pourquoi les notants ne seraient-ils pas notés ? Cela se pratique couramment en Grandes écoles. Pourquoi les lycées échapperaient-ils à cette pratique de bon sens, puisque les élèves y sont déjà mûrs, voire majeurs ? L’enseignement serait-il considéré comme une bastille imprenable de l’emploi protégé ? Comme un fonctionnariat intouchable devant échapper à toute évaluation ? Dans le même temps que les tests européens PISA pointent la dégradation des inégalités éducatives dans le système français ?

On dira : évaluation oui, mais pas comme ça. Alors comment ? Cela ne fait-il pas 30 ans que les syndicats en refusent toute forme ? Si l’administration démissionne de sa fonction d’évaluer l’enseignement, pourquoi les « usagers » (comme on dit dans les services publics) ne prendraient-ils pas eux-mêmes la question en main ? Ils font entendre leur voix de façon brouillonne et provocatrice – mais c’est ce qui arrive quand nulle règle démocratique n’est admise. Or tout citoyen a le droit de contrôler ses mandants et les fonctionnaires de l’État : c’est inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, en Préambule de la Constitution de 1958 : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. »

A bloquer dialogue et évaluation, on encourage anarchie et révolution – du pur Louis XVI. Ne serait-ce pas plutôt moderne (voire « de gauche » si cette appréciation n’avait pas été si dévaluée par la génération bobo), cette façon d’échanger les expériences ? Tu m’apprends, je t’apprends ; tu me notes, je te note ; si t’es bon, on est bon. L’évaluation encouragement n’est-elle pas préférable à la note sanction ? N’est-ce pas le meilleur apprentissage à la démocratie « participative » (cette autre tarte à la crème « de gauche » toujours vantée en discours et jamais mise en actes) ? Au fond, meilleur tu es, meilleurs nous serons tous. Voilà qui est sain, non ? Tu m’élèves, je t’élève.

Les profs arc boutés sur leurs privilèges de noter sans être notés se croiraient-ils d’une essence supérieure ?

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Pékin il y a vingt ans

Le long vol sans escale d’Air France dure neuf heures et quarante cinq minutes. Il passe au-dessus de la Scandinavie, puis de la Sibérie. L’avion est plein en cette mi-février 1993. Pas une place n’est libre dans le Boeing 747 « combi » : voilà qui est rentable et justifie tant l’apéritif au champagne que le Bourgogne rouge au repas – luxe qui a disparu depuis de la classe éco.

gamine chine 1993

A Pékin, nous accueille une aérogare immense où les formalités sont réduites. Nous roulons 35 km en bus sur une route encombrée où la vitesse est limitée. On construit « une autoroute pour la fin de l’année », nous apprend le guide officiel qui parle un français fleuri. Le paysage offre l’image d’un pays constamment en chantier où tout est à reconstruire depuis la Révolution culturelle. La Chine a quitté le tiers-monde miséreux pour se hisser au rang des pays émergents.

gamin pekin 1993

Pas de mendicité, une relative propreté par terre, aidée par des campagnes périodiques de mobilisation citoyenne. L’activisme moral et pédagogique, venu d’en haut, jette des milliers d’hommes dans des opérations renouvelées de reboisement et de construction. Ceci après des campagnes précédentes qui les avaient fait déboiser et détruire – telle est l’idéologie, le pouvoir d’une société pyramidale, et l’impact du maître d’école qui se prenait pour le maître de l’empire du milieu. Sur les chantiers devant nos yeux je vois peu de matériel et beaucoup d’ouvriers. Ils ont l’air de travailler lentement, mais le nombre et la durée font le résultat. Dans la ville même de Pékin, beaucoup de constructions apparaissent récentes. Ce n’est que béton. Les appartements sont doublés de vérandas vitrées pour chauffer les pièces au soleil d’hiver. Pékin est un chantier en perpétuelle construction. Pas de centre. L’architecture y est « soviétique », purement utilitaire et bon marché, sans souci esthétique.

peyrefitte boulet chine

Avant de partir, j’ai lu sur la Chine. Les romans truculents de Lucien Bodard bien sûr, de son enfance comme fils de consul en Chine, La mère de Pearl Buck quand j’étais ado, et les livres poétiques de Victor Segalen. L’essai d’Alain Peyrefitte, Quand la Chine s’éveillera avait marqué, l’année de sa parution, mon entrée en science politique. Mais il s’agit d’une vision jacobine fascinée par les ressemblances avec la France louisquatorziènne que tout les politiciens français veulent perpétrer depuis de Gaulle jusqu’à Mitterrand.

Durant mes études, j’étais baigné dans le maoïsme parisien qui allait de la logorrhée marxiste disséquant les cheveux en quatre Vérités ou trois Principes, à l’infantilisme braillard des hormones. Je me suis donc plongé dans la vie enchantée de Mao par Han Suyin, célèbre écrivain d’époque, en deux tomes, Le déluge du matin et Le premier jour du monde. Il m’a bien déçu : c’est une suite de chromos révérencieux, sans aucun esprit critique ; on croirait lire la vie de Saint-François par une dévote. Les œuvres mêmes de Mao Tsé-toung, achetées à la librairie Norman Béthune boulevard Saint-Michel (qui étaient au programme de Sciences Po), sont des recueils de préceptes scolaires niveau d’école primaire.

jeunes pekin 1993

Cela paraît incongru aujourd’hui, mais il y avait un engouement extraordinaire chez les étudiants intellos, après 68, pour l’instituteur révolutionnaire chinois. C’était loin, la Chine, personne n’y voyageait sans être étroitement encadré et le mythe demeurait puissant. Mao renouvelait le marxisme stalinien, le vieux parti communiste moscoutaire. Les partis et sous-partis se multipliaient comme dans un plan de Science Po : PCMLF, Gauche prolétarienne, Mao-spontex (spontanéistes) de Vive la révolution, NAPAP, la Cause du peuple… Mao a séduit tout ce que la France comptait d’intellos-médiatiques, ou presque, par militantisme, compagnonnage ou simple capillarité de caste : Jean-Paul Sartre, Alain Geismar, Jean-Luc Godard, Michel Foucault, Serge July, Maria-Antonietta Macciocchi, Alain Badiou, Gérard Miller, Philippe Sollers, Julia Kristeva, Jean-Pierre Le Dantec, Serge Daney, Olivier Rolin, les Broyelle du Nouvel Obs, les catho-normaliens des éditions du Seuil avec Jean-Luc Domenach, Claude Mauriac et Jean-Claude Guillebaud, François Wahl, Jean Lacouture et même Roland Barthes. Par antiautoritarisme mal placé, car celui qui disait aux ados gardes rouges « feu sur le quartier général » ne visait qu’à conserver son propre pouvoir personnel, que ses stupidités avait affaibli. Le « grand bond en avant » a tué par famine au moins 30 millions de personnes, l’industrialisation ratée des campagnes a produit un « acier » inutilisable, et ainsi de suite.

Mais la croyance reste sourde et aveugle à tous les témoignages contre : Simon Leys n’a pas été entendu par ces soi-disant « libérés » intellos de la rue d’Ulm. Il a fallu attendre les massacres – indéniables – du Cambodge en 1975 !

Je suis resté sceptique devant cet engouement religieux pour Mao, mais j’en ai retenu une leçon : le plus grand libérateur en apparence est un tyran qui se révèle. Méfiez-vous de Mélenchon…

1989 06 Chine Tiananmen manifestationsLa Chine est une grande civilisation, très ancienne, où la culture avait atteint un point remarquable. Mais son éradication brutale et sans précaution, perpétrée par le maoïsme, a créé une sorte de Frankenstein dont on ne voit pas comment il pourrait évoluer sans revenir sur le passé. La vraie vie des Chinois de la fin des années 1980 a été bien décrite par Marc Boulet, Dans la peau d’un Chinois. Son récit au ras des gens vient de ce que, journaliste, Marc Boulet s’est déguisé en Chinois ouïgour et a peaufiné sa pratique du mandarin pour se fondre dans la vie quotidienne.

Tien An Men massacre 1989

La révolte des étudiants, ouvriers et intellectuels à Pékin du 15 avril au 4 juin 1989 pour dénoncer la corruption et réclamer une démocratie plus libre, ont abouti au massacre de la place Tien An Men qui a fait quelques milliers de morts. Le Parti n’est pas prêt à libérer le peuple du joug communiste, malgré l’ouverture du marché à l’enrichissement personnel. Depuis 1993, la richesse a explosé mais le régime n’a pas bougé, la corruption demeure et les libertés démocratiques sont étroitement contenues. Mais il y a Internet en plus. La visite de la capitale, à ce titre, en février 1993 et quatre ans après la répression Tien An Men, est une expérience. Humer l’atmosphère locale permet d’en apprendre plus que toutes les études savantes.

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Sont-elles devant nous les Trente glorieuses ?

Article repris par Medium4You.

Oui ! répondent en chœur deux économistes. Ce sont deux femmes, ce pourquoi elles portent un regard différent des hommes sur la matière ; elles sont passées par la fonction publique, ce qui leur a permis de mesurer la dégradation politique du système social ; elles ne sont pas politiques, ce qui leur laisse un regard de technicien sur l’avenir. Ce qu’elles proposent est donc une richesse et un handicap. La chance à saisir pour un pays qui se pose des questions sur son avenir et donc sur son identité ; l’infirmité de la courte vue, du déficit abyssal et de la ponction fiscale déjà au sommet des pays comparables. Quel politicien pourra reprendre cette utopie pour sa campagne 2012 ? On se demande – d’où l’intérêt de lire ce livre.

Foin de la crise économique, disent les auteurs, ce n’est qu’actualité immédiate. Projetons-nous de suite dans l’utopie : cet an 40 où tout ira bien, 2040 en inverse de 1940. La France y sera le pays d’Europe le plus prospère et le plus peuplé, avec pas moins de 80 millions d’habitants, plus que l’Allemagne. Mais il n’est pas dit de quelle culture : le melting-pot français, appelé hier « intégration » aura-t-il fonctionné ? L’Éducation nationale aura-t-elle réussi à redresser la barre de l’échec à lire-écrire-compter pour les sortants sans qualification du collège ? La recherche aura-t-elle ses bataillons d’ingénieurs motivés dès l’enfance, et de techniciens bien formés nécessaires à son expansion ? Rassurons-nous, on nous assure que tout cela n’a pas d’intérêt car le taux de chômage est retombé à 5,5 %, ce qui rassure les classes sociales en déclin et leur permet d’accepter les autres, tous ceux qui ne sont pas comme eux.

Comment cela a-t-il été possible ? C’est très simple, les idées étaient dans l’air dès 2007 avec la commission Attali. Il s’est agi de faire émerger de façon volontariste des champions nationaux dans l’industrie, surtout énergie (avec un mixte de solaire et de nucléaire) et chemin de fer, vieux tropisme centraliste d’État. On peut se demander si cette palette industrielle n’est pas un peu courte… Le nouveau cycle fait la part belle aux technologies de l’information et l’on ne voit guère où elles peuvent se nicher dans le train et l’énergie. Évidemment il a fallu lancer un « grand » plan d’investissement auprès duquel celui de la commission Attali a fait pâle figure. Mais il fallait rattraper toute une génération perdue sous Mitterrand et Chirac. Il a donc été nécessaire de négocier âprement avec les Allemands qui ont horreur de la dépense non financée dans un système monétaire commun. A été mise en œuvre une enveloppe fiscale européenne analogue à feu le serpent monétaire, un couloir limité dans lequel se tiennent tous les pays afin de limiter le dumping.

Ah oui, petit détail : la relance de l’immigration. Elle était indispensable pour servir l’ambition industrielle, nécessitant des bras jeunes et des cerveaux neufs. Il n’est pas dit d’où elle vient, mais l’on peut supputer qu’il s’agit de pays francophones, plus quelques centaines de milliers de Chinois parce qu’ils sont trop nombreux en Chine et qu’ils y manquent de femmes.

S’agit-il de méthode Coué ? D’optimisme systématique pour se poser contre le pessimisme ambiant ? La Société de confiance’, dont parlait Alain Peyrefitte dans sa thèse, peut-elle se régénérer simplement par volontarisme d’État ? Pour ces auteurs femmes, « le modèle social français » si archaïque, si rigide, si décrié, n’est pas le problème mais la solution. Il ne marche plus si l’on ne considère que la dépense obligatoire, la protection sociale. Mais il fonctionne très bien si on le met en regard de la quantité de biens produits pour un même montant de ressources. En rationalisant, on consomme moins d’énergie et moins de matières premières importées, ce qui augmente d’autant le pouvoir d’achat des Français. Il suffisait d’y penser.

A condition de respecter la devise liberté, égalité, fraternité.

Liberté ? Elle ne naît pas toute armée dans les cerveaux français, plus tentés par la fonction publique protégée que par l’entreprise : 77% des jeunes rêvent d’être fonctionnaires… La France reste sous-investie car le privé se développe ailleurs, là où les marchés s’ouvrent et offrent une population jeune avide de produits de qualité française. Il faut donc que l’État retrouve son rôle d’incitateur et d’encadrement par ses commandes publiques. Le budget, en déficit permanent depuis 1974, ne le permet plus, d’où le grand plan volontariste. S’enclencherait alors un cercle vertueux, là aussi fort libéral, où le fait d’investir redonne le goût du risque d’entreprise, ce qui favorise en retour l’investissement… donc l’emploi. Et tout le monde est content.

Égalité ? Pour les auteurs, il faut que chaque citoyen participe au progrès – c’est là une conception libérale au sens noble où la solidarité est une convergence d’intérêts. L’augmentation des salaires (donc des cotisations) permet la protection sociale et celle-ci participe à la productivité des Français ; elle n’est pas un boulet qui coûte mais un investissement rentable qui fait que chacun travaille mieux et avec moins de craintes pour l’avenir.

Fraternité ? Il réside dans ce mélange unique de service public à la française, d’ouverture européenne âprement négociée, et d’immigration ouverte pour augmenter la richesse du pays.

L’intérêt du livre en 2011 est que les auteurs tiennent à chiffrer leur plan, ce qui est assez rare dans l’intellocratie française pour le souligner. Ils retiennent 5 indicateurs clés : le taux de croissance, la productivité des ressources, le taux de pauvreté après transferts sociaux, le nombre d’années de vie en bonne santé, et la consommation d’énergie renouvelable.

En fait rien de bien neuf, mais remis en perspective. Cette analyse montre qu’un certain avenir est possible, il suffit de le vouloir. Pour cela, quitter ces minables querelles d’ego, attisées par des médias avides de faire du fric avec les scoops des petites phrases assassines. Quand Nicolas Sarkozy suit le rapport de la commission Attali, il est dans le vrai : pourquoi ne pas le dire ? Quand François Hollande réclame une réforme fiscale d’ampleur qui rétablisse l’égalité des citoyens devant la ponction publique, il est loin d’avoir tort : pourquoi ne pas l’avouer ? Quand Jean-Pierre Raffarin fait la bronca sur une hausse du taux de TVA sur les parcs d’attraction, il est politiquement minable au regard des enjeux : pourquoi faire semblant de comprendre ce petit intérêt catégoriel régional ? Sur la convergence économique européenne, la protection contre le dumping social chinois ou les errements de la finance, chacun a des idées qui devraient être mises en œuvre plutôt que jetées à la tête de ses adversaires.

C’est la limite du livre : l’utopie est belle et bonne, mais sa réalisation ne peut passer que par la politique – et là, tout se gâte immédiatement !

Karine Berger et Valérie Rabault, Les Trente Glorieuses sont devant nous, mars 2011, éditions Rue Fromentin, 204 pages, €19

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