Le minibus de ce matin vient nous reprendre pour descendre vers Paul, un port sur l’océan au bas de la vallée. Nous nous entassons dans cette boite à sardines où il fait vite très chaud malgré les fenêtres ouvertes ; le véhicule n’avance pas, toujours bloqué par un camion qui négocie lentement les virages, des travaux en milieu de chaussée ou une vieille dame chargée de ballots, qui occupe la moitié de la route.
Nous visitons en passant une distillerie de cannes à sucre. Tout est archaïque et bricolé : le four de pierres alimenté de restes de cannes, les grands bidons récupérés où macère le jus, agrémenté de divers débris et d’écorces d’orange pour donner du goût. On laisse faire cinq jours et le sucre fermente. Il suffit de mettre le nez au-dessus des gros bidons pour sentir un lourd parfum de vinasse et entendre le glouglou discret de centaines de bulles de fermentation qui viennent éclater en surface. L’alambic est de même facture : la tête en cuivre et de longs tuyaux raccordés à des rigoles alimentées en eau pour la condensation. Piétinent dans les déchets de distillation une brochette d’enfants, les nichées des ouvriers. Trois garçons et une fille, de neuf à un an, jouent à l’inévitable foot, avec un vrai ballon. L’aîné s’appelle Freio. Il a un visage large, tout de suite illuminé d’un sourire joyeux. Il porte une chemise vert pomme décorée de motifs en peau de serpent. La couleur va bien à son teint bronzé. Le plus petit est son frère, qu’il prend par la main pour enjamber les débris de cannes trop hauts pour lui.
Ribeira Grande est une ville, un grand centre avec un lycée. On voit déambuler lycéens et lycéennes en pantalons ou jupes vert olive et chemise ou blouse vert clair. Chaque école a son uniforme. Les cadets sont en bleu clair, les plus petits en vichy rose. Les églises sont désertes et fermées – il y en a au moins deux. Les boutiques sont les seuls endroits vivants, avec les cafés et les placettes où se réunissent les adolescents après les cours. Les commerçants peignent soigneusement leur façade aux couleurs des îles : tout pastel. Tandis que je prends une bière avec Yves dans un café local, un lycéen arrive en coup de vent, commande un sandwich et un coca, engouffre le tout, paye et s’en va. Il s’agit de son goûter avant de refaire la route pour rentrer chez lui, peut-être assez loin dans la montagne…
La Toyota nous mène ensuite par une piste cahotante au village de José, notre aide-cuisinier, enfoncé dans la Ribeira da Torre. Nous campons dans la cour d’école. Les cours ne sont pas encore finis, du moins ceux de l’après-midi. La pénurie d’instituteurs les oblige à faire deux classes dans la même journée. Il faut attendre cinq heures et demie pour voir sortir les élèves, sagement disciplinés, deux classes de 6 et 8 ans, garçons et filles mélangés. Quelques délurés nous font des signes, presque tous des sourires. Ils sont curieux mais sages ; on leur a fait la leçon.
La douche est à la fontaine du village, un enclos muni de cabines, de bac à laver et d’une fontaine. L’eau est tiède, conservée en citerne. Les peaux caramel, minces et souples, nous regardent arriver de leurs grands yeux d’enfants. Les petits garçons qui ne sont pas allés à l’école cet après-midi ne portent qu’un short pour être à l’aise et ne salir ni abîmer leurs vêtements. Deux d’entre eux nous regardons justement écrire ou lire, du haut du muret qui entoure l’école où nous sommes installés.
Le punch du soir, après la douche, nous rend joyeux. Pour le dîner, Angelo nous a préparé une cachupa mémorable – hénaurme ! – garnie de maïs, bananes plantain, patates douces, chorizo, lard de porc, le tout longuement mijoté au piment. Un délice des goûts divers et assortis ou contrastés qui fait qu’à chaque bouchée on a l’impression de manger un morceau différent. Pour le reste, « la fête » se prépare au village. En guise de fête, c’est une terrasse aménagée comme les autres, vaste plan bétonné avec deux gros baffles à un bout. Celle-ci est au troisième étage d’une maison à laquelle nous accédons après moult détours dans les ruelles une fois la nuit venue. La sono, manipulée par des adolescents, fait déjà pulser le disco à pleins tubes. L’endroit est sombre, vibrant, et peuplé uniquement de garçons autour de douze ans. Ils se sont changés depuis l’après-midi. L’un des fils cadets de José a ôté son infâme casquette jaune et sa chemise qui ne fermait que par un seul bouton et opté pour un maillot de foot rayé noir et vert. Les touristes sont attendus, surtout les filles. On sent déjà, palpable, l’émotion sensuelle des garçons, ici précoces. Je suis venu pour voir. La danse ne me dit rien, la sono m’use très vite les oreilles.
Impossible de dormir : la lune brillante, la moiteur de l’air, la pulsation disco, la consistante cachupa. Mais je reste allongé, l’œil aux étoiles, songeur. Les filles ont dansé longtemps. Avec qui ? Mystère. Les gamins de douze ans n’avaient ni la taille, ni la sensualité requise pour exciter les corps sevrés après dix jours de nature – même pour des femmes couguars. Mais les filles sont revenues fébriles, sans pouvoir s’endormir de suite. Marie-Claire m’explique tout cela sous la lune, avant d’aller avec les autres « finir la cachupa » en l’assaisonnant d’oignons grillés et d’œuf battus en omelette ! Elles ont cuisiné tout cela pour un souper clandestin de minuit. Comme quoi le sexe a un rapport subtil avec la nourriture ; faute de l’un on se contente avec l’autre.
Croisière en Floride et fin du périple
En mer, gymnastique, salsa, tennis de table, ventes de sacs à main, bingo, guitare et voix ; au théâtre ce soir Les Pampas Devils qui proposent du tango d’Argentine, un spectacle gaucho, découverte du porto (il doit encore rester des bouteilles !) – et casino. Pour le restaurant, on est prié de se vêtir en tenue de gala ou d’aller finir les restes au buffet !
Aujourd’hui on vend des t-shirts BCRF pour la recherche du cancer du sein, le Norovirus est toujours présent à bord de l’Infinity, casino, préparer vos valises, encore du vin (français cette fois) à tester, encore des émeraudes à vendre… Des achats à faire encore et toujours à partir de 1$ et jusqu’à 75% de rabais sur certaines marchandises. Profitez, profitez, demain débarquement à Fort Lauderdale.
Fort Lauderdale, Floride, arrivée 7h, débarquement régimenté.
La distance totale que nous avons parcourue est de 4 523 milles nautiques (1 mille nautique = 1,85 km)
Pour rejoindre la sortie, il faudra patienter plus de deux heures pour accéder aux guichets de la police américaine, pour se faire prendre les empreintes des deux mains et photographier. Grâce à S. de Monaco nous pourrons prendre un taxi, à nos frais, et rejoindre notre hôtel à Miami. M. et moi ne sommes pas en forme du tout, V. qui était malade durant toute la croisière semble aller un peu mieux mais elle demeure très faible. Nous avions prévu de faire plus ample connaissance avec Miami, nous n’oserons qu’un petit tour le long du port avant de regagner notre chambre. Demain il faudra prendre l’avion pour Los Angeles. Le fenua nous manque.
L’avion est surbooké, en retard, il n’y a pas même de place pour le bagage à main de 3 kilos… une vraie pétaudière. Heureusement nous retrouvons J. et le chien Freddy. Le beau temps nous a quitté, il fait froid, quoi de mieux pour se réchauffer que d’aller dans un centre commercial ? C’est bientôt Noël, les gens font la queue pour manger, pour se faire prendre en photo, pour acheter. Alors les crèmes glacées, tout en couleurs, sont les bienvenues pour les faire patienter !
Pour terminer le voyage avec Air Tahiti Nui, le repas spécial que j’avais commandé n’était pas dans l’avion ! Pour le prochain voyage sur ATN, je me munirai d’un panier-repas avec poisson cru au lait de coco, riz chaud, quart de vin blanc (les boissons sont-elles à nouveau autorisées à apporter au-dessus de 100 ml ?), au moins je pourrai me restaurer normalement.
Nos commentaires ne seront pas trop élogieux :
L’agence de voyages de Monaco de S. n’est pas absolument pas capable de faire un travail correct, puisqu’elle propose un San Diego-Miami elle est à notre avis indigne de représenter la compagnie de navigation Celebrity.
Le bateau est très confortable mais nous conseillons d’éviter sur le pont 8 les cabines près de la bibliothèque comme les n°8123 et suivants car il y règne un froid sibérien. L’ingénieur requis avoue que cela a toujours été ainsi, que le froid vient du pont 10. OK, mais le pont 9 ne souffre pas de cet air glacial et il est bien entre le 8 et le 10, non ? Nous avions pensé qu’un tupapau avait investi les lieux.
La nourriture est insipide, au restaurant Treillis, on sert un cocktail de crevettes, crevettes dont on a omis d’enlever le filament noir donc retour en cuisine, je commande une salade de roquette on me sert de la salade iceberg, le menu indique un poisson de profondeur, ici en Polynésie on le nomme paru, c’est délicieux, très fin, ce poisson arrivé dans l’assiette de V. est servi sur des pois chiches et ce n’est pas du tout celui annoncé, les noms ronflants du menu en français sont sensés embellir les assiettes mais rien n’a de goût, ni les entrées, ni le plat, ni le dessert – rien n’a de goût. Certes, on peut commander toute la carte mais le premier plat, le troisième ou le dernier ont tous le même goût, plutôt la même absence de goût… Pour un bateau qui se voulait à la pointe de la cuisine…
Mais j’y pense : ne serait-ce pas un problème de carte de paiement ? Au self, un jour lentilles à la nage, le lendemain lentilles essorées, le surlendemain lentilles séchées, il n’y a pas eu de quatrième jour sinon cela aurait été certainement lentilles amidonnées ou tas de lentilles lessivées. J’ai commandé un ceviche, il y avait du poisson… mais pas une goutte de citron ! Pour les desserts, c’était la pavlova… un truc collant loin des entrechats de la danseuse, une autre fois avec toujours un nom pompeux on aurait dit du fromage blanc, non, non, un carré de Kiri, posé dessus du vernis rouge et encore au-dessus une feuille de menthe, de la vraie menthe ! Nos estomacs se sont refermés et plus rien ne passait sinon un thé…
Si V et moi-même additionnions les croisières effectuées sous des cieux différents, jamais au grand jamais nous n’avons aussi mal mangé sur l’une d’elle. Même sur la felouque du Nil où notre accompagnateur nous a servi du kitkat. Quand nous dialoguons avec Tahiti par mail, on nous apprend qu’un grand nombre de personnes ont été malades sur un des Princess, le Crown, je crois. C’est grâce certainement aux prières de mes amies adventistes que nous n’avons pas été malades comme ceux du Princess. Merci Seigneur comme disent les Polynésiens.
Pour celles et ceux qui seraient tentés par une croisière, choisissez bien, ayez aussi beaucoup de chance… ou un compte carte bleue bien approvisionné !
Hiata de Tahiti