
Sir Richard Hannay, apparu pour la première fois dansLes 39 marches, dont Hitchcock a fait un film célèbre, est devenu neuf ans plus tard général de division, et s’est retiré à 40 ans à Fosse Manor dans les Costwolds, à la campagne. Il est nanti depuis dix-huit mois d’un fils, Peter John, et passe son temps dans la nature et en famille, à se reposer de l’éprouvante guerre de 14.
Tout commence par la visite de son voisin, le Dr Greenslade, qui parcourt le pays pour soigner les gens et évoque les pouvoirs du subconscient. La société après la guerre est bouleversée, les anciennes mœurs brutalisées, les traditions remises en cause et les croyances chamboulées. Tout est possible, notamment le crime. La psychanalyse freudienne prend son essor et l’on commence à évoquer une « science juive » consistant à prendre le contrôle du mental. Greenslade s’amuse en décrivant comment bâtir un roman policier à partir de faits en apparence sans liens entre eux, comme « une vieille femme aveugle en train de filer dans les collines d’Écosse ; une étable dans une ferme norvégienne, et un petit magasin d’antiquités, dans le nord de Londres, tenu par un juif à la barbe teinte. » Hannay ne voit pas trop comment survient cette anecdote, mais s’aperçoit très vite qu’elle n’est pas énoncée par hasard.
Son ami Macgillivray, qui œuvre dans les hautes sphères policières, lui annonce que trois otages ont été pris par une bande criminelle qui cherche à contrôler les esprits perturbés par les bouleversements sociaux et lui demande son aide. Leur but est assez confus, entre avidité pour l’argent, manipulation de cours, prévarication et domination du monde. Mais Adela fait partie des otages ; elle est la fille du riche banquier juif américain Victor, et fiancée du compagnon de guerre d’Hannay, le marquis de la Tour du Pin, dit « Turpin ». De même le jeune Lord Mercot, étudiant à Oxford de 19 ans, beau et athlétique. Enfin le jeune garçon de 10 ans Davie Warcliffe, fils unique et touchant enfant, peut-être l’otage le plus pathétique. C’est lui qui va finalement décider sir Richard Hannay, ancien militaire des services secrets de Sa Majesté, à tenter d’aider, même s’il ne voit pas bien comment. Au moins par un regard neuf.
Un poème énigmatique a été envoyé par les ravisseurs aux parents, qui évoque une aveugle filant, une grange norvégienne et « les Champs d’Éden »… Un effet du subconscient de Greenslade, qui l’aurait entendu quelque part avant que cela lui revienne comme « naturellement » ? De fil en aiguille, le conscient démêle par raison analytique ce que l’inconscient suggère par réminiscence sensorielle et affective. Hannay découvre que les Champs d’Eden » provient d’un cantique, Greenslade se souvient qu’un dénommé Dominick Medina lui en avait parlé et avait fredonné l’air. Medina est anglais mais son nom vient d’un lointain ancêtre espagnol. Il est, autrement dit entre ces années méfiantes entre-deux guerres, un métèque dont on doit se méfier. Le sieur est jeune, beau, charmeur, cultivé, impeccablement habillé et courtois, même si perce parfois chez lui un certain orgueil et une volonté froide. Hannay est sous le charme mais son ami le colonel Sandy Arbuthnot se méfie. Heureusement ! Car Hannay, invité chez Medina, se voit drogué et soumis à une séance d’hypnose. Prévenu, il parvient à s’en immuniser, jouant le jeu de l’esclave soumis alors qu’il n’en est rien.
Il en ressort cependant le lendemain avec un fort mal à la tête. Il va consulter le Dr Newhover, suggéré par Medina, qui l’oriente vers une masseuse nommée Madame Breda, flanquée d’une très jeune fille au regard vide, Gerda. Il est hypnotisé à nouveau par des passes effleurant le visage, mais reste une fois de plus réfractaire. Hannay est invité en boîte de nuit avec son ami Archie Roylance et aperçoit une jeune danseuse impassible et très maquillée, sous l’emprise du majordome de Medina, à la carrure d’ancien boxeur. Il est intrigué : que fait Odell ici ? La boite sert-elle de couverture à certaines activités de Medina ?
Convaincu que sir Hannay est à sa merci, Medina s’en fait un factotum et l’emmène partout pour se faire valoir en société. C’est ainsi qu’il rencontre Kharama, un Indien hypnotique et puissant que Medina, qui en a entendu parler sans l’avoir jamais vu, appelle « Maître ». Il lui dévoile ses projets et l’autre l’encourage. Le Dr Newhover doit de se rendre en Norvège et Hannay veut savoir pourquoi. Il informe Medina qu’il est malade et a besoin d’une semaine de repos chez lui. Il suit le docteur en avion et canot jusqu’à une ferme norvégienne isolée où il se rend compte que Lord Mercot est détenu. Le jeune homme parvient à fuir, Hannay le recueille, le retape et lui rend son esprit, avant de lui demander de retourner dans sa geôle pour quelque semaines seulement, en jouant le jeu, jusqu’à ce que l’on puisse localiser et délivrer en même temps les deux autres otages.
En consultant un vieux plan de Londres, Hannay trouve mention d’un lieu anciennement connu sous le nom de « Champs d’Éden ». C’est aujourd’hui un entrepôt de grossiste et une boutique d’antiquités. Là est le second otage, la chère Adela, hypnotisée elle aussi et qui danse chaque soir surveillée par Odell, le majordome boxeur. La police, aidé de l’épouse de Hannay, Mary, est soustraite au gang. Reste le jeune garçon. Mary le découvre chez Madame Breda sous le déguisement d’une très jeune fille, les cheveux longs et une simple robe sur le corps. Le gamin reprendra difficilement vie après cette expérience. Il faut que Mary menace de défigurer à l’acide un Medina acculé, ce qui mettrait à mal sa vanité, pour qu’il consente à le déshypnotiser et lui rende sa raison. La police intervient alors simultanément dans plusieurs pays et les conspirateurs sont arrêtés.
Du fameux « complot », on ne saura pas grand-chose ; l’auteur préfère laisser l’imagination courir en restant dans le flou. Ce qui lui importe est moins le mobile que l’enquête, donc l’action. Le lecteur est bien servi, les chapitres coulent et progressent ; le roman se lit très bien, encore aujourd’hui. Ce roman est plus d’aventure que véritablement « policier » ; c’est un genre qui ne se pratique plus guère, la mode préférant le « thriller ». Mais le roman d’aventures prenait la suite des feuilletons qui avaient fait les délices des lecteurs dans la presse à grand tirage entre 1850 et 1950.
Quand tout est fini, tout recommence. Dominick Medina a été épargné et veut se venger. Son orgueil a été blessé. Sandy, qui s’était déguisé en mage Kharama pour le tromper, prévient Hannay qu’il cherche à se venger. Richard Hannay se rend alors avec toute sa famille dans un pavillon de chasse au cerf qu’il possède, isolé dans les Highlands d’Écosse. Medina l’apprend et se fait inviter tout près de là. Il veut simuler l’accident de chasse et tuer Hannay, mais celui-ci parvient à le déjouer. Le serpent tentateur ne mordra plus, mais quelles péripéties !
Ce roman a été adapté en série télé BBC en 1952 puis en 1972, et en feuilleton radio BBC en 2003. L’auteur, décédé à 64 ans d’une hémorragie cérébrale comme gouverneur du Canada et baron, a été avocat, militaire, espion et écrivain.
John Buchan, Les trois otages (The Three Hostages), 1924, Livre de poche policier 1966, 447 pages, €7,15
(mon commentaire est libre, seuls les liens sont sponsorisés Amazon partenaire)447 pages,
En savoir plus sur argoul
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.
Commentaires récents