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Musée de préhistoire de Carnac

Au sortir de l’église, le musée n’est pas loin, juste au-delà de l’office du tourisme. Il occupe une grande bâtisse ancienne, un presbytère du XIXe, montrant combien les curés étaient des personnages considérables à l’époque. J’ai le souvenir de l’avoir visité avec des amis en août 1993, commenté par Anne-Élisabeth Riskine, une copine des fouilles d’Étiolles née à Carnac et devenue conservateur du musée en 1980 après avoir été admissible deux fois au très difficile concours de la conservation. Elle a donc obtenu un poste secondaire, aidée par sa connaissance du maire de la commune. Elle est décédée brusquement en 2001 un matin dans son garage, à 54 ans ; elle était forte et cardiaque.

J’entre pour 8 € et visite les vitrines rénovées d’objets archéologiques découverts dans la région et bien mis en valeur. Le paléolithique est représenté par le site de la Pointe de Saint-Colomban daté de -450 000 ans. Galets aménagés, choppers et outillage sur éclats de quartz étaient l’œuvre de l’Homo erectus d’Heidelberg.

Au mésolithique, vers -10 000, ce sont les hommes modernes qui s’installent en baie de Quiberon et taillent des microlithes en silex pour chasser. Les tombes sont individuelles ou collectives sous amas coquilliers, ce qui a préservé les ossements de l’acidité du sol breton. La dame de Téviec a été retrouvée en position repliée et parée de perles en coquillages.

Mais c’est le néolithique qui est le plus intéressant car évoquant directement les mégalithes de la région. La néolithisation intervient en Europe vers -8000 par deux courants d’est en ouest. Le premier par les terres le long du Danube jusqu’en Normandie (danubien ou rubané) ; l’autre par la mer le long des côte méditerranéennes (cardial). L’Armorique (ar mor = en bord de mer ; ar couet = dans les terres) se situe à la jonction de ces deux courants et a vu probablement la naissance du mégalisthisme vers -5 500. Les tombes sont décorées de gravures à vocation probablement spirituelles. Elles tournent autour de trois grands thèmes universels : la femme – maîtresse de la fécondité et déesse des morts ; la nature sauvage – via le taureau ; le pouvoir – religieux ou politique – des hommes.

L’agriculture est véritablement la grande césure de l’humanité jusqu’à l’ère numérique : elle a anthropisé le paysage, il est devenu façonné par l’homme et les mégalithes en sont le premier témoignage. Les humains se sédentarisent, deviennent producteurs plutôt que prédateurs ; la société se hiérarchise avec l’essor démographique ; les hommes aménagent le paysage et élèvent les tombes tumulus pour leur élite comme des monuments.

La hache polie en pierre rare, surtout de couleur verte, est symbole de prestige et constitue un trésor aux pouvoirs sacrés – elle n’était pas utilisable pour le travail. Le tertre avec sa chambre cachée figure la caverne, sein maternel fantasmé pour l’au-delà et la terre Mère. Plusieurs dolmens peuvent se regrouper sous un même cairn, peut-être une tombe de clan ou de famille de haut niveau social. Et les menhirs, en alignements, pourraient participer au départ symbolique de ces morts vers l’au-delà – sans avoir besoin d’évoquer les extraterrestres – tout en marquant les limites symboliques des vivants et des morts.

A l’âge du bronze, vers -2000, ce sont des haches à douilles qui servent de monnaie d’échange et d’armes pour tuer. Les poignards, dont un exemplaire magnifique est reconstitué en vitrine, brillant de tous ses feux, complètent la panoplie d’armes létales.

A l’âge du fer vers -750, les Celtes venus de la région située entre Bohême et Bavière vont submerger les populations du bronze par leurs armes encore plus solides et meurtrières, la fameuse épée longue en fer. Les monnaies gauloises s’inspirent des monnaies grecques dès la fin du IVe siècle avant et le bracelet en verre, importé d’Égypte ou du Proche-Orient devient objet précieux car rare et montrant la richesse par l’échange.

À l’étage, une animation sur les outils et leur utilisation est une attractivité pour les familles. Notamment l’arc qui n’est ici pas une arme mais une hélice pour un perçoir à coquilles minuscules. L’ensemble du musée est assez rapide à voir et donne une bonne initiation aux monuments mégalithiques alentour et à leur civilisation, bien loin de la nôtre.

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