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La dame de Shanghaï d’Orson Welles

Ce film est un monstre baroque devenu culte après avoir été boudé à sa sortie. C’est qu’il est déroutant : des personnages hideux, une intrigue tordue, une oscillation perpétuelle entre film noir et film d’aventure.

Rita Hayworth (Rosaleen) et Orson Welles (O’Hara) étaient mariés dans la vraie vie mais amants venimeux dans le film. Ils allaient divorcer mais c’est Rita qui avait convaincu le producteur Cohn de financer Welles. Comme quoi, lorsque rien n’est simple, tout se complique ! Michael O’Hara est un marin irlandais qui aime bien bourlinguer et boire un coup à l’occasion. Il est naïf et un peu brutal mais idéaliste, le portrait du « pionnier » idéal. Il va découvrir la vraie Amérique, celle de ceux qui ont réussi : un vrai banc de requins d’un égoïsme féroce, partisans du droit du plus fort où l’argent est l’objectif suprême. Aucune émotion chez ces gens, sinon le sadisme ; aucun amour, si ce n’est masochiste.

Le marin en balade dans Central Park un soir sauve la blonde bien roulée Rosaleen d’une agression par une bande de jeunes un peu maladroits. Il les fait fuir à coups de poing et la raccompagne au garage dans son fiacre dont le cocher a fui. Rien de plus, pas de dernier verre, mais un attrait physique de l’un pour l’autre, comme aimantés. Rosaleen est mariée à Arthur Bannister (Everett Sloane), avocat célèbre mais impotent et impuissant. Perverse, Rosaleen propose au marin d’être le capitaine du yacht de son mari (en vrai celui d’Errol Flynn) pour la croisière en préparation. O’Hara ne veut pas se lier, encore moins coucher avec une femme mariée sous les yeux de l’époux, mais il finit par dire oui, comme aimanté par le mal. Car l’avocat Bannister lui-même lui demande et joue avec lui à qui tient le mieux l’alcool. Il perd, montrant par là combien O’Hara est plus fort que lui physiquement. Il pourra contenter sa belle femme, ce que lui ne peut pas.

Cela se fera sous le regard libidineux et concupiscent de l’associé de l’avocat, le huileux George Grisby (Glenn Anders). Il encourage Michael, baisant ainsi Rosaleen par procuration. Le film, dans ces années quarante, ne montre que le baiser, d’ailleurs un scandale lorsqu’il est en public. Toute une bande d’écoliers se gausse ainsi du couple ventousé devant les murènes à gueules ouvertes de l’aquarium où Rosaleen a donné rendez-vous à Michael après la croisière ; aujourd’hui, la bande sourirait, les envierait et tenterait peut-être quelques travaux pratiques par imitation. L’époque a bien changé, encore que le rigorisme puritain revienne, porté par le protestantisme militant yankee, le catholicisme réactionnaire français, l’intégrisme juif israélien, l’orthodoxie poutinienne et l’islamisme pudibond maghrébin…

Michael O’Hara le marin découvre l’univers des riches, individus morbides qui se haïssent et restent en bandes, inséparables comme les requins. Il a toujours la velléité de démissionner et abandonner le navire, mais il est pris par son devoir de capitaine et par l’aimantation magnétique de la femelle blonde. Elle est belle, fragile : peut-elle être sauvée ? Il lui proposera plusieurs fois de fuir à deux, loin des autres et de tout, sans guère d’argent mais est-ce ce qui importe ? – Oui, à ce que fait comprendre Rosaleen à Michael. Lui est amoureux de son fantasme, pas vraiment de la femme réelle ; il découvrira que, pour les bourgeois comme elle, l’image est tout et l’idéal néant. Alors « l’amour », quelle blague !

Bannister « aime » sa femme mais comme bel objet de son pouvoir ; il ne la possède qu’en droit, pas en fait car il a la langue mieux pendue que le zizi. Grisby « aime » Rosaleen comme un objet qu’il convoite mais ne peut avoir, d’où sa haine de Bannister et son voyeurisme envers O’Hara. Rosaleen « n’aime » personne, elle est trop adulée depuis toute petite pour éprouver un quelconque sentiment pour ceux qui d’aventure l’aimetraient ; elle est reine, elle règne, et tous lui doivent hommage. La scène où elle bronze en maillot (une pièce quand même) sur un rocher montre la sirène, les formes physiques idéales mais l’âme d’une goule prête à séduire pour consommer, et à jeter ensuite. Ainsi fera-t-elle de Michael le naïf. Dans ce film, l’amour ne passe que par la perversité. Il est un jeu où chacun positionne ses pions pour avoir la meilleure chance, comme aux échecs ; l’allusion sera transparente dans la scène du procès où le juge déplace des pions entre deux séances. L’amour est aussi mimétisme, désirer ce que l’autre possède et qu’on n’a pas, comme dans la scène des miroirs. Lorsqu’ils sont brisés à coups de pistolet, c’est l’image de Rosaleen qui est brisée pour tous : l’idéal de Michael, le bel objet de Bannister, sa propre image de femme même.

Le jeune homme O’Hara découvre jusqu’où il est capable d’aller pour suivre un mirage. Il est prêt à se compromettre, à tuer même, à passer pour l’idiot du village. Il n’y a pas de victime innocente, pas de bourreau par hasard.

Car ce jeu d’amours se double d’une intrigue tordue. George Grisby, l’avocat associé de Bannister, propose à O’Hara de le tuer sans risque contre 5 000 $ en cash. Il lui suffit de se faire remarquer, de tirer en l’air deux coups de feu et de s’enfuir au vu de tous, tandis que Grisby disparaîtra en canot pour commencer une nouvelle vie en touchant l’assurance. O’Hara sera pris mais qu’importe : en Californie, pas de cadavre, pas de preuve, pas de condamnation. Mais le jeune marin est bien niais : comment toucher une assurance-vie lorsqu’on n’est plus en vie ? Bannister démontera cette logique implacable. Comment enlever la femme riche avec seulement 5 000 $ ? Rosaleen démontera ce rêve comme un décor de carton pâte. Comment ne pas être pris à un autre piège ? Car Grisby a pour objectif de tuer Bannister et de faire accuser O’Hara, trouvé en possession de l’arme ; il obtiendra ainsi l’assurance-vie souscrite par son associé et peut-être, en prime, la veuve blonde « éplorée ».

Mais Bannister avait engagé un détective pour surveiller sa femme et voir comment O’Hara s’acquittait de ses devoirs. Le détective surprend Grisby, qui le tue, mais il n’achève pas sa victime et celui-ci a encore la force de téléphoner pour prévenir. O’Hara est arrêté et accusé mais Bannister, qui le défend à la demande de sa femme, a reçu le témoignage qui permet de l’innocenter. Il joue son rôle de la défense à la perfection, faisant même rire le jury lorsqu’il s’interroge lui-même comme témoin, puisque l’accusation l’a fait citer. Mais le spectateur ne sait pas quel sera le verdict du jury, O’Hara parvient à fuir le tribunal à la reprise des débats.

L’intrigue compte moins que l’univers d’images et de symboles. Orson Welles dénonce l’Amérique, les stars et Hollywood. Tous sont des requins sans merci qui ne vivent que pour le fric et sont affolés par lui comme les squales par le sang. Les apparences sont trompeuses et la réalité sordide. Aujourd’hui encore, le bouffon Trump l’a montré à tous. La femme fatale n’a rien d’un amour possible, elle n’est qu’un monstre assoiffé de mâles et d’argent ; O’Hara aurait dû la laisser se faire violer au cœur de la ville, elle aurait probablement aimé ça. Dans la galerie des glaces du parc d’attraction désert où elle a fait se cacher O’Hara après sa fuite du tribunal, elle devient une créature surnaturelle maléfique. La star rousse Rita Hayworth se métamorphose en froide blonde calculatrice, executive woman comme les firmes yankees en sont pleines. L’intrigue policière reste jusqu’au bout peu compréhensible car seuls comptent les rapports aliénés des personnages. Le chien Orson Welles dans le jeu de quilles hollywoodien chamboule son cinéma narratif classique au profit de l’abstraction symbolique qui sera celle des années 60.

Que reste-t-il ? Une Rita au sommet de sa gloire physique, un Orson jeune qui n’est pas encore bouffi, un Acapulco mexicain encore paradisiaque mais déjà gangrené par le tourisme de riches. Et un portrait de l’Amérique qui reste trop bien d’actualité.

DVD La dame de Shanghaï (The Lady from Shanghai), Orson Welles, 1947, avec Rita Hayworth, Orson Welles, Everett Sloane, Glenn Anders, Ted de Corsia, Arcadès 2018, 1h28, €11,47 Blu-ray €8,50

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Touristes face aux requins de Tahiti

Bienvenue les touristes. La Polynésie veut changer de stratégie pour vous faire revenir. Auparavant plein feux sur les plages et ses lagons par la pub. En 2000, 260 000 touristes, en 2011 moins de 160 000, en 2015 183 000 plus 50 000 croisiéristes. Objectif ? 500 000 visiteurs par an dès 2020. J’espère que les machines à pronostic n’ont pas pris un coup de chaud… C’est que les touristes, par ici, passez la monnaie, ils dépensent 40 milliards de XPF (335 millions d’euros), c’est bon à prendre d’autant que c’est 3,5 fois le montant des exportations de produits locaux (Institut de la statistique en P.F.)

coco marrant

Mais où le bât blesse, c’est le prix du billet d’avion, en haute-saison un aller-retour Paris-Papeete allège votre portefeuille d’un peu plus de 2 500 euros.

Il faut aussi compter sur la concurrence des autres îles du Pacifique comme Cook, Fidji, où la main-d’œuvre est nettement moins chère.

Alors, on va construire ce grand complexe hôtelier sur la côte ouest de Tahiti, on va faire plonger les touristes aux Tuamotu, on leur fera visiter les églises construites en pierre de corail aux Gambier, on les enverra chevaucher aux Marquises, ce sera culture, culture, j’oubliais ils randonneront sur les sentiers, ils feront de la voile, ils plongeront… Ils retourneront épuisés mais ravis chez eux et ici les caisses déborderont de devises. Quelle joie.

iar tahiti nui reseau

Pour les touristes Chinois ? En 2012 on en comptait 1 183, en 2015, 4 635. Le premier charter de cette année a capoté, l’avion d’ATN a eu des ennuis et après 2 heures de vol est revenu à son point de départ. Pas de chance, ça fait mauvaise impression, non ?

Curieusement on a découvert des nouveaux requins dans le Pacifique ! Cette nouvelle espèce a reçu le nom de requin-lanterne ninja (Etmopterus benchleyi). Il vit dans les eaux très profondes du Pacifique, entre 800 et 1 000 m de profondeur, il mesure entre 30 et 50 cm, sa peau est noire. Il possède sur le ventre des photophores. Découvert en 2010 dans un filet de pêche par des chercheurs du Pacific Shark Research Center.

requin lanterne ninja

Clipperton, bientôt une base scientifique. Espérons-le. Il faut être sur place pour affirmer sa souveraineté sur cet atoll perdu dans une zone qui regorge de thons. Il semble qu’un député du Tarn Philippe Folliot ait réussi à taper à la bonne porte. Cela devenait urgent car passer une fois par an avec un bateau militaire pour affirmer en être propriétaire, c’est léger, non ? Il faut d’abord dératiser l’atoll puis installer des équipements et une base scientifique. Cette base pourrait accueillir également des chercheurs étrangers. Rappel, découverte en 1711, Clipperton ou Ile de la passion est une terre française inhabitée à laquelle est associée une zone économique exclusive de 431 000 km2 dans une région les plus riches en thonidés au monde.

Hiata de Tahiti

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Brest Océanopolis

Rien de tel, par temps de pluie et de tonnerre de Brest, que d’emmener les gamins au Parc de découverte des océans, comme s’intitule le lieu, situé rue des Cormorans en bordure du port de plaisance du Moulin blanc.

Océanopolis se présente en forme de crabe et a pour devise d’être « unique en Europe » !

plan brest oceanopolis

Il offre un tour du monde au cœur des océans en trois pavillons, le tempéré, le tropical et le polaire. On peut commencer par celui que l’on veut.

Un quatrième pavillon est dit « événementiel » ; il abrite des expositions et animations temporaires, en cet été 2015 Cyclops, à destination des petits de 6 à 10 ans. On peut toucher, faire bouger, dessiner. C’est vraiment pour école ou pour très petits, même les 10 ans sont peu intéressés. Ce n’est pas parce que c’est dit « inventif, interactif et innovant » (ces scies du marketing d’époque) que c’est intéressant… Le Sentier des loutres, ouvert en 2013, est plus vivant.

Il reste cependant plus de 8000 m² d’espaces de visite, 68 aquariums, près de 10 000 animaux de 100 espèces différentes dans 4 millions de litres d’eau de mer.

Et vous voyagez par en-dessous, dans l’obscurité bleutée des aquariums, lisant les panneaux lumineux explicatifs.

Nous avons commencé par le pavillon tempéré.

requin scie brest oceanopolis

Les requins sont l’attraction, le gros et les moins gros, six espèces sont présentées dont le requin-scie. On dit que certains peuplent les mers bretonnes mais il ne faut pas le répéter aux enfants, ils ne voudraient plus se baigner.

requin scie nageant brest oceanopolis

Il existe de centaines de poissons différents. J’aime par-dessus tout les Vieilles coquettes (pour leur nom).

poissons brest oceanopolis

Certains par bancs.

banc de poissons brest oceanopolis

Même des rascasses !

rascasse brest oceanopolis

Et l’on peut voir les anémones de mer toutes rouges, les langoustines pas cuites dans leur terrier, toucher les crabes et caresser (doucement) les homards dans le vivier aux enfants.

enfants oceanopolis

Le pavillon tropical offre des poissons très colorés, magnifiques à voir « voler dans l’eau » comme des papillons.

poisson colore brest oceanopolis

poissons tropicaux brest oceanopolis

Certains se nomment même perroquets.

poisson perroquet brest oceanopolis

Ou de gros mérous à la face lippue dédaigneuse.

merous brest oceanopolis

Mais des anémones de couleur s’ancrent sur les fonds rocheux.

anemones brest oceanopolis

Même des vertes !

anemones vertes brest oceanopolis

Le pavillon polaire a pour attraction les phoques. Même si vous êtes accueillis par une énorme peluche d’ours blanc, celui-ci reste empaillé. Mais les phoques, eux, nagent avec bonheur dans les bassins. Ils ondulent de tout le corps et jaillissent de l’eau en ballets joyeux. Ils ont l’air content de voir du monde.

phoque brest oceanopolis

Un trou de fausse glace leur permet d’émerger comme sur la banquise.

phoque emergeant brest oceanopolis

Tandis que d’autres nagent en surface doucement, toutes moustaches dehors, comme de gros chats sans oreilles.

phoque nageant brest oceanopolis

Un film présente des oiseaux marins et les colonies de manchots ; on peut en apercevoir de vrais sur des rochers du pavillon polaire.

manchots brest oceanopolis

Le crabe géant asiatique qui peuple les boites de conserve Kamtchatka existe aussi en vrai : un aquarium permet de mesurer sa masse.

crabe geant kamchatka brest oceanopolis

Pour les pêcheurs, il y a même, en extérieur, une vraie cabane lapone de Finlande dans laquelle on peut entrer !

cabane laponie brest oceanopolis

Le site www.oceanopolis.com

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Aire marine protégée à l’étude

Le gouvernement a invité la fondation Pew à faire un état des lieux scientifique suite au souhait des maires des Australes de rendre leur archipel une grande aire marine protégée. L’organisation non-gouvernementale Pew a donc financé cette étude confiée au Criobe de Moorea.

Un récent état des lieux des Iles Australes par les scientifiques afin d’étayer le dossier de création d’une Aire Marine Protégée indique un taux d’endémisme important. Cette expédition aura permis d’observer 34 espèces jamais vues aux Australes et il aurait été découvert une nouvelle espèce de « demoiselle » (poisson) à 61m de profondeur. La biodiversité côtière est importante.

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Isolées, aux Iles Australes, on trouve 5 à 10% des poissons et mollusques endémiques. Un atout pour le tourisme vert : 14 espèces de requins et les pêcheurs locaux en connaissent 6 de plus ; 5 espèces de raies les locaux en ajoutent une sixième ; la tortue verte est présente partout, la tortue imbriquée et la tortue caouanne ont été observées par les locaux ; 23 espèces d’oiseaux marins (sur les 28 en Polynésie) habitent les Australes ; 10 espèces de mammifères marins (sur 21 en Polynésie) sont présentes aux Australes.

tortue imbriquee

A Rapa, les coraux sont très diversifiés avec 112 espèces, à Tubuai avec 77 espèces sur 170 espèces dans les Iles de la Société. Pour les mollusques, on a répertorié 455 espèces aux Australes sur un total de 2 400 connues en Polynésie et un quart d’entre elles ne se rencontrent que dans l’archipel. A Rapa, l’endémisme est important environ 10% d’espèces n’existent nulle part ailleurs dans le monde. Pour les crustacés, on trouve 200 espèces sur la zone littorale et en profondeur. Pour les poissons, c’est un peu moins que dans certaines îles polynésiennes, en raison de la température des eaux. On dénombre 471 espèces de poissons dans la partie septentrionale de l’archipel et 383 dans la partie méridionale de Rapa et Marotiri. Pour les algues, la flore côtière est relativement abondante avec 152 espèces répertoriées soit la moitié des espèces connues de Polynésie française.

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Aucune des Iles des Australes ne ressemble à aucune autre. Les îles Australes sont les témoins de montagnes sous-marines s’élevant du plancher océanique, situé à environ 4 500 m de profondeur et dont émergent les sommets. Cette chaîne volcanique sous-marine s’étire sur plus de 1 300 km entre Maria et Marotiri. Plus de 40 monts sous-marins ont été identifiés dans le secteur des Australes. Marotiri est un îlot volcanique, Tubuai et Raivavae ont deux grands lagons, Rapa a un platier sans lagon, Rimatara et Rurutu ont des formations calcaires surélevées. L’archipel a été créé par deux points chauds : 1/ Mc Donald a donné naissance à Mangaia dans les îles Cook puis à Maria, Rimatara, Rurutu, Tubuai, Raivavae, Rapa et Marotini ; 2/ Arago, plus récent, a créé Mauke, Aituki et Atiu dans les iles Cook. En passant près d’autres îles, comme Rimatara, il les a surélevées ou leur a légué un nouveau volcan (Rurutu). Ce ne sont que les premiers résultats de la mission Pew.

points chauds du pacifique

Le Criobe de Moorea était également en mission à Scilly et Mopelia. Rappel : Mopelia, appelé également Maupihaa est un atoll situé au S-W de Maupiti, 4 km de terres basses entourent un lagon fertile en nacres. Scilly appelé aussi Manuae est un atoll de 4 km2 couvert de cocotiers, habité par des tortues et des parcs à huîtres. Il s’agissait de faire un comptage visant à compléter l’inventaire des poissons de Polynésie française et d’en connaître la biodiversité. 429 espèces ont été identifiées sur les 2 atolls. Les scientifiques ont clairement identifié 413 espèces de poissons dans les lagons et récifs de cet atoll ouvert sans passe.

L’atoll de Scilly est un atoll fermé, sans passe, qui a basculé sur son axe NE/SW. Il avait été aussi commandé aux scientifiques une étude sur les stocks de nacres (Scilly est un atoll source) pour le cheptel sauvage non soumis à des introductions pour la nacre Pinctada margaritifera. Près de 300 nacres ont été prélevées à Scilly et Mopelia et ont ainsi été transférées de ces atolls vers les écloseries du pays. L’équipe s’est ensuite rendue sur l’atoll ouvert de Mopelia pour poursuivre un inventaire qui se chiffre à 464 espèces de poissons répertoriées. Des publications de ces travaux sont à venir.

Hiata de Tahiti

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Roger Taylor, Mingming au rythme de la houle

roger taylor mingming au rythme de la houle

Wow, I love this book ! Je m’y reconnais dans la façon de voir le monde, je me sens bien avec le tempérament de son auteur. En deux voyages de 67 et 65 jours en solitaire vers le grand nord des mers libres, Roger Taylor, 64 ans, par ailleurs homme d’affaires parlant plusieurs langues, expérimente avec délices the tonic of wilderness, la salubrité des étendues sauvages – vierges. Il me rappelle Bernard Moitessier, le hippie contemplatif de La Longue route, mais en moins immature et de solide qualité anglaise.

Solitaire mais pas introverti, seul sur la mer mais attentif à toute vie, il médite sur les origines et sur les fins, se disant par exemple que les éléments sont complètement indifférents au vivant, que la nature poursuit obstinément son processus sans dessein et, qu’au fond, les terres sont une anomalie et l’océan la norme – à l’échelle géologique.

Le premier périple, intitulé Tempêtes, sillonne presque la route des Vikings, ralliant Plymouth à la Terre de Baffin, qu’il ne parviendra pas à joindre. En effet, à 165 milles du Cap Desolation au sud-ouest du Groenland, au bout de 34 jours de mer sur son bateau de 6m50 sans moteur, gréé de voiles à panneaux comme les jonques afin de pouvoir le manœuvrer seul et simplement sans beaucoup sortir, l’auteur se casse une côte dans un coup de mer et décide de virer de bord pour rentrer à bon port.

roger taylor carte voyage mingming 2006 2011

Ce n’est pas sans avoir vécu intensément les mouvements et le chatoiement des vagues, écouté la plainte du vent et, plus rarement, le chant des baleines, observé les milliers d’oiseaux qui cherchent leur pitance et se jouent des masses d’air, joui des lumières sans cesse changeantes du ciel et de la mer. C’est ce récit d’observations méditatives qui fait le sel de ce livre – un grand livre de marin. Tout ce qui occupe en général les récits de voyage, ces détails minutieux de la préparation, des réparations et des opérations, est ici réduit à sa plus simple expression. En revanche, l’auteur est ouvert à tout ce qui survient, pétrel cul blanc ou albatros à sourcils noirs (rarissime à ces latitudes), requins, dauphins, rorquals, ondes concentriques des gouttes de pluie sur une mer d’huile ou crêtes échevelées d’embruns aussi aigus que des dents. « Plus on regarde, plus on voit » (p.42), dit ce marin à l’opposé des hommes pressés que la civilisation produit.

Il est sensible à cette force qui va, sans autre but qu’elle-même, de la vague et du vent, des masses d’eau emportées de courants, des masses d’airs perturbées de pressions. « Cette bourrasque (…) est arrivée sans retenue, toute neuve et gonflée d’une splendide joie de vivre » p.98 – les derniers mots en français dans le texte. Il va jusqu’à noter sur une portée musicale, dans son carnet de bord p.134, la tonalité de son murmure incessant. « La mer était formée de vagues qui se développaient sur des vagues qui s’étaient elles-mêmes développées sur des vagues », dit-il encore p.101. Et à attraper l’œil du peintre : « Les innombrables jeux de lumière, créés par la diffraction et par l’agitation liquide, se diffusaient dans une infinité de bulles minuscules, de mousse et d’air momentanément emprisonné, et ils rendaient la mer d’un vert presque blanc, d’un vert émeraude et parfois, c’était le plus beau, d’un vert glacé translucide » p.123.

4100 milles plus tard, il boucle la boucle, de retour à Plymouth. De quoi passer l’hiver à réparer, améliorer et songer à un nouveau voyage.

roger taylor bateau mingming

C’est le propos de Montagnes de nous emporter vers le Spitzberg depuis le nord de l’Écosse, via l’île Jan Mayen. Le lecteur peut se croire chez Jules Verne, grand marin lui aussi, amoureux de la liberté du grand large en son siècle conquis par la machine. Roger Taylor vise les 80° de latitude Nord, aux confins d’un doigt étiré que le Gulf Stream parvient à enfoncer dans les glaces polaires envahissantes. « La fin de l’eau libre au bout de la terre », traduit-il p.153. Il retrouve avec bonheur « la délicieuse solitude du navigateur solitaire, une solitude ouverte, accueillante, qui devient en elle-même la meilleure des compagnes » p.185. D’autant qu’il n’est pas seul : toute une bande de dauphins pilotes fonceurs, un troupeau placide de baleines à bosse, un puissant rorqual boréal, puis le ballet des sternes arctiques, labbes pomarin charnus, mouettes tridactyles, guillemots de Brünnich – et même une bergeronnette égarée qui va mourir – peuplent de vie l’univers pélagique.

La liberté est une libération. « Ce changement commence par l’effacement progressif du personnage terrien : non pas la perte de soi, mais de la partie de soi qui est construite par besoin social et par besoin d’image (…) largement artificielle » p.219. Roger Taylor retrouve la poésie en chacun, ce sentiment océanique d’être une partie du Tout, en phase avec le mouvement du monde. « Le poète est le berger de l’Être », disait opportunément le Philosophe, que les happy few reconnaîtront.

roger taylor photo montagnes au sud de l ile jan mayen

Les 80° N sont atteints après 31 jours et 19 heures. C’est le retour qui prendra plus de temps, jusqu’à la frayeur ultime, au moment de rentrer au port. Un bateau sans moteur est sous la dépendance des vents, et viser l’étroite passe quand le vent est contraire et souffle en tempête, c’est risquer sa vie autant que dans une voiture de course lancée sur un circuit sous la pluie. Intuition ? Décision ? Chance ? L’auteur arrive à bon port deux heures avant que ne se déclenche le vrai gros mauvais temps !

Lors d’une nuit arctique illuminée du soleil de minuit, alors qu’à l’horizon arrière s’effacent les derniers pics du Spitzberg, l’auteur a éprouvé comme une extase : « Oui, pendant ces quelques heures d’immobilité, j’ai vu la planète, ce qui occupe sa surface et le grand espace de l’espace, nettoyés à blanc : la mer, l’air, la roche et l’animal, immaculés et élémentaires, éclatants et terribles » p.257. Lisez l’expérience de « l’homme qui a vu la planète », cela vaut tous les traités plus ou moins filandreux d’écologie !

Roger Taylor, Mingming au rythme de la houle (Mingming and the tonic of wildness), 2012, éditions La Découvrance 2015, 308 pages, €21.00

roger taylor avec guilaine depis paris

Roger Taylor est aussi l’auteur précédent de Voyage d’un simple marin (La Découvrance 2013) et de Mingming et la navigation minimaliste (La Découvrance 2013)

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Drôles de drames à Tahiti

Barthélémy Arakino, originaire des Tuamotu, a quitté la scène à l’âge de 58 ans. La dernière voix Kaina s’est éteinte. Hospitalisé en novembre dernier suite à une insuffisance respiratoire provoquée par une affection due au virus du chikungunya. Il demeurait le dernier représentant de la chanson Paumotu, après Emma Terangi. C’était un grand artiste qui a eu un parcours local mais aussi national. Il avait réussi à s’imposer au concours 9 semaines et 1 jour avec une chanson que tout le monde pensait ringarde : Café de l’amour. Il s’était produit aux Francofolies de la Rochelle en 2005 devant 20 000 personnes.

barthelemy arakino

Radio cocotier : « Tu savais que la fille de X était en France ? – Aita (non). – Si, si, elle est en France et elle donne des leçons de piano à la Sorbonne. – A la Sorbonne ? Elle a un diplôme de piano d’ici. Elle était pas partie avec son tane (époux) en Suisse ? – Aita, aita, c’est à la Sorbonne. – Ah ! bon »

salade

T’as-pas d’salades ? J’ai envie de manger de la salade ! J’te dis que j’ai pas d’salade. Discussion stérile car en saison des pluies, y a pas de salade ou si peu… Tous les ans c’est la même constatation. En allant au marché vers 4 heures du matin, on a une toute petite chance sinon il faut se passer de salade. Les maraichers peinent à produire. Les prix prennent la grosse tête et la salade (pas très belle malgré tout) s’arrache à 800F le kilo (6,70 €) au lieu de 400F (3,35 €) habituellement.

chou chinois

Cette pénurie concerne surtout les salades et dans une moindre mesure les tomates, les navets, les pota (choux chinois ou blettes). Cette saison des pluies abondantes impacte les cultures, principalement à la presqu’île de Tahiti, la principale zone agricole. Tous les ans le problème se repose. Les Autorités ont autorisé l’importation de 30 tonnes de salades sur pied car la consommation locale mensuelle atteint les 80 tonnes ! Pas d’autosuffisance alimentaire aujourd’hui, ni pour demain.

requins

La législation est formelle. Les mammifères marins et les requins sont des espèces protégées arrêté n°396/CM du 28/04/2006. Trois pêcheurs de Bora Bora ont massacré 5 (cinq) requins-citron et prétexté qu’ils ne connaissaient pas la réglementation ! Pour traduire ces contrevenants devant la Justice, il faut une plainte, mais actuellement aucune plainte n’a été déposée. Les trois pêcheurs auraient expliqué que les requins étaient dans une zone où il y a avait des enfants…

Hiata de Tahiti

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Edgar Allan Poe, Aventures d’Arthur Gordon Pym

Edgar Allan Poe Aventures d’Arthur Gordon Pym Folio
J’ai lu ce livre dans ma prime adolescence. En tant que garçon épris de cartes et d’estampes, il m’a fasciné. Relu récemment dans l’édition Pléiade, mais dans la même traduction littéraire de Charles Baudelaire, j’en ai saisi moins l’aventure que le progressif cheminement vers le fantastique, toujours au bord du monde, là où l’inconnu laisse toute sa place à l’imagination.

Tout commence en effet par deux gamins aventureux (et déjà habitués à l’alcool) : leur périple impromptu en canot durant une nuit où la tempête se lève préfigure ce qui va suivre. Mais les drôles ont un peu plus de seize ans. Ce n’est que vers 18 ans qu’Arthur est embarqué par Augustin, de deux ans son aîné, dans le baleinier de son père, armé pour la pêche hauturière sur plusieurs mois. Arthur n’a rien dit à sa famille, sa mère et son grand-père devenant hystériques à la simple évocation de son désir d’aventures.

L’auteur, né en 1809, a l’âge de son aventurier lorsqu’il écrit le livre, c’est peut-être ce qui le rend si réaliste ; l’âme d’un jeune homme est bien rendue dans sa curiosité insatiable, sa fièvre d’action et son imagination sans limites, au bord de l’affolement.

Tout commence pour Arthur par un enfermement dans la cale, pour contrer son débarquement possible s’il est découvert trop tôt, claustration qui se prolonge mystérieusement, jusqu’aux affres de la faim et de la soif, parce que le navire a été pris par une part de l’équipage qui veut se faire pirate. Le massacre des matelots restés dans le droit chemin n’est que la première étape horrifique de la rude vie adulte que les ados sont avides de connaître bien trop tôt. Ils vont être servis !

Après s’être battus avec les mutins qui restaient et leur avoir fendu le crâne, les deux compères aidés de deux marins fidèles qui ont feint d’être du côté des apprentis pirates, jettent par-dessus bord les barbares qui n’avaient eu aucune pitié pour la vie humaine. Ils sont pris par une violente tempête, le brick est démâté, les cales remplies d’eau. Les quatre survivants se sont attachés sur le pont, trempés et affamés plusieurs jours avant d’ôter leur chemise pour se sécher un peu et plonger par l’écoutille pour tenter de trouver à manger.

alexander ludwig marin jean

Un navire vient droit sur eux ; ils se croient sauvés par la Providence (ce hasard dont l’espérance et l’imagination font une volonté) mais le navire n’est peuplé de que morts d’empoisonnement ou d’une brutale maladie, le seul qui semble bouger étant dévoré par une mouette. Un autre navire passera sans les voir. Il faut donc tirer à la courte-paille pour savoir qui sera mangé. Le sort ne tombe pas sur le plus jeune mais (justice immanente), sur celui qui avait proposé le cannibalisme. Il est promptement expédié, découpé et avalé – sans plus d’état d’âme, nécessité oblige.

Mais le sort ne leur est pas plus favorable : Auguste, blessé par un mutin, est rongé par la gangrène et finit par mourir ; les requins se repaissent de son cadavre dans d’horribles craquements. Arthur l’adolescent découvre alors ce que peut devenir un homme dans les situations extrêmes.

Le bateau ne résiste pas à un autre coup de vent et se retourne, quille en l’air, le lest mal amarré ayant bougé dans la cale. Il ne reste que deux survivants : l’inoxydable Arthur, qui a une fois de plus ôté sa chemise, et Peters, Indien à demi-sensé. Ils sont recueillis in extremis par une goélette qui part explorer le pôle sud en attrapant au passage quelques fourrures. Ils ont l’occasion de se refaire un peu et visitent plusieurs îles australes au paysage désolé avant de se laisser faire par un courant marin qui les conduit plein sud. Cette transition de fausse sécurité amène peu à peu Arthur, comme le lecteur qui s’identifie volontiers à lui, à cheminer vers le légendaire et le maléfique : toute couleur s’estompe, toute humanité régresse, toute vie se fait plus cruelle.

La glace qui s’amoncelle fait soudain place à une étendue d’eau libre et l’atmosphère se réchauffe. C’est alors que surgissent les îles imaginaires dans l’inexploré humain. Rien de paradisiaque malgré les apparences ; même l’eau est gélatineuse. Leurs habitants sont noirs, vaguement descendants des Éthiopiens de la Bible ; ils sont rusés et nourrissent de mauvais desseins. Mais ils savent endormir la méfiance et c’est par miracle (ou plutôt par la curiosité sans cesse en éveil d’Arthur qui voulait explorer une faille de la passe) que le garçon et Peters échappent à l’ensevelissement vivant de l’équipage en marche vers la fête d’adieux, à la prise d’assaut du navire à l’ancre et à l’explosion de la cale.

bateau sous voile

Ils ne doivent qu’à leur astuce, à leur courage et à leur détermination brutale d’échapper à la horde qui se rue sur eux. Ils volent un canot, détruisent le seul autre disponible, et voguent à force de pagaie. Arthur ne tarde pas à se mettre torse nu – comme chaque fois que le danger presse – pour faire de sa chemise une voile. Cette sensualité un peu masochiste envers sa jeune chair d’apparence vulnérable décrit assez bien les affres des hormones chez les adolescents tourmentés par l’aventure. Arthur semble jouir des épreuves qui le trempent, l’assomment, le meurtrissent, le noient, l’ensevelissent ou l’affament. Ce plaisir pris par le corps dans l’action virile n’est pas pour rien dans l’étrange charme du livre chez les adolescents garçons. Les filles y sont peut-être moins sensibles, mais je n’ai pas d’exemple récent.

Le courant vers le sud emporte le canot tandis que la chaleur de l’air augmente, jusqu’à une brume qui voile l’horizon. C’est alors qu’est évoqué un « Géant blanc » avant que le carnet ne s’interrompe brutalement. Arthur s’échappe de ce pôle sud maléfique mais il n’en dira rien. Tout d’abord parce qu’on ne le croira pas, dit-il à l’éditeur, puis parce qu’il meurt dix ans plus tard sans qu’on sache comment, mais sans avoir achevé le manuscrit de son histoire. C’est du moins ce que l’auteur nous dit.

Devenu sans doute adulte à 29 ans en 1838, date où paraît le roman, il passe à autre chose, ces Histoires extraordinaires où l’imagination se débride mais avec plus de maturité. Jules Verne donnera une « suite » à l’aventure d’Arthur Gordon Pym dans Le sphinx des glaces.

Voici un bon roman de marine ancien mais éternel, empli d’aventures, de courage et d’imagination, analogue à L’île au trésor de Stevenson, à Deux ans de vacances de Jules Verne, et à Moby Dick de Melville. Tous ces romans répondent à la passion adolescente pour l’action et sont à mettre entre toutes les mains dès l’âge de 10 ans.

Edgar Allan Poe, Aventures d’Arthur Gordon Pym, 1838, traduites par Charles Baudelaire, Folio classiques 1975, 305 pages, €7.90
Edgar Allan Poe, Œuvres en prose traduites par Charles Baudelaire, Gallimard Pléiade 1951, 1165 pages, €46.70

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Géopolitique du thon à Clipperton

Clipperton est un anneau corallien fermé de 1,7 km² de terres émergées. L’île relève du domaine public et est propriété domaniale directe de l’État. L’autorité est déléguée au Haut-commissaire de la République en Polynésie française, représentant de l’État depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : « La loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton ». Contrairement aux DOM et COM (département et collectivités), les lois et règlements de la République s’y appliquent de plein droit et « les juridictions de l’ordre judiciaire ayant leur siège à Paris » sont « territorialement compétentes ».

Clipperton carte de situation

L’île a été découverte le Vendredi saint 3 avril 1711, d’où son nom initial d’île de la Passion, par Martin Chassiron et Michel du Bocage. Elle est considérée comme possession française depuis le 17 novembre 1858 suite à sa prise de possession par le lieutenant de vaisseau Le Coët de Kerveguen au nom de Napoléon III. La raison de cette exploration de 1858 était surtout le guano (la fiente d’oiseau , phosphate utilisé dans les fertilisants), à plus long terme le percement de l’isthme de Panama envisagé par la France dans la ligne de la politique d’influence « latine » de Napoléon III aux Amériques. Le Coet de Kerveguen n’a pas pu débarquer. Un marin est allé à terre à la nage en dépit des requins et des vagues et a ramené des échantillons de guano. Une carte a été levée depuis le haut du mât et l’annexion de l’île rapportée a Hawaï. La redécouverte, l’occupation et l’exploitation de cette île à guano par les Américains incita le Mexique plus proche à la revendiquer et à l’occuper dès 1898. Une garnison mexicaine s’installe en 1906 et y construit un phare. Mais cette colonie fut abandonnée en 1914 par le Mexique à cause de la révolution, et ses derniers survivants livrés à la famine. Ils ont été découverts par accident et évacués par un navire de la marine américaine en 1917.

En 1909, le Mexique et la France se soumirent à l’arbitrage international du roi Emmanuel III d’Italie qui attribua la possession de l’atoll a la France en 1931. L’île était terra nullius lors de la prise de possession. Mais, au Mexique, on continue de revendiquer aujourd’hui la propriété de l’île dont les richesses sont le thon et les nodules polymétallique qui jonchent ses fonds marins. Selon le site de la Marine nationale, « Le contexte diplomatique et juridique » est clarifié entre la France et le Mexique concernant cette île. En effet, conformément à l’accord franco-mexicain du 29 mars 2007, entré en vigueur le 1er mai 2007, les navires de pêche mexicains peuvent bénéficier de licences de pêche pendant 10 ans dans les 200 milles marins entourant Clipperton. Sans quotas ni contrôle mais avec une obligation de déclarer les quantités pêchées et d’enregistrer les navires auprès du Haut-commissariat de la République à Papeete. La renégociation de cet accord a lieu cette année et les accords expirent en 2017. En échange, certainement un moment historique de notre diplomatie, le Mexique cesse de revendiquer une île que le droit international a pourtant reconnue française depuis 1931 !

Clipperton peche mexicaine dans les eaux territoriales

Or, très rares sont les nombreux navires américains, sud-américains et même asiatiques observés qui ont demandé une quelconque autorisation pour y pêcher, y mener des expéditions scientifiques ou y plonger avec les requins : la France et Papeete sont loin, les énarques parisiens s’en moquent, les responsables le sont à temps partiel et les politiciens n’y ont aucun électeurs. Seule l’économie pourrait faire pression sur ces Messieurs, mais l’économie en France est aux abonnés absents : qui va contrôler les pêches Mexicaines et leur faire payer les permis et une redevance a la tonne ? qui va affréter des bateaux pour le tourisme écologique ou la pêche sportive depuis que le Club Med est en vente aux étrangers ? qui va affréter (comme le Japon ou l’Espagne) des thoniers pour aller pêcher dans le Pacifique ? Les pêcheurs français sont de petits artisans collés aux côtes où ils disputent le rare poisson aux plaisanciers, pas des entrepreneurs hauturiers. Il est loin le temps des Terre-neuvas ! Et le pêcheur Polynésien, pourtant subventionné, n’a pas la volonté de partir loin de son île à la pêche « au long cours ».

De plus, l’État est impuissant à continuer l’empire. Pas de volonté, pas de moyens, à peine un renouveau national de la recherche scientifique 10 ans après l’expédition médiatique de Jean-Louis Étienne avec deux scientifiques en 2014 et une expédition prévue en 2015 (si le budget est maintenu). Eric Chevreuil, ancien officier de l’armée de terre française reconverti dans l’informatique en Californie, est soucieux de Clipperton et est scandalisé par le pillage de ses ressources par les senneurs Mexicain et par « la propagande parisienne ». Il a récemment écrit une lettre ouverte au Président parue dans la version papier de Marine & Océans (Mai 2014), et rédigé un dossier d’enquête révélateur sur les abus des navires Mexicains a Clipperton. Ce dossier est diffusé a l’aube de la renégociation de ces accords de pêche pour informer le Premier ministre, les ministres des Affaires étrangères, de l’Outre Mer, de l’écologie, au le Secrétariat général de la Mer et le Haut-commissariat de la République a Papeete, par courrier digital et normal en avril 2014. Il écrit entre autre : « La frégate de surveillance Prairial et l’Arago, en transit, ont effectué un total de trois visites en 2011. Le Prairial y est aussi allé deux fois en 2012, une fois en 2013 et aucune mission n’est prévue en 2014. Chaque visite totalise trois jours en ZEE dont une journée a Clipperton. Au total, « la Police » française a passé 6 jours à Clipperton en quatre ans ».

clipperton bateau de peche mexicain avec vedettes de rabattage

Photos d’une campagne de pêche du navire Mexicain de Pescas Aztecas 9 à Clipperton : hélicoptère, 8 vedettes de rabattage, 1 barge pour étendre des kilomètres de filets, 1200 tonnes d’emport (source Eric Chevreuil)

Or une île sans administration et où personne n’habite n’aurait, pour le droit international maritime, que 12 milles marins de zone maritime territoriale (et non les 200 milles marins de zone économique exclusive). D’après les réponses du gouvernement à des questions posées à l’Assemblée nationale, le fait de ne pas étendre la ZEE aurait permis de réaffirmer notre souveraineté auprès des instances internationales. Esquive en langue de bois ? Par la faute de Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, la France n’a pas fait valoir auprès de l’ONU en 2009 ses droits de possession sur la zone de 40 000 km² de plateau continental à Clipperton, les perdant définitivement. Cela pour ne pas fâcher les autorités mexicaines et ne pas risquer de compromettre la libération de Florence Cassez, dit-on…

Mais si tous ces arguments n’étaient que prétextes ? Le flou artistique entretenu par les diplomates et les technocrates sur le sujet, comme en témoignent les « réponses » ministérielles aux questions posées à l’Assemblée nationale ou au Sénat, montre que le droit de la mer n’est ni clairement établi ni souverainement revendiqué. Les politiciens préfèrent signer des « accords » économiques ou culturels pour les Airbus ou les étudiants avec le riche Mexique que d’exercer ses droits impossibles sur la pêche au thon et la collecte de nodules si loin de la métropole. Faute de volonté, faute de moyens, faute d’électeurs. Quand la force tranquille ne peut affirmer le droit, place à la ruse diplomatique.

2014 05 accords de peche france mexique question au senat

Sous peu à Paris (en août ?), les accords de pêche Franco-Mexicains de 2007 vont être renégociés en catimini et sans débat. La souveraineté de la France sur cet atoll et ses ressources sera probablement de nouveau bradée dans un accord qui ne profite vraiment qu’au Mexique. Ce pays pille allègrement la zone jusque dans les eaux territoriales françaises de Clipperton où les requins, les dauphins et les tortues de mer tombent victimes de leurs kilomètres de filets.

A quoi nous sert donc Clipperton ? Grâce à une ZEE presque aussi grande que la France continentale, l’île de Clipperton permet à la France de disposer du deuxième domaine maritime mondial, derrière les États-Unis. Ce qui les ennuie, semble-t-il… Va-t-on la vendre au Mexique, comme Napoléon 1er fit de la Louisiane aux États-Unis ? Va-t-on la perdre comme l’indigent Louis XVI (dont le sosie règne à l’Élysée) le fit du Canada ?

En savoir plus :

Clipperton vue par le Ministère de l’Outre-mer
Clipperton selon la Marine nationale
Site Tous les territoires français
Forum Mexique sur Clipperton
Jean-Louis Etienne en expédition à Clipperton
Clipperton vue par la world encyclopédie en français pour les paidès
Les intérêts commerciaux de la diplomatie française au Mexique
Le site du Professeur Jost, université de Tahiti
Clipperton sur ce blog
Rapport de M. Chevreuil : copie sur demande à echevreuil@sbcglobal.net

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Kauehi Lodge et visite au village

Kauehi Lodge est un endroit très calme, à 2 km de l’aéroport et à une dizaine de km du village de Tearavero. Nous prenons possession des lieux. Nous posons nos marques et discutons avec notre hôte des possibilités de découverte de l’atoll, l’hôtesse étant à Papeete pour le Salon du Tourisme. Nous ne serons que deux pensionnaires pendant cinq jours, la pension nous appartient !

KAUEHI LODGE SALLE DU PETIT DEJEUNER

Nous avons souhaité d’abord découvrir le lodge, explorer les environs immédiats, rencontrer les habitants du bord du lagon : une foule de requins à pointes noires, du plus petit au plus gros, qui inquiètent mon amie M. Elle s’imagine dévorée par les squales. Ils sont très curieux mais inoffensifs !

KAUEHI SALON

Des oiseaux : Chevalier errant de l’Arctique qui hiverne ici ; Noddi noir (Kirikiri) ; Sterne blanche (Kirahu) qui est une émanation des sœurs Hina-tu-a-ni’a (Gris qui veillait dessus, Hina-tu-a-ra’i (Gris qui veillait des cieux) , Hina-tu-a-uta (Gris qui veillait à l’intérieur) et Hina-tu-a-tai (Gris qui veillait en mer), Sterne à dos gris ( Kaveka) ; Sterne huppée (Tara), émanation des Dieux de l’air ; Grande frégate (Kota’a, Kotaha) émanation de ‘Ora-pa’a (guerrier intrépide)le grand esprit mouvant de l’océan et du dieu ‘Oro ; Sterne fuligineuse (Kaveka) ; deux aigrettes des récifs (Otu’u), l’une blanche, l’autre grise qui viendront nous saluer chaque jour. Il n’y a pas de chat, pas de chien à la pension. Jean-Claude nous concocte un délicieux lunch au thon cru, le soir le Chef sera aux fourneaux. Il cuisine toujours des poissons divers le plus souvent grillés, excellents. Il partagera le dîner avec nous, nous discuterons, l’interrogerons. C’est que toutes les deux nous sommes curieuses de tout connaître de Kauehi !

KAUEHI

Dimanche, nous respecterons l’heure du culte avant de nous rendre au village. La population du village de l’atoll est à 90 % catholique.

KAUEHI EGLISE ST MARC

Après neuf heures, JC nous embarque dans sa Land-Rover, nous passons devant l’aéroport désert, après 10 km environ nous arrivons à la porte du village. Nous avons traversé des cocoteraies plus ou moins bien entretenues, évité les fondrières de la route en soupe de corail et nous voici à l’entrée du « bourg ». La messe est dite, les gens sont retournés à la maison, certains font quelques emplettes aux magasins. En fait, il y a deux magasins, ravitaillés par la goélette tous les quinze jours. Notre première visite est pour l’église Saint-Marc, édifiée en pierres de corail taillées à la scie par les habitants et recouverte de chaux blanche. L’intérieur est surprenant, voyez vous-mêmes ! Beaucoup de couleurs, de fanions, les bambins de  l’école maternelle auraient-ils œuvré à la décoration de l’église ? Mais les lustres en nacre et coquillages nous prouvent, si besoin était, que nous sommes bien dans l’archipel des Tuamotu.

EGLISE DE TEARAVERO KAUEHI

Allons rendre visite à la Mairie (républicaine) proche de l’église (catholique). Solide bâtisse en pierres de corail, murs épais, jouxtant  la citerne d’eau douce, elle a encore fière allure mais un petit ravalement de son blason serait du meilleur effet ! C’est là, nous dit-on, que les habitants trouvent refuge lors des cyclones. Il semble que les cyclones des années 1980 (Veena et ses frères et sœurs) ont laissé des marques indélébiles. Mais la mairie a tenu bon. Vive la République ! Vive la Polynésie !

KAUEHI MAIRIE

Les vieilles maisons, en pierre de corail enduites et scellées à la chaux, ont été abandonnées pour les maisons en pinex – délaissées elles-mêmes pour des maisons MTR en parpaings et baies vitrées.

Direction le cimetière. Logique, non ? Surprise : JC nous indique que le cimetière est partagé en 4 « zones ».

  1. d’abord les hommes, mariés ou célibataires dans un premier « enclos »,
  2. puis les femmes, mariées ou célibataires dans un second enclos ;
  3. les enfants mort-nés ou n’ayant pas été baptisés à leur naissance dans le troisième enclos ;
  4. et dans le quatrième enclos les « pestiférés », les concubins, les homosexuels.

Ouah ! Cette ségrégation après la mort existe à Kauehi de nos jours encore ! Malgré la chaleur, cela fait froid dans le dos. En l’absence de curé, c’est un diacre qui officie. Il a demandé à ses paroissiens de réviser leur manière d’enterrer leurs morts. Un couple, même si l’un décède avant l’autre ne devrait-il pas rester réuni ? Refus catégorique des paroissiens, on continue comme par le passé ! Vous, les Popa’a vous en pensez quoi de ce sectarisme dans le cimetière de Kauehi ?

Hiata de Tahiti

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Tout Tahiti vient de la mer… même les vahinés

La mer monte, c’est une menace réelle. Les scientifiques ont travaillé sur des hypothèses de hausse de 1 à 3 m du niveau de la mer. Entre 6% et 12%  des îles françaises sont menacées d’être totalement submergées. La Nouvelle-Calédonie abrite 30% des îles menacées, la Polynésie française également 30% et la Méditerranée 10%. Les espèces endémiques déjà répertoriées en danger seraient les plus vulnérables. La biodiversité des îles est de manière générale, particulièrement riche.

Treize ans après avoir capturé, marqué et relâché un thon obèse dans le cadre d’une expérience scientifique, ce thon a été repêché ! Le thon qui pesait 100 kilos a été capturé à 1000 km à l’est de Fidji, la marque envoyée au Secrétariat général de la Communauté du Pacifique (CPS) service de recherche halieutique à Nouméa. Selon les spécialistes, cette période de 13 ans est très proche du record enregistré à ce jour dans le cadre du programme de marquage des thonidés lancé par la CPS dans les années 1970. Les scientifiques précisent que la recapture de ce thon, âgé d’au moins 15 ans, donne de précieuses indications sur la longévité des thons obèses.

vahine 2014

Présents dans les océans depuis environ 420 millions d’années, les requins ont évolué avec le temps et sont encore aujourd’hui en haut de la chaîne alimentaire de leur élément. 465 espèces de requins dans le monde, 35 familles et 8 ordres. De nombreuses espèces sont menacées y compris en Polynésie française. Deux ordres, les squaliformes et les carcharhiniformes. Les œufs de requins sont fécondés à l’intérieur du corps de la femelle. Certains requins sont ovipares (donnant naissance à des œufs), d’autres vivipares (donnant directement naissance à des petits), d’autres encore ovovivipares (donnant naissance à des petits provenant d’œufs éclos dans l’utérus).

Les requins des lagons de Polynésie sont de nature discrète, mais curieuse ; ils semblent moins agressifs que leurs cousins pélagiques. En Polynésie, ce sont des espèces protégées. Le ma’o mauri (requin à pointe noire) est présent dans tous les lagons, il est le plus répandu. C’est le nettoyeur des lagons. La couleur de son dos varie du brun à gris et son ventre est blanc. Il mesure de 1m50 à 1m80. L’extrémité de ses nageoires et de ses ailerons est noire. Il est vivipare et peut vivre en groupe. Il est de nature timide et craintive. Il ne représente pas un danger pour l’homme. On peut le voir évoluer dans très peu d’eau.

Le mamaru (requin à pointe blanche du lagon) est très répandu dans nos archipels. C’est un nocturne, on a donc peu de chance de l’observer, il est peu craintif, moins timide que son cousin ma’o mauri ; il mesure environ de 1m60 à 2m, de couleur grise ponctuée de taches plus sombres, son ventre est blanc et la partie supérieure de sa première nageoire dorsale et de sa caudale est blanche. Il est vivipare.

Le ma’o arava (requin citron) est plus rare dans le lagon. Il est de couleur jaune, mesure plus de 3m50, a une forme massive. Pas timide, il ne recherche pas le contact, mais est craint des pêcheurs pour son mauvais caractère. Et les rencontres avec le requin-tigre se multiplient autour de Tahiti, cela devient un nouvel atout touristique. Il suffit de se balader du côté de la passe d’Arue ou de la vallée blanche de Faa’a. Il parait qu’on peut les observer en pleine journée alors les touristes sont avides de cette nouvelle offre de frissons garantis.

Ouverture de la pêche aux trocas exceptionnelle dans les Iles sous le Vent le 7 octobre. Le quota sera de 280 tonnes pour la campagne 2013. La clôture interviendra le 8 novembre. La pêche aux trocas est communautaire et doit surtout profiter aux personnes sans ressources fixes. Mais attention de ne pas pêcher tout et n’importe quoi comme il y a cinq ans. On doit donc installer des comités de surveillance afin de pallier à ces «incivilités ». Les coquilles doivent être  présentées vides de chair et propre. Le tire-bouchon «  paumotu » pour extraire la chair crue du troca a fortement intéressé les pêcheurs. Il est ainsi possible de nettoyer cinq trocas à la minute avec cet outil. Toutefois, c’est la nacre qui est recherchée dans cette pêche. Il faudra respecter la taille requise des coquilles entre 8 et 11 cm d’un troca âgé de 4 à 7 ans avec une coquille neuve et non piquée. Pour se faire il est question de réaliser des gabarits en bois avec les mesures demandées sinon… Si tout se passe bien, on pourrait envisager de renouveler cette pêche tous les trois ans.

blobfish

Le blobfisch (poisson-tache ou poisson-goutte) a été élu l’animal le plus laid du monde. C’est un poisson du Pacifique avec un visage de vieillard, aux traits déformés, qui vit entre 600 et 1200m de profondeur au large des côtes australiennes et qui menacé risque de disparaître, qui ressemble à une lotte bouffie et affublée d’un gros nez mou. Si cela vous intéresse c’est ici.

Hiata de Tahiti

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Trouble pêche à Tahiti

Certains pêcheurs ont un équipement pour pêcher dans les profondeurs de l’océan jusqu’à – 1500 m. Il leur arrive d’attraper des bestioles aux mines patibulaires, alors ces mystérieuses trouvailles atterrissent dans le congélateur après avoir posé pour l’objectif photo. Sur une page de La Dépêche de Tahiti on a pu voir l’une des 260 types de rascasses connues, un chaunax, un grenadier, un « barracuda rouget » et enfin un poisson inconnu filmé une seule fois aux Marquises avec des rostres et des ratons sur le devant… un monstre !

poissons des profondeurs tahiti

D’après une étude australienne, les requins fuient la pleine lune et le soleil au zénith et gagnent les profondeurs afin de suivre leurs proies et d’échapper à leurs prédateurs. Ces animaux à sang froid plongent de 35 m en hiver à 60 m au printemps. Cette découverte des chercheurs australiens pourrait ainsi préserver la vie de certains requins car les pêcheurs seraient alors en mesure de minimiser les prises « collatérales » en se calant sur le calendrier lunaire et sur les variations de lumière en journée pour déterminer la profondeur à laquelle laisser traîner leurs filets. Un tiers des requins océaniques (parmi lesquels le grand requin blanc et le requin marteau) sont menacés d’extinction en raison de la surpêche. Pour les requins de haute mer, cette proportion passe à 52%. Les auteurs du rapport dénoncent en particulier la pratique du « finning » qui consiste à couper les nageoires du requin [délice des Chinois] et à rejeter en mer le reste du corps.

Hoa ? Ce sont sur les atolls les chenaux de communications qui séparent les motu. Ce sont des lieux propices à la vie marine, certains sont fermés, d’autres communiquent avec l’océan et permettent l’oxygénation des lagons. A première vue ils paraissent dépourvus de vie. Mais nombres d’espèces y vivent, c’est une écloserie naturelle et protégée. Avec un peu d’attention on y découvre étoiles de mer, oursins, divers mollusques, porcelaines, huîtres, bénitiers, anémones, éponges. Ils sont bordés par le platier corallien qui abrite les loches, les perches, les poissons soldats, les surmulets. Si les conditions climatiques sont dégradées, les pêcheurs des Tuamotu utilisent ces lieux pour remplacer leurs sorties en mer, trop risquées.

Les anémones de mer (actiniaria), cousines de la méduse et proches parentes des coraux sont des polypes dotés d’un pied qui leur permettent de s’ancrer sur un support dur. Leur corps est mou et gélatineux, garni de multiples tentacules qui contiennent un poison urticant d’où leur nom d’« orties de mer ». Très mobiles, elles n’hésitent pas à changer d’habitat si celui-ci ne leur convient pas. A contrario, une fois qu’elles ont trouvé un milieu qui les satisfait, elles se développent et colonisent le milieu. L’anémone peut atteindre la taille de 1 cm à plus de 2 mètres et vivre plus de 90 ans. Mais les anémones ont un impact économique et écologique néfaste sur la production perlière. Elles fatiguent et étouffent les nacres, ce fléau touche l’ensemble des Tuamotu. Cette prolifération serait liée au nettoyage des nacres au « karcher ». A plus ou moins long terme, les nacres vont se développer moins rapidement et produire ainsi des perles de moindre qualité. Les prédateurs naturels des anémones sont les poissons-corail, crevettes et crabes. La nature va ainsi se réguler elle-même – à condition que l’homme n’interfère pas dans ce processus naturel !

Les prédateurs du lagon sont indispensables à son écosystème, à sa bonne santé. Les carangues sont d’une grande efficacité. Elles font partie de la classe des actinoptérygiens. Il en existe une vingtaine d’espèces en Polynésie. Elles nagent rapidement, puissamment, elles chassent en poursuivant leurs proies. Elles possèdent des nageoires fortes, une queue puissante en V très ancré. Elles vivent en solitaire ou en banc. On les rencontre en bord de plage dans très peu d’eau mais elles fréquentent également des baies profondes, le récif interne et externe, autant dire partout. Elles sont très appréciées pour leur chair mais présentent toutefois un risque ciguatérique important surtout pour les espèces les plus grandes. La carangue bleue (pa’aihere) est présente dans tous les archipels. Elle possède un corps bleu aux reflets jaunâtres, peut prendre une teinte très foncée. Sa taille est d’environ 60 cm. La rencontre est rare car très pêchée elle se méfie et son espèce est menacée de surpêche. La carangue à grosse tête (uru’ati) est présente partout, elle est imposante avec une taille pouvant atteindre 1m70 de long. On la rencontre rarement. Sa consommation présente un risque ciguatérique très élevé.

Les murènes de la famille des Muraenidae comptent 200 espèces de 15 genres différents. Les murènes sont des prédateurs de crevettes, crabes, seiches, pieuvres et poissons. Elles chassent plutôt la nuit, parfois avec les mérous et rougets. Une rencontre avec une murène est toujours impressionnante. Les accidents sont toutefois rares et sont dus à la négligence car la murène ne cherche pas le contact. Leur morsure n’est jamais bénigne, et peut engendrer des infections très graves et conduire à l’amputation. Elle est dotée d’un excellent odorat et d’une mâchoire puissante et bien armée. La murène javanaise (puhi ‘iari) est très répandue en Polynésie, massive, mesure de 1m50 à 2m50. La murène ponctuéepuhi) fort élégante avec sa robe tachetée de blanc est moins imposante que sa cousine, n’est pas timide et se laisse observée, mais attention elle demeure une murène.

Hiata de Tahiti

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France et Christian Guillain, Le bonheur sur la mer

France et Christian Guillain Le bonheur sur la mer

Elle et lui font partie de ces couples formés par hasard autour de 1968 et qui refusaient « le système » : l’autoritarisme politique, moral, patriarcal ; le travail en miette et dans la pollution ; les relations sociales hypocrites des villes et administrations ; la société de consommation réduite au métro-boulot-dodo. Ils rêvaient de grand large, de nature, de vie au rythme ancestral. Ils l’ont fait.

Elle, créole de Tahiti élevée en pensionnat à Dole, dans le Jura ; lui neveu du correspondant du Monde au Japon Robert Guillain et descendant d’Abel, qui signa l’acte de donation de Tahiti à la France avec la reine Pomaré. Ils ont été élevés à la dure mais ne veulent plus être pris dans les rets familiaux et sociaux. Avec rien, ils accumulent de quoi acheter un petit bateau en faisant de petits boulots dans les Postes ou comme photographes polaroïd.

Fin 1967, ils partent, dans un petit sloop de 10 mètres coque acier : l’Alpha. France est tout juste mère de sa première fille, Laurence, qui a sept mois. Ils descendent la France par les canaux depuis la Hollande où a été construit le voilier. Ils traversent la Méditerranée, passent Gibraltar, entreprennent l’Atlantique depuis les Canaries, errent et se refont un moment aux Antilles avant de joindre les Galapagos via le canal de Panama. Ils abordent enfin aux Marquises, qui est un peu Tahiti, avant de revenir au bercail, à Papeete, pour se reposer un peu. Mais ils n’ont qu’une envie : repartir. Ils auront trois filles et trois bateaux. Le bonheur sur la mer raconte ce premier bateau, ce premier bébé et ce premier voyage.

C’est un récit au ras des vagues, écrit comme on parle, disant les difficultés à surmonter pour être adultes et autonomes, et les bonheurs inouïs des bains dans l’eau tiède, des couchers de soleil magiques, des requins familiers et du mérou apprivoisé, enfin des amis rencontrés ça et là, notamment Bernard Moitessier. Les Trente glorieuses ont secrété dans leur coquille trop rigide cette nacre de rebelles soixantuitards, dont certains sont devenus des perles et d’autres de vilains cailloux. Ni l’un ni l’autre pour notre couple un peu caractériel. Une expérience qui les mène un temps à la vie qu’ils aiment, rude mais nature, presque toujours à poil et macrobiotique. C’était une mode, comme tant d’autres. Le rêve d’ailleurs sur cette planète, gentille illusion des grand-père et grand-mère des écolos combinards urbains d’aujourd’hui – en plus jeunes d’esprit et nettement plus sympathiques.

Car ils se prennent en main, même si c’est avec quelque naïveté (les pouvoirs curateurs de l’eau de mer…). « La mer nous met en face de nous-mêmes. Pas de voisins, pas de gens auxquels se référer, personne à imiter, personne pour nous critiquer. Tout ce qu’on fait correspond soit à une nécessité vitale, soit à une tendance profonde. Mon comportement n’est plus conditionné par la société. Je prends conscience de ma personnalité, je découvre ce qu’est la sincérité – cette franchise envers soi-même. Cela parce que la vie est ramenée aux choses essentielles et qu’il est impossible, sinon dangereux, de s’embarrasser de fausses raisons, de fausses motivations » p.115.

Ils découvrent que la vie de couple n’est pas rose, surtout dans la promiscuité obligée du bateau, avec l’obsession de la navigation et la sécurité du bébé. La petite Laurence tète jusqu’à 13 mois. Ayant toujours ses parents auprès d’elle, elle ne s’inquiète de rien, pas même de la gite ou des tempêtes – et même un complet retournement du bateau en Méditerranée ! Elle devient autonome très vite, goûte de tout et s’entend avec tous les nouveaux. Plus tard, elle apprendra le programme scolaire par correspondance, l’école en bateau étant une école de la vie avec ses parents pour maîtres. Pensez : voir voler les poissons, nager les requins, luire les étoiles ; débarquer sur une île déserte emplie de cochons sauvages et de chèvres, traverser les océans, mais s’échouer sur un banc de sable à l’embouchure de l’Èbre sous une pluie glaciale… Tout cela forme une jeunesse !

J’ai des amis chers à qui ce voyage initiatique Marseille-Tahiti, ou la seule étape Marseille-Antilles, a profité. Ils sont aujourd’hui installés avec femme et enfants dans la société, avec ce regard critique et bienveillant à qui on ne la fait pas. Mais ils étaient bien dans leur tête au départ, l’épreuve n’a fait que les mûrir. Les autres, plus ou moins mal dans leur peau et qui rejetaient violemment la névrose du caporalisme social français d’après-guerre, ont fini plus mal. On ne rapporte des voyages que ce qu’on a emporté, en plus aigu…

France et Christian Guillain Le bonheur sur la mer photo nb

Le site Hisse et oh ! dit ce que les Guillain sont devenus. France s’en est bien sortie, moins Christian. Il est resté psychédélique et priapique, végétarien vivant nu, adepte de Wilhelm Reich et du yoga, expliquant comme suit sa philosophie : « Éros et Bacchus étaient rois… » Le couple a navigué un moment ensemble après le livre qui a eu un gros succès, invités par Philippe Bouvard, José Arthur, Jacques Chancel. Puis ils se sont séparés après dix ans pour cause de drogue, dont Christian, toujours à court d’argent pour construire l’éternel bateau de ses rêves, a fait un temps le trafic. Il a navigué 30 ans sur 6 bateaux. Il a rencontré Élise, une polynésienne avec laquelle il a eu 7 enfants de plus. Dans un geste que personne n’a compris, il a coulé volontairement son voilier au large de Papeete, un alu qui portait le nom d’Anaconda et qui était comme sa maitresse. Il voulait surtout conduire ses enfants à leur majorité en évitant la tentation du large. Il s’en occupe, préoccupé de savoir s’ils vont bien. Il est atteint d’un cancer qu’il soigne avec les plantes et les bains froids (et une ivresse à l’occasion). « Mon résumé de l’alimentation idéale : le moins possible, le plus périssable, plus sauvage, plus frais possible, le plus cru possible, le plus dissocié possible… »

France, grand-mère d’environ 70 ans, a semble-t-il navigué avec ses filles. Elle a fait paraître plusieurs livres sur les thèmes naturisme et bio ; elle vit en région parisienne.

France et Christian Guillain, Le bonheur sur la mer, 1974, J’ai Lu 1976, 381 pages, en occasion broché Robert Laffont collection Vécu 1974, €18.00

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Crise du tourisme polynésien

Les mois, les années se suivent et se ressemblent. Pour l’année 2011, moins de 165 000 visiteurs. La baisse des arrivées de touristes se confirme. L’an 2011 se termine sur le total de 162 776 visiteurs soit le nombre de 1997 très loin du chiffre record du début des années 2000, proche de 260 000 touristes. Au lieu d’accuser bêtement les autres, il faut se regarder dans le miroir et voir ce qui ne va plus en Polynésie… mais il faut en avoir le courage. Non content de prendre le touriste pour un cochon de payant, celui-ci est volé, tabassé, insulté. La diminution de l’activité hôtelière s’expliquerait par le retrait des principaux marchés émetteurs (Europe, États-Unis, Japon) par une baisse de la durée moyenne de séjour.

Et si l’on allait voir chez les voisins ? Ca va plutôt bien ! Voyez vous-mêmes, Fidji a compté 675 000 arrivées ; Palau 100 000, soit 25% de plus que l’an passé ; idem pour les Cook. Tout va bien pour le tourisme sauf en Polynésie française. Pourquoi ? Serait-elle maudite ? Vous pourrez toujours regardez sur un atlas où se trouvent ces micro-états.

Pour faire la promotion de Rangiroa, Fakarava et Nuku Hiva, le GIE Tahiti Tourisme a demandé au photographe anglais Andrew Murch de promouvoir la plongée dans ces îles. Ses clichés sont publiés dans Shark diver aux USA, Diver magazine au Canada et X-Ray magazine en ligne. Si Rangiroa ne l’a pas fasciné, il a beaucoup apprécié Fakarava ainsi que les Marquises. Beaucoup de requins gris de récif à Fakarava ; aux Marquises, quatre espèces de requins, des raies manta, une petite faune intéressante et des péponocéphales (orques pygmées) qu’il ne connaissait pas. De quoi intéresser des plongeurs, mais, le billet d’avion tellement onéreux devrait en décourager plus d’un.

La nouvelle lubie du président du pei ? La création d’un marathon à Tahiti à la place de celui de Moorea. Il vise à attirer des étrangers, et aurait lieu en même temps que celui de New York. Eh oui, rien que cela ! Rêve, doux rêve, le budget serait le double, les prix 3 à 4 fois supérieurs à celui de Moorea… Est-ce que les coureurs de celui de New York vont opter pour celui de Papeete ? En tout cas Oscar Tane veut rivaliser avec New York.

Nous avons reçu à domicile les comprimés de Notézine 100mg à prendre avec un peu d’eau devant les représentantes de la mairie. C’est le traitement le plus efficace contre la filariose et le ministère de la Santé avait enfin compris que les gens ne prenaient pas ce médicament, l’oubliaient dans une poche ou le jetaient.

Oscar dérape, pourtant nous ne connaissons pas le verglas à Tahiti. Lors d’un journal télévisé sur TNTV : « J’espère que François Hollande sera élu président de la République car nous, en tant que chrétiens, ce n’est pas possible que nous, on puisse voter pour Nicolas Sarkozy qui a les mains pleines de sang. Rappelons-nous de ce qui vient de se passer en Libye. Les enfants ont été tués, les mères de famille, les personnes âgées, tout ça pour tuer une personne (Kadhafi) qui est recherchée parce que cette personne a fait savoir qu’en 2007, c’est M. Kadhafi qui a financé sa campagne, n’est-ce pas ? Voilà la réalité des faits et j’espère que la Cour internationale de justice, on ne peut pas soutenir un président comme ça, qui aura à juger le fils de Kadhafi, fera une enquête également et j’espère que l’on entende comment cela s’est passé. Comment il a financé la campagne de M. Sarkozy. » Oscar Temaru est pour les formules chocs ! Rappel de quelques-uns de ses autres dérapages verbaux : « L’Éducation nationale fabrique des crétins » ; Alain Juppé, est étranger. Le vote des « étrangers » est le vote des « colons » ».

Décidément, tout est fait pour attirer les Français de métropole dans nos îles…

Hiata de Tahiti

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Stieg Larsson, Millénium 1

Gros succès pour ce thriller suédois paru en 2005. Avec raison. Il s’agit – pour une fois – d’un polar économique où le héros n’est pas agent secret ou flic, mais journaliste d’investigation. De quoi nous rappeler que la Suède est une nation industrielle qui a su tirer des atouts de la mondialisation.

Mikael Blomkvist aime l’économie, la justice, les droits de l’homme. Il est le Suédois que chaque famille aimerait pour gendre tant il répond au politiquement correct local. Sauf qu’un financier très puissant lui a fait mordre la poussière – procès, amende et trois mois de prison. Celui qui n’a comme fortune que sa réputation ne saurait pardonner !

C’est alors que l’histoire se complique. Le thriller économique se transforme en traque policière sur un tout autre sujet : un mystérieux tueur en série qui sévit depuis des dizaines d’années en Suède et aurait fait disparaître Harriet, la nièce du PDG d’un autre puissant groupe industriel familial suédois. Comme Mikael n’a rien à faire, en attendant que la profession oublie un peu son procès et qu’il fasse son temps de prison, le PDG octogénaire Heinrik Vanger l’embauche comme traqueur pour revoir toute l’affaire. Elle a été l’obsession de sa vie et il veut faire une dernière tentative avec un œil neuf.

C’est là que l’on découvre les techniques du journalisme d’investigation : elles s’apparentent fort aux techniques d’enquêtes policières – voire à celles des agents secrets. Une jeune fille, Lisbeth, à l’existence déstructurée et chaotique, se révèle experte en informatique avec des procédés sophistiqués de hacker. Après avoir lu ce livre, vous ne pourrez plus vous connecter à internet sans avoir au préalable vidé votre ordinateur de tout ce qu’il peut contenir de personnel – et soigneusement haché les fichiers transférés…

Sans dévoiler l’histoire, palpitante et bien menée dans le décor exotique de l’hiver glacé d’une Suède constamment baignée par la mer, on peut résumer le tome 1 de Millénium de la façon suivante. ‘Millénium’ est le titre d’un magazine d’investigation économique ; c’est lui le vrai héros du livre. L’auteur a lui-même dirigé un magazine de ce type, ‘Expo’, avant de décéder en 2004. Son journaliste va sauver un empire industriel et en couler un autre ; il va soutenir la famille patriote et détruire en vol les escrocs apatrides. Voilà une belle quête pour une Suède du 21ème siècle en quête d’identité !

N’hésitez pas à lire ce livre : vous allez entrer dans le monde contemporain où la combinaison ordinateur + connexion ADSL est désormais l’arme la plus puissante – comme la faille la plus grave de l’économie. Wikileaks le montre à l’envi, mais aussi les intrusions chinoises dans les centres serveurs ou le virus inoculé par Israël (?) aux ordinateurs des centrales nucléaires iraniennes.

Les nouveautés de la finance, qui frisent l’escroquerie, devraient être mises au jour et dénoncées par les journalistes si ceux-ci ne restaient pas fascinés par la richesse et trop frileux pour s’engager. Le roman a été écrit juste après l’éclatement de la bulle internet. « Les analystes économiques suédois étaient ces dernières années devenus une équipe de larbins incompétents, imbus de leur propre importance et totalement incapables de la moindre pensée critique » p.109. On peut en dire autant des journalistes spécialisés du monde entier. Surtout lorsqu’on empile des sociétés bidon qui traversent des places offshores. Stieg Larsson écrit, non sans humour : « Wennerström se consacrait à l’escroquerie sur une échelle tellement vaste qu’il ne s’agissait plus de crime – il s’agissait d’affaires. » p.543

La dernière pique est réservée aux affolés sociaux qui préfèrent ne jamais lever le voile, des fois que « l’économie suédoise » en pâtisse. Ils se font, ce faisant, complices de l’escroquerie. Or, déclare le journaliste, « il faut distinguer deux choses – l’économie suédoise et le marché boursier suédois. L’économie suédoise est la somme de toutes les marchandises et de tous les services qui sont produits dans ce pays chaque jour. (…) La bourse, c’est tout autre chose. Il n’y a aucune économie et aucune production de marchandises ou de services. Il n’y a que des fantasmes où d’heure en heure on décide que maintenant telle ou telle entreprise vaut quelques milliards de plus ou de moins » p. 560. Rappelons que la Suède est restée en couronnes, elle ne compte pas en euros.

Non que la bourse n’ait pas d’importance mais il faut garder à l’esprit que la spéculation se déconnecte des actifs réels. « Cela signifie qu’un tas de gros spéculateurs sont actuellement en train de transférer leurs portefeuilles boursier des entreprises suédoises vers les entreprises allemandes. Ce sont donc les hyènes de la finance qu’un reporter avec un peu de couilles devrait identifier et mettre au pilori comme traîtres à la patrie. Ce sont eux qui systématiquement et sciemment sapent l’économie suédoise pour satisfaire les intérêts de leurs clients » p.561.

Le patriotisme économique contre les requins apatrides, est-ce un signe des temps ?

Stieg Larsson, Millénium 1 – Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (Man som hatar kvinnor), 2005, éd. française Actes sud poche Babel noir 2010, traduit du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain, 575 pages, €10.93.

Les trois Millenium en 3×2 CD audio, 60 h d’écoute, Audiolib 2008, €68.40

Eva Gabrielsson, Millenium Stieg et moi, Actes sud 2011, 160 pages, €19.00

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