Qui s’y intéresse encore ? pas grand monde. Non qu’il n’y ait pas d’enjeux, mais les personnages sont peu attirants. À gauche, l’écologiste est insignifiant, la socialiste anecdotique, le communiste égaré dans les années 1950 ; seul le grand méchant… Mélenchon attire le vote utile. À droite, les citoyens sont attirés par les extrêmes, la fachote Le Pen fan de Poutine étant portée à la modération par les excès du trublion Zemmour, qui laisse hurler ses partisans à l’assassinat. Les Républicains sont pris en sandwich entre les vociférations exaspérées des conservateurs de plus en plus ultra et le bon sens centriste du président sortant. Je ne sais quel seront les deux au second tour, mais il est probable que l’on reverra en scène comme en 2017 Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Mélenchon est trop coléreux pour rallier à lui d’autres gens que son camp. Nous saurons dans une semaine.
Les lycéens que j’observe non loin de chez moi à Paris donnent une indication sur l’état d’esprit de la jeunesse éduquée selon l’épidermique, l’émotionnel et le superficiel des réseaux sociaux. Sur les affiches électorales posées sur les douze panneaux, la première à avoir été lacérée a été celle du collabo Zemmour. A suivi dès le lendemain celle de Marine Le Pen avec même une inscription injurieuse traditionnelle des réseaux, tandis que Mélenchon a été le troisième à avoir été dégradé. Ont suivi Dupont-Aignan et Macron, puis Lasalle. Le premier parce qu’il n’a pas grand-chose d’original à dire, le second parce qu’il est en place et suscite évidemment la jalousie comme l’effet de bouc émissaire pour tout ce qui ne va pas, le troisième parce qu’il apparaît comme un régionaliste archaïque, pour la chasse et contre les ours. Il est vrai que le slogan Macron « avec vous » évoque plus le marketing d’une lessive que l’humanité d’un candidat. Le slogan Poutou, adepte d’une idéologie d’il y a un siècle, secte alors déviante du stalinisme, est nettement plus parlant auprès de la jeunesse. Son « nos vies valent plus que leurs profits » est plus efficace que « le camp des travailleurs » d’Arthaud, qui laisse indifférent voire hostile (rejetant tous les fout-riens tels les jeunes, les chômeurs, les retraités, en plus de l’extrême minorité des « rentiers » visés), tout comme le « faire face » de Jadot.
Que dira « le peuple » ? Le peuple est une fiction qui réunit des intérêts largement divergents, les principaux étant liés au niveau de vie et aux perspectives d’avenir. Tous les extrêmes sont ainsi populistes parce qu’ils flattent la majorité du peuple selon son désir de plus d’argent et d’élévation sociale. Les programmes des candidats, aussi bien à l’extrême-droite qu’à l’extrême-gauche, favorisent massivement la dépense publique tout en négligeant la dette et les impôts. Ce ne sera pas tenable dans le temps, signe qu’ils sentent bien qu’ils ne pourront pas gagner la présidentielle. À moins que le candidat retenu au second tour, s’il en est, ne mette de l’eau dans son vin sur ce sujet. Ou que, ce qui est plus probable, les promesses extravagantes ne soient jamais tenues – comme d’habitude.
L’agression du tsar Poutine sur un pays « frère » en voie de démocratisation qu’est l’Ukraine a eu probablement une influence sur le sentiment des électeurs envers les extrémistes. Poutine est l’exemple même du dirigeant devenu progressivement autocrate faute de contre-pouvoir, à la manière de Castro à Cuba ou de Chavez au Venezuela, sans parler d’Erdogan en Turquie et de Xi en Chine. Confier les clés du pouvoir à une personnalité portée à l’autoritarisme risque toujours de dégénérer : le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument ! En ce sens, Zemmour et Mélenchon sont les plus mal partis. La blonde, en revanche, a des chances de figurer au second tour parce que femme et par ce que « blonde » (avec tout ce que ce vocable connote). Mais cela n’enlève rien aux côtés mussoliniens de son programme où le socialisme tend à l’emporter sur le national pour le moment. C’était l’inverse il y a quelques mois encore, contre les étrangers, l’immigration, les diktats de Bruxelles et la souveraineté nécessaire. Aux extrêmes, le national ne reste jamais loin du socialisme.
Il reste au Rassemblement national une haine contre-révolutionnaire issue des royalistes, reprise sous Pétain et avivée par les déçus de la guerre d’Algérie contre le parlementarisme, la liberté libérale, les institutions démocratiques et la promotion de l’individu. Tout est orienté vers le collectif : la famille, l’église, le parti, l’État, la nation. Tout est bon pour y parvenir, les promesses comme le mensonge, la mise en scène comme la provocation. Les souverainistes ne croient pas aux traités internationaux et considèrent que chaque État n’a que des intérêts particuliers. Les nationalistes ne croient pas à l’individualisme et considèrent que chaque patrie doit imposer sa morale. En cela la religion y aide, comme à Moscou avec Kirill, et elle est chrétienne catholique en France. La religion musulmane est conçue comme un défi de civilisation qu’il faut combattre, bouc émissaire commode qui a pris aujourd’hui la place qu’avait le judaïsme avant Hitler. L’Etat peut tout, croit-on aux extrêmes, à condition que le chef donne les directives. Les syndicats sont réduits au corporatisme contre les intérêts marchands. Les médias sont contraints par les règles, les lois et une autre conception de la liberté d’expression, comme en Pologne et en Hongrie. L’école est favorisée comme lieu d’élevage des portées saines de petits nationaux, voués à une propagande patriote. C’est ce qui se fait en Russie, en Turquie et en Chine, c’est ce que Marine Le Pen, comme le Z, voudraient voir s’établir en France.
Le débat va probablement se produire entre deux conceptions du monde, le « retour à » et la « marche en avant », la réaction vers l’ordre moral et la liberté laissée à chacun avec la responsabilité nécessaire qui va avec – la contre-révolution et la révolution, pour faire simple. Quant au « peuple », Proudhon le disait déjà : « rien n’est moins démocratique, au fond, que le peuple. Ses idées le ramènent toujours à l’autorité d’un seul ».
Les législatives dans la foulée sont peut-être la seule raison d’Hidalgo de rester encore dans la course, de même que Pécresse de se démener. Certains pensent que Nicolas Sarkozy « pourrait » appeler à un front républicain au second tour entre LR et LREM. Petits jeux entre amis.
Quant à l’écologie, mon avis est qu’elle ne devrait pas faire l’objet d’un parti politique, cela rend le concept inaudible. TOUT LE MONDE est concerné par l’environnement, le climat, la vie plus naturelle. Encore faut-il remettre en question les gros machins d’Etat dont raffole la technologie française : le monopole EDF sur le courant, les « grosses » centrales nucléaires, éoliennes, solaires, les « centrales » d’achat, le train GV et ainsi de suite – pour des mini centrales de quartiers, des éoliennes sur les toits des immeubles, des panneaux solaires idem, les transports alternatifs individuels. L’écologie est au plus proche du terrain, lorsqu’elle s’éloigne, elle devient idéologie, voire religion en substitut des gourouteries new age et du christianisme finissant. Le vert, oui (attention, c’est la couleur de l’islam…), mais le vert immédiat, pas le vert partisan. J’ai écris plusieurs notes sur la « nouvelle religion », les tentations totalitaires d’imposer « dans l’urgence » le « surveiller et punir » si cher à la gauche en France. J’ai écris aussi une note sur « le bio » https://argoul.com/2020/12/07/bio-et-democratie/. Il suffit de chercher dans la fonction « recherche » du blog.
Quant au pouvoir d’achat, il a pris très récemment de l’ampleur avec les bouleversements géopolitiques de l’agression impérialiste d’un « pays frère » par fantasme tsariste. Marine, fan de Poutine, confond pouvoir des chats qui la rend sympathique sur youtube et pouvoir d’achat, qu’elle promet sans compter tout en résiliant les traités, rejetant « les immigrés » (Ukrainiens aussi ?), sans le financer autrement qu’avec des fantasmes (80 milliards juste pour les immigrés sur 5 ans ? de quoi parle-t-on !).
La mondialisation telle que nous l’avons connue est finie et, avec elle, vient la régression de chacun sur sa proximité. Covid + Poutine, après Trump et ses foutraqueries, montrent qu’il nous faut compter sur nos propres forces : du grain à moudre pour les idéologues du gauchisme à la chinoise qui ont rejoint l’écologie version française.
Pour moi, l’écologie ne devrait surtout pas être laissée aux écologistes. En France, en Belgique comme ailleurs.
Merci d’avoir contribué au débat.
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Très intéressant point de vue dont découle le seul choix de relancer le sortant. L’unique mini-doute sur l’issue du deuxième tour, c’est l’attitude du « peuple » à l’égard de la tentation de jouer à la roulette russe,
et d’élire une femme faussement fréquentable.
Voyons plus loin, les législatives. LREM n’a pas d’ancrage, Le FN n’a pas de cadres. Les autres partis sont à la dérive. Macron continuera à ne compter que sur lui-même et peut-être sur une partie du LR éclaté. Nous aurions un LRREM renforcé.
Et si nous votions pouvoir d’achat à la présidentielle et transition écologique aux législatives. Voici un cas de figure qui me plaît bien. Macron devrait composer et admettre qu’il n’y aura plus d’uranium en 2050 pour faire tourner ses très chères centrales nucléaires.
Ne vous en déplaise, cher Argoul, la France a bien besoin de vert. Chez les Belges, le vert a fort pâli.
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