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Elire, c’est choisir

Une femme ou un homme ? Une héritière populiste ou un bon élève ex-banquier ? Pour beaucoup, le choix est difficile ; certains le refusent parce qu’ils considèrent qu’entre ces options le bien commun ne figure pas. Ils voteront blanc ou nul, ou se résigneront à voter pour le moins pire – ou pour le moindre bien.

Pour beaucoup, il s’agit d’encore plus de multiculturalisme où va se perdre sa culture, se dissoudre « la France » dans le grand métissage indifférencié d’une Union européenne qui vire au melting-pot américain, ou encore de diluer nos petits blonds dans le noir crépu issu de la guerre des ventres – puisqu’il suffit de naître à Marseille ou Roubaix, même clandestin, pour « être » français, sans aucunes références familiales, culturelles et historique.

Mais tout cela, ce sont de grands mots.

Il suffirait à notre culture d’être vigoureuse (comme avant) pour qu’elle accepte avec bienveillance les cultures venues d’ailleurs, qu’elle s’en enrichisse (comme elle l’a toujours fait) ; il suffirait que la France dise clairement au Conseil européen (des chefs d’Etat et de gouvernement – auquel elle participe) ce qu’elle veut, au lieu de démissionner lâchement comme Chirac et Hollande l’ont fait trop souvent ; il suffirait que nos bobos blancs « de souche » fassent plus de bébés au lieu de jouer aux gais ou aux féministes sectaires, et de papillonner en égoïstes. La question migratoire et la mal-intégration sont à régler au Conseil européen et au Parlement français – sous la pression de l’opinion publique – comme les Néerlandais et les Danois l’ont fait, comme les Allemands vont faire, et pas sous la pression médiatique de la gôch’ bobo hors sol qui ne représente RIEN.

Dans le concret aujourd’hui, ce qui compte est moins « le capitalisme » ou « le grand remplacement » que l’insécurité.

Le souci démocratique est celui des frontières, car nul vote ne peut rien contre l’universel. Le citoyen appartient, il vote pour qui doit le représenter, lequel représentant négocie des lois pour une société sur un territoire. Dès lors, l’immigration de masse sans contrôle apparait comme le plus grand danger. A tort ou à raison, pour des motifs culturel (les odeurs de Chirac), de tabou patriotique (la France, c’est prendre sa carte selon Hollande) ou d’ignorance béate de la profondeur historique (il n’existe pas de « culture française » selon Macron). Le terrorisme – musulman par prétexte – vient ajouter une couche à cette insécurité fondamentale qui recoupe les insécurités sociales, territoriales et économiques.

Le fond du vote Le Pen, ce sont moins la « sortie de l’euro » (remis en cause récemment par Le Pen sous la pression Dupont-Aignan) et les billevesées de la planche à billets via une Banque de France aux ordres de l’Exécutif qui permettrait tous les rêves démagogiques en distribuant des tonnes d’argent (au prix d’une évidente et immédiate inflation), que le retour de la souveraineté sur QUI est Français ou pas. Même l’immigration ethnique est désormais au second plan des craintes, au profit des ayants-droit qui viennent « pomper » (fantasme sexuel ou réalité comptable) le budget déjà limite de l’Etat-providence, tout en refusant la façon française commune de vivre et de se vêtir.

Sur ce sujet, la gauche « frondeuse » n’avait rien à dire, sinon encore plus d’impôts pour une redistribution égalitariste universelle (une sorte d’Etat soviétique modernisé) ; elle a été virée au premier tour. La droite classique n’avait rien non plus à dire, focalisée sur l’austérité budgétaire et le recul (nécessaire mais pas suffisant) de la dépense publique ; elle a, elle aussi, été virée au premier tour. Quand les partis traditionnels n’osent pas prendre à bras le corps un problème populaire, par honte ou lâcheté, le peuple se venge en les « dégageant » (y compris l’apôtre du dégagisme Mélenchon, trop chaviste pour espérer séduire).

D’où l’irruption – dans ce vide – du centre, du « ET droite ET gauche » du jeune Emmanuel, alias « Dieu est avec nous ».

En effet, « Dieu » semble être avec ce candidat neuf, en la personne des intellos multiculturels qui se sentent aussi à l’aise à New York qu’à Paris, à Tel Aviv ou à Singapour ; en les instances patronales qui voient une adaptation pragmatique de la social-démocratie au nouveau capitalisme mondialisé ; en l’idéologie individualiste et branchée des start-upeurs inventifs expatriés ou ceux de la Chevreuse Vallée. « Dieu » est le sens de l’histoire, le « progrès » tel qu’il va.

Bien loin du « diable » incarné par la blonde au sourire commercial, dont le seul souci est d’enclore et de fermer pour faire mariner la France dans un mélange de volontarisme du verbe et de bricolage de gouverne, de verbe gaulliste sans l’esprit et de recettes tirées de l’économie fermée des années 50. Emmanuel et Marine vont naviguer à vue ; mais qui est le mieux armé dans le monde d’aujourd’hui pour mener la barque ?

Avez-vous constaté, du fait des règles rigides du temps de parole égal aux deux candidats restants, que les conseillers, porte-parole et autres économistes de Marine Le Pen surgissent désormais dans le débat public ? Qui les connaissait, ces Bay, Murger, Benoist et autres obscurs ? Tous ne sont pas antipathiques, ni aussi insignifiants que Gilbert Collard (« avec deux n ? » raillait Jean-Marie le père) ; mais qu’ont-ils à dire de neuf ? Pas grand-chose, que du digest de littérature sur le sujet ou des procédés oubliés depuis longtemps comme la planche à billets pour financer les déficits, les dévaluations compétitives (et à répétition) pour éviter l’effort d’investissement, les droits de douane modulés pour contrôler les biens étrangers importés, les droits sociaux réservés aux nationaux et – au fond – le contrôle total d’Etat sur tout : le droit, la monnaie, les industries, la pensée. Voyez Poutine… il est le Modèle pratique de Marine.

Or il s’agit d’une illusion. Sauf à changer la Ve République, donc à réaliser un coup d’Etat à la Erdogan ou à la Chavez pour instaurer un pouvoir fort… dont le Modèle théorique est Mussolini. Mais si, comme le dit Marine Le Pen, il s’agit de demander aux Français via le référendum s’ils veulent ou non sortir de l’euro, puis de l’Europe, puis de la Ve, les lendemains risquent de bien vite déchanter.

L’Exécutif ne peut pas tout et, sous la Ve République, s’il peut beaucoup ce n’est qu’en raison de la personnalité du président.

Après de Gaulle et Mitterrand incarnant la fonction monarchique, même après Pompidou et Giscard plus chefs de majorité à l’anglaise, les successeurs apparaissent bien falots. Chirac, cet histrion, n’aimait que gagner ; il ne foutait plus rien ensuite. Le désastre a été ce fameux « contrat première embauche » destiné à rendre plus facile aux jeunes l’entrée dans l’emploi : le Parlement l’avait voté, le Conseil constitutionnel ratifié, le président promulgué… et voilà que le Chirac le 31 mars 2006 ânonne 9 minutes à la télé qu’il demande que cette loi ne soit pas « appliquée ». On croit rêver ! Quant au Villepin, ci-devant Premier ministre, loin de démissionner, il continue à gouverner comme si de rien n’était ! Hollande ne fut pas meilleur, névrosé de la décision, incapable de choisir, inapte à commander. « Mon ennemi la finance » est devenu un très cher ami, Leonarda expulsée pouvait rentrer, le oui au référendum de Notre-Dame des Landes surtout pas mis en œuvre…

Ce sont probablement ces impuissants qui ont poussé nombre d’électeurs à accuser le capitalisme mondialisé ou Bruxelles de tous les maux économiques et sociaux des Français :

  • Ce n’est pas l’euro : l’Allemagne a le même
  • Ce n’est pas « Bruxelles » : tous les 28 pays européens ont le même Conseil et la même Commission
  • Ce n’est pas « le capitalisme » : pourquoi serait-il innovant aux Etats-Unis, efficace en Allemagne et en Suisse – mais pas en France ?

Ne croyez-vous pas plutôt que ce sont les carcans rigides des lois, règlements et autres administrations d’un Etat plus lourd qu’ailleurs, en plus des impôts, taxes et autres charges plus lourds qu’ailleurs qui – en France tout particulièrement – conduisent au chômage le plus élevé de l’UE, aux prélèvements les plus gros de l’OCDE, aux handicaps les plus forts sur les agriculteurs, les industriels et les investisseurs ?

Selon la force des personnalités, la Ve République est forte ou faible.

Dès lors, quelle est la force de Marine ou d’Emmanuel ? La grande gueule ou l’intelligence des situations ? La com’ ou la négociation ? Macron est un libéral assumé (contrairement à Hollande) ; le libéralisme, c’est avant tout la liberté. Non de tout faire, mais de faire au plus près du terrain, dans des cadres généraux.

Le contraire du libéralisme, c’est le caporalisme, donc avant tout la contrainte. Il s’agit d’obéir, d’être surveillé et puni.

Elire, c’est choisir.

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Pourquoi voter Marine Le Pen serait une aventure ?

Certains lecteurs m’ont reproché d’analyser plus la gauche que la droite. Mais c’est que la gauche est au pouvoir, poussée sans arrêt aux illusions par son extrême trotskiste ; il m’a paru jusqu’ici plus utile d’analyser ce danger immédiat que le danger Le Pen plus lointain. J’ai déjà écrit une note Contre le Front national, en décembre 2010. J’examine aujourd’hui quelles pourraient être les conséquences d’une application du programme Le Pen.

Mais disons-le tout net : la majorité des électeurs qui votent Le Pen s’en moquent comme de leur premier slip. Ce qui leur importe est de marquer leur protestation vigoureuse vis-à-vis de l’UMPS, gens au pouvoir depuis des décennies qui ont préféré leurs petits jeux d’ego plutôt que le bien de la France. Bobos et technos ont délaissé la classe moyenne et populaire, s’appuyant ou sur les très riches ou sur les immigrés. Vieillissement démographique, mondialisation, technocratie de l’Union européenne, crise des finances publiques, induisent une angoisse diffuse et une perte de repères. La protestation pourrait s’afficher au premier tour de présidentielles, et être abandonnée en grande partie au second en raison de l’aventurisme du programme…

scores front national 2002 et 2012

Chacun peut le lire intégralement sur le site du Front national (ce qui est écrit en petit doit se lire avec une particulière attention). Il se résume ainsi :

  • en politique, souverainisme, bonapartisme, populisme ;
  • en économie, dévaluation, protection, inflation ;
  • en social, préférence nationale, politique nataliste, censure pour les enfants.

La volonté est celle d’une contre-révolution comme celle préconisée par Joseph de Maistre après 1789, mais la date ici retenue est 1968, l’année de la chienlit sociale, du départ programmé du général de Gaulle (qui démissionne en 1969) et des négociations sociales qui font déraper le budget. Il s’agit d’établir un État organique par un rassemblement de forces, unies par un parti de la nation en colère. La vie est une lutte, le monde une jungle, et toute liberté doit se construire par une volonté recentrée sur soi et ses proches : famille, patrie, travail. L’individualisme n’est pas toléré, la fraude, l’immigration ou le crime non plus ; la communauté de sang et de sol s’impose comme seul souverain politique – donc économique et social. Ni libéralisme, ni socialisme, la promotion de l’homme intégral communautaire, contraint par l’État, représentant souverain du Peuple comme ethnos. Une forme nationaliste du bonapartisme traditionnel.

1/ Politique :

Pouvoir international fort, souverain et austère qui inspire un idéal de vertu :

  • Sortir des traités européens pour une « association libre » (les autres en voudraient-ils et comment ?)
  • Partenariats industriels volontaires (type Airbus)
  • Maîtrise des frontières (fin de Schengen) et de la monnaie (fin de l’euro), indépendance énergétique (énergies vertes + nucléaire)
  • La Banque de France pourra prêter au Trésor public sans intérêts, ce qui permettrait d’augmenter salaires et pensions, de baisser les prix de l’énergie. C’est l’autre nom de la planche à billets – donc l’inflation – non compensée par des coûts à l’exportation abaissés puisque l’abolition du libre-échange entrainera rétorsions.

En politique intérieure, le Front national reprend le bonapartisme traditionnel :

  • Un mandat présidentiel unique de 7 ans non renouvelable.
  • L’appel au référendum pour toute modification de la Constitution.
  • Scrutin proportionnel à toutes les élections (comme dans toutes les sociétés organiques).
  • Fin de l’obligation bruxelloise de concurrence sur les services publics
  • Effort de défense à 2% du PIB, sortie du commandement intégré OTAN (mais pas de l’alliance). Institution d’une garde nationale de 50 000 réservistes + dissuasion nucléaire.
  • Réduction des subventions aux associations « ne relevant pas de l’intérêt général ». Lutte contre la fraude fiscale et la fraude sociale, contre le « coût de la décentralisation » (autrement dit recentraliser).

Un État fort signifie tolérance zéro pour les crimes, le communautarisme des banlieues et les attaques contre les forces de l’ordre. Leurs effectifs seront augmentés, comme les moyens de la justice ; la peine de mort et les peines incompressibles de perpétuité seront rétablies par référendum et 40 000 places de prison de plus seront ouvertes. Les mineurs seront responsables pénalement dès 13 ans.

  • Ce qui paraît contradictoire avec la volonté affichée de protection des « enfants » (les moins de 13 ans ? avec la majorité sexuelle qui va avec la « responsabilité pénale » à 13 ans ?), en rétablissant la censure sur le net et toute forme de « violence » (y compris « morale », ce qui reste éminemment flou, donc propre à toutes les dérives…)
  • A l’école, retour aux fondamentaux : lire, écrire, compter, méthode syllabique obligatoire en CP, suppression du collège unique, promotion des filières manuelles et surtout discipline. Cela marchera-t-il à l’époque d’Internet et de l’ouverture au monde ?
  • Au total, la contrainte autoritaire remplacera partout le laxisme issu de la pensée-68.

electeurs du front national 2006

2/ Économie :

La souveraineté implique de quitter l’euro, donc de dévaluer drastiquement le néo-Franc (autour de 40% dans les années 1930 et 1982) et de bloquer la liberté des capitaux par nationalisation partielle des banques. Conséquences prévisibles :

  • Notons au préalable que l’ampleur de la crise mondiale des années 30 est due justement au protectionnisme, aux dévaluations compétitives, aux restrictions dans l’accès aux matières premières et aux politiques autarciques d’États. Faut-il replonger tout droit dans les mêmes erreurs ?
  • Ne plus être dans l’euro serait-il un véritable avantage ? L’exemple du Royaume-Uni et du Danemark en fait douter. A l’inverse, la Suède montre un pays prospère, mais qui tourne le dos à un programme type FN : refus de l’autarcie (50% du PIB à l’exportation), inflation domptée (pas de planche à billets), large libéralisation des services publics…
  • La contrainte euro sur l’Allemagne existe via le Mécanisme d’aide européen : 350 milliards € selon Christian Ott (économiste Natixis, juillet 2012) via les prêts accordés à la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, et via ses participations auprès des pare-feu européens. Quitter l’euro = quitter toute aide.
  • L’Allemagne a subi avec l’euro une dévaluation de fait par diminution des salaires, augmentation de la durée du travail, allongement du nombre d’années de cotisation pour accéder à la retraite. Si l’Allemagne redevenait autonome, sa concurrence industrielle – donc à terme politique – redeviendrait redoutable. Il y a donc de multiples avantages pour la France à rester dans l’union.
  • La sortie française marquerait l’écroulement du système euro ; nos créances – importantes – sur les pays du sud (Italie et Espagne) ne seraient pas remboursées et certaines de nos banques feraient faillite, donc seraient nationalisées – et pèseraient sur le Budget.
  • Comme les deux tiers de nos échanges économiques se font avec l’Europe, quelles mesures de rétorsion prendraient les autres pays ?
  • L’abandon de l’union monétaire implique l’autarcie, donc l’appauvrissement : ce qui sera produit en France sera plus cher en raison du niveau de vie relatif du pays, ce qui sera importé sera plus cher en raison de la dévaluation du néo-Franc, des droits de douane ou contraintes phytosanitaires.
  • La fin de la discipline, sur l’exemple allemand, ferait retomber le patronat français dans sa paresse du passé : peu d’investissements, crainte de l’innovation, monopoles protégés par la puissance publique, ballon d’oxygène des dévaluations régulières, paix sociale par l’inflation auto-entretenue.
  • Les talents et les jeunes diplômés choisiront encore plus le large – et la liberté – qu’un pays préoccupé des vieux, du rural et du petit commerce.
  • La priorité nationale pour l’emploi et l’immigration choisie limitée (comment ?) à 10 000 entrées par an, ne permettront pas d’abaisser le chômage, contraint par la baisse programmée du nombre de fonctionnaires, le renchérissement de l’énergie importée et les moindres exportations…

3/ Social :

Le souverainisme se veut un pansement social pour les catégories d’électeurs du FN : ouvriers, employés, retraités, petits-commerçants et artisans, agriculteurs et pêcheurs.

  • Mais le patriotisme économique par le soutien au petit commerce ne sera pas compensé en termes de coûts par la simplification bureaucratique et la baisse d’impôts pour PME et entrepreneurs individuels.
  • La politique agricole française et la protection de la pêche dans la zone économique exclusive coûtera au budget national, même si l’outremer se trouve ainsi valorisé.

Pour compenser la perte économique par la fierté symbolique, promotion de l’ethnos français :

  • Suppression du droit du sol, naturalisation sous conditions strictes,
  • Interdiction de la discrimination positive à l’embauche et renvoi des étrangers chômeurs,
  • Pénalisation du « racisme anti-français », suppression des subventions aux lieux de culte et interdiction des signes religieux ostentatoires.
  • Réduction des budgets sociaux aux immigrés et politique nataliste : revenu de 80% du SMIC aux parents à partir du 2e enfant ; allocations familiales réservées aux familles dont un parent au moins est français
  • Un enfant devient un adolescent pénalement responsable de ses actes dès 13 ans, en apprentissage dès 14 ans (comme au moyen-âge où les rois se mariaient dès la puberté)
  • Refus du mariage gai (mais maintien du PACS), lutte contre l’avortement (mais pas abolition)
  • Solidarité organique entre les générations et régime contre la dépendance.

2012 1974 score-fn

En bref, un programme pour figer une France d’hier, immobile, essentielle : le retour aux années 1960 d’industrie forte, de gaullisme politique, d’autorité sociale et d’immigration marginale. Une sorte de pétainisme, mais revu XXIe siècle, qui irrigue souterrainement la psyché française – y compris à gauche – sous la forme d’un abandon masqué par le volontarisme bonapartiste. Le monde va plus vite et plus fort ? Levons le pont-levis, protégeons notre petite vie tranquille. Ce serait l’idéal suisse, si la Suisse ne montrait justement qu’on peut être sûr de son identité et plus démocratique, toujours ouvert sur le monde… A condition de se prendre en main.

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Quelles solutions à la crise de la zone euro ?

Article repris par Medium4You et par AuxerreTV.

La situation des pays européens est paradoxale : zone de richesse la plus forte de la planète, ils se trouvent empêtrés par la crise bancaire et économique dans un endettement public non prévu, non pensé et difficile à réduire. Les économistes – dont la majorité n’avait rien vu – s’empressent de donner des leçons de « gouvernance » à grands coups de yakas médiatiques. C’est que les élections présidentielles prochaines en France pourraient bien conduire l’opposition au pouvoir et qu’il est bon de se placer au cas où…

Que faudrait-il faire en Europe ? Un grand chambardement politique avec référendum, démocratie à tous les étages, protectionnisme économique et solidarité-providence partout ? Ce serait sain, mais qui le veut parmi les peuples européens ? Même pas les Grecs… Or on ne fait pas l’Europe tout seul. Reste donc à faire avec ce qu’on a, une construction européenne tiraillée entre grand marché et fédéralisme, dont aucune nation ne veut absolument l’un comme l’autre. Nous sommes dans l’entre-deux et y resterons probablement un long moment. Mais nous pouvons y faire face.

Solution 1 : Efforts et volonté politique

Conjugués, ils permettent une trajectoire de redressement des comptes extérieurs et une réduction progressive des déficits publics. C’est ce qu’ont fait l’Irlande et l’Espagne et ces deux pays vont mieux. Reste à fixer un cap consensuel entre les partis et assurer l’intérêt national au-delà des idéologies. Ce n’est pas encore le cas en Italie, ni franchement en Grèce, cela reste peu probable en France où règne l’illusion du yaka imposer plus « les riches » pour que tout aille pour le mieux dans la meilleure des Europe possibles… Comme si l’Europe de la zone euro n’était pas avant tout l’Allemagne qui a supprimé il y a des années son impôt sur la fortune et qu’on pouvait, comme ça, s’affranchir de la convergence avec l’économie allemande sans divorcer peu à peu de l’euro.

La politique irlandaise et espagnole est donc possible, mais douloureuse en temps de démagogie électorale : le candidat socialiste ne doit-il pas laisser tomber l’intégralité du programme de mai, que l’évolution de la crise rend complètement anachronique ?

Solution 2 : la planche à billets.

Il existe une autre politique que l’effort et le projet politique, sauf qu’elle est américaine… Il est amusant de constater que nombre d’économistes « de gauche » se précipitent dans les recettes libérales venues de la Fed pour résoudre l’impossible équation social-étatiste. Yaka financer à guichets ouverts, en dernier ressort.

Ce qu’ils demandent à la Banque centrale européenne est ce que fait la Federal Reserve américaine. Or les chiffres publiés du troisième trimestre aux États-Unis semblent montrer que cette politique entre rigueur budgétaire et souplesse monétaire fonctionne. L’investissement privé hors logement monte de 16,3%. L’investissement logement monte même de 2,4%. Le déstockage se poursuit, mais permet d’espérer un certain rattrapage par la suite. La consommation croît de 2,4% et le commerce extérieur est positif, les exportations ayant progressé plus que les importations, à 4% contre 1,9%. Les dépenses publiques sont restées nulles, mais les bénéfices des entreprises sont bons, à 14% du PIB.

Comment réussir aussi bien ? Le réglage conjoncturel a mixé vigilance budgétaire et souplesse monétaire. La dépense publique est contenue. La Fed prête en dernier ressort pour acheter de la dette publique sans limite. Les marchés financiers des États-Unis, bien plus mûrs que les traders de la City ou de Zurich, montrent une aversion au risque maîtrisée, ce qui permet à l’indice actions américain d’être en hausse depuis le début d’année.

Est-ce possible en Europe ?

Ce que peuvent les États-Unis est difficile en Europe parce que justement faite d’États non unis. L’Union monétaire reste empêtrée dans les souverainetés nationales non coordonnées, les petits calculs politiciens nationaux et le tabou qui vient de la période pré-hitlérienne que la dette est l’ennemi, l’inflation un désastre social et la déstabilisation du système bancaire la voie ouverte vers le nazisme. Les États font de la rigueur budgétaire et la Banque centrale garde une vigilance monétaire excessive, refusant le statut de prêteur en dernier ressort. Il faudrait qu’un pied continue d’actionner le frein (les États), tandis qu’un autre pied relance l’investissement en Europe (la BCE).

L’Allemagne change, mais très lentement, poussée par le développement de la crise plus que par conviction profonde. Donc cela coûte de plus en plus cher et l’Allemagne paie – mais bien plus qu’elle ne devrait. Jusqu’à quand ? Probablement jusqu’à ce qu’un grand pays de la zone euro dise non et se replie sur son petit nationalisme sous prétexte de « démocratie ».

Il est facile de faire des incantations à la « démocratie » quand on fait peur aux gens : le vote est-il libre et non faussé ? La Grèce a lancé l’idée mais elle compte peu en termes économiques dans l’ensemble de la zone. Si d’aventure l’Italie, l’Espagne ou la France devaient dire « non » (comme en 2005) à un plan européen, c’en serait fait de l’euro. Certains politiciens nationaux en rêvent, car le chaos leur profite. Plus c’est le bordel, plus leur grande gueule domine les autres et a des chances de se faire entendre. Ce n’est pas du « populisme » mais de la grasse démagogie, dont Aristote (un Grec déjà…) avait fort bien décrit les mécanismes. La suite de la démagogie est bien connue : c’est la tyrannie (toujours décrite avec logique par le précepteur d’Alexandre).

La Banque centrale européenne peut-elle changer ?

Certain le croient avec le passage de témoin entre Jean-Claude Trichet, haut fonctionnaire étatiste, et Mario Draghi, homme de marché italien passé par Goldman Sachs. Sa première conférence de presse du 3 novembre a pointé qu’une récession arrivait en Europe, justifiant la baisse de 0.25% du taux directeur (désormais à 1.25%, taux auquel se refinancent les banques de la zone euro). Il devrait aller plus loin, comme en témoigne l’action de la BCE la seconde semaine de novembre : elle rachète des emprunts d’État italien tandis que les banques s’en désengagent peu à peu. Il s’agit de planche à billet non officielle, à l’image de la Fed, avec cette différence que cette dernière assume. Mais ne brusquons pas trop vite la vertu et les tabous allemands…

Les économistes de gauche vont donc devoir applaudir l’homme de Goldman Sachs, qui agit comme les Américains. N’est-ce pas d’une superbe schizophrénie politique ?

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Pour une économie politique

Tout ce qui arrive depuis le début de l’année montre que l’économie est une chose trop précieuse pour la laisser aux économistes. Il est temps d’ôter la direction des choses aux technocrates, les politiques doivent prendre enfin leurs responsabilités envers leur société.

Le débat politique sur les salaires en France rappelle que l’inflation est de retour. Non seulement les États endettés sont gourmands d’impôts, mais la rareté des matières premières et de l’énergie pour un monde qui se développe massivement fait grimper les prix. Les salaires chinois augmentent de 30% par an en raison de l’envol des prix alimentaires et du carburant. Tout cela nourrit l’inflation qui, dans un système mondialisé, s’importe dans tous les pays. Les États-Unis l’ont bien compris qui ne voient qu’une manière facile de s’en sortir : actionner la planche à billets. Le rachat par la Fed de créances d’État jusqu’en juin prochain est une façon de prêter à l’État sans passer ni par les marchés financiers, ni par les impôts.

Mais cet argent créé ex nihilo alimente lui aussi la hausse des prix. Il inquiète les prêteurs sur les marchés et fait monter les taux d’intérêt qui sont le prix du risque sur la durée. Il fait baisser le dollar, et si l’économie américaine peut exporter plus facilement, cela renchérit d’autant le prix du baril de pétrole, évalué en dollars dans le monde entier. Les pays producteurs, perdant au change, augmentent leur prix. Nous sommes donc aux limites de ce laxisme monétaire, à l’orée du cercle vicieux où toute création de dollar à partir de rien enclenche une cascade de hausses de prix pour compenser le manque à gagner, y compris revendications salariales et moindre consommation.

La redistribution des États-providence atteint elle aussi ses limites. Le nombre des droits sociaux ne dépend que de l’imagination des démagogues tandis que le prélèvement public reste mal accepté. Si les États-Unis et le Japon ont de la marge pour remonter les impôts, notamment la TVA, la France et la Suède ont déjà le taux de prélèvement sur la richesse nationale parmi les plus élevés au monde. Ils doivent obligatoirement réformer l’obésité inorganisée et incontrôlée des organismes d’État. D’autant que leur endettement par rapport à leur production atteint des sommets dangereux pour solliciter les marchés. L’avertissement de l’agence de notation Standard & Poors sur les perspectives négatives de la dette américaine sonne comme un avertissement. Nul ne s’y trompe, ni les gouvernements, ni les banques centrales, ni les marchés, ni les particuliers : les emprunts des États sont à fuir, sauf à exiger des rendements plus élevés pour le risque pris (autour de 14% l’an pour les emprunts grecs !).

Car l’Europe montre elle aussi ses limites. Loin de l’euphorie de sa construction, l’heure est au repli sur soi par crainte du monde, de l’étranger et des marchés. L’illusion des Trente glorieuses continue d’alimenter l’imaginaire des technocrates et des naïfs, tandis que le baby-boom s’est inversé, ne permettant plus de financer l’avenir à crédit. L’absence de volonté politique d’aller vers une coordination économique et fiscale des pays de la zone rend la gestion de la monnaie unique inopérante. Le grand écart est fait entre les pays qui souffrent d’une croissance anémique (France, Italie) qui auraient bien besoin de taux plus bas, et les pays cigales qui ont dépensé et se sont endettés sans compter (Grèce, Portugal, Irlande) et pour qui le taux unique de la Banque centrale européenne n’est pas assez fort pour les contraindre à changer de pratiques. Le risque croît que les peuples vertueux soient de plus en plus réticents à financer les peuples hédonistes, appelés selon les régions « pigs » ou « du Club Med ». Le parti des Vrais Finlandais vient de sonner l’alarme en refusant de voter la participation du pays au fonds de réserve européen. Mais  ce sont tous les électeurs qui sont vigilants, en cette période de restrictions, sur le partage des richesses produites : ils traquent le népotisme, les affaires, les privilèges indus des riches. Les révoltes arabes n’ont pas eu d’autres causes et, en France, L’UMP pourrait perdre les prochaines élections, tout comme le parti travailliste anglais et les sociaux-démocrates allemands.

La seule politique a consisté, depuis la crise de 2007, à durer le plus longtemps possible sans réformer grand chose, afin que le temps efface les pertes des banques et que le système reparte avec la croissance. Sur la seule Grèce, les banques françaises sont endettées à l’automne 2010 de 14 milliards d’euros, et les banques allemandes de 18 milliards d’euros. Si l’on devait y ajouter le défaut des dettes irlandaise, portugaise, voire espagnole, les banques ne se prêteraient plus entre elles, ayant bien du mal à éviter la faillite, tandis que les États ne pourraient plus les refinancer comme en 2008.

Le temps s’accélère :

  • Les soubresauts de pays pétroliers comme la Libye, Bahreïn ou l’Algérie pourraient affecter l’Arabie Saoudite. Ils réduisent déjà l’activité et engendrent chômage et émigration massive.
  • Les séismes, tsunami et choc nucléaire japonais affectent la production des composants électroniques et de l’automobile, tout en renchérissant le prix de l’électricité et suscitant des doutes sur la bonne énergie de transition entre le pétrole d’hier et le soutenable du futur.
  • Les entreprises naviguent à vue, les dirigeants n’ont pas de cap à donner à leurs troupes, sauf à réduire les coûts pour survivre dans la compétition mondiale avec une demande locale qui stagne en raison d’un chômage élevé. Le stress psychologique au travail est le fait de manageurs technocrates qui ne voient que le ratio de productivité du trimestre, sans envisager l’avenir.

Comme les politiciens, les patrons font le gros dos en attendant que tout revienne comme avant.

Or, rien ne sera jamais comme avant :

  • La Chine émerge à grands pas et, avec elle, l’Inde, le Brésil, le Nigéria et d’autres. Pétrole et matières premières sont massivement demandés pour leur développement et deviennent rares donc chers.
  • La redistribution d’État-providence assise sur une démographie en expansion est à bout de souffle parce qu’elle finance la distribution d’aujourd’hui par les cotisations de demain. Les jeunes générations grognent contre les privilégiés égoïstes qui ont « fait 68 » mais ne leur laissent que des dettes et du chômage.
  • Le travail est de moins en moins une valeur, incitant à des conduites d’évitement comme le troc, la restriction des dépenses, la traque des plus bas prix sur Internet. Puisqu’on ne gagne pas plus en travaillant plus, on perd moins à dépenser moins.
  • L’embellie du premier trimestre sur les résultats des entreprises, la confiance des dirigeants et le désir d’embauche des cadres n’est qu’un feu de paille que le ralentissement japonais, l’envol du pétrole et la faible croissance attendue devrait corriger très vite.

C’est ainsi que s’enclenche le cercle vicieux de la déflation.

Pour régler cela :

  • la concertation internationale est obligatoire, afin d’éviter le maintien de monnaies sous-évaluées et la tentation de faire éclater l’OMC pour rétablir des droits de douane.
  • le capitalisme est essentiel, car il est la meilleure technique d’efficacité économique trouvée dans l’histoire pour produire le plus avec le moins, dans un contexte où toute matière première et énergie devient rare et objet de bagarre géopolitique, et le meilleur incitatif à la liberté d’innovation et de création.
  • la politique est indispensable pour aménager les règles du jeu, en contrôler l’administration et décider des compromis entre intérêts divergents.

Ce pourquoi toute stratégie en bourse comme toute prévision économique doivent quitter l’univers abstrait et confortable des « modèles » pour se plonger dans l’histoire, la géopolitique, la sociologie et la cité. L’ère des technocrates est révolue si l’on veut régénérer l’économie et gagner sur les marchés. Place aux décideurs « politiques ».

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G20 et monnaies aujourd’hui

Le dialogue des vingt pays conviés au sommet annuel sous la présidence de Nicolas Sarkozy n’est pas une régulation du monde. Les États ont chacun leurs intérêts qu’il est vain d’ignorer au nom d’une utopie du « si tous les gars du monde… ». L’expression de la puissance aujourd’hui est la monnaie. De quoi parle-t-on ? Comment ça marche ? Quels sont les risques ?

1/ Les grandes monnaies mondiales

Elles sont moins de 10 :

  • 4 grandes : dollar, euro, yen (et yuan)
  • 2 moyennes : livre sterling et franc suisse
  • 3 indexées sur les matières premières : rand sud-africain, dollar canadien, dollar australien.

La puissance d’une monnaie est déterminée par trois faits :

1.La confiance qu’on a en elle, donc en son État émetteur qui doit être puissant, stable et assis sur une vaste population industrieuse, apte à rembourser ses dettes par réactivité économique et innovation technologique.

2.La stabilité qu’elle assure aux placements (banque centrale indépendante, système financier solide, marché liquide) et aux investissements (droits de propriété, fiscalité prévisible, secteurs diversifiés, personnel financier compétent).

3.La liquidité qu’elle offre dans le monde entier.

L’ordre des principales monnaies est conditionné par ces déterminants.

Le dollar est la monnaie de référence mondiale parce que les États-Unis sont une ‘économie-monde’ bien établie (malgré les fissures du système financiers, malgré la dette publique). L’ensemble des matières premières, pétrole compris, se traite en dollars partout dans le monde. La Chine, principale puissance émergente, a plus de 60% de ses réserves de change en dollar. Le dollar des États-Unis sert de substitut à l’or comme valeur refuge en cas de crise (guerre du Golfe, 11-Septembre, révoltes arabes).

L’euro est la monnaie qui rivalise en partie avec le dollar parce que ni le yen (assis sur un pays trop petit et sans matières premières), ni le yuan( pour l’instant non convertible), ne peuvent jouer ce rôle. Mais l’euro est de création récente (2002 dans les porte-monnaie) et il est géré par une banque centrale qui doit faire le grand écart entre des États aux politiques économiques et fiscales différentes. Si l’euro veut exister, il accentuer son fédéralisme économique entre les pays de la zone. La crise de la dette montre les fragilités d’une construction avant tout juridique, sans convergence économique ni volonté politique. Si le dollar est une monnaie-puissance, l’euro n’est encore qu’une unité de compte.

Le yuan deviendra probablement la monnaie rivalisant avec le dollar lorsque la Chine aura pris sa place naturelle dans l’économie mondiale, due à son poids démographique et à son développement. Mais ce n’est pas pour tout de suite. Le pouvoir central à Pékin a peur d’être déstabilisé par des capitaux entrant et sortant sans contrôle, ce pourquoi le yuan n’est pas convertible librement. Le développement engendre des tensions sociales localement politiques qui justifient l’autoritarisme du parti unique. Mais la question est posée de l’inflation (puisque les Chinois ne peuvent épargner avec des taux attractifs) et des bulles d’actifs (l’immobilier à Shanghai, les actions de la bourse chinoise) en raison d’une politique de crédit laxiste pour raisons politiques. Une monnaie de référence mondiale doit donner confiance. Or les tensions sont trop grandes dans ce pays, la banque de Chine n’est pas indépendante du parti communiste, la propriété privée n’est reconnue que du bout des lèvres et les brevets ou le copyright sont inexistants.

2/ L’orientation des flux de capitaux

Une fois le décor planté, comment tout cela fonctionne-t-il ? Les capitaux libres s’orientent selon la loi d’offre et de demande, en faisant attention à la rentabilité des investissements et à leurs risques. Nul pays n’est sans risque, le choix d’une devise se fait en relatif.

Malgré la crise financière et les subprimes, il reste peu risqué et plutôt rentable d’investir aux États-Unis, pays de 300 millions d’habitants qui consomment à crédit (même si moins qu’avant), avec un marché des capitaux vaste et liquide et des opportunités de capital-risque dans les innovations technologiques comme nulle part ailleurs. Gouvernement comme banque centrale (la Fed) font tout pour que reprenne la croissance : taux bas, fiscalité faible, technologie et exportations encouragées. Si l’émission de papier monnaie par le rachat d’emprunts d’État par la Fed (quantitative easing) fait baisser le dollar contre les autres monnaies, une reprise de la croissance offrira un effet de levier sur les investissements qui compense largement.

Il est à la fois très rentable à court terme et très risqué à moyen terme d’investir en Chine populaire. Le marché potentiel est énorme, le développement accéléré – mais les surcapacités dans beaucoup de secteurs existent, qui dépendent des exportations. De plus, les partenaires chinois (obligatoires pour fonder une entreprise en Chine) pompent sans vergogne technologies et savoir-faire pour créer des clones indépendants (Danone s’en est aperçu, tout comme General Electric, ou Alstom avec son TGV et bientôt Airbus avec son avion moyen courrier). Le retour sur investissement doit donc être rapide car la concurrence chinoise sur vos propres produits ruinera bientôt votre entreprise. L’investissement le plus rentable est donc, en Chine, financier : il peut se retirer très vite.

L’Europe attire peu les capitaux. Il faut, pour investir, avoir pour ambition de vendre dans les pays euro. Le coût du travail et la paperasserie sont les critères déterminants, avant la position géographique et les infrastructures. La France attire des capitaux étrangers, mais surtout pour les services (peu capitalistiques) ; l’Irlande attire plutôt l’industrie d’assemblage ; l’Allemagne attire pour le label ‘made in Germany’ réexportable.

La crise a exacerbé la compétition pour exporter. On appelle « guerre des monnaies » les dévaluations compétitives qui dopent les ventes à l’étranger et rendent plus cher les produits importés. La France était championne des dévaluations avant l’euro, ce qui permettait au patronat de peu investir pour garder des coûts raisonnables. Les États-Unis prolongent leur politique de relance en favorisant la baisse du dollar par la planche à billets. Mais l’exemple de l’Allemagne montre que la compétition d’une économie n’est pas due à sa devise. L’euro fort ne gêne aucunement les exportations allemandes. Elles sont fondées plutôt sur la qualité, le service après vente, le sérieux de la formation alternée entreprise-écoles et la suppression de l’impôt sur la fortune qui encourage le patrimoine.

3/ Les risques du système mondial

La domination du dollar fait grincer des dents, son « privilège exorbitant » permettant à l’économie américaine de vivre à crédit du monde entier. Mais quelle alternative ?

Le retour à l’étalon-or est une nostalgie mal placée (1944, Bretton Woods) : il n’y a pas assez de métal dans le monde pour gager la masse monétaire en circulation. De plus, attacher les prix à une ancre que les banques centrales ne peuvent bouger risque de provoquer la déflation comme dans les années 30, faute de crédit (baisse cumulée de la production, de la consommation, de la dépense publique, donc repli frileux sur soi et régression du niveau de vie).

L’usage international des Droits de tirage spéciaux (DTS, unité de compte du FMI créée en 1969) est souhaité par la Chine et la France. Leur valeur est déterminée chaque jour par un panier de grandes monnaies de réserve (dollar, euro, yen et livre – auquel on ajouterait le yuan). Mais ces DTS ne sont pas liquides et restent évalués selon les monnaies des États. Le FMI n’est pas une banque centrale mondiale chargée de gérer la liquidité, faute de monde unifié. Il s’agit donc d’un simple effet d’annonce.

Le serpent monétaire (sur l’exemple européen de 1972) est une formule qui institue des changes quasi-fixes entre grandes monnaies, avec des marges de variation dans un tunnel. Mais il résulte d’accords bilatéraux et il n’y a aucune volonté politique des États tant qu’il n’y a pas d’intérêts communs mondiaux.

Reste la coopération monétaire (exemple les accords du Plazza en 1985 à Paris). Ils résultent de rapports de forces provisoires entre États et pointent les déséquilibres des balances commerciales. Chacun est invité à corriger ce qu’il peut, sans contrainte autre que médiatique. C’est ce qui se passe aujourd’hui avec la création de zones monétaires (zone dollar, euro, yuan) et avec les accords bilatéraux entre États pour utiliser leurs devises propres sans passer par le dollar pour leurs échanges (Pékin et Brasilia, la Chine et les pays de l’ASEAN).

Dans ce contexte de jungle, le plus fort l’emporte. D’où l’intérêt pour chacun des États de rester fort, unis dans une zone monétaire forte. Ce pourquoi je ne crois pas que l’euro puisse éclater : personne n’y a intérêt, sauf certains politiciens démagogues.

Je ne crois pas non plus que le dollar s’écroule à brève échéance. Malgré la dette publique massive, les déficits jumeaux du budget et du commerce extérieur, l’émission massive de dollars par la Fed et les difficultés politiques de remonter les impôts comme de réduire les dépenses, les États-Unis gardent une monnaie qui reste incontournable pour les transactions mondiales. Elle est la plus liquide, assise sur l’État le plus puissant et le plus stable de la planète – sans substitut crédible.

La zone dollar englobe toute l’Asie sauf le Japon, tout le Moyen-Orient pétrolier et les économies dollarisées du Canada, de l’Australie, du Mexique et des pays de l’arc andin. Des entreprises américaines produisent et vendent en dollars hors des États-Unis et si l’on mesure le déficit américain de l’ensemble de la zone dollar, il diminue de moitié par rapport à celui qui court les médias.

Politiquement, la Chine continue de faire confiance au dollar en mettant plus de la moitié de ses réserves en bons du Trésor américain. La relation géopolitique de protecteur militaire à fournisseur de pétrole continue de régir les relations avec les pays arabes. L’innovation technologique et la facilité de créer une start up en trouvant des financements est incomparable aux États-Unis par rapport au reste du monde. La politique économique et monétaire est plus souple qu’en Europe, au Japon ou en Chine (la Fed se préoccupe de la croissance, la BCE n’a d’yeux que sur l’inflation, la Chine fait constamment du politicien). L’immigration annuelle (1 immigrant toutes les 31 secondes) prouve l’attractivité du modèle social des États-Unis malgré ses défauts.

Quand la Chine sera éveillée (et qu’elle aura avancé dans la dialectique des libertés publiques et du développement économique), quand l’Europe sera mieux coordonnée (en sachant qui va décider à 17 sans veto allemand), alors peut-être le roi dollar sera-t-il obligé de composer. Pas aujourd’hui. C’est un fait qu’il est bon de garder à l’esprit, malgré les incantations rituelles.

Vous avez lu jusqu’ici ? – Vous venez d’assister à une conférence de Mastère spécialisé finance à Science Po Paris, celle que j’aie tenue devant les étudiants avant le G20.

Pour une application pratique, voir Gestion de fortune (2009)

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