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Paris perdu de la maire poubelle

Paris 2023 préfigure le Paris 2024 : « Prenez place pour l’exceptionnel ! » : les jeux olympiques de l’ordure, où la maire de Paris, désormais associée aux poubelles, remporte sans conteste la médaille d’or. « Look of the Games » est l’immondice : l’habillage qui incarne Paris 2024. « Coloré et esthétique, riche en symboles, il reflète l’élégance à la française en adaptant le pavé sous toutes ses formes » – à condition de le retrouver sous les sanies gluantes des sacs poubelle.

La scène déborde, les rues sont pleines, le cru 2023 submerge la crue 1910. La santé vaut bien une grève, il n’y a qu’un c d’écart pour la crève. La prochaine pandémie viendra-t-elle de Paris ?

Le bac est une épreuve, il est désormais trop rempli et dégueule ses matières sur le trottoir – où seront bientôt les jeunes en mal de boulot, puisque « la grève » semble être le moyen de plus court pour parvenir à la retraite. Le savoir n’est-il que de la merde ?

Mâme Bécu, devenue Madame du Barry en favorite de Louis XV, a finie guillotinée durant la Terreur jacobine de 1793. Est-ce le sort qui attend Madame de Paris, une fois les Insoumis perpétuels portés au pouvoir par la rue ? Si elle maîtrise les sciences sociales, ainsi que le dit sa biographie, comment se fait-il qu’elle ne maîtrise pas le social dans la rue ? Elle veut transformer les beaux quartiers en boue quartiers.

Elle a dévoyé la politique en merdier, réduit le socialisme à l’ordure et l’écologie aux déchets. Un progressisme pouacreux de gadoue, une vidange des immondices sociaux, un « retour à » l’âge des cavernes. Après les poubelles de la présidentielle, les poubelles de Paris – le coup de pied de l’Anne – en attendant pour elle les poubelles de l’Histoire.

Les Parisiens chantent désormais la complainte :

« La mère du Barry,

La maire de Paris,

La merde Paris,

La mer du parvis,

L’amer du pari. »

Vous l’aurez compris, c’était un billet d’humeur. Je n’attaque pas à la personne, que je ne connais pas, mais je connais la fonction, ses honneurs mais aussi ses servitudes. Politiser ne sert pas, se ranger aux côtés des militants de quelque cause que ce soit n’est pas rendre service. Ce service aux Parisiens, qui ont élu la maire de la ville, me semble faire carrément défaut.

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Utopie post-traumatique

Un autre monde est-il possible ? En théorie oui, en pratique, voire.

Le baromètre politique Viavoice/Libération d’avril 2020 sonde les Français sur cet autre monde. Il se résume en l’inverse de ce qu’ils ne veulent plus : souveraineté collective, dépassement de la société de marché, biens communs sanctuarisés. Du négatif, pas un projet positif.

Car, bien-entendu, il y a loin de la coupe aux lèvres. Chacun attend que l’autre fasse le premier pas. Quitter les multinationales inhumaines (mais avec leurs gros salaires et avantages en nature, voiture de fonction, ordinateur portable et téléphone mobile, grand bureau design, mutuelle généreuse, comité d’entreprise, protection syndicale, médecine du travail, etc.) au profit d’un saut dans l’entreprise privée ? Vous n’y pensez pas ! Il s’agit de rester où l’on est, sans surtout bouger, tout en réclamant « des autres » qu’ils se bougent : « que fait le gouvernement ? » reste le mantra de base.

Bien sûr, « il faut » à 84% « relocaliser en Europe le maximum de filières de production », à 69% « ralentir le productivisme et la recherche perpétuelle de rentabilité » – mais qui est prêt personnellement à interdire à son ado d’acheter le Smartphone Apple dernier cri (et hors de prix) fabriqué pour majeure partie dans un pays dictatorial, exploiteur du peuple, et vendu par un pays égoïste du « moi d’abord » qui licencie à tout va dans les entreprises européennes qu’il rachète ? Qui est prêt à payer une Renault de base une fois et demi son prix pour cause de « charges sociales et normes françaises » ? Pas grand monde, n’est-ce pas ?… Qui préfère acheter un tee-shirt à 8 € plutôt qu’à 80 € parce que français, donc perclus de taxes et charges à tous les étages de la production ? Les bobos riches et militants, soit 1% de la population ?

Ah, bien-sûr, peur récente oblige, « il faut » sanctuariser les budgets des « hôpitaux publics » (91 %) ou la « Sécurité sociale » (85 %), mais avec quel impôt en plus ? Quelle réorganisation administrative – indispensable mais suscitant aussitôt grèves et lamentations sur la perte du « service » (lisez « des emplois) publics ?

Quant à « l’accès à l’eau et à un air de qualité » (88 %), êtes-vous prêts à aller au travail en vélo et ne plus faire de courses en voiture ? A délaisser les vacances au loin (plus de 100 km) et à forcer toute la famille à prendre des trains bondés d’une SNCF jamais responsable de ses retards ou de ses travaux non faits, ou encore de ses grèves sauvages pour n’importe quel prétexte, trains malcommodes et peu confortables (sauf à payer la Première classe) ? A investir dans une (petite) voiture tout électrique écolo mais à 30 000 € plutôt qu’une bonne vieille diesel qui coûte moins à acheter et à entretenir ? C’est facile, le yaka, mais qui commence dans sa vie concrète de tous les jours ? Forcément les autres, rarement soi.

L’« Education nationale » ne paraît plébiscitée (82 %) que parce que les parents ont eu leurs niards sur le dos durant deux mois complets et qu’ils mesurent le prix de la garderie des bambins, gamines et autres ados impossibles à mater à la maison. Autant payer pour s’en débarrasser les trois-quarts de la journée, on ne peut que mieux les aimer. Quant à ce qu’ils apprennent… est-ce vraiment le sujet ? Du moment qu’ils font comme tous les autres.

Même si 70% jugent nécessaire de « réduire l’influence de la finance et des actionnaires sur la vie des entreprises », ce qui est l’image qui colle à Macron depuis son passage en banque d’affaires au nom cosmopolite yankee, qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Aucun licenciement ? Des investissements franco-français pour le seul marché français protégé de toute concurrence ? Une épargne forcée pour financer les entreprises afin de remplacer « les actionnaires » ? Ou une réglementation sur les lois extraterritoriales américaines, les rachats stratégiques chinois, les prises de participations subreptices des Emirats ? Mais avec quelles conséquences économiques à piquer ainsi les géants ? C’est que le Français est rempli de contradictions, il veut tout et son contraire. Mais concrètement ? Nationaliser, vieille lune sans guère d’avenir (avec quelle épargne ? quels impôts forcés en plus ?). En revanche, « soutenir les entreprises nationales de manière beaucoup plus systématique et durable, même en dehors des crises » (56 %) est plus réaliste et clairement utile : les Etats-Unis le font, comme les Chinois, pourquoi pas nous ?

Plus intéressant (et pan sur le bec des populistes excités et exiteurs de Brexit, Frexit et autre Italexit !), l’Union européenne ne sort pas de la crise affaiblie comme on a pu le croire. Les gens ont bien compris que la santé n’était pas une compétence européenne tandis que la monnaie et le crédit le sont. Donc 70% estiment dans ce sondage qu’il faut « reprendre la construction européenne et créer une vraie puissance européenne ». Dès lors, qui mieux que le président actuel pour cela ? Or, parmi les leaders qui sortent pour demain, si Nicolas Hulot est cité en tête des personnalités testées (39 %), il est suivi de près par… Emmanuel Macron (33 %) et Edouard Philippe (32 %). Leur flottement en début de crise, l’absence de position jupitérienne (gaullienne) sur le premier tour des municipales, leur serait presque pardonné ; pour le reste (les masques, le gel), ils ont été tributaires des économies stratégiquement ineptes du gouvernement Ayrault sous Hollande qui a supprimé l’EPRUS, les obligations stratégiques, et détruit le stock de masques ; mais ils n’ont pas su court-circuiter l’Administration tentaculaire et passer en situation d’urgence au-dessus des querelles et retards de bureaux.

Les has been assez vus, Nicolas Sarkozy (32 %), François Hollande (20 %), Ségolène Royal (17 %), ne font pas recette. Ils sont venus, ils ont montré ce qu’ils savaient faire, ils ont été virés. Les populistes et les catastrophistes ne sont pas retenus, ce qui apparaît plutôt sain : ni Marine Le Pen (24 %), ni Yannick Jadot (17 %), ni Jean-Luc Mélenchon (16 %). Car le populisme dans la pandémie est un danger pour tous : voyez Trump, Bolsonaro, Boris Johnson, les morts se comptent par milliers en plus. Et sortir de l’Union européenne pour refaire une petite dictature franco-française est devenu tellement ridicule face aux grands problèmes du monde qui se sont montrés tout cru…

L’utopie qui ressort est donc fort raisonnable, comme si elle avait peur de penser (ou plus les moyens intellectuels de le faire). « Il faut » mais que les gouvernements et les patrons commencent, nous on attend. « Yaka » mais on n’est pas prêt à payer encore plus ni à se restreindre sur les désirs, envies et autres jalousies du voisin à la mode.

En revanche, la lecture du sondage fait sentir une véritable volonté de se recentrer sur nos propres intérêts, à l’image des Ricains et autres Célestes. Marre du « sans frontières », du sans limites, marre d’être les pigeons qui laissent ouvertes portes et fenêtres à la finance, au dumping, aux pillages d’entreprises et de technologie, au chômage et à l’immigration de masse ; marre « d’aider » les autres pays du monde éternellement dans la misère : s’aider soi-même avant tout. La « République universelle » n’est pas pour demain : « Ô République universelle, Tu n’es encor que l’étincelle, Demain tu seras le soleil !… » (Les Châtiments). Le Totor tonnant romantique n’a plus sa place en politique – d’ailleurs il a viré conservateur une fois la cinquantaine atteinte.

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Traversée des grèves vers le mont Saint-Michel

Vendredi 2 août est le jour de la grande traversée des grèves entre le Bec d’Andaine et le Mont Saint-Michel. C’est l’ultime étape des pèlerins venus du nord, les Miquelots se dirigeant vers Saint-Michel-au-péril-de-la mer : c’est que brouillards et marées, vase et sables mouvants étaient des dangers inconnus pour la plupart. Un panneau informatif récent vante le SOS 112 et liste tous les risques qui attendent qui ose traverser : noyade, enlisement, isolement, orage, brouillard, lâchers d’eau du barrage sur le Couesnon – on ne pourra pas dire que nous n’avons pas été prévenus !

De loin, le rocher est presque plat, d’un aspect de dolmen ; il fait cependant 900 m de périmètre et 80 m de haut. Ce n’est que Viollet-le-Duc fin XIXe qui fit s’élever la flèche, comme sur Notre-Dame de Paris. Elle donne sa silhouette au Mont, le rocher s’élançant vers le ciel. J’y suis déjà venu trois fois depuis mon enfance.

Ce matin, il fait grand soleil et pas de vent. Nous prenons le bus depuis Granville, la même ligne qu’hier mais cette fois jusqu’à Genêts. Nous marchons trois-quarts d’heure avant de nous affaler sous un pin pour pique-niquer au bord du Bec d’Andaine d’où nous allons partir. Nous avons rendez-vous avec un passeur agréé appelé par cet inénarrable vocabulaire fonctionnaire un « guide attesté ». Il est accessoirement pompier dans le civil et d’origine picarde. Il effectue quatre ou cinq traversées aller et retour par jour en saison avec des groupes de 40 ou 50 personnes, parfois des enfants. Il a emmené un groupe de CM2 en sortie scolaire durant l’année et même des maternelles, mais jusqu’à mi-chemin sur Tombelaine. La distance est de 3 km pour Tombelaine, puis 3 autres km pour le Mont. Aller et retour dans l’après-midi, comme la plupart aujourd’hui le font, cela fait 12 km et 6 h de marche. Notre groupe ne comprend que des adultes mais trois autres groupes partent presque en même temps, avec un petit écart et un petit décalage pour ne pas se chevaucher. Dans l’un des groupes il y a des enfants assez jeunes, dont deux en court slip et bob qui gambadent avec une exubérance accentuée par l’air, le soleil et la sensualité du sable mouillé et de la vase sous les pieds.

Nous marchons pieds nus, surtout pour mieux tâter le terrain car tout n’est pas de sable. La plage fait vite place aux vasières dans lesquelles s’enfoncer jusqu’aux chevilles, voire jusqu’aux genoux. Je retrouve un plaisir de gosse à marcher dans le visqueux fort glissant, comme lorsque nous marchions pieds nus dans la boue des chemins ou la bouse des prés dont la matière giclait entre les orteils, faisant remonter une sensation délicieuse jusqu’en haut des jambes. Erotisme des 10 ans : on fait de tout chez les scouts.

Les sables mouvants, ici appelés « lises », sont des plaques de sable emplies d’eau qui fuit lorsqu’on la frappe. Il faut toujours bouger, dévisser les jambes, baratter des pieds. Pour se dégager d’un enfoncement trop profond, dégager une jambe d’abord en la tournant, puis mettre le genou sorti en terre et dégager l’autre. On ne s’enfonce jamais que jusqu’à mi-poitrine maximum, quelle que soit notre taille, dit le passeur, car nous avons une masse d’air dans les poumons qui fait bouée. Mais si l’on reste immobile, le sable bétonne et il est impossible de s’en extirper. Être « avalé » par les sables mouvant comme dans Victor Hugo est un mythe, mais on peut évidemment, si l’on reste bloqué, mourir noyé à la prochaine marée haute ! Donc bouger sans cesse, battre des pieds comme on palme et se pencher en avant. Plus on baratte et plus l’eau revient dans le sable, le rend plus visqueux, permettant de s’en dégager progressivement.

La promenade sur l’estran vide nous permet de reconnaître les œufs de seiche qui ressemblent à des grappes de petits raisins noirs, les œufs de calmars qui sont de longues grappes aux filaments orangés, l’œuf de roussette – un petit requin – comme une coque noire munie de quatre branches. Nous retrouvons les œufs de bulots déjà vus et les crépidules agglomérées les unes sur les autres contre les prédateurs.

Nous avons deux rivières à traverser à même le sable, la Sée et la Sélune et, dans la première, un fort courant qui file vers le large. Nous y avons de l’eau jusqu’aux genoux et avancer est un exercice musculaire qui me rappelle la gymnastique en piscine chère aux clubs de sport. Le soleil implacable et la réverbération exigent des protections en chapeau, lunettes, vêtement ou crème solaire. Je ne sais pas comment les deux petits qui ont gambadé quasi nus ont supporté la traversée car ils avaient le corps blanc du touriste fraîchement débarqué.

Nous passons Tombelaine, ilot autrefois occupé par quelques moines mais réservé désormais à la protection des oiseaux, oies cendrées et flamants roses. Il est interdit d’y camper, d’y pique-niquer et même d’y monter à certaines périodes de ponte. Des gardiens profitent souvent de cette hauteur pour observer si les pêcheurs à pied ou les touristes respectent les interdictions.

De loin, nos groupes de traversée sont comme des caravanes dans le désert, égrenées sur une centaine de mètres.

Dommage pour nos pieds, les derniers cents mètres avant la porte d’entrée au Mont sont de la vase gluante qui colle fort à la peau. Vu les restrictions d’eau et le coût pour la commune, le maire a désormais interdit aux touristes de se laver les pieds au robinet public juste sous la voûte d’entrée et il est nécessaire de bêtement ruser : remplir sa gourde et aller se laver les pieds ailleurs. Il faut cependant une gourde entière par pied pour à peu près se nettoyer !

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Grève de l’écologie politique

L’écologie non seulement n’est pas réservée aux autoproclamés « écologistes » mais elle en est l’antithèse. En France du moins.

L’écologie est une façon de vivre universelle, en harmonie avec la nature – elle n’est surtout pas une « politique ». Car TOUS les partis sont concernés par l’écologie, comme par l’économie ou la santé. Il ne saurait donc y avoir de « parti écologiste » sans soupçonner une arrière-pensée d’ambition, un créneau à prendre pour se pousser du col, un désir de pouvoir suspect.

Les gauchistes exclus des partis extrémistes ou rejetés par les gros bataillons des partis traditionnels ont créé « un parti » pour jouer la force d’appoint. Tout comme l’a fait le Modem. Et, comme lui, ils sont ailleurs du jeu politique traditionnel : ils réussissent donc mieux aux élections européennes. Non pas par leurs vertus, ni par leur soi-disant programme pour la cause du globe, mais parce que les électeurs votent « faute de mieux » pour un mythe, l’utopie du « retour à la nature » qu’ils ont vécu jeunes au Club Med.

Il ne faut donc jamais croire les écologistes autoproclamés des partis au sujet de la Terre – mais plutôt croire l’expertise des scientifiques sur des sujets particuliers évoqués. Brailler des slogans et battre le pavé ne fait pas avancer l’harmonie écologique, pas plus qu’un sorcier qui marmonne et gesticule ne fait tomber la pluie.

Si les anarcho-subversifs venus des « associations » et autres groupuscules militant à gauche-toute veulent faire de « la politique », ce n’est pas l’écologie abstraite qu’ils doivent défendre, mais les effets concrets des actions concrètes des acteurs de la politique.

Par exemple les grèves. Est-il socialement « juste » de bloquer les travailleurs des semaines durant au prétexte de « défendre » des privilèges hors d’âge comme le droit de partir en retraite à 52 ans ou de ponctionner les cotisations des cadres pour abonder le régime spécial de la SNCF, de la RATP et d’EDF qui sont depuis des années en déficit ? Est-il républicain de ne proposer durant une semaine entière autour du 18 décembre AUCUN RER entre Brétigny et les stations du sud de la ligne C, Etampes et Dourdan ? L’égalité du soi-disant « service » public est-elle respectée ? Peut-on encore parler de « service » – payé par nos impôts, s’il est réservé à quelques-uns ?

Faire grève est un droit constitutionnel, mais pas plus que la liberté d’aller et venir ou la liberté de travailler. Et nettement moins que « sauver la planète ». Le Conseil constitutionnel admet que la loi peut aller « jusqu’à l’interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service [public] dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ». Le citoyen raisonnable pourrait croire que les écologistes politiques pousseraient de hauts cris à constater les effets en CO2 des grèves répétées pour tout et n’importe quoi, des « agressions » de conducteurs qui ne verrouillent pas leur porte d’accès aux changements de postes requis par le Grand Paris ou les « atteintes » aux zacquis de la retraite. Le monde a changé, pas les syndicats bloqués qui font du blocage une arme anti… Patrons ? –  non pas mais Etat – c’est-à-dire vous et moi qui avons voté et élu un gouvernement par majorité (c’est la règle, qui vaut pour la gauche comme pour la droite – et que seuls refusent les extrémistes).

N’y aurait-il donc aucun autre moyen que « la grève » pour revendiquer et protester ? Comment font donc les pays, voisins et développés qui ne connaissent que rarement la grève ? Ce serait le rôle proprement politique des proclamés « écologistes » que de se pencher sur la question afin d’éviter les 500 à 600 km de bouchons quotidiens en Île-de-France (sans parler d’ailleurs), avec les émissions de CO2 massives qui vont avec. D’autant que, dans un jugement du 24 octobre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé que la France a dépassé depuis 2010 « de manière systématique et persistante » le seuil limite de dioxyde d’azote, un gaz issu notamment des moteurs diesel.

Soupçon : les écolos n’en auraient-ils rien à foutre ? Ou, dans un vieux reste de respect religieux issu du marxisme, font-ils du « social » un tabou (et que grève crève la planète !) Peut-on « en même temps » vanter les transports collectifs et laisser une poignée de factieux bloquer la France et surtout l’Île-de-France (50% de la production intérieure) ? Réguler, limiter, poser les règles, est le rôle de l’Etat – démocratiquement dirigé via les élections. Un soi-disant « parti » devrait se préoccuper de ce sujet politique concret au lieu de disserter sur le sexe du glyphosate !

Le site de la SNCF (transilien.com) chiffre à 32 fois MOINS d’émissions de gaz à effet de serre le fait de prendre sa voiture plutôt que le train ou le RER et à 49 fois MOINS de prendre le métro plutôt que l’auto. Combien « les grèves » coûtent-elles donc au réchauffement climatique, d’autant qu’elles sont plus répétées ? Sur ce sujet – pourtant éminemment « politique » et bien concret – les soi-disant « écologistes » politiques restent muets. Ils préfèrent blablater dans les hautes sphères sur les « principes » et invoquer « l’urgence ». Mais qu’y a-t-il de plus « urgent » que d’agir ici et maintenant, politiquement, sur les acteurs de la cité ?

Ce pourquoi il nous faut bien conclure que le « parti écologiste » ne sert à rien, qu’il est une nuisance plus qu’un atout pour la transition nécessaire de notre mode vie et de production. Parmi les dirigeants des Verts, seul Daniel Cohn-Bendit avait un sens politique. Ce n’est vraiment pas le cas de ses successeurs et « successeuses » comme le dit la Royal dans un français mal appris.

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Mauvaise foi syndicale

Un tract du syndicat Solidaires Finances publiques Paris du mois de mai justifie le mouvement des agents du jeudi 9 contre le projet de loi de transformation de la fonction publique. Un agent sur quatre était en grève, dit-on. Mais touche-t-on véritablement au service public ? Ou s’agit-il de le réadapter à la nouvelle donne qui exige moins d’impôts, donc moins de dépenses publiques ?

Le paragraphe deux de l’éditorial du « journal de section syndicale » La Griffe, multiplie les vocables négatifs : « détruire, casser, imposer, forcer, empêcher ». Comme si la situation actuelle était un monde idéal, une sorte de paradis public à perdre pour les agents comme pour les « assujettis » et qu’il ne faille surtout pas y toucher – au risque d’un futur péché originel.

Ce qui est expliqué ensuite est que ce projet permettrait au Premier ministre de déplacer des services, d’en décentraliser certains en province et d’encourager la sortie de la fonction publique pour les volontaires. Cela me semble sain pour adapter les effectifs et les structures, et les recentrer sur ce qui ressort de l’État en ôtant ce qui n’en ressort pas (par exemple l’informatique, le ménage, la cantine). La révolte des gilets jaunes, après celle des bonnets rouges et celle des pigeons, a montré depuis quelques années que les Français en ont assez du « trop d’impôts » par rapport aux pays voisins et du mauvais usage qui en est fait.

Qu’un syndicat défende sa corporation est certes naturel, mais il ne doit pas se croire un représentant de l’intérêt général. Il s’agit d’intérêts particuliers sur les emplois, les postes, les tâches et les salaires, et non pas de la destruction pure et simple des services publics. Cette mauvaise foi dessert le propos et explique pourquoi les Français sont en général peu syndiqués.

L’histoire explique en partie ce phénomène, l’extrémiste marxiste ayant supplanté le proudhonisme de base au début du XXe siècle, tout comme Lénine et son parti centralisé en Russie ont supplanté les soviets spontanés dans l’URSS naissante. Puisque Karl Marx avait défini les lois de l’Histoire, le parti d’avant-garde (communiste) se devait d’appliquer la vérité révélée, et tous les moyens étaient bons. Y compris les mensonges ou les fausses nouvelles à la Trump (qui n’a rien inventé), y compris la propagande outrancière et les injures, y compris la grimpée aux rideaux qui transforme toute modification en chaos et toute réforme en « casse ».

Il aurait été bien préférable que le syndicat Solidaires Finances publiques consacre un paragraphe entier à ses propres propositions de réforme, respectueuse selon lui du service public, mais adaptées au nouveau format réclamé par les citoyens.

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Manif

« Attention, ça va péter ! » proclame rituellement d’une voix de mitraillette les militants auto-convaincus de faire l’histoire malgré les élections démocratiques. Ceux qui braillent dans la rue et se répandent dans les media ne veulent pas de réforme – ils veulent renverser la table et devenir calife à la place du calife. N’hésitant pas à mentir sur les chiffres – fake news à la Trump, et sans plus de vergogne – en déclarant 150 000 quand on n’en compte que 30 000. Et les gauchistes encouragés par son ressentiment de classe de cramer un garage du service public – comme à Grenoble – ou cramer une voiture de flics, avec les flics dedans – comme jugé récemment.

Mélenchon l’avoue depuis des mois – lui qui voyage en première classe et pas son équipe : son style, c’est Robespierre ; son économie, c’est Chavez ; son régime, c’est Castro. Tous les contradicteurs seront impitoyablement réprimés « au nom du Peuple » – puisque le Peuple c’est lui, autoproclamé Leader maximo. Quant au Front national, soi-disant pour le peuple et contre les ordonnances modifiant le code du travail, il reste aux abonnés absents – c’est dire combien son action réelle est bien loin des ronflements de discours.

Les syndicats ? Ils sont si peu représentatifs qu’ils veulent seulement exister. Foutre le bordel et emmerder le monde est la seule voie qui leur vienne à l’esprit – bien loin de l’efficacité des syndicats allemands, danois ou même (ô l’horreur !) américains.

Ce gouvernement se veut populaire, or le plus populaire de tous est celui qui en fait le moins possible, il ne fâche ainsi personne – voyez Chirac, qui recule dès que ça gueule. Au contraire, quiconque tente de changer les choses voit se lever face à lui les conservatismes en tous genres, des rats dérangés dans leur fromage gras – voyez Rocard et Hollande en butte aux « privilèges » des petit-bourgeois socialistes (syndicalistes professionnels, fonctionnaires « inspecteurs », petits salaires jaloux de l’Etat social qui ne sont pas touchés). Comme Macron veut favoriser l’emploi, donc ceux qui travaillent, il touche aux zacquis des syndicats (qui se foutent des chômeurs depuis toujours), aux revenus de l’immobilier et des retraités, à l’argent dormant dans les Plans d’épargne logement (qui financent peu le logement) et même du Livret A (dont le taux va rester gelé deux ans alors que l’inflation repart un peu), à l’imposition – ISF unique en Europe – du patrimoine en entreprise (actions et parts).

Cultiver le jardin dérange forcément une niche écologique – il faudrait ne rien modifier de la nature pour tout préserver. Mais « la nature », c’est le droit de nature, donc le primat de la force. Tout ce qui libère fait peur, car la liberté en France est une angoisse : comment ? tout le monde va voir combien je suis « nul » ou « inadapté » ? Alors que ce n’est pas forcément le cas et que les talents peuvent se révéler ailleurs qu’à la télé. Y aurait-il tant de flemmards que tout le monde découvrirait, si on libérait un peu les talents ? Les « inégalités » seraient-elles le masque commode de ceux qui ne veulent pas que ça se sache ?

Le fantasme du changement est que ce sera forcément pire. Chiche ! Laissons tout en l’état et que les meilleurs gagnent ! Les exemples sont légion… La semaine de quatre jours fait plaisir aux parents et aux profs, même si les enfants trinquent avec une surcharge de programme. Le bac sanctionné par un examen en une semaine au lieu d’un contrôle continu est un couperet, mais cela permet de ne rien foutre le reste de l’année et de se mettre en grève pour tout et n’importe quoi (c’est « festif et initiatique »). Qu’importe puisque les adultes, dans leur lâcheté professorale, se garderont bien de donner un sujet qui porte sur la partie non étudiée. Les apprentissages ne hissent plus au niveau requis ? Qu’importe puisque l’administration, dans sa lâcheté anonyme, susurre aux correcteurs de noter entre 8 et 15 et de « relever le niveau » s’il s’avère que l’académie X apparaît plus désastreuse que l’académie Y. Qu’importe puisque l’université prend tous les bacheliers sans prérequis. Quoi, la moitié est éliminée à la fin de la première année ? Et encore la moitié à la licence ? Oui, mais motus, le lycéen a tout le temps de s’en apercevoir et, après tout, s’il est nul il ne pourra s’en prendre qu’à lui, n’est-ce pas ? Et tant pis s’il a été baladé par la démagogie qui lui affirme que toutes les filières sont bonnes. Ce n’est que lorsqu’il cherchera du boulot qu’il se rendra compte de son impasse. Car « le boulot », ce ne sont pas les contrats « aidés » de la démagogie mais les emplois en entreprise… et là, la compétence se révèle. La formation professionnelle est macquée aux syndicats (salariés et patronat) ? Z’avez qu’à avoir les bons copains et les pistons qu’il faut. Ou à prendre n’importe quel » stage » sur catalogue, même s’il ne vous sert à rien, Pôle emploi vous en sera reconnaissant.

Malgré le discours égalitariste et le lénifiant « tout le monde il est beau, gentil et créatif », le système social français est fondé dans son ensemble sur la sélection – hypocrite, mais réelle : par les maths, par la façon de s’exprimer et d’écrire, par l’apparence (look, habillement, attitude, politesse), par les relations, par le « statut » professionnel ou social. Les classes S sont sélectives, les prépas une ascèse, les Grandes Ecoles ont toutes un concours d’entrée ou une sélection sévère par jury, les facs ne gardent qu’un quart des premières années en mastère. Les concours de la fonction publique sont impitoyables à qui n’est pas formaté comme il convient – et les employeurs privés ne prennent pas n’importe quel clampin.

La société est dure, mais elle ne veut pas que ça se sache : dans une société de Cour, seules les apparences comptent. Mais on continue de bercer les lycéens avec « le droit au bac » sans vraiment travailler – et les salariés avec des « droits » qu’ils se trouvent fort en peine de faire respecter lors des procès face aux avocats (nombreux, spécialisés et bien payés) des patrons. Négocier « en » entreprise plutôt que dans les branches (lointaines et anonymes) ou dans les centrales syndicales (nationales et idéologiques) permettrait peut-être une meilleure maîtrise de son destin.

Pourquoi le gouvernement Macron « et de droite et de gauche » – donc qualifié automatiquement « de droite » par tous les recalés des élections récentes à 8 tours – voudrait-il changer une sélection sociale impitoyable ? Serait-ce donc qu’il n’a pas ce « conservatisme » dont ses adversaires le créditent, sans réfléchir, sans apporter aucune preuve et avec leur mauvaise foi coutumière ? Qui croit que la réforme n’est pas indispensable pour s’adapter dans un monde qui bouge ? Les idées de « pure gauche » sont en apparence généreuses mais – Marx nous l’a bien appris – l’idéologie n’est que la superstructure des réalités matérielles, le prétexte vertueux des intérêts bien compris. Or l’intérêt des bateleurs appelant à la grève n’est pas d’améliorer le sort des travailleurs (le choix est pour eux : ou de renoncer et de ne rien changer – ou d’augmenter encore plus les carcans et blocages au détriment de toute embauche), mais de se faire mousser. Parce que leur ego en a pris un coup durant cette année et demi de campagne électorale…

Égalitarisme de théâtre mais Société de Cour : une fois hors de la rampe, chacun en son club social et sa niche rémunératrice : le soi-disant homme du peuple Mélenchon ne se mélange pas au menu fretin, il ne voyage qu’en « classe affaires », avec des arguments qui fleurent bon le privilège. Sur la rampe, il faut se grimper et se hausser du col, en piétinant le gêneur. Le corporatisme de la ‘lumpen-intelligentsia’ (mot de Gilles Martinet, de gauche) a la mauvaise foi des mauvais perdants. L’archéo-socialisme accentue la tendance à être toujours « contre », quoi qui soit proposé. En bref tout ce qui change fatigue, vivement la retraite, faute de providence d’Etat pour tous ! Car il n’y a pas assez de sous : pour en créer, il faut produire, donc encourager les entreprises, donc diminuer les blocages et favoriser le contrat.

Ce qui est proposé n’est sans doute pas parfait ; il cache peut-être des « loups » – mais il mérite d’être testé plutôt que de ne rien faire et de garder 10% de chômeurs/chômeuses, comme depuis trente ans. Mais allez changer la comédie humaine…

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Yves Bontaz, Le bal est fini

Un ouvrier devenu chef d’entreprise, un provincial de Haute-Savoie devenu entrepreneur mondial, lance à sa retraite un brûlot politique. Il déclare que rien ne va plus et que le petit jeu des politocards sortis de la même école et vivant dans les mêmes milieux a assez duré. L’échec retentissant de François Hollande en est la preuve : place à la société civile ! Elle est aussi compétente que les politiciens professionnels, surtout ceux qui prétendent parler au nom des « travailleurs » : Mélenchon, « que sait-il des travailleur» p.46 pour avoir passé seulement trois mois dans une usine dans sa jeunesse ?

L’essai est plein de bon sens et de gros réalisme. Il dit tout haut ce que tout le monde (sauf les politiciens) pense tout bas : finies les réformes, il faut un « choc » ! Mais, après le Brexit et Trump, la démagogie menace ; il faut donc que les initiatives citoyennes émergent, malgré la crainte de donner des parrainages (Yves Bontaz ne sera pas pour la troisième fois candidat aux présidentielles, faute d’avoir obtenu les 500 parrains représentatifs de chaque département).

Après une longue introduction biographique de 40 pages, le constat court sur 62 pages et il est sans appel : « Ni la gauche, désinvolte sous Mitterrand, Jospin et Hollande, ni la droite, prétentieuse sous Chirac et Sarkozy, n’ont eu le courage d’enclencher une seule réforme, pas une seule, susceptible d’améliorer notre compétitivité » p.49. En cause ? « Le dédain de l’économie appliquée, le dédain du bon sens économique » p.49. La France a 90 fonctionnaires pour 1000 habitants alors que l’Allemagne en a moins de 60 ; les Français payent 44% d’impôts en moyenne contre 26% pour les Suisses, 34% pour la moyenne OCDE et 38% en Allemagne ; les cotisations sociales représentent 11.6% du PIB français contre 6.6% en Allemagne et 4.1% au Royaume-Uni. Qui voulez-vous concurrencer avec ces boulets ?

L’Etat omniprésent sait mieux que vous ce qui vous convient ; il dépense sans compter, il gaspille plus que les voisins ; il handicape l’économie – y compris la demande des ménages. Un dirigeant d’entreprise fait le calcul : « Quand je donne 100€ bruts à l’un de mes salariés, ça me coûte, avec les charges patronales, 150€. Sur ces 100€ bruts, ce salarié va percevoir 70€ nets. Comme il va être imposé sur le revenu à environ 30% – soit 21€ d’impôts – il va donc lui rester 49€ de pouvoir d’achat. Mais (…) ce qu’il va dépenser sera soumis à une TVA de 20%. Ce qui fait qu’au final son pouvoir d’achat réel ne sera que de 39€. (…) L’Etat prélevant 110€ au passage » p.67. Imparable ! Et on se lamente encore sur la « misère » des services publics ? Ne serait-ce pas la misère de la gestion fonctionnaire ignare en économie ? De l’irresponsabilité hiérarchique où chacun se renvoie la balle ? Du mépris des citoyens qui ne contrôlent rien ? De la démagogie des syndicats – surtout la CGT qui rêve encore et toujours du Grand soir – et qui ne représentent qu’à peine 7% des salariés ?

Qui crée de la richesse ? – Les entreprises. « Faute d’offrir des emplois, on offre des aides sociales, mais cet argent que l’Etat distribue, il le reprend par le biais des prélèvements fiscaux (…) frein pour sortir de la crise » p.85.

Alors, que faire ?

Après 12 pages sur « la démocratie pervertie » et 12 pages sur « une diplomatie à la dérive » (où les interventions de François Hollande en Syrie, Irak et Mali ont suscité, selon l’auteur, les attentats islamistes), 12 pages de propositions.

Elles n’ont rien de révolutionnaires et prennent ici ou là les bonnes ou les moins bonnes idées en 19 mesures :

  1. Baisser les charges patronales de 20% sur tous salaires et de 30% jusqu’à 1.6 fois le SMIC.
  2. Augmenter la TVA de 2% pour compenser et taxer les importations (et éviter les délocalisations).
  3. Baisser l’impôt sur les sociétés à 25%.
  4. Supprimer l’ISF.
  5. Revenir sur la hausse des frais de succession Hollande.
  6. Réformer l’enseignement de l’économie
  7. Favoriser l’apprentissage.
  8. Réduire la vie politicienne à deux mandats au maximum.
  9. Baisser le nombre de fonctionnaires en n’en remplaçant qu’un sur trois (hors régalien).
  10. Etablir deux jours de carence pour les fonctionnaires, comme dans le privé.
  11. Limiter le droit de grève dans les services publics.
  12. Baisser les prestations chômage après 1 an.
  13. Supprimer les 35h pour revenir à 39 sans hausse de salaire.
  14. Sanctuariser l’agriculture.
  15. Relancer la révolution verte.
  16. Etablir des statistiques ethniques pour en finir avec les fantasmes et adapter les politiques.
  17. Faire du handicap une cause nationale.
  18. Incarcérer les condamnés à une peine inférieure à 2 ans.
  19. Conduire la politique étrangère sur les seuls intérêts de la France et pas sur « la morale ».

Voilà qui fleure bon le « radicalisme » florissant sous la Troisième République : du bon sens travailleur, le citoyen contre les pouvoirs, la base et la province contre les élites de Paris. Mais aussi le programme de François Fillon, dont il s’avère le plus proche, avec un côté Emmanuel Macron pour le réalisme économique.

Yves Bontaz a réussi à 14 ans le concours de l’Ecole nationale d’horlogerie en candidat libre avec son jumeau et en est sorti major à 19 ans. Il s’est mis à son compte dans le décolletage et a travaillé très vite pour les grandes marques automobiles, fondant des filiales dans divers pays. Son dogme : productivité et qualité ; sa méthode : s’organiser et intervenir où cela ne va pas. « Une théorie inverse de celle du politique » – persiffle-t-il p.28. Il a fondé un orphelinat, une école et un dispensaire à Madagascar, et un centre pour autistes en France. Il a donné des emplois à des milliers de gens, en Haute-Savoie, en France et dans le reste du monde. « Je suis un patron qui jamais, jamais, n’a oublié de privilégier le facteur humain dans la gestion de ses sociétés » p.35.

Tout le contraire des François Hollande et autres Nicolas Sarkozy, n’est-ce pas ?…

Yves Bontaz, Le bal est fini – Le programme choc d’un esprit libre, 2017, édition Jean Picollec, 144 pages dont 6 tableaux et graphiques, €13.99

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Tahiti adopte la gréviculture à la française

Air Tahiti, la compagnie locale a été en grève pendant plusieurs semaines en mai. Dans ce pays grand comme l’Europe, avec quelques confettis pour lieux d’habitations, l’avion sert au transport des médicaments, des produits d’urgence, des evasanés (pour raison médicale, traitements lourds comme dialyse, cancer…). L’hôpital du Taaone a pu constater une forte augmentation des évacuations sanitaires déclenchées par les archipels éloignés. Normalement, Air Tahiti (compagnie locale) transporte des passagers des îles qui doivent consulter des spécialistes à Papeete. Certains rendez-vous médicaux, non urgents, ont pu être reportés, mais ceux qui nécessitaient une prise en charge urgente ? Le Samu à Tahiti a dû pallier à cette défaillance d’Air Tahiti. 75 évasans (évacuations sanitaires) déclenchées en mai contre 49 en mai 2015 et 46 en mai 2014, ça fait une hausse de 50% ! Il a fallu aller chercher ces personnes aux Marquises, aux Australes et aux Tuamotu. Les dépenses supplémentaires ?

air tahiti

L’hôpital facture pour chaque sortie de ses équipes un forfait médical de 366 000 XPF (=3 067€). Air Archipel et Tahiti Helicopters, les principaux partenaires facturent 200 000 XPF (1 676 €) l’heure de vol. Un aller-retour sur les Marquises avec Air Archipel, c’est 7 heures de vol et une facture de plus de 3 millions de XPF (25 140 €).  Ça fait vraiment plus cher que le prix du billet sur un vol régulier d’Air Tahiti, mais bof ! Et si Air Archipels et Tahiti Helicopters ne sont pas en mesure d’effectuer une évasan, on demande à l’Armée et là c’est 602 000 XPF (5 045 €) pour le Dauphin, 672 000 XPF (5 631 €) pour le Casa et 3 millions de XPF (25 140 €) l’heure de vol pour le Gardian.

Et qui qui paie ? Ben c’est la CPS (Sécu de Polynésie) lorsqu’il s’agit de la prise en charge de ressortissants de la CPS ; pour les autres patients, c’est l’hôpital du Taaone qui casque, à charge pour lui de se faire rembourser ensuite !

Selon toute logique, la grève d’Air Tahiti a dû laisser une note très très salée ! Allo Paris ?

Hiata de Tahiti

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2015 à Tahiti, année erratique

Bof, 2015 n’était pas une année extraordinaire au fenua : crimes, assassinats, vols, viols ; tourisme en berne. Le divorce est consommé entre Fritch et Flosse. [Edouard Fritch est le 16ème président de la Polynésie française et Gaston Flosse le 15ème président, son prédécesseur…]

Vendredi 13 novembre un rassemblement devant le monument aux morts à Papeete faisant suite aux attentats perpétrés à Paris a ému les habitants du fenua ; deux vols Air France avec des Polynésiens à bord obligés de se poser en urgence après des alertes à la bombe ; l’état d’urgence affecte aussi les Outre-mer. Avant le début de la COP 21 Edouard Fritch offre un casse-tête marquisien au président de la république, pour l’aider dans sa lutte contre le terrorisme. Symbole du soutien de la Polynésie à la France. En janvier 2015, on était tous « Charlie » même si loin de Paris.

edouard fritch

Le 11 avril, 4 750 joueurs d’ukulele battent le record du monde en jouant ensemble et sans fausse note la chanson Bora Bora.

Mai, Juin, grèves à la CPS (Sécurité sociale polynésienne), Huilerie de Tahiti, Gaz de Tahiti, l’hôpital de Tahiti… les leaders syndicalistes sont en pleine forme, histoire de pouvoir entre chefs ! Sûrement une hausse des cotisations sociales, et toujours un risque cyclonique à 90%.

Nous avons reçu la visite de George Pau-Langevin, ministre des Outre-Mer.

Air Tahiti Nui annonce en février son choix d’acheter deux 787-900 Dreamliner de Boeing et d’en louer deux autres pour le renouvellement de sa flotte.

gaston flosse

Le projet Ecoparc 200 chambres d’hôtel, un golf, une télécabine, la reconstruction d’un village polynésien, etc., tout cela au fond de la vallée de la Papenoo divise beaucoup !

Ouf, c’est fait le contribuable français revient avec des pépètes financer le régime de solidarité… de 2015 à 2017, sous certaines conditions. Envoyez la galette d’abord, même si nous avons signé cet accord avec l’État, nous ne lirons que les lignes « positives pour nous » ! On vous a encore bien leurré ! Il faut avouer que nous sommes et demeurons des experts !

En résumé, du bon, du moins-bon et du pas bon. Bof !

Venons-en aux faits maintenant.

Des projets, des projets, encore des projets. La rétrocession des terrains militaires : cela donne des projets variés, des zones économiques, des espaces culturels, sportifs, un hôtel. A ce jour, 2 100 personnels militaires (groupement du SMA et gendarmerie inclus). Environ 900 personnels militaires et civils devraient quitter la Polynésie à l’horizon 2020. Cela libère des terrains au profit de 6 communes.

oscar temaru

Oscar Temaru en route pour l’Élysée. Ben quoi, il en a le droit, non ? Pour revenir sur le devant de la scène médiatique, il n’y a pas mieux. Il faut d’abord recueillir 500 signatures d’élus nationaux ? Fastoche ! Il a cité François Hollande et Ségolène Royal comme alliés potentiels et comme dis Lolo « plus que 498 à trouver. » A ce jour Oscar aurait déjà près de 80 promesses de parrainage spontanées. Oscar déclare « Si, en Polynésie, la majorité des électeurs votent pour moi, on pourra parler d’auto proclamation de l’indépendance ». Il souhaite créer « les États fédérés de Ma’ohi Nui » en lieu et place des cinq archipels de l’actuelle Polynésie française.

Hiata de Tahiti

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Thomas Philippon, Le capitalisme d’héritiers

thomas philippon le capitalisme d heritiers
Philippon est l’un de ces économistes français qui sont brillants parce qu’ils ont su à temps prendre la tangente. Comme Olivier Blanchard, Bernard Salanié, Philippe Aghion et bien d’autres de gauche et de droite, il enseigne aux États-Unis où il trouve un milieu stimulant et des moyens de recherche de niveau international. Et cela malgré une formation française initiale plus diversifiée, à condition d’être effectuée hors de l’université. On ne peut analyser son propre pays qu’avec un regard extérieur. Et, parce qu’il y a encore de bons éditeurs d’idées en France, Thomas Philippon nous livre une analyse sans jargon du pourquoi il y a crise – proprement française – du travail.

« Ce qui distingue nettement la France des autres pays, c’est le peu de satisfaction que les salariés semblent tirer de leur travail, et la mauvaise opinion qu’employés et employeurs ont les uns des autres. Les difficultés du capitalisme français reflètent ainsi celles de la société en général : on remarque partout la même incapacité à faire émerger des organisations puissantes où les relations sociales se fondent sur une confiance réciproque » p.8.

Il n’y a pas crise de la « valeur travail » en France relativement aux autres pays, comme le montrent les enquêtes. 70% des Français estiment même qu’un parcours des plus enrichissants consiste à créer son entreprise. Le marché du travail, très régulé en France, n’explique pas tout. Une étude montre qu’ « un peu plus d’1/8ème des variations de taux de chômage entre les pays et un peu moins d’1/3 des variations de taux d’emploi » sont explicables par des variables institutionnelles.

L’exception française – car il y en a une ! – réside dans l’incapacité à travailler ensemble : « la France est le pays développé où les relations de travail sont les plus mauvaises, à la fois du point de vue des dirigeants d’entreprises et du point de vue des employés » p.20. C’est pareil, même pire, pour les entreprises d’État ou pour l’Administration ! « Dès qu’un professeur devient proviseur, il passe dans le camp ennemi. Au lieu de dire ‘c’est un des nôtres qui a réussi, on sera peut-être mieux compris’, ils sont méfiants car ils pensent qu’il est passé de l’autre côté de la barrière » (Michelle Lamont citée p.24).

L’histoire patronale a trouvé jadis dans le paternalisme une façon de contourner les conflits, ce pour quoi les entreprises familiales, et surtout les PME, fonctionnent moins mal en France que les autres. Le management moderne « à la française » n’a rien trouvé de mieux que de reproduire dans les grandes entreprises ce qui fait le propre de la hiérarchie sociale elle aussi « à la française » : la neutralité aseptisée et la minutie bureaucratique. Paternalisme comme bureaucratie adorent la « distance » entre les gens.

Les nationalisations idéologiques des années 1980 ont aggravé la situation en perpétuant le phénomène bureaucratique – ce qui a joué un rôle déterminant dans les mauvaises relations de travail en France. Il y aurait tout un livre à écrire sur l’inertie conservatrice des conceptions de gauche en France (élite « alternative », la gauche a toujours une génération de retard au moins dans les habitus de la « civilisation des mœurs »). « En Allemagne et aux États-Unis, deux pays où la confiance entre managers et employés est plutôt bonne, l’organisation de l’entreprise est choisie selon des critères économiques. En France et en Italie, l’organisation de l’entreprise est choisie pour protéger les individus les uns des autres. Cela suppose une définition minutieuse des tâches et des statuts, de manière à ce que chacun puisse se soustraire à l’arbitraire de l’autre » p.43.

Travail d’équipe et convivialité ne sont jamais au programme des entreprises françaises, non plus que des administrations. Ce pourquoi souplesse et innovation ne font pas partie du dictionnaire français : « une entreprise où la promotion interne est juste et efficace et où l’initiative est encouragée, peut multiplier les talents. A l’inverse, une entreprise mal gérée peut transformer des individus ouverts et entreprenants en petits bureaucrates mesquins et craintifs » p.76. J’ai connu plusieurs banques ex-nationalisées où ce modèle s’applique…

L’histoire des salariés a créé (fort tard) des syndicats dont la revendication révolutionnaire attire d’autant moins qu’elle est obsolète. Plus le développement syndical été tardif, plus la confiance dans les relations de travail est aujourd’hui faible. Pour « forcer » leur existence, l’Administration n’a rien trouvé de mieux que de soviétiser leur institution : en désignant elle-même par décret ceux qui sont dits « représentatifs », quel que puisse être le résultat des élections par les salariés eux-mêmes. « La reconnaissance institutionnelle dont bénéficient les syndicats français est moins le fruit de leur représentativité sociale que de décisions politiques prises il y a 50 ans » p.10.

Rappelons-le, « le capitalisme » est un outil, pas une idéologie (c’est « le libéralisme » qui en est une). Cet outil d’efficacité économique est utilisé par chaque société selon ses propres valeurs et habitudes. La France, formée intellectuellement par le droit Romain et par l’Église catholique, a une nette préférence pour l’héritage, la hiérarchie et les statuts. Philippon appelle « capitalisme d’héritier » cette variante française qui tend « à privilégier l’héritage, qu’il soit direct (sous la forme de la transmission successorale) ou sociologique (sous la forme de la reproduction sociale par le diplôme et le statut) » p.9.

« Les relations sociales ont toujours été mauvaises en France, mais leurs conséquences néfastes ont été masquées par le taux de croissance extraordinaire lors du rattrapage économique des années 1950 et 1960 » p.77. « L’absence de coopération au sein des entreprises crée des rigidités réelles au moins aussi coûteuses que les rigidités législatives souvent décriées » p.79. La grève entretient le chômage et la peur du conflit entretient la mauvaise habitude de la « communication de crise ». Or, « la troisième révolution industrielle, avec l’importance accrue du capital humain qui la caractérise, a rendu la coopération au sein des entreprises plus cruciale que jamais » p.82. Oui, le « modèle social français » est bel et bien inadapté au monde moderne et globalisé !

Richelieu Philippe de Champaigne 1637

« Que faire ? » est, paraphrasant Lénine, l’objet du chapitre 5. Une politique industrielle cohérente, selon l’auteur, devrait passer par :

1. Réformer les droits de succession, qui ne devraient pas encourager les transmissions familiales mais être neutre.
2. Financer les PME par la bourse et en finir avec le « grand méchant marché » en insistant sur la transparence et sur la responsabilité des investisseurs.
3. Rénover les syndicats en faisant de l’élection le seul critère de représentativité, au-delà d’un seuil, en incluant parmi les votants les chômeurs et en ne concluant aucune négociation sans règles de révision.
4. Réformer l’État : déjà « balayer devant sa porte ! » p.101. Améliorer la promotion interne, décentraliser la prise de décision, réduire les niveaux hiérarchiques – comme Christian Blanc l’a réussi pour la RATP.
5. Encourager l’esprit critique des médias en contrepouvoir. Les médias sont des garde-fous puissants contre les abus des dirigeants et l’on « peut par exemple douter de l’empressement d’un journal à mener une enquête sur un possible délit d’initiés si celui-ci met en cause un de ses principaux dirigeants » p.104. Les médias peuvent aussi corriger la bêtise ambiante, les affirmations scandalisées des corporatistes qui, par exemple à la SNCF, dénoncent « la course à la productivité » alors que la productivité est justement ce qui permet le progrès technique, le progrès du pouvoir d’achat et l’élévation du niveau de vie de tous à long terme.
6. Réformer le système d’éducation, car il reflète dans toute société le système social. L’enseignement « à la française », qui privilégie le cours ex-cathedra, avec apprentissage servile des manuels, ne prépare nullement à coopérer, à écouter et réfléchir par soi-même, à argumenter et à décider ensemble…

Les défauts des entreprises françaises sont les défauts des habitudes sociales françaises. Ce pourquoi « les Français qui travaillent dans des entreprises étrangères sont plus satisfaits que ceux qui travaillent dans des entreprises françaises » p.109.

Thomas Philippon, Le capitalisme d’héritiers – la crise française du travail, Seuil, collection République des Idées, mars 2007, 112 pages, €11.80

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Trois contreforts à la démocratie

L’exercice de la démocratie ne se réduit pas à voter aux élections, puis à laisser gouverner les représentants. Ce qui était bon pour un peuple encore inculte ne l’est plus d’un peuple désormais éduqué. C’est le mérite de Pierre Rosanvallon que d’étudier ces autres manières de faire de la politique, ces « mises à l’épreuve » que sont les pouvoirs « contre-démocratiques ». Il en voit trois : surveiller, empêcher, juger. Car la défiance est une vertu, celle d’Alain, « le citoyen contre les pouvoirs ». Il ne s’agit pas de cette capacité de détruire qu’ont les oisifs critiquant ceux qui agissent, la dénonciation permanente à la Marat ou à la Bourdieu – mais de cette vigilance qui est coparticipation, réserve de paroles et d’exigences, façon d’être toujours présent dans le débat par le désir d’explications. Il y a donc deux acteurs de la démocratie en chacun : l’électeur et le citoyen.

fn tentation

Surveiller

La démocratie de surveillance est aux origines de la Révolution : il s’agit d’empêcher que s’établisse une nouvelle aristocratie des politiciens en place. Il permet aussi l’exercice pratique de la volonté du peuple par la conversation des rues et les opinions dans les journaux. Il s’agit de vigilance, une façon de structurer le champ d’action des politiciens élus, « une attention minutieuse au terrain » avec « le modèle de l’alarme incendie » qui repose sur des dispositifs disséminés. Les Physiocrates désiraient ainsi un État qui ne soit pas interventionniste mais qui fasse attention. La vigilance citoyenne se manifeste sous des forces multiples : presse, associations, syndicats, manifestations, grèves, pétitions, essais d’intellectuels. « Elle consiste en une sorte d’inspection continuelle des différents domaines de l’action gouvernementale » p.45.

Plus loin, la vigilance peut aller jusqu’à la dénonciation qui est « le contrôle des actes du gouvernement au moyen de la publicité » p.47. On peut très vite en arriver à dénoncer à outrance des scandales ou des complots, et ce fut la dérive de Marat. Mais la dénonciation a aussi une vertu positive : elle conduit « à réaffirmer et à approfondir des normes ou des valeurs collectives » p.50, à la façon de la peur du qu’en-dira-t-on des campagnes. La presse, les sites en ligne et les réseaux sociaux y participent.

La « réputation » a une valeur politique. Elle se manifeste par la notation, troisième forme de la surveillance. « L’objectif est d’expertiser la qualité et l’efficacité d’une gestion » p.58. L’accroissement de l’éducation a fait de cette dernière forme la plus actuellement efficace, même si la dénonciation, par sa facilité et sa fonction défouloir, demeure la plus « populaire ». Les acteurs de la surveillance sont le citoyen, le militant, les sages et les agences indépendantes (inspections, hauts conseils, etc.). C’est ici qu’Internet trouve surtout sa place.

Empêcher

Le consentement est apprécié à son absence d’opposition. Mais la capacité d’empêchement est un pouvoir positif, celui de dire non, la possibilité de révoquer autrement qu’aux dates institutionnelles régulières, sur le modèle des tribuns romains. « Le projet de Héraut de Séchelles, qui sert de base au débat à la Convention (en 1793) en porte la marque » p.141. Il propose d’instaurer un « jury national » élu devant lequel tout citoyen peut recourir pour sanctionner les actes des pouvoirs constitués et à bloquer leur action en attendant de revoir. Ce partage du pouvoir s’est heurté à l’idéologie jacobine qui ne voit la souveraineté que sous la forme de l’Un. L’idée n’est pas condamnable en soit, elle paraît très complexe à mettre en œuvre dans le cadre du régime historique français et des pratiques sociales existantes : le référendum d’initiative populaire, les jurys de citoyens, les débats ouverts avant projets – et les réseaux sociaux – sont des pistes. Mais il faudra du temps et beaucoup de pragmatisme pour acclimater ce vilain petit canard dans la pratique française car il conteste l’apanage des cygnes qui se croient trop nobles pour être discutés.

Le pouvoir d’empêchement a été saisi plutôt par la grève, seul pouvoir effectif des ouvriers peu éduqués et peu représentés au 19ème siècle. Les partis ont pris le relai et une opposition a été instituée officiellement, en France plus tard qu’ailleurs en raison de la même réticence jacobine. Redonner « son rôle » au Parlement est ainsi le serpent de mer de la Vème République – mais notons que Nicolas Sarkozy a bien plus avancé que François Hollande – qui n’a rien fait sur ce sujet.

Rebelles, résistants et dissidents sont d’autres formes de ce pouvoir d’empêcher, en plus individuel. Mais, « déclin du courage, soumission croissante au conformisme ambiant, fatigue de la pensée ? (…) Les mécontents ont remplacés les rebelles ; une exigeante morale militante a cédé la place à un esprit étroitement catégoriel » p.172. Ajoutons une indignation sans lendemain, une manifestation de masse sans résultats concrets. Brailler n’est pas proposer.

Juger

Déjà les citoyens grecs avaient une fonction automatique de jurés. « Juger et voter sont bien deux dimensions inséparables de la citoyenneté pour l’auteur de la ‘Politique’ » (qui est Aristote) p.199. On invalide des décrets ou on dénonce les agissements des démagogues et des sycophantes.

Ce sont les Anglais qui ont accordé les premiers de l’importance à cette fonction de juger, via l’impeachment. Le ‘recall’ américain en démocratise la pratique. Il « est une procédure de révocation des élus qui s’ouvre par une campagne de pétition demandant le renvoi de l’un d’entre eux. Si un nombre minimal de signatures est recueilli (généralement de l’ordre de 25% du corps électoral), un vote est organisé. Pratiquement tous les officiers publics peuvent être concernés, du gouverneur et des membres du Parlement de l’État aux simples élus locaux en passant par les procureurs, les shérifs et même, dans certains cas, les juges » p.211. Un exemple célèbre fut en 2003 la révocation du gouverneur de Californie Gray Davis, suivi de l’élection d’Arnold Schwarzenegger.

En France, ce sont les prudhommes et le jury populaire des cours d’assise qui ont la même fonction, mais limitée par la conception jacobine de la souveraineté. Une loi de 1894 transfère même aux juges professionnels un ensemble d’infractions qui relevaient auparavant des assises. Car les jurés sont peu tenus par la loi votée ; ils édictent une sorte de « loi sauvage », expression directe d’un sentiment populaire que les élus voient d’un mauvais œil, se sentant, dans la conception française, les seuls détenteurs de la « volonté générale » (traduction de la mentalité d’église qui fait des clercs les seuls détenteurs des intentions de Dieu).

La tentation de porter plainte contre les gouvernants et de les mener devant les juges est récente. Pierre Rosanvallon explique ce « glissement vers la judiciarisation (comme) provoqué par l’opacité croissante des processus de décision et de complexification des structures gouvernementales. Il est de plus en plus difficile de savoir qui est vraiment responsable d’une décision. (…) C’est dans ce contexte que le citoyen est parfois tenté d’attendre d’un procès des résultats qu’il a désespéré d’obtenir par l’élection : faute d’un exercice satisfaisant de la responsabilité politique, on cherche à déterminer pénalement un coupable » p.232. Tout procès oblige en effet les parties en cause à s’expliquer publiquement et à présenter des arguments face à un contradicteur égal qui les critique – tout le contraire de la monarchie républicaine « à la française » qui règne dans la pratique politique.

eternel danger a gauche

Surveiller, empêcher, juger, sont les trois moyens citoyens qui confortent et contribuent à la démocratie. Le mérite de Rosanvallon est de nous faire prendre conscience de leur présence dès l’origine du régime démocratique, de leur importance pour qu’une démocratie fonctionne, et des formes nouvelles – comme Internet – qui viennent s’y insérer.

Cette analyse nous montre pourquoi une démocratie ne peut s’instaurer par décret. Ce que voulaient déclencher les néo-conservateurs américains en Irak n’était tout simplement pas possible, faute de la maturité nécessaire à la société irakienne pour se saisir de ces contrepouvoirs là. Une démocratie n’est pas une bureaucratie, une organisation qu’il suffirait de décréter pour que tout fonctionne : c’est une expression de la société tout entière qui participe, veille et conserve un œil critique !

Pierre Rosanvallon, La contre-démocratie – la politique à l’âge de la défiance, 2006, Points essais 344 pages, €9.50

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Services publics de Tahiti rançonnés par les privilégiés

Les bus de nuit restent au garage faute de passagers. Après 4 mois d’activité, la ligne est jugée trop déficitaire pour continuer. Et si à la sortie des boîtes de nuit on installait des lits de camps afin que les gens trop bourrrrrés cuvent avant de rentrer chez eux ? C’était juste une suggestion.

La direction de la CPS (Sécurité sociale de Polynésie) cherche à faire des économies en révisant les avantages de ses agents. M. Du Prel dans son Tahiti Pacifique avait déjà abordé le sujet – épineux. Parmi les « cadeaux », le droit au voyage octroyé à l’agent, son conjoint et leurs enfants hors du fenua – pris en charge par la CPS sur la base d’un transport par avion Papeete/Paris/Papeete en classe économique. Cet avantage est accordé tous les 3, 4 ou 5 ans suivant ancienneté. La révision porte sur une restriction géographique du voyage en le limitant à la Polynésie et à 110 000 XPF par personne – à fréquence inchangée. Les agents devraient être soumis au délai de carence du code du travail local qui prévoit qu’au-delà du 2ème arrêt de travail, le salarié ne perçoit pas d’indemnité jusqu’à 3 jours. La révision concerne également les congés exceptionnels « pas plus de 15 jours par an » qu’aux agents représentant la Polynésie au niveau national et international sur le plan sportif uniquement en retirant les motifs culturel, social et éducatif. Classification de la grille, indemnités de départ à la retraite, avancement, natation, mutation, promotion seront aussi à l’ordre du jour. Entendez-vous les dents grincer ?

lune croissant

La grève se poursuit dans les hydrocarbures. La desserte des Tuamotu est déjà perturbée. Le Kura Ora 2 n’a pu appareiller. Total Polynésie bloque les distributions d’essence, gazole et carburant avion. Le carburant avion Jet A1 d’Air Tahiti dans les atolls est livré par la goélette en cubis de 1 850 litres pour permettre aux avions de faire le plein avant de regagner Tahiti. Les stations d’essence dans les îles éloignées souffrent aussi ; les pêcheurs, les agriculteurs sont tous victimes de cette grève eux qui reçoivent le divin liquide par fûts !

On a pêché des trocas à Teva i Uta, les coquilles seront vendues à la Corée du sud. Les agriculteurs réclament des terres agricoles. Le pays dispose de terres domaniales mais, car il y a un mais, il faudrait tracer des routes pour y accéder ! On réclame également un tracteur et un broyeur au ministre de l’agriculture encore faut-il faire une demande écrite, monter un dossier, et le ministre de leur répondre qu’il serait temps que les agriculteurs de Teva i Uta mettent en place leur coopérative pour mieux défendre leurs intérêts.

Début décembre, après 20 ans de préparation on a posé la première pierre du futur collège de Teva i Uta. Ce collège aura une capacité d’accueil de 600 places, permettra de désengorger les collèges de Papara et de Taravao, tous deux en sureffectif depuis plusieurs années. Il sera construit en bas de l’usine Morinda, les travaux débuteront fin février 2015 pour une livraison prévue pour la rentrée 2016.

Le belvédère de Taravao connait actuellement la phase finale des travaux commencés en septembre. 10 millions de XPF. Ce sera un site plus accueillant, plus pratique, plus pédagogique. C’est la Normandie ici avec des près verdoyants, des vaches ruminant, une vue à couper le souffle sur le lagon. Une table d’orientation installée, un circuit pédestre sécurisé au niveau du lac Vaiufauta, l’ancien fare pote entièrement refait à neuf, remplacement des barrières, enrochement des terrasses hautes et basses, tables de pique-nique, création d’une aire de parking, et pour bien faire une rénovation complète de la route qui mène à ce belvédère.

Hiata de Tahiti

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Jaurès, mort en 14

Il y a un siècle, juste avant la Grande guerre que célèbre tant François Hollande, dans un monde à jamais finissant, un étudiant inspiré par l’Action française assassinait Jean Jaurès, socialiste emblématique, au café du Croissant, rue Montmartre à Paris. Trois jours plus tard, le nationalisme patriotard envahissait les esprits, la guerre était déclarée et les millions de morts allaient joncher les champs, les bois et les monuments des villages.

jaures et l humanite

Célèbre et méconnu, Auguste Marie Joseph Jean Léon Jaurès était né paysan sous Napoléon III, élevé au méritocratisme républicain avec bourse, entré par ses propres forces à Normale Sup, ce temple de la bourgeoisie parisienne, avant d’entreprendre une carrière d’enseignant Troisième République. On aurait pu rester dans Pagnol, on se retrouve dans Hugo. L’orateur barbu popu, Tartarin tonnant du Tarn, a la générosité naïve de ceux restés près du peuple. Il est élu député républicain. Ce n’est qu’après la grève des mineurs de Carmaux, contre le licenciement d’un ouvrier trop absent du fait de ses fonctions de maire, que Jaurès se révèle socialiste : il n’accepte pas la remise en cause du suffrage universel par les nantis propriétaires.

Saint laïque pour la gauche française, il fonde le Parti socialiste, le journal L’Humanité puis la SFIO. Arrimé à la base, il reprend les idées de Marx non sans les critiquer (notamment le naïf coup de force prôné par le Manifeste), mais il reste avant tout chrétien humaniste, désirant prolonger la marche en avant du Progrès humain dans l’Histoire commencée sous les Juifs de la Bible. Il croit à la république et à l’extension des droits démocratiques de tous contre les égoïsmes des possédants, la puissance de l’argent ou l’arbitraire des institutions (ce pourquoi il a défendu Dreyfus). Sans pour cela ravaler les bourgeois ou les Juifs financiers au rang de cloportes à écraser : « Nous ne sommes pas tenus, pour rester dans le socialisme, de nous enfermer hors de l’humanité ». Les revanchards de la gauche contemporaine devraient méditer cette morale – dont ils ont pourtant plein la bouche.

Si Jaurès reste une icône, c’est qu’il représente ce XIXe siècle qui s’est fini le 2 août 1914.

1. Il a la pureté du socialisme idéaliste, jamais encore compromis avec le pouvoir (et les reniements du vote des pleins pouvoirs à Pétain, l’Algérie c’est la France du ministre Mitterrand et la mobilisation du contingent par Guy Mollet, les trois dévaluations de 1981-82 et les « affaires » du septennat finissant, sans parler du mensonge Cahuzac et des fausses promesses du béat qui nous gouverne).

2. Il a l’esprit critique républicain, formé aux écoles classiques, sans jamais devenir cet « idiot utile » du communiste de parti comme furent Sartre, Aragon, Duras et tant d’autres intellos ou artistes. Au contraire, écrivaient avec Jaurès dans L’Humanité des personnalités originales comme Anatole France et Jules Renard.

3. Il a la naïveté universaliste, au temps où l’Occident croyait encore en sa mission civilisatrice et se voyait comme l’Universel en marche pour l’humanité entière, à la Victor Hugo – temps bien enfui depuis que le « tiers » monde a émergé à marche forcée.

4. Il a le socialisme encore humaniste, avant le national et avant le collectiviste, ces deux mamelles de Marx & Engels tétées par Mussolini et par Lénine, chacun des deux inspirant des épigones bien pires encore (Hitler, Mao, Pol Pot, Kim Jong il). Le socialisme « réalisé » (ainsi qu’on disait en URSS) a plus fait CONTRE le socialisme que le diable capitalisme : dès que les peuples enfermés par le rideau de fer ou de bambou l’ont pu, ils ont très vite voté avec leurs pieds – préférant vivre avec « le diable » que sous la « morale socialiste ».

5. Il a le socialisme démocrate, ancré dans la base ouvrière, celle qui s’est perdue après Mitterrand et que les montebourgeois qui plastronnent insultent de nos jours par leurs rodomontades de communicants, tout dans les mots, rien dans les faits. « A la question toujours plus impérieuse : comment se réalisera le socialisme ? il convient donc de répondre : par la croissance même du prolétariat qui se confond avec lui. C’est la réponse première, essentielle : et quiconque ne l’accepte point dans son vrai sens et dans tout son sens, se met nécessairement lui-même hors de la pensée et de la vie socialistes » (1901, Question de méthode – à Charles Péguy).

jaures assassine paris cafe le croissant

François Hollande, au lieu de « célébrer » la guerre, pourrait utilement redonner du sens à Jaurès : il pointerait combien il reste peu de socialistes en vérité, malgré leur appartenance de circonstance au parti qui distribue les places.

Le socialisme XIXe de Jaurès est mort en 14, le socialisme contraignant de l’URSS est mort en 89, le socialisme jacobin donneur de leçons franco-français est mort en 14 (un siècle après), lors des Municipales et des Européennes… Reste à inventer le nouveau – et probablement sans les socialistes !

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Première exposition La Vie du Rail

Les éditions de La Vie du Rail organisent la première fête du livre et de la photographie ferroviaires

le vendredi 8 novembre de 13h30 à 18h30

au 11 rue de Milan à Paris

vie du rail expo 2013

Elle est destinée aux lecteurs ferroviphiles, à tous les curieux, les amateurs de circuits, les connaisseurs, les amoureux de beaux livres et de photographie. La Vie du Rail est une revue interne de la SNCF, fondée en 1938 et qui a pris le nom de Vie du Rail le 7 janvier 1952. Devenue éditeur spécialisé dans le ferroviaire depuis quarante ans, elle fonctionne avec les capitaux de la SNCF (10% du capital), la société du personnel de La Vie du Rail (5 %), La Vie-Le Monde (5 %), Ouest-France (5 %) et la MAAF (4 %). Vincent Lalu et Associés détiennent 71 %. L’édition magazine vise un public plus large de lecteurs intéressés par le chemin de fer en plus d’éditions régionales qui s’adressent aux salariés de la SNCF.

Comme toute la presse, La Vie du Rail perd des lecteurs à très grande vitesse, passant de 137 506 en 2002 à 59 275 en 2011. D’où peut-être cette idée d’exposition pour faire connaître la vénérable revue et raviver l’émotion du train. Qui n’a jamais pris le train, moyen de transport incomparable lorsque le personnel n’est pas en grève et que le climat se maintient entre -1 et + 30° ? Qui n’a pas, enfant, dessiné des circuits compliqués en rêvant de maquettes entre lesquelles faire circuler le train électrique familial ? Qui n’a pas été impressionné par les grosses machines à vapeur, la Bête humaine de Zola ou par l’élégant et effilé TGV au museau de requin ?

trains france 1944 1974 2004

Les ouvrages présentés dans l’exposition :

Rail Pass est une formule d’abonnement qui permet la consultation illimitée des numéros en cours de publication, et des archives de plus de 2 ans pour 10€ par mois soit 120€ par an pour tous les magazines ou 5€ par mois ou 60€ par an pour un seul.

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Maxence Van der Meersch, Gens du nord

maxence van der meersch gens du nord

Le lecteur curieux des humains se plongera avec délices dans cette anthologie de romans chtis des années 30. Maxence Van Der Meersch, fils de comptable né à Roubaix et devenu avocat et écrivain, est né en 1907 et mort en 1951. Il est tombé dans l’oubli, malgré son prix Goncourt 1936 pour L’empreinte du dieu, une histoire de mariage, d’amour et de jalousie. Nous sommes dans le populaire, un Zola qui ne serait pas entomologiste mais plein d’empathie, un style littéraire repris depuis par Gilbert Cesbron, Louis Guilloux, Bernard Clavel et d’autres. Du réalisme pour l’édification, le vrai au travers de la réalité.

Les cinq romans ici repris parlent de contrebande de tabac dans ces confins de Flandres, entre la France et la Belgique ; des conséquences d’une grève ouvrière décidée par les syndicats sur les ménages ouvriers partagés entre la volonté de se battre et la misère de ne plus toucher de sous ; de la hantise du mariage socialement requis, de la jalousie et de l’amour ; de la pauvreté depuis l’enfance qui marque à jamais dans sa chair et ses mœurs. La hantise est le sexe, découvert très tôt brutalement, filles comme garçons troussés dès 12 ou 13 ans par les contremaîtres ; l’angoisse de « tomber » enceinte, d’être abandonnée à sa misère avec le bimbin à nourrir sans pouvoir travailler, de ne jamais pour voir « se ranger » dans le mariage pour avoir « fauté ». Les hommes ne pensant qu’à cauchier pour queutcher, coucher pour copuler comme on dit là-haut. L’autre hantise est l’argent qui peut tout, qui sait tout, pour qui on se compromet sans vergogne. La bourgeoisie, aux yeux de Van der Meersch, est coupable d’abandon, de rejeter pour se hausser du col, d’exploiter et de se croire tout permis. Tous les patrons ne sont pas pourris, il en existe de paternalistes, catholiques et traditionnels, mais souvent bien mal récompensés.

La fille pauvre, dernier roman en trilogie de l’auteur et largement autobiographique, comprend bien des longueurs et était déjà archaïque lors de sa parution, l’État-providence ayant pris la place du destin depuis la guerre, mais il ne sombre jamais dans le misérabilisme, malgré les tentations. Denise, c’est Gavroche femelle, dévouée aux autres, tout amour, une réincarnation du Christ sans le savoir. L’auteur a la morale teintée de christianisme, très fort dans le Nord. Adhérent aux idées de la gauche socialiste sur la misère ouvrière, rêvant d’utopie sociale, il n’est militant dans ses romans que par la réalité crue qu’il présente, pour laisser le lecteur juge.

Le plus intéressant pour nous, aujourd’hui, est sans conteste Invasion 14, qui conte Lille et sa région occupée par les Allemands de 1914 à 1918. L’année 2014 va probablement nous bassiner au travers des médias et des fonctionnaires de la culture pour « commémorer » la boucherie industrielle chauvine de 1914. C’est une autre vision, à ras de peuple, que nous offre Van der Meersch. Les vainqueurs sont arrivés fringants dans le Nord, ont pillé et réquisitionné sans vergogne, ont maté toute velléité de résistance. Et puis la guerre s’est installée, le front à une dizaine de kilomètres. Les soldats allemands revenaient à l’arrière s’y refaire, assommés d’obus, blessés, des horreurs plein les yeux. A la fin du conflit, d’autres, très jeunes allemands de 16 à 18 ans, montaient au front dans la terreur, blonds et roses, encore tendres et épris d’affection. Les Français ont agi selon leur tempérament, rendu célèbre par la guerre suivante : l’égoïsme, la délation, le trafic, la putasserie, la trahison. Il y eût, comme d’habitude, très peu de « résistants » – et souvent ignorés, anonymes.

maxence_van_der_meersch photo

Nous rencontrons les habituels fonctionnaires stupides, envoyant l’ordre d’évacuation par la poste et non par télégraphe, alors que l’armée ennemie est en marche forcée ; les sempiternels « élus » démagogues qui veulent se faire bien voir de tout le monde, surtout des plus forts ; les patrons réalistes donc collabos, d’autres arcboutés sur l’honneur et la résistance ; les ralliés de la dernière heure, collaborateurs et traîtres qui postulent à la Légion d’honneur dès la guerre terminée ; les ménagères de 50 ans qui font l’opinion, tour à tour hostiles aux Boches, puis coulantes avec les filles qui fraient, avant de se rengorger dans leur honneur sexuel quand tout est fini – et de tondre les filles ayant fauté, haïssant l’enfant né de l’ennemi.

L’auteur pointe le racisme déjà présent en 1914 parmi les Allemands : « il y mettait une sorte de chauvinisme, cet orgueil de race, cette fierté d’appartenir au sang germanique qu’on leur inculquait à tous depuis si longtemps » p.518. Ceux qui ont « découvert » l’obsession raciale nazie 30 ans plus tard sont vraiment des naïfs ! Ils avaient la volonté de ne surtout pas voir, le culte ancré du déni.

Il montre aussi la brutalisation engendrée par la guerre et les conditions d’existence occupée. « Il était d’ailleurs profondément changé depuis son retour ici. Il avait trop souffert. Il était aigri, amer. Il ne parlait guère, n’avait pas d’ami, n’aidait personne et ne demandait l’aide de personne (…) Il avait rejeté avec une espèce de fureur tout ce à quoi il avait cru. Il en était venu à un désespoir tranquille et muet. Il avait trop vu la réalité de l’existence, les forts opprimant les faibles, les injustes triomphant, une universelle férocité chez les Français comme chez l’ennemi, l’envie, les haines, les égoïsmes d’un troupeau de misérables qui n’arrivaient pas même à s’aimer, à se secourir l’un l’autre » p.548.

Une suite datée, située, mais bien écrite, dans un français très pur. Qui s’intéresse aux autres et pas à son nombril comme les parutions d’aujourd’hui.

Maxence Van der Meersch, Gens du nord (La maison dans la dune 1932, Quand les sirènes se taisent 1933, Invasion 14 1935, L’empreinte du dieu 1936, La fille pauvre 1934-1955), édition et préface Jacques Duquesne, Omnibus 2010, 1221 pages, €24.70

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Ma vie sous les tropiques

Les enfants ont repris le chemin de l’école, la vie retrouve son train-train, je vais vous raconter quelques anecdotes de ma vie sous les tropiques.

DEPUIS PUHI

Mes connaissances me proposent d’aller à Puhi, plateau de la presqu’île. Ce ne sera pas de refus. D’après le dictionnaire, Puhi signifie souffler (sauf pour le vent) mais aussi désigne une murène ou une anguille. Il faut d’abord rejoindre Miti Rapa, s’engouffrer dans la montée pour rejoindre le lotissement Noordorf puis continuer par un chemin étroit sur l’arête. Il y a encore quelques cultures, des farfelus qui habitent cet endroit isolé, ouvrir la chaîne qui barre l’accès et indique un terrain privé, être bon conducteur et surtout avoir un 4 x 4. On entend seulement quelques oiseaux et le bruissement d’une cascade, peu chargée en eau en ce moment. Après plusieurs kilomètres de montées, descentes et montées, nous arrivons sur le plateau. Ici, pas de bruit. On domine la côte depuis Papara jusqu’à Taravao et au-delà. C’est juste un peu couvert mais comme vous le constaterez sur la photo, vous pourrez distinguer la pointe du golfe de Papara, les deux motus de Mataeia, Papeari et les anses, Taravao, la baie de Phaeton. Quelle vue ! On aperçoit les champs d’ananas du « vieux Chinois ».

CHEZ VERO

Dans quelques mois on apercevra la prison de Papeari ! Peut-être même pourrons nous échanger quelques signaux avec ses occupants.

DEPUIS PUHI

Ce matin mon amie et moi sommes allées sur ses terres. Non, non, pas Puhi mais à Vevera qui se trouve côté montagne sur la route de Vairao toujours à la presqu’île. Il y a une sacrée montée avec de jolies maisons accrochées au flanc, puis un beau plateau occupé par quelques rares maisons. Il suffit de s’arrêter quelques instants pour jouir d’une vue magnifique vers le large. Aujourd’hui l’océan était doux et calme, peu de bateaux. Il est vrai que la Billabong Pro était terminée, car au bout de cette route Teahupoo, sa vague et son tunnel d’eau monstrueux connus des professionnels du surf mondial.

VEVERA

La douchette du lave-bassin de mon amie a rendu l’âme. Chez Ace, on trouve tout (matériaux bricolage, construction, etc.) ! Le rayon tuyaux de douche est tenu par un homme. Aïe ! Comment lui expliquer qu’elle cherche une douchette, pas l’installation complète. Oui, oui, il en reste  encore une mais c’est complet, avec le tuyau, le robinet, enfin toute l’installation. Mais Madame, si tu veux tu peux aller voir au rayon arrosage, ils ont des pistolets à mettre au bout d’un tuyau, vas voir. Mauruuru (merci). Elle reviendra,  souhaitant la présence d’une femme cette fois-ci ! C’est bon, cette fois-ci c’est une femme. « Je cherche une douchette pour lave-bassin ». Deux trois minutes, la fille a saisi, elle lui montre le sachet vu précédemment… « Non, merci, aurais-tu la douchette seule ? Non, Madame mais vas voir au rayon arrosage jardin. » Ok mauruuru ! Moi : « tu es sûre qu’ils ne vendent pas des lances à incendie ? » La douchette n’est toujours pas remplacée !

Il manquait beaucoup de produits sur tous les rayons de commerces de Tahiti et des îles. Encore une grève ! Le syndicat CSTP-FO a paralysé le port autonome laissant décharger les cargos qui se succédaient mais bloquant la sortie des conteneurs pour la ville. Les denrées périssables itou ! Les fournitures scolaires itou ! Maintenant la grève est terminée et il y a mille et un conteneurs à « dépoter ». Je n’ai pas compris le pourquoi de cette grève et si j’en crois « P’tit Louis », c’est une histoire de sécurisation des toilettes de la zone sous douane. C’est quand  même un sacré farceur « P’tit Louis », mais si les agents du port ne peuvent pas aller pisser sans recevoir un conteneur sur la tête… c’est autre chose. Enfin un syndicat qui joue à Dame Pipi.

Mon jardin suspendu est magnifique. Je suis fort satisfaite de mes plantations à part les petits piments doux qui refusent obstinément de montrer le bout de leur nez, ainsi que la coriandre qui elle aussi refuse de pousser. Dans quelques semaines j’irai, coiffée de mon chapeau,  récolter du Persil géant d’Italie bio, des côtes de bettes bios, des tomates cerise, des gombos, des feuilles de chou frisé vert demi nain, des pastèques miniatures, des laitues, des courgettes, des courges sucrines, des concombres et des aubergines. J’ai, pour cela, prévu un grand  « panier-marché » !

gamin cuir motard

Et ce gamin de 11 ans qui mobilise 10 gendarmes et des pompiers pendant une soirée avec ses fausses allégations. Il a fait croire aux gendarmes qu’il assistait à une exécution ! « Un homme pointe ma tatie avec un pupuhi (fusil à harpon) et menace de la tuer ! » Aux pompiers il avait raconté une histoire toute aussi sordide. Ce gamin se destine peut-être à devenir scénariste dans le futur ? Il a une carrière toute tracée.

C’était donc les nouvelles aoûtiennes du fenua, portez-vous bien.

Hiata de Tahiti

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Hiata en vacances

Abandonnant sa famille, ses fleurs, son jardin suspendu, ses chats, son coq, ses poules, Hiata s’est envolée pour Paris. Partie le jeudi à minuit moins deux, elle arriva après une escale américaine à Los Angeles, le samedi matin à Paris Charles de Gaulle. Partie en tenue printanière avec 34°C, elle trouva des congères (enfin pas tout à fait) de froid, une bise glaciale et un thermomètre affichant 8° tous petits degrés centigrades. Brrh ! Les vacances commençaient bien !

tour eiffel paris

Une bonne âme était venue me chercher avec ma petite valise. Merci à elle. Il faut vite se réhabituer au trafic automobile, aux incivilités, aux jeunes Roms qui se précipitent sur le pare-brise pour tenter de le laver et le coup de pied dans la portière quand leur espoir est déçu ! Ici aussi il y a des incivilités mais les Popa’a auraient tendance à penser, « bah ! ce ne sont que des « Indigènes »…

Les Parisiens semblaient tristes et blasés, les mendiants plus nombreux, les prix au marché et dans les magasins très élevés, les commerçants peu avenants, les cyclistes et certaines motos sur les trottoirs : mais que se passe-t-il dans ce beau pays ? Moroses, privés d’emploi et donc de revenus, n’apercevant plus la ligne d’horizon, les Français verraient-ils tout en noir ?

Loin des bleus du lagon, la morosité me gagne, froid et pluie aggravent cette situation. Que suis-je venue faire dans cette galère ? J’avais rêvé de cerises gourmandes et juteuses, il y en a peu ; les fraises espagnoles vantent les pesticides ; les maatjes (petits harengs crus) ont fait leur apparition sur le marché, et cela me renvoie aux Pays-Bas plusieurs années en arrière… Je retrouve mes amis de toujours, les Thaïlandais qui eux aussi ont atteint l’âge de la retraite et qui vont retrouver leur Bangkok natal après plus de trente années passées sous le ciel de Paris. La SNCF me piège évidemment avec une grève inopinée.

Retourne au fenua, Hiata, tu y seras mieux et certainement moins râleuse qu’ici !

torse nu ado

Ce qui fut dit fut fait. J’ai retrouvé ma basse-cour, les bleus du lagon, mes amis et mes habitudes. J’ai beaucoup de faits à raconter car durant mon absence, même si celle-ci fut courte, il s’est passé pas mal d’évènements. A bientôt donc.

Hiata de Tahiti

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Plage familles

Les familles à la plage transportent la maison sur la grève.

gamine creuse le sable

Parasol, matelas, tente coupe-vent, matériel à fouir le sable ou à pêcher la crevette, glacière parfois, tout rappelle le home. Avec le sable en guise de pelouse.

enfants plage

Il s’agit d’occuper un territoire, ni trop proche des autres, ni trop loin, afin de pouvoir socialiser.

gamin en slip cherche coquillages

Ce sont souvent les enfants sortis des vagissements qui engagent la conversation.

eternuer torse nu

Un ballon tombé trop près d’un dormeur encrémé, des excuses pour le sable qu’on déplace et qu’un vent vicieux envoie sur l’allongée aux lunettes noires, et voilà le voisinage conquis. Papotages et ragotages sont un plaisir partagé.

imiter son copain torse nu

Sauf à être snob et à se juger meilleur. Auquel cas la famille est comme un château fort. Aucun regard sur les voisins, ils sont priés d’admirer. L’organisation de la mère de famille envers les petits, l’autorité du père de famille sur les moyens, la prestance des filles et les muscles des ados, l’engouement de tous pour aller dans l’eau, nager en virtuose, s’ébrouer d’un coup, puis se ranger sur les nattes, toute peau dehors pour bronzer.

tahiti en bretagne

Certaines plages sont faites pour se montrer, d’autres pour s’isoler. Certaines pour jouer, d’autres pour pêcher. Tout l’art est de s’organiser et de le montrer. Le déshabillage sur la plage est tout un style qui révèle son statut.

fille se deshabille plage

Pâleur gamine et gros seins maternels dénoncent la mère poule.

seins de plage

Surf ou bateau prouvent que, même dans le farniente d’été, être actif est un art de vivre.

gamin surf

bateau plage

Se mouiller les pieds ou les fesses ne dit pas la même chose des gamins observés.

gamin en slip dans un trou d eau

Certains font le mort presque nus, d’autres jouent presque tout habillés.

gamin mort jeu de plage

Question de style…

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Fin des classes

Le 5 juillet c’est fini, définitivement, presque la semaine des quatre jeudis. Les écoles ferment et les classes ne vont reprendre que dans deux mois.

Certains poussent un ouf de soulagement ! Et pas seulement les profs en très long congé. Pour les élèves, il fait trop chaud pour travailler, et puis ils en ont marre de l’autoritarisme scolaire.

J’ai vu un ado, la dernière heure du dernier jour, à la sortie d’école, aviser la première poubelle publique de la rue pour y jeter pêle-mêle tous ses cahiers scolaires. Sans en excepter un. Sous l’œil d’une de ses profs dont le sourire, figé, voulait dire qu’elle s’en moquait mais pas tant que ça après tout. J’ai entendu ses copains appeler le garçon Stéphane. Il a 15 ans et ne reviendra jamais à l’école. Il se destine au métier de jardinier et l’abstraction des cours lui sort par la tête.

Passer des examens ça va encore, on participe, mais passer d’une classe à l’autre d’une année sur l’autre, c’est rester passif à écouter la parole autorisée d’enfeignants de moins en moins respectables – quand ils ne sont pas en grève, ou « malades ». Ne voilà-t-il pas qu’une prof de math dans un département du sud que je connais bien, s’est mise en tête de se présenter aux élections législatives ? Pourquoi pas, c’est citoyen… sauf quand on abreuve ses Quatrièmes de propagande pro-Mélenchon en cassant du sucre sur le Président précédent. A 14 ans, on devient vite très critique envers ces faux adultes qui prennent leurs opinions pour la Vérité révélée ; qui prônent « la démocratie » du haut de leur chaire ; qui réclament le débat tout en pratiquant le « taisez-vous » ; qui mélangent Mélenchon au mélange tout « enseigné ». Alors, oui, vivement les vacances !

Un regret quand même, on quitte les copains pour un temps. Peut-être ne sera-t-on pas dans la même classe l’année prochaine ? Ce pourquoi les filles papotent sans fin à la sortie.

Quand on est garçon, autant profiter du soleil sur les pelouses pour jouer une bonne fois encore avec les autres. La ville prend un air d’insouciance et de jeunesse avec ces gamins échappés des geôles de dressage comme des tee-shirts éprouvants par 33°.

Même si la date officielle n’est pas arrivée, il y a les jours fermés pour cause d’examens, les vacances en avance par accord municipal, les sorties scolaires où une part est réservée aux jeux. Et il y a ceux qui « sèchent ». Mais comment distinguer ceux qui font évaporer la sueur torse nu de ceux qui évitent l’école ?

Tandis que les plus grands se reposent, les collégiens se bourrent les muscles à coup de ballon cuir pour réussir mieux que les Bleus – lamentablement pourris de fric et d’égoïsme, comme d’habitude.

On s’arrose copieusement à coup de jets, exercice quasi sexuel, presque nu et la buse en érection, ravi du glapissement de série TV des filles émoustillées. Certaines ne sont pas en reste pour les « trop bogoss » qui ne les regardent pas assez.

D’autres, plus petits, draguent en polo trop grand…

…avant de se ravitailler au stand des friandises, rangées sur la tapis magique au bord de la pelouse et tenues par les parents de garde.

Bonnes vacances, les kids !

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Jonathan Coe, Bienvenue au club

J’ai beaucoup aimé ce gros roman d’adolescence où un certain nombre de garçons et filles de Birmingham découvrent le sexe, la culture, la politique – en bref la vie – au travers de leurs expériences d’école et de rencontres. Le club des Rotter est en anglais la bande des sales types. Sauf qu’il s’agit d’un nom de famille à peine déformé (Trotter) que portent Lois la fille aînée, Benjamin le second et le diabolique petit Paul, cadet. C’est autour d’eux que tourne l’histoire, leurs amours, leurs mésaventures, leurs copains et copines.

A l’anglaise, bien loin du pesant « de rigueur » chez les branchés bobos français, on rit souvent à la lecture de ces pages. Ce n’est pas parce que les années 1970 étaient des années où dominait la couleur marron, les grèves syndicales à répétition, les voitures anglaises de mauvaise qualité et la montée du mouvement national contre l’immigration qu’on doit faire la gueule. Margaret Thatcher pointait son nez sur les affiches mais la vie était belle parce que les ados s’en foutent, de la politique. Sauf lorsqu’elle les touche directement : attentat irlandais dans un pub, matraquage policier d’une manif, pouvoir de cuissage syndical sur les femmes de l’usine, compte-rendu percutant dans un journal, ce qui permet un voyage à Londres à 16 ans et les 36 positions du kama-soutra avec une journaliste adulte…

Nous étions dans les années culture, où le classique avait encore du prestige, incitant les ouvriers à lire les auteurs pour ne pas se faire piquer leur femme par des profs beaux parleurs (un grand moment du livre). Dans les années musique où des groupes de rock et autres sous-sectes surgissaient de nulle part, qui ne songeaient qu’à tordre les sons en rythme pour insuffler de l’énergie aux adolescents. Dans les années ascenseur social où les notes à l’école permettaient l’accès à l’université, chacun devant exceller dans au moins une matière.

Benjamin, Doug, Philip, Steve (Noir jamaïcain sportif « aux cuisses musclées et aux pectoraux luisants »), côtoient Claire, Cicely, Jennifer, Emily et autres Miriam. Tout cela se mêle, les écoles étant devenues mixtes. Sauf le sport, qui a lieu entre élèves du même sexe, ce qui rend cocasse le règlement en cas d’oubli de son maillot de bain, autre grand moment du livre. Mais le sport n’est pas désiré par tous, d’où l’idée lumineuse de ces excursions de marcheurs, où les filles sont admises et où régulièrement les élèves se perdent, chaque mercredi dans les bosquets touffus…

C’est drôle, captivant, empli de psychologie. Vous avez une vraie analyse sociologique – une époque et un milieu – sous des dehors légers. L’école, les parents, la famille, font de ces adolescences une suite de lieux fermés où il se passe quelque chose. Non pas contre le monde (ainsi qu’il en est aujourd’hui) mais en rythme avec les grands ébranlements d’époque comme la montée de la droite, le rejet de l’immigration, les attentats de l’IRA, la métamorphose des groupes musicaux. Les habitudes sociales se télescopent, dans un humour parfois ravageur, telle cette fameuse page 73 : « Vous connaissez Morales ? – Je ne crois pas, répondit-elle, décontenancée. – Vous ne connaissez donc pas ‘La Vierge à l’Enfant » ? – Vous savez, on a pas beaucoup l’occasion d’aller au pub, avoua Sheila ». Ce quiproquo bien amené, l’air de ne pas y toucher, est pour moi irrésistible. Les pubs anglais ont toujours de ces noms composés comme ça, ‘L’ancre et la chope’, ‘La cuisse et le cochon’, et ainsi de suite. Il y en a plein, drôles ou graves, de ces chocs là. Comme la découverte de l’existence de Dieu à cause d’un slip.

L’auteur use habilement de plusieurs procédés dont le patchwork ajoute à l’intérêt plutôt que de hacher le texte. Récit personnel, histoire racontée, bulletin du lycée, chronique de journal, lettre, tout participe à rompre la cadence et à faire du style une polyphonie. Jusqu’à ce délire amoureux qui clôt le volume, une performance de 50 pages sans un seul point ! Un tel lyrisme personnel ouvre une époque adulte d’optimisme, malgré le monde ambiant. Benjamin est amoureux de Cicely, qui est le prénom Cécile mais aussi, en anglais, la ‘petite cigüe’. C’est dire combien cette fille trop belle, trop indifférente, est un poison pour tous ceux qu’elle captive et capture. Tous, sauf un… Devinez qui ? Et c’est là où l’on craque.

‘Bienvenu au club’ connaît une suite, ‘Le cercle fermé’, qui sera chroniqué prochainement.

Jonathan Coe, Bienvenue au club (The Rotter’s Club), 2001, Folio 2010, 543 pages, €7.98

Jonathan Coe, coffret deux volumes : Bienvenue au club et Le cercle fermé, Folio, €15.96

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Réfléchir sur le nucléaire

Les glapissements millénaristes des prêcheurs d’Apocalypse empêchent de penser. Ils incitent à voter contre leur parti au niveau national, tant l’immaturité politique et la naïveté sociale y règnent. Le nucléaire est dangereux ? Certes – mais vivre aussi est dangereux. La cigarette fait plus de morts que les rayonnements chaque année, et bien plus de CO². Mais de cela, les zécolos-politiques ne disent rien.

Reste qu’il faut penser le nucléaire puisque le risque existe et qu’il se multiplie. Three Miles Island était un coup de semonce en 1979. Tchernobyl le désastre de tout un système, socialiste soviétique, comme quoi le « tout État » ne protège en rien des catastrophes industrielles, contrairement à ce qu’on entend ici ou là. Les ingénieurs ne sont pas meilleurs dans la fonction publique, on peut même soupçonner qu’étant moins payés, ne restent que ceux qui ne peuvent être appelés ailleurs pour leurs talents… Fukushima montre que, dans un pays très développé, nanti d’un État puissant, où l’énergie est décentralisée (au fond, tout le rêve des zécolos français), une catastrophe peut se produire et se développer. Ce n’est pas le tremblement de terre mais le tsunami par conséquence qui a submergé les sécurités. Un tel enchaînement de causes est exceptionnel, il n’arrive guère statistiquement qu’une fois par siècle. C’est ainsi que règnent les probabilités, à 99% de chances de ne pas courir le risque. Mais l’année où cela vous arrive, vous êtes à 100% dedans.

Alors faut-il « sortir » du nucléaire ? Bien sûr il le faudra, comme du charbon, du pétrole et des autres énergies fossiles. Pourquoi ? Parce que la planète est limitée et que ses réserves sont pour un siècle en minerai d’uranium, pas plus. La question est de sortir quand et comment.

Les naïfs réclament « tout, tout de suite ». Ils agissent en gamin de deux ans qui trépigne quand son désir n’est pas satisfait sur le champ. Mais est-ce socialement, économiquement, politiquement possible ? C’est là où divergent les  zécolos mystiques des zécolos qui pèsent et qui pensent. Les premiers sont hélas en France bien trop nombreux. Ils recyclent depuis un millénaire les utopies d’un autre monde hors du monde, celui des errants gyrovagues qui prêchent l’Apocalypse pour l’an prochain, les simplets de la croisade « des enfants » qui dit leur immaturité, croyant n’importe quel « berger » à grande gueule et gros bâton, chef de secte qui attire autour de lui les donzelles et les jouvenceaux pour mieux en jouir.

Sortir quand ? La société n’est pas révocable par décret. Les gens vivent, travaillent, consomment, élèvent des enfants. Que faire pour assurer la transition la meilleure pour tout le monde entre énergie nucléaire et énergies soutenables ?

1. Déjà, s’assurer que ce qui existe, et qui ne va pas disparaître dans les deux ans qui viennent, est sécurisé autant qu’on peut raisonnablement le prévoir. D’où audits, travaux éventuels, surveillance indépendante des intérêts économiques.

2. Ensuite convaincre les États-nations sourcilleux sur leur souveraineté, qu’une « ingérence » neutre, internationale, transparente, est la meilleure des choses pour le monde entier. Parce qu’une catastrophe dans un pays n’arrête pas ses effets aux frontières (comme un fonctionnaire imbécile l’avait affirmé en France après Tchernobyl).

3. Enfin débattre démocratiquement non pas de l’Apocalypse (personne n’est pour) mais de la gestion de transition.

a. Abandonner le nucléaire veut dire accepter plus de CO² un long moment, le temps que les énergies alternatives soient techniquement au point et industriellement répandues.

b. Abandonner les centrales nucléaires veut dire accepter un prix de l’électricité plus fort et qui grimpera plus vite que le reste des prix pendant des décennies.

c. Abandonner la filière nucléaire veut dire promouvoir les recherches sur les énergies soutenables et réorienter la formation des ingénieurs en forçant la main et en tordant l’esprit des grandes écoles françaises, volontiers formées en castes.

Établir la vigilance interne, activer la diplomatie externe, discuter des changements de comportements sociaux : tout cela est politique.

Où sont donc les réponses politiques des zécolos sur ces sujets ? Que des « grands travaux » à la socialiste sur l’isolement des logements ? Certes il faut le faire, mais avant tout convaincre les gens de les payer. Et pour cela leur assurer un travail… qui dépend de l’énergie disponible à prix raisonnable pour produire. On ne crée pas des emplois par décret, sinon dans les régimes socialistes soviétiques. Tout changement du modèle de prix d’une denrée vitale comme l’énergie a des conséquences sur toute la société, pourquoi les zécolos n’en parlent-ils pas autrement qu’en laissant se profiler un austère retour au moyen-âge avec panier bio, troc et maison en terre battue ?

Cherchez « programme des écologistes » sur Google, vous obtiendrez 843 000 résultats avec en tête une petite avancée Cohn-Bendit sur la pêche au Parlement européen, un forum Yahoo sur « c’est quoi  un programme écologiste » (où les réponses sont édifiantes de néant), et des projets cantonaux pour les élections qui se gardent bien d’évoquer les problèmes généraux de société.

On aimerait les entendre les zécolos, par exemple sur les embouteillages générés périodiquement par les grèves imbéciles des cheminots dont l’emploi est garanti à vie, comme la retraite, et qui débrayent au moindre prétexte contre l’État-patron. Comme si l’État n’était ni vous, ni moi, ni les politiques élus, mais un vaste club d’exploiteurs qu’il s’agit de faire « plier » au mépris de la pollution générée, du CO² et autres désagréments sociaux. La grève est un outil : bien utilisée elle est une arme de combat efficace. Usée n’importe comment par n’importe quel chefaillon de nœud ferroviaire, elle n’est plus que réaction de gamin de deux ans qui veut tout, tout de suite, na ! Le mauvais ouvrier n’a jamais que de mauvais outils. Mais que disent les zécolos sur cette pollution générée par le syndicalisme mal organisé ? – RIEN.

Ce pourquoi, en France, les zécolos sonnent comme les zozos – qu’y puis-je ? Alors que l’écologie canal scientifique est un savoir qui devrait irriguer tous les partis. Il s’agit de vivre ensemble, non pas contre ni au-dessus, mais dans la nature dont nous sommes partie. Vaste programme qui demande d’autres gens que ces immatures qui ne sortent de leurs trous qu’à chaque catastrophe pour prêcher la fin du monde.

Fatih Birol, interview de l’économiste chef de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans Le Monde du 2 avril 2011, p.5

Exemple de « Programme » des écologistes pour les élections cantonales en Savoie 2011

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Antoine Piazza, Les ronces

D’origine italienne, instituteur, Antoine Piazza travaille désormais à Sète. Lorsqu’il a débuté, il rêvait du village, de la fonction hussard noir IIIème République où l’instituteur était un notable de campagne. Non pour entrer dans la hiérarchie sociale mais pour dégrossir les sauvageons des ruisseaux et des pacages, jouer le rôle de transmetteur du savoir moderne. Il est allé ainsi se terrer dans un village du sud-ouest dans les années 1980, où il a contribué à maintenir une école durant sept ans.

Malgré l’intitulé « roman », ce livre est une suite de portraits liés par son histoire personnelle. Il n’a pas d’intrigue, ni le fil même d’une existence. Il ressemble plutôt à une juxtaposition de « rédactions » où les portraits des hommes comptent pour beaucoup. C’est dire son style décalé, ce pourquoi l’auteur n’a pu se faire publier par les éditeurs nationaux. Il noircit des cahiers d’écoliers, comme il le raconte, mais ne sait pas captiver par une histoire. Il a peine à inventer. En revanche, il excelle dans la description des gens qui l’entourent.

Il y a le maire, fils et petit-fils de paysans du coin, qui veut garder jalousement sa fonction pour exister. Il y a le couple méritant qui a eu peine à bâtir sa maison et, croulant sous les remboursements de crédit, sombre dans la dépendance à la famille. Il y a ce vieux qui s’isole, cultivant des terres sans maîtres haut dans la montagne, vivant seul dans une cabane de rondins, le fusil à portée de la main contre tous les emmerdeurs, y compris le garde forestier. Il y a les hippies qui vivent de l’air du temps en se laissant manipuler par le plus retors d’entre eux et surtout leurs enfants « débraillés et superbes ». Ces gamins permettent à l’école de survivre et le maire comme l’académie ferment les yeux. Histoires de terre, de chasse, de chiens, de cerises. Histoires de sexe, de mariage, d’études, de retour au pays.

Il est étonnant de constater combien une certaine France des campagnes pouvait rester archaïque encore sous Mitterrand. Ce sud-ouest de hameaux d’altitude vivait comme avant 1914. Le plus haut niveau intellectuel était de réussir le certificat d’études. Drame lorsqu’il a été supprimé par les technocrates de Paris ! La réussite sociale se mesurait aux hectares de terre. Le seul emploi non paysan était de servir la commune comme sapeur pompier ou dans les services techniques à la merci du clientélisme du maire. Le seul loisir était de lire le journal régional – et la presse a perdu de nombreux lecteurs par une grève imbécile qui a fait s’éteindre l’habitude même de lire dans la campagne. La télé abrutissait, trop intello ou trop paillettes. Le curé était inexistant en ces terres païennes. L’instituteur était vu comme l’œil de l’État, dont on se méfiait un peu, qui ne serait jamais du village même si l’on avait vu naître et grandir sa mignonne petite fille.

Les ronces du titre sont celles de l’ignorance, des instincts et des superstitions, qui engluent les mentalités dans la tradition. D’où l’émergence politique de ce courant conservateur de ‘Chasse, pêche, nature et traditions’, né sous Mitterrand en même temps qu’a ressurgi le Front national. C’est toute une France rurale qui « résiste » à la modernité, au progrès, au monde. Il y a une certaine nostalgie de gauche chez l’auteur pour ce petit peuple paysan. Une certaine idée de sa mission laïque et républicaine aussi, dans la meilleure tradition des Lumières. C’était tout un univers, il y a trente ans seulement. Il a aujourd’hui disparu avec ses cultivateurs, ses hippies et ses instituteurs. On « n’institue » plus aucun savoir aujourd’hui : on « professe » la bonne parole dans les écoles.

Antoine Piazza, Les ronces, 2006, éditions du Rouergue repris en poche Babel en 2008, 213 pages, €7.12

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