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L’Ombre de Staline d’Agnieszka Holland

Le jeune journaliste britannique Gareth Jones (James Norton), d’origine galloise, est devenu conseiller pour la politique étrangère du Premier ministre britannique David Lloyd George (Kenneth Cranham), après une interview réussie avec Hitler. Il veut faire de même avec Staline en 1933, redoutant que la nouvelle Allemagne prônée par le parti nazi soit une menace pour l’Europe et pour le Royaume-Uni en particulier. Mais des restrictions budgétaires, et le fait que Gareth Jones soit devenu la risée des pontes du gouvernement avec ses analyses auxquelles personne ne veut croire (« Hitler faire la guerre ? Quelle absurdité ! »), font que Lloyd George licencie le jeune homme. Qui s’empresse donc de s’envoler pour Moscou afin de réaliser le scoop qu’il espère.

Il se demande en effet comment se finance Staline, crédité du progrès rapide et tonitruant de l’URSS qui s’industrialise, se modernise, produit plus de denrées agricoles au point d’en exporter. Son appel à un journaliste qu’il connaît, Paul Kleb, engendre son meurtre par la mafia dans l’heure qui suit, il devait révéler à Jones certaines informations. Son visa lui a été accordé pour une semaine, mais l’hôtel arbitrairement choisi pour lui, les Métropole, ne peut le loger que pour deux nuits, à cause d’un séminaire de la société anglaise Vickers, dont les ingénieurs aident le Plan en URSS. Sauf que les ingénieurs en question, que Jones rencontre le soir même à une soirée demi-nue avec femmes, gigolos et alcool chez Duranty, lui affirment qu’aucun séminaire n’est prévu. Le correspondant américain Walter Duranty (Peter Sarsgaard) laisse entendre au jeune homme qu’il aborde un sujet dangereux, qui pourrait menacer sa vie même.

Ada Brooks (Vanessa Kirby), la secrétaire de Duranty, elle-même journaliste, lui apprend que le métier ne s’exerce pas ici librement et que les correspondants ne peuvent sortir de Moscou, ni écrire ce qu’ils pensent sous peine de représailles qui vont du tabassage en règle à la disparition pure et simple, en passant par l’expulsion. Des méthodes à la Poutine, que Staline a emprunté à Goebbels.

Qu’à cela ne tienne, Gareth Jones n’a pas froid aux yeux et sa maîtresse est la Vérité elle-même. Il n’a pas conscience du danger de Staline, équivalent à celui d’Hitler. Il corrige d’un mot la lettre de recommandation que lui a laissée Lloyd George pour s’introduire auprès des autorités et s’informer des capacités de défense de l’URSS en cas d’agression allemande. Chiche ! Répond l’autorité, si les Allemands viennent, ils verront à quoi ils s’exposent, nos armes sont plus puissantes que les leurs, plus nombreuses, etc. Un classique de la méthode Coué pour la propagande. Mais Jones en profite pour soutirer un voyage en Ukraine, visiter une usine d’armement.

Son conseiller tente de l’abreuver, mais il ne boit pas ; essaie de le faire s’empiffrer, mais il mange peu ; Légèrement ivre, il se vante de vivre bien, de manger tant qu’il peut, d’avoir des privilèges en tant qu’homme de pouvoir. Jones prétexte une indigestion pour aller aux toilettes et quitter le train une fois arrivé dans les plaines de l’Ukraine. Sa grand-mère, originaire de ce pays, lui en a parlé, ce pourquoi Jones parle russe. Il y découvre de visu la grande famine ukrainienne, qui sera appelée dans l’histoire l’Holodomor. Il s’agit d’un plan volontaire de Staline pour saisir les récoltes de blé de la riche terre d’Ukraine, tout en matant par la mort et l’affaiblissement les visées d’indépendances ukrainiennes, manifestées dès la révolution de 1917 sous Lénine. Ce plan génocidaire aurait fait entre 2,6 et 5 millions de morts, hommes, femmes et enfants.

Gareth Jones voit les corps abandonnés dans la neige, morts de faim et gelés, leur ramassage par des traîneaux poubelles, petits enfants encore vivants compris, le cannibalisme des enfants restés en vie qui dévorent leur grand-frère gelé, la schlague des Organes de sécurité pour faire travailler les hommes encore valides contre un peu de pain, les sacs de blé par centaines qui sont entassés sur les camions à destination de Moscou, tandis que la population locale meurt de faim, le climat rude en noir et blanc, la mentalité grise du pouvoir total. Le blé d’Ukraine, c’est « l’or de Staline » avait dit Duranty, parfaitement au courant mais qui se tait. Gareth Jones sait désormais d’où vient le financement de l’industrialisation de l’URSS : de l’exploitation sauvage des paysans, ces non-prolétaires à mentalité petite-bourgeoise, condamnés par l’Histoire avec sa grande hache, pour l’avenir radieux du communisme (70 ans plus tard, on l’attendait encore !…)

Rapidement arrêté, la lettre de Lloyd George empêche sa disparition pure et simple et il est expulsé, non sans avoir promis de taire ce qu’il a vu. Sinon… les ingénieurs de Vickers seront retenus en otage et accusés d’espionnage (tactique stalinienne piquée à Goebbels et toujours en vigueur sous Poutine). De retour à Londres, il hésite à dire la vérité et accepter les représailles sur les Anglais otages, ou se taire et d’accepter le diktat soviétique. Eric Blaine qu’il rencontre (Joseph Mawle ), soit l’écrivain George Orwell qui est en train d’écrire La ferme des animaux, lui conseille de tout révéler pour dessiller les yeux du public, à défaut du gouvernement, soucieux lui de garder de bonnes relations commerciales avec ce marché lucratif des soviets. Lloyd George l’engueule vertement et le somme de se rétracter publiquement. D’autant que le correspondant du New York Times à Moscou, Walter Duranty, prix Pulitzer, le contredit publiquement en publiant un article lénifiant. Il faut dire qu’il a eu un petit garçon, Misha, avec sa maîtresse soviétique, et qu’en cas d’expulsion, il serait obligé de l’abandonner à l’URSS.

Gareth Jones quitte donc le monde politique qui s’aveugle volontairement et se retire dans le village de son enfance au Pays de Galles. Mais, saisi par la fièvre de la vérité, il parvient à s’imposer face au magnat de la presse William Randolph Hearst (Matthew Marsh), en vacances dans la région. Il réussit à le convaincre de ce qu’il a vu et du scoop que cela ferait. La gravité de la situation en Ukraine est désormais publique et le gouvernement de Sa Majesté est bien forcé d’en tenir compte. Staline, qui ne peut rien contre la presse libre, est bien obligé de relâcher les ingénieurs britanniques, sous peine de perdre la face (et les financements du commerce de blé). Comme quoi céder au chantage n’est jamais payant.

Il se vengera froidement, un cartouche en fin de film disant la fin tragique de Gareth Jones, assassiné peu avant l’âge de 30 ans en Mongolie-Intérieure, probablement par les services secrets soviétiques. Tandis que Walter Duranty le menteur honoré, est mort tranquillement chez lui à 73 ans.

Inspiré d’une histoire vraie, et tourné en grisaille et murmures, ceux du conformisme et du secret, le film montre le totalitarisme cynique en marche, l’aveuglement volontaire des mous de la démocratie (y compris Orwell qui, en bon « socialiste » relativise les laissés pour compte de la transition révolutionnaire communiste), la préférence du confort mental à la vérité cruelle. Un peu caricatural, mais plus vrai que la réalité : les années trente sont bien le miroir passé de notre époque, où le totalitarisme cynique recommence, l’aveuglement perdure et où la vérité est poussée sous le tapis comme trop nue et impudique.

Oser aller voir, oser dire que le roi est nu, il faut être un enfant, n’est-ce pas, pour ce faire ! Un adulte normal et intégré fermera sa gueule, chaudement installé dans le confort conformiste. Ce film n’est pas un documentaire pour flemmards du cours de troisième, mais un film de combat.

DVD L’Ombre de Staline, Agnieszka Holland, 2019, avec James Norton, Vanessa Kirby, Peter Sarsgaard, Joseph Mawle, Kenneth Cranham, Condor Entertainment 2020, 1h54, €11,99, Blu-ray €20,92

(mon commentaire est libre, seuls les liens sont sponsorisés Amazon partenaire)

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Jared Diamond, Le monde jusqu’à hier

Diamond est biologiste de l’évolution de formation, géographe d’enseignement, ornithologue de pratique et anthropologue depuis sa retraite des universités américaines. Il écrit des livres, de gros pavés fournis de réflexions et étayés de références qui pensent le monde humain à l’américaine, c’est-à-dire pragmatique, en partant du terrain. Nous sommes loin des théories à la françaises qui veulent, à chaque auteur, réécrire une bible et refaire le monde comme il devrait être, « économique, social et environnemental » selon la dernière religion à la mode. Chez Diamond, il s’agit de constater, de comparer, d’évaluer ce qui est et non ce qui devrait.

En onze chapitres, chacun pourra trouver son intérêt humain pour réfléchir sur la paix et la guerre, les jeunes et les vieux, le danger et la réponse, la religion, la langue et la santé. D’un abord plutôt rébarbatif au départ par le nombre de pages et le style un peu fastidieux du Prologue, le livre se lit ensuite aisément tant l’auteur est bavard, écrivant prof comme il parle à l’oral, les anecdotes s’insérant parmi les observations d’études. Vous pouvez lire ce livre du début à la fin comme j’aime le faire, ou choisir un chapitre qui vous tient à cœur et le lire particulièrement – vous trouverez toujours votre provende.

Pour lui, qui a vécu « 7% » d’une cinquantaine d’années de vie professionnelle au contact des sociétés de chasseurs-cueilleurs néo-guinéens pour étudier les oiseaux, les écarts à la société moderne sont nombreux. Mais non, « ce n’était pas mieux avant », prouve-t-il ; et non, « la vie écologique n’est pas la plus sûre ni la plus confortable humainement », montre-t-il. Il y a du bon et du mauvais – comme toujours dans tout – contrairement à ce que « croient » les ayatollahs des yakas qui veulent « penser le monde d’après » avec les lunettes myopes de leur quartier huppé autour de la Sorbonne ou leur garni hédoniste près de Vincennes.

Sa réflexion est née d’une rencontre à l’aéroport de Los Angeles, alors qu’il s’envolait pour la Nouvelle-Guinée une fois de plus. Il a vu un jeune pilote papou accompagner son vieux père papou tradi et a songé que le grand-père n’avait jamais connu de Blancs ni le monde extérieur avant une exploration de 1931. Dès lors, les sociétés de Nouvelle-Guinée sont un conservatoire aujourd’hui d’expériences et de modes de vie telles qu’elles ont régné durant plus de 100 000 ans, alors que l’humain, Sapiens ou Neandertal vivait en chasseur-cueilleur. Ce n’est que vers 11 000 ans avant le présent qu’est apparue l’agriculture, donc la stabilité sur les terres, la cohabitation avec les animaux d’élevage, donc certaines maladies induites dont les zoonoses et les épidémies, l’intolérance au lactose, l’obésité due aux sucres, l’excès de viande ou, au contraire, les famines dues à de mauvaises récoltes en démographie trop abondante et les guerres de territoire. Et seulement 5400 ans pour les premiers Etats qui ont pacifié les relations entre familles, clans et tribus par le monopole de la violence légitime et la redistribution des surplus alimentaires.

« Il ne faudrait pas idéaliser la vie traditionnelle ; le monde moderne offre d’immenses avantages. Il n’est pas vrai que les citoyens des sociétés occidentales fuient en grand nombre les outils en acier, l’hygiène, le confort matériel et la paix imposée par l’Etat, et tentent de retourner à une vie idyllique de chasse et de cueillette », dit carrément l’auteur p.688, au terme d’une analyse documentée de ce qu’il affirme. « En fait, le sens dominant du changement montre que les chasseurs-cueilleurs et les petits fermiers qui connaissent leur mode de vie traditionnel, mais sont également témoins d’un style de vie occidentalisé, cherchent à appartenir au monde moderne ». La sécurité, la nourriture, la santé, l’enseignement, une vie plus longue et « la fréquence bien moins grande de connaître de son vivant la mort de ses enfants » sont inappréciables. Les éleveurs de chèvres qui sont allés vivre à moitié nus au Larzac dans les années 1970 en sont bien revenus ; ne sont restés que ceux qui se sont intégrés comme paysans syndiqués aptes à négocier avec le monde moderne. Et le commerce, contrairement à ce que croient les théoriciens gauchistes, est avant tout relations « politiques et sociales » p.106, pour éviter la guerre, pas pure et simple « domination » ou « exploitation » comme le voudrait la vulgate.

Cela ne signifie pas que la vie traditionnelle n’ait pas ses bons côtés. Pas de solitude chez les chasseurs-cueilleurs mais des liens sociaux très forts durant toute la vie (sauf à l’extrême vieillesse – autour de 50 à 60 ans – lorsque vous devenez inutiles et une charge en cas de disette ou de nomadisme : là on vous tue ou on vous laisse mourir selon la tradition). Les enfants sont plus débrouillards, plus sociaux et plus créatifs en société traditionnelle, contrairement à nos petits princes égoïstes conservés en tour d’ivoire devant des jeux vidéo, à qui l’on apprend qu’il faut avant tout « gagner » et « être le meilleur » au détriment des autres, quitte à leur marcher dessus, les laissant ignares vis-à-vis du sexe (un tabou dans les religions du Livre !) contrairement à la promiscuité d’expériences des sociétés traditionnelles. Les « caractéristiques de l’enfance chez les chasseurs-cueilleurs, mettent beaucoup d’entre nous mal à l’aise, comme la permissivité des jeux sexuels, avoue l’auteur, quoiqu’il puisse être difficile de démontrer qu’elles sont réellement nocives aux enfants » p.325.

« Ce que nous apprend le monde d’hier c’est, entre autres choses, d’être conscients de certains bienfaits de nos société contemporaines, si dénigrées par ailleurs », conclut l’auteur à la 688ème page. La guerre chronique, les infanticides et l’abandon des personnes âgées entre autres. En revanche, nous pouvons prendre exemple sur leur régime alimentaire, pauvre en sel et en sucre et plus riches en fruits, légumes et fibres variées. De même certaines pratiques pour l’éducation des enfants sont à retenir comme le sevrage tardif pour la sécurité affective, transporter les bébés sur le ventre pour qu’ils voient le monde comme l’adulte, l’alloparentalité (les contacts fréquents des enfants depuis tout petit avec d’autres adultes bienveillants que les seuls parents), l’encouragement au bricolage et à l’exploration (sous surveillance), le bilinguisme qui enrichit la réflexion (et retarderait de la maladie d’Alzheimer), les groupes d’âges différents pour une éducation par l’exemple des immédiatement plus grands et le souci de protection des plus petits par les plus grands. Ou encore « la paranoïa constructive » qui est la traduction savante de la simple prudence qui consiste – non pas à avoir peur de tout – mais de considérer les expériences comme des avertissements pour éviter les erreurs. Ce ne sont que les principaux exemples, qui sont plus nombreux encore, dont le rôle des religions, et qui donnent à penser utilement le monde « d’après », loin des grandes théories hors sol du banal intello.

Jared Diamond, Le monde jusqu’à hier – Ce que nous apprennent les sociétés traditionnelles (The World Until Yesterday), 2012, Folio essais 2014, 767 pages, €10.90 e-book Kindle €9.99

Déjà chroniqué en 2014 : Effondrement de Jared Diamond sur ce blog

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Peur de disparaître et réaction

Johann Chapoutot, professeur en Sorbonne spécialiste du nazisme, publie dans le numéro double de la revue L’Histoire de juillet-août 2020, un article sur le rituel de deuil des nazis. Ce numéro d’été plutôt macabre est en effet consacré à la mort, Covid oblige. Mais l’auteur parle surtout du contexte nazi, assez peu des fameux rituels, d’essence très classique (rétablir le lien avec les ancêtres) – avec le contrepoint obligé sur la Shoah.

L’intérêt de l’article réside donc dans l’exposition longue des causes qui ont favorisé la montée du nazisme.

La principale est la guerre de 14, le traumatisme du massacre de masse et, concernant les Allemands… pour rien, puisqu’ils ont été vaincus et soumis aux diktats des vainqueurs. Deux millions et demis de morts au front et à l’arrière par la famine de masse due au blocus maritime allié. En 1919 à Versailles, l’Allemagne disparaît comme puissance. Les soldats tombés « pour l’empereur, Dieu et la patrie » n’ont plus d’empereur, une patrie humiliée et rabougrie, et un Dieu qui s’est mis aux abonnés absents. Tout ce qui pouvait conférer un sens a disparu.

Les années 1920 sont un « contexte apocalyptique » avec la guerre civile entre rouges et corps francs, l’hyperinflation ; la crise de 29 partie des Etats-Unis ne fera qu’aggraver les choses. « Les fantasmes eugénistes, le socle culturel raciste et l’obsession sociale-darwiniste s’offrent aux Allemands pour penser ce qui leur arrive », écrit Chapoutot. La hantise de l’extinction biologique du peuple allemand par la guerre, la politique « exterminatrice » des Alliés, les conditions d’une paix « carthaginoise », et la révolution délétère de la vie moderne (exode rural, émancipation des femmes, contraception, homosexualité, mélange des races) achève le tableau. No future – de quoi désespérer.

Tout le monde pense ainsi en Allemagne dans les années 20, dans tous les partis. Mais le seul mouvement qui fera la synthèse de ces hantises et de ces fantasmes sera le parti nazi. L’homme nouveau n’est pas au programme réactionnaire, mais plutôt l’homme régénéré par les rites aux ancêtres. Retour à l’origine : biologique, culturelle, territoriale. Le nazisme s’est voulu instinct de vie, élan sauvage pour des rapports de force, impérium moral et de culture avant le territorial. Il s’agissait d’effacer le traumatisme de la saignée démographique et du rabaissement impérial pour assurer sur des siècles l’immortalité de la race en dégageant de l’espace à l’est.

Cet état d’esprit archaïque ressurgit partout sur la planète, chez tous les peuples même les plus « civilisés », dès lors que leur intégrité est mise en cause. Il s’agit d’une réaction de survie qui fait régresser la raison au profit de la passion et surtout des instincts. La morale se réduit à ceux de son clan, l’universalité à sa race, l’honneur à ceux qui le méritent. Il est bon de le comprendre car cela nous permet d’observer combien les Etats-Unis de Trump, la Russie de Poutine, la Turquie d’Erdogan, le Brésil de Bolsonaro, la Hongrie d’Orban, la Birmanie de la junte militaire, le Rwanda, le Soudan, la Chine de Xi Jinping et même l’Inde de Modi prennent cette tendance.

Il s’agit moins de sauver la planète que de sauver son peuple.

Pour le mobiliser, les boucs émissaires allogènes sont le plus facile (latinos de Trump, « éléments étrangers » de Poutine, kurdes d’Erdogan, indiens de Bolsonaro, immigrés syriens d’Orban, rohingyas de Birmanie, musulmans de Modi, tutsi du Rwanda, chrétiens ou animistes pour les musulmans soudanais, ouïgours de Xi).

Pour activer la politique, la théorie du complot, les tribuns de masse, les manifs monstres. Ce n’est pas nouveau, cela renaît. Jusqu’en nos villes et nos prétoires. Et malheureusement les tribuns « de gauche » ne sont pas plus décents que les tribuns de droite – qui sont qualifiés aussitôt « d’extrêmes » pour faire bonne mesure. La paille et la poutre, vous connaissez ? Une vieille tactique stalinienne pour détourner l’ire populaire… Mais brutaliser la vie politique, en appeler à la guerre civile, faire des forces de sécurité des ennemis à abattre au fusil, comme en Essonne, c’est encourager les instincts primaires et conduire au fascisme. Mais oui ! Nulle « civilisation » ne résiste longtemps aux forces du chaos et à la puissance des passions. Pas plus la nôtre que celle des autres.

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Gens de Tahiti

L’INSEE compte 275 918 habitants en Polynésie française en 2017. Les Marquises ne comptent que 9350 personnes et les îles Australes 6970. Les retours dans les îles entre 2007 et 2012 en raison de la crise économique, avaient augmenté ; depuis 2012, ils diminuent.

La fécondité baisse et les départs de la Polynésie française restent plus importants que les arrivées, notamment pour les jeunes avant 25 ans dont un dixième quitte le territoire. 17 500 personnes sont parties de Polynésie depuis 2012, soit 6 % de la population – car seulement 44 % de la population au-dessus de 15 ans déclare occuper un emploi. C’est donc la recherche de travail et les études qui poussent à partir et à s’installer ailleurs.

Près de la moitié des Polynésiens vivent en noyaux familiaux d’environ six personnes. Les familles nombreuses ne représentent que 8 % des ménages et les familles monoparentales seulement 6 %. Les personnes âgées de plus de 60 ans comptent pour 12 % de la population et 36 % d’entre elles vivent avec leur famille plus ou moins élargie car seulement 21 % des plus de 60 ans travaillent. Les trois quarts des emplois sont dans le secteur tertiaire du commerce, des services, notamment l’hôtellerie et la restauration. Ce n’est qu’aux Tuamotu-Gambier qu’une personne sur deux travaille dans la pêche, la perliculture ou le coprah. L’industrie ne représente que 7 % de l’emploi total en Polynésie dont la moitié dans l’alimentaire et les boissons. Seulement 1200 personnes travaillent dans l’artisanat. La moitié des foyers est équipée d’un ordinateur avec connexion Internet, sauf aux Tuamotu-Gambier, moins bien desservis par l’éloignement.

L’espérance de vie moyenne est de 77 ans car le taux d’obésité a beaucoup augmenté depuis 30 ans dans les îles du Pacifique. La question s’est posée de savoir pourquoi plus dans les îles qu’ailleurs. Il est probable que les sociétés traditionnelles agricoles vivant de fruits, de légumes et de la pêche n’étaient pas préparées biologiquement par les millénaires à l’arrivée de produits venus de l’extérieur. L’arrivée des militaires américains pendant la seconde guerre mondiale puis l’essor des communications et du tourisme après introduit de nouvelles nourritures, parfois moins chères et plus séduisantes. Le mode de vie moderne des activités tertiaires est sédentaire. Il est mauvais pour la santé de ceux qui ne sont pas habitués depuis des générations. La nourriture importée, notamment le sucre, la farine, l’huile à friture, les sodas et la bière – même la viande en conserve – offre trop de calories par rapport au régime traditionnel.

Des chercheurs pensent que les corps des insulaires du Pacifique sont génétiquement programmés pour stocker le gras plus que les autres parce que vivre sur des îles loin de tout subissant des tempêtes et des cyclones, voulait dire connaître de longues périodes de restriction ou de famine. Pour le reste du temps, se nourrir demandait un travail physique important pour cultiver la terre et aller pêcher. Dans un nouvel univers de métier sédentaire et de fast-food, la prise de poids s’explique facilement.

Mais il n’y a pas que cela. La culture joue aussi un rôle car, dans l’imaginaire, un physique imposant est considéré comme un statut de richesse et de puissance. Les chefs traditionnels bénéficiaient de repas plus copieux que le reste de la population et présentait un corps dodu et un teint florissant. Ce n’est qu’avec la nouvelle norme véhiculée par le cinéma  américain que les jeunes femmes comme les jeunes hommes se doivent être au standard mince et aux attributs sexuels bien marqués : Barbie et Ken. Cette obésité engendre le diabète et réduit l’espérance de vie.

Ce n’est que par l’éducation à bien se nourrir, la revalorisation des cultures polynésiennes et par l’écologie encourageant la production locale que ce fléau pourra être enrayé.

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Eric H. Cline, 1177 avant JC – Le jour où la civilisation s’est effondrée

La croyance issue des Lumières, à la suite du christianisme, était que le Progrès suivait une voie linéaire allant de la bête à Dieu en passant l’homme, de la loi de la jungle après Babel à la cité idéale du monde globalisé. La République universelle faisait bander Hugo, dans son enflure romantique jamais avare de formules. On a pu penser avant 1914 que la mondialisation du commerce allait éradiquer les guerres et assurer la prospérité de tous, les « grands » (Blanc, mâles, urbains des empires) allaient guider les « petits » (Nègres ou Jaunes, filles, paysans du monde qu’on ne disait pas encore « tiers »). On a pu croire après 1918 et avec la Société des Nations que la Paix universelle pourrait être assurée par un collège de puissants ; et encore après 1945 avec « le Machin » qu’évoquait de Gaulle, cet ONU qui n’a pas grand-chose de l’union mais garde beaucoup des nations sans pour autant les organiser autrement que par la loi du plus fort. De même, avec les nouvelles TIC (technologies de l’information et de la communication), a-t-on pu croire, au tournant des années 1990-2000 que les arbres allaient monter jusqu’au ciel, les hommes vivre plus longtemps et plus riches en travaillant moins, et la planète se gouverner pour la maintenir durable. Las ! il a fallu déchanter. L’immonde tropisme fanatique a fait ressurgir la vieille religion dans son sens le plus stupide – la lecture littérale – tandis que les micro-nationalismes font fermenter les égoïsmes, chacun se voulant chez soi avec ses vaches bien gardées.

Car le monde global est une croyance.

Elle ne dure que tant que l’on y croit et ne réussit à devenir réelle que si la foi la « charge » d’énergie qui vont dans ce sens. Or il suffit de peu de chose pour court-circuiter le système : un changement climatique, des famines, des fanatismes, des guerres, des migrations, l’avidité financière ou – tout simplement la bêtise humaine.

C’est ce qui est arrivé voici tout juste 3194 ans, si l’on en croit l’historien anthropologue américain Eric H. Cline, de l’université George Washington. Le monde globalisé de l’âge du bronze s’est effondré en quelques décennies partout autour de la Méditerranée ; il avait duré trois siècles. Minoens, Mycéniens, Hittites, Assyriens, Babyloniens, Mitanniens, Cananéens, Chypriotes et Égyptiens commerçaient entre eux, entretenaient une diplomatie, s’alliaient contre les trublions. Brutalement, tout s’est effondré.

Et si c’était justement cette interdépendance cosmopolite qui a contribué au désastre, s’interrogent les savants ?

Il suffit d’un choc quelque part – ou plutôt d’une série de chocs divers et répétés – pour que l’interconnexion ait un effet dominos. Les civilisations prospères ont été détruites par le fer ou par le feu. Les explications sont détaillées dans le livre, mais aucune ne suffit par elle-même pour provoquer un effondrement. Des tremblements de terre sont attestés à Mycènes et ailleurs ; des famines ont eu lieu à cause d’un épisode de sécheresse persistance en Méditerranée orientale ; des révoltes sociales ont eu lieu contre les élites ici ou là, des révolutions de palais en Égypte et autres lieux ; des migrations plus ou moins armées ont déferlé en provenance du monde grec (les Doriens), de l’Anatolie de l’ouest, de Chypre ou de plus loin (les Peuples de la mer) ; les routes commerciales internationales ont été coupées et les importations ou exportations éradiquées. Mais rien de suffit à lui seul à expliquer l’ensemble.

Faut-il faire appel à la théorie des systèmes complexes comme pour un krach boursier ? Les désintégrations partielles ont un effet de système parce qu’elles se propagent et reviennent en retour pour que l’équilibre ne soit plus jamais le même. Si loin dans le temps, nous en sommes réduits à des hypothèses. Mais les preuves archéologiques sont là pour marquer les catastrophes autour de la Méditerranée et acter le passage de l’ancien âge du bronze ou nouvel âge du fer, d’un monde globalisé à un monde morcelé en cités-états défensives et armées, plus autarciques qu’avant. La civilisation a régressé durant quelques siècles avant de repartir.

Est-ce ce qui nous guette ?

La mondialisation actuelle a ses fragilités. L’égoïsme nationaliste revient, aux États-Unis, en Russie, en Turquie, en Chine, en Iran, au Royaume-Uni – et même dans les micro régions que sont la Catalogne, l’Écosse, la Corse ou même le Kosovo. L’avidité financière ressurgit avec cette absurdité du bitcoin, cette monnaie hors État et hors contrôle, uniquement composée de bits à la merci d’une panne électrique globale, d’un hacking nord-coréen, mais aussi avec les bulles qui se créent périodiquement à cause des modes, puis des croyances, avant de se résoudre en krachs de plus ou moins grande importance. Le climat se réchauffe et certains événements pourraient devenir irréversibles, comme l’inversion du Gulf Stream ou l’augmentation des oscillations El Niño, engendrant hausse du niveau des mers, sécheresses et incendies, tempêtes et inondations, famines et rupture des transports, ou encore raréfaction de l’énergie et réduction drastique du niveau de vie. Les guerres des fanatismes engendrent des attentats, des migrations massives, qui suscitent en réaction des rejets culturels et des fermetures de frontières pouvant aller jusqu’à la guerre civile.

Aucune de ces fragilités n’est peut-être suffisante pour faire s’effondrer tout notre système, comme à la fin de l’âge du bronze, mais leur accumulation répétée le fragilise. Il suffirait d’un déclencheur…

Eric H. Cline, 1177 avant JC – Le jour où la civilisation s’est effondrée, 2014, La Découverte poche 2017 (7ème tirage), 261 pages, €11.00, e-book format Kindle €9.99

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Géopolitique du thon à Clipperton

Clipperton est un anneau corallien fermé de 1,7 km² de terres émergées. L’île relève du domaine public et est propriété domaniale directe de l’État. L’autorité est déléguée au Haut-commissaire de la République en Polynésie française, représentant de l’État depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : « La loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton ». Contrairement aux DOM et COM (département et collectivités), les lois et règlements de la République s’y appliquent de plein droit et « les juridictions de l’ordre judiciaire ayant leur siège à Paris » sont « territorialement compétentes ».

Clipperton carte de situation

L’île a été découverte le Vendredi saint 3 avril 1711, d’où son nom initial d’île de la Passion, par Martin Chassiron et Michel du Bocage. Elle est considérée comme possession française depuis le 17 novembre 1858 suite à sa prise de possession par le lieutenant de vaisseau Le Coët de Kerveguen au nom de Napoléon III. La raison de cette exploration de 1858 était surtout le guano (la fiente d’oiseau , phosphate utilisé dans les fertilisants), à plus long terme le percement de l’isthme de Panama envisagé par la France dans la ligne de la politique d’influence « latine » de Napoléon III aux Amériques. Le Coet de Kerveguen n’a pas pu débarquer. Un marin est allé à terre à la nage en dépit des requins et des vagues et a ramené des échantillons de guano. Une carte a été levée depuis le haut du mât et l’annexion de l’île rapportée a Hawaï. La redécouverte, l’occupation et l’exploitation de cette île à guano par les Américains incita le Mexique plus proche à la revendiquer et à l’occuper dès 1898. Une garnison mexicaine s’installe en 1906 et y construit un phare. Mais cette colonie fut abandonnée en 1914 par le Mexique à cause de la révolution, et ses derniers survivants livrés à la famine. Ils ont été découverts par accident et évacués par un navire de la marine américaine en 1917.

En 1909, le Mexique et la France se soumirent à l’arbitrage international du roi Emmanuel III d’Italie qui attribua la possession de l’atoll a la France en 1931. L’île était terra nullius lors de la prise de possession. Mais, au Mexique, on continue de revendiquer aujourd’hui la propriété de l’île dont les richesses sont le thon et les nodules polymétallique qui jonchent ses fonds marins. Selon le site de la Marine nationale, « Le contexte diplomatique et juridique » est clarifié entre la France et le Mexique concernant cette île. En effet, conformément à l’accord franco-mexicain du 29 mars 2007, entré en vigueur le 1er mai 2007, les navires de pêche mexicains peuvent bénéficier de licences de pêche pendant 10 ans dans les 200 milles marins entourant Clipperton. Sans quotas ni contrôle mais avec une obligation de déclarer les quantités pêchées et d’enregistrer les navires auprès du Haut-commissariat de la République à Papeete. La renégociation de cet accord a lieu cette année et les accords expirent en 2017. En échange, certainement un moment historique de notre diplomatie, le Mexique cesse de revendiquer une île que le droit international a pourtant reconnue française depuis 1931 !

Clipperton peche mexicaine dans les eaux territoriales

Or, très rares sont les nombreux navires américains, sud-américains et même asiatiques observés qui ont demandé une quelconque autorisation pour y pêcher, y mener des expéditions scientifiques ou y plonger avec les requins : la France et Papeete sont loin, les énarques parisiens s’en moquent, les responsables le sont à temps partiel et les politiciens n’y ont aucun électeurs. Seule l’économie pourrait faire pression sur ces Messieurs, mais l’économie en France est aux abonnés absents : qui va contrôler les pêches Mexicaines et leur faire payer les permis et une redevance a la tonne ? qui va affréter des bateaux pour le tourisme écologique ou la pêche sportive depuis que le Club Med est en vente aux étrangers ? qui va affréter (comme le Japon ou l’Espagne) des thoniers pour aller pêcher dans le Pacifique ? Les pêcheurs français sont de petits artisans collés aux côtes où ils disputent le rare poisson aux plaisanciers, pas des entrepreneurs hauturiers. Il est loin le temps des Terre-neuvas ! Et le pêcheur Polynésien, pourtant subventionné, n’a pas la volonté de partir loin de son île à la pêche « au long cours ».

De plus, l’État est impuissant à continuer l’empire. Pas de volonté, pas de moyens, à peine un renouveau national de la recherche scientifique 10 ans après l’expédition médiatique de Jean-Louis Étienne avec deux scientifiques en 2014 et une expédition prévue en 2015 (si le budget est maintenu). Eric Chevreuil, ancien officier de l’armée de terre française reconverti dans l’informatique en Californie, est soucieux de Clipperton et est scandalisé par le pillage de ses ressources par les senneurs Mexicain et par « la propagande parisienne ». Il a récemment écrit une lettre ouverte au Président parue dans la version papier de Marine & Océans (Mai 2014), et rédigé un dossier d’enquête révélateur sur les abus des navires Mexicains a Clipperton. Ce dossier est diffusé a l’aube de la renégociation de ces accords de pêche pour informer le Premier ministre, les ministres des Affaires étrangères, de l’Outre Mer, de l’écologie, au le Secrétariat général de la Mer et le Haut-commissariat de la République a Papeete, par courrier digital et normal en avril 2014. Il écrit entre autre : « La frégate de surveillance Prairial et l’Arago, en transit, ont effectué un total de trois visites en 2011. Le Prairial y est aussi allé deux fois en 2012, une fois en 2013 et aucune mission n’est prévue en 2014. Chaque visite totalise trois jours en ZEE dont une journée a Clipperton. Au total, « la Police » française a passé 6 jours à Clipperton en quatre ans ».

clipperton bateau de peche mexicain avec vedettes de rabattage

Photos d’une campagne de pêche du navire Mexicain de Pescas Aztecas 9 à Clipperton : hélicoptère, 8 vedettes de rabattage, 1 barge pour étendre des kilomètres de filets, 1200 tonnes d’emport (source Eric Chevreuil)

Or une île sans administration et où personne n’habite n’aurait, pour le droit international maritime, que 12 milles marins de zone maritime territoriale (et non les 200 milles marins de zone économique exclusive). D’après les réponses du gouvernement à des questions posées à l’Assemblée nationale, le fait de ne pas étendre la ZEE aurait permis de réaffirmer notre souveraineté auprès des instances internationales. Esquive en langue de bois ? Par la faute de Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, la France n’a pas fait valoir auprès de l’ONU en 2009 ses droits de possession sur la zone de 40 000 km² de plateau continental à Clipperton, les perdant définitivement. Cela pour ne pas fâcher les autorités mexicaines et ne pas risquer de compromettre la libération de Florence Cassez, dit-on…

Mais si tous ces arguments n’étaient que prétextes ? Le flou artistique entretenu par les diplomates et les technocrates sur le sujet, comme en témoignent les « réponses » ministérielles aux questions posées à l’Assemblée nationale ou au Sénat, montre que le droit de la mer n’est ni clairement établi ni souverainement revendiqué. Les politiciens préfèrent signer des « accords » économiques ou culturels pour les Airbus ou les étudiants avec le riche Mexique que d’exercer ses droits impossibles sur la pêche au thon et la collecte de nodules si loin de la métropole. Faute de volonté, faute de moyens, faute d’électeurs. Quand la force tranquille ne peut affirmer le droit, place à la ruse diplomatique.

2014 05 accords de peche france mexique question au senat

Sous peu à Paris (en août ?), les accords de pêche Franco-Mexicains de 2007 vont être renégociés en catimini et sans débat. La souveraineté de la France sur cet atoll et ses ressources sera probablement de nouveau bradée dans un accord qui ne profite vraiment qu’au Mexique. Ce pays pille allègrement la zone jusque dans les eaux territoriales françaises de Clipperton où les requins, les dauphins et les tortues de mer tombent victimes de leurs kilomètres de filets.

A quoi nous sert donc Clipperton ? Grâce à une ZEE presque aussi grande que la France continentale, l’île de Clipperton permet à la France de disposer du deuxième domaine maritime mondial, derrière les États-Unis. Ce qui les ennuie, semble-t-il… Va-t-on la vendre au Mexique, comme Napoléon 1er fit de la Louisiane aux États-Unis ? Va-t-on la perdre comme l’indigent Louis XVI (dont le sosie règne à l’Élysée) le fit du Canada ?

En savoir plus :

Clipperton vue par le Ministère de l’Outre-mer
Clipperton selon la Marine nationale
Site Tous les territoires français
Forum Mexique sur Clipperton
Jean-Louis Etienne en expédition à Clipperton
Clipperton vue par la world encyclopédie en français pour les paidès
Les intérêts commerciaux de la diplomatie française au Mexique
Le site du Professeur Jost, université de Tahiti
Clipperton sur ce blog
Rapport de M. Chevreuil : copie sur demande à echevreuil@sbcglobal.net

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Simferopol

Les media parlent aujourd’hui de Simferopol pour son aéroport stratégique dans la péninsule de Crimée. J’ai eu l’occasion de m’y rendre il y a quelques années. La Crimée (un peu plus de 2 millions d’habitants, dont 58 % de Russes, 24 % d’Ukrainiens, 13 % de Tatars et 1 % de Biélorusses) apparaît comme la petite sœur de la Russie. Comme toujours dans ces pays ex-soviétiques, les chiffres (ici en 2001 selon la référence globish), sont sujets à caution. La population de Russes « résidents » – les marins russes de la Flotte – est par exemple comptée ou pas, selon que l’on veut la minimiser pour raisons politiques ou, au contraire, la survaloriser. Cette note n’a pas vocation à répéter ce que disent en boucles les journalistes sur les télés et radios mais à situer les choses. Ce qui compte est de vous donner à voir et à sentir, pas à réciter une encyclopédie (rarement fiable et rarement à jour malgré les répétitions médiatiques…)

Rattachée arbitrairement à l’Ukraine par Staline en 1954 pour en punir les Tatars (musulmans et turcophones donc plus favorables aux Allemands qu’au parti communiste) – donc déportés par le pouvoir soviétique – cette presqu’île sur la mer Noire est géographiquement ukrainienne mais reste à 60% peuplée de Russes selon le recensement (mais « aux deux-tiers » nous a-t-on dit). Venus après la guerre, ils se trouvent bien dans ce climat méditerranéen, loin de Moscou et du pouvoir central, parmi l’abondance des produits agricoles.

crimee babouchka

Simféropol est la capitale administrative de la République autonome de Crimée. Là se trouvent toutes les instances administratives et représentatives de la région : le parlement (Verkhovna Rada), le Conseil des ministres (Reskomnats) et le Medjlis central des Tatars qui est leur organe propre de représentation. Le passé communiste y est encore très présent, dans les esprits comme dans le décor. Pas étonnant que l’esprit-Poutine, cet ex-colonel du KGB fan de Mussolini, règne dans les têtes.

simferopol batiments sovietiques

Les anciens bâtiments soviétiques ont été réinvestis : la Verkhovna Rada siège dans les anciens locaux du Parti Communiste et le Reskomnats se trouve place Lénine, dans ce qui était à l’époque la Maison des soviets. La statue du théoricien activiste trône d’ailleurs toujours sur cette place centrale de la ville. Elle devient en Ukraine comme un symbole pour les Russes minoritaires, une façon d’identité, alors qu’en Russie même le barbichu à la pensée bunker n’a jamais fait rire et est désormais évacué.

crimee GoogleEarth

L’Ukraine a été la plus riche dépendance de l’URSS en ressources agricoles et minières comme en population. Plus vigoureux de par leur histoire, mieux nourris de par leurs richesses alimentaires, plus loin des intrigues du Kremlin, les Ukrainiens ont suscité à Moscou des jalousies. Après la terrible famine imposée par les réquisitions de Staline dans les années 1920 et le génocide idéologique perpétré contre ses koulaks qu’évoque Axionov, l’Ukraine sera le théâtre du tout premier procès stalinien. En mai et juin 1928, une cinquantaine d’ingénieurs de Chakty sont accusés d’avoir constitué un « réseau de sabotage » pour les services secrets « étrangers ». Onze seront condamnés à mort. C’est dire si le contentieux est lourd entre Ukrainiens et Russes, bien qu’un étranger ne perçoive pas la différence (sauf la langue) lorsqu’il rencontre l’un ou l’autre dans les villes. Mais cette histoire explique pourquoi, malgré les 17% d’origine russe de sa population, l’Ukraine s’empresse le 16 juillet 1990 de proclamer unilatéralement sa souveraineté, puis son indépendance le 24 août 1991 (jour de fête nationale), juste après la palinodie des putschistes staliniens contre (ou avec le laisser-faire) de Gorbatchev. Ce contentieux explique pourquoi aussi la situation est aujourd’hui si critique entre l’Ukraine et la Russie avec, pour enjeu, la presqu’île stratégique de Crimée, base de la flotte russe de la mer Noire.

crimee saucisses

Le marché est couvert et aménagé, les stands sont spécialisés : boulangerie, bonbons, pâtisserie, épices, charcuterie, boucherie, poissonnerie fumée, épicerie sèche, conserves, lessives, produits de beauté, bazar, vêtements femmes, vêtements hommes et garçons, jouets, journaux et magazines – tout y est, sauf l’électronique et la vidéo. Pour les enfants, un alphabet cyrillique en cubes de tissu présente les lettres avec l’objet associé qui commence par chacune d’elles. Il y a de l’abondance, envers de la période soviétique du rationnement. Les Russes vivant ici sont heureux, ils ont l’impression d’avoir accédé à la société de consommation plus qu’à Moscou car les prix sont plus bas et la vie plus nonchalante.

simferopol marche

Notre guide de la ville est Serguei, un blond né ici. Simferopol était à l’origine une grande ville scythe, nous explique-t-il, et c’est à cause des Scythes que Chersonèse la grecque a demandé l’aide de Rome. Lorsque la Crimée fut rattachée à la Russie en 1873 par Catherine II, Simferopol est devenue, de par sa volonté, la capitale de la région.

simferopol maman enfants

Nous longeons la rivière Salguir dans le parc agrémenté d’arbres qui la borde. Une maman laisse jouer ses deux enfants sous les saules pleureurs du bord de l’eau ; un petit garçon solitaire, en seul short, pêche plus loin ; deux amoureux se caressent tranquillement, indifférents à tout le reste. Un jeune homme transporte un lourd colis pour sa mère qui trottine à ses côtés. Il profite de notre venue pour déposer sa charge, souffler et lorgner les filles. Échauffé par l’effort et peut-être par ce qu’il voit, il ôte son polo avant de reprendre sa charge et d’accompagner maman à la maison.

simferopol amoureux en parc

Dans notre tour de ville, nous ne verrons aucun touriste, même venu de Russie. Dans les marchés, les boutiques, les restaurants, il n’y a que des locaux – Tatars, Russes résidents, « Ukrainiens ». L’été, la gare embaume la crème solaire des vacances, accueille shorts, sandales et chemisettes, mais rares sont les arrivants qui viennent y séjourner. Simféropol n’est qu’une ville de transit vers les plages. Cette réalité d’estive se révèle aux cartes postales : on n’y trouve que la gare, d’où les voyageurs postent leur premier « souvenir de vacances ». Nous qui sommes radicalement étrangers nous faisons repérer aisément ; nous pouvons l’observer à la curiosité un tantinet inquiète des gamins, intéressée des jeunes, sagace des babouchkas et critique des prolétaires.

simferopol jeune homme torse nu

La ville reste en effet populaire, plus administrative qu’industrielle, avec des habitudes de débrouille « à la soviétique ». Ainsi, une vieille dame en fichu vend-t-elle de l’eau au bord du trottoir, tout simplement de l’eau, qu’elle puise à une remorque citerne peinte en vert pré amenée ici au matin par le camion de son fils. Serguei en boit un gobelet avant d’en faire remplir sa demi-bouteille plastique. C’est qu’il fait chaud à Simferopol, loin des brises de mer.

simferopol marchande d eau

Au Gastronom, où nous achetons le dîner-pique-nique, c’est l’opulence, le luxe inouï de l’après-soviétisme, ce pour quoi se battent tous les indépendantistes pour « la liberté ». Poutine est revenu sur les libertés démocratiques (la chienlit pour lui) mais surtout pas sur le libre marché – seule façon d’assurer la profusion des produits. Notre dîner sera composé de betterave rouge aux raisins secs dans leur petite boite plastique, poisson pané à l’œuf, fromage en tranche, saumon fumé, trois sortes de saucissons, pain bis, pommes, petits gâteaux. Bien plus que nous ne pourrons en avaler ! Pour les ménagères alentour, ce ne sont qu’écroulements de fruits, pyramides de légumes, poissons fumés entassés à profusion, saucisses qui pendent comme des guirlandes, fromages empilés sur plus d’un mètre, bouteilles de champagne de Crimée alignées comme des soldats en revue, plus de cinquante sortes de vodkas, blanches ou colorées, à divers prix, des jouets, des vêtures de base, des produits pour la maison disposés en pièces montées…

simferopol gamin supermarche

Le marketing local insiste sur le foisonnement. Voir un tel entassement de richesses alimentaires et accessoires donne aux chalands l’envie irrépressible d’acheter. Notamment ceux qui ont connu l’enfance austère du « paradis prolétaire » où ne coulaient ni lait ni miel, ce pays du « socialisme réalisé » selon le mot célèbre de Brejnev qui a pris la précaution de l’inscrire dans la Constitution comme tout démagogue qui aspire à graver pour l’éternité ses Tables de la Loi. Les gens ont surtout l’impression de bien vivre enfin, même s’ils n’ont pas tous les moyens. Ce pourquoi les Russes installés en Crimée ne souhaitent pas en partir pour regagner la froide Russie plus au nord. Ils ne se sentent pas vraiment « Ukrainiens », mais veulent rester ici, exceptions culturelles sous la protection du grand frère ex-soviétique.

simferopol vodka

Nous déjeunons dans un restaurant climatisé près de la place du Kinoteater (théâtre-cinoche, grande salle style années 50). A la salade de betterave rouge à la crème aigre succèdent des varenikis (gros raviolis) à plusieurs farces binaires : oignon et chou, foie et pomme de terre, ou simplement cerises aigres. Les bières sont bienvenues avec la chaleur et les épices.

ukraine blonde longues jambes

Il est vite l’heure d’aller à la gare pour le train qui part à 16h24 pour Kiev. Nous y arriverons le lendemain matin. Les bousculades de quai, l’été, exigent d’arriver en avance. Les gens se livrent en spectacle, surpris dans leur vie quotidienne : jeunes en bande, filles aux longues jambes, couples qui s’isolent, familles aux bambins sans cesse à surveiller, abreuver, sermonner, consoler, vieilles qui vendent un peu de tout, surtout à manger et à boire.

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Pékin il y a vingt ans

Le long vol sans escale d’Air France dure neuf heures et quarante cinq minutes. Il passe au-dessus de la Scandinavie, puis de la Sibérie. L’avion est plein en cette mi-février 1993. Pas une place n’est libre dans le Boeing 747 « combi » : voilà qui est rentable et justifie tant l’apéritif au champagne que le Bourgogne rouge au repas – luxe qui a disparu depuis de la classe éco.

gamine chine 1993

A Pékin, nous accueille une aérogare immense où les formalités sont réduites. Nous roulons 35 km en bus sur une route encombrée où la vitesse est limitée. On construit « une autoroute pour la fin de l’année », nous apprend le guide officiel qui parle un français fleuri. Le paysage offre l’image d’un pays constamment en chantier où tout est à reconstruire depuis la Révolution culturelle. La Chine a quitté le tiers-monde miséreux pour se hisser au rang des pays émergents.

gamin pekin 1993

Pas de mendicité, une relative propreté par terre, aidée par des campagnes périodiques de mobilisation citoyenne. L’activisme moral et pédagogique, venu d’en haut, jette des milliers d’hommes dans des opérations renouvelées de reboisement et de construction. Ceci après des campagnes précédentes qui les avaient fait déboiser et détruire – telle est l’idéologie, le pouvoir d’une société pyramidale, et l’impact du maître d’école qui se prenait pour le maître de l’empire du milieu. Sur les chantiers devant nos yeux je vois peu de matériel et beaucoup d’ouvriers. Ils ont l’air de travailler lentement, mais le nombre et la durée font le résultat. Dans la ville même de Pékin, beaucoup de constructions apparaissent récentes. Ce n’est que béton. Les appartements sont doublés de vérandas vitrées pour chauffer les pièces au soleil d’hiver. Pékin est un chantier en perpétuelle construction. Pas de centre. L’architecture y est « soviétique », purement utilitaire et bon marché, sans souci esthétique.

peyrefitte boulet chine

Avant de partir, j’ai lu sur la Chine. Les romans truculents de Lucien Bodard bien sûr, de son enfance comme fils de consul en Chine, La mère de Pearl Buck quand j’étais ado, et les livres poétiques de Victor Segalen. L’essai d’Alain Peyrefitte, Quand la Chine s’éveillera avait marqué, l’année de sa parution, mon entrée en science politique. Mais il s’agit d’une vision jacobine fascinée par les ressemblances avec la France louisquatorziènne que tout les politiciens français veulent perpétrer depuis de Gaulle jusqu’à Mitterrand.

Durant mes études, j’étais baigné dans le maoïsme parisien qui allait de la logorrhée marxiste disséquant les cheveux en quatre Vérités ou trois Principes, à l’infantilisme braillard des hormones. Je me suis donc plongé dans la vie enchantée de Mao par Han Suyin, célèbre écrivain d’époque, en deux tomes, Le déluge du matin et Le premier jour du monde. Il m’a bien déçu : c’est une suite de chromos révérencieux, sans aucun esprit critique ; on croirait lire la vie de Saint-François par une dévote. Les œuvres mêmes de Mao Tsé-toung, achetées à la librairie Norman Béthune boulevard Saint-Michel (qui étaient au programme de Sciences Po), sont des recueils de préceptes scolaires niveau d’école primaire.

jeunes pekin 1993

Cela paraît incongru aujourd’hui, mais il y avait un engouement extraordinaire chez les étudiants intellos, après 68, pour l’instituteur révolutionnaire chinois. C’était loin, la Chine, personne n’y voyageait sans être étroitement encadré et le mythe demeurait puissant. Mao renouvelait le marxisme stalinien, le vieux parti communiste moscoutaire. Les partis et sous-partis se multipliaient comme dans un plan de Science Po : PCMLF, Gauche prolétarienne, Mao-spontex (spontanéistes) de Vive la révolution, NAPAP, la Cause du peuple… Mao a séduit tout ce que la France comptait d’intellos-médiatiques, ou presque, par militantisme, compagnonnage ou simple capillarité de caste : Jean-Paul Sartre, Alain Geismar, Jean-Luc Godard, Michel Foucault, Serge July, Maria-Antonietta Macciocchi, Alain Badiou, Gérard Miller, Philippe Sollers, Julia Kristeva, Jean-Pierre Le Dantec, Serge Daney, Olivier Rolin, les Broyelle du Nouvel Obs, les catho-normaliens des éditions du Seuil avec Jean-Luc Domenach, Claude Mauriac et Jean-Claude Guillebaud, François Wahl, Jean Lacouture et même Roland Barthes. Par antiautoritarisme mal placé, car celui qui disait aux ados gardes rouges « feu sur le quartier général » ne visait qu’à conserver son propre pouvoir personnel, que ses stupidités avait affaibli. Le « grand bond en avant » a tué par famine au moins 30 millions de personnes, l’industrialisation ratée des campagnes a produit un « acier » inutilisable, et ainsi de suite.

Mais la croyance reste sourde et aveugle à tous les témoignages contre : Simon Leys n’a pas été entendu par ces soi-disant « libérés » intellos de la rue d’Ulm. Il a fallu attendre les massacres – indéniables – du Cambodge en 1975 !

Je suis resté sceptique devant cet engouement religieux pour Mao, mais j’en ai retenu une leçon : le plus grand libérateur en apparence est un tyran qui se révèle. Méfiez-vous de Mélenchon…

1989 06 Chine Tiananmen manifestationsLa Chine est une grande civilisation, très ancienne, où la culture avait atteint un point remarquable. Mais son éradication brutale et sans précaution, perpétrée par le maoïsme, a créé une sorte de Frankenstein dont on ne voit pas comment il pourrait évoluer sans revenir sur le passé. La vraie vie des Chinois de la fin des années 1980 a été bien décrite par Marc Boulet, Dans la peau d’un Chinois. Son récit au ras des gens vient de ce que, journaliste, Marc Boulet s’est déguisé en Chinois ouïgour et a peaufiné sa pratique du mandarin pour se fondre dans la vie quotidienne.

Tien An Men massacre 1989

La révolte des étudiants, ouvriers et intellectuels à Pékin du 15 avril au 4 juin 1989 pour dénoncer la corruption et réclamer une démocratie plus libre, ont abouti au massacre de la place Tien An Men qui a fait quelques milliers de morts. Le Parti n’est pas prêt à libérer le peuple du joug communiste, malgré l’ouverture du marché à l’enrichissement personnel. Depuis 1993, la richesse a explosé mais le régime n’a pas bougé, la corruption demeure et les libertés démocratiques sont étroitement contenues. Mais il y a Internet en plus. La visite de la capitale, à ce titre, en février 1993 et quatre ans après la répression Tien An Men, est une expérience. Humer l’atmosphère locale permet d’en apprendre plus que toutes les études savantes.

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