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Jeremy Rifkin, L’âge de la résilience

Le prospectiviste juif américain de La Troisième révolution industrielle revient en caméléon ; il s’adapte aux idées à la mode pour les théoriser pour le plus grand bonheur des technocrates. Il est anti bœuf depuis 1992 déjà, pointant le méthane dégagé par ces grosses bêtes. Il milite pour l’hydrogène depuis 1994 et enseigne à l’université de Pennsylvanie tout en conseillant la Commission européenne et le Parlement européen. Du genre : moi, j’ai reçu la révélation de l’avenir et je vous porte la bonne parole, du haut de mes États-Unis leaders du monde moderne.

Hier, il écrivait que l’ère industrielle du travail de masse et de rapports hiérarchiques s’achevait, au profit d’une nouvelle ère d’information partagée et de rapports « latéraux », dans l’euphorie du tout technologique. Cette troisième révolution industrielle théorisait le sablier social : des emplois spécialisés et rémunérés en haut, une masse d’emplois sans qualification et mal payés en bas avec, au milieu, le col du sablier (la classe moyenne) qui se réduit à presque rien. Il faudrait développer la semaine de 30 h et l’économie sociale et solidaire dans les associations tout en faisant du « care » (qu’il appelle « empathie ») l’essentiel du lien social. Cette vision somme toute simpliste, qui baigne encore à peu près tout ce qui se pense comme avenir aujourd’hui, est renouvelée par ce nouvel ouvrage.

Il s’agit cette fois non pas d’une révolution mais d’un nouvel âge. A 77 ans, Jeremy Rifkin affirme donc que la révolution a eu lieu et que nous sommes après. Quelques facteurs clés selon lui forment désormais le nouveau système : le déploiement simultané des trois Internet (information, électricité, mobilité) côtoient cette fois la politique de « glocalisation » (les bio-régions, la « pairocratie » – le pouvoir des pairs -, la démocratie participative), dans une ambiance carrément anthropologique (développement d’une « conscience biophile »). L’objectif va « de la productivité à la régénérativité, de la croissance à l’épanouissement, de la propriété à l’accès ». Pour cela, la méthode va « des caractéristiques des parties aux propriétés systémiques, des objets aux relations, des systèmes fermés aux systèmes ouverts, de la mesure à la détection et à l’évaluation de la complexité, de l’observation à l’intervention ». En bref, pas mal de jargon pour faire savant et donner des éléments de langage aux technocrates, mais concrètement ?

Cela m’apparaît un peu simpliste – une fois encore. Le lien entre la technique et l’anthropologie, en passant par la politique, est mal défini. S’agit-il de la vieille théorie marxiste que l’infrastructure commande la superstructure, autrement dit que les conditions matérielles façonnent l’idéologie et que nous nous adaptons tout simplement aux conditions climatiques et technologiques ? S’agit-il d’un apaisement de l’industrialisation qui entrerait dans une phase de développement plus apaisée, fondée surtout sur l’information ? S’agit-il de l’interconnexion obligée des systèmes entre eux (la fameuse cybernétique des années 50), qui forcerait à la coopération les territoires, les humains et les éléments naturels ? Comment relier cette nouvelle réflexion sur la résilience à la précédente, récente (dix ans seulement…), sur la révolution industrielle ? Et qu’en est-il des rapports de pouvoir ? Des rapports de classe ? De la montée du conservatisme et du nationalisme crispé de la classe moyenne en réaction à tout ce qui change ? Qu’en est-il de Trump le trompeur et de son populisme de crétin foutraque pour qui « la résilience » consiste au droit du plus fort de faire ce qui lui plaît dans le plus parfait égoïsme ?

J’y vois beaucoup de marketing pour raconter une belle histoire ; beaucoup plus qu’une réflexion prospective car tout ce qui est ainsi révélé forme déjà l’essentiel des conversations. Comme toujours avec ce genre de livre américain, il est écrit pour gens pressés, à lire dans l’avion, offrant une synthèse utile pour tenir sa place dans les colloques et autres réunions politiques ou internationales. Une sorte de digest des idées dominantes… jusqu’au prochain livre, évidemment best-seller. Si vous voulez penser vite et briller dans les salons (et après tout, pourquoi pas?), ce livre est fait pour vous. Pour ma part, je n’en garderai que cette note.

Jeremy Rifkin, L’Âge de la résilience – la terre se réensauvage, il faut nous réinventer, 2022, Les Liens qui

libèrent, 400 pages, €24,90 e-book Kindle €18,99

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Nouveau visage des classes sociales selon Fourquet et Cassely

La quatrième partie du livre bilan sur quarante années de changements en France de Fourquet et Cassely, déjà chroniqué sur ce blog, montre les nouveaux visages des classes sociales, engendré par le nouveau modèle économique désindustrialisé, orienté vers les loisirs et les services. La réorganisation des territoires pour sa résidence, la polarisation des styles de vie, ont un impact sur la structure et sur la nature des emplois.

Surgit une nouvelle constellation populaire des domestiques et soutiers de la consommation. L’ouvrier logistique a remplacé l’ouvrier d’usine. Les routiers, les magasiniers, les manutentionnaires d’entrepôt, constituent ce nouvel ouvrier à la chaîne, Amazon remplaçant Billancourt. Les emplois populaires des sans diplôme baissent en gamme. L’absence de perspectives professionnelles, le turnover, les intérimaires, l’absence de syndicats, conduisent à une conscience de classe nulle. C’est une constellation de services à la personne, de chauffeurs VTC et livreurs, de temps partiel, qui sont farouchement individualistes et récusent l’assistanat. Ils ont conscience d’être des serviteurs mais invisibles et atomisés. L’aide-soignante et l’aide à domicile sont au bas de l’échelle du soin tandis que la hausse du vieillissement et la baisse d’investissement des familles encouragent au contraire les métiers de services à la personne. L’externalisation du nettoyage et du gardiennage par les entreprises fait quitter aux employés l’organisation et les avantages sociaux en faveur de la solitude et de la quasi misère (un SMIC dans une grosse boite avec cantine et comité d’entreprise n’est pas l’équivalent d’un SMIC en autoentreprise).

Les gilets jaunes ont manifesté cette révolte des classes subalternes qui ne parviennent pas à boucler les fins de mois avec les revenus qu’on leur offre. Aucune conscience de classe, ce fut une jacquerie sans lendemain, mais qui s’est révélée grâce aux réseaux sociaux. Elle montre le bouillonnement de colère qui monte parmi les déboussolés de la nouvelle organisation sociale.

Une catégorie de nouveaux pauvres augmente, celle des chômeurs de longue durée, des cassos (« cas sociaux »), voué à l’ASS, au RMI, à la CMU, aux Restos du cœur et autres soupes populaires. Ceux qui ont un emploi faiblement rémunéré ont du ressentiment contre cette population d’assistés par peur de tomber dans la même trappe. Ils sont en outre un peu jaloux des aides qu’on leur fournit tandis qu’eux-mêmes n’y ont pas droit, bien qu’ils payent de plus en plus de taxes sur leur consommation (carburant, énergie, produits électroniques, etc.). C’est la fuite des quartiers de logements sociaux qui deviennent progressivement des ghettos.

Le cœur de la classe moyenne était le bac+2. Le diplôme est indispensable pour se distinguer de la catégorie populaire, du BTS à bac+5. En 1985,29 % d’une classe d’âge réussissaient le bac, désormais dévalorisé en 2019 lorsque plus de 80 % le réussissent sans grand effort, en raison du laxisme des notations et de la volonté politique d’afficher un ascenseur social qui existe de moins en moins. Le bac+2 permet l’accès au concours de catégorie B dans l’Administration. Le bac professionnel permet le BTS technologique, accès à l’IUT et au bachelor (bac+3). Mais c’est la course aux diplômes, les infirmières étant désormais recrutées à bac plus quatre, comme les enseignants non agrégés, et les concours d’administration de catégorie B sont souvent présentés par des diplômés supérieurs au niveau requis, qui emportent les places. Petits artisans, commerçants indépendants, cadres en reconversion (de 12 à 20 %), franchisés (plus de 2000 réseaux) s’installent dans les zones commerciales de « la France moche » de Télérama – magazine culturel pour bobos.

Profs, infirmières et fonctionnaires ou animateurs des services culturels sont les inspirateurs du changement de cette constellation moyenne. Ils ont été les innovateurs sociaux du style de vie post–68 entre 1970 et 1990. Ils prônaient l’écologie, le libéralisme culturel et des mœurs, les modes de vie alternatifs. Ils laissent désormais la place aux nouveaux métiers : les psys-coachs des thérapies alternatives, les astrologues, les services pour animaux de compagnie, le tatouage, les « facilitateurs humanistes », aux néo–artisans, aux métiers de la culture, aux professionnels du bien-être et aux start-upeurs.

Une marche vers la richesse sur l’échelle sociale. Car la numérisation et l’Internet ont donné naissance à un groupe socioprofessionnel hautement diplômé et doté d’une conscience de soi. Le discours d’Emmanuel Macron en 2017 sur la Start-up Nation (en français de l’Académie) reflète leur image de jeunesse, d’innovation, de cosmopolitisme, d’aisance sociale. Leur écosystème fleurit dans les métropoles et surtout en Île-de-France. 80 000 jeunes sortent par an des écoles d’ingénieurs et de commerce. Ils développent une culture neuve qui devient centrale dans la société, malgré l’hermétisme de leurs nouveaux métiers et la tentation de l’entre soi.

Les vraies grandes fortunes sont en petit nombre en France, dans le luxe, la cosmétique, la finance et le vin. De 1998 à 2000, l’industrie a baissé sauf l’agroalimentaire et le Medef n’a plus un dirigeant issu de l’industrie et des mines mais des services. Désormais l’industrie n’arbitre plus la politique, ce qui a expliqué depuis une vingtaine d’années le maintien des impôts de production élevés dans notre pays, qui a clairement pénalisé la compétitivité par rapport aux pays voisins.

La France tout entière s’appauvrit donc, devant importer de plus en plus pour assouvir des besoins de consommation de plus en plus grands alors que les moyens de chacun se réduisent. C’est la lutte des places pour la lutte des statuts, c’est le sablier qui grandit : amincissement des hanches et obésité des pieds, nettement moins de la tête. La France sous nos yeux perd de sa beauté.

Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely, La France sous nos yeux – économie, paysages, nouveaux modes de vie, cartes de Mathieu Garnier et Sylvain Manternach, Seuil 2021, 494 pages, €23.00 e-book Kindle €16.

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Transposition des styles de vie exposée par Fourquet et Cassely

Quarante ans d’écart séparent la France d’avant de la France d’après, telle qu’exposé par le livre bilan de Fourquet et Cassely, déjà chroniqué sur ce blog, Du point de vue des classes sociales, hier c’était la moyennisation, aujourd’hui la polarisation. Toute la société s’écarte de la moyenne, précédemment l’étalon idéal auquel mesurer son écart-type : le revenu moyen, le niveau moyen, la classe moyenne. Cette démoyennisation se fait par le haut, par le bas, et par les côtés.

L’effet de sablier du haut en bas se manifeste par les styles de vie liés à la consommation. Les campings passent de la tente au bungalow, articulés entre Premium ou de seconde main. Les clubs de vacances passent des VVF au Club Med de luxe. Les stations de ski délaissent les logements collectifs pour les chalets haut de gamme. L’altitude pour la neige et la qualité architecturale déterminent le prix des stations et la sociologie des skieurs. Ce sport devient d’ailleurs une niche de plus en plus élitiste (et peu écologique). Les cafetières passent du filtre à la dosette tandis que les boîtes de nuit voient leur public baisser au profit de lieux plus privatifs ou carrément de rave parties populaires en pleine campagne où le petit commerce des drogues diverses s’épanouit à plein.

De l’autre côté, c’est la France du discount, de l’occasion et de la débrouille. L’électroménager et l’électronique ne sont plus des vecteurs de statut social, ils sont démocratisés. Mais coexistent des modèles très haut de gamme fort chers et des modèles bas de gamme accessibles. C’est la même chose dans l’automobile avec (outre les modèles électriques ou hybrides onéreux malgré les aides gouvernementales), les berlines allemandes ou japonaises de luxe et le modèle Dacia de base, fabriqué initialement pour les pays pauvres.

La désindustrialisation a fait baisser les moyens de consommation et augmenté les achats délocalisés. Le luxe est de consommer français et artisanals, le commun est de consommer chinois et industriel. Lidl, Gifi, le Bon coin sont les magasins populaires de la débrouille tandis que Carrefour Market, les boutiques d’alimentation bio et le Bon marché manifestent le haut de gamme. Dans les transports, Blablacar, Uber, les cars Macron et les trains Ouigo permettent de voyager sans guère de moyens, tandis que le TGV aux heures de pointe et les avions court-courriers sont réservés à ceux qui sont à l’aise.

Question travail, la débrouille se manifeste par la microentreprise, la chasse aux promotions, les achats d’occasion sur le net, les vides-greniers et les transactions sociales hors marché. Ils fournissent un revenu complémentaire alors que le nombre de chômeurs reste important parce que l’emploi en France n’est pas fluide. Les CDI laissent la place de plus en plus souvent aux CDD, à l’intérim, aux stages pour les plus jeunes qui courent après l’emploi, et aux multi activités, souvent au noir, pour les faibles revenus de province.

Les jeux de hasard et les paris en ligne explosent pour arrondir les fins de mois tandis que les plus éduqués, restés pauvres faute de trouver du travail qualifié, spéculent sur le Bitcoin et rêvent au trading en ligne vantés par des étudiants (souvent maghrébins) agissants depuis Dubaï (où la fiscalité est quasi nulle). Les crédits à la consommation s’envolent, comme aux États-Unis, tandis que la dimension symbolique de certains produits permet, comme aux Etats-Unis, de se poser socialement en profitant des promotions et du nom des marques. On se souvient de l’émeute sur le Nutella qu’un magasin avait proposé à bas prix pendant un temps limité. La surconsommation est une incitation permanente pour imiter l’élite. Elle aboutit à une paupérisation objective et à une forme d’aliénation car on ne reste pas soi-même quand on veut singer l’autre.

Le nouveau modèle commercial est fondé sur l’e-commerce flanqué de quelques boutiques de prestige en centre-ville. Cela dégrade l’attrait de la périphérie pour ceux qui ont les moyens et la change en ghetto pour ceux qui ne peuvent en sortir. Des néo-boulangeries artisanales bio avec pain au levain et blé choisi s’opposent aux boulangeries de rond-point à grande capacité. La différenciation se fait par l’image d’authenticité et par le prix. Les cavistes, les épiciers haut de gamme aux produits bios, locaux et durables, les microbrasseries, les distilleries artisanales de whisky, les cafés de spécialités, recréent un lien social entre soi pour la classe aisée. Le prix et l’ambiance rejettent les revenus et les habitus qui ne sont pas à la hauteur.

Comme sous l’Ancien régime, la noblesse de patrimoine et de revenus donne le ton et entraîne par imitation les classes immédiatement inférieures qui voudraient accéder à leur niveau de vie, puis les classes populaires qui triment à courir derrière. Ce qui explique certains désengagements sociaux et politiques d’une partie de la jeunesse qui n’a aucun espoir d’ascension sociale et préfère se retirer hors de la culture, hors des diplômes, hors du travail régulier reconnu, hors de la consommation, hors des villes, pour vivre une petite vie individualiste de petits boulots, de bricolage et d’assistance sociale. C’est la démoyennisation par le côté, la fuite du « Système » et de la roue du hamster.

La France d’après est déjà celle d’aujourd’hui et ces tendances ne peuvent que s’accentuer, l’américanisation mondialisée suscitant un déracinement propice aux dérives spirituelles, mentales et politiques. Encore une fois, les gilets jaunes et Zemmour n’ont pas surgis par hasard. Comme dans les années trente, la société des riches et des pauvres se polarise sur le capitalisme ou le communisme, Biden ou Poutine. Si l’histoire ne se répète jamais, elle bégaie souvent.

Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely, La France sous nos yeux – économie, paysages, nouveaux modes de vie, cartes de Mathieu Garnier et Sylvain Manternach, Seuil 2021, 494 pages, €23.00 e-book Kindle €16.

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Woke, la nouvelle idéologie de la gauche bobo

Taubira ira ? n’ira pas ? Echo ou appel ? « Quitte ta maison et viens » pour prêcher avec moi. Car la gauche anéantie n’a plus rien à dire, sauf aux extrêmes minorités, individualistes en diable, exclues, sexualisées, genrées, racisées, immigrées. Or c’est « le peuple » qui vote dans sa majorité et pas les minorités. Les intellos qui étaient jadis avec le peuple comme des poissons dans l’eau se sont retirés dans leurs mares plus chaudes de l’entre-soi – et le peuple a repris ses idées.

Que fait aujourd’hui la gauche pour « le peuple » ? Elle a montré avec Mitterrand (et Hollande) qu’elle était nulle en économie ; elle a épuisé le social sous Jospin en exacerbant le « toujours plus » doublé du « et moi, et moi ! » ; elle a arpenté le minoritaire avec le mariage gay, le mitou néo-féministe qui inverse la domination (pour instaurer une nouvelle domination d’opinion), sans compter l’écologie punitive et la distribution à guichets ouverts des « droits » sans devoirs. Le peuple – la majorité démocratique – se dit qu’il n’est guère qu’un cochon de payant et se trouve même accusé de beaufitude, , de réaction, de racisme (mais qui évoque le mot, sinon les racisés ?). Le peuple en a marre. Il se méfie désormais des « élites » car 24 ans de gauche au gouvernement sur 43 ans depuis Giscard l’ont déçu et son espoir s’est envolé pour les fameux lendemains qui chantent. Toujours demain, comme chez Poutine.

La droite, qui n’a régné que 19 ans, fait désormais l’envie de ses yeux de Chimène. Elle parle des « vrais » problèmes populaires : ceux de l’immigration trop rapide et mal assimilée, des familles sans père (ni Nom du père pour les psys), du nouveau privilège féminin, des fins de mois difficiles. Car le multiculturalisme de fait laisse place à un multiculturalisme de normes. Le regretté Laurent Bouvet avait mis en évidence cette identity politics venue de la gauche américaine. Les groupes sociaux ne sont plus considérés en tant que classes en lutte pour leur part du gâteau économique mais par leur « identité » religieuse, leurs caractéristiques ethniques, leur orientation sexuelle ou leur genre, toutes ces micro-différences qui éparpillent le sentiment de classe – et qui préservent les nantis de toute revendication économique ! Le woke est un raffinement du « capitalisme ».

Le pire est cette nouvelle idéologie des bobos en manque d’idéal révolutionnaire. Le peuple a déçu, changeons le peuple ! Le parti socialiste, il y a quinze ans vivier de la modernité pour les petit-bourgeois fraîchement diplômés et devenus financièrement privilégiés, est devenu le nid de cette idéologie nouvelle, secrétée par cette nouvelle base sociale. Cette gauche « morale » compense ses privilèges de nouvelle classe économique par un affichage idéaliste accru. Le « woke », cet éveil venu des Etats-Unis, se veut d’un infini respect (affiché car dans les faits concrets, c’est autre chose) pour tous les déviants, qu’ils soient de sexe ou de « race » – un mot que l’on croyait banni des dictionnaires sérieux, les scientifiques ayant démontré que « les races » n’existaient pas. Mais balivernes !

L’idéologie a besoin de croire, comme toute religion, et « le racisme » est ce nouveau diable surgi des âmes coupables. Cette discrimination raciste ne touche curieusement que les Noirs aux Etats-Unis et les Maghrébins en France, pas les Indiens ni les Chinois, considérés comme « dominants » parce qu’ils défient le pays le plus puissant de la planète… Soutenir les minorités extrêmement minoritaires permet de se croire une supériorité morale qui ne coûte guère, puisque que ces minoritaires ne sont pas assez nombreux ni assez doués pour venir défier les nouvelles positions économiques et sociales des bobos fraîchement installés.

L’argent, beurk ! mais « les valeurs », super ! Les valeurs, personne ne sait trop ce que c’est puisque chacun a les siennes dans l’individualisme systémique ambiant. Mais ça fait bien en société : « J’ai des valeurs, moi, Monsieur ! » Ça impressionne. Surtout lorsqu’il s’agit de titiller le vieux fond de culpabilité chrétienne qui subsiste en tout Français (ou Américain) de tous sexes, même laïque, même incroyant, même revenu de l’Église, de ses histoires de quéquette et de dogmes antédiluviens. « La charité, Monseigneur ! la charité »… Quoi de mieux que l’Exclu majeur de notre temps : l’immigré en femme, noire, lesbienne, violée, battue ou tuée « par la police », malade, sans abri et sans le sou ? Il serait « raciste » selon le woke bobo de croire que la race n’existe pas ! Il serait inconvenant de croire qu’un homme n’est pas une femme, et réciproquement ! Renversons les valeurs.

Mais le peuple n’est pas d’accord. Depuis la Révolution, oui pour accorder tout aux exclus (immigrés ou sexuellement différents) en tant qu’individus, mais rien en tant que communauté – au prétexte que « ça se voit sur leur figure », que « c’est la guerre chez eux », que « la situation économique est effarante », ou encore « que la dictature y est féroce ». Si l’Europe devait accueillir toutes les populations qui réunissent ces critères, le territoire serait trop petit pour survivre. D’ailleurs les Etats-Unis woke de Biden ne respecte les déviants sexuels qu’en les parquant à distance par les principes (mais pas de ça chez moi) et n’accueillent pas plus les immigrants, la frontière est bien gardée, surtout au sud… En effet, question anti-woke : pourquoi tant de gosses (y compris par PMA encouragée), si la situation est si mauvaise ? Pourquoi enfanter ou accueillir de nouveaux exclus qui seront malheureux (racisés, battus par la police, violés, etc.) ? Pourquoi encourager ces familles trop nombreuses du tiers-monde à tenter de venir s’installer dans les Etats-providence d’Occident ?

C’est donc une lutte des classes qui nait entre « le peuple » et la gauche morale plus que contre les patrons (certains financent même Zemmour) . Celle-ci n’a rien à dire sur la montée des inégalités – qui lui profite amplement ; rien à proposer pour y remédier, sauf une rituelle invocation à « faire payer » les (très) riches : ceux qui le sont plus qu’eux. Ce pourquoi François Hollande a été éliminé, il avait évoqué 3500 € par mois comme seuil où l’on était considéré comme « riche » : vous vous rendez compte de l’effet dans un foyer bobo moyen ? Un président ne devrait pas dire ça, mais Hollande ne peut jamais s’en empêcher.

Les bobos, ces bons bourgeois issus du peuple d’hier, sont électeurs des grandes villes et montrent comme préoccupation majeure le climat ; ils se foutent du « social », ils ne sont pas concernés. D’où les gilets jaunes, frappés de plein fouet dans les provinces et les périphéries par les mesures antibagnoles, le contrôle technique renforcé, l’écotaxe sur le carburant, surtout diesel, et même le 80 à l’heure. Que les salaires stagnent et que la formation soit nulle pour la classe ouvrière ou la classe moyenne, ils s’en battent, les bobos. Que « le peuple » ait l’impression de régresser, que l’ascenseur social soit non seulement en panne mais en chute, n’est pas leur problème. L’immigration est morale, « il faut les aider », car les immigrés seront de toutes façons loin de venir piétiner leurs platebandes riches et diplômées – au contraire, les bobos pourront trouver à très bas prix de bonnes nounous pour leurs (rares) niards et des jardiniers pour leurs (superbes mais épuisants) jardins, sans parler des peintres, plombiers, éboueurs, sous-aides soignants, ramasseurs de fruits, livreurs de (la sempiternelle) pizza, videurs de poubelles, etc. Ouvrez les frontières ! accordez encore plus de droits aux minorités ! C’est bon pour la fluidité du commerce, coco ! C’est bon pour les jouissances du bobo.

La déconstruction, qui a conduit au woke, doit s’appliquer également au woke : rechercher ses bases sociales, les intérêts de classe que ses adeptes peuvent avoir, l’utilité de cette nouvelle idéologie par rapport aux précédentes pour mener une guérilla de prestige pour capter les postes – et garder le pouvoir. Déconstruisez les déconstructeurs, c’est de bonne guerre !

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Jean-Paul Aron, Le mangeur du XIXe siècle

Les années 1970 retrouvaient « le terroir » avec le gauchisme antisystème, les chèvres au Larzac et les « communautés » pré-écologiques. Les historiens se sont donc penchés sur le passé pour voir comment on en était arrivé à tout centraliser à Paris, à laisser dominer une classe de nantis un brin snob et à créer de toutes pièces la fameuse « gastronomie française ».

Car la cuisine existait avant les bourgeois ; elle était surtout la tradition des femmes qui utilisaient les composants autour de la ferme dans un pays à plus de 80% rural. Seuls les aristocrates s’amusaient avec la nourriture, copiant les préciosités romaines et payant à prix d’or des chefs pour leur prestige. Quand advient avec la révolution le règne des bourgeois, tout change. Le plaisir des oisifs disparaît au profit de la frime sociale, de la dépense ostentatoire et de l’imposition sociale du « goût ».

Pour cela, Paris était incontournable même si la cuisine lyonnaise existait richement, comme le rappelle l’auteur. Mais la gastronomie française dont la réputation se répand dans le monde est née au temps des nationalismes et de l’industrialisation. Les aristocrates sont cosmopolites, pas les bourgeois. La cuisine à la française est un art, pas la gastronomie parisienne. Elle est une industrie de la bouche destinée aux hommes de pouvoir et descendant du haut vers le bas, par degrés, dans toutes les classes sociales, y compris les plus pauvres qui recyclent les restes.

Les grands restaurants à la mode étaient chers et goûteux : Le Café anglais, Véry, le Grand Véfour… Des dynasties familiales géraient et adaptaient cuisine et décor pour maintenir l’attrait. Le luxe était de fournir tout un service d’une centaine de plats, organisé selon une savante stratégie dont l’auteur nous livre une clé par un plan de table au chapitre Le repas. Le dîner (nom de notre actuel déjeuner) était un spectacle et il s’agissait d’éblouir les invités par l’abondance et la présentation des mets. Deux grosses pièces trônaient à chaque bout de la table, tandis qu’alternaient les relevés et les entrées que les convives devaient se passer, suscitant une série d’échanges conviviaux dans un silence relatif. On ne se lâchait qu’une fois la desserte effectuée, et les « desserts » (sucrés et salés) permettaient la conversation.

Jean-Paul Aron analyse les bons endroits dans leur évolution tout au long du siècle, les mets servis et leur mythologie (homard délaissé, huîtres chéries), comment s’ordonne la cérémonie du repas, avant de mettre en contraste la gastronomie avec la simple nourriture (administrative dans les réfectoires des hôpitaux, des prisons, des collèges et des casernes ; de récupération dans les restaurants à 40 sous, à 17 sous, à 4 sous ; jusqu’à la misère de la mendicité et des bouillons de charité) – et d’étudier l’imaginaire gastronomique (mythe, spectacle, drame, fête).

Si seulement 17% des Parisiens décédés avaient les moyens de payer les 15 sous nécessaires à leur enterrement, cela signifie que les gastronomes étaient très peu nombreux et que la quête de subsistance emportait presque tous. Les inégalités étaient fortes et criantes dans cette période d’industrialisation et de progressive administration ponctuée de révolutions (1789, 1800, 1815, 1830, 1848, 1871). Le mythe submerge donc le réel et révèle que la gastronomie ne vient pas du terroir mais du pouvoir ; elle ne naît pas du produit mais de sa mise en scène ; elle ne surgit pas d’en bas mais d’en haut, de cette minuscule frange qui a les moyens et qui désire le montrer.

Jean-Paul Aron écrit simplement mais il procède à des énumérations, certes « scientifiques », mais que l’on peut sauter rapidement pour garder le fil de la lecture. Aucune recette mais des listes de plats et des menus, parsèment les chapitres. De nombreuses citations des gourmets et écrivains du temps précisent certains points.

Le lecteur notera ce fait remarquable que le service « à la française », qui mettait tous les plats sur la table sauf les desserts (servis après la desserte), a été remplacé par le service « à la russe », organisé par succession des entrées, plat, desserts, le tempo étant donné par le maître de maison. Il notera aussi que « la maitresse » de maison n’a pas son mot à dire avant le XXe siècle et que les femmes sont considérées comme quasi indésirables pour apprécier la gastronomie : le désir de bonne chère exige d’éviter les désirs de la chair.

Quiconque s’intéresse à la cuisine et à son évolution, ou à la sociologie des Français, lira utilement ce petit livre érudit et gourmand, réédité quarante ans après sa parution pour le bonheur de la culture.

Jean-Paul Aron, Le mangeur du XIXe siècle – Une folie bourgeoise : la nourriture, 1973, Belles-Lettres 2013, 352 pages, €14.50 e-book Kindle €10.99

Histoire de la gastronomie française à comparer avec La cuisine italienne, histoire d’une culture

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Chacun selon ses courses

Faire les courses, lorsqu’on est observateur, apprend beaucoup sur les autres. Sans collecter des milliers de « data » par le vol systématique de toutes les requêtes faites sur votre ordinateur, le simple regard attentif et non intrusif permet de mieux connaître ceux que vous rencontrez. Dans les boutiques, à la caisse des supermarchés, l’étalage des achats sur le tapis roulant vous permet de détecter des profils types.

Vous avez le beauf ventre à bière qui a peu de moyen, peu de culture et peu d’intellect – il en faut, car qui ferait le métier qu’il fait ? – mais il est reconnaissable entre tous. Dans son chariot, une pizza surgelée, deux packs de bière, des chips, un savon de Marseille et des saucisses préemballées.

La variante familiale, plus populaire que laisser-aller, entasse pâtes, boites de sauce tomate, Coca-cola, corn-flakes (probablement pour les ados), tranches de jambon sous blister, lessive en poudre, eau de javel, une bouteille de rosé et un cubitainer de rouge Côtes du Rhône (probablement pour les parents), quelques paquets de biscuits et un sac de friandises (probablement pour les petits).

Le petit-bourgeois reste entre le traditionnel et l’écolo branché, prenant par habitude ce que prenait sa mère et osant parfois essayer du bio ou du nouveau. Un paquet de lard fumé mais des croquettes de céréales bio, un filet de merlan mais de temps à autre une daurade, le bon vieux saumon fumé mais aussi du tarama, les sempiternels poireaux pour la soupe mais de temps à autre un artichaut, du savon de Marseille pour les sols mais une savonnette parfumée pour le bain.

Le grand bourgeois ne vient pas faire ses courses en supermarché, il envoie sa bonne ou se fait livrer via Internet. Mais, quand il s’y hasarde, notamment dans certains quartiers de Paris où il habite, sa consommation est révélatrice : champagne, bordeaux rouge, glace Häagen-Dazs cookies et crème ou caramel au beurre salé, beurre d’Echiré, sole portion ou cœur de filet de saumon, carottes bio, aubergines, poulet de Loué élevé au grain sans OGM en plein air, gigot d’agneau de prés salés, shampoing bio usages fréquents au miel et huiles essentielles olive et orange douce…

Outre les classes, vous avez aussi les âges. Une petite vieille au fichu de plastique sur la tête en raison du temps qu’il fait, portant lunettes de vue à monture Sécurité sociale, achète devant moi une tranche de tripes pour une personne, une part de pâté en croûte, une barquette de céleri rémoulade. Ce sont là des plats anciens, tout comme la tête de veau ou le pâté de foie. Elle prendra aussi un chou-fleur et une betterave rouge à préparer en vinaigrette avec de l’ail.

Une mature probablement célibataire regarde les conserves de légumes exotiques, tajines de légumes du sud, raviolis à la provençale, caviar d’aubergine. Elle demandera deux tranches de petit salé, du jambon de pays et une ribambelle de boudins blancs, plus du pâté de porc noir de Bigorre. Dans le caddie se trouvent aussi deux endives, un pot de rillette de saumon, un pack de yaourts au café, une brioche au beurre pré-tranchée, une boite de thé parfumé et des fruits exotiques, des ramboutans je crois.

Vous reconnaissez les couples jeunes à ce qu’ils achètent force jus de fruits et Coca, un peu de vin rouge, les plus gros paquets de corn flakes existant en rayon, deux pots de miel et de la confiture de fraise, deux glaces grand format aux parfums passe-partout (style vanille ou coco), des pommes et des oranges à l’exclusion de tout autre fruit, des lingettes et des kleenex, du sopalin en promotion par paquet de douze et j’en passe.

Les ados passent en coup de vent, entassant chips, sandwiches en barquette, pack de bière ou de Cubanisto (bière + rhum), cacahuètes et plaques de chocolat au lait. Ils payent en espèces, sortant de diverses poches billets roulés en boule et pièces de monnaie.

Je ne m’ennuie jamais en observant mes contemporains.

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Capitalisme

Le capitalisme, par-delà le fatras idéologique ajouté, est un système d’efficacité économique. Tel est son universel, qui fait qu’il peut être pratiqué aussi bien par la république impériale américaine que par le libéralisme parlementaire anglais, l’étatisme jacobin français, l’oligarchie communiste chinoise ou la dictature organique russe.

  • Les classes sociales ou les castes dominantes utilisent la puissance du système capitaliste pour acquérir et conserver le pouvoir, mais le capitalisme est une technique en soi.
  • L’efficacité de ce système est de tendre à produire le plus avec le moins, et de prendre des risques pour proposer un produit ou un service.

Mais le système n’est véritablement efficace que lorsqu’il est en équilibre entre sa tendance au monopole et sa tendance à l’initiative.

  • Le monopole est une emprise de force, qui veut imposer un pouvoir collectif sur la demande comme sur l’offre.
  • L’initiative est à l’inverse un processus d’individualisation qui éparpille les entreprises pour faire émerger les idées et les talents, et renforce la liberté individuelle pour entretenir la faculté de choisir.

Offre et demande se rencontrent idéalement sur un marché libre, mais dans les faits ni l’offre, ni la demande, ne sont entièrement libres.

  • L’offre se heurte à la puissance de l’image de marque des entreprises qui ont le mieux réussi à imposer leurs produits – donc les prix. Éliminer autant que faire se peut la concurrence pour rendre captif un marché et tenir les prix est de bonne guerre ; cela se fait soit par l’absorption d’entreprises concurrentes ou complémentaires, soit par le rachat de brevets pour améliorer la production ou pour tout simplement les geler, soit par l’instauration d’un monopole d’État ami ou d’une mentalité nationale (« achetez français », « Texan first », « Das auto »). L’offre veut créer les besoins, même lorsqu’ils ne s’imposent pas, c’est tout l’effort du « nouveau », du « pratique », ou même du « bio ». L’offre émule aussi la compétition sociale en agissant sur les désirs de puissance (auto, moto), de luxe (vêtements, bijoux, parfums, accessoires, mécanique de précision), d’élitisme (la rareté des lieux, le prix d’entrée, les prestations d’exception). L’offre joue sur le mimétisme via la mode, les réseaux sociaux, la pseudo-rébellion adolescente ou la senior-attitude, les micro-tribus.
  • La demande n’est pas non plus entièrement libre. Les besoins de base ne suffisent pas, d’autres besoins plus sociaux se manifestent, qui poussent à acheter, dépenser, consommer. Compétition sociale et mimétisme jouent à plein, tout comme le temps de cerveau disponible est accaparé par la télévision ou les pubs Internet, et les offres sont ciblées par le Big Data des moteurs de recherche. Publicité, marketing, études visent à faire acheter même à qui n’y pense pas ou ne le souhaite pas vraiment.

Capitalisme de la séduction

Quand cent initiatives s’épanouissent il faut les rentabiliser, donc susciter la demande. Ce pourquoi le système capitaliste génère une course en avant. De l’innovation donc de la recherche scientifique, de l’initiative donc du goût d’entreprendre, du choix donc de la démocratie.

Car le capitalisme, né des franchises féodales et de la comptabilité, exige la liberté pour s’épanouir à loisir. Or seule la démocratie, plus ou moins mâtinée d’oligarchie (comme l’élitisme français, la classe sociale britannique, ou la fortune américaine), permet l’espace nécessaire à innover, entreprendre et choisir. Seule la démocratie permet un État suffisamment consensuel pour imposer des règles et les faire respecter.

Or le capitalisme a besoin de règles pour que sa tendance au monopole n’étouffe pas son besoin de libertés.

Responsability and freedom meter

D’où l’intérêt de chercher sans relâche à maintenir cet équilibre – toujours remis en cause par l’attrait financier de la position privilégiée – de la concurrence la plus libre et la moins faussée possible.

free market best system by country

Pour Fernand Braudel, l’histoire montre que l’entreprise est une étape, le commerce de ce qu’on ne produit pas une autre étape, plus efficace, notamment lorsque le produit est rare, cher et lointain (les Merchants Aventurers ou la course du thé), enfin que le prêt de capitaux est une troisième étape encore plus rentable et plus efficace, car fondée sur la liquidité, la rapidité et le risque majeur. C’est à cet étage de hauts spéculateurs que se trouvent les vrais requins de la prédation, ceux qui ne s’enrichissent que pour le temps de leur bref monopole. Là est le meilleur et le pire, le plus efficace économiquement et le moins utile socialement.

Comme tout en ce bas monde, le capitalisme est la meilleure et la pire des choses, mais nul ne peut éliminer sa face sombre sans l’éliminer tout à fait – au risque de systèmes moins opérants et plus injustes – car fondés sur le monopole politique de quelques-uns plutôt que sur le choix relatif laissé à tous.

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Martin Amis, Réussir

martin amis reussir
Il n’avait pas 30 ans, l’écrivain, lorsqu’il a réussi ce roman. Il évoque certes ces années 1970 disparues où alcool, drogue et sexe étaient les plaisirs à la mode – avec le rock’n roll. Mais « la crise » était déjà établie (montrant que ce n’était pas une crise mais un changement de monde). Londres en était déjà aux restructurations, aux « nègres » et aux quartiers de plus en plus mal famés. Dans ce décor, deux frères cohabitent, Gregory Riding et Terence Service, nés à un jour près, l’un dans une famille de la haute, l’autre chez les ouvriers. Terry a été élevé avec Gregory dès l’âge de 9 ans, après que son père ait tué sa mère, puis sa sœur ; Gregory n’a jamais admis de n’être plus le fils unique, beau et choyé.

Tout commence donc par le vilain petit canard dans la portée Riding. Gregory élancé, musclé, élégant dès l’âge de dix ans déjà – et l’autre, Terry, tassé, laid, mal fagoté depuis toujours. Tout réussit à Gregory, il câline sa sœur Ursula durant l’enfance, s’amusant tout nu dans une île du lac et dans le lit le soir – à caresser et sucer mais pas baiser. Il ne fait pas d’études, tout lui étant dû, sa prestance attirant les femmes aussi bien que les hommes. Il travaille dans une galerie d’art où les propriétaires, d’âge très mûr, voudraient bien baiser avec lui tous les deux. Tout foire avec Terry, il a du mal à baiser les filles, aucune ne lui redemande, il travaille comme vendeur sans qualifications dans une société commerciale qui envisage de licencier.

Chacun se raconte à tour de rôle, en chapitres alternés, avec le langage de tous les jours. Le lecteur est vite captivé par le lumineux Gregory, pris de pitié pour le looser Terry. Et puis, par petites touches, le maquillage fond, la façade se lézarde, la vérité se fait jour. Gregory n’est plus si jeune, ni assuré de son avenir ; sa sœur déprime, ne baise plus, choisit Terry ; son boulot est insipide, ses partenaires sexuels de plus en plus vulgaires, violents, rassis. Terry se voit au contraire valorisé, une Jan secrétaire envisage de frayer avec lui, le syndicat s’intéresse à son poste dans l’entreprise, l’argent rentre, Ursula trouve auprès de lui une épaule secourable. C’est que Gregory est imbu de lui-même et égoïste, trop gâté durant l’enfance ; et que Terry a appris à encaisser, tout en restant humain. Pas le genre à subir « qui vous prend votre argent, votre corps, votre temps, mais qui ne vous prend jamais en compte, vous » p.33. Gregory baise mécanique, avec Miranda ou Adrian, il n’aime pas. Même sa sœur, amie et amante d’enfance, n’est plus pour lui qu’un amusement.

« Qu’est-ce qui t’a changé ? » se demande Terry de Gregory. « Il s’est passé quelque chose. Quelque chose qui t’a volé ta sensibilité, ta tendresse, ton cœur, et qui t’a transformé en ce pauvre petit paquet de mépris, d’arrogance et de préjugés pour lequel tu te fais désormais passer » p.151. « Te voilà donc, Terence : je comprends ton passé, tes drames, tes craintes. Mais ce passé ne t’est plus d’aucun secours, ni à toi ni à quiconque : ce n’est rien qu’un obstacle (…) C’est pour cela que tu n’as pas d’amis ni personne pour te protéger ; c’est pour cela que tu ne réussiras jamais dans ton travail ni dans tout ce que tu pourras entreprendre » p.167. Mais chacun voit-il l’autre en vérité ? L’enfance lumineuse prépare-t-elle la responsabilité libre de l’adulte ? Les drames enfantins préparent-ils à l’inverse la névrose et la déchéance adulte ?

torse nu 12 ans

Non pas, démontre avec brio l’auteur. Trop gâté, Gregory reste immature ; abîmé, Terry est résilient. « Hautain, vaniteux, précieux, méprisant, arrogant, superficiel, corrompu, prétentieux, pédé – et insensible, par-dessus tout insensible », s’avoue Gregory p.286. Mais Terry sait s’adapter : « Les voyous sont en train de gagner. Et Terence, naturellement, se débrouille bien » p.317. Être beau et génétiquement aristocrate ne suffit plus dans l’ex-empire britannique : il faut savoir se débrouiller. Et Gregory ne sait pas, puisque tout lui a toujours été dû. Il est tonto – idiot en espagnol – mot à la mode à l’époque, que l’auteur répète à satiété tout au long du roman. Martin Amis contraste a l’envi ses personnages pour se moquer de la société de son époque, où les classes sociales sont encore opérantes dans l’imaginaire – mais de moins en moins dans la réalité. Mieux vaut être « cadre moyen issu des couches inférieures et muni d’un diplôme supérieur » qu’issu des couches supérieures sans aucun diplôme efficace.

La construction en duel alterné des personnages, chacun défendant sa vision de l’autre, de leur vie commune et de leur société, est puissante. Le lecteur s’y laisser attraper comme dans une toile. Surtout qu’après le maquillage, chacun se dévoile un peu plus, moins réussi dans le vrai qu’il ne le dit en premier. Tout comme aujourd’hui sur Facebook, les posteurs ont tendance à embellir ce qui leur arrive – au détriment de la réalité. Terry a perdu sa sœur puis son père durant l’enfance ; Gregory va perdre sa sœur, puis son père, à l’âge adulte. Des deux faux frères, l’un a mal commencé et bien fini ; l’autre accomplit le chemin inverse.

J’ai beaucoup aimé ce livre, plus philosophique qu’il en a l’air. La vanité de la forme et l’inanité de la baise – typiques des années post-68 – ne rendent pas heureux. Cette fausse « libération » est une contrainte de groupe sur les comportements individuels : il « faut » apparaître toujours en forme, jeune et frais ; il « faut » baiser avec tous et à tout moment selon le désir. Mais la vanité de la classe sociale supérieure et l’inanité de la génétique – typique des années avant 68 – ne fonctionnent plus. Être « né » ne suffit plus à assurer son avenir, encore faut-il acquérir des compétences autres que sociales, un vrai métier autre que de relations, un savoir-être autre que la superficialité mondaine.

Depuis 1978, date de parution du livre, le monde n’a cessé de changer – pour le pire. Terry y est plus adapté que Gregory, et pourtant, le lecteur ne peut s’empêcher d’avoir un faible pour Gregory – comme probablement l’auteur. Le monde adulte est laid, mais combien belle était l’enfance… La réussite n’est-elle vraiment que sociale ?

Martin Amis, Réussir (Success), 1978, Folio 2003, 387 pages, €7.51

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Martin Amis, London Fields

martin amis london fields
Dès les premières pages, l’auteur nous annonce un assassinat et désigne l’assassin. Plus de 700 pages plus tard, l’événement survient. Entre temps, une peinture de la société londonienne qu’il projette à la fin du millénaire, mais une peinture à la truelle, pas au pinceau. Le roman tient plus du pensum que du léger. Il y a un bon tiers de longueurs, des pages carrément chiantes (l’auteur use de cette vulgarité de vocabulaire pour faire « vrai ») – et ce n’est pas de la faute de la traductrice, puisque d’autres pages sont incisives et sèches selon le talent habituel de l’écrivain.

Martin Amis n’aime pas l’allure que prend son siècle ; il le dit et l’amplifie, situant sa fiction dix ans plus tard. Il considère que, malgré l’émancipation des années 60 et 70, le Royaume-Uni reste un pays où les classes sociales restent plus marquées qu’ailleurs et continuent de façonner la société. Il tente (donc ?) de passer outre en peignant (laborieusement) un personnage lower class, amateur de bière, de meufs et de fléchettes, cambrioleur raté détestant tout travail et inapte à la paternité. Pour le contraste, il l’oppose à un banquier de la City, époux papa, chic et littéraire. Entre eux deux, Nicola la pute qui allume le banquier Guy avec le malfrat Keith, tout en offrant à la vulgarité de Keith les fantasmes de la classe de Guy. Vous avez compris ? Pas vraiment, l’auteur non plus.

Il apparaît au fil des pages que l’intrigue est un prétexte à écrire dans l’écriture, à inoculer l’auteur dans ses personnages. London Fields n’a rien de la fraîcheur ni de la décision d’Orange mécanique ; il semble pourtant en être inspiré. Mais Amis se met en scène imaginant des caractères ; ceux-ci prennent leur autonomie et infléchissent la fin prévue, « tuant » l’auteur qui est lui-même assassin. Vous suivez ? Toujours pas ? L’auteur pas vraiment non plus, ce qui fait désordre. Quand il se perd, il s’étend et bavasse, tire des mots pour disserter à mesure qu’ils apparaissent dans l’histoire, en « une tentative d’épuisement » – certes expérimentale comme c’est la mode des milieux zartistiques – mais particulièrement indigeste à suivre : une impasse tout comme souvent l’art contemporain et la musique atonale. Ainsi passent sous le microscope littéraire la pluie, le baiser, les toilettes, les céréales du petit-déjeuner, les culottes, les baby-sitters, la glycérine (si, si !)…

Certains personnages sont réussis, comme le bambin Marmaduke, tyranneau de la première adolescence (2 ans), qui n’hésite pas à mordre au sang, à planter ses doigts dans les yeux et à hurler tant et plus en déchirant ou détruisant tout ce qui passe entre ses mains – le vrai fantasme du bébé garçon pour un mâle anglais. L’auteur avait à cette époque un fils, Louis, qui avait un peu plus d’un an : s’en est-il inspiré ? Tout autre est le bébé fille Kim, battue et brûlée à la cigarette par sa mère, femme du malfrat Keith ; l’auteur en tombe amoureux et la protège. Il avait, dans la vraie vie, une fille inconnue qu’il n’a découverte qu’en fin d’adolescence ; peut-être introduit-il ici sa nostalgie de paternité frustrée ? Réussis aussi sont les types de Noirs chaloupant des milieux interlopes, terrés dans les pubs enfumés à frimer et jouer au billard le jour avant d’aller braquer un appart ou casser une vitre pour l’autoradio le soir, passant le reste de la nuit à taper sur des blondes (pas leur femme, Noire, à qui ils font maints gosses dont ils ne s’occupent jamais).

Mais lorsque l’on a épuisé l’attrait de ces quelques portraits, ne reste au final que le charme trop rare, dans ce roman pour moi raté, des quelques phrases acérées comme la plume Amis sait en tracer. Elles auraient dû constituer le cœur du livre ; elles ne font que surnager sur la bouillie passablement indigeste des 747 pages :

« A mon retour, deux ouvriers à moitié nus, qui mangeaient leurs œufs dures et buvaient de la bière (…) L’un avait seize ou dix-sept ans, mince et bronzé et tout à fait ravi des promesses de sa puissance ; l’autre, le plus âgé, le souffle court, trente ans, les cheveux longs et édenté, était bien détruit comme s’il vieillissait d’un an tous les deux mois » p.123.

« Vierge ! Ah ! ouais. Nicola n’avait encore jamais dit ces mots, même quand elle aurait pu : vingt ans plus tôt [à 13 ans], dans le petit intervalle entre le moment où elle avait découvert ce que cela signifiait et celui où elle avait cessé de l’être » p.312.

« Le triomphalisme revêche de Paris, la fureur et le désespoir de New York, l’audace, style chat et souris, de Rome, le meurtre en haillons du Caire, la longévité de bateau-théâtre de Los Angeles, la captivité industrielle de Bombay ou Delhi… » p.519.

« Ils pénétrèrent dans le pub et son univers bruyant de désirs primitifs, de désirs avoués, chaudement poursuivis et régulièrement gratifiés. (…) Les desiderata comprenaient des biens et des services, du sexe et de la bagarre, de l’argent et davantage de télé, et surtout, en une fatidique synergie, l’alcool et les fléchettes » p.591.

Pour ce genre de phrases, Martin Amis renouvelle La Rochefoucauld ; dommage qu’il fasse moins court.

Martin Amis, London Fields, 1989, Folio 2009, 747 pages, €10.07

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Radicalisation de crise

L’Amérique reste qu’on le veuille ou non le phare du monde et ce qui lui arrive nous arrivera probablement aussi, avec une décennie de décalage. Ce pourquoi les réflexions suscitées par les dernières élections présidentielles aux États-Unis, rassemblées dans le numéro de janvier-février de la revue Le Débat (n°173, éditions Gallimard, €18.50) font penser à la France. Nos élections présidentielles de l’an dernier ont marqué une pente dont la campagne anti-Obama fut la caricature. Ce qui s’est produit là-bas risque de se produire ici, en 2017. Qu’est-ce à dire ?

Les États-Unis se sont montrés de plus en plus opposés à l’État et de moins en moins unis.

Les divisions raciales, culturelles, d’origines et de résidence géographique sont devenues criantes. En France, nous avons encore connu en 2012 le choc idéologique entre droite et gauche ; aux États-Unis, le choc est désormais entre communautés : Noirs contre Blancs, petites villes contre mégapoles (Washington, New York, Chicago, San Francisco), états du centre contre états des côtes, cols bleus contre cols blancs, industriels et commerçants contre intellos universitaires…

Cela nous menace-t-il ?

Sans aucun doute. Catholiques et Juifs se retrouvent contre un islam médiatique (différent de l’islam pratiqué) qui valorise l’image de l’intolérant, du macho et du terroriste. Il faut dire que les musulmans « normaux » restent frileux face aux surenchères salafistes et autres « Frères »; on ne les entend guère dans les médias… Les laïques sont partagés, anticléricaux mais « respectueux » (jusqu’à la lâcheté trop souvent) des cultures du monde, dont les opprimés et leur religion font partie. Les habitants des campagnes et des petites villes françaises ne se reconnaissent plus dans les grandes villes telles Paris, Lyon, Marseille, Toulouse. Ces mégapoles cosmopolites ne sont plus « la France » (voir la série Plus belle la vie dont les acteurs n’ont même pas l’accent de Marseille) ; leurs élites ne représentent plus la nation mais le nomadisme mondialisé ; leur culture, subventionnée d’État, ne dit plus rien aux éducations classiques. Pire : les partis de gouvernement sont mis dans le même sac de « l’UMPS » tant par Marine Le Pen que par Jean-Luc Mélenchon. Tous sont accusés d’être dans le vent, ploutocrates (que les intellos-économistes méprisants appellent « ultralibéraux »), dévoués au marché (« grand méchant ») et – pourquoi pas ? – aux maîtres du monde qui comploteraient (rumeur) la fin des peuples.

on est autiste

Le vieux fond humaniste résiste encore en France aux séductions de la manipulation ethnique et des théories du Complot, mais pour combien de temps ? Aux États-Unis, le parti Républicain devient récalcitrant, dédaigneux de tout compromis. Il s’agit presque d’une guerre de religion entre Républicains et Libéraux, les premiers étant à la fois conservateurs (moins d’impôts et moins d’État) et libertariens (moi-je, pionnier tout seul contre le monde pour refonder ici-bas la cité céleste) ; les « libéraux », là-bas, sont gens de gauche, en souvenir des Lumières – ce qu’ont bien oublié les archéo-marxistes français passés sous Staline et dont l’esprit ne s’est jamais remis. En France, la propension au refus de tout compromis est moins marquée mais contradictoire, la droite conservatrice (moins d’impôts mais plus d’État), la gauche plus individualiste que libertarienne (moi-je, narcissique – mais qui exige les autres pour faire son théâtre médiatique ou frimer sur les réseaux sociaux). Les Libéraux américains (parti Démocrate) sont keynésiens et partisans du New Deal, en France l’UMP et le PS aussi… sauf à réduire les déficits. De cette confusion multiculturelle surgissent de nouvelles radicalités aux marges. La rue du ‘printemps’ de droite en témoigne.

Il s’agit de crispation des petits Blancs : WASP aux États-Unis et petits commerçants, artisans, fonctionnaires en France contre « les étrangers » qui viennent saisir les opportunités d’emplois et bénéficient des prestations sociales parce qu’ils sont juste en-dessous en termes de revenus. Plus encore : ce lumpen proletariat bénéficie de la bienveillance des intellectuels, des politiciens et des faiseurs de lois, puisqu’ils sont considérés (à cause d’une vague culpabilité impérialiste ou coloniale) comme « victimes », forcément victimes. L’administration crée des quotas pour favoriser les Noirs aux États-Unis, Obama compte régulariser 11 millions de sans-papiers latinos (4% de la population, l’équivalent de 2.5 millions d’illégaux en France). Susan Sontag, gauchiste féministe new-yorkaise, n’est-elle pas allée jusqu’à déclarer que « la race blanche est le cancer de l’humanité » ? La psychologie de la domination remplace l’analyse de la société, c’est sans doute plus confortable intellectuellement et donne l’éternelle bonne conscience d’être avec les opprimés, mais sans travailler en rien ni à la production, ni à la redistribution sociale, ni à l’éducation des gens. Il y a trahison, aux États-Unis comme en France : le peuple (autochtone) pense que les élites (censées les représenter) les trahissent en favorisant les allogènes (qui ne veulent pas s’assimiler ou n’ont aucune incitation à le faire). Quel intérêt d’être conforme, s’il est plus avantageux de rester victime ?

Les élites de gauche préfèrent semble-t-il, aux États-Unis comme en France, les minorités biologiques aux classes sociales, l’état de nature à la construction historique et politique de la société. Limousine Liberals et bourgeois-bohêmes n’ont que faire du peuple, qu’ils méprisent. La dernière mode en politique est d’oublier ouvriers et employés (Blancs) pour favoriser toutes les minorités ethniques ou de « genre » (qui voteront « bien »). Une fois au pouvoir, la loi remplace l’éducation. Les gais-lesbiens-bi-trans sont plus chouchoutés pour convoler, adopter et procréer que les hétéros qui maltraitent leurs enfants et ne savent pas les élever. Je l’ai écrit, je ne suis pas contre le gai mariage, mais je constate le sentiment naissant qu’il vaut mieux « être » que se créer, « naître » que s’éduquer. Mieux vaut être Noir homosexuel illettré sans papier que Blanc hétéro cultivé intégré… Ce serait ça la gauche ?

De plus en plus nombreux sont ceux qui s’interrogent plus ou moins confusément : à quoi cela sert-il donc de bien travailler à l’école, de vouloir faire carrière, de payer des impôts ? Dans la France de Hollande plus particulièrement, où « les riches » sont désignés comme boucs émissaires de tout ce qui ne vas pas (au-dessus de 3000 € par mois – soit le salaire moyen d’un fonctionnaire en fin de carrière – selon la fiscalité présidentielle), où les « entrepreneurs » sont méprisés a priori et considérés comme vaches à lait fiscales, où une caste restreinte aidée de communicants et d’avocats (Brafman, Veil, Fouks, Hommel) se protège de la loi commune, où « la recherche » est vue comme l’avenir en paroles mais dernière roue du carrosse en réalité (les étudiants brillants partent à l’étranger, comme les innovateurs en Californie : « trop de lourdeur, trop de casse-têtes administratifs et juridiques ») – où 38% des Français déclarent dans un sondage récent qu’ils quitteraient la France s’ils pouvaient… Quel merveilleux projet politico-social ont nos gouvernements depuis le début du nouveau siècle pour que plus d’un tiers des adultes actifs veuillent fuir !

fesses et bobos

Quoi d’étonnant à ce que le populisme monte ?

Tea Parties aux États-Unis et extrémistes en France se radicalisent contre les élites qui les ignorent et font une politique qui va contre leurs valeurs et leurs intérêts. La volatilité des électorats, déboussolés par le changement non accompagné, par la promotion de minorités sans autre explication que « l’égalité » par principe (seraient-ils « plus égaux » que les autres ?), va s’accentuer – aux États-Unis comme en France. Pire : le grand inquisiteur fiscal est pris la main jusqu’au coude dans le pot à confiture des paradis fiscaux; le grand argentier présidentiel a des intérêts aux îles Caymans ! Faites ce que je dis, pas ce que je fais : voilà le discours politique de la gauche « morale ». Après le stupre, le lucre, les Strauss-Kahn et Cahuzac (sans parler des seconds couteaux Guérini, Lamblin, Andrieux, Teulade, Kucheida… et autres hollandais volant) font du président « normal » une image qui pousse au cynisme. Après la fracture sociale, la fracture morale ? Après le « président des riches » des affaires et de l’industrie, le « président des nouveaux riches »  de la fonction publique et du carnet d’adresses ?

Ce qui veut dire que tout dirigeant élu, Obama comme Hollande, n’a plus de « mandat » des électeurs, seulement des « opportunités » de circonstance. D’où l’espèce de fuite en avant de François Hollande sur les questions libertaires (mariage gai, récidive, vote des étrangers, voler au secours du « pauvre » Mali, « moralisation » des moeurs des copains) pour masquer les vraies questions – qui sont de classe et de mondialisation : chômage, déficit public, fiscalité, encouragement à l’entreprise, politique européenne, émergence de la Chine.

Nous ne sommes pas encore au point atteint par les Américains, mais nous y venons.

Sarkozy caresse l’idée d’un retour radical en politique ; Mélenchon fourbit sa faconde, coupeuse de têtes ; Le Pen père, fille et nièce poussent leurs pions. Obama n’a gagné que parce qu’il a su mobiliser à la base, dans les comtés, en exploitant les données personnelles innombrables, glanées sur les réseaux sociaux et auprès des donateurs particuliers. Hollande en reste aux meetings de sous-préfecture et aux appareils obsolètes.

En France la droite ou la gauche extrêmes sont encore loin de mobiliser vraiment la base et les réseaux sociaux. Pour le moment… mais  d’ici 2017 ? Le radicalisme, c’est dans 4 ans.

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Nietzsche pour l’Europe

Frédéric Nietzsche était européen bien plus qu’allemand ; il exécrait tous ces braillards nationalistes ou antisémites, trop peu sûr d’eux-mêmes pour être forts. Le bouc émissaire est toujours le choix des faibles, de ceux dont « le système digestif » est fragile. Mais ce qu’il constate dans Par-delà le bien et le mal (1886) est ambivalent : une humanité positive qui dépasse les étroites nations – mais une humanité trop flexible, démocratique et bavarde, qui pourra aspirer à un tyran. Et il n’avait pas encore entrevu mai 68…

Nietzsche Par dela le bien et le mal

« Les Européens commencent à se ressembler tous ; ils se détachent graduellement des conditions qui font naître des races liées au climat et aux classe sociales ; ils s’affranchissent de plus en plus de tout milieu défini qui pourrait, au cours des siècles, imprimer aux âmes et aux corps des besoins identiques. Ce qui s’accomplit, c’est donc le lent avènement d’une humanité essentiellement supranationale et nomade, qui physiologiquement présente comme trait distinctif un maximum de don et de puissance d’adaptation. (…)

 » Et d’autre part, dans l’ensemble, ces Européens de l’avenir se présenteront sans doute comme des travailleurs bons à tout, bavards, de volonté débile et extrêmement adaptables, qui auront besoin d’un maître, d’un chef, autant que de leur pain quotidien : la démocratisation de l’Europe tendra donc à produire un type d’hommes préparés le plus subtilement du monde à l’esclavage, mais dans des cas isolés et exceptionnels le type de l’homme fort ne pourra que devenir plus fort, plus prospère et plus riche qu’il ne l’a jamais été, grâce à son éducation libre de préjugés, grâce à la prodigieuse diversité de ses activités, de ses talents et de ses masques. Ce que je veux dire, c’est que la démocratisation de l’Europe est aussi l’une des causes qui concourent involontairement à former des tyrans, le mot pris dans toutes ses acceptions, même dans la plus spirituelle. » §242 Aristote n’avait pas écrit autre chose en disant que la démocratie glisse volontiers à la démagogie, quand des politiciens agitateurs cyniques manipulent des citoyens ignorants mal éduqués. Et que la démagogie aboutissant à l’anarchie, le retour du bâton arrive très vite avec la tyrannie.

Nietzsche a eu, un demi-siècle avant, la prescience de Mussolini, d’Hitler et de Staline : « Ce siècle est le siècle des masses ; elles sont à plat ventre devant tout ce qui est ‘massif’. Qu’un homme d’État leur construise une nouvelle tour de Babel, un monstrueux empire à la monstrueuse puissance, ils l’appelleront ‘grand’. Qu’importe que nous, plus prudents et plus réservés, nous n’ayons pas encore renoncé à notre vieille croyance que seule la grande pensée fait le grand acte ou la grande cause ! » §241. Nietzsche n’aurait certainement pas adhéré au parti nazi ! Il l’aurait trouvé trop plébéien, trop ‘massif’, sans aucune ‘grande pensée’.

Mais il sentait en Allemagne les prémices d’un désir de dominer. « Parmi les peuples de génie, on distingue ceux auxquels est élu le lot féminin de la gestation et la tâche secrète de modeler, de mûrir, de parachever ; les Grecs étaient un peuple de cette espèce, pareillement les Français ; les autres qui se sentent appelés à engendrer, et à implanter dans la vie un ordre nouveau ; tels les Juifs, les Romains et, je pose la question en toute modestie, peut-être les Allemands » §248.

tuileries Paris

Pourquoi les Allemands ? Parce que trop récents comme nation, trop peu sûr d’eux-mêmes, trop peu de Kultur, au fond. « Peuple fait du plus prodigieux mélange et d’une macédoine de races, peut-être même avec une prépondérance d’éléments pré-aryens, ‘peuple du milieu’ dans toutes les acceptions du terme, les Allemands sont de ce fait plus inconcevables, plus amples, plus contradictoires, plus inconnus, plus déconcertants et même plus effrayants que d’autres peuples ne s’imaginent l’être. »

Il voyait les Russes comme plus ‘barbares’, ce qui est chez lui un compliment : doués d’une plus forte volonté de puissance. Cette endurance primitive a d’ailleurs fait l’essentiel de la victoire contre les armées allemandes pendant et après Stalingrad.

Nietzsche admirait les Juifs, contre la majorité de ses compatriotes… « Ce que l’Europe doit aux Juifs ? Beaucoup de bien, beaucoup de mal, et surtout ceci, qui relève du meilleur et du pire, le grand style en morale, la majesté redoutable des exigences infinies, des symboles infinis, le romantisme sublime des problèmes moraux, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus séduisant, de plus capiteux, de plus exquis dans ces jeux de couleurs et ces séductions dont le reflet embrase aujourd’hui le ciel et notre civilisation européenne (…) Nous qui parmi les spectateurs sommes des artistes et des philosophes, nous éprouvons à l’égard des Juifs – de la reconnaissance. » §250

Ce qu’il détestait le plus, comme culture en Europe, était l’anglaise. Moins les individus que l’ambiance, la façon d’être. « L’Anglais, plus sombre, plus sensuel, plus énergique et plus brutal que l’Allemand, le plus vulgaire des deux, est pour cette raison plus pieux que l’Allemand ; c’est pour cela que le christianisme lui est encore plus nécessaire. Pour des narines tant soit peu délicates, ce christianisme anglais conserve un relent bien britannique de spleen et d’ivrognerie, maux contre lequel il est employé comme remède, non sans de bonnes raisons. » Non sans ironie, il ajoute : « Mais ce qui nous offusque chez l’Anglais, même le plus humain, c’est son manque de musique, au propre et au figuré ; il n’y a dans les mouvements de son corps et de son âme ni rythme ni danse, ni même aucun besoin de rythme ou de danse, de ‘musique’. Écoutez-le parler, regardez marcher les plus belles Anglaises (aucun pays n’a de plus belles colombes ni de plus beaux cygnes) – enfin, écoutez-les chanter ! Mais c’est sans doute trop demander… » §252

Dommage, selon lui, que le modèle anglais ait contaminé la France vers le milieu du XVIIIe siècle… « Toute la noblesse de l’Europe, celle du sentiment, du goût, des mœurs, bref la noblesse dans tous les sens élevés du mot, est l’œuvre et l’invention de la France ; la vulgarité européenne, la bassesse plébéienne des ‘idées modernes’ est l’œuvre de l’Angleterre

Nietzsche plaque a Nice

Nietzsche aimait bien l’Italie mais préférait par-dessus tout la France en Europe.

Pour lui, la civilisation française tenait du nord et du midi, dans un bel équilibre : de la passion latine et de la profondeur germanique, de la clarté romaine et de la sensibilité celte, l’âme et la raison, Apollon et Dionysos peut-être… Sauf qu’au siècle des révolutions, le XIXe, la civilisation française connaissait une éclipse plébéienne. « Aujourd’hui encore, la France est le siège de la civilisation la plus spirituelle et la plus raffinée de l’Europe, et l’école du goût supérieur ; mais cette ‘France du goût’, il faut savoir la découvrir. Ses représentants se tiennent bien cachés ; elle semble ne s’incarner que chez un petit nombre d’individus [par exemple Stendhal, Flaubert, Balzac] (…) Un trait leur est commun à tous ; ils se bouchent les oreilles devant la sottise déchaînée et les criailleries bruyantes des bourgeois démocrates. Ce qui s’agite au premier plan, en effet, c’est la France déchue dans la bêtise et la vulgarité ; récemment encore, aux obsèques de Victor Hugo, elle s’est livrée à une véritable orgie de mauvais goût et de béate satisfaction de soi. » §254

Et encore plus récemment encore, avec les Royal, Strauss-Kahn, Mélenchon, Trierweiler, Copé et autres footeux ou Hartistes ?…

Frédéric Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, 1886, traduction Colli & Montinari, Folio 1987, 288 pages, €7.13

Nos citations viennent de la traduction de Geneviève Bianquis, publiée chez 10-18 en 1972.

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Sont-elles devant nous les Trente glorieuses ?

Article repris par Medium4You.

Oui ! répondent en chœur deux économistes. Ce sont deux femmes, ce pourquoi elles portent un regard différent des hommes sur la matière ; elles sont passées par la fonction publique, ce qui leur a permis de mesurer la dégradation politique du système social ; elles ne sont pas politiques, ce qui leur laisse un regard de technicien sur l’avenir. Ce qu’elles proposent est donc une richesse et un handicap. La chance à saisir pour un pays qui se pose des questions sur son avenir et donc sur son identité ; l’infirmité de la courte vue, du déficit abyssal et de la ponction fiscale déjà au sommet des pays comparables. Quel politicien pourra reprendre cette utopie pour sa campagne 2012 ? On se demande – d’où l’intérêt de lire ce livre.

Foin de la crise économique, disent les auteurs, ce n’est qu’actualité immédiate. Projetons-nous de suite dans l’utopie : cet an 40 où tout ira bien, 2040 en inverse de 1940. La France y sera le pays d’Europe le plus prospère et le plus peuplé, avec pas moins de 80 millions d’habitants, plus que l’Allemagne. Mais il n’est pas dit de quelle culture : le melting-pot français, appelé hier « intégration » aura-t-il fonctionné ? L’Éducation nationale aura-t-elle réussi à redresser la barre de l’échec à lire-écrire-compter pour les sortants sans qualification du collège ? La recherche aura-t-elle ses bataillons d’ingénieurs motivés dès l’enfance, et de techniciens bien formés nécessaires à son expansion ? Rassurons-nous, on nous assure que tout cela n’a pas d’intérêt car le taux de chômage est retombé à 5,5 %, ce qui rassure les classes sociales en déclin et leur permet d’accepter les autres, tous ceux qui ne sont pas comme eux.

Comment cela a-t-il été possible ? C’est très simple, les idées étaient dans l’air dès 2007 avec la commission Attali. Il s’est agi de faire émerger de façon volontariste des champions nationaux dans l’industrie, surtout énergie (avec un mixte de solaire et de nucléaire) et chemin de fer, vieux tropisme centraliste d’État. On peut se demander si cette palette industrielle n’est pas un peu courte… Le nouveau cycle fait la part belle aux technologies de l’information et l’on ne voit guère où elles peuvent se nicher dans le train et l’énergie. Évidemment il a fallu lancer un « grand » plan d’investissement auprès duquel celui de la commission Attali a fait pâle figure. Mais il fallait rattraper toute une génération perdue sous Mitterrand et Chirac. Il a donc été nécessaire de négocier âprement avec les Allemands qui ont horreur de la dépense non financée dans un système monétaire commun. A été mise en œuvre une enveloppe fiscale européenne analogue à feu le serpent monétaire, un couloir limité dans lequel se tiennent tous les pays afin de limiter le dumping.

Ah oui, petit détail : la relance de l’immigration. Elle était indispensable pour servir l’ambition industrielle, nécessitant des bras jeunes et des cerveaux neufs. Il n’est pas dit d’où elle vient, mais l’on peut supputer qu’il s’agit de pays francophones, plus quelques centaines de milliers de Chinois parce qu’ils sont trop nombreux en Chine et qu’ils y manquent de femmes.

S’agit-il de méthode Coué ? D’optimisme systématique pour se poser contre le pessimisme ambiant ? La Société de confiance’, dont parlait Alain Peyrefitte dans sa thèse, peut-elle se régénérer simplement par volontarisme d’État ? Pour ces auteurs femmes, « le modèle social français » si archaïque, si rigide, si décrié, n’est pas le problème mais la solution. Il ne marche plus si l’on ne considère que la dépense obligatoire, la protection sociale. Mais il fonctionne très bien si on le met en regard de la quantité de biens produits pour un même montant de ressources. En rationalisant, on consomme moins d’énergie et moins de matières premières importées, ce qui augmente d’autant le pouvoir d’achat des Français. Il suffisait d’y penser.

A condition de respecter la devise liberté, égalité, fraternité.

Liberté ? Elle ne naît pas toute armée dans les cerveaux français, plus tentés par la fonction publique protégée que par l’entreprise : 77% des jeunes rêvent d’être fonctionnaires… La France reste sous-investie car le privé se développe ailleurs, là où les marchés s’ouvrent et offrent une population jeune avide de produits de qualité française. Il faut donc que l’État retrouve son rôle d’incitateur et d’encadrement par ses commandes publiques. Le budget, en déficit permanent depuis 1974, ne le permet plus, d’où le grand plan volontariste. S’enclencherait alors un cercle vertueux, là aussi fort libéral, où le fait d’investir redonne le goût du risque d’entreprise, ce qui favorise en retour l’investissement… donc l’emploi. Et tout le monde est content.

Égalité ? Pour les auteurs, il faut que chaque citoyen participe au progrès – c’est là une conception libérale au sens noble où la solidarité est une convergence d’intérêts. L’augmentation des salaires (donc des cotisations) permet la protection sociale et celle-ci participe à la productivité des Français ; elle n’est pas un boulet qui coûte mais un investissement rentable qui fait que chacun travaille mieux et avec moins de craintes pour l’avenir.

Fraternité ? Il réside dans ce mélange unique de service public à la française, d’ouverture européenne âprement négociée, et d’immigration ouverte pour augmenter la richesse du pays.

L’intérêt du livre en 2011 est que les auteurs tiennent à chiffrer leur plan, ce qui est assez rare dans l’intellocratie française pour le souligner. Ils retiennent 5 indicateurs clés : le taux de croissance, la productivité des ressources, le taux de pauvreté après transferts sociaux, le nombre d’années de vie en bonne santé, et la consommation d’énergie renouvelable.

En fait rien de bien neuf, mais remis en perspective. Cette analyse montre qu’un certain avenir est possible, il suffit de le vouloir. Pour cela, quitter ces minables querelles d’ego, attisées par des médias avides de faire du fric avec les scoops des petites phrases assassines. Quand Nicolas Sarkozy suit le rapport de la commission Attali, il est dans le vrai : pourquoi ne pas le dire ? Quand François Hollande réclame une réforme fiscale d’ampleur qui rétablisse l’égalité des citoyens devant la ponction publique, il est loin d’avoir tort : pourquoi ne pas l’avouer ? Quand Jean-Pierre Raffarin fait la bronca sur une hausse du taux de TVA sur les parcs d’attraction, il est politiquement minable au regard des enjeux : pourquoi faire semblant de comprendre ce petit intérêt catégoriel régional ? Sur la convergence économique européenne, la protection contre le dumping social chinois ou les errements de la finance, chacun a des idées qui devraient être mises en œuvre plutôt que jetées à la tête de ses adversaires.

C’est la limite du livre : l’utopie est belle et bonne, mais sa réalisation ne peut passer que par la politique – et là, tout se gâte immédiatement !

Karine Berger et Valérie Rabault, Les Trente Glorieuses sont devant nous, mars 2011, éditions Rue Fromentin, 204 pages, €19

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