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La génération au pouvoir est-elle adaptée au présent ?

Séisme anti-socialiste en 2002, le 21 avril ; non à Maastricht en 2005 ; espoir Sarkozy contre le Fout-Rien Chirac en 2007 ; séisme anti-gauche aux Européennes de 2015 ; référendum Tsipras en Grèce en 2015 ; Brexit en 2016 ; Trump élu contre l’attente des médias et des élites récemment… Les élites au pouvoir, violemment contestées sans l’avoir vu venir (ou sans avoir voulu le voir) sont-elles encore adaptées ?

Prenons François Hollande, né en 1954 

Si Staline était quand même déjà mort (mars 1953), c’était tout juste ; mais aucun satellite artificiel n’avait été lancé autour de la terre, nul n’était allé sur la lune, le téléphone et la télé étaient balbutiants (ah, le 22 à Asnières !), et – bien évidemment – ni Internet ni le Smartphone n’existaient. Lorsque je dis cela à des étudiants du supérieurs, nés juste avant ce siècle, ils tombent des nues. Comment, pas de télé, pas de portable, pas de mobile, pas de net ni de jeux vidéo, pas de CNN ni de Google, pas de Facebook ni d’Apple ? Eh bien non. Comment avons-nous pu vivre sans ces prothèses VI-TA-LES ! C’est simple : presque comme des écolos, en tout cas comme nos grand-mères vivaient.

François Hollande avait 14 ans en mai 1968 – il n’a donc rien vu, rien vécu des événements ; il avait 19 ans lors de la première crise du pétrole, il était en cours d’études avec les manuels de l’après-guerre – il n’a donc rien acquis du monde nouveau. Lorsqu’il sort de l’ENA, en 1980, la vieille gauche va arriver au pouvoir et appliquer des recettes du XIXe siècle à la mondialisation qui commence avec Thatcher et Reagan ; trois dévaluations du Franc plus tard (en 18 mois), c’est « le tournant de la rigueur » – autrement dit la fin de l’utopie. Hollande observe et constate, il saura changer d’avis comme de veste à l’avenir – puisque tout change sans cesse… Mais aujourd’hui il est perdu, comme en témoigne « ce qu’il ne devrait pas dire » – et qu’il dit quand même pour violer son camp du déni content de soi.

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Comment penser une seconde que cette génération (dont je suis) puisse être adaptée aux changements très rapides qui se sont produits en deux générations, depuis le milieu des années 1950 ? Tout est allé trop vite pour nos cerveaux programmés par les millénaires. C’est pourquoi j’estime qu’il faut laisser la place aux jeunes – pas seulement aux gens neufs. Donc pas aux Trump, Clinton, Juppé, Hollande & Sarkozy et autres, tous blanchis sous le harnois, éduqués dans l’après-guerre avec des méthodes d’avant-guerre. Je rêverais d’un duel Macron-Le Maire aux présidentielles 2017 – mais cela ne se produira probablement pas, même si des surprises sont possibles. Le tropisme autoritaire, hiérarchique et élitiste du Français est bien trop ancré. Il vient de loin : de Rome et de la religion, de l’Eglise et du roi, du jacobinisme et du catholicisme papal – et même plus récemment de l’islam, peu réputé pour être libéral, comme l’a montré la Manif pour tous.

Nous n’aurons pas un Trump, il faudrait pour cela qu’il y ait des milliardaires en France intéressés par la politique et en même temps patriotes (ne rêvons pas). Nous aurons peut-être une Marine, mais le handicap idéologique et politique me semble trop grand pour que l’hypothèse soit réaliste, tant les Français aiment l’expérience et la sagesse malgré tout. Qui aurons-nous ? Surprise !

Peut-être faut-il réfléchir autrement.

Constater notamment que, depuis la guerre de 14 qui fait date comme puissant traumatisme, chaque génération (en gros trente ans) bouleverse la donne :

1914-1940 : la guerre la plus absurde, l’industrialisation du massacre, la contestation radicale des badernes qui nous gouvernent engendrent les années folles et les Surréalistes – plus le communisme à l’est ; le plus-jamais-ça d’épuisement, les classes creuses et les veuves en noir engendrent le pacifisme à outrance, la frilosité en tout et la lâcheté devant la force. Lénine razzie le pouvoir, contre des sociaux-démocrates pusillanimes; Hitler l’emporte par populisme outrancier, dans le déni des élites démocratiques ; Pétain gagne, par forfait des dirigeants dépassés – les Français se soumettent (et très peu résistents avant 1943).

1940-1970 : l’euphorie de la victoire « des » démocraties, la reconstruction d’après-guerre, la décolonisation et l’essor des industries du radar, de l’atome, de l’aviation, de l’électroménager engendrent le baby-boom et le bonheur de consommer – jusqu’à saturation : la révolte de 1968 est non seulement contre la guerre du faible au fort au Vietnam, mais aussi contre « le Système » qui embrigade et contre l’Autorité qui s’impose sans discussion. A poil, échangistes, hirsutes, égalitaires, écolos à chèvres, hippies à pétards, les soixantuitards font craquer les gaines – mais dérivent vers les paradis artificiels, le spontanéisme narcissique et la baise pédophile. La brutale crise du pétrole, orchestrée par les régimes arabes contre Israël et son soutien américain en 1973, cassent brutalement le rêve fumeux : c’est « la crise » (mot qui reviendra désormais très souvent). Retour au réel.

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1970-2000 : Margaret Thatcher au Royaume-Uni, Ronald Reagan aux Etats-Unis, la gauche Bérégovoy en France, adaptent désormais l’utopie sociale républicaine à la réalité du capitalisme qui se mondialise. Pour le meilleur et pour le pire : la révolution des mœurs, qui deviennent plus conviviales, la jeunesse ayant accès au sexe avec la majorité à 18 ans et l’abaissement de la pénalisation des relations à 15 ans ; l’égalité homme-femme reconnue par le code civil avec le divorce, l’autorité parentale et l’avortement ; la chute du mur de Berlin suivie de la chute de l’URSS, l’essor de la Chine qui se convertit au capitalisme, la construction européenne positive d’un côté (Espagne, Grèce, Irlande puis Pologne et autres profitent de la redistribution). Mais de l’autre rigueur publique, moins d’Etat, desserrement des carcans à l’initiative individuelle et dérégulation, naissance des nouvelles technologies dans la Silicon Valley, brutalisation des relations de travail, externalisation des métiers hors du cœur de l’entreprise, délocalisation vers des pays à bas coûts de production, optimisation fiscale. Jusqu’au krach des actions technologiques en 2000, le krach de l’audit comptable en 2002, le krach de l’immobilier en 2007 et la crise systémique qui explose en 2008… laissant penser que la suite sera (comme dans les années 30) la crise politique.

2000-2030 : nous y sommes – et nous avons la tentation de revenir en arrière puisque le présent ne semble pas rose. Après l’autoritarisme d’après-guerre, puis le libéralisme post-68, retour à l’autorité en protection. La mondialisation montre son visage négatif : la perte des emplois industriels et l’immigration sauvage. La technologie montre qu’elle peut être néfaste : robotisation qui supprime des postes, exigence de formation supérieure et continue sous peine d’être largué, surveillance généralisée et centralisée par le tout-informatique, connexion mondiale et hacking mondial (les Russes ont piraté la campagne démocrate américaine et influé sur le vote), perte des repères spirituels – d’où retour des religions, jusqu’aux plus obscurantistes, théorie du Complot et islamisme salafiste – ce qui engendre les antidotes que sont les régimes autoritaire et fascistoïdes. Poutine, Chavez et Maduro, Erdogan, Orban, Kaczynski, Dutertre, Trump, la liste s’allonge de jour en jour des tribuns médiatiques qui jouent au dictateur comme jadis Staline, Mao ou Castro – jusqu’à Sarkozy, Le Pen et Mélenchon en France qui voudraient bien les imiter. Retour des frontières, du nationalisme, de la « souveraineté » (comme si la France était plus maître de son destin contre Google, Poutine ou la Chine sans l’Europe qu’avec !) – ce sont tous ces mythes qui agitent les esprits.

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Certes, nous l’avons toujours dit, le libéralisme sans règles n’est pas viable car il se réduit à la loi du plus fort, la jungle et le lynchage ; mais l’autoritarisme sclérose et inhibe, il empêche l’initiative (on le voit tellement en Russie, à Cuba ou en Corée du nord). Patriotisme oui (pourquoi nos élites ont-elle honte de défendre les intérêts français ?) mais nationalisme non (c’est la guerre assurée à brève échéance).

Donc une nouvelle génération.

Trump, à 70 ans, n’est pas vraiment un perdreau de l’année… Incarne-t-il l’espoir d’un renouvellement ou le ras-le-bol des anciens ? je penche pour sa seconde hypothèse. Reste donc entière la question du renouvellement des générations en politique. Avec Trump, rien n’est réglé !

Il sera probablement moins radical au pouvoir que dans sa campagne – comme toujours. Des contrepouvoirs existent aux Etats-Unis (bien plus qu’en France !) et les lobbies industriels et financiers sont puissants, le populo (abstentionniste et velléitaire) apparaît comme trop bête et flemmard pour être consulté avec profit collectif sur les grandes orientations. Nous aurons un Reagan bis en économie avec les Conservateurs ; peut-être un Nixon bis (sans l’intelligence géopolitique) en relations extérieures ; en tout cas un Tycoon redoutable en affaires et qui ne s’embarrasse (comme Poutine) d’aucun scrupule…

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Ceux qui se réjouissent aujourd’hui, aux Etats-Unis comme à l’étranger, vont voir très vite combien America First peut être redoutable à leurs petits intérêts. Brailler, c’est bien ; subir, est-ce mieux ? Où est-elle donc, NOTRE nouvelle génération ?

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Bonapartisme français aujourd’hui

Lorsqu’il gagne, ce courant volontariste et centralisateur impulse en général un élan à l’économie en favorisant des politiques d’État pour les grandes entreprises. Ce fut le cas sous Napoléon III et sous de Gaulle. Mais le bonapartisme comme tempérament politique n’est pas seulement à droite : Clemenceau, Mendès-France, Chevènement, Montebourg, Valls l’incarnent aussi.

Sarkozy a eu le malheur d’arriver en même temps que la crise des financiers en délire, venue des États-Unis, et son bilan est peu brillant. Mais il a tendu à favoriser la politique économique « de l’offre », orientée production, par opposition à une politique « de la demande », orientée vers la consommation. C’est ce qui l’a distingué de la gauche tradi, volontiers clientéliste, qui n’admet jusqu’à François Hollande « le capitalisme » que si elle peut autoritairement surveiller et punir les entrepreneurs qui ont trop de succès, pour arroser ses électeurs favoris.

Hollande est honni à gauche car il n’a pas le tempérament bonapartiste jacobin. Il se raccroche à Manuel Valls, volontiers gaullien, mais il n’a pas pris assez tôt et assez fort les décisions nécessaires pour réussir.

Cesar Paris jardin tuileries

Le bonapartisme n’est pas libéral, ce pourquoi Napoléon s’est tant opposé aux Anglais. Le libéralisme est une souplesse de penser ; il n’est pas le laisser-faire mais la règle de droit, longuement débattue dans l’opinion et pesée en lois réfléchies par les deux chambres du Parlement. Le libéral est pour la liberté, mais tempérée, il accompagne le mouvement de la société et accepte avec réalisme le mouvement du monde global ; il s’y adapte sans s’y dissoudre. Ce pourquoi il est seul apte à entraîner avec lui les conservateurs, exposant en raison et dans la durée l’intérêt de changer, sans précipiter le changement lui-même. Le PACS, qui horrifiait les tenants de la droite dure sous Chirac, est désormais encensé par la droite forte, contre le mariage homo…

Le libéralisme est désormais peu audible à droite, faute en est à Bayrou qui se croit prédestiné à la présidence par décret d’en-haut et qui a si mal géré son alliance avec l’UMP, tout en étant incapable de rallier la gauche modérée lorsque c’était possible. Mais il émerge à gauche avec les petites touches précautionneuses du président Hollande. De quoi hérisser les conservateurs, autant à gauche qu’à droite, les premiers désirant « revenir » au jacobinisme de contrainte avec Martine Aubry, les seconds peuplant la Manif pour tous et développant tout un réseau médiatique autour de Zemmour, Soral, Dieudonné et autres « penseurs » du retour à l’avant-1968, avant-1945, avant-1789. Certains même, parmi les écologistes de droite les plus libertariens, voudraient le retour avant le néolithique (où l’exploitation de la terre a créé la richesse, donc l’envie et la guerre, donc l’exploitation forcenée de la nature).

Le conservatisme, s’il est général en Europe et dans les pays avancés (mais aussi en Russie et en Chine…), renaît avec force en France où la population vieillit, voit se déliter les « zacquis » des Trente glorieuses tant chantés sous Mitterrand, et aperçoit les Lumières décliner sous l’influence culturelle d’une immigration de pauvres naïvement (et parfois méchamment) croyants.

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Le bonapartisme est un caractère. La droite bonapartiste est en faveur de l’action et du plébiscite, donc du peuple majoritaire – même si ce n’est pas le peuple rêvé des bobos… Sarkozy s’est voulu en phase avec le petit peuple oublié, celui qui ne cause pas dans le poste, qui n’a pas fait d’études, qui trouve qu’il y a trop « d’étrangers » et trop peu de « respect », trop de désordre et de racailles impunies, trop de règlements et de fonctionnaires, pas assez d’efficacité, et qui veut voir le travail et l’effort récompensés. L’ordre, c’est que l’économie fonctionne mieux qu’ailleurs ; la paix, c’est qu’aucun État ne nous menace, pas plus les terroristes afghans que la finance anglo-saxonne ou l’Iran délirant des islamistes ou encore les al-caïds des banlieues toulousaines ; le respect de la religion est pour toutes les religions, à condition qu’elles respectent la religion des citoyens : la laïcité ; la garantie des biens passe par l’impôt non confiscatoire et l’encouragement à créer des entreprises et à investir. Tout n’a pas été bien géré sous Nicolas Sarkozy, mais c’est dans cette optique césariste qu’il a envisagé son quinquennat, même s’il n’a pas pleinement investi la fonction sociale d’État de la droite bonapartiste traditionnelle.

Jacques Chirac avait gauchisé son discours lors de son dernier mandat – opposé à la guerre en Irak, avant-gardiste sur les enjeux de mémoire, préoccupé d’environnement – peut-être pour rivaliser avec Lionel Jospin, Premier ministre sorti des urnes, mais peut-être aussi pour faire rempart à l’extrême-droite après le choc 2002. Il est resté aux marges du bonapartisme, installé dans la posture du rassemblement, suiviste de l’opinion quand celle-ci se montre hostile à George W. Bush, soucieuse de purger les culpabilités historiques, préoccupée de pollution et de durable – mais sans plus – heureux de gagner mais fatigué de régner.

Nicolas Sarkozy n’a pas été Napoléon Bonaparte, il n’en avait ni le talent pratique, ni le génie stratégique, ni même la culture. Mais Nicolas Sarkozy s’est inscrit dans ce tempérament issu de la Révolution et actionné en 1848 avec le suffrage universel : l’autorité, la décision, le mérite. Aujourd’hui, le bonapartisme à droite reste incarné surtout par lui, même si Juppé et Le Maire le défient sur ce terrain. Moins Fillon, plus libéral conservateur, donc moins « populaire ». Mais le bonapartisme ne fonctionne que s’il conduit un Destin : la grandeur de la France, la force de frappe, le redressement économique, le projet Calcul ou Airbus, et ainsi de suite. Où sont les projets pour la France de Nicolas Sarkozy ?

Le peuple, au fond, aime bien en France les figures d’autorité, les coups de menton, les affirmations martiales. Ce pourquoi, peut-être, Manuel Valls est-il plus bonapartiste que la plupart des hommes forts de la droite, plus visionnaire gaullien, plus organisateur napoléonien. Ce pourquoi aussi – peut-être – se verra-t-il au second tour face à Marine Le Pen. Cette femme qui déménage (selon les propos off de Sarkozy) est en effet un autre avatar, plus national et populiste, de ce même bonapartisme qui forme le fond de la république en France.

Pour ma part, vous me pardonnerez de rester libéral… tout cet activisme théâtral français me pèse. Nos pays voisins, moins dans l’esbroufe et mieux aptes à débattre et négocier des compromis acceptables, se portent beaucoup mieux sans nos coups d’éclat et nos coups de menton.

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