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O’Macron, un variant très contagieux

Le président hier a parlé, dommage que ce fut sur TF1 et non pas sur une chaîne du service public. La soirée aura quand même empêché les accros au petit écran d’écouter les sempiternelles téléfilms yankees qui diffusent la propagande féministe et puritaine du colonisateur d’Occident. Le format était original par rapport à ce qui s’est fait jusqu’à présent, en courtes séquences successives ponctuées d’images et parfois d’émotion.

Le tout a duré 1h52 mn et non pas « deux heures » comme répètent à l’envi les médias – chacun peut le vérifier sur le replay de la chaîne. Dans l’ordre, les séquences les plus longues ont été celles consacrées à la crise sanitaire (20 minutes), aux réformes (17 minutes), à l’endettement de la France (12 minutes), à la république (11 minutes), et au style du président (10 minutes). D’autres séquences ont concerné les institutions, les inégalités, la parole des femmes, le terrorisme, et le « quoi qu’il en coûte » assumé.

Le président ne « voulait pas faire de politique » mais présenter une rétrospective des cinq ans passés à l’Élysée. Sa candidature viendra probablement, mais plus tard, au début de l’année prochaine, alors qu’il lui reste encore quatre mois pour prendre des décisions, peut-être difficiles. Nul ne doute qu’il ne soit candidat, sauf si un événement exceptionnel devait le conduire à renoncer.

Le ton général a été celui d’une certaine satisfaction pour le travail entrepris, mais aussi une reconnaissance des difficultés imprévues. Un « en même temps » qui a permis d’apprendre et de résister. Emmanuel Macron est passé de la situation « d’aimer la France » en début de quinquennat à celle « d’aimer les Français » en fin de quinquennat. Il a toujours « envie de faire », même s’il a commis des erreurs – il a le souci de ne pas les répéter. La philosophie du « en même temps » est celle d’être à la fois « efficace et juste ».

Cela se décline sur tous les sujets :

  • Sur la crise sanitaire où le confinement a été nécessaire alors que personne ne savait comment la pandémie allait se développer (« tous les pays ont confiné », à commencer par la Chine, pourtant productrice de masques). Pour les autres vagues, la vaccination a pris le relais et le confinement est devenu moins nécessaire (jusqu’à présent).
  • En économie, où le « quoi qu’il en coûte » est assumé et, en même temps, les réformes concernant la fiscalité et l’encouragement à l’investissement des personnes aisées – car le mérite doit aller avec la solidarité pour « un pays juste ». Pourquoi reconnaître le mérite dans les arts ou le sport et pas en économie ? Une phobie morale de « l’argent » ? « Je n’ai pas l’obsession de l’argent » (comme Nicolas Sarkozy – c’est moi qui rajoute) mais la culture du succès économique (pas comme François Hollande – idem).
  • Sur le chômage, où la réforme a permis des créations d’emplois et des entrées en apprentissage beaucoup plus fortes qu’auparavant.
  • Sur le débat démocratique avec les nombreuses lois débattues au Parlement et le Grand débat sur le climat qui a permis aux « invisibles » et aux « empêchés » de découvrir qu’ils avaient leur place alors que des décisions bureaucratiques concernant la taxe carbone et les 80 km/h avaient été prise par des fonctionnaires depuis Paris.
  • Sur le pouvoir d’achat, source d’inégalités – compensées pour les classes moyenne et populaire par le chèque énergie, l’allocation adulte handicapé, le minimum vieillesse agriculteurs, la suppression de la taxe d’habitation, la prime d’activité… Mais en même temps permettant l’investissement qui crée de la richesse pour financer le modèle social.
  • Sur la parole des femmes contre les violeurs et les maris violents, mais avec la présomption d’innocence et le respect des procédures judiciaires plutôt que le lynchage médiatique et des réseaux.

Inutile de récapituler tout ce qui a été accompli durant cinq ans malgré les grèves, les gilets jaunes et le Covid. Aucune réforme n’a été vraiment marquante mais une suite de réformes allant dans le même sens, vers la responsabilité et le mérite, en faveur du travail et du goût du risque.

La dette est importante mais on la remboursera par plus de travail, pas par les irresponsables « on l’annulera » ou par « les générations futures s’en débrouilleront », ni par la posture de « père fouettard » en augmentant massivement les impôts et les taxes – « cela a été essayé et cela n’a pas marché » (ce qu’a tenté François Hollande avec le désastre qu’on connait et ce que propose Valérie Pécresse un peu légèrement). Plus travailler implique une réforme des retraites afin d’être en emploi plus longtemps et mieux aux deux extrémités des âges, des jeunes comme des seniors. La réforme sera simplifiée en trois régimes plutôt que les 42 existants pour réduire les inégalités de privilèges historiques.

Le service public devra être modernisé pour être plus efficace mais le problème n’est pas « le nombre de fonctionnaires » comme le répète la droite. Ou peut-être (le président ne l’a pas évoqué) dans les régions et les départements où les postes sont mal définis et les horaires pas toujours respectés. Au niveau national l’armée, la police, les magistrats, l’enseignement, l’hôpital, sont des fonctions régaliennes qui manquent de fonctionnaires – et aussi de simplification bureaucratique.

Le simplisme des propos des extrêmes-droites comme de la droite qui se durcit, est plaisant même s’il ne s’agit que de promesses électorales qui seront sans lendemain parce qu’irréalistes :

  • Diviser les Français n’augmentera pas la sécurité.
  • Accuser « l’islam » ne résoudra ni le terrorisme, ni l’obligation de laïcité.
  • Proposer de dépenser encore et de fournir toujours plus de moyens ne résoudra pas la question de l’organisation des rôles et des fonctions des services de l’État.

Il faut augmenter les moyens, certes, mais selon ce que l’on peut et non pas selon ce que l’on désire. Il faut surtout former et réformer avant de lancer des slogans irresponsables. Or il n’y a aucune responsabilité dans les braillements violents des extrémistes, qu’ils soient gilets jaunes ou zemmouriens. Incendier une préfecture ou casser les sculptures de l’Arc de Triomphe ne démontrent ni un sens civique développé, ni un amour de la France.

Les peurs existent, le ressentiment global augmente, la méfiance aussi – et les réseaux sociaux amplifient les comportements de foule, tel le lynchage de Samuel Patty comme les ralliements complotistes que l’on constate ici ou là. Le président a raison de garder raison face à ces débordements infantiles que quiconque parvenu au pouvoir ne pourrait plus tolérer.

Il regrette un certain nombre de propos malvenus, mais souvent sortis de leur contexte. Ainsi le jeune homme à qui il conseillait de traverser la rue pour trouver un nouvel emploi lui avait demandé s’il avait un poste d’horticulteur ou tout autre boulot, alors que le patron du restaurant en face cherchait des serveurs. Le président ne l’a pas dit, mais les médias sont souvent dans la caricature, faute de professionnalisme. Le scoop immédiat plutôt que le contexte, le buzz valorisant plutôt que l’effort de rechercher, réfléchir et recouper.

À chacun, il demande d’être pleinement citoyen, ce qui implique certes des droits, mais « d’abord des devoirs » – ce que déclarait justement Joséphine Baker. Il parle aux jeunes indifférents à la politique, à ceux tentés de se radicaliser, aux musulmans qui se demandent s’ils peuvent exercer leur religion, aux femmes qui ont peur de porter plainte. « Tout ce qui divise affaiblit » rétorque-t-il au polémiste Zemmour. La démographie change, en effet, mais ce qui compte n’est pas de fermer les frontières, slogan illusoire, mais de maîtriser à la fois les flux qui entrent et l’intégration de ceux qui sont là. Il faut des frontières, notamment européennes, et en même temps développer l’Afrique, continent qui envoie ses pauvres et sa démographie en surplus vers l’Europe.

Sur son style personnel, le président évoque sa « vitalité », sa « volonté de bousculer et de transgresser » mais est plus conscient du respect qu’il doit aux gens, et aux mots qui peuvent blesser. « J’ai appris », répète-t-il plusieurs fois. La photo où il pose avec un Noir torse nu qui fait un doigt d’honneur n’aurait jamais dû être diffusée, c’était une erreur. « J’ai été naïf », dit-il. C’était à la suite de l’ouragan à Saint-Martin, lorsqu’il avait été convié par une famille à visiter son appartement. Là encore un instant sorti de son contexte.

Sur l’avenir, qu’il évoque à grand traits : « où va la France ? ». Elle va :

  • vers la transition écologique et sociale qu’il faudra organiser,
  • vers l’innovation pour garder une place dans la mondialisation,
  • vers le niveau nécessaire pour résister à la guerre technologique qui ne fait que commencer.

Ce qui implique de réformer l’éducation et l’apprentissage pour s’adapter à un monde en changement. « Nous sommes le pays de tous les possibles » dit-il en conclusion.

À part sur l’international, où la séquence n’a duré que deux minutes à propos du contrat australien révoqué, tout le reste a été consacré aux affaires et questions intérieures que tout le monde se pose. C’était pédagogique et varié, très illustré, même si les journalistes comme le président portaient curieusement la même couleur de costume bleu pétrole – couleur incongrue en transition écologique.

Le président est jeune, intelligent et pédagogue, dynamique et capable d’apprendre. Il se dit « affectif » mais en même temps apparaît comme cérébral, ce qui paraît un bon compromis lorsque l’on doit prendre des décisions pour le pays.

S’il est à nouveau candidat, il sera à mon avis un variant redoutable car très contagieux.

Je ne crois pas qu’Éric Zemmour, Marine Le Pen, Anne Hidalgo ou Yannick Jadot fassent le poids contre lui. Pour Jean-Luc Mélenchon ou Valérie Pécresse, c’est peut-être différent mais le premier a peu de chance d’accéder au second tour. La droite veut prendre sa revanche sur la victoire qu’elle escomptait avec François Fillon, mais ce n’est pas gagné, surtout si elle se crispe sur l’illusoire (moins de fonctionnaires, restrictions budgétaires, fermeture culturelle).

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Capitalisme chinois

Le président Macron est en Chine. Comment comprendre le capitalisme particulier de ce pays ?

Qu’est-ce donc que « le capitalisme » ?

De façon descriptive, il s’agit d’une technique d’efficacité économique à user des ressources rares pour produire au moindre coût. Cette efficacité engendre du profit, qui peut être réparti sur l’investissement, les salaires, la rémunération du capital, ou mis en réserve. C’est cette « répartition » qui est un acte politique – donc soumis à idéologie. Elle peut être coopérative, sociale, étatiste, clanique ou libérale. Les coopératives ouvrières partagent les gains après répartition décidée par tous ; l’entreprise sociale n’a pas de « but lucratif » mais redistribue à ses clients, ses fournisseurs et ses salariés les surplus ; l’entreprise d’Etat abonde le budget du pays en contrepartie de la présence de fonctionnaires pour administrer l’entreprises et de décisions politiques pour investir ; l’entreprise clanique assure la richesse à une famille ou à un clan, ne se préoccupant que de la rentabilité ; l’entreprise libérale se soumet à la loi de l’offre et de la demande tant pour vendre ses produits que pour acheter aux fournisseurs, rémunérer ses actionnaires et payer ses salariés – le pouvoir est en ce cas un rapport de négociations successives avec les uns et les autres.

La comptabilité en partie double, les méthodes de marketing, les innovations technologiques, l’organisation fordiste de la production, les sociétés juridiquement à responsabilité limitée, le commerce au loin, sont des techniques du capitalisme. Elles évoluent, se transforment, s’adaptent depuis le XVe siècle. Le cœur de l’économique réside en cette efficacité recherchée à chaque instant, de la production à l’échange, efficacité dont « le profit » est le résultat final (et pas le but en soi) – en même temps qu’il y a goût du risque (marchands aventuriers, inventions mises sur le marché, prospection de nouveaux clients, innovations). Ce risque, apporté par les détenteurs de capitaux qui le prêtent à l’entreprise (obligations) ou prennent une part (actions) doit être rémunéré – sinon personne ne prêterait et « l’Etat » (on l’a vu avec M. Haberer, énarque au Crédit lyonnais nationalisé) est un piètre gestionnaire ! Cette technique double peut être adaptée différemment, suivant les pays et les sociétés qui l’utilisent.

Le capitalisme en Chine

Il fut d’abord d’Etat avant d’être livré aux clans (comme dans la Russie post-soviétique mais sous le contrôle du Parti communiste au pouvoir). Le deal est le suivant : faites des affaires mais ne remettez jamais en cause le pouvoir ; quiconque le remet en cause de quelque façon se voit accusé de « corruption » et mis en prison. L’entrepreneur individualiste, le self-made-man à l’américaine, n’existe pas en Chine. Selon la tradition, ce sont des familles entières qui sont actionnaires et les réseaux de relations personnelles (y compris avec les fonctionnaires d’Etat et les influents du Parti) qui sont au cœur des affaires. D’où ces relations paternalistes à l’intérieur des entreprises, ce sens des responsabilités sociales comme il existait dans l’ancien capitalisme familial français ou allemand au début du XXe siècle – mais aussi ce que les protestants puritains anglo-saxons appellent « la corruption », qui est là-bas un échange de bons procédés. La « vertu » des entrepreneurs chinois est à la fois sociale (le réseau, d’où « la corruption ») et morale (le confucianisme). On peut la mettre en parallèle avec ce qui animait les maîtres de forges européens : le statut social et le christianisme.

L’usage social de l’outil capitalisme n’est pas né en Chine d’une parole d’Etat. Deng Xiaoping a certes débloqué la situation en 1978 et tiré un trait sur le volontarisme brouillon des maos. Car le Grand Bond en avant fut un grand bond en arrière qui fit périr de faim des millions de Chinois et nul ne veut plus le voir revenir. La mégalomanie d’Etat ignore l’économie et ses lois toutes simples qui permettent de produire, d’échanger et d’élever le niveau de vie. Pour conserver le pouvoir après l’extinction de Mao, le Parti n’avait d’autres ressources qu’une perestroïka contrôlée. Elle fut conduite en douceur et dans le temps, aboutissant à l’essor que l’on observe depuis trois décennies.

Mais la Chine ne part pas de rien.

Son histoire illustre combien la société chinoise a depuis longtemps su marier la bonne économie à la bonne politique. Au moyen-âge, la production agricole et les réalisations des artisans spécialisés étaient largement diffusées dans l’empire par une classe marchande pleine d’initiatives. Le forçage anglais des ports par le traité de Nankin oblige au XIXe siècle l’empire immobile à bouger. L’ouverture commerciale à la concurrence de l’Occident montre aux Chinois le retard qu’ils prennent sur la révolution industrielle. L’équipement passe par la puissance publique, comme souvent dans les phases de décollage. C’est l’armement qui intéresse les fonctionnaires des provinces côtières. Qui dit armement dit acier et qui dit acier dit charbon – et c’est ainsi que commencent les infrastructures et la production industrielle. Se développent alors l’armement, les bateaux à vapeur, le textile, le téléphone.

La fin du XIXe voit la création d’entreprises mixtes dont le financement est à capitaux privés, la gestion par des marchands issus des ports ouverts, et le contrôle celui des fonctionnaires locaux. Le début du XXe siècle verra l’Etat central codifier et réguler le commerce. Le capitalisme n’est pas une importation d’Occident – c’est confondre la technique d’efficacité économique (le capitalisme) avec l’idéologie libérale (le laisser-faire). Les pratiques traditionnelles chinoises ne sont pas balayées et remplacées, elles amalgament les techniques nouvelles venues d’ailleurs à leur culture, habitudes et mentalité. Tout comme l’a fait le Japon à l’ère Meiji et la Corée du sud dans les années 1960. C’est bien la preuve que « la mondialisation » n’est une américanisation du monde que dans les fantasmes politiciens. La globalisation est l’ouverture des marchés à l’ensemble de la planète mais « le capitalisme » n’est pas un néo-colonialisme occidental. Si des pays aussi divers que la Chine, le Japon et la Corée ont su adapter la technique capitaliste à leur culture proprement originale – sans perdre leur âme comme on le voit tous les jours – c’est bien la preuve qu’il est sot d’amalgamer capitalisme, libéralisme et américanisation. Le propre de l’analyse est de distinguer pour comprendre. La science économique n’a rien à voir avec la croyance idéologique.

Au début du pouvoir communiste, les structures économiques familiales et claniques, mêlées de privé et d’Etat, sont conservées. Les propriétaires ne sont expropriés que pour moitié et restent actionnaires à dividendes en parallèle avec l’Etat, tout en poursuivant leur gestion. Il n’y a pas de nationalisation « idéologique » mais une inflexion en douceur qui permet à la production de continuer au profit du collectif et à la distribution d’assurer « le bol de riz » aux masses. Au nom du redressement national, les ouvriers sont même incités par l’Etat à travailler plus en gagnant moins, tout comme dans la conception organique de Vichy. La réaction « antidroitière » qui suit les Cent Fleurs de 1957 fait disparaître le secteur privé – mais pas physiquement les entrepreneurs (au contraire des propriétaires terriens). Ce qui permettra le redressement économique dès la mort de Mao. C’est ce que n’a pas su faire la Russie ex-soviétique qui a envoyé tous les spécialistes en camp de « rééducation ».

La conception « communiste » du capitalisme à la chinoise

Les officiels chinois parlent d’« entrepreneurs patriotes » (comme Bismarck) et de « socialisme de marché » (comme jadis certains socialistes français). Ce n’est pas le niveau de vie qui est mis en avant (conception individualiste hédoniste) mais la grandeur de la nation (conception collective souverainiste). Toutes les grandes entreprises ont des liens familiaux et de réseaux, et naturellement avec le pouvoir local et central. Nombre d’entrepreneurs sont membres du Parti communiste. Nul ne peut se passer des autorités pour obtenir les autorisations nécessaires à la production (trouver un terrain, bâtir, obtenir des crédits, entrer en bourse) – ou la protection contre d’éventuelles sanctions (tout le monde fraude parce que la bureaucratie est comme partout rigide et lente).

Dès lors, s’ouvre la voie royale des Quatre modernisations (agriculture, industrie, défense, science et technologie), qui passe par l’ouverture aux échanges mondiaux avec l’adhésion chinoise à l’OMC, puis la reconnaissance internationale par les Jeux Olympiques de 2008.

L’économie de commande disparaît par étapes pour l’économie de marché :

  • 1979, décollectivisation de l’agriculture ;
  • 1979, création de zones économiques spéciales pour attirer les capitaux étrangers ;
  • 1984, autorisation des petites entreprises privées de services urbains (réparateurs de vélos, de chaussures, marchands de beignets, coiffeurs…) ;
  • 1990, création de la bourse de Shanghai, 1991 création de la bourse de Shenzhen ;
  • 1992, fin de la planification, transformation des sociétés d’Etat en sociétés par actions, réforme de la fiscalité ;
  • 1995, restructuration du système bancaire qui rend l’autonomie de gestion aux banques ;
  • 2004, reconnaissance de la propriété privée.

Restent les problèmes collectifs, dont l’Etat a pour rôle de se préoccuper :

  • Les filets sociaux de toute société industrielle (santé, droit du travail, chômage, retraite)
  • La protection de l’environnement et la répartition des infrastructures (routes, chemin de fer, aéroports, barrages, centrales)
  • La lutte contre les excès de la corruption locale qui menace la cohésion sociale, donc le pouvoir du Parti.
  • Une relative libéralisation des mœurs, du savoir, de l’Internet des réseaux (à monopole national), donc de l’opinion…
  • Mais aussi la place de la Chine dans le monde, à commencer par la mer de Chine (donc renforcement de l’armée, occupation d’îlots, prospection pétrolière, chemin de fer jusqu’en Europe, nouvelle « route de la soie »).

Les Chinois réclament moins « la démocratie » que le « bon gouvernement ». Tant que le parti « communiste » assure un bien-être croissant (ce pourquoi le taux de croissance est scruté avec attention, et probablement « piloté » politiquement), même au prix de restrictions de libertés, d’une morale inquisitrice et d’un autoritarisme d’Etat venu du centre à Pékin, le système politique n’est pas vraiment contesté. L’élection du bouffon Trump montre combien « la démocratie » à l’occidentale peut être ridicule et déstabilisatrice, voire dangereuse pour un pays. En revanche, la technique d’efficacité du capitalisme apparaît (depuis 30 ans) comme le meilleur instrument pour produire, vendre et augmenter le niveau de vie. Car « les masses » ne se nourrissent pas longtemps de slogans…

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Sont-elles devant nous les Trente glorieuses ?

Article repris par Medium4You.

Oui ! répondent en chœur deux économistes. Ce sont deux femmes, ce pourquoi elles portent un regard différent des hommes sur la matière ; elles sont passées par la fonction publique, ce qui leur a permis de mesurer la dégradation politique du système social ; elles ne sont pas politiques, ce qui leur laisse un regard de technicien sur l’avenir. Ce qu’elles proposent est donc une richesse et un handicap. La chance à saisir pour un pays qui se pose des questions sur son avenir et donc sur son identité ; l’infirmité de la courte vue, du déficit abyssal et de la ponction fiscale déjà au sommet des pays comparables. Quel politicien pourra reprendre cette utopie pour sa campagne 2012 ? On se demande – d’où l’intérêt de lire ce livre.

Foin de la crise économique, disent les auteurs, ce n’est qu’actualité immédiate. Projetons-nous de suite dans l’utopie : cet an 40 où tout ira bien, 2040 en inverse de 1940. La France y sera le pays d’Europe le plus prospère et le plus peuplé, avec pas moins de 80 millions d’habitants, plus que l’Allemagne. Mais il n’est pas dit de quelle culture : le melting-pot français, appelé hier « intégration » aura-t-il fonctionné ? L’Éducation nationale aura-t-elle réussi à redresser la barre de l’échec à lire-écrire-compter pour les sortants sans qualification du collège ? La recherche aura-t-elle ses bataillons d’ingénieurs motivés dès l’enfance, et de techniciens bien formés nécessaires à son expansion ? Rassurons-nous, on nous assure que tout cela n’a pas d’intérêt car le taux de chômage est retombé à 5,5 %, ce qui rassure les classes sociales en déclin et leur permet d’accepter les autres, tous ceux qui ne sont pas comme eux.

Comment cela a-t-il été possible ? C’est très simple, les idées étaient dans l’air dès 2007 avec la commission Attali. Il s’est agi de faire émerger de façon volontariste des champions nationaux dans l’industrie, surtout énergie (avec un mixte de solaire et de nucléaire) et chemin de fer, vieux tropisme centraliste d’État. On peut se demander si cette palette industrielle n’est pas un peu courte… Le nouveau cycle fait la part belle aux technologies de l’information et l’on ne voit guère où elles peuvent se nicher dans le train et l’énergie. Évidemment il a fallu lancer un « grand » plan d’investissement auprès duquel celui de la commission Attali a fait pâle figure. Mais il fallait rattraper toute une génération perdue sous Mitterrand et Chirac. Il a donc été nécessaire de négocier âprement avec les Allemands qui ont horreur de la dépense non financée dans un système monétaire commun. A été mise en œuvre une enveloppe fiscale européenne analogue à feu le serpent monétaire, un couloir limité dans lequel se tiennent tous les pays afin de limiter le dumping.

Ah oui, petit détail : la relance de l’immigration. Elle était indispensable pour servir l’ambition industrielle, nécessitant des bras jeunes et des cerveaux neufs. Il n’est pas dit d’où elle vient, mais l’on peut supputer qu’il s’agit de pays francophones, plus quelques centaines de milliers de Chinois parce qu’ils sont trop nombreux en Chine et qu’ils y manquent de femmes.

S’agit-il de méthode Coué ? D’optimisme systématique pour se poser contre le pessimisme ambiant ? La Société de confiance’, dont parlait Alain Peyrefitte dans sa thèse, peut-elle se régénérer simplement par volontarisme d’État ? Pour ces auteurs femmes, « le modèle social français » si archaïque, si rigide, si décrié, n’est pas le problème mais la solution. Il ne marche plus si l’on ne considère que la dépense obligatoire, la protection sociale. Mais il fonctionne très bien si on le met en regard de la quantité de biens produits pour un même montant de ressources. En rationalisant, on consomme moins d’énergie et moins de matières premières importées, ce qui augmente d’autant le pouvoir d’achat des Français. Il suffisait d’y penser.

A condition de respecter la devise liberté, égalité, fraternité.

Liberté ? Elle ne naît pas toute armée dans les cerveaux français, plus tentés par la fonction publique protégée que par l’entreprise : 77% des jeunes rêvent d’être fonctionnaires… La France reste sous-investie car le privé se développe ailleurs, là où les marchés s’ouvrent et offrent une population jeune avide de produits de qualité française. Il faut donc que l’État retrouve son rôle d’incitateur et d’encadrement par ses commandes publiques. Le budget, en déficit permanent depuis 1974, ne le permet plus, d’où le grand plan volontariste. S’enclencherait alors un cercle vertueux, là aussi fort libéral, où le fait d’investir redonne le goût du risque d’entreprise, ce qui favorise en retour l’investissement… donc l’emploi. Et tout le monde est content.

Égalité ? Pour les auteurs, il faut que chaque citoyen participe au progrès – c’est là une conception libérale au sens noble où la solidarité est une convergence d’intérêts. L’augmentation des salaires (donc des cotisations) permet la protection sociale et celle-ci participe à la productivité des Français ; elle n’est pas un boulet qui coûte mais un investissement rentable qui fait que chacun travaille mieux et avec moins de craintes pour l’avenir.

Fraternité ? Il réside dans ce mélange unique de service public à la française, d’ouverture européenne âprement négociée, et d’immigration ouverte pour augmenter la richesse du pays.

L’intérêt du livre en 2011 est que les auteurs tiennent à chiffrer leur plan, ce qui est assez rare dans l’intellocratie française pour le souligner. Ils retiennent 5 indicateurs clés : le taux de croissance, la productivité des ressources, le taux de pauvreté après transferts sociaux, le nombre d’années de vie en bonne santé, et la consommation d’énergie renouvelable.

En fait rien de bien neuf, mais remis en perspective. Cette analyse montre qu’un certain avenir est possible, il suffit de le vouloir. Pour cela, quitter ces minables querelles d’ego, attisées par des médias avides de faire du fric avec les scoops des petites phrases assassines. Quand Nicolas Sarkozy suit le rapport de la commission Attali, il est dans le vrai : pourquoi ne pas le dire ? Quand François Hollande réclame une réforme fiscale d’ampleur qui rétablisse l’égalité des citoyens devant la ponction publique, il est loin d’avoir tort : pourquoi ne pas l’avouer ? Quand Jean-Pierre Raffarin fait la bronca sur une hausse du taux de TVA sur les parcs d’attraction, il est politiquement minable au regard des enjeux : pourquoi faire semblant de comprendre ce petit intérêt catégoriel régional ? Sur la convergence économique européenne, la protection contre le dumping social chinois ou les errements de la finance, chacun a des idées qui devraient être mises en œuvre plutôt que jetées à la tête de ses adversaires.

C’est la limite du livre : l’utopie est belle et bonne, mais sa réalisation ne peut passer que par la politique – et là, tout se gâte immédiatement !

Karine Berger et Valérie Rabault, Les Trente Glorieuses sont devant nous, mars 2011, éditions Rue Fromentin, 204 pages, €19

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