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La France au premier tour

Le premier tour d’une élection présidentielle en France est la seule élection à la proportionnelle intégrale. Elle est hors partis, bien que ceux-ci puissent y participer en désignant un candidat, mais des électrons libres peuvent se présenter, tel Macron en 2017 ou Lassalle aujourd’hui après le pas de deux Taubira. Le résultat 2022 montre que la France est un pays « normal », comme ses voisins. Sa seule exception est que le régime y est semi présidentiel et non pas intégralement parlementaire et que la réforme du quinquennat avec législatives dans la foulée empêche tout compromis du genre Programme commun (pour éviter la cohabitation), contrairement aux alliances responsables des pays germaniques.

Cette normalité prouve qu’il y a un centre libéral, laïc et européen, aujourd’hui leader derrière Emmanuel Macron, flanqué d’une droite conservatrice populaire et identitaire et d’une gauche radicale anti-tout qui captent les mouvements sociaux (gilets jaunes pour la droite Le Pen, mouvement contre la réforme des retraites pour la gauche Mélenchon). Plus un quart des votants potentiels qui se sont abstenus ou ont voté blanc ou nul. Le centre, la droite, la gauche et l’abstention forment chacun environ un quart des Français. Rien que de plus normal dans une démocratie : ceux qui ont la charge de gouverner sont plus modérés par la force des choses que ceux qui refusent carrément le système ou s’en moquent, et que ceux qui, dans l’opposition, goûtent aux délices de la démagogie.

Droite et gauche sont radicales aujourd’hui avec Le Pen et Mélenchon ? C’est que les partis de chaque tendance qui ont gouverné se sont effondrés dans la réalité (le désastre du quinquennat Hollande et la déroute affairiste de la candidature Fillon), et qu’ils n’ont guère que des idées éculées à proposer comme « désir d’avenir » (la pâle synthèse Pécresse entre Zemmour et Macron, le programme très scolaire d’Hidalgo, voire le « retour à » l’industrie, le nucléaire, la chasse et la viande Roussel). D’où ces « nouvelles » droites et gauche qui se créent dans des mouvances hors partis, effet d’une nouvelle génération de quadras qui ont vécu les attentats islamistes, les crises financières, l’échec des printemps arabes, les gilets jaunes, la pandémie et désormais la guerre au cœur même de l’Europe. Le « nouveau centre » d’Emmanuel Macron, en marche vers l’adaptation des Français aux changements du monde, rallie les adultes responsables éduqués ; les autres, évidemment, préfèrent la radicalité infantile du « tout, tout de suite » et du « yaka ». C’est l’effet de l’infantilisation sociale française depuis la maternelle jusque fort tard dans la vie. L’inepte « attestation » pour sortir pisser hors de chez soi durant le premier confinement l’atteste.

Hors abstention, les électeurs qui s’expriment se répartissent en trois blocs de même force, un peu plus de 30 % chacun : Macron et environ la moitié Pécresse pour le centre de gouvernement ; Le Pen, Zemmour, Dupont-Aignan et la part Ciotti pour la droite ; Mélenchon, Roussel, Hidalgo et les deux résidus trotskistes pour la gauche. Les reports de voix devraient faire gagner Emmanuel Macron, mais tout dépendra de la campagne d’ici le second tour et de l’intensité du rejet des votants pour celui oucelle qu’il ne veulent absolument pas voir accéder au pouvoir. Un peu plus de proximité et de social pour le président sortant pourrait l’avantager, de même qu’une menace russe avancée ; un attentat islamiste ou un événement obérant gravement le pouvoir d’achat avantagerait en revanche Marine Le Pen.

Ce qui est surprenant dans ce premier tour est moins le score minable d’Hidalgo (qu’allait-elle faire dans cette galère, la mairie de Paris ne lui suffisait-elle pas ?), voire de Pécresse (on savait bien LR gangrené par l’exaspération démographique sécuritaire), que celui de Jadot l’écolo. Je ne crois pas que la radicale chic féministe Rousseau aurait fait mieux, au contraire, si elle l’avait emportée aux vertes primaires. Les spécialistes parlent de « vote utile » pour ce collapsus du projet écologique, pourtant qualifié sans cesse « d’urgent » et « d’avenir ». Mais les jeunes, les plus en avance dans l’idéologie, n’ont voté qu’à 40 % et le parti Mélenchon a repris des thèmes écolos. Ce qui montre que les électeurs ne font pas confiance à un parti purement dédié à l’écologie en France. Il reste trop marqué par le gauchisme post-68, l’intellectualisme urbain et la secte des egos. L’écologie est un concept trop important pour être laissé aux écologistes autoproclamés et tous les partis doivent le prendre en compte. L’électeur, qui n’est pas si niais que les spécialistes semblent le croire du haut de leurs études, le prouve par son bulletin dans l’urne.

Quant à Zemmour, l’expression d’une bourgeoisie pétainiste, conservatrice et ancrée dans la religion (sans forcément croire), il a fait pschitt ! – comme disait si bien Chirac. Amuseur intello, fomenteur d’infox, collabo notoire des fascistes d’hier et d’aujourd’hui, grand admirateur affirmé du despote asiatique Poutine, il ferait un bien piètre président pour une France qui a une histoire, une tradition internationale et un rôle d’exemple dans le monde. Le vieux Le Pen, dont l’humour ravageur n’a pas été altéré par ses presque 94 ans, déclarait que « Zemmour n’a pas le physique d’un président ». Un second degré délicieux lorsqu’on connait les origines du candidat et les convictions profondes du commentateur. Bien sûr, ceux qui « y croyaient » crient au complot et à la manipulation, surtout les jeunes, volontiers fascistes lorsqu’ils sont à droite, mais ce ne sont que vains mensonges. Il y a longtemps que le « bourrage des urnes » propre au parti communiste stalinien et en vogue dans les années 1950 et 60 est désormais étroitement surveillé. Il suffit d’avoir participé hier à un dépouillement avec lampes électriques en cas de « coupure » opportune d’électricité au moment de renverser les urnes pour le comptage, puis d’avoir vécu un dépouillement récent, pour le savoir. Marine Le Pen n’a rien perdu de son national socialisme mais l’irruption du trublion sectaire l’a automatiquement recentrée, la faisant paraître moins pétainiste, le socialisme passant devant national dans son discours – mais sans l’abandonner dans le programme pour autant !

Reste l’inconnue des Législatives après le second tour car élire un président ne suffit pas, il faut encore meubler une Assemblée. Là, les partis traditionnels, laminés par le scrutin présidentiel, sont implantés, ont des réseaux d’élus et de militants, tiennent des villes et des régions. Le ou la nouvel(le) hôte de l’Elysée devra en tenir compte car aucun des deux n’a d’implantation locale directe. Le PS, les LR, le PC, EELV existent ; gouverner se fera avec eux. A moins qu’ils ne réussissent à intégrer les parties neufs et à les assagir sous les responsabilités. Mais qui sera le mieux à même de négocier d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen avec les groupes isus de la nouvelle Assemblée ?

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Partexit et Chambre introuvable

Ce n’est que le premier tour – mais il est vrai après les innombrables « tours » des primaires et de la présidentielle. Les Français sont las de voter encore et toujours pour dire Ça va pas ! « en même temps » que Ça peut changer ! Un an que cela dure… De quoi comprendre l’abstention massive – pas due seulement au trop beau temps de juin.

Partexit : l’exit des partis tradi. « ET droite ET gauche » est-il dialectique ou harmonie des contraires ? « En même temps » est une façon de voir : soit dynamique (thèse-antithèse-synthèse), soit immobile (les deux faces d’une même réalité, le yin dans le yang et réciproquement). L’ambiguïté du Mouvement fait son attrait auprès des déboussolés du cigare, qui se demandent si droite et gauche signifient encore quelque chose.

A mon avis, oui, c’est le socialisme qui est mort, pas la gauche. Droite et gauche sont deux tempéraments différents, suscités par deux positions sociologiques qui luttent pour le pouvoir. Mais force est de constater que le régime semi-présidentiel français ressemble en pratique (depuis la réforme Jospin-Chirac du quinquennat) au régime purement parlementaire anglais : là-bas le parti qui gagne emporte tout et nomme son Premier ministre; ici le président qui gagne emporte tout et façonne son propre parti hégémonique.

La participation est historiquement basse (49%) parce que le sentiment de tous est que tout est déjà joué, une bonne fois jusqu’à la prochaine élection. Balayés les partis hier « de gouvernement » (le socialisme est réduit à presque rien) ; balayés les caciques blanchis dans la langue de bois et le groupisme de secte (les Cambadélis, Hamon, Duflot, Filipetti, probablement Belkacem) ; balayés les archontes du PS, les minables frondeurs et les gourous de la gauche « morale », tout comme les caciques de LR (Guaino, Yade, probablement NKM) et les impuissants à changer la donne (l’ère Sarkozy a beaucoup déçu…). Ce n’est pas un Baroin à la diction monotone qui va réenchanter la droite.

Ceux qui ne se sont pas déplacés ont démissionné de la politique, montrant ainsi combien ils méprisent le Parlement – pourtant le lieu démocratique où un débat rationnel peut se dérouler dans les formes. Ce sont surtout – qui cela peut-il étonner ? – les partisans de la France insoumise et du Front national qui sont « allés à la pêche » plutôt qu’aller voter. On les comprend, ces autoritaires adeptes du chef (duce ou caudillo) n’ont que faire des « parlotes » parlementaires ! Leur politique se réduit à la présidentielle (vécue comme un coup de force) et à la rue (lieu de toutes les récupérations « populaires »). Ils n’aiment pas la démocratie parlementaire ; ils lui préfèrent la démagogie populiste. Pourquoi les créditer encore de vertu ?

La surmobilisation des votants En marche a touché surtout les milieux éduqués et mûrs, hier socialistes qui voulaient changer la vie, écolos qui voulaient changer le monde et républicains qui voulaient changer le carcan réglementaire – en bref les bourgeois. Peu de jeunes : plus des trois-quarts des électeurs de moins de 25 ans se sont abstenus. Comme pour le Brexit, le Partexit se fait sans la jeunesse : elle aura beau jeu, comme au Royaume-Uni, de crier ensuite à la trahison ! Mais la flemme démocratique a son revers : subir ce qu’on n’a pas su empêcher.

Le Front National passe de 21% à environ 13% en voix, de la présidentielle aux législatives ; il aura beau jeu de crier à l’immigration massive, à l’aplatissement devant Merkel, au bouleversement du code du travail – qui va encore l’écouter ? La France insoumise perd 11% et le Mélenchon (on n’ose la contrepèterie irrésistible) paye sa haine affichée pour les autres, malgré son talent de tribun « à l’ancienne ». Mais les jeunes en ont assez des récriminations du vieux ; ils veulent changer, pas humilier – et le jeune Macron n’est – tous comptes faits – pas si mal après un mois de présidence sur la scène internationale.

Pour eux, voter était presque inutile car le choix des électeurs s’est clairement exprimé aux présidentielles : pourquoi aller encore poser son bulletin alors que le soleil brille, qu’il faut se revêtir alors qu’on est si bien à poil sur l’herbe, qu’il faut aller affronter le regard social des autres et l’épreuve scolaire des institutions alors que le dimanche est calme et qu’il fait si bon jouir de sa pelouse ou aller faire jouer les niards ? Il suffit de voir les notes les plus demandées sur le blog en ce dimanche de premier tour… Sea, sex and sun : un vrai Club Med !

Les gagnants de la mondialisation ont gagné, et les perdants ne considèrent pas vraiment qu’ils ont perdu, fors le dernier carré d’irréductibles au ressentiment ancré dès l’enfance tels Mélenchon ou Le Pen. Emmanuel Macron en nouveau président attire le vote attrape-tout pour un nouvel avenir. Aigris s’abstenir.

La suite sera concrète et les batailles de rue se préparent. Le tour social (qu’on ne peut plus appeler troisième tour avec l’instauration des primaires) est appelé à jouer ce que le vote n’a pas pu. Pour contester encore et toujours la démocratie représentative, au nom d’un spontanéisme de démocratie directe qui frise trop souvent le plébiscite démagogique – et aboutit à la chienlit plus qu’au progrès.

Un président aussi adulé deviendra-t-il un omniprésident ? La cour qui va se former autour de lui pour le célébrer le rendra-t-il progressivement aveugle sur la réalité sociale ? Les mesures radicales et rapides qu’il propose de prendre auront-elles des effets bénéfiques rapides ? La reprise qui se dessine dans toute l’Europe – et le déclin américain dû à l’élection d’un caudillo démagogue – vont-ils donner un coup de pouce à l’emploi ?

Nous attendons de voir. Et comme la période est au champagne de la victoire, Moet and see !

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Retour au classique dans les élections

Les fantasmes des renverseurs de système comme la mayonnaise joueuse des réseaux sociaux voulaient croire au Grand soir électoral qui renverserait la table.

Force est de constater que le raisonnable l’emporte et que les finalistes sont revenus dans des critères presque classiques. Macron-Le Pen peut être vu comme un duel gauche-droite classique, se doublant d’un contraste ouverture-fermeture, inclus-exclus, jeunes-vieux, diplômés dynamiques-peu lettrés frileux.

Relativisons cependant.

Les chiffres officiels sont une chose, les chiffres réels une autre. Si l’on prend en compte les abstinents et les votes blancs et nuls, l’engouement pour Macron ou Le Pen est moins net qu’il n’y paraît.

Si, de plus, on prend en compte la participation, Emmanuel Macron ne recueille que 14.12% du vote des Français inscrits, et Marine Le Pen 12.68%.

La droite n’est pas morte, même si François Fillon a perdu (par une communication désastreuse sur ses « affaires ») les votes reportés sur Nicolas-Dupont-Aignan (plus haut que dans les élections précédentes) et sur Emmanuel Macron (grâce en partie à Bayrou). Le paysage montre que la droite reste majoritaire, à 27.39% des inscrits, alors que la gauche n’est qu’à un « minable » (mot favori du socialiste Jean-Marc Ayrault) 16.40%. Le centre renaît grâce à un « hors parti » qui se veut ET de droite ET de gauche, ce qui séduit la jeunesse lasse des querelles de bac à sable des egos d’appareil, comme ceux qui veulent vraiment que la France se réforme – comme les autres pays.

Notons que nous avons échappé au pire : un duel Le Pen-Mélenchon, ou le choix entre la peste et le choléra. Mussolini ou Chavez ? Le fascisme brun ou rouge ? Et ne me dites pas que « le peuple » serait plus démocratique que « la masse », le premier n’est qu’une construction idéologique du leader maximo, tandis que la seconde n’est que la pâte à aduler le führer. Et les exemples de Maduro le Vénézuélien comme celui d’Erdogan le Turc aujourd’hui, les modèles respectifs de Mélenchon et Le Pen, n’incitent pas à les imiter !

Il reste que les votes extrêmes sont le cas de 27.39% des inscrits. Bien loin de « la majorité » sociologique pour renverser la table. Surtout que les inclus se trouvent 32.48% contre 26.70% d’exclus. La France « périphérique » n’est pas hégémonique dans le pays. Les Français sont plus ouverts que les médias le disent, plus soucieux de l’avenir que les souverainistes le croient, et moins révolutionnaires que les tribuns le clament.

Mais les partis « tradi » sont mal en point, inaptes à faire ce pour quoi ils sont faits : sélectionner des gouvernants capables. Les deux finalistes, Macron et Le Pen, sont des outsiders, loin devant les Fillon et Hamon issus des primaires de leur parti. Notons que les « petits » candidats n’ont pas fait la preuve qu’ils apportent une quelconque plus-value au débat démocratique ; ils brouillent plutôt les cartes avec leur paranoïa, leurs envolées lyriques ou leur logorrhée trotskiste trop années 70.

Malgré le tropisme institutionnel du duel, la France n’apparaît pas comme bipolaire, un coup à gauche, un coup à droite. Se reconstitue la « bande des quatre » qui faisait les délices de la presse aux temps du gaullisme et du mitterrandisme : la droite forte, le centre-droit, la gauche de gouvernement et la gauche radicale. Le reste n’est que confettis marginaux inaudibles.

Maintenant, vont se jouer les législatives.

Le second tour n’est pas passé, mais le résultat ne devrait pas faire de doute : Marine Le Pen n’a quasiment aucune réserve en voix, pas plus que son père en 2002, même si une partie des électeurs Fillon ou Dupont-Aignan (voire Mélenchon, ce vote ludique) peuvent se reporter sur elle. Gageons que ce pourrait être 60/40 en faveur de Macron.

La recomposition se fera à l’Assemblée nationale, où le vote pour un député n’obéit pas aux mêmes critères qu’un vote à la présidentielle. La droite pourrait être majoritaire, même si elle ne serait pas hostile à gouverner « avec » Emmanuel Macron. Les députés frontistes seront probablement plus nombreux qu’aujourd’hui, ce qui est normal dans une « démocratie » : l’Assemblée est faite pour représenter le pays réel – pas l’idée morale qu’on s’en fait.

La suite dépendra de la réussite politique du président Macron.

  • S’il échoue dans le velléitaire et les tabous de la moraline idéologique, comme François Hollande, alors Marine Le Pen se voit ouvrir cette fois un boulevard pour 2022.
  • S’il réussit à allier réformes et protection, élan et main tendue, à la fois en France et en Europe, il recomposera vraiment le paysage politique français. Enfin ! serait-on tenté de dire, après l’espoir avorté de 2007.

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Primaires, un progrès démocratique ?

Parce que la gauche les a mises en place en 2011, les primaires seraient « forcément » un progrès démocratique. Or les primaires à gauche de cette année-là ont adoubé celui qui apparaît peut-être comme le pire président qu’ait connu la Ve République, François Hollande. Indécis, pusillanime, toujours lisse et content de lui, lançant des idées comme on lance une balle à un chien pour voir s’il la rapporte, sans projet clair pour la France, intellectuellement lâche dès qu’il s’agit de gouverner pour tous les Français, il reste dans une constante stratégie d’évitement de tous les tabous de la vieille gauche socialiste. A croire qu’il avait un père autoritaire et qu’il a peaufiné cette façon d’être dans son couple et durant toute sa carrière…

Les primaires à droite, les premières du genre, remettront-elles en cause ce choix pitoyable du « moins pire » acceptable par un parti ? Nous avons sept candidats, dont une seule femme, mais deux candidats seulement intéressent les médias et ceux qui veulent gagner : Sarkozy et Juppé. Les autres ne sont cependant pas là seulement comme figurants mais ont tracé pour la plupart un programme sérieux, complet et chiffré, du projet qu’ils proposent. Gageons que, même s’ils ne sont pas choisis, le vivier des idées à droite y aura gagné, au moins dans l’opinion.

primaires-en-france

Alors, les primaires sont-elles utiles à la Ve République en France, ou non ? 

La mode va vers la démocratie directe opposée à la démocratie représentative. Les gens, plus cultivés, plus informés via Internet (le sont-ils « mieux » ?), désirent donner leur opinion personnelle plutôt que de passer par les grandes idées vagues des partis politiques. C’est une très bonne chose… pour des élections locales, où chacun conçoit clairement les enjeux d’une politique pour lui-même, sa commune ou sa région historique. C’est beaucoup moins vrai pour des élections présidentielles, où il s’agit d’un projet pour la France dans le monde tel qu’il est : très peu d’électeurs sont suffisamment informés et formés pour avoir un jugement utile autre que de vagues idées.

Les primaires, en ce cas, confortent plutôt le jeu des partis et le bal des prétendants. La tentation est de retomber dans ces « grandes idées » qui sont le mal français (les « valeurs », l’immigration, la sécurité, l’impôt), plutôt que de tenter de les résoudre par des propositions concrètes. Pour gagner son camp, le candidat à la primaire doit forcer le trait, ce qui pousse les gens de droite à friser l’extrême-droite (souverainisme, populisme, nationalisme – voire xénophobie) et les gens de gauche à pousser toujours plus à gauche (centralisme, autoritarisme, droitedelhommisme béat, fiscalité, clientélisme – du Robespierre avec mobilisation générale). On le voit déjà à droite, la primaire exacerbe les passions, détruit l’unité de façade du parti, encourage la dictature du court terme et des sondages.

En revanche, le processus des primaires a l’avantage de proposer un arbitrage plus ouvert qu’auparavant, au-delà des seuls militants. Tous les sympathisants (qui font l’effort) deviennent juges du projet d’avenir. Evidemment limités à ceux qui ont un minimum de bagage intellectuel et scolaire pour avoir des convictions et être prêts à s’engager ; évidemment les plus urbains qui n’ont pas à faire des kilomètres pour trouver un bureau de vote. Mais voter – quelle que soit l’élection – exige toujours une démarche volontaire ; disons que la primaire exige un peu plus, puisqu’elle n’est pas obligatoire dans le processus de l’élection présidentielle. Elle rend l’offre politique moins dépendante des partis politiques, encore que les filtres imposés (parrainage d’élus plus parrainage d’un certain pourcentage de militants) reproduisent en partie l’ancien système des congrès. Mais il vaut mieux une petite ouverture qu’un grand bouleversement des règles (du style référendum ouvert).

Dans le cadre qui est le nôtre, remanié par la gauche Jospin avec le renoncement du soi-disant « gaulliste » Chirac, la Ve République élit un président tous les 5 ans (au lieu de 7) et impose des législatives dans la foulée (au lieu d’un mi-mandat). Avec le processus ajouté des primaires, c’est une année complète de campagne qui s’engage tous les 4 ans – comme aux Etats-Unis. Les politiciens de gauche étaient-ils intoxiqués à ce point des séries américaines et du soft power yankee lorsqu’ils ont créé la primaire pour qu’ils imitent à tout prix les mœurs de l’impérialisme militaire, financier, culturel et informatique qui les asservit ? Est-ce pour cela que la droite est aujourd’hui tentée par le modèle alternatif du chef Poutine ? Si les primaires américaines sont justifiées à la fois par le régime carrément présidentiel et par l’absence de partis d’idées à l’européenne, sont-elles justifiées dans le régime semi-parlementaire qui est le nôtre ?

Le système électoral à deux tours (désormais trois avec la primaire) fait que les électeurs retombent dans l’ornière de la bipolarisation ; il leur faut à chaque fois exclure le plus tiède dans leurs idées pour ne garder que le plus agressif. Ce qui apparaît comme un peu… primaire, voire primate ! Si la gauche a élu le plus synthétique en 2011, faute d’idées, la droite pourrait élire le plus bagarreur en 2016, faute de fermeté du président actuel. Dans les deux cas, est-ce un progrès démocratique ? « Le peuple » est pris dans les rails du système, difficile pour lui de s’en dépêtrer.

Vous me direz que la procédure des primaires ne concerne que ceux qui veulent bien s’y soumettre.

Sauf que sans la machine du parti, point d’élection ! Où trouver autrement les finances ? les militants colleurs d’affiches et animateurs du site Internet ? l’agencement des meetings ? L’élection est avant tout une organisation et, sans un parti, point de salut.

Il y aura des candidats libres au premier tour de la présidentielle. Avec les primaires à gauche et à droite, ils seront réduits plus qu’avant à n’être que des candidats de témoignage, sans véritable espoir de gagner. Il faudrait un raz de marée en faveur d’un changement radical pour que les adoubés des sympathisants, soutenus durant des mois par leur parti, ayant fait campagne dans tous les médias, soient balancés d’un coup hors du jeu. (C’est cependant arrivé à Monsieur Hitler en 1933…).

Seul le président en place pourrait faire dérailler de la voie toute tracée en adoubant un successeur… sur le modèle américain du colistier vice-président. Mais oui, si l’on veut copier un modèle, autant le décortiquer dans tous ses détails ! On peut rêver d’un Hollande adoubant un Macron, ou d’un Sarkozy renonçant en faveur d’un Le Maire… Je sais, on peut toujours rêver – et courir – tant le courage en politique est ce qui manque le plus depuis Churchill et de Gaulle.

En France le régime se veut depuis Charles de Gaulle la rencontre d’un homme et de son peuple, sur la base d’un projet d’avenir qu’il lui propose. Mais 5 ans, c’est un peu court pour une vision gaullienne – surtout si la campagne commence dès la quatrième année et que les députés sont pris dans le mouvement sans jamais pouvoir s’en distinguer – car le calendrier les oblige. Avec les primaires, le parlement est encore plus réduit : il ne peut avoir aucune idée hors celles de l’élu président et de son opposant – faute de ne pas être adoubé par son parti, donc pas élu. Est-ce une avancée ?

La primaire ne serait-elle en ce cas que la première étape d’un VRAI régime présidentiel ? Est-ce le rêve de la gauche jacobine ? de la droite bonapartiste ? Est-ce compatible avec l’Europe des parlements ? Ou la primaire ne serait-elle qu’un cautère sur une jambe de bois, le pansement bricolé de l’indigence politique qui veut donner l’illusion de « participer » tout en tenant fermement les rênes du pouvoir ?

A l’issue de cette réflexion, les primaires sont-elles vraiment un progrès démocratique ?

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Sortez les sortants !

Article repris par Medium4You.

Les électeurs sont allés massivement s’exprimer à plus de 80% malgré les vacances « colère », l’abstention n’a pas gagné. Les partis qui résonnent dans l’opinion sont les fronts : Front national et Front de gauche. Aussi butés et têtus que des taureaux machos. Aussi en panne d’idées concrètes utilisables, hors des slogans. On note donc dans ce premier tour l’envol du populisme, la lassitude pour les partis de gouvernement et l’effondrement du centre.

Envol du populisme

Surenchère de droite : le vote Le Pen, à près de 20%, est un message clair pour ‘sortir les sortants’, cette élite bobo-cosmopolite qui ne répond rien à la crise. La jeunesse peu éduquée (grâce au syndicat socialiste de l’Éducation nationale qui bloque toujours toute réforme), les sans-diplômes sans-relations sans-mérite, se disent que les sans-papiers, sans argent et sans-logis, chéris de la gauche bobo, comme les nantis de tout, chéris de la droite bobo, ne valent pas qu’on les soutienne. Les ouvriers votent Le Pen.

Surenchère de gauche : le vote Mélenchon est une tentative de donner un sens. Sauf que le ton hystérique et les mensonges (selon Marianne, Vigie 2012, le Véritomètre, Sud-Ouest ou les vidéos traquantes) rendent peu crédible le personnage. Il est tombé autour de 12%, bien en-deçà des fausses promesses des sondages… Le gueulisme radical est dans la ligne des amuseurs médiatiques qui se moquent de tout en restant soigneusement à l’intérieur du système : « tout contre ». Les ouvriers ne votent pas Mélenchon, mais les profs déclassés oui. Mais certains ont trouvé plus utiles de voter Hollande. Mélenchon apparaît d’autant plus braillard et fusionnel qu’impuissant, proclamant tout et son contraire. Les facétieux lui mettent souvent une petite moustache sur les affiches de campagne.

Ces deux partis de tribuns agitent « le peuple », mais il y a malentendu sur la le « pouvoir du peuple » : la démocratie. Le pouvoir libéral est individualiste et universel, préservant la liberté et l’ouverture au monde ; le pouvoir collectiviste est fusionnel, exigeant l’égalité citoyenne par la mobilisation permanente. Qu’elles soient « nationales » ou « populaires », ces démocraties ne sont en rien proches de la nôtre. Leur légitimité ne réside en effet plus dans « le peuple » mais dans « la révolution ». Le premier est godillot et masse de manœuvre, la seconde est mouvement permanent, initié et guidé par des « grands » leaders. Ce fut le cas du Comité de Salut public sous Robespierre, de la Commune de 1871, du parti bolchevique qui dissout l’Assemblée régulièrement élue en 1917, des partis fasciste et nazi, des Mao et Castro, enfin des Conseils de la révolution des printemps arabes. L’avant-garde est composée de ceux qui braillent le plus fort et en imposent aux indécis. Ce pouvoir de chef de bande s’arroge tous les droits : la révolution avant tout, éventuellement (et trop souvent) contre le peuple.

Lassitude pour les partis de gouvernement

L’exaspération, la passion, l’aspiration au changement, font que la raison citoyenne des Lumières se trouve fort déplumée. Les deux candidats de gouvernement ne rassemblent qu’autour de 54% des exprimés. Le réalisme, la modération, l’art du compromis sont contestés par ceux qui se veulent « en résistance ». Le cap est difficile, eux sont à même de mieux le passer que les populistes, mais on sent la lassitude. L’avenir ne sera pas rose pour qui gagnera le second tour.

La crise aurait pu permettre à Nicolas Sarkozy de parler des enjeux du monde et de définir la place de la France. Il aurait pu défendre un projet de compétitivité par contraste avec François Hollande et le tropisme dépensier du projet socialiste. Le travail nécessaire était un thème porteur. Son bilan n’était pas mauvais, malgré certaines erreurs, mais son style personnel a suscité de la haine. Il n’a pas utilisé la crise, préférant le transgressif droitier pour tenter de récupérer l’électorat populaire de Marine Le Pen. Il a donc perdu les centristes. Il n’a pas mis en avant les atouts de son bilan, mais encore et toujours sa personne, comme s’il voulait qu’on l’aime malgré ses trop gros défauts. Ce masochisme suicidaire ne l’a pas servi. Il est deux points en dessous de son rival de gauche, vers 26%.

Inspiré jusqu’à la caricature par François le Grand (Mitterrand), on se demande si François le Petit (Hollande) parviendra à exister. S’il a eu raison d’éviter la confrontation avec Le grand Méchant Luc (Mélenchon), il n’a fait qu’imiter Mitterrand avec Georges Marchais. S’il a lancé le défi au petit Nicolas (Sarkozy), il n’a fait qu’imiter Mitterrand avec Valéry Giscard d’Estaing. Monsieur ‘Normal’ a du mal à apparaître autrement qu’assez fade. Ses 28% lui permettent de faire bonne figure, mais plutôt contre Sarkozy que pour son équipe socialiste.

Effondrement du centre

La posture du solitaire orgueilleux de François Bayrou ne l’a pas servi. Être « au-dessus » des partis est une force lorsqu’on a une légitimité historique : où est la sienne ? quel est son bilan ? Avec moins de 9% des voix, Bayrou fait mentir les sondages. Comme en 2007 et comme Mélenchon aujourd’hui, il a suscité un effet de mode, retombé au dernier moment.

Outre le caractère indécis du personnage, le centrisme se heurte au grand écart des populations confrontées à la crise. Repli sur soi, identité, souveraineté, que dit Bayrou sur le sujet ? Le problème identitaire n’est pas seulement un mot de Sarkozy : il atteint toute l’Europe (Breivic) et l’Amérique d’Obama. Le déni de gauche bobo ne rendent pas moins réels le gauchissement du parti démocrate (avec le mouvement Occupy Wall Street) comme la droitisation du parti républicain (avec les Tea parties). Les démocrates tendent vers l’anarchisme et les républicains libéraux vers les libertariens… La modération devient à notre époque un fatal handicap.

Le premier tour est tombé le jour de saint Alexandre… mais le second tombera le jour de sainte Prudence. Faut-il y voir un signe ? Le rapport droite/gauche se situe à 47 contre 49%, en faveur du changement. Comment cet éclatement extrémiste des votes se traduira-t-il durant les Législatives de juin ?

(Estimation Ipsos/Logica Business Consulting/France Télévisions/Radio France à 20h52, susceptibles de modifications à la marge)

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Socialistes ou primaires ?

Article repris sur Auxerre TV.

Les socialistes seront-ils primaires ou les primaires seront-elles socialistes ? Dans le premier cas, on se regarde le nombril ; dans le second, on réinvente le socialisme pour notre temps. Tel que c’est parti, nous ne voyons ni vraiment l’un, ni vraiment l’autre…

En France, les primaires sont organisées par la Constitution sous la forme du premier tour. Si l’on trouve plus démocratique que la société civile se prenne en main, la meilleure façon serait de supprimer le premier tour pour obliger tous les partis à se regrouper en candidats communs. Ce serait évidemment renforcer le régime bipartisan, droite et gauche, bien ou mal – chacun situant le « bien » où il veut – mais c’est ce qui a été choisi par l’équipe Jospin. La réforme du septennat en quinquennat a en effet été accompagnée de législatives dans la foulée pour bien donner une majorité au président. Alors que la gauche ne vienne pas donner des leçons sur le présidentialisme, s’il-vous-plaît !

Les socialistes ont donc décidé d’organiser des primaires en les ouvrant un tout petit peu aux sympathisants. Dans un régime de plus en plus présidentiel, cela donne une teinture de démocratie participative. Pourquoi pas ? Mais cela fait furieusement penser aux usines à gaz que les socialistes adorent parce qu’elles leur permettent de faire dans le réel tout ce que leur idéologie réprouve : accepter le marché (mais en « économie sociale »), privatiser (mais sous la forme de PERCO et PERP fabiusien – comprenne qui pourra), augmenter les impôts (mais par une Grrrrââândde réforme fiscale comme les Dix commandements). La primaire, c’est faire du « centralisme démocratique », un mot inventé par Lénine pour dire la mainmise du parti sur les électeurs. Sauf que DSK a khané et que le candidat « naturel » que la primaire ne devait que « confirmer » s’est déconsidéré.

Il faut donc prendre le train en marche ce qui, pour les socialistes, n’est jamais prévu (que ce soit en politique, en économie ou en diplomatie…). Dans ce contexte, François Hollande a toutes ses chances. Il est proche du pragmatisme et de la vision mondiale de Strauss-Kahn, tout en étant héritier de l’appareil, donc connu et apprécié par une grande part des militants. Il était candidat avant les autres alors que DSK restait possible, ce qui lui donne une longueur d’avance. Hors du parti, il est moins lié que Martine Aubry et moins connoté que Ségolène Royal. Laissons de côté les candidats de témoignage qui ne seront pas élus comme Montebourg, Valls et même l’improbable Baylet (qui le connaît, celui-là ?). Aubry a le handicap d’être considérée comme psychorigide, trop fille de son père et adepte des réformes Mitterrand désormais inadaptées (retraite à 60 ans, 35 heures) ; elle a un côté hamster qui grignote ses discours tout en restant dans le collectif, ce qui ne crée pas une image présidentielle. Royal a le handicap de sa voix de canard et de son agressivité intacte ; elle a des intuitions justes (ne pas augmenter les impôts, promouvoir la croissance verte nationale) mais elles sont noyées dans le galimatias anti-Sarko et antiparti. Reste Hollande.

Lors d’une élection présidentielle, ce qui compte est la personnalité, pas les idées partisanes. Le parti peut bien avoir un programme collectif ou du moins de grandes idées générales, ce n’est pas cela qui fait le bon candidat. Maintenir l’unité du parti ou représenter tous les Français ? Ce n’est en chacun des cas ni la même mission, ni la même personnalité requise. Ségolène Royal en 2006 a écrasé les vieux mâles dominants du PS qu’étaient Strauss-Kahn et Fabius pour cette raison. Mais c’est aussi pour cette raison que Martine Aubry a le handicap d’être l’émanation de l’appareil. Or les Français sont très attachés à la dimension personnelle de l’élection présidentielle. Ils restent soupçonneux envers les partis et les personnes d’appareil. Leur sentiment d’égalité et de dignité réprouve tout ce qui peut ressembler à une mafia, un politburo, une franc-maçonnerie élitiste où les initiés se parlent entre eux. Ce pourquoi la droite est plus souvent de plain pied avec les électeurs – que la gauche, restée léniniste dans l’âme.

Le programme du parti et son idéologie sont donc condamnés par la logique présidentielle. Le problème est que, pour être candidat soutenu par le parti, il faut gagner les primaires dans le parti – donc respecter le nous collectif et les intérêts catégoriels des militants… D’où les réponses dilatoires de Martine Aubry sur la crise de la dette, les déficits – et son envolée (qui ne mange pas de pain mais conforte profs et bobos) sur la Culture et les valeurs. Ce n’est pas cela qui préoccupe les électeurs populaires mais bien plus la compétence pour nager dans la mondialisation, la modération sur la fiscalité déjà très forte par rapport aux pays voisins, l’emploi public à réorganiser et l’emploi privé à encourager, enfin l’ouverture sur les partenaires européens sans qui l’on ne peut rien faire de concret. La position centre gauche de François Hollande est proche du centre de gravité de l’électorat français. Plutôt centre droit habituellement, l’expérience Sarkozy et l’épouvantail Marine repoussent doucement vers le centre gauche en 2012.

Mais cela ne tient qu’à un fil. Car Hollande a le handicap réel d’être devenu le chouchou des média. Or l’on sait ce qu’il advient des chouchous intello-médiatiques : Mendès-France, Chaban-Delmas, Barre, Rocard, Delors, Balladur, tous ceux qui étaient adulés par les bobos et que la presse parisienne faisait mousser ont été battus. Tropisme de gauche anarchiste (bien française celle-là, contrairement à la gauche prussienne et soviétique), les socialistes détestent les leaders et les tribuns. Jean-Luc Mélenchon en a fait l’expérience, Ségolène Royal aussi avec les éléphants. Qu’on se rappelle Fabius, si volontiers sage-donneur-de-leçons-de-morale : « qui va garder les enfants » ?

Alors : primaires socialistes ou socialistes primaires ? Gageons que ce sera partagé, pas très tentant pour les extérieurs au PS, pas très socialisme d’avenir pour les militants… Le PS va-t-il me donner tort cette fois-ci ? Les gosses le disent, les éléphants ça trompe – mais ce sont des gosses.

Voir le blog de Jean-Louis sur les primaires

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Démagogie sur l’Europe

Article repris par Medium4You.

Le cas grec est symptomatique de la cacophonie européenne. Il n’y a pas de pilote dans l’avion, pas d’avenir rêvé ni d’édifice solide. Il est loin le temps de Jacques Delors… Certains disent qu’à 27 l’Europe est ingérable, qu’à 16 (bientôt 17) la zone euro est mosaïque. Oui mais elle est une construction qui avance, pas à pas, poussée par les crises. Nous sommes en plein dedans : l’Europe va-t-elle avancer une fois encore ou éclater ? Chacun selon son tempérament verra le verre à moitié plein ou à moitié vide. Je me situe parmi les optimistes… ou plutôt parmi les réalistes : que serait le petit pays France dans le monde globalisé ? Nous ne pouvons exister qu’au travers de l’Europe, peser sur le destin du monde par le droit, la diplomatie, l’économie et la monnaie que par l’Europe. A condition que celle-ci parle d’une voix homogène, pas chacun dans son coin.

Or, sur le cas grec, chacun y va de sa tirade. Les politiciens à courte vue ne parlent qu’à leurs électeurs locaux, sans souci des nouveaux moyens de communication mondialisés. Les politiciens imbus d’eux-mêmes croient disposer de tous pouvoirs pour étrangler qui ils veulent, dont ces « marchés » dont ils font le bouc émissaire commode sans savoir qui ils sont. Les politiciens agissent comme des pantins d’un théâtre qui les dépasse, archaïque et histrion. Pendant ce temps, nul ne veut plus prêter d’argent à la Grèce, ses politiciens ayant menti pour entrer dans l’Europe, menti sur les réformes, menti à leur peuple en garantissant leurs zacquis. Ces zacquis, il faut bien reconnaître qu’ils ont été volés, fondés sur la fraude fiscale, les passe-droits, les prébendes d’État endetté. Tout cela en bénéficiant d’un euro fort à l’extérieur et d’un crédit à faible taux sous le parapluie de la Banque centrale européenne. Le reste du monde dit maintenant : « Rendez l’argent », au moins faites ce qu’il faut pour rembourser.

Le peuple grec dit « cépanou » mais les politiciens qui ont favorisé les riches. Ce à quoi on peut leur rétorquer : conservateurs et socialistes confondus, qui les a élus ? Qui les a contrôlés ? Qui a profité de l’euro fort et de la liberté de circulation des hommes et des capitaux dans l’espace européen pour travailler ailleurs, planquer ses capitaux ailleurs, investir ailleurs qu’en Grèce même ?

Les politiciens grecs disent « cépanou » mais les précédents au pouvoir, le système, les traditions, les électeurs, l’absence de contrôle européen fiable. Dommage pour eux, le système ne veut plus leur prêter à moins de 18% l’an, les traditions explosent parce qu’Internet permet de comparer avec les autres pays, les électeurs ne sont pas d’accord pour voir leur niveau de vie baisser d’un tiers brutalement et l’Europe se préoccupe enfin d’organisation et de surveillance.

Les technocrates européens disent « cépanou » mais les politiciens qui ont voulu que la Grèce entre dans l’Union européenne, Giscard en tête, et même dans l’euro, Kohl-Mitterrand en tête. Cela pour que les Français et les Allemands puissent passer leurs vacances en euro sur les plages du club Med. L’effet monnaie unique a conforté la Grèce dans sa gabegie, la technocratie de Bruxelles étant censée surveiller les finances pour la convergence. Il n’en a rien été évidemment et c’est lorsque le feu prend à la maison qu’on distingue une maison de paille d’une maison de pierre.

Les politiciens européens ne disent rien, eux qui sont élus pour cela. Ils préfèrent leur théâtre pour Gaza ou contre le nucléaire. C’est loin Gaza, c’est lointain le nucléaire. Se poser en moraliste sur le lointain est moins risqué politiquement que sur le proche grec, n’est-ce pas ? Quel courage !

Les politiciens nationaux font alors leur petite danse du ventre électorale puisque des législatives approchent en 2012 pour beaucoup de pays de la zone. Il s’agit toujours de préserver les zacquis locaux et de faire payer les autres, rien de nouveau en politique. Tant pis pour l’Europe et pour l’avenir : seul compte le pouvoir ici et maintenant ! Ce pourquoi je reste persuadé que la politique médiatique (celle d’aujourd’hui, pas celle de toujours) est un travail de mensonge et de manipulation, un théâtre où la réalité a peu de chance de s’imposer… sauf par le global.

Car le global, pour le meilleur comme pour le pire, s’impose à nous au XXIe siècle.

Le climat exige, la limitation des ressources empêche, la communication instantanée oblige, les marchés financiers prêtent ou pas. Les politiciens dans leurs petits coins ne peuvent plus dire impunément n’importe quoi : ils sont surveillés par toute la planète. Qu’ils disent « l’Allemagne paiera » et les marchés dévissent, car personne de sensé ne peut croire que les Allemands travailleurs et précis vont payer pour les je-m’en-foutistes grecs, italiens ou (un jour ?) français. Car les Français sont en déficit public depuis 35 ans, tout le monde le sait. Les Allemands aussi subissent l’euro fort et la concurrence asiatique : leur industrie s’en sort-elle si mal ? Ils travaillent même moins que les Grecs, selon une étude de Patrick Artus. Pourquoi ce qui leur est possible ne se serait-il pas pas aux Grecs ou aux Français ?

Il est facile de dire « les marchés » pour les accuser de tous les maux. Mais qui sont « les marchés » ? Ce sont les fonds de pension des retraités californiens ou hollandais, les veuves écossaises et celle de Carpentras, les réserves des collectivités locales comme la ville de Saint-Denis ou le département des Charentes, l’assurance-vie de Monsieur pour ses vieux jours, ou de Madame en réversion, faute de retraite suffisante.

Ce sont aussi « les spéculateurs », mais il y a là encore du monde très différent : les entreprises pour couvrir leurs risques de change ou de prix des matières premières, les peutizépargnangnans qui « jouent » en bourse via les trackers ou les hedge funds, les gros capitaux qui vont au plus offrant, les escrocs comme… non justement pas comme Madof, qui n’a jamais rien investi, payant les intérêts des anciens avec les capitaux des nouveaux. Quand on critique « les marchés », il faut préciser les spéculateurs à la seconde – pas les autres. Mais la démagogie se mêle à l’ignorance pour accuser en bloc : ça fait toujours bien sur les estrades.

Donc quittons l’euro, instaurons le protectionnisme, fermons les frontières aux produits à bas coûts payés par l’exploitation du peuple et de l’environnement, faisons payer les riches. C’est ce que réclament les Le Pen, Dupont-Aignan et Mélenchon, jamais à court de populisme. Nous l’avons dit plus haut, c’est facile, la politique : promettre la lune, garantir à chacun ses zacquis et faire toujours payer les autres. Tout cela en appelant au peuple, bien sûr, tous les tyrans ont toujours agi au nom du peuple qui les acclamait…

Facile à dire, difficile à faire. Car il s’agit de changer de système complètement :

  • juridiquement, diplomatiquement et militairement se retrouver tout nu sans l’Europe,
  • dévaluer brutalement le pouvoir d’achat et faire exploser la dette extérieure,
  • voir chuter nos exportations par rétorsion des pays lésés par notre protectionnisme,
  • laisser piller notre technologie par espionnage plutôt que par contrats devenus impossibles,
  • encourager la fuite des cerveaux vers des cieux plus favorables à l’innovation récompensée…

Simple : yaka interdire les exportations de capitaux et la circulation des gens, yaka nationaliser les banques, yaka créer des emplois de fonctionnaires, yaka consommer local. Certes, c’était le monde avant 1945… Les Français étaient à plus de 70% ruraux, gagnaient leur survie dans leurs champs et avec leurs bêtes, mangeaient bio et beaucoup, mourraient gros et vingt ans avant l’espérance d’aujourd’hui, ne possédaient pour épargne qu’un livret A dès la naissance (et les terres des parents) et aucun des gadgets électroniques de la modernité. On a vu comment cela s’est terminé : par une bonne guerre où le plus fort industriellement et moralement l’a emporté. Des communistes sont devenus fascistes, des socialistes ont voté les pleins pouvoirs au vieux conservateur-maréchal, des bourgeois bien français ont collaboré, le peuple a fait le gros dos, toujours en faveur de qui gagne.

Mais oui, c’étaient les années trente. Cela vous dit-il quelque chose ?

L’Europe accouche toujours dans la douleur. Malgré les démagogues histrions, focalisés sur leur seul petit pouvoir local égoïste.

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