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Joaquin Scalbert, Nouvelles du temps présent

Deux nouvelles dont une courte sur l’expérience de mort imminente, pas la meilleure car trop didactique. Mais l’auteur s’en tire avec une pirouette à la fin.

La plus intéressante, Zoël et ses pères, fait 85 pages, soit 70% du recueil. Elle met en scènes les conséquences (inattendues) de l’exigence de transparence pour les donneurs biologiques de sperme.

Zoël est un garçon de 16 ans qui a des doutes sur ses origines parce que ses parents – qui l’aiment – parlent toujours de ses succès en se référant à la famille de sa mère mais jamais en comparaison avec son père, ce qui est curieux. Personne ne lui a dit qu’il était né d’un donneur de banque, à Los Angeles pour être plus précis, car la législation était plus libérale vingt ans auparavant en Californie que dans le vieux pays catholique engoncé dans son juridisme bureaucratique qu’est la France.

L’auteur élimine d’emblée les problèmes familiaux, le couple est sans histoire, avec deux filles après Zoël ; tout le monde s’aime bien. Mais la quête de l’intelligent aîné, poussée par la mode de la transparence pour tout et rien, va perturber l’équilibre longuement acquis. Le père officiel se sent diminué, renvoyé à son impuissance spermatique, fin de race d’une lignée d’aristos portant un nom. La mère se sent pousser des ailes, elle a tout décidé, choisi les critères du géniteur sur catalogue (blond, intelligent, artiste, sportif…). Le fils se découvre un nouveau père, justement dans le domaine professionnel qu’il affectionne, le cinéma, dont il veut faire son métier.

Mais qu’en dira-t-on ? Dans la famille collet monté, dans la société où les « amis » vont jaser, à l’école, auprès des filles ? D’ailleurs, le père des filles est-il leur père ? Non, bien-sûr – et elles, qui n’ont rien demandé, vont devoir vivre avec cette révélation. Du côté du père biologique, Victor, trouver un fils supplémentaire seize ans après est plutôt flatteur, une curiosité, mais du côté de sa femme et de ses fils, cela pose question. D’autant que l’épouse se sent flouée de ne pas avoir été mise au courant de ces dons de sperme aux Etats-Unis et de l’autorisation donnée aussi à ce que le géniteur puisse être un jour contacté. Journaliste d’investigation, elle veut en écrire une enquête en forme de scoop, ce qui est plutôt gênant pour tout le monde !

L’auteur, qui affectionne de façon manifeste les retournements de situation, va conclure sans conclure. Car il affectionne aussi de poser les problèmes sans les résoudre, laissant à chacun la réflexion ouverte. Il n’est certainement pas un « écrivain engagé ».

Mais il est vrai que toutes ces manipulations sociales sur la procréation, PMA, GPA, eugénisme euphémisé des banques de sperme ou d’ovocytes, opérations transgenres, obligent à la recomposition par étape des familles. Elles ne sont pas faites pour l’équilibre mental des enfants, ni pour une stabilité affective et éducative des couples. Les apprentis sorciers du « j’ai l’droit », qui savent tout mieux que tous leurs ancêtres, jouent avec la génétique et l’enfance comme aux dés. Juste pour voir. Juste pour le plaisir. Car le « droit » individuel est devenu sacré et les désirs des ordres. La société occidentale, menée par le consumérisme libertarien américain, génère des citoyens qui trépignent comme des gamins de 2 ans : « moi je », « moi d’abord », « moi aussi » ! Comme s’ils étaient sûrs d’avoir « le choix » de leur destin… Ils n’ont jamais lu Darwin, ni Nietzsche, ni Marx, ni Freud – ni même Bourdieu ! Ils sont conditionnés, ils sont cons tout court de ne pas le soupçonner à l’ère pourtant universelle du soupçon des com(plots).

Quant aux masses démographiques d’autres continents, elles guettent l’instant propice où le suicide collectif fournira l’occasion d’imposer « leur » culture, « leurs » mœurs, « leur » vision du monde. A nos dépens – mais ce sera tant pis pour nos descendants avides d’égoïstes « droits » particuliers. L’auteur se garde bien d’aller jusque-là, trop mainstream comme ancien pubard pour l’oser. Mais il pose avec ironie les bonnes questions.

Joaquin Scalbert, Nouvelles du temps présent – Archives du lendemain, éditions Douin, 2021, 123 pages, €14.00

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

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Individualisme monstre

La modernité est une libération : l’individu est reconnu en tant que personne plutôt qu’en tant qu’appartenant à un seigneur, un royaume, une religion, un clan, une lignée. L’éducation vise à le libérer de l’obscurantisme, des superstitions et des préjugés pour l’amener à penser par lui-même et à rester critique sur l’opinion commune. Le travail le libère des exigences minimales de manger, dormir et se soigner en lui assurant un salaire. La démocratie lui donne une voix dans les affaires de la cité (la politique), tandis que la fiscalité prélève pour assurer les services collectifs tels que la défense, la police, la justice, la formation, les accidents de l’emploi, la retraite et la santé. Tout devrait donc aller au mieux dans le meilleur des mondes.

Mais ce n’est pas ainsi que cela se passe. L’éducation est trustée par une caste de profs qui savent mieux que vous ce qui est bon pour vos enfants et qui sont restés longtemps minés par l’idéologie à la mode, le marxisme. Il ne s’agissait pas d’amener les élèves à penser par eux-mêmes mais à penser idéologiquement « juste », c’est-à-dire à déformer leurs esprits en inoculant des préjugés tenaces sur l’économie (forcément exploiteuse), les riches (non méritants et forcément méchants), le travail (un esclavage), l’égalitarisme (démocratique, forcément démocratique), la révolution (évidemment nécessaire pour « changer le monde »). Le travail est vu comme une corvée, pas comme un épanouissement – sauf chez les artistes, artisans et professions libérales peut-être. Chacun attend avidement la retraite (patatras, on la taxe d’une CSG supérieure !).

La démocratie, tout le monde s’en fout et, puisqu’elle règne depuis plus d’un siècle en France, elle est considérée comme « normale », tel un air qu’on respire. Participer ? Surtout pas ! Voter ? Bof, l’offre commerciale des candidats ne fait plus jouir depuis la grande illusion du « Changer la vie » de Mitterrand en 1981. Les idéologies sont mortes, comme les religions sauf une, la plus violente.Les gens passent donc lentement du tout social de la collectivité, de l’entreprise à vie, de la patrie, au chacun pour soi, dans sa famille, sa bande de potes, son association, son village ou son quartier, parfois sa région lorsqu’elle a gardé une identité. L’individualisme exacerbé atomise la personne en la rendant monade solitaire : divorce aisé, enfants sous pension alimentaire, compagne ou compagnon changé comme de kleenex, travail non investi sauf par peur du chômage, papillonnage politique, manifs pour rien. Le règne du « moi je » ne vise que la satisfaction de ses propres désirs.

D’où la « post-vérité », moment où les faits objectifs sont remplacés par les affects émotionnels et les croyances personnelles. Un fait est « vrai » si l’on ressent qu’il est vrai et qu’on le croit vrai, pas s’il l’est réellement. Chacun sa vérité, c’est mon ressenti, des goûts et des couleurs… Comment faire société de ces aveuglements ? Rien ne tient plus si chacun voit midi à sa porte. Du libéralisme politique avant-hier est né le libertaire des mœurs et l’ultralibéralisme économique d’hier, allant jusqu’aux libertariens américains d’aujourd’hui, parents des anarchistes européens du XIXe en plus radical. Autrement dit la société est passée du collectif ensemble au chacun pour soi. Ce qui signifie qu’un homme est un loup pour l’homme et que règne le droit du plus fort. Dont Trump, cette pointe avancée de l’hyper-individualisme anglo-saxon est le représentant clownesque : un égoïsme sûr de lui et dominateur.

Dès lors, chacun s’agglomère à nouveau en clan, en tribu, car la solitude fait peur si chacun menace tous les autres. Les « réseaux sociaux » remplacent dans leur anonymat les vrais gens. Le panurgisme est plus facile si l’on suit le mouvement, la mode, le flux. Il l’est moins lorsque l’on débat entre quatre yeux. On en revient au féodalisme, l’allégeance à un chef de circonstance qui dit tout haut ce que chacun croit penser tout seul. D’où l’auto-enfermement du refus chez les plus craintifs, qui sont aussi les plus bornés par hantise de se faire avoir. Ce sont les extrêmes à droite, à gauche et ailleurs puisque ceux qui portent gilet n’ont choisi ni le brun, ni le rouge, mais le jaune, la couleur du joker. Rappelons-nous qu’à la dernière élection présidentielle de 2017, plus de 47% des électeurs ont voté extrémiste au premier tour avec 78% de participation ! Le vécu émotionnel a remplacé le vote rationnel et le mouvement anarchique des gilets jaunes n’en est que la lamentable continuation. La démocratie d’opinion remplace la démocratie de compétence. Mais peut-on faire une politique durable avec une opinion forcément versatile ?

Car le durable est dévalué. La culture générale a été délaissée au prétexte qu’elle était sélective et « bourgeoise » – mais par quoi l’a-t-on remplacée ? Par les listes de chien savant des jeux télévisés ? La tête bien faite a été éliminée au profit du savoir se vendre, bien dans l’esprit de marchandise contemporain. Or il existe des souffrances morales et psychiques des individus en France, que la société délaisse ou traite de façon anonyme ou méprisante (les relations épistolaires avec Pôle emploi en sont un triste exemple !). Mais les exclus de l’horreur économique qui râlent contre « le capitalisme » sont à fond dans ce qu’il exige : le vide des esprits pour remplir leur temps de cerveau disponible de toutes les choses à consommer. L’information en continu privilégie ce qui choque et qui fait vendre au recul et à l’analyse. La mise en scène théâtrale et le storytelling sont un grand remplacement de l’intelligence par le tout-formaté, prêt à consommer et à penser. Qu’en disent les écolos, qui prônent la décroissance et le durable ? On ne les entend guère, tout enamourés qu’ils sont devant les manifs où ça pète.

La violence dont font preuve les plus radicaux des embrigadés jaunes est admise, voire admirée par nombre de gilets qui n’iraient pas eux-mêmes casser. Être violent serait une preuve de sincérité, ce serait se mettre physiquement en cause. Mais au mépris des autres, de leur travail et de leurs droits à eux aussi : approuve-t-on le saccage d’un kiosque à journaux qui prive de son salaire de smicarde la kiosquière ? Approuve-t-on la mise en danger d’une femme et de son bébé qui ont le tort d’habiter au-dessus d’une banque ? Approuve-t-on cette haine de classe qui fait d’une habitante du 8ème arrondissement un ennemi à griller comme un vulgaire cochon ? J’y vois pour ma part un jeu dangereux avec les limites acceptables en société. Ces casseurs incendiaires sont dans le chacun pour soi : il ne faudra pas s’étonner le jour où un autre face à eux, tout aussi légitime dans sa « colère » et prêt à défendre violemment sa vie en se mettant en cause comme eux, leur balancera à bout portant une batte de baseball dans la tête. Lorsqu’il n’y a plus de droit, chacun crée son propre droit, avis aux intellos fascinés par la violence des autres.

Ils ont la culpabilité honteuse d’avoir trop peur de se mettre en cause physiquement et d’en rester aux idées générales, confortablement assis à leur bureau. L’intello comme individu peut être intelligent et critique ; les intellos en bande deviennent bornés et totalitaires – communistes, nazis, maolâtres et islamo-gauchistes l’ont montré à l’envi ces dernières décennies. Les idolâtres des gilets jaunes le prouvent aujourd’hui. Pourquoi tant d’autoproclamés intellos n’analysent-ils pas et ne mettent-ils pas en perspective cette jacquerie fiscale qui dégénère en illusion révolutionnaire pour le pire (des poutiniens d’extrême-droite aux anarchistes d’extrême-gauche black bloc) ? Par suivisme de tribu ? Par intimidation de leurs pairs encore plus révolutionnaires (en chambre) que les révolutionnaires (dans la rue) ? Par souci de rester à l’avant-garde, dans le vent de l’histoire ?

Or, plus l’individu est libre, plus il se sent victime. D’où la paranoïa galopante de tous sur tous les réseaux. On « se méfie », toute initiative est forcément prise pour « vous gruger », toute réforme faite pour « le pire ». Comme si figer la situation actuelle était la solution.Mais oui, l’individu est plus libre aujourd’hui qu’hier ! Ce qui implique qu’il s’implique au lieu de tout attendre de maman ou de l’Etat – ou de ne rien attendre de personne. Liberté exige responsabilité – et la liberté fait peur malgré les matamores qui en ont plein la bouche. La monade urbaine se sent vulnérable, désarmée ; l’autiste des banlieues se sent menacé, persécuté ; le solitaire des campagnes se sent incompris, isolé, matraqué par les taxes. L’individualisme en excès engendre des monstres. La méfiance de tous contre tous règne en maître.

Telle apparaît désormais la France au monde entier, cette pauvre nation parmi celle qui prélève le plus d’impôts et qui redistribue le plus aux plus démunis de toute l’OCDE, celle où les « inégalités » ont le moins augmenté sur les dernières décennies…

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La musique fête l’époque

Retour annuel de la fête de la musique, déferlement du spontané, acmé de « l’expression ». Qui que vous soyez, jeune ou vieux, talentueux ou nul, « exprimez-vous ». Peu importe qui vous écoutera, l’important est l’exhibition. Vous purgerez ainsi vos passions dans le grand défouloir populaire. Car – signe d’époque – la fête de musique est réellement une fête ; elle est très populaire, chacun y trouvera ce qu’il veut.

Je vois pour ma part en chaque solstice d’été le maximum de la vie. L’expression des talents se doit d’être alors à son meilleur. C’est ainsi que l’on juge de la santé d’une société. Or, le carnaval de ce soir présentera une anarchie d’exécutants : chacun dans son coin avec son style se montrant aussi nu dans ses sons que sur sa chair (vu la température). Est-ce de « la musique » cette gigantesque « starac » des rues ? N’est-ce pas plutôt un grand battage du « moi-je », une séduction narcissique du badaud qui passe, un cri primal amplifié par haut-parleurs ?

« Les sons émeuvent car ce sont des cris purifiés », disait Alain (Système des beaux-arts, IV.1). Lui-même « irait jusqu’à dire que la musique nous fait reconnaître ce que nous n’avons jamais connu » (IV.10) De même, Nietzsche se sentait « meilleur, apaisé, ‘indien’ » par la musique. « On devient soi-même un chef d’œuvre » car la musique donne à soi-même « une bonne météorologie ». « L’univers, nous l’apercevons comme du haut d’une montagne » car « a-t-on remarqué comme la musique rend l’esprit libre ? » (Le Cas Wagner).

chut putti nus

Certes, mais pas n’importe quelle musique. Alain précisait : « il est vrai que le signe humain, j’entends de l’équilibre, de la santé, de la joie humaine, consiste toujours en une suite de tons soutenus et bien distincts ; et la perfection du chant consiste toujours à conduire un même son du faible au fort sans changer, car c’est la marque la plus parfaite de la possession de soi. » Il y a peu de musiques populaires d’aujourd’hui qui soient dans ce cas… Il s’agit plutôt d’éructer, de hurler, de scander, de faire péter les décibels. Il reste d’autres musiques, la religieuse, la classique, la contemporaine, le jazz, le blues, la chanson, les chœurs, mais est-ce encore « populaire » ? Les intellos l’appellent « bobo » cette musique là, des polyphonies corses aux chansons de Delerm.

Et c’est là, peut-être, où la relecture de Nietzsche fournit quelques clés pour saisir notre époque. Lui en avait contre Wagner, « l’histrion » expert en « duperie » et faux-monnayage. « Wagner est une névrose », écrivait-il. Laissons le Wagner historique pour examiner le « type musical » dénoncé par Nietzsche via ce lourd Germain. Son genre de musique « parlait aux trois sens de l’âme moderne » car elle est « brutale, factice et ‘naïve’. » Ce sont « les trois grands stimulants des épuisés » :

  • La brutalité renverse, il s’agit de « fasciner la moelle épinière », de faire ce « gigantesque qui remue les masses », de submerger les sens – la musique comme « écrasant » ;
  • Le factice est de « faire passionné », de jouer la séduction du « sublime », d’entraîner en « haranguant l’infini » – la musique comme exhibitionnisme ;
  • Le naïf est de singer « le profond », « l’asphyxie par la rumination d’absurdités morales et religieuses », de « suggérer des pressentiments » noyés dans les brumes – la musique comme idéalisme.

Comment ne pas reconnaître en ces critères nombre de « musiques » de notre temps ? L’époque narcissique, exacerbée d’individualisme, séductrice et médiatique a les sons qui lui correspondent : brutaux pour stupéfier (et attirer l’attention), factices pour aguicher (afin de se vendre) et ‘naïfs’ pour se donner bonne conscience (par l’eau tiède du moralement correct, de la posture rebelle jusqu’aux bons sentiments).

Ne boudons pas la fête, il y aura aussi des légèretés et de vrais talents. Nous trouverons bien, dans la diversité des offres, quelques exécutions qui rendront bonne météo à notre tempérament.

Mais ne perdons pas pour cela notre esprit critique et notre capacité d’analyse. Il y a un temps pour participer et un temps pour réfléchir – les deux moteurs de l’homme démocratique.

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Trop de choses à faire ? – s’organiser

Bientôt le bac, les mémoires, la thèse, les vacances. Ce qu’il y a de bien avec la jeunesse, c’est qu’elle remet en cause les évidences de l’âge mûr. Elle oblige à revenir avec des yeux tout neuf sur ce que l’on fait machinalement avec l’expérience, exigeant la revue des acquis. Ainsi de François : « mais comment fais-tu ? Moi, déjà avec un mémoire, je m’en sors pas. Qu’est-ce que ce sera quand j’encadrerai une équipe !… »

Réponse à François : s’organiser.

Durant les études comme durant le boulot, ce qui compte est de savoir où l’on va, en combien de temps et avec quoi. A partir de cela, il suffit de faire un plan et de s’y tenir. Une étape après l’autre.

Que veut-on de moi ?

  • Pour quel travail suis-je payé ? Quel est l’objectif du temps passé en classe ou au travail ? – Répondre à cette question permettra d’établir des priorités et de laisser l’accessoire à sa place.
  • Le but est-il un mémoire de recherche ? Pourquoi alors se disperser dans les lectures hors sujet ?
  • La fonction est-elle de gérer une équipe ? Pourquoi alors passer son temps à faire de l’administration ? Il faut savoir qui donne l’objectif, en parler avec ce chef ou ce prof, et s’y tenir.

Une fois l’objectif déterminé, quelle est mon univers d’intervention ?

  • Il y a ce que je dois faire moi. Il y a ce que je peux déléguer.
  • Outre ce qui fait partie de ma fonction, il y a ce qui n’en a pas l’air, par exemple voir ce que font les autres équipes ou comment avancent les autres recherches.
  • Enfin ce qui paraît inutile en pratique mais qui est éminemment utile en symbolique, comme participer à une réunion d’information, une conférence générale, être présent à une sauterie conviviale…

Après, eh bien il faut passer à l’acte ! Ce qui veut dire planifier, puis faire le bilan, enfin évaluer ce qui est réalisé.

  • Planifier signifie établir les priorités : important, un peu moins, pas du tout ; tout de suite, dans la journée, demain. Qui doit le faire : ou moi, ou je délègue. Où je dois le faire : à la maison, au bureau, en itinérance, en bibliothèque ou à l’extérieur ?
  • Faire le bilan consiste à voir chaque soir, chaque semaine ou chaque mois, si l’on a tenu son plan. Sinon pourquoi ? Comme on ne peut pas tout faire, il faut choisir ce qui importe, ce qui est utile, ce qui répond à l’objectif et à la fonction. Si l’on a prévu ce qui peut l’être, tout imprévu sera plus facile à intégrer car les priorités sont déjà claires.
  • Évaluer va plus loin que le simple bilan : les tâches ont été réalisées, certes, mais ont-elles été efficaces ? Comment faire mieux (ou plus vite, ou avec qui) les mêmes choses ? C’est ainsi qu’on progresse.

hyperactif

Dans l’action, il faut savoir dire non

  • L’hyperactif qui fait tout, tout le temps n’est pas efficace : il s’agite, il ne réfléchit pas, il se contredit, il fonce tout seul.
  • Travailler bien, c’est travailler rationnel et en équipe. Qui dit équipe dit réunion, documentation, communication, écoute, critiques, planification. Le contraire de l’urgence et du « moi je traite les problèmes dès qu’ils surgissent » ou du « je lis sur le sujet tout ce qui se présente ». Chacun son rôle, chacun son rythme. Le professionnalisme, c’est de faire ce qu’il faut quand il faut – pas tout, tout de suite.
  • Pareil pour un travail de recherche : il doit mûrir, hiérarchiser la documentation, la vérifier, sédimenter la réflexion à partir des faits, ouvrir à d’autres hypothèses.

D’où savoir dire non. Ce qui signifie se préserver pour l’essentiel. C’est l’autre nom de la responsabilité.

Il faut aussi savoir lâcher

  • Par exemple certaines prérogatives, si un collaborateur apparaît avoir acquis le niveau de compétence pour le faire. C’est « l’élever » que de lui confier la tâche ; en contrepartie il se sentira valorisé, il travaillera en confiance, donc mieux.
  • Lâcher aussi de cette rigidité qui dégénère souvent en « comportement administratif » (très célèbre en URSS où on l’appelait « komandirovka ») : certains détails « pas de notre ressort » peuvent s’accumuler, pourrir, puis exploser. Par exemple un siège inconfortable ou une heure de départ pour une assistante qui a des enfants, ou un circuit de documents où Untel est informé en retard.
  • En recherche, on ne peut pas tout lire, tout penser, tout savoir. Il faut hiérarchiser, faire des impasses, laisser des pistes ouvertes pour d’autres travaux ou d’autres chercheurs. La maîtrise du travail est acquise lorsque la main est légère : efforts faibles pour enjeux forts.
  • Lâcher enfin de temps en temps pour de vraies « vacances ». Il faut faire le vide (de ‘vacare’ en latin), prendre le temps pour autre chose. Pas toujours quand on le veut : il peut survenir un imprévu, ou une piste de recherche qu’il faut exploiter de suite. Mais prendre le temps de passer à autre chose permet de revenir tout neuf.

Comme la jeunesse.

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Radicalisation de crise

L’Amérique reste qu’on le veuille ou non le phare du monde et ce qui lui arrive nous arrivera probablement aussi, avec une décennie de décalage. Ce pourquoi les réflexions suscitées par les dernières élections présidentielles aux États-Unis, rassemblées dans le numéro de janvier-février de la revue Le Débat (n°173, éditions Gallimard, €18.50) font penser à la France. Nos élections présidentielles de l’an dernier ont marqué une pente dont la campagne anti-Obama fut la caricature. Ce qui s’est produit là-bas risque de se produire ici, en 2017. Qu’est-ce à dire ?

Les États-Unis se sont montrés de plus en plus opposés à l’État et de moins en moins unis.

Les divisions raciales, culturelles, d’origines et de résidence géographique sont devenues criantes. En France, nous avons encore connu en 2012 le choc idéologique entre droite et gauche ; aux États-Unis, le choc est désormais entre communautés : Noirs contre Blancs, petites villes contre mégapoles (Washington, New York, Chicago, San Francisco), états du centre contre états des côtes, cols bleus contre cols blancs, industriels et commerçants contre intellos universitaires…

Cela nous menace-t-il ?

Sans aucun doute. Catholiques et Juifs se retrouvent contre un islam médiatique (différent de l’islam pratiqué) qui valorise l’image de l’intolérant, du macho et du terroriste. Il faut dire que les musulmans « normaux » restent frileux face aux surenchères salafistes et autres « Frères »; on ne les entend guère dans les médias… Les laïques sont partagés, anticléricaux mais « respectueux » (jusqu’à la lâcheté trop souvent) des cultures du monde, dont les opprimés et leur religion font partie. Les habitants des campagnes et des petites villes françaises ne se reconnaissent plus dans les grandes villes telles Paris, Lyon, Marseille, Toulouse. Ces mégapoles cosmopolites ne sont plus « la France » (voir la série Plus belle la vie dont les acteurs n’ont même pas l’accent de Marseille) ; leurs élites ne représentent plus la nation mais le nomadisme mondialisé ; leur culture, subventionnée d’État, ne dit plus rien aux éducations classiques. Pire : les partis de gouvernement sont mis dans le même sac de « l’UMPS » tant par Marine Le Pen que par Jean-Luc Mélenchon. Tous sont accusés d’être dans le vent, ploutocrates (que les intellos-économistes méprisants appellent « ultralibéraux »), dévoués au marché (« grand méchant ») et – pourquoi pas ? – aux maîtres du monde qui comploteraient (rumeur) la fin des peuples.

on est autiste

Le vieux fond humaniste résiste encore en France aux séductions de la manipulation ethnique et des théories du Complot, mais pour combien de temps ? Aux États-Unis, le parti Républicain devient récalcitrant, dédaigneux de tout compromis. Il s’agit presque d’une guerre de religion entre Républicains et Libéraux, les premiers étant à la fois conservateurs (moins d’impôts et moins d’État) et libertariens (moi-je, pionnier tout seul contre le monde pour refonder ici-bas la cité céleste) ; les « libéraux », là-bas, sont gens de gauche, en souvenir des Lumières – ce qu’ont bien oublié les archéo-marxistes français passés sous Staline et dont l’esprit ne s’est jamais remis. En France, la propension au refus de tout compromis est moins marquée mais contradictoire, la droite conservatrice (moins d’impôts mais plus d’État), la gauche plus individualiste que libertarienne (moi-je, narcissique – mais qui exige les autres pour faire son théâtre médiatique ou frimer sur les réseaux sociaux). Les Libéraux américains (parti Démocrate) sont keynésiens et partisans du New Deal, en France l’UMP et le PS aussi… sauf à réduire les déficits. De cette confusion multiculturelle surgissent de nouvelles radicalités aux marges. La rue du ‘printemps’ de droite en témoigne.

Il s’agit de crispation des petits Blancs : WASP aux États-Unis et petits commerçants, artisans, fonctionnaires en France contre « les étrangers » qui viennent saisir les opportunités d’emplois et bénéficient des prestations sociales parce qu’ils sont juste en-dessous en termes de revenus. Plus encore : ce lumpen proletariat bénéficie de la bienveillance des intellectuels, des politiciens et des faiseurs de lois, puisqu’ils sont considérés (à cause d’une vague culpabilité impérialiste ou coloniale) comme « victimes », forcément victimes. L’administration crée des quotas pour favoriser les Noirs aux États-Unis, Obama compte régulariser 11 millions de sans-papiers latinos (4% de la population, l’équivalent de 2.5 millions d’illégaux en France). Susan Sontag, gauchiste féministe new-yorkaise, n’est-elle pas allée jusqu’à déclarer que « la race blanche est le cancer de l’humanité » ? La psychologie de la domination remplace l’analyse de la société, c’est sans doute plus confortable intellectuellement et donne l’éternelle bonne conscience d’être avec les opprimés, mais sans travailler en rien ni à la production, ni à la redistribution sociale, ni à l’éducation des gens. Il y a trahison, aux États-Unis comme en France : le peuple (autochtone) pense que les élites (censées les représenter) les trahissent en favorisant les allogènes (qui ne veulent pas s’assimiler ou n’ont aucune incitation à le faire). Quel intérêt d’être conforme, s’il est plus avantageux de rester victime ?

Les élites de gauche préfèrent semble-t-il, aux États-Unis comme en France, les minorités biologiques aux classes sociales, l’état de nature à la construction historique et politique de la société. Limousine Liberals et bourgeois-bohêmes n’ont que faire du peuple, qu’ils méprisent. La dernière mode en politique est d’oublier ouvriers et employés (Blancs) pour favoriser toutes les minorités ethniques ou de « genre » (qui voteront « bien »). Une fois au pouvoir, la loi remplace l’éducation. Les gais-lesbiens-bi-trans sont plus chouchoutés pour convoler, adopter et procréer que les hétéros qui maltraitent leurs enfants et ne savent pas les élever. Je l’ai écrit, je ne suis pas contre le gai mariage, mais je constate le sentiment naissant qu’il vaut mieux « être » que se créer, « naître » que s’éduquer. Mieux vaut être Noir homosexuel illettré sans papier que Blanc hétéro cultivé intégré… Ce serait ça la gauche ?

De plus en plus nombreux sont ceux qui s’interrogent plus ou moins confusément : à quoi cela sert-il donc de bien travailler à l’école, de vouloir faire carrière, de payer des impôts ? Dans la France de Hollande plus particulièrement, où « les riches » sont désignés comme boucs émissaires de tout ce qui ne vas pas (au-dessus de 3000 € par mois – soit le salaire moyen d’un fonctionnaire en fin de carrière – selon la fiscalité présidentielle), où les « entrepreneurs » sont méprisés a priori et considérés comme vaches à lait fiscales, où une caste restreinte aidée de communicants et d’avocats (Brafman, Veil, Fouks, Hommel) se protège de la loi commune, où « la recherche » est vue comme l’avenir en paroles mais dernière roue du carrosse en réalité (les étudiants brillants partent à l’étranger, comme les innovateurs en Californie : « trop de lourdeur, trop de casse-têtes administratifs et juridiques ») – où 38% des Français déclarent dans un sondage récent qu’ils quitteraient la France s’ils pouvaient… Quel merveilleux projet politico-social ont nos gouvernements depuis le début du nouveau siècle pour que plus d’un tiers des adultes actifs veuillent fuir !

fesses et bobos

Quoi d’étonnant à ce que le populisme monte ?

Tea Parties aux États-Unis et extrémistes en France se radicalisent contre les élites qui les ignorent et font une politique qui va contre leurs valeurs et leurs intérêts. La volatilité des électorats, déboussolés par le changement non accompagné, par la promotion de minorités sans autre explication que « l’égalité » par principe (seraient-ils « plus égaux » que les autres ?), va s’accentuer – aux États-Unis comme en France. Pire : le grand inquisiteur fiscal est pris la main jusqu’au coude dans le pot à confiture des paradis fiscaux; le grand argentier présidentiel a des intérêts aux îles Caymans ! Faites ce que je dis, pas ce que je fais : voilà le discours politique de la gauche « morale ». Après le stupre, le lucre, les Strauss-Kahn et Cahuzac (sans parler des seconds couteaux Guérini, Lamblin, Andrieux, Teulade, Kucheida… et autres hollandais volant) font du président « normal » une image qui pousse au cynisme. Après la fracture sociale, la fracture morale ? Après le « président des riches » des affaires et de l’industrie, le « président des nouveaux riches »  de la fonction publique et du carnet d’adresses ?

Ce qui veut dire que tout dirigeant élu, Obama comme Hollande, n’a plus de « mandat » des électeurs, seulement des « opportunités » de circonstance. D’où l’espèce de fuite en avant de François Hollande sur les questions libertaires (mariage gai, récidive, vote des étrangers, voler au secours du « pauvre » Mali, « moralisation » des moeurs des copains) pour masquer les vraies questions – qui sont de classe et de mondialisation : chômage, déficit public, fiscalité, encouragement à l’entreprise, politique européenne, émergence de la Chine.

Nous ne sommes pas encore au point atteint par les Américains, mais nous y venons.

Sarkozy caresse l’idée d’un retour radical en politique ; Mélenchon fourbit sa faconde, coupeuse de têtes ; Le Pen père, fille et nièce poussent leurs pions. Obama n’a gagné que parce qu’il a su mobiliser à la base, dans les comtés, en exploitant les données personnelles innombrables, glanées sur les réseaux sociaux et auprès des donateurs particuliers. Hollande en reste aux meetings de sous-préfecture et aux appareils obsolètes.

En France la droite ou la gauche extrêmes sont encore loin de mobiliser vraiment la base et les réseaux sociaux. Pour le moment… mais  d’ici 2017 ? Le radicalisme, c’est dans 4 ans.

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Régression socialiste

A la question d’un sondage : « croyez vous que le parti aura le courage et la sagesse d’accélérer les réformes ? » 72,1% ont répondu NON. A la question de savoir si un développement « aux caractéristiques nationales » serait conforme aux intérêts de la majorité, 82,1% ont répondu NON. S’ils croyaient que « seul le parti serait capable de guider le peuple sur le chemin du socialisme idéal » 85,3% ont répondu NON. Décidément, le socialisme réel se porte mal… C’était le résultat d’un sondage auprès de 3000 personnes publié le 15 avril par le Quotidien du Peuple. Certes, le Parti communiste chinois n’est pas le Parti socialiste français, mais le premier a l’avantage d’être au pouvoir depuis 65 ans, tandis que le second ne connait pratiquement que l’opposition. Il devrait profiter de cet avantage pour être cru par les citoyens. Or il n’est est rien et ce sondage chinois pourrait s’appliquer tel quel en France…

Car un sondage français, France 2013 : les nouvelles fractures, observe l’opinion pessimiste, inquiète et défiante, qui bascule désormais dans le repli. « La France doit se protéger davantage du monde d’aujourd’hui ».  Si 55% des Français considèrent encore l’Europe comme un atout, ceux à faibles revenus (53%) et les classes moyennes (51%) considèrent que c’est un handicap.

  • On comprend pourquoi le discours de Marine Le Pen accroche : toute défiance publique profite au Front national !
  • On comprend aussi pourquoi le gouvernement socialiste garde un train de retard, la confiance se mérite or il ne fait pas ce qu’il faut : il augmente les impôts alors que les Français sont plutôt prêts dans ce sondage à faire des sacrifices personnels sur l’âge de la retraite et les jours de congé, et qu’ils exigent de plus en plus une réduction des dépenses publiques. Ils considèrent aussi majoritairement que les PME sont les seuls acteurs aptes à proposer aujourd’hui du constructif face à la crise (53% des Français et 51% des actifs). Les Montebourg et autres Moi-Je de gauche tradi ont tout faux : seule une minorité de Français considère désormais que l’État doit contrôler et réglementer plus les entreprises (44%, – 14 points)…

La présidence est devenue socialiste mais, sous les habits trop grands de la Ve République, Hollande apparaît plus comme « Guimauve le conquérant » que comme le président de tous les Français. Il continue à garder deux fers au feu, les « couacs » étant l’organisation de la Synthèse comme méthode de gouvernement. Mais un président n’est pas un chef de parti, au risque de se couper de la majorité des Français. Son programme était déjà flou (réduire le déficit, augmenter les impôts et la moraline ‘Moi président de la République’) – il fait le minimum.

  • Il a bien sûr augmenté impôts et taxes – mais sans rien réformer du millefeuille de l’organisation d’État.
  • Il a juré de « stabiliser » le chômage « à la fin de l’année » – mais après quelle hausse d’ici là ?
  • La taxation des plus-values de cession des entreprises, la taxe à 75%, le vocable de « minable » accolé aux riches qui quittent la France, les insultes aux patrons ou éventuels repreneurs étrangers pour Florange, Goodyear, Pétroplus, Dailymotion et autres, les leçons professorales aux industriels (Peugeot, Renault…), l’amnistie « sociale » pour les casseurs syndiqués – est-ce cela qui va encourager la reprise de sites ou le goût d’entreprendre ?

tomates

Où est l’avenir ? Qu’en est-il de l’Europe ? Quelles sont les vraies missions de l’État ? Où en est la réforme de la fiscalité ? On se demande vraiment ce qu’ont fait les énarques et autres apparatchiks du PS dans l’opposition. A part les querelles d’ego, pas grand-chose. Et il n’y a pas de grand Coordinateur pour faire aller dans une direction tout ce petit monde. La régression de la pensée socialiste se résume à longueur d’antennes à :

  • La crise ? Yaka taxer les riches et tordre le bras aux Allemands.
  • La croissance ? Yaka changer de logiciel et faire cracher les patrons.
  • Le chômage ? Yaka interdire les licenciements et embaucher une vague de fonctionnaires.
  • L’éducation, la formation ? Yaka créer des emplois jeunes et exiger des stages rémunérés (et « toujours plus de moyens… »).

C’est simple, non ? Les chiffres sont lancés dans les médias par les experts autoproclamés qui parlent d’une seule voix – hier de la réduction du temps de travail, aujourd’hui de la « relance » (sans budget). Pour un socialiste français, c’est toujours de la faute des autres, Sarkozy, la finance (à qui l’on fait curieusement risette depuis qu’on est au gouvernement), l’Europe allemande, l’austérité, les « riches »… Les réalités françaises ? européennes ? mondiales ? Cékoiça ? La « vraie réalité », pour un socialiste, c’est ce que la politique veut, non ?

Eh bien non… La réalité est ce qui oblige, et cette insupportable contrainte réfrène les soixantuitards enfants gâtés, aujourd’hui cinquantenaires immatures, d’exiger « tout, tout de suite ». La réalité, ils appellent ça « la pensée unique », quand ils sont intelligents. Mais si la pensée unique avait surtout raison parce que tout le monde avec Internet se parle, s’écoute et tombe d’accord sur l’essentiel ? Et s’il est dommage que la pensée reste trop longtemps unique, qu’elle est donc la nouvelle pensée socialiste ? Dix ans après Jospin, on attend toujours. Le peuple, lui, n’attendra pas pour rejeter aux poubelles de la politique ces incapables majeurs dans toutes les élections qui viennent.

Que veulent les socialistes pour la France ? Un pays de retraités ? Un pays-musée ? Un club Med pour riches Russes et Chinois à tondre ? Une liste de restaurants gastronomiques d’État (à TVA et cholestérol allégés) ? – Ou bien des idées neuves et un projet collectif cohérent et jeune pour adapter le pays au monde ? Mais 50% d’ex-profs au gouvernement, c’est trop : un prof dit ce qu’il faut faire, il ne le fait jamais. Les Français, tancés comme s’ils étaient en classe, osent s’y mettre en slip et tourner les clowns imbus d’eux-mêmes en dérision. Ce qui vient de se produire en Grande-Bretagne, la victoire du nouveau parti UKIP (United-Kingdom Independant Party), après le vote massif en faveur d’un comique en Italie, montre bien ce qui va arriver en France : la montée irrésistible de Marine Le Pen, sorteuse de sortants et recentrée souverainisme jacobin.

slip torse nu en classe

L’âge d’or où l’on restait entre soi à collecter aux frontières des taxes en franc exclusif qu’on pouvait redistribuer aux seuls nationaux et dévaluer quand besoin était fait rêver. Aujourd’hui les pensions se désindexent, les allocations familiales sont sous condition de ressources, la crise réduit le pouvoir d’achat, le chômage et les emplois précaires montent, les prélèvements obligatoires augmentent. Pourquoi les Français ne seraient-ils pas défiants envers les socialistes qui promettaient tout et son contraire sans avoir même pris conscience d’une crise ? Une étude Eurostat prouve que le gouvernement PS français est celui de l’Union européenne qui taxe le plus le capital.

  • Ce qui empêche (plus qu’ailleurs) les entreprises de garder un taux de marge suffisant pour investir, innover, exporter – et embaucher.
  • Ce qui empêche (plus qu’ailleurs) les ménages d’avoir un emploi, les jeunes d’obtenir un contrat à durée indéterminée et les seniors d’épargner pour une retraite qui pourtant s’amenuise.
  • D’autant que, du fait de son système archaïque et complexe, la France a les coûts de gestion retraite les plus élevés d’Europe.

Selon certains, Hollande « n’ose pas » assumer sa position sociale-démocrate. Il est vrai qu’il n’est déjà pas copain avec tous les syndicats, et que ceux-ci représentent très peu les salariés privés mais surtout les fonctionnaires. Même le social-jacobinisme, plus dans ses possibilités, est mal assumé : l’État se désengage, il ne peut pas tout mais l’Élysée laisse affirmer le contraire (Montebourg, Hamon, Duflot, etc.). Hollande fait de l’évitement sur tout. Il devrait être le président de tous les citoyens, il n’ose même pas le dire à la face des socialistes…

  • …Qui régressent intellectuellement en reprenant les vieux doudous du passé (dépense publique, dévaluation, nationalisations, antilibéraisme primaire, antigermanisme primaire, antiaméricanisme primaire, étatisme à tous les étages). Le pire fut quand ce brouillon de parti engueula Merkel. Le PS n’a toujours pas réglé le débat d’il y a 30 ans (que Mitterrand avait tranché en 1983) : le socialisme dans un seul pays ou l’arrimage européen. Les Allemands ont pointé avec raison « le désespoir dans lequel se trouvent les socialistes français du fait que, même un an après leur arrivée au pouvoir, ils ne trouvent aucune réponse convaincante aux problèmes financiers et économiques de leur pays ». Avant de donner des leçons au monde entier, balayer devant sa porte ; avant d’appeler à moins de « rigueur », commencer par réformer ses propres gaspillages d’État. On attend toujours !
  • …Qui régressent politiquement en tentant de revenir à cette bonne vieille « union » de la gauche que le reste de la gauche ne veut pas (ni Mélenchon, ni les communistes, ni une bonne part des Verts), pas plus que la majorité des Français – ce pourquoi ils ont choisi Hollande plutôt qu’Aubry. Qu’attend-t-il donc, le président François, pour gouverner selon les souhaits de cette majorité de Français, européens et centristes, ouverts à l’avenir et à l’international, soucieux de dépenser moins pour produire mieux ?

Un parti régressif, un président engourdi, un monde politique en déroute ? C’est la voie ouverte aux extrémismes.

Mais pas à gauche, les Français n’aiment la gauche que dans l’opposition. Les bobos immatures crieront au « fascisme », comme toujours, mais les nouveaux partis ont changé. La Ligue du nord l’avait osé en Italie, le Front national a suivi et désormais l’UKIP : ils ne se veulent pas extrémistes – seulement nationaux souverainistes.

Que feront les zélés zélus du PS en ce cas ? Comme le 10 juillet 1940, faute d’avoir pensé à temps ? Des 569 votants en faveur des pleins pouvoirs, 286 parlementaires avaient une étiquette de gauche…

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Social-individualisme

Article repris par Medium4You.

Terminé le national-socialisme, vive le social-individualisme ! Tel semble le message de notre époque, qui a remplacé les élans collectifs (pour le meilleur comme pour le pire – voir l’Iran) par des élans narcissiques, centrés sur l’individu. Le mouvement démocratique libère la personne des appartenances biologiques, claniques, sociales et même physiques. L’hérédité ne fait plus l’identité. Celle-ci devient multiple, construite tout au long de la vie, bariolée. Mais cela ne va pas sans risques.

Le premier risque est celui de la peur. La liberté fait peur car nombreux sont ceux qui ne savent qu’en faire, effrayés de devoir décider par eux-mêmes après avoir réfléchi. D’où cette régression réactionnaire vers un âge d’or, un Dieu qui commande, une religion qui prescrit en détail comment se comporter, un parti qui décide de la morale, des syndicats qui défendent obstinément les zacquis, un chef qui montre le chemin… Merah se croyait missionné d’Allah pour tuer de sang froid de jeunes enfants élevés dans une autre religion (sans même qu’on leur ait laissé le choix).

Le second risque, inverse, est celui de la démesure : tout est permis. La liberté devient la licence, l’émancipation le droit de faire ce qu’on veut, au gré des désirs les plus fous. On se marie entre gais, on baise avec n’importe quel « cochon », on tue sans assumer les suites (dans la série Poubelle la vie), on refuse l’Europe-contrainte, on nie les simples lois de l’économie, on refuse toute entrave au désir du tout tout de suite. Ainsi, l’éthylotest en voiture devient-il une contrainte insupportable, incitant un gouvernement de gauche à agir comme Chirac, président de droite : « je promulgue la loi mais je demande qu’on ne l’applique pas ». Pourquoi rendre légalement « obligatoire » l’éthylotest si ne pas en avoir n’emporte aucune conséquence ? Autant supprimer l’obligation pour n’en faire qu’un conseil de la Prévention routière. Mais non : jamais un gouvernement jacobin n’acceptera de laisser le choix à la société civile, il lui faut toujours énoncer le Bien.

Peur de la liberté, démesure de la licence, ces deux pôles semblent les tentations de la politique. La droite veut conserver, voire revenir sur les excès de libertés ou de réglementation. La gauche veut aller toujours plus de l’avant, faisant du « progressisme » un objectif en soi, sans but, sans définir un progrès vers quoi. La droite veut immobiliser le changement trop rapide de la société, la gauche veut chevaucher le mouvement social. Rien n’a changé en apparence, nous serions dans le clivage classique.

Mais ce serait trop simple, car en économie, c’est l’inverse. En France, la droite est pour s’adapter au monde qui bouge, la gauche frileuse pour résister des quatre fers à tout ce qui change. La gauche d’immobilisme et la droite de mouvement, c’est nouveau… mais rappelle les années 30, où le « progressisme » sort du collectif à gauche pour s’incarner dans l’individualisme, tandis que la droite l’investit massivement !

Cela en théorie, car droite et gauche se rejoignent au gouvernement. Hollande fait concrètement du Sarkozy, il n’y a que le style qui soit différent. Le résultat des élections est tiède, déplaisant à tous ceux de droite comme à tous ceux de gauche. Restent les raisonnables, de moins en moins nombreux, les européens de conviction, les centristes et les sociaux-(qui voudraient bien être)-démocrates – mais sans syndicats puissants.

La tentation de la politique sera donc de refaire du clivage entre droite et gauche. Comment ?fefe Lucile Butel

Depuis des décennies, la droite ne dit rien de l’avenir. De Gaulle montrait le chemin de l’indépendance et de la grandeur nationale, jusqu’à Giscard avec les réformes de mœurs devenues indispensables pour adapter le pays aux mœurs (divorce, avortement, égalité dans le couple, majorité à 18 ans). Mais Chirac n’a rien foutu, roi fainéant conservateur, médiatique anesthésiant. Sarkozy changeait d’avis de mois en mois, reniant ce qu’il affirmait d’abord, refusant d’abolir ce qu’il aurait dû, par exemple ISF et 35 heures, surfant en avant des médias pour faire tout seul l’actualité. Ni le somnifère ni le prozac ne sont de bons moyens de gouverner : la droite n’aurait-elle rien à proposer de plus équilibré ? Ni Chirac, ni Sarkozy, où sera le nouveau projet de société ? Bruno Le Maire, François Fillon, NKM ? Comme nul ne voit rien venir, certains ont la nostalgie du retour de Sarkozy.

Depuis des années, la gauche est restée hors du gouvernement. Elle n’assume donc qu’avec réticences et couacs répétés les « ajustements » nécessaires des promesses au réalisable, de l’idéal « de gauche » au quotidien concret. Promettant l’emploi pour tous dans quelques mois, elle ne réussit que le chômage pour tous par ses insultes aux créateurs d’entreprise, par sa pression fiscale sur les sociétés et sur « les riches » (de la classe moyenne), par sa posture anti-finance (malgré une réforme bancaire avortée) et son théâtre anti-repreneurs s’ils sont étrangers (Mittal, Taylor…). Après avoir accusé la TVA d’être « de droite », voici que la gauche va l’augmenter, après avoir accusé Sarkozy de « brader » les acquis de retraite, voici que la gauche va les remettre en cause, après avoir vilipendé la semaine de 4 jours, voilà que les syndicats d’enseignants vilipendent l’abolition de la semaine de 4 jours, après avoir juré que « jamais » il ne signerait le pacte de stabilité européen, voilà que le gouvernement de gauche le signe selon la version Sarkozy et les désirs allemands. C’est que la réalité des choses rattrape les grands discours abstraits – dans le même temps que l’individualisme narcissique se fiche du collectif comme de son premier slip. Le « Moi, président de la République, je serai irréprochable » nomme ses copains plutôt que des compétents (Jack Lang, Olivier Schrameck, Ségolène Royal…). Les rodomontades du Montambour (merci Alain Ternier pour cet heureux surnom) sonnent creux devant les nécessités industrielles de Florange, Pétroplus, Goodyear et du journal la Provence. Toujours, c’est le « moi je » qui règne et pas le collectif, plus de salaire au détriment de l’intérêt des élèves, plus de copains confort qui ne feront pas de vagues, plus de célébrité auprès de syndicats et de la gauche radicale.

La gauche délaisse alors l’économie où elle ne peut rien – que surveiller et punir (ce qui aggrave la crise) pour faire diversion dans le libéralisme… sociétal. Il répond au narcissisme moi-je d’époque et devrait faire dévier la ligne raisonnable de François Hollande en radicalisme anarchiste à la Beppe Grillo. C’est la vraie tentation de la gauche que de reconstituer du clivage en ce sens. En manipulant le politiquement correct, mariage gai, mères porteuses, droit de vote aux étrangers, toutes les revendications minoritaires deviennent des « droits » pour répondre au prurit d’égalité sans limites. Même les casseurs et autres agresseurs condamnés par la justice deviennent légitimes… s’ils sont syndicalistes ! Le gouvernement de gauche leur reconnaît une égalité supérieure aux citoyens ordinaires : ils peuvent impunément tabasser, casser, séquestrer, sans être condamnés pour autant. Il s’agit de « luttes sociales », donc permises. Un conseil aux maris jaloux ou autres vengeurs : prenez votre carte de la CGT, entraînez votre ennemi dans une manif et foutez lui sur la gueule : vous resterez impunis.

Mais les ouvriers déclinent, mondialisation et productivité obligent. Ceux qui restent délaissent la gauche, surtout le parti socialiste, au profit des fronts, d’ailleurs plus le national que le « de gauche ». Le socialisme perd alors son prétexte social pour changer de clients. Vive l’immigré et le bobo urbain ! Donnons le droit de vote aux étrangers, abolissons les genres, permettons toutes les provocations individualistes-narcissiques. Là est l’avenir puisque là serait « le progrès », induit par le mouvement social qui va sans but.

couple erotique

Le pire vient probablement d’avoir lieu avec le roman Iacub où culture s’abrège en cul tout court. Nous avons là le meilleur exemple de l’amoralité bobo de gauche : l’individualisme absolu, le narcissisme du désir exacerbé, l’aboutissement du libertaire revendiqué depuis Fourier en passant par mai 68. Entre adultes consentants, tout est permis s’il n’y a ni torture ni meurtre ; le désir violent d’être violée peut même se concevoir dans une démarche de jouissance jusqu’au bout (et très vit). On peut même rire de cette lutte pour la domination entre bourgeois cosmopolites mâle et femelle. Mais où serait l’information si le naming répété dans les médias ne constituait les ragots croustillants ? Où serait la « littérature » s’il ne s’agissait de la marque déposée DSK, « ex-Directeur du FMI, ex-candidat à la présidence de la République, ex-figure de la gauche socialiste » ? Le niveau s’abaisse au caniveau. Nul ne peut croire qu’on cherche la « sainteté » en devenant pute à « cochon ». A moins qu’il ne s’agisse de victimiser le prédateur pour renverser l’opinion ? Les victimes apitoient toujours… alors qu’un procès en prostitution a bientôt lieu à Lille.

Voilà de quoi renforcer à la fois le Front national et les islamistes ou cathos intégristes. Voilà de quoi séparer un peu plus le peuple et les élites, la classe moyenne familiale laborieuse et l’hyper-classe supérieure individualiste et riche. Comme à Athènes au IVème siècle : comme quoi le « progrès du mouvement social » est une idéologie qui n’a aucune consistance historique…

D’où mon pronostic (pas mon souhait) :

  • Les classes moyenne et populaire vont volontiers voter de plus en plus à droite (comme chez les Républicains américains) – tant mieux si la droite sait récupérer le raisonnable, l’Etat protecteur sans entraver l’initiative, le moindre gaspillage des deniers publics. Sinon ce sera le Front national qui va grossir.
  • La classe des élites mondialisée et des petits intellos « révolutionnaires » va voter de plus en plus à gauche, surfant sur l’individualisme narcissique – en cherchant à racoler les antisystème, immigrés, étrangers, gais-bi-trans-lesbiens, artistes, écolos, fonctionnaires et autres clients captifs de l’État-prébendes. Tant mieux si le hollandisme ne déçoit pas trop. Sinon les troupes pourraient bien conforter le PDG de Mélenchon, qui se verrait volontiers en Saint-Just appelant aux armes contre les riches et aux frontières contre Bruxelles.

La France pourrait connaître une évolution à l’américaine, avec une droite de plus en plus à droite mais refuge du collectif national, et une gauche de plus en plus anarchiste-bobo, exaspérée de tout est permis. Ce qui promet de prochaines élections intéressantes…

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