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Vieille ville d’Amsterdam

En ce dimanche, il fait soleil mais froid. Un vent glacé vient de la mer du Nord. C’est emmitouflé dans nos vestes et nos écharpes, certaines portant même des gants, que nous allons arpenter la vieille ville d’Amsterdam entre les trois canaux principaux de Messieurs les bourgeois (Heren), du roi (Keizer) et des princes (Prinsen). Ces canaux concentriques forment une toile d’araignée qui enserre les quartiers et irrigue toute la vieille ville des marchandises apportées par les bateaux. Le nom de la ville vient de la digue (dam) sur l’Amstel (la rivière).

Nous commençons face à la gare ferroviaire d’Amsterdam Central station. Sa construction a bouché l’entrée du vieux port qui arrivait auparavant juste devant la bourse de commerce, le long du Damrak. Les trois croix de saint André que l’on voit représentées un peu partout sur les panneaux municipaux sont les trois mots de la devise de la ville : « héroïque », « déterminée », « miséricordieuse » – ou, selon la tradition populaire, les trois menaces principales : eau, feu et peste.

Nous passons devant l’église Saint Nicolas mais nous n’y entrons pas. Toutes les églises sont payantes en Hollande. Nous empruntons une rue qui s’appelle Nieuwe Brugsteed, pour aller sur les canaux centraux du quartier rouge. Car dans le port d’Amsterdam, il y a des marins, et les marins ont besoin de dames plus que de hamsters. C’est donc dans ce quartier « chaud » que se tiennent les vitrines au rideau rouge derrière lesquels se pavanent les dames dévêtues, surtout ouverts le soir. En ce dimanche matin, nous ne voyons qu’une ou deux praticiennes en string qui exhibent au soleil derrière les vitres des formes à la Rubens. Le guide, bien que grande folle, prend un ton pincé pour évoquer avec la pruderie bourgeoise dégoûtée de rigueur ce qui se passe ici le soir. Des sex-shops côtoient des vendeurs de cannabis et la rue elle-même sent le sexe. Il y a même un musée du hash. Un père et deux jeunes ados, des Français, remontent l’endroit : curiosité ou éducation ? Comme par dérision, le quartier chic et branché est juste dans le prolongement du quartier chaud, le long du canal Oudezijds Voorburgwal. Ici les appartements sont rares et chers.

Nous traversons plusieurs canaux sur des ponts, à la vénitienne, pour aboutir au City Hall, bâtiment moderne qui contient l’opéra, construit sur l’ancien quartier juif rasé sous l’occupation. La statue de Baruch Spinoza (1632–1677), né à Amsterdam, y a été spécialement érigée. Nous traversons l’Amstel, rivière au nom de bière, pour emprunter la rue Amstel jusqu’à Rembrandtplein. C’est ici le quartier le plus chic et le plus cher de la ville. Des voitures de luxe sont garées en épi le long du canal, des Porsche, des SUV BMW, des Teslas électriques, tandis que de l’autre côté de la piste cyclable aux vélos incessants (sans passage piétons !), s’élèvent des façades étroites mais richement décorées, notamment dans le haut. Si les maisons sont resserrées, c’est parce que l’impôt foncier était calculé sur la largeur de la façade. La richesse ostentatoire consistait donc à avoir une façade très large.

C

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Plages de Carnac

Nous partons vers Carnac à pied, puis en navette gratuite devant le musée, en direction des plages. Il y a quelques baigneurs, mais ce n’est pas le principal. Un 12 ans à lunettes au torse encore étroit mais aux muscles secs bien dessinés, en seul bermuda de jean, joue au ballon avec un copain. Ici fleurissent des foils et des wing, toutes activités qui n’existaient pas lorsque je suis venu au début des années 1990. Seule la planche à voile et le surf étaient en vogue. L’atmosphère est très familiale, ce que je ne ressentais pas au même degré quand j’étais avec Alexis et François, Petit Pierre et sa sœur.

Les villas de vacances sont un peu en retrait de la mer, avenue des Druides, villégiatures de l’entre-deux-guerres pour riches personnes, idéalement placées. Deux pépés ramassent des huîtres sauvages accrochées au rocher affleurant à marée basse.

Une croix des Émigrés et sa plaque commémorative ont été érigées il n’y a pas si longtemps en souvenir du débarquement le 27 juin 1795 des nobles revenus d’Angleterre, accueillis par les chouans réfractaires de Georges Cadoudal et Jean Rohu. « A l’aube du 27 juin 1795, les régiments d’Émigrés foulent le sable des plages de Carnac », est-il écrit sobrement – sans jugement politique ni historique sur leurs motivations ni sur leur sort. Ils ont été repoussés par les armées révolutionnaires dirigées par le général Hoche dans la nasse de Quiberon et, pour la plupart, massacrés.

Nous revenons par les terres, la chapelle de Saint Colomban, classée Monument historique en 1928, avec sa fresque en traits rouges redécouverte en 1963 sous la chaux. On distingue une caraque de fin XVIe et un galion du XVIIe. Saint Colomban fut un moine irlandais de Bangor qui émigra en 580 avec un groupe de compagnons pour évangéliser en Angleterre puis en Bretagne avant de gagner les Vosges où il fondé l’abbaye de Luxeuil. Il prônait une religion austère qui ne plaisait pas aux cours franques. Un Christ sans bras est accroché au mur tel un cadavre voué à l’adoration. Il symbolise la chair périssable, tout comme le bois et sa destruction, contre l’Esprit toujours vivant – croit-on. Mais si nous sommes Esprit, quel était-il pour nous avant notre naissance en « ce » monde ?

Un peu plus loin, nous passons entre les champs de chanvre aux feuilles semblables à celle du cannabis. La fibre de la tige est utilisée pour tresser des cordes et des textiles, notamment les voiles très solides qui faisaient la réputation des marins bretons. Abandonnée depuis des décennies, la culture de chanvre revient. De nombreux vélos nous croisent sur le sentier. Le soleil est bien bronzant mais un petit vent rafraîchit l’atmosphère autour de 23°.

Nous rentrons à l’hôtel peu après 18 h après une journée bien remplie. Le dîner est bruyant avec un cidre offert par C. qui a eu à 14 h pile ses résultats au diplôme d’infirmière ; elle est reçue mais ne parvient pas à avoir ses notes. Le menu est une terrine de poisson avec salade, de la joue de porc aux pommes de terre grillées et aux haricots verts, et un fondant de chocolat très fort en épaississant, accompagné de crème anglaise.

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Porquerolles

Nous prenons deux taxis à l’hôtel juste après le petit déjeuner pour la Tour fondue, où nous attend le bateau pour l’île de Porquerolles. La route passe sur l’un des tombolots, flèche littorale longue de 4 km qui a sa jumelle en face. Nous montons sur le Méditerranée IX en portant tous le masque, bien qu’en extérieur. Une classe de collégiens de cinquième du coin débarque et se répand sur les sièges autour de nous. Un certain Hugo, portant chapeau texan qui ne lui laisse que les yeux comme un cow-boy, est très volubile. Il explique à sa prof qu’il mesurait 48 cm les bras étendus lorsqu’il est né. A 12 ans, il reste plutôt petit, même s’il est râblé. La sortie du jour sera studieuse et il claironne qu’il est « dans le groupe C » avec Ambre et quatre autres filles. Ambre est la leader du groupe, relevant ses manches de T-shirt jusqu’aux épaules comme un garçon.

En partant du port de la grande cale, nous allons faire 14 km à pied dans la journée, environ un tiers du tour de l’île qui fait 7 km de long sur 3 de large, jusqu’au Fort Saint Agathe, toujours terrain militaire. C’est une suite de marches assez rapides au rythme du guide, même si les pentes ne sont pas très dures. La température a baissé et il fait bon sans faire chaud. Tout le pays d’ailleurs est dur. La lumière crue, les reliefs âpres, les gens directs et égoïstes. La Côte d’Azur est le paradis des nouveaux riches, des petits-bourgeois rapatriés d’Afrique du nord et du Milieu ; c’est là qu’est né Charles Maurras, nationaliste antisémite, sourd à tout ce que lui disaient les autres.  Les libertariens et l’extrémisme souverainiste attirent la majorité des électeurs.

Des gens se baignent dès le matin, devant d’autres voguent en canoës. Nous passons parmi les vignes, belles en automne avec leurs feuilles d’or. Sur la mer, nous pouvons observer, selon un panneau placé exprès en haut de la falaise vers le sud, les goélands leucophée, les sternes caugek, le cormoran huppé et le grand cormoran, les puffins de Scopoli et yelkouan, le tadorne de Belon, le faucon pèlerin et le fou de Bassan.

À la crique du Brégançonnet, nous pique-niquons italien de mozzarella, tomate confite et basilic sur un quart de tranche de pain, puis d’une salade de roquette, tomates et olives vertes en saumure. Enfin, melon, mandarine et prune avec du fromage corse. Un petit carré de chocolat à la mandarine pour terminer.

Les sentiers sont dans la pinède, les eucalyptus et les chênes verts, à couvert. En 1911, l’île a été achetée par un ingénieur belge, François-Joseph Fournier, qui a fait fortune au Mexique. Il a tenté de recréer le cadre d’une hacienda sud-américaine en important des espèces végétales exotiques. Les vignes qu’il a plantées continuent de produire un vin rosé qui a été le premier AOC côtes de Provence. Nous croisons parfois des pistes pour vélo et l’électrique fait fureur. Sa location coûte 42 € la journée contre 18 € pour le vélo « musculaire » – il paraît que c’est ainsi que l’on dit désormais. Le sport bobo c’est bien… à condition de ne pas se fatiguer !

À la plage d’Argent, un bateau nommé Le Marlin enlève les bouées jaunes qui délimitaient la plage pour les estivants dans une odeur de vase. L’eau et le ciel sont couleur caraïbe. No kids but Germans – déjà en vacances. Le groupe prend un bain de pieds, pas le temps de se baigner vraiment à cause de l’horaire du bateau. Le 17h30 est supprimé hors saison et nous devons prendre le 16h30. Un petit Allemand se place devant nous qui longeons la plage pour nous détourner de marcher sur ce qu’il vient d’inscrire sur le sable mouillé – je n’ai pas compris quoi, c’est en barbare. Nous retrouvons les collégiens du matin sur le bateau du retour, avec un petit très blond au col échancré, mignon comme un modèle ; il est couvé par son accompagnateur.

Le menu du dîner, pris à l’intérieur à cause du frais qui descend une fois le soleil couché, est du tartare de saumon, du filet de lieu aux pommes de terre, haricots verts et tomate, de la faisselle en dessert.

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Chenalho le village

A Chenalho nous attend la Posada, une auberge riante au bord du rio dont le chant nous accompagne en contrebas. Les douches sont froides parce que le garçon de service ne commence à allumer un feu de bois sous le ballon d’acier que lorsque nous faisons la queue devant les cabines, nos serviettes à la main. Il a lu la Bible et retenu que « les premiers seront les derniers ». En effet, qui passe après les autres bénéficie d’une eau qui commence à tiédir. Thomas, qui prend sa douche juste avant le dîner pour que tout le monde aie ses aises, a eu tout son content d’eau chaude. Mais la douche, même froide, est un luxe après la chaleur de l’après-midi et la terre récoltée sur le chemin de la grotte. Les chambres de l’auberge font comme des stalles à chevaux. La porte est double, s’ouvrant en haut et en bas, une entrée inutile devait être la mangeoire. Nous voici comme des bêtes parquées à l’écurie. Mais les lits sont grands et les matelas confortables.

La fraîcheur tombe avec le soir ; nous sommes à 1200 m d’altitude. Le dîner commence par une soupe épaisse de maïs au goût chaleureux de pain qui sort du four. Suit un bifteck de bœuf coupé fin et très cuit accompagné de sa demi pomme de terre en robe des champs, de quelques rondelles de tomate et d’oignon doux, et de son fragment de piment vert. « Comment peux-tu avaler une chose pareille ? » se récrie une fois de plus Marie-Abel, épouvantée par la brûlure du piment. Herberto nous offre un verre de vin « Califia », un rouge mexicain fort en teinte issu de la Baja California. Il est râpeux, robuste en alcool, trop capiteux sur de la viande rouge ; il réclamerait plutôt du gibier. Mais nous apprécions cette attention. Une rondelle de « dulzano » (la pêche-abricot) et un biscuit aux amandes « maison » (véritable cette fois) achèvent le menu.

La nuit est calme, sans les bruits des précédentes. Le petit-déjeuner est, comme chaque jour, plantureux, à croire que nous devons marcher la journée. Entre omelette et papaye s’insèrent des céréales, des galettes, du yaourt, du jus de mangue, deux sortes de thé, du café…

Nous allons à pied par les rues de Chenalho en direction du cimetière situé sur la pente. Un coin de rue nous permet de garder le souvenir photographique d’une plaque à la gloire d’Emiliano Zapata. Le gauchisme de bon ton dans les milieux intellectuels ne garde de la révolution mexicaine que le souvenir des redistributeurs de terre Pancho Villa et Emiliano Zapata.

Il occulte volontairement le combat des paysans mexicains contre l’ordre nouveau que toute révolution apporte aussi. Au nom de Dieu, la modernité révolutionnaire mexicaine fut aussi rejetée. La Christiade entre 1926 et 1929 ne fut pas qu’un mot. Les Cristeros se sont dressés contre l’entreprise d’adaptation de la laïcité mexicaine, contre la séparation brutale de l’église catholique d’avec l’Etat. La « grande peur » de la masse des campagnes a surpris les intellectuels et, aujourd’hui encore, ils ne veulent pas la voir, ni s’en souvenir. Casser les règles et les coutumes, surtout quand elles touchent au sacré, traumatise les paysans peu cultivés et passablement superstitieux. Le peuple aussi peut être « réactionnaire ». Et, sauf à éradiquer en masse, comme Staline ou Pol Pot, pour créer un improbable homme nouveau à la Frankenstein, il faut composer avec cette réalité là. Au Mexique, il a fallu revenir sur les mesures radicales pour adopter une laïcité tempérée.

Un peu plus loin, ce sont de jeunes garçons qui se rendent à l’école, vêtements lâches et sacs sur le dos. Chemises défaites, peau bronzée, grands yeux noirs veloutés taillés dans leurs traits encore incertains, ils hésitent vers 12 ans entre enfants et adultes. Teint de pêche mais traits peu mobiles, ils ont la curiosité naïve des garçonnets mais déjà l’air bravache des machos.

Ils répugnent à se faire photographier et, quand nous prenons toute la rue, détournent le visage. Cela donne une scène curieuse où chacun semble fuir quelque chose d’invisible sur la photo.

Certains garçons sont en vélo. Ce type d’engin est très à la mode ici. Ils traînent avec des copains sur le chemin de l’école, retardant le moment de se retrouver assis en classe. Certains s’arrêtent en bande à la boutique de jeux vidéo près de l’église.

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Temples de Polonnaruwa

L’ancienne cité de Polonnaruwa est une capitale médiévale au bord du lac de Parakrama, fort active après la destruction d’Anuradhapura en 993, qui s’étend sur 122 hectares. La cité a été développée par le roi mégalomane Parakramabahu 1er au 12ème siècle. Il a bâti une triple enceinte autour d’une cité jardin parsemée de palais et de sanctuaires. Un stupa fait 175 m de diamètre et 55 m de haut.

temple de Polonnaruwa sri lanka

Au fond d’un grand parc et alors que la lumière décline déjà, nous voyons le clou du spectacle de pierre. Le Gal Vihariya est composé de trois grands bouddhas sculptés dans la paroi, le premier assis en méditation, le deuxième debout les bras repliés de l’illumination, et le troisième couché, en nirvāna. Cette dernière statue de 15 m de long et sculptée dans le roc, soigneusement gardée par un vigile et vénérée des fidèles, est dit-on la plus parfaite et la plus mystérieuse des statues du Sri Lanka. Des orchidées, de frangipaniers ornent les pierres.

temple Polonnaruwa sri lanka

Sur ce site bouddhique, pèlerinage de vieilles et vieux locaux en bus. Ils se laissent prendre en photo, demandent presque, au garde-à-vous devant l’objectif parfois. Ils sortent du bus de marque Lanka Ashok Leyland leur pique-nique et préparent un feu dans un coin du site pour faire chauffer le thé et la tambouille, avant d’aller coucher dans un gîte collectif de pèlerins. A. et moi achetons une noix de coco brute pour en boire le jus, ce qui incite tout le groupe à faire de même. Nous empruntons quelques minutes des vélos, à disposition, pour aller d’un temple à l’autre tant l’ancienne cité est étendue. Nous ne voyons pas tout, la nuit tombe déjà.

cycle du ver a soie

La matinée débute par une boutique de soie. Le guide, pas fou, l’a présentée comme une « fabrique » où l’on nous expliquerait le procédé, du ver à la robe. Il n’en est rien ; le vendeur au français approximatif mais avec un sourire commercial et rempli de bagout, expédie en quelques minutes la bave de ver qui pare les belles pour organiser sa petite animation acheteuse. Il s’agit de faire se déguiser les touristes en sri-lankais, de les faire se prendre mutuellement en photo.

curry ingredients naturels sri lanka

Suit à une heure de route le « jardin d’épices » de Matale, qui est encore une boutique de vente de produits de soins à base de plantes flanquée d’un arboretum. Mais cette fois les explications sont plus détaillées et durent plus longtemps. Le jardin est petit mais on nous montre le poivre, liane aux petits grains dont on tire les quatre variétés : le poivre vert cueilli avant maturité, le moins fort ; le poivre rouge cueilli à maturité, plus fort ; le poivre noir laissé sécher sur l’arbre, encore plus fort ; enfin le poivre blanc, décortiqué et le moins fort. La liane du vanillier, l’écorce de cannelle, la fleur et le pistil de girofle, la noix de muscade et son macis, la fleur de cardamome, la fleur de jasmin, la feuille de curry, la racine de gingembre et celle de curcuma, la cabosse du cacao et la graine de caféier.

curry preparation sri lanka

Mais l’on nous fait sur le feu la démonstration d’un bon curry sri-lankais. Il faut faire griller quelques instants à la poêle sèche les graines d’anis, cardamome, cannelle, clous de girofle, coriandre, cumin, pignons, puis les écraser à la meule ; ajouter ensuite curcuma pour la couleur et piment pour la force ; puis de l’ail et de l’oignon haché, une tomate épluchée et épépinée, du lait de coco et du sel. On peut faire son lait de coco en râpant de la noix et en versant de l’eau chaude dessus : bien malaxer à la main et filtrer le lait obtenu. Une fois la sauce faite, et mijotée un moment, verser dedans les légumes ou la viande et laisser cuire à feu doux 20 mn pour les légumes en dés ou 40 mn pour la viande en morceaux. La cuisson la plus longue est celle du bœuf.

Nous sommes alors conviés autour d’une table, les murs ouverts sur l’extérieur sous un toit de palmes tressées, « comme à l’école » nous dit le vendeur. Les classes primaires ont en effet lieu à l’air libre, sous ce genre de bâtiment ouvert. Sur la table, une trentaine de fioles de couleur. Assis autour, nous assistons à une démonstration des bienfaits des huiles essentielles et des décoctions de plantes. Parmi les produits à absorber, l’ananas rouge au citron et miel libère les graisses, le vin d’herbes au caramel de gingembre donne de l’énergie sexuelle, le kamayogi augmente la durée de l’érection – « viagra naturel » s’exclame le commercial, la poudre de santal au clou de girofle et à la cardamone rend les dents blanches, la noix de muscade, gingembre et « asamodagam » (trachyspermum involucratum, proche du cumin) contre les maladies d’estomac, la colique et la grippe. Parmi les crèmes, la citronnelle désinfecte et éloigne les moustiques (Françoise le sait bien qui sent toujours la citronnelle), le baume d’herbes (on ne sait pas lesquelles) agit contre le mal de tête et les foulures, la lotion d’aloès et d’huile de coco royal empêche les coups de soleil, la crème de santal affermit les muscles et adoucit la peau. Parmi les huiles, outre le mélange « de massage, le santal est cosmétique contre les rides, les cicatrices et les boutons, l’huile de cannelle est bonne contre le froid et supprime la mauvaise haleine, l’huile de coco royal contre les pellicules et la perte des cheveux, l’huile rouge (de palme qui provient de la chair du fruit du palmier et non pas du noyau) soigne le mal de dos, de reins, de nuque et de muscles. On nous fait goûter un thé de Ceylan au gingembre, puis le même à l’ananas rouge ; on nous masse le front et les temps avec du viagra naturel (« vous allez voir ce soir ! » – on a vu… rien du tout).

Suit le passage en boutique où les épices et les soins ayurvédiques sont à l’honneur, avec des prix fort peu locaux. Le groupe s’empresse aux emplettes, qui voulant être beau, qui voulant maigrir, qui voulant jouir plus fort… Après la boutique, le déjeuner. Il a lieu dans un autre bâtiment pour faire une pierre deux coups. Il n’est en rien ayurvédique mais propose son classique buffet de légumes (jacquier, arbre à pain, pomme de terre, gombos, aubergines) et viandes au curry, ici du poulet, et ses fruits entiers ou coupés. En général, une seule assiette d’un peu de tout me rassasie, d’autres y retournent jusqu’à trois fois.

curry sri lanka

Durant le déjeuner, la pluie se met à tomber à torrent. La « mousson du sud-ouest », nous dit Inoj ; septembre est en effet un mois de mousson, même si c’est la fin. Le très beau temps que nous avons eu jusqu’ici disparaît à mesure que nous allons vers le sud. De mai à octobre, mousson du sud-ouest ; de novembre à janvier, mousson du nord-est : le Sri Lanka est sans cesse arrosé, ce qui en fait la « perle de l’Asie » selon la publicité des voyageurs. « Et les baleines sont contentes, nous dit Inoj avec un grand sourire ; elles font le tour du Sri Lanka pour avoir chaud et manger ».

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Grande Muraille et tombeaux des Ming

Nous prenons le petit déjeuner au buffet de l’hôtel, tous un peu ensommeillés. On peut manger du pain et des œufs, mais aussi des algues croquantes pimentées… Exclamations d’horreur de ces dames. Le car nous attend pour la visite prévue aux tombeaux des Ming et à la Grande Muraille.

tombeau des ming allee

Dans le petit matin gris et brumeux de la Chine du nord roulent des vélos en tous sens et des camions fumeux, très lents. Le temps est plus froid qu’hier, il fait –5°. Nous traversons Pékin-vieille, aux trottoirs remarquablement propres comparés aux crottoirs de Paris. Après le gigantesque périphérique en hauteur, Pékin-neuf voit traîner quelques sacs en plastique et papiers dans les buissons au pied des immeubles. Les parkings à vélos sont bien remplis. Parfois, nous croisons la Volga noire d’un apparatchik, cette auto stalinienne de luxe imitant la Cadillac.

La visite guidée nous arrête à dépôt-vente d’objets artisanaux pour touristes. Il s’agit d’exploiter la manne des capitalistes en goguette bourrés d’argent. L’ouverture économique a peut-être fait décliner l’appellation de « camarade » au profit de « Monsieur, Madame, Mademoiselle », mais l’activisme scolaire pour promouvoir la vente est aussi pesant que celui pratiqué autrefois pour « construire la révolution ».

tombeau des ming soldat

Les Tombeaux des Ming sont en pleine campagne. Une allée sacrée y conduit, les animaux et personnages de marbre sont mis en cage pour qu’on ne touche pas : c’est la Voie des Esprits, allée d’honneur du cortège funéraire de l’empereur. Les foules chinoises ont en effet la vulgarité de « toucher » et  salir ; la chiourme veille donc, en utilisant les éternels procédés administratifs : panneaux d’interdiction, barrières, gardiens, amendes… La bureaucratie se réinvente partout à l’identique. Mais les alentours sont soigneusement balayés, comme dans un cantonnement militaire. La discipline socialo-administrative insiste toujours sur ce qui se voit. Les bidasses ont les mêmes réflexes durant leur service. Lettrés, fonctionnaires, militaires comme lions mythiques, xiechi (bête imaginaire), chameaux, éléphants, licornes, chevaux, restaient de marbre en saluant le maître du monde qui s’en allait à sa dernière demeure. Le tombeau du Troisième Ming, Yongle, est original car il s’agit du premier Ming à s’être fait enterrer volontairement dans cette vallée en 1424. Seize concubines royales y ont été brûlées vives pour l’accompagner. Cet empereur Yongle a fondé la Cité Interdite à Pékin.

tombeaux des ming Changling arche

Le terrain est partout quadrillé par des vendeurs de gadgets. Une vendeuse emmitouflée présente à son étal des oranges et de grosses pommes jaunes soigneusement disposées sur des écrins de papier. Son bambin, tout de rouge encapuchonné, montre du doigt cet étranger « long nez » qui photographie.

tombeaux des Ming Changling

Nous visitons néanmoins un bel ensemble de temples en bois et de jardins aux sapins centenaires. Ils ont échappé on ne sait pourquoi aux hordes scatologiques de Mao qui exigeaient faire table rase de tout. Pour construire quoi ? Tous l’ignorent. Détruire est une jouissance en soi pour l’adolescence et tout prétexte religieux (ou idéologique, ce qui est la même chose) est bon. L’atmosphère de ces temples me rappelle celle des temples japonais, en plus grouillant et plus rustique, mais avec ce souci religieux du jardin, ancré plus profond que les croyances mêmes. Ordonner la nature, maîtriser ce qui pousse, arranger les massifs, est une ascèse qui se suffit à elle-même. Comme si l’on s’approchait de Dieu en jouant son rôle de maître et possesseur de la nature. La promenade solitaire, sous les pins de la colline, le long du chemin de ronde qui entoure la butte de la tour, me fut un délice.

grande muraille Badaling

Nous déjeunons à la Grande Muraille. Le restaurant « choisi » (par la visite officielle) est un débit à touristes. La nourriture est quelconque, prise à la baguette, dans tous les sens français de ce mot. La Grande Muraille est le seul monument terrestre visible aujourd’hui depuis la lune. C’est dire son gigantisme. Cette muraille aurait servi, selon les justifications des empereurs, à protéger la Chine des envahisseurs mongols. Elle a été bâtie et complétée régulièrement du 5ème au 16ème siècle. Les historiens penchent aujourd’hui plutôt pour une fonction d’isolement… intérieur ! Il s’agissait d’empêcher les sujets chinois d’aller se perdre dans les étendues mongoles pour échapper au fisc et aux soldats de l’empereur. La Muraille délimitait aussi la ligne de partage entre nomades et sédentaires, entre « désert » et terre « cultivée », entre barbarie et civilisation, le chacun maître de soi et l’État militaire et fiscal. L’empire du Milieu était aussi un empire fermé. Dehors est le chaos, les démons menant une vie errante ; dedans est l’harmonie hiérarchique et patriarcale sous la houlette de l’empereur. La Chine développe l’angoisse du sans limite ; elle est obsédée – comme la France – par le jardin maîtrisé. A-t-elle aujourd’hui changé ? Et nous ?

Sur les remparts, restaurés pour quelques centaines de mètres, le soleil a percé un tantinet la brume. Le vent souffle, il fait froid. La Muraille court sur les crêtes et barre la vallée. Elle monte et descend, épousant le relief de ses larges dalles grises aussi loin que peut porter le regard. Beaucoup de Chinois s’y promènent en ce lundi. Le grand chic est de se photographier l’un l’autre. Ils sont accompagnés d’enfants qui ne sont pas à l’école. Passe un jeune garçon entre son père et sa mère. Ses yeux sombres sont interrogateurs mais il me sourit lorsque je le salue d’un signe de tête. Une chinoise pose pour l’album de souvenirs au côté d’un soldat de bois armé comme en l’an mil. Elle a pris la même attitude martiale que lui, politiquement correcte en Chine, la poitrine paonnante et le menton haut, avec l’inévitable air préoccupé et mortellement « sérieux » de tout bon partisan.

grande muraille

Au bas de la muraille, le commerce bat son plein. J’assiste à des négociations épiques de nappes brodées, arrachées après marchandage comme s’il s’agissait de tapis. Les femmes craquent devant les motifs de fleurs et les prix. On rit. Les chinoises, prises par l’avidité du commerce s’excitent et deviennent convaincantes. Elles ont l’anglais roublard. Quelle idéologie peut-elle être aussi efficace que l’intérêt personnel ? Le fanatisme de secte ?

Nous remontons dans le car pour rentrer à Pékin. La route, monotone, nous fait somnoler par à-coups. Et c’est l’inévitable arrêt, sur le chemin, pour visiter une fabrique de vases en bronze au décor cloisonné. L’artisanat est purement manuel dans des locaux collectifs. Des compartiments de cuivre sont collés sur la surface du vase. Ils reproduisent un motif qu’un second atelier est chargé de remplir d’émail de couleur, en dégradant les teintes là où il le faut. La chaîne se poursuit par un passage au four. Le vase est ensuite poli. Une grande salle de présentation sert à la vente directe. Elle est emplie de vases, de boites, de plats, jusqu’à des baguettes pour dîner et des stylos dans le même style ! Je trouve ce décor cloisonné plutôt chargé, et la forme des objets chinois tarabiscotée. Mais certains tons, en harmonies de verts et de bleus me séduisent, des décors de fleurs sur fond noir aussi.

Nous revenons à l’hôtel vers 19h après une rude journée. Cette fois, pas question de goûter au buffet officiel, insipide et au service peu aimable. Nous allons non loin de là, dans un restaurant conseillé par le guide de Pékin que j’ai emporté, au Donglaishun. Cet endroit est réputé pour sa « fondue mongole ». Il s’agit de carpaccio de mouton, accompagné de chou cru, que l’on plonge à cuire dans l’eau qui bout sur le brasero au centre de la table. On mange viande et légumes assaisonné d’une sauce au sésame et à la coriandre fraîche. Un ami se régale, sa femme et ses belles-sœurs sont moins friandes de ce mouton qui sent fort et dont il faut enlever le gras. L’endroit, en tout cas, est original. J’avais entendu des gens, dans le car, en parler ce matin. Nous prenons ailleurs le dessert – car les Occidentaux ne peuvent se passer de sucré en fin de repas. Nous allons nous installer au bar à thé de l’hôtel pour prendre une linzertart – bien occidentale – après avoir sacrifié au rituel du léchage consciencieux des vitrines chic d’artisanat du hall. Elles regorgent de sceaux de jade, de boites en porcelaine, de bols en bois, de statuettes. Il y a de belles choses, mais il est nécessaire d’examiner ce qu’il y a ailleurs avant de se décider.

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Premiers pas dans Pékin 1993

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Il fait doux à notre arrivée : -4° le matin, +8° dans la journée. Nombreux sont les enfants et les jeunes dont le col est ouvert. La population ne me séduit pas particulièrement ; je lui trouve les traits plutôt rustiques, accentués par une attitude de « grossièreté prolétarienne » volontairement cultivée. Par idéologie, il faut forcer depuis deux générations le trait ouvrier ou, à la rigueur, paysan. Le vêtement commun est simple, mal taillé, souvent sali.

petit garcon pekin 1993

Nous ne rencontrons aucune excentricité ni « révolte d’ego » comme nos punks, skins et autres rastas. Le moi est réduit et la masse exaltée ; l’individu est soumis tout petit à la discipline du parti et de la société. On ne lui demande pas de créer mais d’être un rouage. L’avant-garde décide pour lui. Dans cette gigantesque administration qu’est le communisme, tout s’invente en haut et se décline vers le bas. On ne réfléchit pas, on exécute, on « fonctionne » – le rêve jacobin d’une Administration parfaitement réalisée ! Les Pékinois cru 1993 offrent le spectacle d’un vaste troupeau unisexe.

fillette chat

La beauté existe, pour parler comme François Cheng, je la rencontre parfois. Les enfants, comme partout, ont une fraîcheur et un air éveillé qui fait plaisir. Ils sont peu nombreux, la politique de l’enfant unique dans les villes est la norme imposée ; les parents semblent donc s’occuper d’eux pleinement. Ils sont les seuls à être habillés joyeusement. Les mères prennent plaisir à les vêtir de couleurs vives qui leur vont bien au teint. Ils sont gâtés, à l’aise ; ils sourient et lancent parfois un « hello ! » aux « long nez » qui passent. D’ailleurs, pour leur répondre, « bonjour » en chinois se dit « nin hao » et merci « xiexie ».

Pekin hotel

Nous déjeunons vers deux heures locales de l’après-midi, à l’Hôtel de Pékin, après avoir emménagé vers onze heures. Nous n’avons accès qu’à un reste de buffet qui allait fermer – horaires syndicaux obligent ! – et dont les plats sont très moyens.

Pekin place Tien an Men 1993

Nous partons à neuf en promenade vers le plus facile et au plus près : la place Tien An Men et le quartier sud. Le temps est humide et frais, le soleil voilé. Beaucoup de piétons occupent les trottoirs et les chaussées des rues. Le niveau de vie et les habitudes individualistes n’ont pas, en 1993, envahis Pékin. Circulent plutôt de nombreux vélos, des taxis de marque japonaise assez neufs et d’anciens bus usés, à soufflets. Notre déambulation n’est qu’une simple prise de contact avec la ville et son ambiance.

Un ami a plusieurs fois tenté de pénétrer dans les hutongs, ces ruelles où s’ouvrent les maisons chinoises traditionnelles qui forment un quartier entouré de murs et fermé par une porte sur la rue. Nous voyant arriver, les gardiens nous ont toujours dit : « interdit ». On ne peut pas entrer. Moralisme ? Crainte de contagion idéologique ? Souci de rester entre soi ? Ou politiquement correct qui n’ouvre que ce qui est montrable ?

La place Tian An Men est immense et vide ; elle sert de passage pour les piétons qui ont hâte de se rendre à l’une de ses extrémités. L’impression est pire encore le soir, quand nous y revenons. Ce symbole de la Révolution maoïste a été aussi le lieu de la Réaction d’un vieux parti communiste aux abois devant les revendications démocratiques de 1989. La répression aurait fait trois mille morts. La loi martiale n’est levée, en 1993, que depuis trois ans.

pekin Tian an men 1993 soir

Sur un côté s’élève le Mausolée de Mao. Il est fermé pour restauration. On doit refaire son lifting au Grand Timonier, bien malmené par les bactéries. Tout cet ensemble autour de la place est triste et froid. Le « peuple » institutionnalisé ne présente aucun intérêt pour le visiteur. Seul le peuple vivant l’intéresse, le « vrai ». Sur la place s’élève un monument Kolôssal et belliqueux, l’un de ces tanks de la sculpture qu’affectionnent les tyrannies. Un paysan et un ouvrier encadrent un soldat, tendus vers un avenir laborieux. Une femme les suit, tout aussi hommasse. Les quatre sont carrés, rigides, obtus. Ils ont cet inénarrable « sérieux » du socialisme réel qui les rend dangereux – mais qui fait aussi, et c’est heureux, leur faiblesse.

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Ile de Batz

Article repris par Medium4You.

Enez vaz en breton est à prononcer ‘île de ba’ en français et signifie l’île basse. Elle s’étale sur l’horizon à peu de distance de Roscoff, d’où partent les navettes. Comme 2000 touristes chaque jour de l’été et pour 8€ aller et retour, vous pouvez passer en 15 minutes la journée sur l’île de 3.5 km de long sur 1.5 km de large.

Un sentier côtier en fait le tour complet sur 12 km. Certains chemins sont ouverts aux vélos, d’autres réservés aux pieds.

Nous avons fait tout cela, loué des vélos dès le débarcadère,

visité l’église du bourg, déambulé dans les ruelles,

pique-niqué au calvaire surplombant Pors Leien,

nagé dans une baie ensablée,

arpenté à pied les rochers déchiquetés, grimpé au phare, exploré le jardin colonial Georges Delaselle… C’est qu’il faut les occuper, les petits et les plus grands, sous le soleil.

La partie sud de l’île est la plus intéressante. Outre que la mer y est plus chaude pour les baigneurs (les gamins adorent ça), c’est là que se trouve le débarcadère des navettes, le bourg et son église, puis les différentes cales et pors (petits ports abrités).

A l’ouest la maison du Corsaire, corps de garde construit en 1711 pour surveiller l’abord de Roscoff. Balibar, corsaire révolutionnaire, l’a utilisé pour la défense de l’île. Ce ne sont plus que ruines interdites aujourd’hui pour cause d’écroulements possibles malgré les ronces. Tenez en laisse chiens et enfants ! Surveillez vos ados ! Il n’y a pas de trésor et nous ne sommes pas au Club des Cinq.

Juste au nord, face au large, la mer bouillonne même par beau temps. Des rochers traîtres font de la dentelle des vagues qui viennent. On dit que saint Pol-Aurélien, moine gallois débarqué ici en 553, jeta de son étole le dragon qui hantait les lieux. Le Trou du Serpent est à voir les jours de tempête : le Diable y fait ses griffes, projetant très haut les embruns dans sa rage de ne pouvoir reprendre pied sur l’île protégée du saint…

C’est dans l’église du bourg, dédiée à la Vierge sous le nom de Notre-Dame du Bon Secours, qu’est protégée son étole, monument historique depuis plus d’un siècle. Il s’agit d’une soie orientale du 8ème siècle (deux siècles après l’arrivée du saint, mais nous sommes dans la légende). Un os de saint Pol est aussi conservé en reliquaire. L’église elle-même a été reconstruite en 1874 et ses vitraux datent de 1895.

Seule une statue de Notre-Dame de Penity a quelque ancienneté, en pierre polychrome du 15ème. Lui fait face, de part et d’autre de l’autel, une statue de saint Pol-Aurélien en bois peint du 18ème. La Bretagne est restée pauvre longtemps, vivant de pêche et de céréales ; ce ne sont que dans les villes du commerce que la richesse a pu venir. Les tenants de la « décroissance » devraient y penser au lieu de jouer les Marie-Antoinette mignotant des agneaux ornés de rubans roses.

La côte nord est sauvage, domaine de la lande, des oiseaux de mer qui y nichent et des grèves de sable ; il y a peu de baigneurs et l’eau y est plus froide malgré les 800 m de sable fin de Grève blanche.

Dans les creux du sol sont cultivés les primeurs qui font la réputation aujourd’hui des quelques 507 habitants à demeure – une école, un collège, des commerces. La pomme de terre de l’île de Batz a la chair ferme, les carottes de sable sont de haut goût et les artichauts y poussent dans les embruns. Une quinzaine d’exploitations bios cultivent encore 170 hectares protégés du gel et enrichis d’algues ramassées sur les grèves alentour. Cinq bateaux goémoniers récoltent les laminaires autour de l’île.

Malgré ses 198 marches et sa côte pour y accéder, d’où que vous y veniez, je vous conseille de monter au phare pour 2.20€. Construit en 1836 de granit de l’île, il surplombe Enez vaz de 44 mètres, permettant une vue aérienne unique sur le bourg, le large et les cultures.

Les kids y grimpent comme des chèvres mais se trouvent fort dépourvus, tout en haut, par le vide très aéré qui leur explose le bas-ventre malgré les rambardes de sécurité. Certes, il fait plus frais qu’en bas, mais c’est un vertige salutaire qui les ramène près de vous, passablement frileux.

L’extrémité sud-est de l’île recèle un trésor : le jardin colonial Georges Delaselle. Je vous en parlerai dans une autre note. Même les enfants l’aiment, c’est dire !

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