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Saint Grelottin, priez pour nous !

Il fait chaud, l’on en crève, priez saint Grelottin pour qu’il vienne combattre saint Grille ! Ce sont en effet deux saints du culte populaire.

Saint Grelottin était célébré dans les Yvelines et l’Oise par les gens de la forêt. Il était le patron des bûcherons, fendeurs de bois et autres charbonniers qui faisaient la fête à la charnière de l’hiver. Ils se déguisaient en hommes et femmes des bois avec branches dans les cheveux, mousse sur les jambes et boue sur le visage. De vrais sylvains païens surgis des endroits sombres où se pratique l’art de régénérer les générations comme la végétation.

Le poète Paul Fort en a fait une ballade enjolivée par la légende. Il fait du saint un moine pour ne pas se fâcher l’Église, mais néanmoins bûcheron et pisseur de long. Du haut de son arbre, il émondait heureux lorsque l’envie lui prit. Tellement qu’il en lâcha sa serpe. Mais il faisait tellement froid que le pissou remonta gelé jusqu’à lui et qu’il put ainsi, sans descendre, récupérer son engin. Le lecteur paillard voit aussitôt le parti qu’en peut prendre un freudien, de l’engin à châtrer à celui à pisser et engendrer, que le froid attaque alors que l’énergie vitale le vainc.

La saint Grelottin a lieu en hiver, au moment du carnaval, lorsque l’année commence à sortir du bois et la nature à se régénérer. Il faut fêter ça avec ripailles, danses et beuveries ! Car les travaux vont reprendre dans le bois, bûcheronnage, sciage et feu de charbon. Les convives se présentent peu vêtus, malgré l’hiver, pour exhiber leur énergie génésique (devant un bon feu, de bonnes bouteilles et de bonnes femmes). Les « bons cousins » compagnons font leur chantier et reproduisent leur confrérie par des petits à naître. Gargantua, dit Gorgon, n’est pas loin. C’est un géant de légende qui emporte tout sur son passage, rempli de « tant d’ardeur ».

Bien de quoi contrer saint Grille, dont on dit qu’il viendrait d’une vulgaire grille qui entourait la sainteté du Jean évêque de Saint-Malo, mais que les paysans ont subverti en ardeur solaire trop marquée au point de les griller. En ces temps de chien qu’on appelle canicule, croire à saint Grelottin est bienvenu. Pour un gamin, le diminutif grelot est souvent bien porté.

Jacques Merceron, Dictionnaire des saints imaginaires et facétieux, Seuil, 2002, 1293 pages, €35,50

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