Charlie et la chocolaterie de Tim Burton

Un conte moral américain adapté d’un roman de Roald Dahl et filmé entre Dickens et Disney à propos de l’obsession yankee pour le sucre, la confiserie, les bonbons. Les chocolats Wonka sont célèbres « dans le monde entier », c’est le soft-power de l’Amérique. Mais Willy Wonka, le confiseur s’est fait tout seul, c’est l’esprit pionnier de l’Amérique. Il n’a pas de successeur, ayant quitté son père sévère, dentiste de surcroît, c’est-à-dire tortionnaire sadique de son fils avec des appareils dentaires et l’interdiction de tout bonbon. C’est le sens du sacrifice pour réussir la compétition sociale.

Willy Wonka (Johnny Depp) décide de placer cinq tickets d’or dans les tablettes du chocolat qu’il vend un peu partout. Ces tickets permettront à un enfant accompagné d’un adulte de son choix (comme à Disney) de visiter « toute une journée » la fabrique de chocolat qui tourne toute seule depuis que des employés indélicats ont vendu ses recettes secrètes à la concurrence tel la glace au chocolat qui ne fond jamais ou le chewing-gum qui ne perd jamais son goût. Le grand-père du petit Charlie (Freddie Highmore) a travaillé pour Wonka avant d’être licencié comme les autres. Désormais les cheminées fument, les chocolats sortent mais les grilles restent fermées. Le concours comme ce mystère entraînent un choc marketing qui fait en parler et vendre encore plus de tablettes de chocolat.

Un gros garçon bavarois, Augustus Gloop – prononcez gloup – (Philip Wiegratz) s’en repaît tant et plus… et trouve un ticket. Une petite peste anglaise à qui l’on ne dit jamais non, au prénom maléfique de Veruca (Julia Winter), exige de son père directeur d’usine de cacahuètes de gagner et il achète des milliers de tablettes qu’il fait décortiquer à ses employées pour le trouver. Une autre peste, américaine cette fois, prénommée Violet (AnnaSophia Robb), toujours en compétition pour tout, décide qu’elle gagnera comme toujours… et elle en trouve un. Un je-sais-tout surdoué puant de suffisance et addict aux jeux vidéo destructeurs nommé Teavee (tivi = télé) savait de tout temps qu’il était un gagnant (Jordan Fry) ; il suffisait de penser la stratégie d’achat pour le trouver. Un Russe a bien tenté de faire croire qu’il avait gagné mais c’était un faux ticket. Reste le dernier. Charlie le voudrait bien, pour rêver, mais lorsque ses parents très pauvres lui offrent une seule tablette, elle ne gagne pas ; lorsque son grand-père (David Kelly) casse sa tirelire pour lui demander de rejouer, il ne réussit pas plus. C’est en trouvant par hasard dans la neige un billet de 10 $ perdu et en courant acheter une troisième tablette que Charlie est le dernier gagnant. Aussitôt des aigrefins se précipitent pour lui racheter pour 50 ou 500 $ mais le petit garçon va d’abord en parler à ses parents.

Ils sont pauvres et leur maison de guingois qui fuit de partout ressemble à celle d’une sorcière de conte, un peu à l’écart de la ville. Ils vivent à six avec les deux grands-parents alités et les parents qui n’ont que de petits boulots, le père, visseur de bouchons de dentifrice, étant même licencié pour être remplacé par une machine. Le bond des ventes de chocolat ont en effet entraînés plus de caries, donc de brossage de dents, ce qui a permis les bénéfices, donc l’investissement dans la robotisation. Tel est le système américain : efficace et poussant à la vente. Charlie voudrait convertir en argent ce ticket pour aider sa famille, mais le grand-père qui a travaillé chez Wonka lui déconseille : le sort l’a désigné gagnant, il doit aller jusqu’au bout.

Voilà donc le garçon, accompagné de son grand-père, ainsi que les quatre autres enfants accompagnés chacun d’un parent, devant les grilles de la chocolaterie un 2 février, date inscrite sur le ticket. Ils sont conviés à avancer, les grilles se referment ; la porte d’entrée s’ouvre sur un spectacle à la Disney en guise de préambule avant que Willy Wonka lui-même ne se présente et les invite à la visite. Tout est de lait et de miel, comme au paradis, ou plutôt en sucre et chocolat : l’herbe même se mange et une cascade de chocolat fondu permet d’aérer le produit avant que des pompes le prennent dans le lac à ses pieds pour le conduire aux moules.

Chacun des enfants est en soi une petite peste égoïste, avide et sans scrupule. Augustus le premier manque de se noyer dans le lac de chocolat avant d’être aspiré ; la compétitrice acharnée veut être la première à goûter du fameux chewing-gum expérimental qui nourrit d’un repas entier, malgré les mises en garde de Willy, elle se transforme en grosse myrtille – Violet devient violette et le restera ; l’exigeante qui ne se voit jamais rien refuser veut absolument un écureuil qui décortique les noix, bien que Willy lui dise non, elle est agressée, toctoquée sur la tête par un écureuil pour savoir si elle est pleine ou pourrie de l’intérieur et le diagnostic ne fait aucun doute : à la poubelle ; le je-sais-tout destructeur veut se dématérialiser comme une tablette de chocolat, bien que Willy le mette en garde et se rematérialise entier, mais tout petit, à la taille de ce qu’il est en réalité, il faudra l’étireuse de guimauve pour le transformer en ado filiforme. A chaque fois, les « petites personnes » trouvées dans la jungle par Willy pour l’aider à la chocolaterie chantent une chanson morale sur les enfants faillis. Reste un seul gamin : Charlie. Il pose des questions mais ne se met pas en avant ; il observe mais ne préjuge pas. Charlie le bon est le vrai gagnant. Il est désigné par Willy comme son successeur et doit hériter de la chocolaterie.

Sauf que Willy a un problème avec ses p… père et mère ; il en a été traumatisé. Or Charlie ne veut pas quitter sa famille, même confite en pauvreté, si c’est pour être tout seul. Il refuse donc… Nous sommes en plein Dickens. Mais… je laisse la fin pour la découverte, elle vaut son pesant de Disney.

Le film est un peu cucul la praline avec son hymne écoeurant au chocolat (jamais noir mais toujours bourré de sucre, de crème ou de fraise) mais les acteurs principaux sont épatants. Johnny Depp a le ton féminin délicieux de ceux qui savent parler confiserie ou fanfreluches tandis que le jeune Freddie Highmore (12 ans au tournage, le Peter du filmNeverland) est mignon avec son air éveillé, ses pantalons feu de plancher et son col ouvert de pauvre. Les petites pestes de deux sexes sont criants de vérité américaine et le film les traite avec l’ironie qu’ils méritent, même si l’obésité gourmande est projetée sur un Allemand plutôt que sur une patate de télé texane.

DVD Charlie et la chocolaterie (Charlie and The Chocolat Factory), Tim Burton, 2005, avec Johnny Depp, Freddie Highmore, Warner Bros, 1h50, €5,39 blu-ray €7,70

Catégories : Cinéma

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