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Pierre Servent, Le mythe Pétain

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Historien militaire du XXe siècle, Pierre Servent cherche dans ce court essai à comprendre pourquoi Philippe Pétain est devenu en juin 1940 le recours des Français presque unanimes. La suite démolira le personnage, trop vieux, trop vaniteux, trop poussé aux compromis de la collaboration. Mais il est intéressant d’observer comment un homme est devenu un mythe. Il ne sera pas le seul, Charles De Gaulle prendra la suite, avant François Mitterrand sur un mode mineur – comme si les Français avaient besoin périodiquement d’un homme providentiel… dont l’exact opposé apparaît François Hollande.

Tout commence avec cette connerie de guerre de 14 et la boucherie de Verdun. Pétain, fait général et appelé en renfort en 1916, va avoir pour tactique de ménager les hommes et pour stratégie de tenir en attendant les tanks et les Américains. Il invente le tourniquet des bataillons et la noria des camions sur la Voie sacrée. Verdun ne tombera pas, gloire immortelle du futur maréchal. En 1917, après les offensives aussi frivoles que vaines de l’espèce de hussard à la Villepin qu’était le général Nivelle (40 000 morts en 3 jours au Chemin des Dames !), Pétain mate les mutineries au prix de peu de condamnés pour l’exemple et améliore les conditions de la troupe au front comme le régime des permissions.

Le mythe se crée du Vainqueur de Verdun et du Sauveur de l’armée. « Précis-le-Sec » – tel est son surnom – apparaît comme général républicain, au-dessus de ces minables politiciens plus intéressés par leurs combines de parti que par le destin de la nation, un Gaulois austère à la morale paysanne, intègre, proche des troupes. Il est photogénique, visage marmoréen, regard azur. « J’avais été frappé et je puis dire séduit, comme tous ceux qui l’approchaient, par la noblesse de sa stature et de son port, par le regard simple et bon de ses yeux bleus à fleur de tête, par l’air de gravité et de noblesse qu’exprime son beau visage », disait de lui Léon Blum cité p.202.

Pétain est l’homme-forteresse, une âme pure, une élite paysanne, une œuvre d’assainissement – autant de titres de chapitres qui ponctuent l’essai. Il soigne son image, se fait désirer dans la presse, s’adjoint de belles plumes comme Henri Bordeaux. Dans la crise morale qui sévit dans les années 30, les anciens combattants assurent une sorte de magistère moral dont Pétain est le symbole, plus paternaliste que fasciste, plus conservateur que révolutionnaire, plus gaulois que germain ou romain. Dès 1935, Gustave Hervé publie une brochure intitulée C’est Pétain qu’il nous faut, et le soutient dans ses éditoriaux de La Victoire, journal « socialiste national ». Les intérêts vitaux de l’État s’incarnent mieux à ses yeux dans le Vainqueur de Verdun que dans les politiciens pâlichons « qui cuisent leur petite soupe à petit feu dans leurs petits coins » – comme raillera plus tard De Gaulle.

En juin 1940, l’armée française mal préparée en tactique, mal commandée par des vieillards, mal équipée par saupoudrage des chars et des avions, s’effondre en six semaines. Six semaines ! « Quand l’humiliation est si violente, quand tout est bouleversé par une tempête d’autant plus brutale qu’elle est totalement inattendue, deux réflexes s’inscrivent au cœur de l’homme : se raccrocher aux derniers points de repère émergeant encore ; trouver les responsables d’un aussi incompréhensible désastre » p.230. Le point de repère est le Père la Victoire, Philippe Pétain ; Charles Maurras, en phase avec les Français du temps, évoquera la « divine surprise » du sauveur de la patrie. Les responsables sont ceux qui ont préféré (dixit Pétain) « le capitalisme international et le capitalisme international », et « l’esprit de jouissance » à « l’esprit de sacrifice ». Ce que François Mauriac saluera comme « le reproche des héros dont le sacrifice, à cause de notre défaite, a été rendu inutile » p.231.

Si la « douce France », restée largement rurale, a été sidérée par l’ampleur de la défaite technique, stratégique et mentale, c’est qu’elle « n’a pas compris l’évolution d’un monde qui ressemblait de moins en moins à celui de la Première guerre mondiale » p.235. A-t-elle mieux compris l’évolution du monde depuis la chute de l’URSS et l’essor rapide des immenses pays émergents dans les années 1990 ? La gauche en reste aux Trente glorieuses, faisant de la régression économique une parenthèse de « crise » après laquelle tout reviendrait comme avant ; la droite en reste aux lamentations sur l’hédonisme soixantuitard (un peu passé de mode après le SIDA !) et sur les multiples réformes de structure qu’il faudrait entreprendre (mais qu’elle n’a commencé depuis 20 ans qu’à dose infinitésimale !).

Si la révérence aux autorités est morte en 1917, la révérence au catholicisme est morte en 1940 et celle du collectif en 1968. Le Français d’aujourd’hui peut difficilement comprendre le respect envers Pétain de l’an 1940, et c’est le mérite de Pierre Servent de nous recentrer sur la mentalité d’époque : « Dans cette France catholique qui, autorités en tête, bénit la ‘divine surprise’ (au moins au début), ce don, ce sacrifice pour le pays a une résonance christique extrême. Pétain, c’est le rédempteur envoyé à une France fautive que Dieu, dans son immense tendresse, continue de considérer comme ‘la fille aînée de l’Église’. Pétain a d’ailleurs fait entrer les Français très tôt dans une phase de dolorisme et de culpabilisation infantilisante » p.239.

Pétain n’était pas programmé pour prendre le pouvoir. « Le constat ne vaut pas absolution. Il permet seulement de mieux comprendre comment l’immense majorité d’un peuple a pu chercher son propre reflet dans le visage marmoréen d’un funeste grand-père » p.264. D’autres ont choisi la voie étroite de l’honneur. « C’était donc possible ! Mais il fallait une bonne dose de folie, un esprit rebelle, des convictions solidement chevillées ou une grande ouverture aux questions internationales pour rompre le cercle magique de plus de deux décennies d’évidences et de stéréotypes assénés », conclut bellement l’auteur p.264.

Ce petit essai éclaire l’aujourd’hui avec les erreurs du passé ; il complète admirablement – pour ceux qui veulent comprendre – la biographie documentée du maréchal parue récemment.

Pierre Servent, Le mythe Pétain – Verdun ou les tranchées de la mémoire, 1992, CNRS éditions collection Biblis 2014, 291 pages, €10.00

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Géopolitique du thon à Clipperton

Clipperton est un anneau corallien fermé de 1,7 km² de terres émergées. L’île relève du domaine public et est propriété domaniale directe de l’État. L’autorité est déléguée au Haut-commissaire de la République en Polynésie française, représentant de l’État depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : « La loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton ». Contrairement aux DOM et COM (département et collectivités), les lois et règlements de la République s’y appliquent de plein droit et « les juridictions de l’ordre judiciaire ayant leur siège à Paris » sont « territorialement compétentes ».

Clipperton carte de situation

L’île a été découverte le Vendredi saint 3 avril 1711, d’où son nom initial d’île de la Passion, par Martin Chassiron et Michel du Bocage. Elle est considérée comme possession française depuis le 17 novembre 1858 suite à sa prise de possession par le lieutenant de vaisseau Le Coët de Kerveguen au nom de Napoléon III. La raison de cette exploration de 1858 était surtout le guano (la fiente d’oiseau , phosphate utilisé dans les fertilisants), à plus long terme le percement de l’isthme de Panama envisagé par la France dans la ligne de la politique d’influence « latine » de Napoléon III aux Amériques. Le Coet de Kerveguen n’a pas pu débarquer. Un marin est allé à terre à la nage en dépit des requins et des vagues et a ramené des échantillons de guano. Une carte a été levée depuis le haut du mât et l’annexion de l’île rapportée a Hawaï. La redécouverte, l’occupation et l’exploitation de cette île à guano par les Américains incita le Mexique plus proche à la revendiquer et à l’occuper dès 1898. Une garnison mexicaine s’installe en 1906 et y construit un phare. Mais cette colonie fut abandonnée en 1914 par le Mexique à cause de la révolution, et ses derniers survivants livrés à la famine. Ils ont été découverts par accident et évacués par un navire de la marine américaine en 1917.

En 1909, le Mexique et la France se soumirent à l’arbitrage international du roi Emmanuel III d’Italie qui attribua la possession de l’atoll a la France en 1931. L’île était terra nullius lors de la prise de possession. Mais, au Mexique, on continue de revendiquer aujourd’hui la propriété de l’île dont les richesses sont le thon et les nodules polymétallique qui jonchent ses fonds marins. Selon le site de la Marine nationale, « Le contexte diplomatique et juridique » est clarifié entre la France et le Mexique concernant cette île. En effet, conformément à l’accord franco-mexicain du 29 mars 2007, entré en vigueur le 1er mai 2007, les navires de pêche mexicains peuvent bénéficier de licences de pêche pendant 10 ans dans les 200 milles marins entourant Clipperton. Sans quotas ni contrôle mais avec une obligation de déclarer les quantités pêchées et d’enregistrer les navires auprès du Haut-commissariat de la République à Papeete. La renégociation de cet accord a lieu cette année et les accords expirent en 2017. En échange, certainement un moment historique de notre diplomatie, le Mexique cesse de revendiquer une île que le droit international a pourtant reconnue française depuis 1931 !

Clipperton peche mexicaine dans les eaux territoriales

Or, très rares sont les nombreux navires américains, sud-américains et même asiatiques observés qui ont demandé une quelconque autorisation pour y pêcher, y mener des expéditions scientifiques ou y plonger avec les requins : la France et Papeete sont loin, les énarques parisiens s’en moquent, les responsables le sont à temps partiel et les politiciens n’y ont aucun électeurs. Seule l’économie pourrait faire pression sur ces Messieurs, mais l’économie en France est aux abonnés absents : qui va contrôler les pêches Mexicaines et leur faire payer les permis et une redevance a la tonne ? qui va affréter des bateaux pour le tourisme écologique ou la pêche sportive depuis que le Club Med est en vente aux étrangers ? qui va affréter (comme le Japon ou l’Espagne) des thoniers pour aller pêcher dans le Pacifique ? Les pêcheurs français sont de petits artisans collés aux côtes où ils disputent le rare poisson aux plaisanciers, pas des entrepreneurs hauturiers. Il est loin le temps des Terre-neuvas ! Et le pêcheur Polynésien, pourtant subventionné, n’a pas la volonté de partir loin de son île à la pêche « au long cours ».

De plus, l’État est impuissant à continuer l’empire. Pas de volonté, pas de moyens, à peine un renouveau national de la recherche scientifique 10 ans après l’expédition médiatique de Jean-Louis Étienne avec deux scientifiques en 2014 et une expédition prévue en 2015 (si le budget est maintenu). Eric Chevreuil, ancien officier de l’armée de terre française reconverti dans l’informatique en Californie, est soucieux de Clipperton et est scandalisé par le pillage de ses ressources par les senneurs Mexicain et par « la propagande parisienne ». Il a récemment écrit une lettre ouverte au Président parue dans la version papier de Marine & Océans (Mai 2014), et rédigé un dossier d’enquête révélateur sur les abus des navires Mexicains a Clipperton. Ce dossier est diffusé a l’aube de la renégociation de ces accords de pêche pour informer le Premier ministre, les ministres des Affaires étrangères, de l’Outre Mer, de l’écologie, au le Secrétariat général de la Mer et le Haut-commissariat de la République a Papeete, par courrier digital et normal en avril 2014. Il écrit entre autre : « La frégate de surveillance Prairial et l’Arago, en transit, ont effectué un total de trois visites en 2011. Le Prairial y est aussi allé deux fois en 2012, une fois en 2013 et aucune mission n’est prévue en 2014. Chaque visite totalise trois jours en ZEE dont une journée a Clipperton. Au total, « la Police » française a passé 6 jours à Clipperton en quatre ans ».

clipperton bateau de peche mexicain avec vedettes de rabattage

Photos d’une campagne de pêche du navire Mexicain de Pescas Aztecas 9 à Clipperton : hélicoptère, 8 vedettes de rabattage, 1 barge pour étendre des kilomètres de filets, 1200 tonnes d’emport (source Eric Chevreuil)

Or une île sans administration et où personne n’habite n’aurait, pour le droit international maritime, que 12 milles marins de zone maritime territoriale (et non les 200 milles marins de zone économique exclusive). D’après les réponses du gouvernement à des questions posées à l’Assemblée nationale, le fait de ne pas étendre la ZEE aurait permis de réaffirmer notre souveraineté auprès des instances internationales. Esquive en langue de bois ? Par la faute de Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, la France n’a pas fait valoir auprès de l’ONU en 2009 ses droits de possession sur la zone de 40 000 km² de plateau continental à Clipperton, les perdant définitivement. Cela pour ne pas fâcher les autorités mexicaines et ne pas risquer de compromettre la libération de Florence Cassez, dit-on…

Mais si tous ces arguments n’étaient que prétextes ? Le flou artistique entretenu par les diplomates et les technocrates sur le sujet, comme en témoignent les « réponses » ministérielles aux questions posées à l’Assemblée nationale ou au Sénat, montre que le droit de la mer n’est ni clairement établi ni souverainement revendiqué. Les politiciens préfèrent signer des « accords » économiques ou culturels pour les Airbus ou les étudiants avec le riche Mexique que d’exercer ses droits impossibles sur la pêche au thon et la collecte de nodules si loin de la métropole. Faute de volonté, faute de moyens, faute d’électeurs. Quand la force tranquille ne peut affirmer le droit, place à la ruse diplomatique.

2014 05 accords de peche france mexique question au senat

Sous peu à Paris (en août ?), les accords de pêche Franco-Mexicains de 2007 vont être renégociés en catimini et sans débat. La souveraineté de la France sur cet atoll et ses ressources sera probablement de nouveau bradée dans un accord qui ne profite vraiment qu’au Mexique. Ce pays pille allègrement la zone jusque dans les eaux territoriales françaises de Clipperton où les requins, les dauphins et les tortues de mer tombent victimes de leurs kilomètres de filets.

A quoi nous sert donc Clipperton ? Grâce à une ZEE presque aussi grande que la France continentale, l’île de Clipperton permet à la France de disposer du deuxième domaine maritime mondial, derrière les États-Unis. Ce qui les ennuie, semble-t-il… Va-t-on la vendre au Mexique, comme Napoléon 1er fit de la Louisiane aux États-Unis ? Va-t-on la perdre comme l’indigent Louis XVI (dont le sosie règne à l’Élysée) le fit du Canada ?

En savoir plus :

Clipperton vue par le Ministère de l’Outre-mer
Clipperton selon la Marine nationale
Site Tous les territoires français
Forum Mexique sur Clipperton
Jean-Louis Etienne en expédition à Clipperton
Clipperton vue par la world encyclopédie en français pour les paidès
Les intérêts commerciaux de la diplomatie française au Mexique
Le site du Professeur Jost, université de Tahiti
Clipperton sur ce blog
Rapport de M. Chevreuil : copie sur demande à echevreuil@sbcglobal.net

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Diderot et les principes

Dans ses Contes, Denis Diderot s’amuse en même temps qu’il observe la société de son temps. L’époque Louis XV était libertine, mais ne pas croire que le libertinage se résume à la bagatelle. Comme en mai 68, le sexe est le révélateur de la liberté. Le désir est sans loi, anarchique par essence ; c’est sa réalisation dans le monde réel qui est réglementée : par la société, par la loi, par la religion. Secouez-moi tout ça ! Il faut remettre en cause périodiquement ce qui est institué, en juger du raisonnable. Être humain c’est d’abord de libérer des entraves, « faire craquer ses gaines » dira Gide. D’où le danger social et politique d’une libération sexuelle ; d’où le retour au rigorisme moral pétainiste en cas de crise, qu’incarne aujourd’hui un François Bayrou par exemple. Lire Diderot c’est un peu lire Cohn-Bendit, le style en plus. Contre les coincés, les pisse-froids, les réactionnaires.

‘Madame de La Carlière’, écrit en 1772, incarne cette lutte entre « les principes » et les désirs. Un jeune homme qui a beaucoup vécu, successivement prêtre, juge puis soldat, jure fidélité devant le monde à Madame veuve de La Carlière. Il lui fait un enfant qu’il adore. Mais un écart de conduite lui fait aimer une ancienne bonne amie, manipulatrice et haut placée. Il lui écrit, elle lui répond, et ces lettres fatales seront son malheur. Madame de La Carlière devenue Desroches redevient La Carlière. Elle le quitte devant le monde comme elle l’avait accepté : dans un salon après dîner, devant la société rassemblée.

Dès lors celle-ci, aussi bête que versatile, accuse l’ex-mari de tous les maux. Madame de La Carlière dépérit et le bébé qu’elle allaite meurt de consomption ; sa mère la suit de désespoir, ce qui fait mourir la grand-mère usée par la vieillesse ; quant au frère, qui a repris le régiment du chevalier, il est tué au combat ! Tout cela est, selon le préjugé social, « la faute à » ce malheureux mari. C’est que la foule est bête et que le plus simple est de trouver aux maux un seul bouc émissaire ! Pourtant, écrit Diderot, il s’agit moins « des vices de l’homme que des conséquences de nos législations absurdes, sources de mœurs aussi absurdes qu’elles et d’une dépravation que j’appellerais volontiers artificielles » p.538.

Le mariage est-il ce sacrement irréversible que l’Église veut « pour l’éternité » ? Est-ce compatible avec la contingence humaine ? Passe encore lorsque des barbons de 50 ans épousent des filles de 14 qui se retrouvent veuves et riches à la trentaine, ce qui leur permet les plaisirs après le devoir. Mais lorsque la vie s’allonge, est-ce bien raisonnable de jurer abstinence pour un demi-siècle ? Diderot fustige la soi-disant « vertu » des épouses, qu’incarne La Carlière. Est-ce moral, au sens de la raison, de jeter son homme parce qu’il a eu un écart ? N’y a-t-il pas là quelque rigidité morale ? Une perversion des sentiments humains vers la psychose paranoïaque ? Freud trouvera beaucoup de perles chez Diderot, il a inventé moins qu’on le dit.

Le sexe est l’exubérance spontanée, l’affection un attachement raisonné. Entre les deux se joue les enjeux, plus sociaux qu’humains, de la fidélité et de la vertu. Le mariage, pense Diderot, est un contrat en ce monde, pas un esclavage divin. S’il y a contrat, existent aménagements et dédommagements ; il ne s’agit pas de bien ou de mal tranché une fois pour toutes, béatitude ou damnation éternelle. La fidélité morale n’est pas la fidélité sexuelle, même si la grossesse peut être un motif de rupture. Ce qui importe est que le plaisir de l’une ou de l’un (Diderot alterne les héros et les héroïnes dans ses Contes) ne soit pas motif suffisant à rompre – par exemple que les enfants soient bien les siens.

« Mme de La Carlière est très aimable, sans contredit ; elle avait fait ses conditions, d’accord : c’est la beauté, la vertu, l’honnêteté même ; ajoutez que le chevalier lui doit tout ; mais aussi vouloir dans tout un royaume l’être unique à qui son mari s’en tienne strictement, la prétention est par trop ridicule… » p.533. Le bonheur des Lumières commence par la liberté, et celle-ci s’acquiert en politique comme dans les mœurs. Il s’agit ni de se laisser enfermer en couvent contre sa volonté (‘La Religieuse’), ni dans le mariage par les principes (‘Madame de La Carlière’), ni dans les convenances religieuses et sociales (‘Les bijoux indiscrets’). L’acte sexuel n’est pas moral, mais physique ; la vertu intransigeante n’est qu’un préjugé qui pose en société, un geste d’égoïsme orgueilleux qui n’a rien à voir avec l’amour. La Carlière est au fond « inflexible et hautaine bégueule » p.538. Car l’être humain est successivement plusieurs, libertin, tendre époux et inconsolable veuf. Le figer dans son passé est aussi indigne que de le figer une fois pour toute dans sa naissance. Diderot attaque ainsi le préjugé nobiliaire qui veut que le sang bleu face de race un être supérieur. Mais si cela commence d’être admis en 1772, pourquoi s’accrocher à la même erreur sur le passé des gens ?

Diderot n’a pas de mots assez durs pour fustiger la bêtise sociale, les préjugés de société, le moutonnisme de foule. « C’est ici que je vous prie de détourner vos yeux, s’il se peut, de Mme de La Carlière pour les fixer sur le public, sur cette foule imbécile qui nous juge, qui dispose de notre honneur, qui nous porte aux nues ou qui nous traîne dans la fange, et qu’on respecte d’autant plus qu’on a moins d’énergie et de vertu » p.533. Les faibles et les inintelligents sont les plus conformistes ; ceux qui ont peur d’eux-mêmes se réfugient dans « ce que tout le monde fait ». Ils se sentent ainsi responsables mais pas coupables, comme disent si bien les veules politiciens.

Denis Diderot, Madame de La Carlière, 1773, Contes et romans, Gallimard Pléiade, 2004, édition Michel Delon, 1300 pages, €52.25

Denis Diderot, Madame de La Carlière, 1773, Contes et entretiens, Garnier-Flammarion, 1993, 245 pages, €5.51

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Spéculation

Pour la bonne conscience française, catholique et de gauche, « spéculer » c’est mal. C’est envier ce qu’on n’a pas et « gagner de l’argent en dormant » comme disait le seul président socialiste de la Ve République. Mais spéculer en politique serait « bien », tandis qu’en économie ce serait « mal » ? Où l’on observe que la morale est à géométrie variable et qu’est « bien » ce qui arrange les idéologues.

Spéculer est justifié

Pourtant, l’Évangile de Matthieu évoque la parabole des talents (Mt 25.32), tout comme Luc celle des mines (12.19). Talents et mines sont des monnaies antiques qui valent cher. Aux serviteurs qui ont fait fructifier leurs talents confiés par le maître, ce dernier dit le bien qu’il pense d’eux. Au serviteur qui a enfoui dans la terre le talent à lui confié, pour le rendre intact à la fin de la période, il dit :  » Serviteur mauvais et paresseux ! (…) tu aurais du placer mon argent chez les banquiers, et à mon retour j’aurai recouvré mon bien avec un intérêt. Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui a les dix talents » (Mt).

Le terme spéculer vient de miroir en latin, lui-même dérivé du verbe observer. Les savants du temps ont commencé à observer les entrailles des bêtes sacrifiées et les astres, pour en tirer des pronostics sur l’avenir. Déjà les clercs avaient fait ériger des alignements, à Carnac, Stonehenge et ailleurs, pour spéculer sur les saisons en fonction des étoiles. La spéculation est donc une réflexion, base de la démarche philosophique, politique et même scientifique. Il s’agit de pré-voir. De discerner dans le présent ce qui peut préfigurer l’avenir. Gouverner, c’est prévoir. Gérer son entreprise aussi, ou l’avenir de ses enfants : pourquoi les forcer à aller à l’école sinon pour spéculer sur leurs chances dans la vie ?

Les opérations financières et commerciales ne sont pas différentes : spéculer, c’est prendre un risque pour investir aujourd’hui et gagner (ou perdre) demain. Le sens actuel du mot est né des billets à ordres du XVIIIe siècle. Il n’y a que les administrations qui ne spéculent jamais : elles se contentent de gérer ce qui existe déjà, ne pouvant se développer que grâce à « plus de moyens ». Qui veut bâtir, inventer, innover, créer, doit sortir des administrations (dont ce n’est pas le rôle) et de l’esprit administratif (qui n’a jamais rien créé) : il doit spéculer.

L’ignorance économique

Chacun son métier, et la fonction crée son idéologie : loin de moi l’idée que l’administration ne sert à rien, ni que les fonctionnaires soient indignes. Laissons-les cependant à leur place d’État, et ne faisons pas de leur conception du monde une conception universelle. Encore moins du fonctionnement administratif la règle de l’économie ! Il suffit d’observer aujourd’hui comment les Chinois, pourtant confits en communisme et formatés deux générations durant par la propagande égalitaire, ont su rejeter les bureaux pour générer un capitalisme sauvage que même les Texans n’osent rêver. Que les fonctionnaires fonctionnent, la société a besoin de règles et de personnel intègre pour les appliquer à tous. Qu’ils ne spéculent pas en bourse ni en affaires, ni ne disent la morale, ils n’y connaissent rien.

On peut d’ailleurs se poser la question de la compétence professionnelle des trésoriers des hôpitaux, communes et autres collectivités territoriales qui ont souscrit des emprunts toxiques : ces spécialistes ont-ils vraiment souscrit sans rien comprendre ? Auquel cas, était-ce bien raisonnable et responsable de spéculer quand on gère l’intérêt public ? Le dernier mammouth sorti de l’ENA et Inspecteur des finances qui s’y s’est aventuré, Jean-Yves Haberer, a conduit le Crédit Lyonnais à la faillite… et c’est le contribuable qui a payé. L’auteur a été condamné à très peu de chose, malgré son incompétence.

La spéculation est un métier, que ce soit celui des astrologues antiques ou des savants d’aujourd’hui. Spéculer n’est ni bien ni mal, regarder l’avenir est toujours aussi utile. En revanche, et j’en suis bien d’accord, spéculer peut être bon ou mauvais. Bon pour soi ou pour les autres ; mauvais de même. Lorsque le trader Kerviel spécule hors limites, il met en danger non seulement son petit ego et sa carrière, mais toute la banque et ses milliers de salariés, sans compter des clients épargnants, voire les contribuables qui auraient à renflouer. Lorsque Lehman Brothers spécule sur les crédits immobiliers irremboursables (subprimes), en refilant le mistigri du risque à tout le monde via la titrisation, son action est mauvaise non seulement pour ses clients et pour lui-même mais aussi pour le système financier des États-Unis et du monde entier. La banque a été mise en faillite.

Aux politiciens de faire leur métier

Les peuples, via les procédures démocratiques, sont parfaitement en droit d’exiger des limites légales – et des contrôles particuliers – sur ces actions de spéculation qui mettent en danger la société, même sans le vouloir.

Je suis ainsi, à titre personnel, ferme partisan de l’interdiction pure et simple des ventes à découvert. Car le monde a changé ; les règles doivent suivre. La mondialisation et l’Internet, les capitaux à gogo en raison des politiques laxistes des banques centrales, surtout la Fed, ont créé un terrain de jeu exponentiel avec des billes sans compter. Cette accélération sans conscience a conduit au château de cartes qui a explosé en 2007. Tout a été trop vite et, hormis les spécialistes, personne n’a compris.

Encore faut-il que les représentants d’État fassent leur métier : dire les règles et contrôler leur application. A voir fonctionner la SEC américaine ou l’AMF française, à voir réagir les politiciens européens sur la crise grecque et les politiciens américains au Congrès sur l’endettement public, on reste dubitatif… Au lieu de faire la morale aux financiers, les politiciens ne pourraient-ils commencer à se la faire à eux-mêmes ? Ne pourraient-il pas, pour une fois, ne plus se défausser en « responsables mais pas coupables », et remplir enfin la fonction qui est la leur ? Si « les marchés » spéculent sur la faillite d’un État, n’est-ce pas parce que des politiciens laxistes ont joué de la démagogie dépensière et clientéliste « sans compter » ? Il n’y a guère que les Islandais qui demandent des comptes à leurs politiciens. Leur exemple devrait faire école. Mais ce n’est pas en France, où parler compte plus que faire, que des citoyens lambdas campent devant la bourse… c’est aux États-Unis, pays de la libre entreprise. Alors, si les spéculateurs dérivent, les citoyens ne les laissent-ils pas faire ?

Lorsque vous empruntez pour acheter une maison, vous devenez propriétaire de quelque chose qui ne vous appartient pas, jusqu’à ce que vous ayez remboursé entièrement le crédit. L’intérêt du prêt est le prix du temps et du risque associé. Il est justifié économiquement. Même chose lorsqu’un État emprunte pour construire un TGV ou financer la recherche. Mais lorsque vous vendez à découvert (sans avoir les titres) pour profiter des écarts à la baisse, vous n’êtes ni propriétaire des actions (que vous n’avez pas), ni du gain que vous faites quand vous rachetez plus bas ces mêmes actions (que vous n’avez jamais eues). Vous êtes un pur « spéculateur » qui joue sur un risque abstrait. Même chose lorsqu’un État emprunte pour payer les salaires de ses fonctionnaires et les pensions de ses retraités : il rejette la charge de la dette sur les générations futures ; il se sent prêt à spolier, en cas de défaut de sa part, les prêteurs qui lui ont fait confiance. Tout comme il est interdit de prendre ce qui ne vous appartient pas, il devrait être interdit purement et simplement de jouer sur ce qu’on ne possède à aucun moment, ni à l’achat, ni à la vente. Billy the Kid a été pris par le shérif parce qu’il braquait les banques : qu’attendent les shérifs contemporains pour faire de même en finance ?

Les traders se moquent du monde, il peut bien crouler, ce qui leur importe est de profiter des écarts de cours. Ils sont maxima quand les gens ont peur : tout monte et baisse très vite (volatilité), c’est là le jeu du trading à haute fréquence (25 000 opérations automatiques par seconde, pour profiter des écarts minimes de cours)… C’est le contraire même de la spéculation financière à la Warren Buffet (milliardaire américain parti comme simple analyste il y a 50 ans) où il s’agit d’observer puis de s’asseoir sur son investissement. Car c’est bien « en dormant » que l’on gagne à long terme, bien loin de ce mépris politicien ignorant de toute économie : c’est en restant confiant dans les capacités d’une entreprise sur la durée que l’on gagne avec elle, en l’accompagnant par ses capitaux prêtés, qu’elle fait fructifier dans des investissements réels. De même qu’on ne spécule pas à court terme sur la dette d’État, mais qu’on soutient les investissements pour le futur jusqu’à l’échéance des emprunts.

Ce n’est surtout pas en faisant des « coups » financiers de courte durée, comme Jean-Marie Messier – autre énarque Inspecteur des finances – qui a changé Vivendi, réputée pour sa gestion de l’eau, en une société de casino sur les nouvelles technologies sans actifs, sans bénéfices et sans clients ! Ce capitalisme « hors la loi », selon le mot de Marc Roche, correspondant économique du ‘Monde’ à Londres, a été précipité par la gauche et par les fonctionnaires « convertis » dans la finance – c’est dire le paradoxe de la situation actuelle.

Non, spéculer n’est pas « mal », ce sont les ouvriers ignares qui usent de cet outil qu’ils ne connaissent pas qui sont mauvais. Et les politiciens démagogues, ignorant des réalités économiques, qui en font un argument « moral ». Qu’ils relisent déjà les Évangiles, cela manque à leur culture économique !

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Hiromi Kawakami, Cette lumière qui vient de la mer

La jeunesse japonaise des années lycées vue par une romancière de Tokyo a un charme délicat. Midori, 17 ans, a dans sa classe un ami musclé Hanada et une copine volontaire Mizue. Lui hésite à s’affirmer, bredouille les réponses, s’étonne de ce qui pose question. A tout, ou presque, il répond « ben, normal ». Il prend les choses telles qu’elles viennent, sans penser. Quand son ami, sa copine, sa mère ou ses profs lui demandent de réfléchir à un quelconque sujet, sa première réaction est « quoi ? hein ? euh… » Ado typique qui ne sait pas encore exister par lui-même, pas adulte sent-il, pas aidé par les parents non plus. Il reste dans cet entre-deux incertain de l’être inachevé qui est sa séduction pour les autres mais un drame pour lui. L’inverse de l’amant de sa mère : « Il n’était ni trop quelque chose ni pas assez, un adulte quoi » p.48.

Laquelle mère ne s’est jamais mariée et vit avec sa propre mère, ce qui est peu courant dans une famille japonaise. L’école, pour faire comme si, invente de ne pas faire écrire une « lettre à son papa » aux élèves du primaire lors de la fête annuelle des pères, pour ne pas gêner l’enfant qui n’en a pas. Midori appelle sa mère Akio et sa grand-mère maman, ce qui n’a rien pour l’aider à y voir clair. D’autant qu’il sait qui est son géniteur, Otori, qui vient souvent à la maison. Pourquoi n’a-t-il pas épousé sa mère pour faire un couple « normal » ? Difficile question, à laquelle l’adulte ne répond que par esquives ; en fait il ne se sentait pas à la hauteur. De quoi mesurer au Japon l’aisance des considérations sexuelles et génitales en même temps que la gêne venue des statuts sociaux. Le gamin parle de sexe avec son père, bande devant son copain, baise sa copine sans complexe. « Quand à moi, j’étais en train de bander. (Pourquoi donc les adolescents ont-ils tendance à bander pour un oui ou pour un non ? » (p.33). Mais le regard des autres sur sa différence d’enfant sans père le gêne, tout comme lorsque Hanada veut s’habiller en fille.

Ce grand garçon robuste de son âge, dont les muscles moulent le tee-shirt, que lui passe-t-il par la tête ? Eh bien une blouse de femme très ample qu’on appelle marinière, qu’il porte « à même la peau » avec une jupe plissée pour aller au lycée. C’est là que l’on mesure à la fois la contrainte sociale (les regards amusés ou méprisants) mais aussi l’extrême tolérance japonaise aux déviances minimes (les profs font pour la plupart comme si tout était normal, les gens dans le métro ne disent rien, au bout d’une matinée « ils étaient habitués »). Tout au plus le professeur principal Kitagâ, qui enseigne la littérature, oriente-t-il son cours sur les haïkus qui évoquent la différence.

Un seul nuage au ciel

Ciel d’hiver nuage d’hiver

Vite estompé moitié de nuage (Nagata Kôi)

Pas de morale, pas de « tu dois », pas de sanctions administratives à la française. Il faut bien que jeunesse se passe. Ce qui importe sont les causes du travestissement, pas l’effet. « Au lieu de s’occuper des enfants, elle ferait mieux de traiter les adultes comme des êtres responsables » (p.29), dit le narrateur. Trop souvent en effet, faire la morale aux autres évite de juger ce qu’on fait soi. Les profs japonais n’ont pas cette attitude de supériorité et de neutralité administrative propre à la France, ils cherchent à comprendre leurs élèves sur un ton raisonnable et les orientent par l’exemple sans vouloir imposer un modèle.

Hanada ressent la japonité, « cet état d’intimité avec les choses » comme une attitude qu’il doit secouer pour devenir lui-même. Ce pourquoi il tente la provocation : « Tu veux dire que ça te déplaît de te fondre dans le monde, et que c’est ce qui t’amène à vouloir porter exprès des habits féminins qui ne te vont pas du tout ? – J’avais saisi entre mes baguettes le dernier ravioli. – Disons que, oui, c’est à peu près ça, a répondu Hanada » p.83. D’ailleurs le travestissement ne lui plaît pas longtemps ; il s’est mis dans la tête de travailler un peu après les cours et reprend son jean et son tee-shirt. Il a seulement la sensation d’avoir « trop chaud aux jambes et aux reins » sans la jupe.

C’est à ce moment que Mizue, qui se cherche elle aussi, demande et redemande à Midori s’il l’aime. Lui ne sait pas quoi dire. Bien sûr il l’aime, enfin pas le grand amour des romans mais en copain, il est bien avec elle, pour la baise aussi, mais il ne va pas en faire un plat. Bref, « normal », quoi. « Pourquoi faut-il se mettre tout d’un coup à aborder des sujets pareils ? Sans crier gare. A sens unique » p.190. Oui, pourquoi ? Cela le panique car il ne sait pas quoi dire de profond, de définitif, d’adulte. Mizue le considère comme « froid » et tente de séduire Hanada. Mais celui-ci – il l’avouera à Midori dans l’intimité – ne bande plus depuis un certain temps, plus vraiment, même pas pour un rien. Est-ce Mizue qui l’a mis dans une situation impossible où il la baiserait bien mais en trahissant son meilleur ami ? Ce n’est qu’après l’aveu (alors qu’il dort aux côtés de Midori blessé) qu’il bande à nouveau comme un âne. Rien ne se passe et personne n’est satisfait, ce qui est la situation perpétuellement instable des adolescents.

Hiromi Kawakami saisit très bien cette période de métamorphose toute en hésitations et tentatives, cette « normalité » qui accepte les choses telles qu’elles viennent mais sont incapables de choisir une voie volontaire, ce décalage permanent entre le monde et soi. Ses 313 pages se lisent avec bonheur tant nous sommes avec légèreté dans le profond. Petites touches, grands effets, on comprend mieux ses propres adolescents après lecture, même s’ils ne sont pas japonais. C’est qu’Hiromi Kawakami parle universel et mérite d’être découverte !

Hiromi Kawakami, Cette lumière qui vient de la mer, 2003, traduction française Élisabeth Suetsugu, éditions Philippe Picquier 2005, 313 pages, €18.53

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