Énigmatique sujet de philo

Un mien oncle qui a passé son bac Maths Elém (le précurseur de Maths Sup puis de Maths Spé) a eu en 1959 comme sujet de philo :

« Rien n’est dedans, rien n’est dehors, tout ce qui n’est pas dedans est dehors ».

Débrouillez-vous avec ça ! Il est vrai qu’en 1959 le bac n’était pas donné avec la fin de Terminale comme un bon débarras mais restait le premier grade de l’université. Aujourd’hui, le secondaire se défausse sur le supérieur pour assurer la sélection des talents (50% d’échec en première année de fac) et des métiers (très nombreuses reconversions en filières professionnelles, voire en… CAP)

L’époque était à Sartre avec L’Être et le Néant (l’ette et le nonette raillait Raymond Queneau) et peut-être le sujet proposé a-t-il en effet un rapport avec l’Être. Qui pourrait m’en dire plus ?

La formulation me suggère une resucée prétentieuse du « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » de Lavoisier dans son Traité élémentaire de chimie en 1789. Mais lui-même reprenait le grec présocratique Anaxagore pour qui « Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau ».

Qui éclairera-t-il ma lanterne (et celle de mon oncle qui est toujours vivant – et a eu son bac malgré cela) ?


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2 réflexions sur “Énigmatique sujet de philo

  1. Votre commentaire est très éclairant en posant en préalable la question de méthode.
    Sur le fond, définir les concepts est vital.
    Sur la forme, disserter sur l’absolu et le relatif est intéressant, bien que je trouve le sujet ardu pour des bacheliers en maths – même en 1959.
    Quant à l’énoncé du sujet, il me paraît d’un jargon insupportable, comme si « la philo » voulait se poser en citadelle difficilement prenable – alors qu’elle consiste surtout à tenter d’éclairer la pensée.

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  2. Augustin Poule

    Je pense qu’il ne faut pas trop être impressionné par l’apparence « profonde » de la multitude de sujets dissertations, dans la mesure ils n’ont pas de sens tant que les notions ne sont pas définies. Plutôt que de chercher une supposée signification cachée derrière l’énoncé, il faudrait simplement montrer les différentes manières de comprendre le sujet, et par la suite de le traiter.

    J’ignore ce que les futurs correcteurs avaient à l’esprit lorsqu’ils ont posé ce sujet, mais ils attendaient probablement une problématique en rapport avec le couple de concepts absolu / relatif. Je parle d’un point de vue contemporain, où il est systématiquement demandé de trouver une problématique à chaque sujet de philosophie.

    « Rien n’est dedans, rien n’est dehors » pourrait renvoyer à la notion d’absolu (l’Être, Dieu, toute la Réalité possible), dans la mesure où l’absolu n’a aucune extériorité et est sans relations (infinité pure si on veut), il n’a aucun rapport avec le dedans ou le dehors, ou l’intérieur ou l’extérieur.

    « Tout ce qui n’est pas dedans est dehors » pourrait renvoyer à la notion du relatif qui contrairement à l’absolu, a un rapport avec l’intérieur et l’extérieur, dans la mesure où une chose finie est toujours en relation d’autres choses finies, là où l’absolu ne possède, par définition, aucune relation avec quoi que ce soit.

    La problématique pourrait ressembler à ça : Si nous acceptons que l’absolu englobe toute la réalité possible, comment est-il possible de concevoir le relatif ?

    Je pense surtout qu’il y de nombreuses manières de traiter ce sujet, et il n’est pas vraiment pertinent de vouloir trouver la référence « ultime » qui dévoilerait le sens du sujet, puisque sa signification dépendra toujours de la définition que nous donnons aux concepts. Parmi ces différents angles d’approches :

    – Métaphysique : L’absolu est pensé comme infini, et le relatif comme les étants finis en relation avec d’autres étants finis. Mais comment devons-nous comprendre l’absolu, est-ce l’Être, Dieu, la Réalité, le Monde, l’Existence ? Paradoxe possible : Nous ne pouvons pas faire cohabiter plusieurs absolus ensembles, puisque que cela voudrait dire que l’absolu aurait une extériorité vis-à-vis d’autres absolus.

    – Théologique / religieuse : Dans les religions monothéistes, l’absolu (Dieu) est séparé de la créature finie en lui étant extérieur. Question de la place de la religion où le croyant, par sa foi intérieur, doit retrouver un absolu en partie extérieur, pensé en tant que Dieu.

    – Spinoziste : Il y a une immanence de l’absolu envers le relatif. Par exemple, l’Étendue infinie est présent dans tous les corps matériels finis, mais nous ne pouvons pas penser un corps sans concevoir l’Étendue. Le relatif n’existe pas absolument, puisque toutes nos relations aux autres choses finies sont également déterminés par les lois de l’absolu (Ainsi, la relation de notre corps avec les autres corps se produit selon les lois de l’absolu, soit l’Étendue infinie).

    Platonienne : Le sujet à la fois sensible et intelligible qui essaye d’entrer en relation progressive avec les des Idées intelligibles, en particulier l’Idée de Bien qui englobe toutes les autres Idées.

    – Hégelien : Il y a un processus du sujet, au départ aliéné par le constat du relatif et de la différence, vers la conscience de l’absolu :, ce qui était autrefois opposé devient regroupé communément sous un même concept, jusqu’à que l’intuition de l’absolu englobe toutes les oppositions.

    – Existentialiste (Heidegger / Sartre) : L’être humain existe avant de se donner une essence. En conséquence, il pense l’absolu et le mystère de l’Être. Dans cette perspective, l’absolu ne précède pas ontologiquement la finitude, dans la mesure où le Dasein dévoile une signification de l’Être selon son mode d’existence d’être-au-monde.

    – Phénoménologique (Husserl / Heidegger / Sartre) : La conscience peut-être pensée comme intériorité pure, sans pour autant être un absolu métaphysique. La question serait de savoir comment une conscience solipsisme peut prendre conscience de l’extériorité. Par l’intentionnalité qui vise nécessairement quelque chose (Husserl), par la signification que nous donnons à l’absolu (Heidegger), par le questionnement de la liberté d’autrui avec l’opposition de l’en-soi et du pour-soi (Sartre). L’approche phénoménologique a aussi l’avantage de reposer le problème pour le penser autrement que comme un sujet de métaphysique, et ainsi questionner l’intériorité et l’extériorité de la conscience.

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