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Desberg et Duarte, I.R.$ Trente milliards de dollars

Un milliardaire de la finance de 27 ans se meurt d’un cancer foudroyant et consomme des putes à la soirée pour 10 000 $ ; celles qui le reconnaissent disparaissent. N’ayant pas d’héritier, il souhaite léguer sa fortune à un projet pour l’humanité. Il mandate pour cela plusieurs personnes indépendamment, dont Larry B. Max, ex-agent spécial de l’I.R.S, Internal Revenue Service, chargé d’enquêter sur la fraude fiscale. Son Bureau des enquêtes criminelles est une sorte de service secret de la finance chargé du blanchiment d’argent, de la fraude boursière, et de la corruption due au trafic de drogue. Rangé de l’action, l’ex-agent fut un temps sénateur, avant de se retirer pour élever ses enfants, un garçon de 14 ans et une fille de 10 ans, après la mort de sa femme.

Larry rencontre Argon, le milliardaire en sursis. Il ne comprend pas vraiment à quoi rime cet héritage qu’on lui propose de gérer. Il ne tarde pas à découvrir, via une avocate célèbre qui l’aborde, qu’il est l’un des cinq choisi pour ce même projet mis en concurrence. Sauf que Jessa Thorpe se tue presque aussitôt en Ferrari sur une route droite et sans personne. On l’a tuée. A son domicile, où il pénètre en pleine nuit comme sait le faire un agent, Larry découvre un dossier où figure deux des trois autres noms : un ancien colonel de l’armée, fondateur d’une société de mercenaires, et un mafieux reconverti dans le crime financier. Reste le troisième nom. En se faisant agresser dans la villa, la vidéosurveillance livre une silhouette, que Larry compare bientôt à celle de la milliardaire héritière de papa qui multiplie les recherches sur la santé.

Consultant un sociologue, Larry entrevoit que la seule façon d’aider l’humanité serait de créer une banque indépendante des puissances financières, apte à prêter aux pays du sud sans contrepartie géopolitique. « Il faut que chacun ait confiance dans le rôle qu’il y joue et dans le rôle que les autres y jouent. C’était censé s’appeler le capitalisme d’après Adam Smith ». Sauf qu’il a été dévoyé. Son fils de 14 ans montre à Larry comment : par Jeremy Bentham, l’utilitarisme du calcul hédoniste de chacun. Aucun projet collectif, l’égoïsme du chacun pour soi, avec la force pour droit. L’adolescent « achèterait un avenir à la planète », le désordre climatique ayant tué sa maman.

Chacun des autres envoie ses gros bras dissuader Larry B. Max de participer, croyant être le seul à mieux savoir que tout le monde ce qu’il faut à tout le monde. Le colonel veut surarmer l’Amérique et financer la recherche sur de nouvelles armes pour un monde dominé par les élites yankees ; le mafieux veut garantir la croissance actuelle en préparant les villes aux changements du climat, tout en les protégeant des flux d’immigrants ; l’hritière à papa veut financer la recherche sur les implants vitaux qui permettront à ceux qui peuvent se le payer d’être alertés sur leurs dysfonctionnements et pouvoir ainsi obtenir des traitements adaptés. En bref, rien de bien neuf dans le monde trompeur des trumpiens qui ont voté grande gueule et agressivité.

Argon a réuni les trois sur son bateau, et Larry, qui avait décliné la proposition, finit par se joindre à eux à la surprise de tous. Non pas pour un projet de dépense des trente milliards, mais pour tout simplement l’en empêcher. Il a découvert un document, issu des recherches de l’avocate, faisant état d’un orphelinat en Australie financé par Argon, avec deux autres pour noyer le poisson. L’origine de sa fortune vient de là… Et la fin, que j’omets volontairement, est spectaculaire.

Le scénariste Desberg caricature évidemment un peu tout : les milliardaires forcément salauds, les puissants prêts à tout et à tuer, l’élitisme forcené de la nouvelle classe libertarienne, le génie informatique des surdoués désintégrés dès 10 ans, le cocon de la famille et des rejetons. Il simplifie le monde entre bons et méchants, dans la ligne du catholicisme belge de ses années de jeunesse, le diable et le bon Dieu. Mais c’est une BD d’action, pas de pédagogie sur les affaires. Elle convient parfaitement à l’époque superficielle et moutonnière, qu’un James Bond financier, papa comme tout le monde, rassure.

Stephen Desberg et Carlos Rafael Duarte, I.R.$ Trente milliards de dollars – tome 25, 2025, Lombard, 56 pages, €13,95 , e-book Kindle €5,99

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