Le remaniement est un non-événement ; il ne pouvait en être autrement. Mais durant les soldes, la guerre continue. Le Sahel fait allégeance à l’Oussama, l’Afghanistan pose toujours le problème pakistanais, la croissance ne repart pas aux États-Unis, le chômage demeure élevé, la dette des États européens fait basculer l’Irlande après la Grèce. Demain la France ? Nos gouvernants comme notre opposition s’en moquent. Ne comptent que les petits jeux entre amis et le théâtre télévisé.
Remaniement : mêlez le beurre avec les gens de même farine et vous épaissirez la sauce. Elle sera moins légère mais les morceaux seront bien emballés. La recette Sarkozy fait dans la cuisine de grand-mère, façon IVe République. On prend les mêmes et on recommence. L’objectif ? Garder le pouvoir. L’avenir ? Navigation à vue. L’Europe, le monde, la crise ? Dormez, bonnes gens, on s’occupe de tout. Qu’il y ait des chômeurs long terme s’ils sont plus de 45 ans, ou des mômes de onze ans qui se fassent descendre à la kalachnikov pour cause de trafic de banlieue, qu’importe. Alors que la drogue, les armes, les immigrés, le chômage sont des conséquences de la mondialisation.
• La gauche la ferme, par tabou idéologique sur le colonialisme et l’obsession du « racisme ». Tout devrait se régler par encore plus d’État et encore plus d’impôts. Suffit de redistribuer et d’assister, circulez, y a rien à voir.
• La droite s’en fout, tant que la sécurité reste un thème porteur et qu’ils se descendent entre eux…
Alors qu’il s’agit d’écarts culturels (tollé à gauche quand le sociologue de gauche Hugues Lagrange l’a montré). Et que la meilleure façon de relativiser les écarts culturels n’est ni de les nier (à gauche) ni de les essentialiser (à droite) mais de les gérer par la société. Ce qui veut dire affirmer tranquillement les valeurs républicaines et les traditions françaises ; être ferme avec tous les intégristes pour assurer la neutralité de l’espace public ; ne tolérer aucun manquement à la loi, même des agriculteurs syndicalistes, des casseurs de droite ou des dealers maghrébins (mixez tout ça comme vous voulez). Cela passe évidemment par l’école. Mais qu’elle se délite et que le SNES freine toute réforme, même proposée par le socialiste Bruno Julliard, qu’importe à la gauche : yaka déverser encore plus de moyens, yaka jacobiniser encore plus les programmes, les formations, les carrières, yaka faire « tous pareil », à la façon technocrate 1791 qui a inventé le département carré, la semaine de dix jours et l’année de dix mois. La droite, pour une fois, va dans le bon sens en dotant les universités de capitaux pour les rendre autonomes, en décentralisant certaines décisions au niveau de chaque établissement et en refondant les programmes sur la base qu’on croyait minimum… en 1850 : lire, écrire, compter. Avec les profs formés après 68, tout ça c’est facho.
Ces zozos attendent la Retraite, comme si les actifs restant ou les marchés financiers allaient payer allègrement et sans rien dire le repos doré des vieux hédonistes. Eux qui ont mangé leur pain blanc le premier et endetté le pays pour deux générations, se préparent des lendemains difficiles… Car, dans le monde, ce qui compte est la puissance. Quelle est celle de la France ?
• Elle ne peut être militaire que si elle est démographique, or la France est bien petite face à la Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil, le Nigéria… et même l’Iran, la Turquie ou l’Algérie. Ce sera pire dans vingt ans. Le niveau qui compte est l’Europe et la France, en Europe, est démographiquement bien placée : qu’attend-t-elle pour prendre l’initiative de négocier au lieu d’imposer son caporalisme UMPS ?
• Elle peut être économique si les entreprises sont encouragées, les managers bien formés, l’esprit d’initiative présent. Or le système scolaire en son entier, depuis le primaire, adore classer, sélectionner, mépriser les attardés. Tout le monde fait des maths parce que c’est la filière d’excellence. Très peu de matheux deviennent ingénieurs et encore moins chercheurs. Beaucoup vont en entreprise mais, déformés par le tout calculable et le rationalisme froid, ils sont incapables de diriger des ensembles humains : voyez France télécom, Renault, la SNCF… Les grands groupes français se font à l’international car, dans leur pays, ils se font taxer, réglementer pour n’importe quoi, vilipender pour ne pas « produire français » (Estrosi à Renault !). Très rares sont les PME qui émergent ; quand elles le font, l’ISF vient les ponctionner à la transmission. Conclusion : la plupart vont s’immatriculer en Angleterre ou en Belgique et les chefs d’entreprise qui passent la main s’exilent en Suisse ou en Floride.
• Elle peut être culturelle si la langue est honorée, les artistes reconnus et le réseau médiatique autonome. On en est loin en France où hors de l’État, point de salut ! Il est curieux de constater combien les grands écrivains contemporains habitent hors de France : Le Clézio au Mexique, Houellebecq en Irlande, Maxime Chattam aux États-Unis, comme Jonathan Littell. Sans parler des chanteurs, des mannequins et des footeux. S’il n’y avait pas les commissions départementales d’État pour acheter les croûtes ou les montages d’école maternelle des zartistes, qui le ferait ? Le mécénat est découragé et Pinault est allé s’exiler à Venise. Le marché de l’art contemporain est artificiel, fondé sur la commande publique et sur les évaluations de fonctionnaires de la culture – d’où les prix ridicules lorsque les œuvres passent en ventes à l’étranger. Quant au rayonnement international, l’Élysée préfère des ambassades, même au fin fond de pays perdus, aux lycées français ou à l’Alliance française. Quand on n’a plus les moyens, seul le prestige de cour surnage.
• Reste l’image : le tourisme des monuments, la gastronomie, la mode. Sauf que l’hôtellerie n’est pas encore à la hauteur et le service revêche ; que les restaurants rognent sur l’assiette tout en salant l’addition ; que les anorexiques qui habitent la haute couture ne donnent vraiment pas envie.
Il faudrait penser grand le nouveau monde alors que la France se replie sur son petit soi.
• A gauche, on ne sait pas qui sera candidat dans 18 mois. Ce qu’on sait, est que les primaires pour désigner ce candidat vont faire surenchérir les démagogues, selon la maladie infantile du socialisme. Surtout branché mode, le gauchisme recyclable en vert.
• Au centre, il n’y a qu’un grand vide avec des velléitaires en vedette.
• A droite, ce sont les haines qui ressurgissent. Petites et méprisables, elles attisent le désarroi. Villepin attaque sur Karachi à cause de Clearstream. Avec le fin sens politique qu’on lui connaît, il risque de se faire pincer les doigts dans la porte. Chirac apparaît comme un tueur, l’arrêt des commissions promises aux militaires pakistanais ayant probablement tué onze ingénieurs français de la Direction des constructions navales. Les querelles de vieux riches (Bettencourt) laissent soupçonner un vaste trafic de commissions politiques. La raison d’État est-elle morale ?
De quoi faire monter l’abstention du tous pourris et le populisme du qu’ils s’en aillent tous. Cela me rappelle l’URSS de Brejnev, avec parti inamovible, dirigeant marionnette et banlieues désagrégées de violence et de drogue retour d’Afghanistan. On sait comment cela a fini : par la pire régression sociale sur trois générations. Fin de l’État providence, montée des mafias politico-barbouze, fuite des capitaux à l’étranger (Suisse, Angleterre, Riviera), reprise en main autoritaire des médias, loi de la jungle sociale. Est-ce cela qui nous guette ? Il paraît qu’on aurait aperçu, la semaine dernière, Dominique Strauss-Kahn sur le perron de l’Élysée…
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